(✰) message posté Mar 28 Oct 2014 - 2:25 par Invité
“What is that feeling when you're driving away from people and they recede on the plain till you see their specks dispersing? - it's the too-huge world vaulting us, and it's good-bye. But we lean forward to the next crazy venture beneath the skies.” ― Jack Kerouac, On the Road ✻ Un profond silence régnait sur les majestueux bâtiments du TIMES UK. J’étais seul et aigri. Les feuilles m’entouraient de partout, et pourtant je n’arrivais pas à me concentrer sur une tâche habituelle : Ecrire deux foutus articles sur l’économie de rente dans la capitale anglaise. Mes pensées chahutaient, s’entrechoquaient puis se perdaient quelque part dans mon subconscient. J’écoutais les lamentations de mon âme vibrer au rythme du blues qui se répandait dans la pièce : Comment dire au revoir à Eugenia ? Je saisis une cigarette dans un élan de lassitude, sans quitter ma cane orthopédique des yeux. Comment lui cacher mon opération et ma fugue imminente au Pays du rêve et de l’oubli ?
Au fond de mon cœur je savais que je la blessais. Chaque jour, était une nouvelle douleur que je lui assénais. Peut-être avait-elle raison. Peut-être que je n’étais qu’un gosse revanchard et impulsif, mais que je refusais de me l’admettre. Je me mordis la lèvre inférieure en tirant une profonde latte. Toutes les fumées et les vapeurs du monde, ne pouvaient soulager mon fardeau. J’avais l’impression de trahir ma mémoire et de ternir toutes mes promesses de loyauté. Je déglutis en saisissant mon téléphone.
J’étais toujours au bureau, mais j’étais incapable de lui avouer que je prenais de l’avance sur mes dossiers pour partir. Elle allait me détester d’avoir menti – mais au point où on en était, il m’était impossible d’agir autrement. Mon adoration pour Athénaïs brouillait ma perception de la réalité. Tout me semblait plus facile, presque surmontable. J’avais des démons que je ne pouvais supporter. Mes mains se crispaient en poings fermés avant de s’ouvrir et de s’embraser. Je me levai d’un bon sans prendre soin d’écraser mon mégot. Au bout d’un moment il allait bien finir par s’éteindre dans une gracieuse mort. Comme toutes les flammes dans ma vie. Je me dirigeais en titubant vers la sortie. Ma démarche était incertaine, uniquement soutenue par les claquements de ma cane. Je n’étais pas sensé forcer mais il me paraissait presque légitime de conduire ma voiture ou de taper du pied. C’était des plaisirs quotidiens dont je ne pouvais pas me passer.
Je me dirigeai vers Hammersmith en trombe. La route était sombre et déserte à cette heure aussi matinale. Le vrombissement du moteur me guidait dans mes divagations. C’était une délectation pour mon âme de se détourner de ses angoisses et de se concentrer sur des sons aussi dérisoires. Je soupirai en m’arrêtant à deux rues de chez Eugenia. Je pris quelques instants de réflexion avant de me résigner à descendre. L’air frais ponctuait ma démarche. Je m’accrochais aux bords du métal pour ne pas flancher. J’ouvris le coffre afin de cacher ma cane – et ma chaussure orthopédique. Toutes ses choses qui risquaient de m’incriminer. Elle était bien trop habituée à ma routine post-opératoire pour que je puisse la tromper aussi facilement. Je me mordis la lèvre inférieure en pestant contre le destin. Je me glissai sur mon siège.
_ Im two blocks away. You can come down. Don’t forget your bikini. XOXO
Je m’arrêtai en face du bâtiment en briques rouges. Mon cœur se serra – C’était une déception continuelle. Je retombais en plein passé. J’avais l’impression de revivre mon départ pour Liverpool, à l’exception près que j’étais le seul à dire au revoir.
Son visage enfantin apparu dans la lueur crépusculaire. Je souris, en l’enveloppant d’un regard affectueux. Elle avançait en ma direction en tirant sur les roues de son charriot. Je descendis de la voiture en prenant soin de faire bonne figure. Mon genou était trop instable pour me soutenir, mais peu importe. Je pouvais supporter le temps d’un souvenir.
« J’espère que tu n’as pas mangé … Je suis généralement mort de faim quand je fais des nuits blanches. Mais ça tu le sais déjà ! » Lançai-je avec un entrain sur joué. Je me penchai à sa hauteur afin de déposer un baiser sur sa joue. « Prête ? »
Je lui ouvris la porte, en l’invitant à s’installer dans le siège côté passager.
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(✰) message posté Mer 29 Oct 2014 - 22:40 par Invité
i will never, ever regret the things i've done. because most days, all you have are places in your memory that you can go to;; sometimes leaving is the only way to be there for someone. ✻✻✻ Il s'agit d'une avancée révolutionnaire, mademoiselle Lancaster. La médecine n'en est qu'à la phase d'essais mais les résultats sont si encourageants qu'être un patient permettant à faire avancer les recherches est une réelle chance, pour vous. Les muscles de ma jambe droites se contractèrent dans un spasme que je ne pouvais contrôler, et je serrai les dents en fermant les paupières. Un. Deux. Trois. Avancée révolutionnaire. Quatre. Cinq. Six. Résultats encourageants. Sept. Huit. Neuf. Marcher. Marcher sur ses deux jambes. Il y avait des nuits où je ne parvenais simplement pas à dormir. Des nuits où je ne réussissais même pas à fermer l'œil. Bien souvent, les personnes oubliaient que je n'étais plus maîtresse de mon corps au point d'endurer ses caprices que cela soit en pleine journée ou au beau milieu de la pénombre ; j'étais victime de douleurs fantômes que rien, ni personne, ne pouvait y faire. Je n'avais qu'à endurer en silence. Je n'avais qu'à supporter, supporter dans l'unique espoir pour que cela cesse rapidement. Les connections nerveuses de mon corps étaient endommagées, après tout. D’informations erronées circulaient constamment jusqu'à mon cerveau. J'avais rapidement refusé les antidouleurs. Refusé d'être assommée par des cachets pour mon propre bien. Alors, lorsque cela m'arrivait, je me contentai de fixer mon plafond, de réfléchir à toutes ces choses que j'aurais probablement voulu oublier. Les paroles de mon médecin me revinrent une nouvelle fois à l'esprit lorsque la sensation de brûlure, au niveau de mes pieds, reprit. Je passai une main sur mes yeux pour inciter mes pensées à se taire. Ma peau fiévreuse était moite sous ma paume froide. Peut-être devais-je appeler ma sœur. Demander de l'aide. Hurler au secours. Je sentais mes pensées dévier, se délier, sombrant doucement dans des délires qui balayaient tout le reste. Le haut de mon corps remua mais mes jambes ne suivirent pas le mouvement ; j'avais chaud, j'irradiai. Et, par-dessus tout, j'avais mal. Mais je demeurai silencieuse. Comme à chaque fois, je gardai mes plaintes pour moi-même, enfouissant ce que je ressentais au plus profond de mon être pour ne pas empiéter sur l'existence des autres. C'était mon combat, pas le leur. J'étais celle qui était malade. J'étais celle qui souffrait. Les minutes défilèrent et j'oubliai de les mesurer, plongée dans ma demi-inconscience. Ce fût seulement la vibration ronronnante de mon téléphone portable qui me ramena sur Terre et, dans un effort, je tendis le bras jusqu'à ma table de chevet pour l'attraper entre mes doigts. Je fronçai les sourcils en plissant des paupières pour lire les lignes qui défilaient sous mes yeux ; ma tête, assaillie par les douleurs, me faisait mal à son tour. Je mis plusieurs instants avant de comprendre qu'il s'agissait de Julian, et une poignée d'autres pour parvenir à rédiger une réponse cohérente ; j'appuyai sur le bouton envoyer avant de me laisser retomber sur mes coussins. Je ne savais même pas si cela était réel. Si les messages textes qui suivirent étaient réels, eux aussi. J'eus l'impression de vivre dans un des délires de mon esprit ; lorsque, finalement, nous convînmes de nous retrouver un peu plus tard pour petit-déjeuner ensemble, j'étais presque sûre d'avoir imaginé notre conversation. Pourtant, cela ne m'empêcha pas de me sortir du lit, fiévreuse, le corps en sueur, les pensées tourmentées et les jambes agités de spasmes musculaires. Mes gestes étaient lents et peu assurés ; pourtant, je parvins à rejoindre la cuisine pour finalement attraper une boîte d'antidouleurs, et avaler une gélule sans trop de difficultés. Puis, je ne bougeai plus. Je restai là, assise, attendant simplement que les douleurs s'en aillent, attendant simplement que les spasmes s'espacent. La souffrance finit par partir, oui. Mais elle ne s'en allait jamais complètement. Je perdis le fil de mes actions, de mes gestes. Je me douchai avec lenteur, pour finalement m'habiller et me maquiller très légèrement ; je renonçai à l'idée de mettre des lentilles et je posai mes lunettes sur mon nez, l'ombre d'un sourire naissant au coin de mes lèvres. Je savais ce que Julian pensait de ces lunettes. Cela était bien une chose qui m'avait poussé à ne jamais changer leur monture. Je retournai finalement dans ma chambre en étant prête, lente et fatiguée, mais prête. Mes yeux se posèrent sur mon dossier médical, ouvert sur mon bureau ; mon cœur se serra. Je ne savais pas quand est-ce que j'allais finalement être programmée pour une opération. Je ne savais pas quand est-ce que j'allais encore être hospitalisée. Mais cela était proche. Beaucoup trop proche pour que je parvienne à être sereine vis-à-vis de cela. Je ne savais même pas si j'avais le droit d'en parler avec Julian, si cela était une chose qui m'était autorisé ; j'avais évoqué le sujet plusieurs semaines auparavant, mais j'avais peur de relancer, peur d'en reparler. Je pris une profonde inspiration. J'avais l'impression de flotter au-dessus de mon corps ; je me sentais loin et protégée, enveloppé dans les mensonges. Après tout, c'était cela. Les antidouleurs mentaient à mon corps. Ils lui faisaient croire en une tranquillité qui ne serait jamais naturelle. Je reçus un dernier message de Julian, m'indiquant qu'il était finalement arrivé. J'attrapai mon perfecto avant de le passer sur mes épaules, me retrouvant sur le palier de mon appartement en fermant la porte derrière moi. Je pris rapidement l'ascenseur, arrivant devant mon immeuble à l'instant même où Julian se gara en face. En me voyant, il me sourit, et je ne pus rien faire d'autre hormis lui sourire en retour. Je m'avançai à mon rythme jusqu'à sa voiture et il descendit pour m'accueillir ; du coin de l'œil, je notai sa démarche tremblante, mais ma tête était trop douloureuse pour que je parvienne réellement à m'y attarder. Il m'embrassa la joue, et je l'observai avec un sourire timide. « J’espère que tu n’as pas mangé… Je suis généralement mort de faim quand je fais des nuits blanches. Mais ça tu le sais déjà ! » me dit-il et je me mis à rire doucement. « Prête ? » J'hochai la tête avec lenteur, tandis qu'il m'ouvrait la porte de sa voiture. Cette fois-ci, il n'insista pas pour m'aider. Je pris une inspiration en m'avançant jusqu'à l'ouverture. L'une après l'autre, je passais mes jambes encore agitées à l'intérieur, avant de finalement prendre appui sur la poignée accrochée au plafond de l'habitacle. Je ressentis ma fatigue dans tous les muscles de mes bras, et je me sentis faiblir ; juste à temps, mon dos rencontra le dossier du fauteuil et je replaçai mes jambes correctement comme si rien n'était. Je ne voulais pas l'affoler. Je ne voulais pas qu'il s'inquiète. Il avait beau me jurer le contraire, je savais que cela faisait partie des choses de mon quotidien qu'il ne parviendrait pas à accepter. « Comme une pro. » lançai-je avec un semblant de fierté. J'attendis qu'il range mon fauteuil et qu'il regagne l'intérieur de la voiture pour boucler ma ceinture. Je lui adressai un sourire, les pensées embrumées. « Bien sûr que je n'ai pas encore mangé. Je n'ai pas très faim, cependant. Mais j'espère que ça viendra sur la route. » marmonnai-je. « Tu vas bien ? » Je l'observai, le regard voilé. Je ne parvenais pas à le dévorer du regard comme j'avais l'habitude de le faire ; j'avais l'impression d'être ailleurs et pourtant, je voulais être là. Mais je ne parvenais pas à me raccrocher à la réalité.
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(✰) message posté Jeu 30 Oct 2014 - 15:06 par Invité
“What is that feeling when you're driving away from people and they recede on the plain till you see their specks dispersing? - it's the too-huge world vaulting us, and it's good-bye. But we lean forward to the next crazy venture beneath the skies.” ― Jack Kerouac, On the Road ✻ L’obscurité voilait mon visage placide. Il y’ avait quelques jouissances, peut-être même quelques douleurs dans cette rencontre fortuite. Eugenia était la réincarnation d’un romantisme noir et d’un rêve jamais réalisé. Je m’accrochais à mes ambitions et toutes ces choses incroyables que j’avais su accomplir à partir de rien. Mais tous mes plaisirs restaient ternes et insipides sans elle. Même si je m’aventurais dans les landes de l’oubli, et que je parcourrais des milliers de KM à contre sens, elle restait là, fragile et fugitive au creux de ma mémoire. C’était une malédiction. Une punition céleste. Je ne comprenais pas ce qui m’arrivait. Toutes mes pensées se dirigeaient immanquablement vers Cardiff. Ma quête était aussi vaine et dérisoire que celle de mon père, le deuil était une valeur incertaine. Je n’y arrivais pas. Elle me hantait comme un fantôme cruel et déraisonnable. Je la regardais rouler en ma direction – il me fallut quelques minutes avant de remarquer ses grandes lunettes et son petit air de manga. Mon cœur s’affolait dans ma poitrine, animé par les vestiges de mon amour de jeunesse. Elle était fidèle à l'image de l'adolescente désabusée et adorable, exactement comme je l’avais vu / aimé la première fois. Je déglutis, en me dirigeant vers elle comme un automate. Mes articulations étaient rouillées, et même si je parvenais encore à tenir debout, le style et la démarche virile étaient des luxes que je ne pouvais plus me permettre.
J’avais longtemps pensé, et encore aujourd’hui, que sa voix possédait des vertus secrètes et hypnotiques. Je frôlai sa joue du bout des lèvres mais ce geste si simple et si innocent, était un drame à lui seul. Je sombrais dans le glissement mélodieux de ses paroles. Pourtant elle n’avait fait qu’hocher frénétiquement la tête. Tout n'était qu'illusions et mirages. Je souris d’un air entendu en me redressant. Elle se dirigea vers la voiture. Je peinais à garder un rythme convenable. Ça me tuait de ne pas l’aider, mais ça aurait été une folie de m’aventurer plus loin que les limites de mon corps. Je me mordis la lèvre inférieure en la regardant se hisser jusqu’au siège passager. J’avais mal de la voir aussi fragile. Mon cœur oscillait irrémédiablement entre le sentiment d’une perte douloureuse et la sensation d’une joie saccagée. Je rendais les armes. C’était fini.
« Comme une pro. » Lança-t-elle d’une petite voix. Je souris à peine. C’était triste. J’étais triste.
Je pliais son fauteuil avec application. C’était plus facile, maintenant que j’avais imprimé le mode d’emploi dans mon cerveau. Je me dirigeais vers le coffre en titubant. Je m’accrochai aux portes afin de ne pas flancher. Je posai son fauteuil dans un coin, avant de prendre trois cachets d’une traite. Je n’avais pas encore pris mon traitement antidouleur, mais j’espérais qu’en doublant les doses j’arriverais à engourdir ma jambe assez longtemps pour profiter de la plage et de Ginny. Je la rejoins, en silence.
« Bien sûr que je n'ai pas encore mangé. Je n'ai pas très faim, cependant. Mais j'espère que ça viendra sur la route. Tu vas bien ? »
Je me retournai afin de la fixer du regard. Je me perdais dans la contemplation de son visage enfantin, comme toujours. Quelle obscure puissance me poussait-elle à la fuir ? Elle m’avait l’air si inoffensive. Je frôlai sa main avec délicatesse.
« Tu n’as pas faim ?! » M’enquis-je surpris. Eugenia avait toujours faim. Tout le temps. Même pendant les heures les plus improbables de la journée. Je fronçai les sourcils. « ça viendra en route. Tu iras mieux à la mer. » Je serrai ses doigts avec désespoir. « Je vais bien. Nous allons bien. » Murmurai-je en repositionnant sur mon siège.
Je démarrai la voiture – tout en respectant une certaine limitation de vitesse. Je ne voulais pas la brusquer. Mon genou grouillait sous la pression de mon pansement, mais je refusais de me laisser submerger par la douleur physique. J’allumai la radio avant de me tourner vers elle.
« On va en avoir pour une petite heure, voire plus. J’espère que tu es prête à supporter mes nouveaux goûts musicaux. » Raillai-je en lançant le dernier album de Maroon 5.
Les lueurs crépusculaires se dessinaient dans l’horizon, annonçant l’arrivée du soleil dans toute sa splendeur. Je pris la nationale en direction du port de Londres. La mer s’étendait sur plusieurs dizaines de KM à l’intérieur des terres. Un site merveilleux, mais contraignant. Je plissai les yeux en accélérant.
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(✰) message posté Ven 31 Oct 2014 - 12:07 par Invité
i will never, ever regret the things i've done. because most days, all you have are places in your memory that you can go to;; sometimes leaving is the only way to be there for someone. ✻✻✻ Je posai mes mains sur mes jambes, sentant les sursauts incessants de mes muscles sous mes doigts. Je ne pouvais rien y faire. Personne ne pourrait rien y faire. Je connaissais sans cesse des hauts et des bas ; aujourd'hui, j'avais l'impression d'être plongée dans une abysse interminable. Je me mordis l'intérieur de la joue en attendant patiemment que Julian finisse de ranger mon fauteuil, priant corps et âme pour que mes spasmes musculaires cessent et me laissent tranquille pour le temps d'un instant. Je ne voulais pas qu'il me voit dans les pires retranchements de ma condition. Je ne voulais pas qu'il constate qu'être handicapée allait bien plus loin que mon incapacité à marcher ; je ne voulais pas qu'il connaisse ces douleurs qui me hantaient, ces sensations de brûlures qui envahissaient mes pieds, ces soubresauts de mon corps instable. Malgré moi, je continuais de le protéger malgré l'application toute particulière qu'il avait eu pour me prouver que j'avais tort de le couver ; il ne voulait pas être sauvé. Il ne voulait pas être épargné. Et, pourtant, malgré moi, malgré toutes les choses qu'il avait pu me dire et tout ce qui avait bien pu se passer, je continuais à m'enfermer dans mes principes. Je continuais à l'épargner. Je ne voulais pas qu'il se rende compte du désastre que j'étais devenue. Je ne voulais pas qu'il me regarde comme une chose fragile, même si je savais qu'il le pensait déjà à moitié ; j'avais été suffisamment lucide pour noter la tristesse qui avait hanté son visage lorsque j'avais feint d'être victorieuse en parvenant à m'asseoir seule sur le siège de la voiture. J'avais été suffisamment lucide pour lire les pensées qui avaient effleuré son esprit, simplement en regardant ses traits, lorsqu'il m'avait observé quelques secondes de trop. Mais je n'avais rien dit. Je n'avais rien fait. Mon esprit vivait loin de la réalité, enfermé dans un monde où je ne connaissais ni douleur ni déception. Je restai dans les souvenirs, mêlés à cet instant présent qui me rappelaient ce temps où les choses étaient plus faciles. Parfois, cela était tout ce qu'il me restait. Parfois, j'étais si démuni que le passé était la seule chose qui me maintenait encore en vie. « Tu n’as pas faim ?! » s'exclama Julian et je tournai la tête vers le siège conducteur. Je remarquai qu'il s'était installé à son tour. Je secouai la tête pour revenir sur Terre, mes pensées demeurant inlassablement brumeuses. Ses doigts effleurèrent les miens, avant de les serrer. Cela était la seule prise que j'avais sur le présent. Sous notre poigne, la cuisse tressauta. « Ça viendra en route. Tu iras mieux à la mer. Je vais bien. Nous allons bien. » me murmura-t-il et j'esquissai un sourire, hochant doucement la tête. « Nous allons bien. Et nous irons encore mieux à la mer. Je m'y sens à la maison. » lui répondis-je doucement. Mais il le savait déjà. Il savait parfaitement que j'avais grandi près de la mer, des rivages, que les plages étaient sans doute le seul endroit au monde où je me sentais chez moi. Elles avaient été mon échappatoire durant de longues années, lorsque je ne m'étais pas sentie à ma place. Elles avaient été synonymes de calme, d'apaisement. Après tout, lors de notre adolescence, il avait pu constater à quel point je pouvais revivre en sentant simplement l'air marin balayé mon visage. J'observai son expression, et je sentis mon cœur se réchauffer. Il n'avait pas oublié. Il n'avait pas oublié à quel point cet environnement me tenait à cœur, à quel point cela était l'endroit qui était susceptible d'apaiser mes peines. Finalement, il prit la route, et j'observai le paysage défiler sous mes yeux. Je sentis mes jambes se calmer légèrement, et je fermai les paupières. Je pouvais presque sentir les cernes qui avaient creusé les traits de visage. Bien au-delà de la douleur, la fatigue était l'un de mes pires fléaux. Julian joua avec son poste radio, avant de sélectionner un morceau. « On va en avoir pour une petite heure, voire plus. J’espère que tu es prête à supporter mes nouveaux goûts musicaux. » m'adressa-t-il. Je demeurai silencieuse le temps de reconnaître l'artiste, et après quelques notes, j'eus un sourire. Je me redressai sur mon siège à l'aide de mes mains, avant de désigner du doigt la radio. « Maroon 5. Très bon choix. Tu savais que j'avais été très longtemps amoureuse en secret d'Adam Levine ? » lui lançai-je. « Mais je me suis faite une raison. Notre amour est impossible. Je suis trop bien pour lui, tu comprends. » J'esquissai un sourire amusé, avant de redevenir silencieuse pour simplement écouter le morceau. Mon coeur battait sans doute trop vite, à mesure que la voiture prenait de la vitesse ; mais, avec les semaines, j'étais parvenue à contrôler mes craintes et mes peurs dans une certaine mesure. J'avais fait un travail sur moi-même. J'avais refusé de demeurer traumatisée, même si la ceinture contre ma peau semblait encore me brûler, même si mes bribes de souvenirs recommençaient à habiter mon regard. J'observai par la fenêtre la circulation ; Julian faisait attention à sa conduite et je lui en étais reconnaissante. Je me sentais en sécurité. En sécurité avec lui et dans mes souvenirs, dans l'ombre de ce que nous avions bien pu être l'un pour l'autre un jour. Cet instant semblait être hors du temps, hors de ce présent chaotique qui caractérisait notre devenir. Je me sentais sereine malgré mes douleurs. Je me sentais sereine malgré les spasmes musculaires qui agitaient mon corps. « J'aimerais bien recommencer à conduire. » lançai-je, la tête tournée vers la fenêtre, avant de l'observer, lui. « Il faudrait que je me renseigne. » Je me sentais libre de parler, libre de m'exprimer. Cela n'était pas le genre de choses dont je pouvais parler avec Scarlet ; sans cesse, je craignais qu'elle s'en fasse pour moi, qu'elle imagine le pire. Mais, en cet instant, je me sentais à l'aise. Je me sentais libre. Je me sentais en confiance, avec lui. J'étais saine et sauve.
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(✰) message posté Dim 2 Nov 2014 - 15:32 par Invité
“ A lost memory. How can this be love if you’re leaving me ? I can’t see you right now cause I just can’t fake it. I can’t be near you right now, cause I know you’re no longer mine. I can’t see you. We’re strangers in different places though we leave a mile apart. I still think of you I pray that you are safe. I'm still missing you . But it has to be this way 'cause I'm not right for you. I said goodbye because I love you. ” ✻ Peu à peu, nos surnoms raisonnaient avec une douce frayeur dans la gravité tragique de nos destins opposés. Je ne pouvais plus supporter de la voir, et de songer qu’elle n’était plus à ma portée. Ginny était l’écho euphorique qui animait ma vie, et même si je l’avais mise à l’écart durant une année – jamais je n’avais réussi à effacer son visage de mes pensées. Elle était mon pilier, le bleu sombre qui brisait la voussure du ciel afin de purifier mon cœur. Je me tenais droit dans un silence impérial. Les rythmes de la musique vibraient comme des vents gémissants et violents dans mes oreilles. Je refusais de m’extirper de ma solitude et d’embrasser cet instant. Je me perdais comme un souffle dans les ténèbres. J’étais désabusé, malgré tous mes efforts et toutes mes réussites. Je n’étais qu’un enfant brisé face à son regard olive. Et je l’aimais au-delà des frontières permises. Je l’aimais comme un damné, voué à répéter le même cycle vicieux. Mes pensées n’étaient que le grincement strident d’une porte rouillée. Ils ne menaient nulle part. Peu importe ce que je fais. Peu importe ce que je dis. Je suis fini.
« Nous allons bien. Et nous irons encore mieux à la mer. Je m'y sens à la maison.» Sa voix n’était que douceur et délicatesse. Je vacillais, emporté par mes doutes et mes complexes cachés. Je lui souris d’un air contenu. La mer avait toujours été notre refuge – et même si je n’étais pas un très bon nageur, elle m’avait appris à apprécier la brise maritime et le contact des sables brûlants. Les murmures du passé me berçaient tandis que les images de Cardiff hantaient à nouveau ma mémoire. C’était une image troublante et inaccessible. La mélancolie était toujours empreinte par une certaine tristesse. Et la mienne n’était que désarroi et regrets. Je plissai les yeux, en changeant la playlist.
« Maroon 5. Très bon choix. Tu savais que j'avais été très longtemps amoureuse en secret d'Adam Levine ? Mais je me suis faite une raison. Notre amour est impossible. Je suis trop bien pour lui, tu comprends.»
Je ris avec légerté. Elle essayait de déjouer le sort maléfique qui s'abattait sur nous. Je fis la moue.
« J’ai moi-même été très longtemps amoureux d’Adam Levine ! » Raillai-je.« Mais je suis tenace – Aucun amour n’est impossible. Il faut juste beaucoup de temps pour le gagner. » Je crispai mes mains autour du volant. Mes espoirs avaient dépassé ma raison. Je déglutis en me laissant ronger par le silence. Mon démon était terrible, et j’étais bien résolu de ne pas me laisser submerger par la peur.
La route défilait sous mon regard meurtri. Tout le monde cache une blessure, je voulais croire qu’Eugenia n’était pas ce trou béant qui rongeait ma poitrine mais c’était me leurrer. Sa voix s’élevait dans le bruit pour captiver tous mes sens, et me rappeler que j’avais failli un million de fois : Je m’étais tu, j’étais parti à Liverpool, j’avais coupé les ponts pendant mes partiels, j’étais revenu moins souvent que j’avais promis, et j’avais cédé à l’abandon lorsqu’elle était partie. Combien de fois l’avais-je blessé ? Je ne m’appliquais pas à la détruire. C'était inné. J’existais, et tous les drames se succédaient. Je soupirai.
« J'aimerais bien recommencer à conduire. Il faudrait que je me renseigne.»
Mon cœur rata un battement. Son regard s’attardait sur mon profil. Je ne voulais pas la perdre à nouveau. J’avais tout à coup si peur, mais je ne voulais pas la retenir prisonnière de sa condition. Je souris à peine.
« Tu n’as pas besoin de conduire. » Soufflai-je à moitié. « Mais quand tu te sentiras prête, tu devrais essayer. Je ne me suis jamais intéressé aux voitures pour … » Ma gorge se noua. Je n’arrivais pas à le dire. « Je me renseignerais aussi. » Fini-je par trancher en accélérant dans un élan de folie. Je voulais détourner mes pensées en me perdant dans la vitesse.
Je pouvais enfin apercevoir la mer après quelques 100 KM sur la nationale déserte. Mon esprit s’élevait avec légèreté – transporté par une douce nostalgie. Mon genou était engourdi, au même titre que mes muscles abdominaux et mes bras. Mes comprimés étaient puissants, mais leur effet n’était hélas pas ciblé. Je flottais dans une brume éphémère. Je stationnai afin de fixer Eugenia. Je voulais profiter, le temps que ça durait.
« Tu n’auras pas besoin de ton fauteuil. » Je souris, au souvenir de la fois où nous avions abandonné le mien au bord de la route. C’était une semaine avant le bal de promo. « Je peux te porter ? »
Je descendis sans lui laisser le temps de répondre. Je titubais moins. La douleur s’en était aller afin de laisser place aux ombres obscures qui me hantaient. Je pris une grande inspiration. L’odeur de l’eau salée, et la fraîcheur ambiante faisaient choir mes inquiétudes. J’ouvris la portière en lui tendant les bras. J’avais tout à coup besoin de cette étreinte douce et mensongère.
« Je pense que je ne te laisse pas le choix. » Souris-je, les yeux pétillants. « Penses-y comme une scène romantique de ton film préféré : Notebook ? » Hasardai-je au souvenir de notre dernière soirée cinéma.
Mes mains frôlèrent ses cuisses fragiles. Pouvait-elle me sentir lorsque j’essayais de briser ses barrières ?
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(✰) message posté Dim 2 Nov 2014 - 18:48 par Invité
i will never, ever regret the things i've done. because most days, all you have are places in your memory that you can go to;; sometimes leaving is the only way to be there for someone. ✻✻✻ Je regardai la route défiler mais c’était ma vie que j’avais l’impression de voir. Après tout, j’avais le sentiment que cela était la même chose ; une succession d’images et de couleurs, dont l’allure ne semblait pas vouloir ralentir. Je pensais régulièrement à ce passé qui n’appartiendrait plus jamais à mon présent. Je pensais régulièrement aux différentes étapes de ma vie, aux diverses épreuves que j’avais traversé, aux évènements qui s’étaient produits et qui s’étaient enchainés. Je songeais plus souvent que nécessaire à ces instants que j’avais pu partager avec Julian. Ces instants heureux, tant bien même qu’ils aient été empreints d’une certaine douleur et d’une retenue blessante. Leur perfection était incomplète mais ils me paraissaient être les plus beaux moments de ma vie défectueuse. Je me revoyais plus jeune et plus candide. Je me revoyais vivre dans mes illusions et mes espoirs. Je me trouvais à la fois idiote et belle, à ma manière, belle dans cet aspect enfantin que j’avais gardé beaucoup trop longtemps et cette espièglerie qui m’avait caractérisée. Mais toutes ces choses s’étaient détachées de moi à l’instant où j’avais cessé d’y croire. Je n’étais plus si enfantine. Je n’étais plus si candide. Je n’étais plus si vive. Je vivais dans l’illusion d’une personne que j’avais été un jour ; j’étais fidèle à mon passé sur certains points, mais j’étais devenue sombre et amère pour le reste. Sourire était si difficile, parfois. Continuer était une épreuve, certains jours. J’en venais à me demander comment j’avais bien pu faire pour continuer de me lever. Je voulais que les choses s’arrangent mais je me retrouvais coincée, coincée dans cette existence que je ne désirais pas. Je poussai un soupir, calme et silencieuse, en proie à tout ce que je pouvais bien penser et à ces souvenirs qui envahissaient chaque pore de ma peau. Je peinais à croire que nous ayons pu être heureux, tous les deux. J’avais l’impression qu’une vie entière s’était passée depuis notre insouciance. Les choses n’étaient pas faciles, désormais. Et elles ne le seraient jamais réellement. « J’ai moi-même été très longtemps amoureux d’Adam Levine ! » me déclara-t-il et j’esquissai un sourire en l’observant, amusée par ses paroles. Il se moquait de moi mais je ne lui en tenais pas rigueur. J’avais étrangement l’impression de revenir dans le passé. « Mais je suis tenace – aucun amour n’est impossible. Il faut juste beaucoup de temps pour le gagner. » Ses paroles demeurèrent dans l’air sans que je ne leur trouve aucune réponse. Je fronçai légèrement les sourcils avant d’observer par la fenêtre le paysage qui s’en allait au loin ; je ne savais pas comment prendre ses paroles et je préférais m’abandonner au silence plutôt que briser cet instant calme, ce repos qui semblait empreint de perfection. Cela était peut-être une illusion mais je ne voulais rien gâcher. Cela était peut-être une illusion mais je me plaisais dans cet apaisement qui m’envahissait. Je me fichais que cela soit éphémère. J’étais simplement heureuse que cet instant se produise. Je ne savais pas de quoi serait composé mon futur. Tout me semblait incertain. J’étais effrayé par le déroulement des choses ; j’avais appris, avec le temps, que rien n’était jamais comme nous avions bien pu l’imaginer. J’avais toujours été persuadée, d’une certaine manière, de finir mon existence avec Julian. J’avais toujours pensé devenir détective et faire partie de la police. J’avais toujours cru que j’aurais le droit à un mariage, que je pourrais avoir des enfants. Désormais, tout cela me semblait improbable. Je n’avais plus d’objectifs ni même d’aspirations. Je me contentais d’exister. J’étais une personne devenue fade avec le temps et les épreuves. « Tu n’as pas besoin de conduire. » me déclara Julian et je me mordis l’intérieur de la joue. L’idée que je recommence à conduire un jour ne lui plaisait pas. Je le savais. Je le sentais. « J’ai besoin d’être indépendante, Jules. » lui dis-je doucement, et il reprit, plus enclin à être d’accord avec moi. « Mais quand tu te sentiras prête, tu devrais essayer. Je ne me suis jamais intéressé aux voitures pour… » Pour handicapés. Mais il ne prononça pas ce mot-là. J’eus l’impression qu’il resta coincé au fond de sa gorge, et je déglutis, le feu aux joues. « Je me renseignerais aussi. » Je marmonnai des remerciements. Je baissai le regard sur mes mains, gênée. Il m’avait toujours assuré que ma condition ne changeait rien, pour lui. Qu’il me voyait toujours comme la même personne. Que son regard ne changerait jamais. Mais, pourtant, je ne m’étais pas trompée en pensant qu’il y avait certains aspects qu’il ne parvenait pas à accepter. J’avais eu raison de ne pas lui parler de mes douleurs nocturnes. Des brûlures qui envahissaient mes pieds à l’instant même où il entreprenait de se garer. Avait-il vu mes spasmes musculaires ? Voyait-il qu’aujourd’hui mes mains me faisaient souffrir, que mes paumes étaient bien trop abimées par mes roues malgré mes mitaines spéciales ? Je retins ma respiration lorsqu’il tourna la tête vers moi, la voiture à l’arrêt. « Tu n’auras pas besoin de ton fauteuil. » me déclara-t-il et j’ouvris la bouche pour protester. « Je peux te porter ? » Il n’attendit pas de réponse à sa question. Il descendit de la voiture en un seul mouvement, faisant le tour pour ouvrir ma portière. Mon regard se leva sur lui et je lui adressai un regard suppliant. Je ne voulais pas qu’il se fasse mal. Je ne voulais pas qu’il se sente obligé de me porter, qu’il me traite comme une infirme. Je ne voulais pas être indépendante de son étreinte et de son toucher. Il tendit les bras vers moi. Je n’esquissai aucun geste en sa direction, et je me contentai d’observer son regard pétillant. « Je pense que je ne te laisse pas le choix. Penses-y comme une scène romantique de ton film préféré : the Notebook ? » me demanda-t-il et j’esquissai un sourire, incapable de montrer que je n’étais pas amusée. « Dans the Notebook, la fille ne se fait pas porter parce qu’elle n’est pas fichue de marcher. » marmonnai-je en guise de maigre protestation. Mais je cédai à sa proposition. Je passai doucement mes bras autour de son cou, attendant qu’il attrape mes jambes. Je le sentis toucher mes cuisses qui tressautèrent une nouvelle fois. Je sentis son regard insistant sur moi. Je déglutis. « Je peux te sentir me toucher, Jules. » répondis-je à ses interrogations muettes. « J’ai simplement une asymbolie à la douleur. Je ne… Disons que la douleur n’est pas pénible, pour moi. Mais je ressens tes doigts sur mes jambes. Je ressens tout. » Ma voix était devenue un murmure et je fermai les paupières, attendant qu’il me soulève. Les personnes qui me portaient étaient bien souvent les médecins. Mon demi-frère. Mon père. J’avais l’impression d’abandonner mon indépendance et ce que j’étais ; je me sentais à la fois faible et fragile, mais je m’abandonnais dans les bras de Julian sans l’ombre d’une protestation de plus. Après tout, j’étais faible. J’étais fragile. Surtout en sa présence.
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(✰) message posté Dim 2 Nov 2014 - 21:38 par Invité
“ A lost memory. How can this be love if you’re leaving me ? I can’t see you right now cause I just can’t fake it. I can’t be near you right now, cause I know you’re no longer mine. I can’t see you. We’re strangers in different places though we leave a mile apart. I still think of you I pray that you are safe. I'm still missing you . But it has to be this way 'cause I'm not right for you. I said goodbye because I love you. ” ✻ Je n’avais pas beaucoup de choses à offrir. Mon âme se ployait dans une torsion douloureuse et anormale – pressentant l’étreinte de l’abandon. Eugenia se confondait dans mes songes. Elle était une résolution effrayante et terrible. Mais en même temps, elle était mon seul désir. Je m’accrochais à elle comme un filet de fumée lointain. C’était ridicule, mais je ne pouvais m’empêcher de songer que dans l’absolu – les âmes sœurs se perdaient pour mieux se retrouver. Cette vie n’était qu’un obstacle. Mais il y’ en avait un tas d’autres. Je baissais mes yeux sur le tableau de bord. Mon écran affichait 9°. Il faisait peut-être trop froid pour elle – Je pourrais toujours la couvrir avec ma veste. Je la regardais au coin sans oser briser le silence étrange qui régnait sur la voiture. La musique berçait mes inquiétudes, mais j’étais parfaitement à l’aise à ses côtés. Je ne saurais jamais traduire le charme qu’exerçait sur moi sa présence. Je pouvais blâmer la force de l’habitude, ou notre amitié fusionnelle. Je savais au fond, que c’était mon attraction malsaine pour elle. Mes émotions grouillaient aux dépends de ma raison. J’étais un homme pragmatique et ordinaire – mais je me laissais souvent perdre dans ma folie. Je déglutis.
« J’ai besoin d’être indépendante, Jules.» Lança-t-elle d’une petite voix.
« Et j’ai besoin que tu sois en sécurité, Ginny. » Rétorquai-je sur le même ton. Ce n’était pas un reproche, ni une lamentation. Je voulais simplement lui confier ma sollicitude à son égard.
Je pensais souvent à elle dans mes heures de solitude. Je me surprenais parfois à me languir de son parfum ou de son rire. Elle était toujours assise dans mon imaginaire, incapable de courir en ma direction ou de sauter dans mes bras comme elle avait l’habitude de le faire. Je lui en avais voulu pendant des mois. C’était presque injuste ; mais je ne pouvais pas me résigner à la détester en sachant qu’elle avait souffert le martyre. Et c’est ce qui fermentait ma torture incessante. J’avais besoin d’espace avant de l’embrasser à nouveau dans mon monde. C’était la décision la plus dure et la plus cruelle à prendre. Je voulais rendre hommage à nos souvenirs communs, et crier, et l’aimer comme un fou. Je voulais la serrer contre mon cœur, et pleurer, et m’abandonner à la mort. Mais j’étais incapable de la blesser d’avantage. Je ne pouvais pas prononcer les mots : Eugenia n’était pas une handicapée. Elle était tellement plus que ça.
Je marquai un arrêt avant de me retourner vers elle. La fraicheur de la mer fouettait mon visage placide, et m’insufflait un peu de courage. Je partais en exil en France pour mieux revenir vers elle. J’étais un homme éclopé, et les blessures de mon genou menaçaient de me laisser à terre. Elle ne m’aurait probablement jamais pardonné, si elle avait su que j’avais traversé une baie vitrée pour la rejoindre à Brighton. Je serrais la mâchoire en fendant vers elle.
« Dans the Notebook, la fille ne se fait pas porter parce qu’elle n’est pas fichue de marcher.» Protesta-t-elle. Je souris d’un air contenu.
« Dans the Notebook – les protagonistes font plein de choix idiots. On devrait faire de même. Viens là. » Je caressai sa main avec douceur. Je remarquai l’usure du temps sur sa paume rugueuse avec une profonde concertation. Je glissais sur ses cuisses et le tissu de sa robe longue. Je m’attardais sur sa peau avec désespoir. Je voulais la toucher et la sentir frémir sous mes doigts.
« Je peux te sentir me toucher, Jules.» Je me redressais, tout à coup gêné. « J’ai simplement une asymbolie à la douleur. Je ne… Disons que la douleur n’est pas pénible, pour moi. Mais je ressens tes doigts sur mes jambes. Je ressens tout. »
Je fermai les poings en me retirant.
« Je suis désolé. Je ne voulais pas … » Balbutiai-je en sentant ma tête tourner. Je lui souris d’un air innocent. Ce n’était pas mon attention d’être grossier – j’avais juste besoin de quelques assurances pour mieux comprendre. Je fis la moue en soutenant son corps fragile. Elle était plus légère que dans mes souvenirs. Je me redressais avec lenteur afin de ménager mon genou.
« On ira bien. Toi et moi. » Répétai-je comme une promesse. Mon visage était à quelques centimètres du sien. Je pouvais sentir mon souffle saccadé et les palpitations de mon cœur s’évanouir sur son torse fragile. Je fermai la portière d’un coup de bassin avant de faire glisser les clés de la voiture dans les mains d’Eugenia. « A toi de verrouiller. »
Je souris en m’aventurant sur l’étendue des sables et des arbustes sauvages. Le vent taquinait mes expressions tantôt joviales, tantôt dégagées. Je perdais tout mon self-contrôle. Je fis quelques pas chancelants avant de trouver un équilibre. Mon regard se perdait dans l’horizon, incapable d’accrocher le visage de ma bien-aimée. C’était étrange de la surnommer ainsi, même dans mon fort intérieur. Mon palais était brûlant, avide de confessions et de poésies. Je voulais rentrer chez nous : A Cardiff. Je me souvenais l’avoir invité à fuguer loin du Pays de Gale une fois. C’était tellement stupide de songer que je pourrais trouver mon bonheur ailleurs qu’en ces terres – à ses côtés.
Je me penchai sur une petite dune à quelques mètres de l’eau. Je ne voulais pas encore la poser – alors je la maintenais prisonnière de mes genoux et de mon souffle enflammé.
« Tu as froid ? » Murmurai-je. « Tes jambes sont gelées. » Fis-je remarquer en l’effleurant.
Je voulais capturer cet instant et trimbaler la photographie de son sourire avec moi. Partout. A tout jamais. Parce qu’Eugenia était ma famille. Parce qu’à chaque fois que je pensais à un foyer – elle me percutait comme un rayon de soleil.
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(✰) message posté Dim 2 Nov 2014 - 23:17 par Invité
i will never, ever regret the things i've done. because most days, all you have are places in your memory that you can go to;; sometimes leaving is the only way to be there for someone. ✻✻✻ Je ne parvenais pas à détacher mon regard de la mer, de la plage, de l’horizon qui se profilait sous mes yeux. L’aube envahissait l’espace ; nous étions arrivés trop tard pour le lever du soleil mais nous pouvions encore profiter de cet instant de quiétude qui prenait place dans cet endroit à des kilomètres de la réalité. La portière ouverte, je sentais l’air balayer mes cheveux. Je percevais le sel et la mer, le sable et les vagues paresseuses. Tous mes sens étaient en éveil et l’ombre d’un sourire pointait sur mon visage. Je me sentais sereine, presque, à la simple idée d’y être ; Julian ne devait sans doute pas se rendre compte du cadeau qu’il était en train de me faire en m’amenant ici. Je lui étais reconnaissante, tout simplement parce que j’avais pris l’habitude d’oublier le négatif lorsque le positif se présentait à moi, venant de sa part. Je me revoyais gamine, courant comme une dératée jusqu’aux vagues. Je me revoyais en la compagnie de Julian, faisant mes devoirs à plat ventre dans le sable lorsque les seuls problèmes de mon existence se résumaient des équations irrésolues. Je me revoyais plus vieille lorsque je l’avais aidé à marcher quand il avait eu ses problèmes de genou. Je me revoyais plus âgée, lorsque je revenais seule chez ma mère durant les vacances. Les années étaient passées et chaque instant que j’avais bien pu passer à la plage de Cardiff avait été singulier. Les années étaient passées et j’avais l’impression que ce passé auquel j’associais la mer était empreint de perfection, de perfection incomplète mais suffisante pour que cela me réchauffe le cœur. J’observai au loin les étendues de sables en songeant que, cette fois-ci, je n’aurais pas l’occasion de courir et me défouler. Je n’aurais pas l’occasion de me baigner et de plonger mon corps dans l’eau salée. J’aimais croire que cela n’était pas si grave. J’aurais sans doute l’occasion de le faire un jour, lorsque tout finirait par mieux aller. Je poussai un soupir, revenant doucement sur Terre en observant Julian se pencher vers moi pour m’attraper. Je n’avais pas être dépendante des autres ; je m’étais toujours appliquée à faire les choses moi-même, à m’en sortir seule. Je ne désirais pas être réduite à mon accident et mon handicap, même si j’étais bien souvent la première à le faire ; j’observai Julian en ne sachant que penser de ses gestes. Je n’étais plus habituée à tant d’attentions venant de sa part. Une partie de moi me soufflait que cela n’était pas normal ; cependant, mon cœur refusait d’y croire et n’y pensait pas, s’enfermant dans les espoirs candides que tout finirait par s’arranger. Tout irait bien, au bout du compte. Si cela n’était pas encore le cas, cela était simplement que cela n’était pas encore la fin. « Dans the Notebook les protagonistes font plein de choix idiots. On devrait faire de même. Viens là. » me lança-t-il. J’esquissai un sourire. Je l’avais peut-être contraint de regarder ce film, mais il avait suivi l’intrigue de loin, malgré tout. Je remarquai ses mains qui s’attardaient sur mes jambes et je ne pus m’empêcher de lui expliquer ce que je ressentais. Cela n’était pas la première fois que son regard criait ces questions muettes. J’avais simplement eu peur de répondre à ses interrogations avant cet instant précis. « Je suis désolé. Je ne voulais pas… » Je secouai la tête pour lui faire comprendre qu’il n’avait pas à s’excuser. Il n’était pas le premier et ne serait sans doute pas le dernier. J’avais l’habitude, cette habitude qui m’épuisait mais que je ne parvenais pas à détester. Je ne pouvais pas en vouloir aux autres de se poser des questions. Ils ne savaient pas, après tout. Ils ne connaissaient pas. Il finit par me soulever doucement, et mon corps quitta le siège passager de sa voiture. Je serrai ma prise autour de son cou de peur qu’il me lâche, mais il ne le fit pas. Il me tenait. Il me tenait fermement. Il me tenait comme si j’étais quelqu’un dotée d’une certaine importance. « On ira bien. Toi et moi. » me glissa-t-il et étrangement, je voulais y croire. Et je pouvais y croire. Je posai doucement mon visage dans son cou, tandis qu’il fermait la portière. J’inspirais doucement son odeur mélangée à la brise, persuadée que je désirais être nulle part ailleurs. Il glissa ses clefs dans mes doigts et je levai les yeux vers lui. « A toi de verrouiller. » Je me mis à sourire avant de m’exécuter, appuyant sur le bouton prévue à cet usage. Le bruit caractéristique du verrouillage des portes se fit entendre et il s’en alla, mon corps bercé par sa démarche lente et mesurée. « Ça fait dix-huit mois que je n’ai pas pu faire ça. » lui lançai-je avec un sourire, de nouveau pelotée dans son cou. « Merci. » Mon remerciement sous-entendait bien plus de choses que de simples clefs de voiture ; je fermai les yeux, me laissant bercer par sa démarche, notant l’hésitation qu’il eut à un moment donné. Je me sentais sereine et apaisée, contente de ne pas avoir à faire d’efforts pour me déplacer. Je savais que me réfugier contre lui de la sorte n’était sans doute pas une bonne idée mais j’appréciais ce contact. Sa peau était brulante dans la fraicheur matinale. Son odeur était accueillante et je me sentais chez moi. J’avais l’impression de vivre un calme après la tempête. Il finit par s’asseoir près de la mère, me gardant sur ses genoux. Mes bras restèrent autour de son cou et je l’observai, son visage bien trop proche du mien. Je détaillai son regard et ses yeux clairs, un sourire au bord des lèvres. J’aimais ses doigts sur mon corps, même s’ils étaient placés là par pure nécessité ; j’aimais me sentir aussi proche de lui tant bien même que cela me soit normalement interdit. Je vivais en plein rêve, en pleine illusion ; il réussissait presque à me faire oublier mes douleurs et j’étais soulagée de constater que mes jambes avaient cessé de s’agiter. « Tu as froid ? Tes jambes sont gelées. » me demanda-t-il en m’effleurant. Je secouai la tête, un léger sourire aux lèvres, le regard perdu dans les étendus de sable ; le lieu était désert, nous laissant seuls avec nous-mêmes. « Je ne ressens pas le froid, ni même le chaud, dans mes jambes. » lui expliquai-je dans un murmure. « Je vais bien. » Et cela était vrai. J’allais bien, extrêmement bien. Je n’allais peut-être pas bien comme les autres, emportés par des éclats d’hystérie et d’entrain ; je n’allais peut-être pas bien comme ces filles riant aux éclats et bavassant. Non. J’allais bien à ma manière, calme et sereine, silencieuse et plongée dans mes émotions. Cet instant si parfait me semblait sortir d’un songe. Je voulais l’imprimer dans mon être, dans mon esprit, pour m’en souvenir lorsque les choses finiraient par déraper de nouveau. « Tu penses qu’on peut s’avancer jusqu’au bord ? J’aimerais bien mettre mes pieds dans l’eau. A défaut de pouvoir nager. » lui demandai-je doucement. « Mais je veux rester avec toi. Comme ça. Je me sens saine et sauve quand tu me tiens. » Je l’observai avant de détourner le regard. L’air balayait mes cheveux, mes sentiments. Je me sentais à la fois toute petite et vivante, en sa compagnie ; je ne me sentais entière qu’en sa présence, après tout. Nous nous déchirions mais nous ne faisions qu’un malgré tout.
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(✰) message posté Lun 3 Nov 2014 - 4:38 par Invité
“ A lost memory. How can this be love if you’re leaving me ? I can’t see you right now cause I just can’t fake it. I can’t be near you right now, cause I know you’re no longer mine. I can’t see you. We’re strangers in different places though we leave a mile apart. I still think of you I pray that you are safe. I'm still missing you . But it has to be this way 'cause I'm not right for you. I said goodbye because I love you. ” ✻ Je pouvais voir ses yeux se perdre dans les étendues de sables et de sel. La brise maritime brisait le crépuscule afin de caresser son visage angélique. Il y’ avait une lueur d’espoir qui brillait au coin de son regard médusé. Je ne m’en rendais compte que maintenant, mais elle n’avait jamais été aussi belle, que pendant nos longues balades à la mer. Je souris d’un air contenu. La nostalgie était un fléau redoutable. Je me sentais tout à coup faible face au poids de mes souvenirs. Mon esprit était bercé par le rythme des ténèbres et je tombais encore et toujours dans les cryptes du passé. Je ne pouvais pas. Je ne voulais pas. Je me détournais d’elle pendant quelques instants – le temps de retrouver le contrôle.
Mes bras se tendirent afin de frôler sa peau. Je me permettais un écart de conduite en feignant la maladresse, ou un accès de curiosité. Mes excuses étaient dirigées vers ma conscience et ce cœur que j’essayais de tromper avec un acharnement exaspérant. Je retins mon souffle en la tenant fermement contre mon torse. Cette proximité était dangereuse mais je ne pouvais plus me résigner à la lâcher, maintenant que je l’avais prise sous mon aile. Elle sourit en verrouillant les portes de la berline.
« Ça fait dix-huit mois que je n’ai pas pu faire ça. Merci. .»
J’esquissais un sourire, touché par son timbre suave et la douceur avec laquelle elle avait prononcé ces mots. Elle se recroquevillait contre mon cou comme une petite fille. Je frémis en sentant son souffle chaud me chatouiller. Des pensées malsaines traversaient encore mon esprit. C’était un cercle vicieux, et je répétais incessamment les mêmes erreurs. C’était presque pathétique de songer, que malgré les années, et l’évolution de mon caractère, je n’avais pas changé d’un pouce. Je restais éperdument ... Idiot. Je soupirai en me frayant un chemin dans le sable. Les reflets orangers disparaissaient peu à peu afin de laisser place à la clarté du jour. Le soleil se dressait avec majesté dans un ciel brumeux et engourdi. Je me laissais glisser sur le sol avec lenteur. Eugenia ne bougeait pas. Elle aurait pu se détacher de ma prise et se hisser de côté, mais elle était restée sur mes cuisses contractées, m’offrant ainsi la satisfaction d’une étreinte éternelle.
Mes mains se baladaient naturellement sur ses jambes. Je pense, que je ne me rendais pas réellement compte de la portée de mes gestes. La froideur de ses membres m’interpella.
« Je ne ressens pas le froid, ni même le chaud, dans mes jambes. Je vais bien. .»
Je frottai mes doigts contre ses mollets dénudés, comme pour la réchauffer.
« Ce n’est pas parce que tu ne ressens rien, que je ne peux pas agir en gentleman. » Je refusais de la réduire à sa condition particulière. Je retirai ma veste afin de la placer sur ses jambes. « Tu peux faire semblant pour moi ? Laisse-moi croire que tu as besoin de moi. »
Ma voix s’évanouit dans le vide. Cet instant aussi agréable et plaisant, soit-il, ravivait mes plaies cuisantes. Je vacillais au contact du vent. Mes cheveux retombaient sur mon front afin de voiler ma vision. Je baissai les yeux, d'un air incertain. Je faisais n'importe quoi.
« Tu penses qu’on peut s’avancer jusqu’au bord ? J’aimerais bien mettre mes pieds dans l’eau. A défaut de pouvoir nager. Mais je veux rester avec toi. Comme ça. Je me sens saine et sauve quand tu me tiens.» Demanda-t-elle avec douceur.
Je me doutais que l’appel de la mer serait plus fort. Je souris, amusé. Elle restait égale à l'image de l'espièglerie et de l'innocence que je lui avais toujours connu. C'était triste de réaliser qu'elle ne pouvait plus s'exalter au gré de ses envies extravagantes. C'était triste de savoir qu'elle était captive de son propre corps et que toutes ses enjambées n'étaient qu'illusions et imagination.
« D’accord. » Murmurai-je en me laissant tomber en arrière. Je ne voulais pas entrainement dans ma chute à la base, mais la tenir contre ma poitrine m’avait semblé presque légitime sur le moment. Je fermais les yeux ; nous étions seuls au monde à cette heure matinale. « Laisses moi me reposer un peu. » Chantonnai-je jovialement.
Je me demandais ce à quoi aurait ressemblé notre virée au bord de la mer, si Ginny n'avait jamais eu son accident. Elle aurait sûrement couru à perte d’haleine comme une furie nocturne, et j’aurais peiné à tenir le rythme avec mon genou blessé. Je souris, en me redressant.
« Tu es sûre que tu veux y aller ? » M’enquis-je, taquin. « Je te rappelles que tu ne pourras pas compter sur moi pour te sauver de la noyade … »
Je ris avec légèreté. Elle avait promis de m’apprendre à défier les profondeurs de l’océan – et au final nous avions fini par nous perdre dans l’espace-temps. Un jour peut-être. Je serais bon nageur.
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(✰) message posté Lun 3 Nov 2014 - 14:34 par Invité
i will never, ever regret the things i've done. because most days, all you have are places in your memory that you can go to;; sometimes leaving is the only way to be there for someone. ✻✻✻ Je le sentais me toucher comme s’il ne savait pas encore que je pouvais sentir ses doigts sur ma peau. Je ne savais pas si cela était par fascination ou par envie, mais je cessais de me poser ces questions de trop. Je ne lui dis rien, demeurant silencieuse, trop absorbée par le spectacle que la mer me donnait à voir. Je respirais calmement, la chaleur de son corps m’apaisant et me réchauffant jusqu’au plus profond de mon âme. Le calme de cet instant singulier me consolait après une longue nuit sans sommeil. Je me demandai s’il ressentait les mêmes choses. Je me demandais s’il avait fini par voir la beauté d’une plage après toutes ces années passées à mes côtés. Je détaillai discrètement ses traits, constatant que le même air serein avait fini par apaiser son expression torturée. Je pris de profondes inspirations, m’enfonçant dans un silence qui ne me dérangeait pas. J’aurais pu pleurer de quiétude s’il n’avait pas été là, à mes côtés, susceptible de s’en faire pour des larmes de bonheur. J’avais accumulé tant de choses au fil des semaines que je relâchais enfin la pression qui me torturaient les épaules ; cela pouvait paraître idiot mais sans la présence de mon fauteuil autour de moi, j’avais presque l’impression de me retrouver, moi, cette Eugenia qui était décédée lors de cette nuit d’avril, d’un accident de voiture. Après tout, ma vie s’était brisée comme ma colonne vertébrale, ce soir-là. Tous mes problèmes semblaient être liés à cet instant précis où mon destin m’avait échappé des doigts. Julian m’offrait une pause, un instant de répit. La reconnaissance qui inondait mes veines était si forte qu’elle réveillait toutes les émotions enfouies au fond de mon être. Je fermai délicatement les paupières, ne sentant que sa présence et le vent qui caressait mon épiderme. J’aurais voulu que cet instant dure une éternité. J’étais fatiguée de vivre, fatiguée de me battre, fatiguée de ne plus contrôler mon corps et mes émotions. Je ne comprenais pas pourquoi je m’efforçai de vivre. Je ne comprenais pas pourquoi je m’efforçai de survivre. Je n’avais plus d’objectifs ni même de destin, après tout. Toute mon existence était sans rime ni raison. J’avais fini par le constater moi-même ; je ne cherchais pas la pitié ni même la compassion, alors je gardais tout cela pour moi, continuant simplement d’avancer. Mais j’étais fatiguée de le faire. Si fatiguée de voir que mon combat était vain depuis l’instant même où je m’étais réveillée dans cette chambre d’hôpital. « Ce n’est pas parce que tu ne ressens rien, que je ne peux pas agir en gentleman. » me déclara-t-il en frottant mes mollets. Je sentis simplement sa main parcourir ma peau. Rien ne changea ; le ne finit pas par avoir froid, ni même par être réchauffée. Il finit par retirer sa veste pour la placer sur mes jambes. Je relevai le regard vers lui, ne cherchant même plus à protester. « Tu peux faire semblant pour moi ? Laisse-moi croire que tu as besoin de moi. » Alors, au lieu de lui dire que je n’étais pas d’accord, au lieu de lui sommer de remettre sa veste, j’hochai simplement la tête. Je rendais les armes face à lui. Je rendais les armes face à moi-même. Je n’étais qu’un pantin entre ses mains en cet instant précis ; il n’avait sans doute pas compris à quel point j’étais ailleurs, mais je lui appartenais. « D’accord. » marmonnai-je doucement, avant d’embrasser sa joue avec douceur. Mes lèvres se posèrent dans une caresse d’une demi-seconde, avant que je ne me recule en silence, le regard plongé sur l’étendue d’eau salée. Je m’autorisais des gestes tout comme il s’en autorisait lui aussi. Nous étions hors du temps. Hors de nos sentiments. Les choses se bousculaient mais nous demeurions loin de notre relation actuelle, comme si nous l’avions laissé là où nous en étions restés pour nous accorder un temps de répit. Je connaissais cet appel de la mer incessant, qui animait mon cœur et mon corps. Je songeais à l’effet qu’aurait l’eau sur mes pieds, à cet apaisement que je pourrais connaître grâce à cela. Mes pieds continuaient de me brûler sans raison ; je souffrais en silence, sans rien dire, endurant cette douleur fantôme comme j’avais pu passer des mois à le faire. « D’accord. Laisse-moi me reposer un peu. » me confia-t-il et il nous fit tomber en arrière. J’eus un petit cri tandis qu’il me réceptionna, allongé sur le sable. Je me retrouvai allongée contre son torse et je fermai les paupières. Les choses me paraissaient presque surnaturelles, improbable. J’étais à ses côtés et nous ne nous disputions pas. J’étais à ses côtés et tout se passait bien, à l’image de ces instants que nous avions bien pu connaître en étant adolescents. « Tu es sûre que tu veux y aller ? » me demanda-t-il avec taquinerie en se relevant. « Je te rappelle que tu ne pourras pas compter sur moi pour te sauver de la noyade… » J’eus l’ébauche d’un sourire sur les lèvres, haussant les épaules face à sa révélation. En dix-huit mois, il n’avait pas appris à nager correctement. Je savais que je lui avais promis de le faire, mais les circonstances avaient fait que cela ne s’était jamais produit. J’avais toujours pensé qu’il n’aurait pas attendu après ma promesse. Peut-être m’étais-je trompée, après tout. « Je parle juste de s’asseoir plus près pour que nos pieds soient mouillés par les vagues. Je ne pense pas qu’on aura besoin de tes qualités de nageur. » lui répondis-je avec un entrain calme et posé. Si j’avais pu marcher, j’aurais sans doute couru jusqu’à l’eau. J’aurais sans doute plongé habillée, sans me soucier de mouiller mes vêtements. Je me mordis l’intérieur de la joue, grimaçant en sentant mes pieds me lancer. Au même instant, un spasme musculaire agita ma jambe, et je fermai les paupières, gênée. Je finis par relever le regard vers lui. « Il faut que je t’avoue quelque chose. » marmonnai-je, incapable de garder cela pour moi. « Je ne te dis pas ça pour que tu t’en fasses ou pour que tu aies pitié de moi. Je souhaite simplement que tu saches. » Je marquai une pause, jouant avec mes doigts. Je ne savais pas comment lui décrire ce quotidien. Je ne savais pas comment lui atténuer suffisamment la situation pour qu’il ne dramatise pas ce qui pouvait bien m’arriver. Je pris des inspirations mesurées. « Quand tu m’as envoyé un message… Je ne dormais pas. Je n’ai pas dormi de la nuit, à vrai dire, non pas parce que je regardais la télévision ou parce que je lisais. Je ne dormais pas parce que… Parce qu’il m’arrive de ne pas fermer l’œil de la nuit, certaines fois. Mes connexions nerveuses sont extrêmement endommagées et j’ai des douleurs fantômes, si violentes que je ne parviens pas à les oublier et m’enformir. Puis il y a les spasmes musculaires qui agitent mes jambes et que je ne peux pas contrôler. » marmonnai-je doucement, prenant mon temps pour parler. Je plaçai une de ses mains sur ma cuisse, attendant une nouvelle agitation pour lui expliquer mes propos. « Actuellement, j’ai mal, Julian. J’ai l’impression que mes pieds sont en train de brûler. C’est pour ça que je veux mettre mes pieds dans l’eau, en partie. C’est pour ça que je suis plus silencieuse que d’ordinaire… C’est pour ça que je te suis extrêmement reconnaissante de m’avoir emmené ici, parce que ça me change les idées. » Je lui adressai un sourire en lâchant ses doigts. Je détournai le regard pour observer les dunes de sable et la végétation légère qui encerclait le lieu. Mon cœur battait fort après mes mots. Mon cœur battait dans mes oreilles. Mon cœur battait pour lui.