"Fermeture" de London Calling
Après cinq années sur la toile, London Calling ferme ses portes. Toutes les infos par ici Lonely as I am, together we cry - River 2979874845 Lonely as I am, together we cry - River 1973890357
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Lonely as I am, together we cry - River

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Anonymous
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() message posté Dim 14 Fév 2016 - 23:57 par Guest
Lonely as I am, together we cry - River 160214114617175182
‘’Under the bridge downtown
I gave my life away‘’

River&June


Certains jours, cependant, j’avais encore du mal. J’étais alors d’une sensibilité épatante et terriblement douloureuse. Je ressentais tout avec bien plus de force. J’étais frappée par tout ce qui m’entourais, et je n’avais alors plus qu’une envie : m’enfermer dans ma chambre pour rester dans mon lit, sans rien faire. Bien évidemment, je me bâtais contre cette envie dévorante : je ne pouvais pas rester sans rien faire, ça n’était pas moi, et puis, n’avais-je pas dépassé ce stade ? Non vraiment, je ne voulais pas revenir à ces mauvaises habitudes. Je voulais réussir, je voulais m’en sortir, je voulais passer à autre chose. Ne pas m’enfermer dans cette routine affligeante, ne pas me morfondre sur ce que j’avais perdu. Bien sûr, j’y arrivais difficilement et souvent, ma solitude me rattrapait lorsque je me levais et que je découvrais l’appartement vide, et terriblement froid. Ou quand je me couchais, tâtonnant ce lit désespérément vide.  C’était bien plus facile, en début de journée, de penser à autre chose : je me jetais corps et âme dans mes études, ou dans la musique, quand le reste était trop difficile. J’avais dû, pendant longtemps, me battre contre des difficultés de concentration : je n’étais plus moi-même, mes pensées ne m’appartenaient plus et travailler était alors devenu un calvaire absolu. J’avais failli tout lâcher à cet instant, tout abandonner et devenir comme tous ces misérables que je méprisais d’autant plus. Le soir, il était plus difficile d’échapper à ces fantômes étouffant qui me tenaient éveillée jusque tard dans la nuit : avec tous les efforts du monde, je n’arrivais pas à repousser cette avalanche de pensées et de souvenirs oppressants.

Parfois, toute cette ambiance devenait si étouffante que je devais fuir. Fuir ce domicile que je détestais plus que tout. Fuir cet appartement qui avait vu mourir mon amour. Fuir cette odeur de mort que je croyais encore sentir. Fuir ces souvenirs dégoulinant de bonheur qui me donnait la nausée. Fuir, tout simplement. C’était exactement ce que j’avais fait ce soir-là d’ailleurs. J’avais appelé Jim qui avait accouru et j’avais claqué la porte, sans savoir où aller, quand et si j’allais rentrer. De toutes les manières, personne ne m’attendait ni chez moi ni nulle part. Mon père était une nouvelle fois parti on ne savait où, mais ça n’avait pas d’importance : J’avais beau aimer profondément John, je ne serai pas allée le voir dans un moment où j’allais mal. Le souci n’était pas qu’il s’en fichait, bien au contraire : je le connaissais assez pour savoir qu’il aurait sur le champ embauché le meilleur psy de la ville, comme si ces thérapies pouvaient vraiment apaiser mon blues passager. La réalité c’est que mon père tenait tellement à moi que l’idée même que je puisse sombrer à nouveau lui fait faire tout et n’importe quoi. Et à part lui, je n’avais que mon chien. La tristesse de cette pensée me fit esquisser un sourire que le chauffeur pris pour lui alors même que je me fichais éperdument de sa présence qui me semblait terriblement… pâle. Il articula alors des mots que je n’écoutais pas, comment pouvait-il croire que son existence m’intéressait ? J’étais parfaitement détestable, parfaitement hautaine, terriblement snob, sans doute. Dans le petit monde que je côtoyais, beaucoup ne me supportaient pas et ce qu’ils ne savaient pas, c’était que de toutes, la personne qui me détestait le plus, c’était moi-même.

Je savais à peine où je me retrouvais quand j’ai ordonné au chauffeur de s’arrêter. J’ai vaguement reconnu les lieux après avoir payé la course sans même avoir pris la peine de regarder le prix : à quoi bon ? Je n’avais aucune restriction. Parce que oui, bien entendu, l’argent complétait à merveille ma tenue de sale gosse : j’étais née avec une cuillère en or dans la bouche, à l’abri du besoin pour trois générations et je n’en n’avais jamais eu honte. J’étais fière de la réussite (frauduleuse ou non) de mon père, je ne m’en cachais pas, et cela contribuait sans doute aussi au dégout que les autres pouvaient éprouver pour moi. Toujours était-il que je m’avais jeté mon dévolu sur un petit bar qui, pour ma plus grande joie, contenait une scène. Si en plus il pouvait y avoir de la musique alors je ne disais pas non. Sans trop savoir l’heure qu’il était, je commandais un premier verre : le soleil couché m’indiqua qu’il ne devait pas être trop tôt, c’était déjà cela. Je buvais tranquillement, complètement enfermée dans le chaos que m’offraient gracieusement mes pensées lorsqu’il a commencé à jouer. A ce moment-là, j’ai à peine relevé la tête mais déjà, cette silhouette pianotant à merveille m’a rappelé quelqu’un, sans que je sois capable de dire qui. La coupe de cheveux aurait dû me mettre la puce à l’oreille, mais j’étais bien trop perdue pour deviner le lien (pourtant évident) qui unissait cet inconnu à Janis. Il était à la fois identique et complètement différent mais il était bien trop tôt pour que je m’en rende compte. Les minutes s’écoulaient lentement, tandis que j’hésitais entre rire ou pleurer. Je ne savais plus si j’avais terriblement mal ou si j’étais vide, si vide que plus rien ne m’atteignais. Je ne ressentais que cet incessant picotement qui avait commencé dans le creux du ventre pour remonter le long de ma poitrine, s’insérer dans mes bras, gagner tout mon corps. Ce picotement à la fois désagréable et délicieux, que je ressentais dans chacun de ces moments de profond mal-être. Ce picotement qui était un appel silencieux et clair de mon corps, un appel à quoi ? Allez savoir, moi-même je l’ignorais. Commandant un deuxième verre, j’ai pensé, au moment où je donnais mon argent, que je ne savais même plus si j’avais mangé ou non. Mon regard tomba sur Jim qui me couvait d’un regard tendre. Ma main se perdit dans son pelage généreux, et je me sentis apaisée en sentant sa chaleur contre la paume de ma main.

L’envie qui me titillait depuis mon arrivée, depuis qu’il avait commencé à jouer, est vite devenue insupportable. Finissant mon deuxième verre d’une traite et alors que le monde tournoyait, je montais sur scène, suivis de mon fidèle ami canin. Je ne chantais jamais. Enfin du moins j’évitais de le faire en public, j’avais peur, je préférais me réfugier derrière un instrument que je connaissais, mais comme le piano était déjà pris et que je n’avais pas mon violon sur moi, je me lançais. A vrai dire, j’aimais chanter, je savais que j’étais juste, que ma voix n’était pas désagréable, mais je n’avais jamais vraiment osé. Alors, l’alcool et les pensées aidant, je profitais de la pause du pianiste pour me lancer. Quelle musique ? Je ne m’en suis rendue compte qu’au moment où j’ouvrais mes lèvres pour laisser les premières paroles d’Under the Bridge s’échapper. Sans doute était-ce la dernière musique que j’avais écouté, ou bien me ramenai-elle aux nombreux moments où nous l’avions écouté.

Sometimes I feel
Like I don't have a partner
Sometimes I feel
Like my only friend
Is the city I live in
The city of angels
Lonely as I am
Together we cry


Il m’importait peu de savoir si le pianiste me suivrait ou non. C’était entre la musique que je ressentais dans ton mon corps et moi-même. S’il parvenait à s’insérer dans cet univers, alors il était le bienvenu. Sinon tant pis, les autres ne m’intéressaient peu de toutes les manières. Je me laissais alors emporter par la chanson, puis finalement par les notes qui s’élevaient depuis le piano, ces mêmes notes que je ressentais avec une puissance incroyable. Rien ne semblait alors plus important que cette chanson.
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() message posté Ven 26 Fév 2016 - 11:29 par Invité
Mes doigts glissèrent sur les touches noires et blanches du piano. Il était parfaitement accordé. Je m’étais employé à l’ouvrir pour lui redonner sa jeunesse sous le regard intrigué de Danny, pourtant consciente qu’elle pouvait me faire confiance pour ne pas ruiner l’instrument. Je m’étais appliqué, avec tout l’amour que j’avais pour cette bête majestueuse, à faire sonner chaque note, des plus graves aux plus aiguës, manifestant à la fois mon agacement lorsqu’il manquait quelques commas pour que l’accord soit juste et mon émerveillement quand je parvenais à retrouver la justesse, mon oreille vibrant sous tous ces sons qu’elle parvenait à dissocier avec aisance : c’était mon truc, la musique. Voilà ce que j’entendais souvent, et j’en riais presque toujours, car je me sentais effectivement dans mon élément simplement en contemplant les courbes des contrebasses dans les vitrines des luthiers ou la moindre scène d’un film quelconque dans laquelle on pouvait apercevoir l’ombre d’un cuivre ou la anche d’une clarinette. Je soupirai en choisissant mes touches avec soin. Les morceaux se mêlaient dans mon esprit comme l’écume d’un océan scintillant et sauvage. Ce fut vers la Rhapsodie de Bartók que j’orientai doucement mes pensées, tranquillement jouée de tête pour qu’elle ne soit qu’un flot sinueux à travers les conversations. Je la jouais moins vite que le tempo était demandé sur les partitions, avec plus de retenue peut-être, mariant crescendos et decrescendos afin de me laisser moi-même bercer par la mélodie si singulière, si étrange et magnifique que le compositeur nous m’offrait. La silhouette de Danny se profila à mes côtés et je retins son geste avant qu’elle n’ait pu poser une bouteille de bière sur le piano, lui indiquant de la laisser sous mon siège, un sourire reconnaissant étirant mes lèvres rêveuses. Ca va ? parut-elle me demander, et je hochai la tête, absent, toujours concentré sur mon morceau qui finit par devenir une improvisation reprenant la même tonalité atypique, les mêmes écarts, les mêmes accords chromatiques que la Rhapsodie dévoilait d’habitude. Je ne remarquai pas les quelques visages tournés vers la scène car les regards ne m’avaient jamais intéressé. Je ne voulais que des sons et des mélodies qui me parlaient d’histoire et d’éternité. Mes doigts décrivirent une dernière courbe sur le clavier avant de reprendre de simples accords majeurs et chaleureux, me plongeant dans le vaste champ des possibilités.

    Sometimes I feel
    Like I don’t have a partner
    Sometimes I feel
    Like my only friend
    Is the city I live in
    The city of angels
    Lonely as I am
    Together we cry


Ce fut instantanément, sans même réfléchir à comment cette voix avait pu parvenir jusqu’à moi, que mes mains s’écartèrent et entonnèrent les accords d’Under the Bridge. Une évidence : mi, si, do dièse majeur, la. J’ignorais si Leo l’avait assez jouée pour que je puisse aussi simplement les retrouver sur le piano sans même savoir jouer de la guitare ou si la chanteuse me menait dans sa propre tonalité, sans que je me rende bien compte de ce qui se passait. On me proposait la musique et je l’acceptais toujours car celle-ci avait plusieurs formes, plusieurs visées, plusieurs origines. Fa dièse majeur, mi, si, et de nouveau fa dièse majeur. Ses cordes vocales vibrèrent à nouveau alors qu’elle entamait le refrain avec un dynamisme qui me toucha. I don’t ever want to feel like I did that day. Take me to the place I love, take me all the way. Et nous poursuivîmes cet instant de grâce éphémère jusqu’à la fin du morceau, jusqu’à ce qu’elle relâche ses muscles qui s’étaient étrangement mis en mouvement pour offrir aux spectateurs une danse accompagnant ses mots. Je notai du désespoir dans sa voix – je savais écouter. L’oreille absolue me faisait parfois entendre des vibrations que mes interlocuteurs auraient préféré garder pour eux-mêmes, mais je m’abstenais de leur faire le moindre commentaire : ce n’était pas mon rôle de dépoussiérer les peines et les tourments. Je n’étais là que pour jouer un peu de piano. La chanson s’évanouit dans l’air et un silence ponctua la prestation, bientôt brisé par des applaudissements mérités et le brouhaha du bar qui reprenait enfin. Les gens s’étaient arrêtés de boire et de parler pour l’écouter. Je trouvai cette furtive connexion tout à fait inédite et magique. Mes doigts lâchèrent finalement les touches après presque deux, voire trois heures à jouer sans faire la moindre pause, préférant des transitions inattendues ouvrant sur un millier de nouvelles constellations musicales à quelques minutes de silence. J’entendais pourtant des mélodies dans la voix des gens mais c’était sur le piano que tout prenait vraiment sens.

Je me tournai avant que la jeune femme ne s’éclipse. J’attrapai la bière au passage et me levai pour la rejoindre. Elle avait un sourire effacé sur les lèvres, un regard perdu, comme si elle n’était pas vraiment présente à mes côtés mais toujours quelque part dans ses souvenirs, sous ce pont que l’on avait chanté pour elle et dont elle avait repris l’hymne ce soir. Ses cheveux blonds se cendraient à la lumière tamisée du bar et je dus attirer son attention en passant une main devant ses prunelles claires, scintillant d’une lumière qui m’était alors inconnue. Je lui adressai un sourire lorsqu’elle concentra son attention sur moi. « Première fois sur scène ? » m’enquis-je, amusé mais impressionné par tant de courage. « On apprécie l’audace dans le coin. » Mon ton voulait avant tout lui redonner son assurance, celle qu’elle avait eue durant ces quelques minutes d’étrange sérénité, mais que l’on perdait toujours lorsque l’on revenait à la réalité. Je lui désignai le comptoir d’un mouvement de tête amical. « Je te paye un verre ? J’en ai marre de boire seul pendant ma pause. » Je n’attendis pas sa réponse pour m’avancer vers le devant de la scénette, mais je me retournai avant de descendre. « Moi c’est River au fait. Et ça vient aussi d’une chanson, je te laisse deviner laquelle. » Je lui adressai un clin d’œil malicieux. « Un indice : c’est vraiment facile. » Puis je regagnai le sol et allai m’installer sur les tabourets. Je sortis mon tabac et roulai une cigarette que je m’empressai d’allumer dans un soupir de soulagement. C’était tacitement autorisé, par ici. Après une certaine heure, on s’en fichait de la loi. On ne se concentrait plus que sur ce qui nous subjuguait vraiment.
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() message posté Dim 28 Fév 2016 - 18:35 par Guest
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‘’Under the bridge downtown
I gave my life away‘’

River&June


C’était un moment unique, hors du temps. Je n’étais alors plus dans ce monde fade et répugnant mais dans un autre, bien plus coloré, bien plus doux, bien plus agréable. Un monde dans lequel seul ces notes au piano et l’air que je chantais existaient. Finalement, ce musicien inconnu m’avait suivi et ensembles, nous avions entamé une danse, nous avions créé un lien intense et unique qui se briserait sans doute à l’instant où la musique mourrait. Mais ça n’avait aucune importance parce que pour l’instant, ce que nous avions était complètement unique. J’aurai aimé rester là pendant des heures, dans cet état de grâce qui était si rare, je savais très bien, alors que la chanson avançait, que ça ne pouvait durer des heures, et c’était aussi peut-être ça qui rendait l’instant aussi beau. Ordinairement, c’était moi la personne qui se cachait derrière le piano, et malgré cette assurance que je savais si bien simuler, je n’avais jamais osé être là, seule face au micro. J’avais de loin et depuis toujours lors des rares représentations que j’avais faites, préféré laisser quelqu’un d’autre sur le devant de la scène. La foule me tétanisait d’habitude. C’était étrange, moi qui aimait tant que l’on me donne de l’attention, je fuyais dès lors qu’elle devenait trop importante. Mais cette fois, c’était différent. Je ne savais plus bien si mes yeux étais clos ou non mais ça n’avait aucune importance. La population du bar m’était complètement étrangère et d’ailleurs, je n’étais plus dans ce bar, c’était une certitude.

Du moins, je n’y étais plus le temps de la chanson. Quand la dernière note s’est éteinte, j’ai été forcée de revenir à la dure réalité en entendant les applaudissements. Tressaillant légèrement, je restais immobile quelques secondes à fixer toutes ces personnes que j’avais oublié pendant quelques minutes qui, heureusement, avaient semblées durer des heures pour moi. J’avais envie de rire et de pleurer en même temps, du coup, je restais simplement immobile, un sourire déjà à moitié mort sur mes lèvres tandis que chacun retournait à sa discussion interrompue par le concert improvisé. J’avais alors envie de rire oui, en me souvenant que nous avions hurlé le refrain un nombre incalculable de fois chez nous ou même dans une voiture. J’avais envie de pleurer en réalisant que j’étais désormais seule à hurler. Les souvenirs étaient aussi agréables que douloureux, et alors que plus personne ne prêtait attention à la scène, j’y restais, m’y sentant désormais bien plus à l’aise. Mais j’étais encore bien assez lucide pour savoir que l’alcool ingéré n’y était pas pour rien. Je n’étais pas éméchée, j’avais encore largement le contrôle de moi-même mais j’étais bien plus détendue, ce qui en soit était complètement normal. Alors que l’idée de quitter cet endroit me traversait l’esprit, j’ai vu une main passer devant mes yeux, comme pour me rappeler à la réalité, une nouvelle fois. Mon regard s’est tourné vers le pianiste inconnu, et alors que j’essayais de savoir pourquoi son visage me disait quelque chose, il a pris la parole. J’ai répondu à son sourire avant de baisser mon regard sur Jim pour m’assurer qu’il était toujours là.

« Première fois que je chante en tout cas, d’habitude c’est moi derrière le piano. » Je tentais alors d’être aussi accueillante qu’il l’était, sans vraiment savoir si je réussissais. A vrai dire, j’étais à moitié présente mais ça, il l’avait sans doute déjà remarqué. Ne sachant pas quoi répondre à sa remarque sur l’audace, j’ai souri un peu plus. De toutes les manières, il a repris la parole trop vite pour que je puisse dire quoi que ce soit, et c’était peut-être mieux ainsi. Je le suivais alors qu’il venait de me proposer un verre : un autre jour peut-être, sans doute même, j’aurai dit non. Mais pas ce soir-là. Boire avec un inconnu ne me dérangeait absolument pas. Et puis, après l’instant partagé, demeurait-il vraiment un inconnu ? Sans doute que non. River. Ce n'était pas difficile à deviner pour la chanson. Je me répétais son prénom dans la tête pour essayer de voir où je l'avais rencontré. River, River, River, River. Quelque chose s’alluma alors au fond de ma mémoire et je continuais à sourire en le rejoignant. River, son nom de famille était sans doute Kipling, j’en étais même sûre. Après tout, qui d’autre que le frère de Janis pour s’appeler River, jouer dans un bar et avoir une coupe improbable ? Je m’asseyais donc à ses côtés, en profitant également pour sortir une cigarette. Je ne fumais pas énormément, disons même pas tous les jours. Mais ce soir-là décidément, tout était différent. Avant de prendre la parole, je m’assurais une nouvelle fois que mon chien était toujours à mes côtés, et une fois chose faite, je me tournais vers River. « C’est d’accord pour le verre, mais je paye non seulement le miens mais aussi le tiens. » Et avant qu’il ne réponde quoi que ce soit, je commandais une tournée. « The River, de Bruce Springsteen. » J’ai répondu sans la moindre hésitation : non seulement parce que j’étais certaine qu’il s’agissait de celle-ci mais également parce que j’étais persuadée que c’était le frère de Janis et dans ces conditions, il était impossible que ce soit une autre chanson que celle de Bruce Springsteen. « Enchantée River, je suis June, et moi aussi ça vient de la musique. Et pas d'indice, c'est bien trop facile, des June il n'y en a pas des milliers. » J’ai souri à nouveau, le laissant deviner d’où venait ce prénom. Alors qu’on nous apportait notre commande, je n’ai pas pu m’empêcher de m’assurer que j’avais raison. « T’es le frère de Janis ? » Il ne me manquait plus qu’une confirmation, mais si c’était le cas alors le hasard faisait bien les choses.
Qui de mieux qu’un Kipling pour me changer les idées ?
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() message posté Dim 6 Mar 2016 - 22:06 par Invité
La jeune fille dégageait une force singulière. Je la rappelais à la réalité et elle me sourit d’un air distrait. Elle était encore ailleurs, perdue dans des pensées que la musique avait emportées comme des vagues sur un rivage lointain. J’avais l’impression de retrouver mon air distant dans ses prunelles qui se posèrent sur un chien sage, assis à ses pieds. Je n’avais pas remarqué l’animal lorsque je l’avais accompagnée dans son solo impromptu. Les deux semblaient à présent indissociables et le chien leva vers moi des yeux parés d’une expression semblable à celle de sa propriétaire. Je souris légèrement. Ce n’était pas habituel de voir tant de placidité dans les prunelles d’un canidé, mais celui-ci s’harmonisait avec le décor du bar et je n’avais pas entendu Danny se plaindre de quoi que ce soit. Elle avait chanté avec lui. Voilà qu’elle se faisait un nom auprès des habituées qui l’appelleraient déjà la gamine au chien, parce qu’il lui fallait un nom de scène improvisé et un titre, afin qu’ils puissent le marquer dans leur esprit d’ivrognes. « Première fois que je chante en tout cas, d’habitude c’est moi derrière le piano. » Je lui adressai une moue impressionnée. Elle se débrouillait bien. On parlait peut-être de chance des débutants mais ce n’était pas donné à tout le monde d’avoir le courage des novices. Sa voix avait tremblé – évidemment. Je sentais d’ailleurs encore quelques vibrations sonner dans son timbre alors qu’elle me répondait mais que plus personne ne nous regardait. Nous faisions à nouveau partie du clair-obscur, d’un coin de la salle plutôt que de son point de gravité. « Ah, une pianiste. » soufflai-je avec un amusement emphatique, comme si nous nous comprenions à nouveau un peu plus. « Faudra que tu me joues un petit truc tout à l’heure, tu suscites mon intérêt. » Je plaisantai, me donnant cette voix snob et détachée pour détendre une atmosphère déjà très relâchée : elle s’était tout de même emparée du micro, son chien à ses pieds, pour exprimer l’inexprimable. C’était peut-être ça qui m’intéressait, au fond.

« C’est d’accord pour le verre, mais je paye non seulement le mien mais aussi le tien. » J’acquiesçai en la remerciant, le regard pétillant de malice. « The River, de Bruce Springsteen. » Mon sourire s’élargit en entendant sa réponse, directe et se passant de la moindre hésitation. Je hochai la tête, malicieux, presque complice. « Pas mal. » Je mimais le détachement alors que mes gestes amicaux l’accueillaient à ce comptoir comme s’il avait toujours été son foyer. Elle me paraissait si différente de tout le reste. Ses cheveux blonds ternissaient un peu sous la lumière blafarde du bal mais ils avaient lui d’un éclat mystique lorsqu’elle avait chanté sur la petite scène, comme si la clarté énigmatique de mes accords s’était reflétée entre ses mèches. Elle possédait une liberté en elle qu’elle découvrait par touche, par à-coups, mais qu’elle ne comprenait pas encore : je venais d’en observer l’une des formes et son air distrait témoignait de l’existence de cette force – elle ne s’y était pas encore habituée et cherchait à s’y complaire, étrangement. « Enchantée River, je suis June, et moi aussi ça viens de la musique. Et pas d’indice, c’est bien trop facile, des June il n’y en a pas des milliers. » Je pris le temps d’avaler une bouffée de tabac, de la laisser faire de même, puis de la recracher lentement comme si je me remettais les idées en place, plus je fronçai les sourcils. C’était facile, oui. J’avais reconnu les accords tranchants de la country dans son allure dès le premier regard et le début de sa représentation. La musique glissait sur ses pommettes colorées et brillait dans ses prunelles irisées. « June Carter, non ? » tentai-je sans beaucoup d’hésitation à mon tour, mes paupières papillonnant à travers la fumée. « Je crois que nos parents ont dû se croiser à Woodstock. » ajoutai-je, rieur. Je n’étais même plus sûr de savoir si les miens y étaient allés mais je n’en doutais pas. A l’époque, ils auraient mis sans hésiter toutes leurs économies, ma mère encore jeune adolescente rêvant de fleurs et de paix, mon père baignant dans ses songes d’artiste et d’évasion. Voilà où leur existence les avait menés. Mais j’étais certain qu’un jour, l’un de ces jours historiques et inaltérables, ils avaient vécu un bonheur qui leur paraissait infini et intarissable.

« T’es le frère de Janis ? » J’avais porté mon verre à mes lèvres et le reposai pour la regarder. Je plissai des yeux, à la fois amusé et intrigué par sa question. Etions-nous si singulièrement nous, dans cette famille ? Assez pour qu’une inconnue me reconnaisse au premier coup d’œil ? Je revis le visage coloré et doux de ma sœur, tentai de l’associer à celui de June mais je ne me rappelais pas l’avoir vue un jour croiser mon chemin. Cela dit, ce n’était pas étonnant. Janis lui avait probablement parlé de moi et c’était simple de me trouver : à la pâtisserie, au bar ou dans les songes que faisaient les étoiles pendant le jour et le soleil lorsque la nuit tombait. J’écumais la ville sur mon skateboard et mon esprit planait toujours quelque part loin du réel, cependant on connaissait mes habitudes et mes lubies. J’étais un rejeton des rues et celles-ci ne m’avaient jamais abandonné. Je les foulais avec fierté et fidélité. « T’en sais des choses, dis-moi. » répondis-je dans un sourire amical. « Comment tu connais ma sœur ? » Après tout, June avait beau traîner dans les bars accompagnée de son chien, je reconnaissais la droiture et le soin d’une fille des beaux quartiers, des familles aisées aux accents prononcés, bien loin du mien. Je voulais demander à Janis ce qu’elle en pensait. Sa vision détériorée l’obligeait à voir des couleurs invisibles, comme les couleurs de l’âme. Elle m’apprenait toujours à le faire mais c’était difficile de se priver d’un atout et de se forcer. Pourtant, je voyais un aura étrange autour de June, quelque chose d’à la fois réconfortant et inaccessible, comme la chanson qu’elle avait entonnée sur la scène, me tirant de mes accords pour m’emporter avec elle dans ses souvenirs cryptés. « Mais sinon, pourquoi t’es venue traîner par ici ? Tu voulais me rencontrer ou t’avais juste envie de voir du monde et de chanter ? » Je parlais avec une désinvolture qui donnait des ailes aux plus démunis. Je voulais simplement savoir pourquoi un angelot comme elle avait atterri dans un sombre paradis comme celui-ci.
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() message posté Dim 13 Mar 2016 - 19:23 par Guest
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‘’Under the bridge downtown
I gave my life away‘’

River&June


J’essayais de revenir dans ce monde alors que je savais pertinemment qu’une partie de moi était encore sur cette petite scène. Je n’étais pas avide d’applaudissements et de regards admiratifs, loin de là. Le public ne pouvait pas moins compter qu’à cet instant. Je voulais simplement retrouver dans cette bulle aussi confortable que sécurisante. Je ne voulais plus de ce monde où l’odeur du tabac se mélangeait à celle que dégageait chacun des clients.  Malgré tout, j’ai souris quand il a pris cet air snob qui lui allait si mal. Je ne le connaissais pas, mais je sentais déjà que ça ne lui convenait pas. C’était comme si ces quelques minutes passées ensemble dans le même univers m’avait définitivement lié à lui. Alors même que je ne connaissais pas son prénom, je me sentais désespérément proche de cet inconnu : peut-être n’était-ce qu’une impression éphémère, peut-être que j’en avais terriblement besoin, peut-être que je m’accrochais à tout et n’importe quoi ce soir-là. Peut-être même que c’était vrai : je n’en savais rien, je n’avais même plus envie de savoir. « Bien mon capitaine, j’essaierai de vous montrer mes talents tout à l’heure alors. » Ai-je répliqué en reprenant son air hautain. La différence, c’est qu’il devait sûrement mieux m’aller qu’à lui. Et croyez-moi, en cet instant, je n’en n’étais pas franchement fière.

Je me sentais bien ici, dans cet endroit que je n’aurai sans doute pas fréquenté de mon plein grès, avec River. River, cet inconnu que je connaissais déjà. Tirant à mon tour sur ma cigarette, je lançais un regard aux personnes qui peuplaient cet endroit tout en recrachant doucement la fumée. Mon attention est revenue sur River alors qu’il devinait brillamment l’origine de mon prénom. June Carter bien entendu, tout comme mon deuxième prénom n’était qu’une autre référence au monde musicale. J’ai souris en entendant  sa deuxième remarque, c’était aussi improbable que possible, ou bien l’inverse, je ne savais pas trop là non plus. « Bien joué, même si c’était facile. » Mon regard est devenu rieur alors que je n’admettais qu’à moitié son succès évident. A vrai dire, peu de personnes auraient pu deviner l’origine de mon prénom, c’était bien trop vague. Mais il suffisait de connaître un peu la musique, n’est-ce pas ? Et je pensais bien être tombé sur une pépite dans cet univers musical. « Sans aucun doute, c’est impossible qu’ils n’y aient pas été tous les quatre. »  Je me plaisais à imaginer cette scène. Mes parents, réunis, appréciant la simplicité d’un festival extraordinaire. Tout ceci me semblait complètement irréel, j’avais même du mal à me représenter le visage de ma mère, je prenais mentalement celui que j’avais vu sur de nombreuses photos pour le déposer aux côtés de celui de mon père que je connaissais par cœur. J’aimais ma mère, je l’aimais sans la connaître, sans qu’elle me manque aussi. Je l’aimais simplement comme une fille aime sa mère sans avoir pu la connaître. Je l’aimais à travers les récits que mon père faisait d’elle, je l’aimais à travers le portrait qu’il m’avait souvent dressé d’elle, je l’aimais à travers les anecdotes que certains proches pouvaient me raconter. Je l’aimais simplement, sans la pleurer.

J’ai souris à nouveau à la simple évocation de la sœur de River. Janis était solaire, il suffisait qu’elle entre dans une pièce pour sa douceur donne des couleurs à ce monde si terne. Bien entendu, nous avions nos différences mais je ne pouvais pas m’empêcher d’éprouver pour la jeune femme un réel attachement. Elle semblait si innocente qu’il était impossible pour moi de l’imaginer faire quoi que ce soit de mal. Janis semblait être le genre de personne à voir le meilleur en chacun, à vouloir s’y accrocher et le faire ressortir. Elle, pour le coup, était réellement un ange. « J’ai assisté à un concert des Kipling une fois, je me disais bien que ton visage me disait quelque chose, et puis j’ai sympathisé avec Janis. On se rencontre régulièrement en fait, c’est… c’est Janis quoi ! » il devait bien mieux comprendre que moi ce dont je voulais parler. J’ai attrapé mon verre pour y tremper à nouveau mes lèvres alors qu’il reprenait la parole. Bien entendu, il était difficile de croire que j’étais une habituée : Même avec tous les efforts du monde, les habitudes et les manières que j’avais accumulées depuis mon enfance trahiraient éternellement ma classe sociale. « Inconsciemment, je devais vouloir te rencontrer, c’est à croire que tous les chemins mènent aux Kipling. » J’ai ri en évitant la question. Je n’avais pas de raison pour venir ici, j’étais simplement désespérée et le seul (et pitoyable) moyen que j’avais trouvé pour me vider la tête était de boire. Oui je vous l’avais dit, c’était pitoyable. River avait probablement changé la donne. Du moins, je ne comptais plus boire seule désormais. Je n’étais pas un ange et ce paradis n’était pas aussi sombre qu’il y paraissait à première vue. J’étais un être humain basique, donc perdu. Et j’avais simplement terriblement envie d’oublier cette misérable condition. « Et toi ? Tu as l’air de connaître les lieux mais pourquoi venir tout seul ? »
Oui c’est vrai ça, pourquoi était-il perdu lui aussi ?
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() message posté Dim 27 Mar 2016 - 16:37 par Invité
« Bien mon capitaine, j’essaierai de vous montrer mes talents tout à l’heure alors. » Je hochai la tête, prenant pleinement mon rôle un peu prétentieux au sérieux. L’étendue de ses fameux talents devait être bien plus large que ce qu’elle se plaisait à penser. Je me nourrissais de la modestie des autres pour faire ensuite fleurir en eux la lumière de leur capacité, clarté que se reflétait inlassablement dans mon cœur et qui me réchauffait lors des nuits froides que je passais à nager dans des souvenirs charbonneux. Tu te rappelles les joies passées ? J’ai déjà oublié le futur. On qualifiait pourtant les poètes du contraire : ils se souvenaient de l’avenir. J’avais en revanche l’impression de marcher à reculons. Parfois, je jouais des mélodies mais en entendais d’autres, mes nuances s’entremêlaient dans une cacophonie insoutenable et mon esprit regorgeait d’accord dont les notes se remplaçaient les unes les autres jusqu’à créer un monstre. Et puis, je tombais dans l’abysse. Les touches noires devenaient les blanches, comme la mâchoire d’un cauchemar dont je caressais sombrement les dents. Il se refermait sur moi et j’étais impuissant. Alors j’oubliais. C’était peut-être un cadeau que me faisait le ciel en effaçant ma mémoire. La dissociation vient de l’allemand ‘die Spaltung’, littéralement ‘la division’. Me sentais-je ainsi double ? Une entité consciente, capable de parler à une inconnue dans un bar et comprendre ses troubles en entendant le timbre de sa voix mélodieuse, face à une ombre dont on m’épargnait les souvenirs car ils étaient inhumains et inaccessibles. Je me réveillais parfois d’une crise avec la sensation étrange de flotter au-dessus de mon propre corps. Il me fallait toujours quelques secondes avant de me réunifier totalement. Ce n’était pas désagréable car j’y étais habitué – simplement différent, simplement altéré.

De quoi était donc faite cette confiance que l’on accordait à certains inconnus, simplement parce qu’ils apparaissaient au moment opportun dans notre existence et qu’ils semblaient chanter les mêmes hymnes avant de se battre, les mêmes berceuses avant de s’endormir ? Les traits de la jeune fille étaient cousus de fils d’or et leur lumière m’émerveillait. Elle souriait à peine, mais assez pour que son visage s’irise des teintes orangées et brunes du bar, qui venaient jusqu’à briller dans ses prunelles glacées de manière cristalline. « Bien joué, même si c’était facile. » J’acquiesçai avec malice. C’est vrai que la référence semblait évidente, mais tout semblait s’enclencher comme des mots de passe, via des accords et des noms célèbres. Nous nous entendions, car nous nous comprenions, mais surtout car une musique gutturale et pourtant si mélodieuse s’échappait de nos gorge et échouait sur les tympans de l’autre : il entendait, il écoutait l’autre, il vivait l’inconnu comme une expérience et cela le faisait sourire. « Sans aucun doute, c’est impossible qu’il n’y aient pas été tous les quatre. » Je me mordis discrètement la lèvre avec ironie. Cela me paraissait loin, improbable, presque impossible. Certes, j’espérais que l’amour avait guidé les actes et la volonté de mes parents, mais c’était un idéal qui, s’il existait, me rendrait nostalgique d’une époque révolue, une époque que je ne connaissais même pas, dont ils ne m’avaient jamais parlé. Mon père était parti sans prendre la peine de prononcer le moindre mot. Ma mère n’était même pas capable de prononcer ces fameux mots car elle avait oublié ce qu’était les mots, ce qu’ils voulaient dire. Je n’osais pas m’imaginer l’esprit de ma mère. Le tissu d’éternité, cousu d’or chez June et fragmenté chez moi, devait être en lambeaux chez Silvia : déchiré, emmêlé, malmené et laissé comme un chiffon, car c’était ce que les gens pensaient de son âme – bonne à jeter. Leurs jugements me fendaient toujours le cœur.

« J’ai assisté à un concert des Kipling une fois, je me disais bien que ton visage me disait quelque chose, et puis j’ai sympathisé avec Janis. On se rencontre régulièrement en fait, c’est … c’est Janis quoi ! » Un rire franc et espiègle s’échappa de mes lèvres et je secouai distraitement la tête. Oui, c’était Janis, et étrangement elle ne semblait se définir que par elle-même. Elle changeait chaque jour en restant pourtant elle-même et je la comparais si souvent à la vie qu’elle y avait pris goût : elle était un astre et chaque couleur me rappelait un trait unique de sa personnalité. June et elle paraissaient si différentes, mais je reconnaissais la fascination que moi-même j’éprouvais en présence de ma sœur dans les yeux de mon interlocutrice. « Je vois, une vraie fan. » minaudai-je dans un sourire. « Inconsciemment, je devais vouloir te rencontrer, c’est à croire que tous les chemins mènent aux Kipling. » Je l’accompagnais dans son rire et adoptai un air assuré pour lui répondre. « Mais c’est le cas, figure toi. On a un plan pour dominer le monde, on voit qui nous suit dès le départ. » ironisai-je alors, et les éclats reprirent de plus bel. C’était simple et naïf, mais il suffisait de rire le soir en compagnie d’un inconnu pour que tout aille un peu mieux. « Et toi ? Tu as l’air de connaître les lieux mais pourquoi venir tout seul ? » Je tournai la tête vers la scène à présent déserte puis haussai les épaules. « Je suis pote avec la gérante et elle me laisse me produire. Pas franchement pour me populariser mais c’est vrai que j’aime bien venir jouer ici. Tu dois te douter qu’avec le nombre de frères et de sœurs, c’est pas super calme à la maison. » La raison implicite était celle de mes trous de mémoire : je pensais retrouver des bribes de souvenirs parmi les décors qui se présentaient à moi, mais j’avais peur de ces fameux souvenirs. Peut-être resteraient-ils scellés en moi à jamais. « Et puis j’aime bien rester seul parfois aussi. Le cinéma c’est devenu cher, donc je cherche des passe-temps plus abordables. Je m’entraîne et j’accompagne les chanteuses improvisées dans ton genre. » J’accompagnais leur voix et leurs mouvements, leurs espoirs et leurs regrets, puisque le tour s’entremêlait sur la scène, devant mes yeux passionnés.
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Anonymous
Guest
Invité
() message posté Ven 15 Avr 2016 - 20:26 par Guest
Lonely as I am, together we cry - River 160214114617175182
‘’Under the bridge downtown
I gave my life away‘’

River&June


Je me suis demandée pendant un moment, quelle était l’histoire de ce River. Je connaissais à peine celle des Kiplings, ne l’ayant jamais demandé à Janis, alors précisément celle de chaque membre. J’étais curieuse mais je me taisais. J’avais l’impression étrange de le connaître par cœur alors que je ne connaissais pas même son âge. Etrange non ? Je me sentais proche d’un inconnu. Presque inconnu. Sans doute que la musique avait créé un lien particulier entre River et moi. Sans doute que nous étions faits pour nous rencontrer et que ma phrase n’était pas complètement idiote. Tous les chemins mènent aux Kipling. J’ai souri en répétant cette phrase dans ma tête. Je m’étais souvent imaginée moi aussi, entourée de frères et sœurs. Une fratrie. Peut-être que c’était ce qui avait manqué à mon enfance, une fratrie, ou bien une famille tout simplement. Je ne me plaignais pas de ma vie, comment le pouvais-je ? Beaucoup devaient envier ma situation, notamment financière, mais je crois que parfois, j’aurai échangé la fortune de mon père contre une mère, des frères et sœurs ou plus récemment contre Thomas. C’est sans doute pour ça aussi, que Janis me passionnait tant. Si au début je me forçais à entretenir cette vague connaissance, j’avais rapidement pris goût à nos conversations interminables et pourtant si passionnante. Janis, quelque part, avait beaucoup de choses que j’avais désiré, elle était un être complètement différent de moi, et j’enviais cette différence plus que je ne pouvais l’avouer. J’aimais ma vie. J’étais simplement curieuse de voir si je n’aurai pas préféré celle des autres, il n’y avait pas de mal à ça n’est-ce pas ? On s’imaginait tous au moins une fois être quelqu’un d’autre.

Notre conversation n’était pas aussi sincère qu’il y paraissait. Elle était agréable oui, et j’ai d’ailleurs ri de bon cœur quand il a évoqué le plan machiavélique des Kipling. Mais pas aussi sincère. Nous restions superficiels parce que même s’il était étrangement plus facile de se confier à un inconnu, nous ne pouvions pas avouer, ni l’un, ni l’autre, la réelle raison de notre venue ici. Sans doute était-il déjà plus honnête que moi, il n’évitait pas la question, mais il répondait aussi par rapport aux autres. Il accompagnait les personnes perdues comme moi. Au fond, l’un comme l’autre, nous savions très bien qu’il y avait une vraie raison derrière tout ça, une raison dont nous avions trop honte pour pouvoir en parler ouvertement. J’étais pitoyable, et je pensais l’être bien plus que lui, il n’avait pas l’air aussi désespéré que moi. C’était différent. Quelque chose chez River était différent. Mais je n’aurai pas su dire quoi, après tout, c’était un Kipling. Du peu que je connaissais la fratrie, chacun dégageait quelque chose de particulier, parce que la vie ne les avait pas épargnés eux non plus. J’étais à peu près certaine qu’ils avaient dû souffrir bien plus que moi. J’étais consciente de la chance que j’avais, rien que par ma naissance. C’est peut-être bien pour ça que j’évitais de me plaindre. Ou de parler de ma vie en général.

« Considère que je vous suis depuis le début alors, je n’aimerais pas me mettre tout le clan Kipling à dos. » Je lui ai adressé un nouveau sourire en essayant de faire oublier le temps que j’avais mis à répondre. Parfois, j’étais tellement prise dans mes pensées que j’en oubliais de répondre. « Je veux bien imaginer que c’est plus calme chez moi que chez vous oui. » En même temps, vu la solitude qui m’entourait, ça n’était pas bien difficile. Parfois, je me délectais de ce manque de présence. Le plus souvent, le silence qui régnait dans mon appartement me terrifiait. Heureusement, il y avait Jim. C’était peut-être misérable, mais je ne savais clairement pas ce que j’aurai fait sans mon chien : j’étais ce genre de pauvre fille perdue et terriblement attachée à son animal. « Et tu en croises souvent, des chanteurs ou chanteuses improvisées dans mon genre ? » Si oui, alors je devrais venir plus régulièrement. J’aimais l’ambiance simple qui se dégageait de ce bar. Je n’étais peut-être pas à ma place, mes gestes trahissaient peut-être une éducation rigoureuse, mais peu importait. Ici, je n’étais personne, et j’adorais ça. « Tu viens souvent ici alors j’imagine… Je crois qu’à l’avenir, je passerai de temps en temps aussi. L’ambiance me ferait le plus grand bien. » Je crois que je parlais un peu plus pour moi-même que pour lui, mais ça non plus, ça n’était pas important. J’ai pris une nouvelle gorgée avant de tirer sur ma cigarette qui se consumait lentement. Mon regard s’est accroché à celui de River et ne l’a plus lâché.
Était-ce stupide de se sentir terriblement proche de lui ?
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