"Fermeture" de London Calling
Après cinq années sur la toile, London Calling ferme ses portes. Toutes les infos par ici (james&eleah) let me touch your symphony.  - Page 5 2979874845 (james&eleah) let me touch your symphony.  - Page 5 1973890357
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(james&eleah) let me touch your symphony.

 :: It's over :: Corbeille :: Anciens RP
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() message posté Mer 4 Avr 2018 - 22:23 par Invité
james & eleah
La tiédeur enveloppante de la serre se referme autour de sa silhouette, l’embaume, parachève de détendre ses muscles qui ont commencé à oublier les frimas de cette soirée aux contours terrifiants. Son pied continue de marquer une mesure lente, presque suave, dans l’air épais de la pièce. Il fait chaud, même quand il pleut. Il suffit d’un rayon de lumière pour réchauffer la pièce, lui faire frôler des températures étouffantes que les plantes adorent. Elles sont luxuriantes d’ailleurs, le signe qu’elle en prend soin, attentive à chacune d’elle. Un petit cactus, tout rond, aux piques légèrement duveteux, dévoile avec grâce une unique fleur colorée. Certaines vitres se brouillent de condensation, à cause de la différence de température avec l’extérieur. Un instant Eleah détache les yeux de son article pour observer les gouttes d’eau qui courent le long du verre. Elle en repère deux qui ont une course parallèle, les imagine dans une épreuve de vitesse où la première touchant le sol serait victorieuse. Elle pouvait passer des heures à observer la pluie étant petite fille, durant les longs trajets en voiture entre la capitale et la Cornouailles. Aujourd’hui encore elle ne s’en lasse pas. Il y a une sorte de sérénité qui se dégage de ces choses-là, si simples. Une harmonie indistincte. Le bruissement de la nature est une mélodie que son âme reconnaît toujours. Elle sait l’apaiser, plus que toutes les autres. Une forme de torpeur finit par l’envahir en même temps que la tiédeur et les fragrances des plantes ici et là. L’énergie n’est pas entière, les sentiments de fatigue trop présents pour être totalement ignoré. Elle étouffe un léger bâillement derrière sa paume, regrette un instant d’avoir quitté le lit où ils demeuraient. Elle s’y sentait si bien. Elle s’y projette une seconde, savoure l’idée de parachever une nuit qui n’en était pas vraiment une. Il lui faut rarement énormément d’heures pour récupérer d’habitude, mais les exactions de la veille ont dû l’éprouver plus qu’elle ne l’imagine. Si seulement elle pouvait se souvenir de tout, n’avoir pas oublié. En portant sa tasse à ses lèvres, soufflant sur la surface brûlante, Eleah cherche à se concentrer de nouveau. Rien à faire. Les contours sont bien là, mais les détails, eux, demeurent indistincts. L’intermède dans les toilettes lui est revenu sans grande difficulté, puis le visage d’un parfait anonyme, lui proposant un verre. Après cela, plus rien n’a de sens. Elle n’éprouve que des sensations, les images rattachées à elles totalement absentes. Une odeur est partout. Enivrante. Entêtante. Elle hésitait jusqu’alors, mais désormais elle sait : c’est son odeur qui la hante. Une gorgée de thé dévale le long de sa gorge sèche, vient réchauffer sa trachée, puis son ventre vide. Elle n’est pas aussi affamée qu’elle ne le pensait, tous ses appétits sclérosés par les légers vertiges qui la tiraillent encore, et lui donnent la nausée. Le thé fait son œuvre cependant, rétablit l’équilibre, hydrate les pores de sa peau assoiffés. Elle croit entendre en fond sonore les signes d’un réveil. Un sourire vient s’étendre tout contre ses lèvres. Une curiosité nouvelle se dessine. Sans bouger, continuant de parcourir son magazine sans véritablement se concentrer sur ce dernier, elle se demande s’il va rester. Rester ou partir, comme l’ombre qu’il doit savoir incarner. Elle ne le devine pas autrement, imagine sans peine le grincement de la porte d’entrée se refermer sur sa silhouette ténébreuse. Mais les minutes passent, et rien ne vient. Eleah cesse de chercher à distinguer les indices d’une fuite. Pour couvrir le fond sonore léger, sa voix s’élève, fredonne, revêt son antre de lueurs différentes, chatoyantes, incessantes.

Sa voix s’élève enfin. Elle ne l’a même pas entendu remonter. Un sourire vient éclairer ses traits qui portent encore les stigmates de la fatigue. Ses fossettes se creusent, trahissent cette félicité qu’elle éprouve à l’idée d’avoir réussi, sans le vouloir en réalité, à le retenir, ne serait-ce qu’un peu. Son regard se détache des lignes sinueuses d’une critique littéraire, elle hoche la tête, pose son coude sur le haut du dossier du divan où elle repose en soutenant sa tempe de ses phalanges.

« Echeveria setosa. » commente-t-elle, alors qu’il tripote sur bout des doigts l’une des plantes duveteuse en forme de rosettes. Elle ne pousse pas l’explication plus loin, n’a guère envie de s’enliser dans des conversations de botanique dont il n’a, elle en est persuadée, rien à faire. Mais étrangement, la pluralité des espèces qui vivent autour d’eux fait écho à ses paroles, à ce goût pour la variété qu’il invoque. Eleah l’éprouve en toute chose, est d’une ouverture d’esprit insatiable. Que cela soit pour les êtres, les formes, les saveurs ou bien les plantes, peu importe. Tout cela n’est qu’une parcelle d’un même ensemble. « Je t’ai arraché ta virginité de fuyard alors. Je suis flattée. » glisse-t-elle d’une voix douce, les lueurs espiègles renaissant dans son regard, intactes, préservées de toutes les noirceurs qui avaient menacé de l’assaillir jusqu’à l’ensevelir totalement. « Et tu doutes de mes goûts raffinés, encore. » raille-t-elle avec légèreté, son sourire plus grand, amoindri par la tasse fumante qu’elle reporte à ses lèvres à intervalles réguliers. En réalité elle n’est pas grande consommatrice de café. Il prendrait cela sans doute comme un blasphème odieux, mais elle le préfère avec un nuage de lait, et des notes sucrées. Cela ne l’empêche pas d’apprécier cependant les arômes de qualité, d’où l’acquisition d’un percolateur digne de ce nom. Arthur est le plus friand des amertumes.

Un silence s’installe entre leurs deux silhouettes alanguies. Eleah ne rompt rien, l’observe entre ses cils, distingue dans ses regards à la fois lointain et éminemment présents les parties manquantes des souvenirs qu’elle pourchasse. L’intimité de la posture dans laquelle ils se sont réveillés trahit des promesses, d’autres promesses dont elle ne se souvient pas. Et sur le coup, sans trop savoir pourquoi, elle craint de le questionner. Le silence s’allonge, Eleah ne dit rien. Ses incertitudes s’adoucissent peu à peu, délaissée de la peur dont elle éprouve un vague souvenir. Que s’est-il passé ? Pourquoi est-il resté ? Pourquoi ne pas l’avoir abandonnée dans les noirceurs d’un univers qu’il connaît jusqu’à l’essence ? Pourquoi l’en avoir extirpé plutôt que d’y sombrer à ses côtés ? Les interrogations s’accumulent dans sa tête, les réponses toujours absente. Elle n’a pas la hardiesse de lui demander. Peut-être est-elle la plus fuyarde des deux en réalité, à cet instant-là. Il ne semble cependant pas rompt à l’acculer, à tenter de ratisser les souvenirs qui voudraient bien se montrer. Elle apprécie qu’il ne cherche pas à la brusquer, n’éprouve pas la sensation de fers qui se refermeraient autour de ses poignets. A la place il plaisante, et en contretemps, Eleah rit de bon cœur.

« Non … Sérieusement ? » Elle n’en croit pas un mot. Et puis la légèreté l’étreint, la grivoiserie reparaît doucement. « Je devrais te remercier d’avoir laissé ma chasteté intacte alors ? » Elle hausse un sourcil, provocateur, pince l’intérieur de sa lèvre avec ses canines. « Je note, je note. Je salue même. » Et il évoque Faulkner, fait renaître toutes les perspectives de la veille. Eleah est enchantée, renoue avec les sensations oubliées, étouffées par la fatigue moins présente maintenant qu’elle est dans l’échange. Un soubresaut traverse son petit corps, la fait se redresser tout à coup en pivotant et se hissant sur ses jambes. « La vieille chouette, c’est vrai ! » On dirait presque qu’elle vient de lever son index en l’air, est déjà en train de s’incarner dans une énergie toute nouvelle. « Trésor, attends ici, bois ton café, et admire le maître à l’œuvre. » Un rictus carnassier s’éprend de ses lèvres. Elle disparaît quelques minutes, reparaît avec un petit carnet (qui semble tout droit sorti d’un autre siècle) dans une main, et son cellulaire dans l’autre. Sans attendre elle cherche dans le répertoire, compose le numéro convoité. Celui du contact qu’il lui reste au Royal Opera. La secrétaire personnelle de Faulker. Ava. Elle croise les doigts pour que le numéro soit toujours d’actualité, sent son cœur qui bat plus vite à chaque tonalité à l’autre bout du fil. Une voix fluette finit par interrompre l’attente.

« Oui ?  Ava Swanson, secrétaire de madame Faulkner, qui est à l’appareil ?
- Ava ? Ava, c’est Eleah. Eleah O’Dalaigh. Comment tu vas ?
- Ooh Eleah ! Ca va bien, vraiment bien ! Et toi qu’est-ce que tu deviens ma belle ? J’ai entendu dire que tu avais chorégraphié un clip, pour un petit groupe pas mal en vogue.  Dis-moi, qu’est-ce que je peux faire pour toi ? Tu as besoin de quelque chose ?
- Oui oui, les Spectrum, c’est ça ! Il faudrait qu’on aille se boire un verre un de ces jours. Ca fait une éternité qu’on a pas papoté toutes les deux. Tu pourrais me raconter les déboires de l’école … J’appelais pour savoir s’il était possible de prendre un rendez-vous avec Faulkner. J’aurais un projet à lui soumettre … Quelque chose d’assez … Personnel disons.
- Oh oui ce serait avec plaisir tu penses bien ! Pour Faulkner, elle est assez bookée pour les mois à venir. Avec son départ à la retraite imminent, elle prend de moins en moins de rendez-vous. Mais tu penses bien qu’elle a du mal à décrocher malgré tout !
- Impossible alors d’obtenir un entretien ? Même court ?
- Je suis désolée ma belle, mais son planning est complet jusque … Septembre, au moins. Et tu la connais, elle n’est pas du genre à faire des entretiens sur le pouce …
- Oh non … Tu n’as vraiment aucun interstice ? Aucune faille dans son emploi du temps de ministre ?
- Attends laisse-moi regarder … Hmm … Il y a bien quelque chose. Mais c’est bientôt. Samedi soir. Elle se rend à un vernissage, elle est ambassadrice d’une exposition consacrée à l’histoire de la danse … Je peux peut-être t’obtenir des entrées, et après … je te laisse te débrouiller pour l’approcher ?
- Si tu arrives à faire ça, tu serais une reine.
- Je t’envoie le carton par mail. C’est le même qu’avant ?
- Oui oui, tout pareil. T’es vraiment une reine Ava, je te revaudrais ça à l’occasion.
- Pas de quoi ma belle, donne de tes nouvelles très vite. »

L’échange se termine. Eleah raccroche, un air tout fier s’emparant de ses traits enfantins. D’une voix assurée elle déclare, en étirant ses bras au-dessus de sa tête avant de poser ses mains à plats de part et d’autre de ses cuisses. « Tu vas avoir quelques jours pour parfaire tes allures de gentlemen accompli. On approche Faulkner samedi. J’ai des invitations pour un vernissage, où elle sera ambassadrice. » Au milieu du gratin, celui qu’elle l’imagine détester, qu’elle n’apprécie pas plus que lui en réalité. Mais s’ils veulent concrètement obtenir un rendez-vous plus officiels avec Faulkner, ils doivent l’approcher, la convaincre, éveiller son intérêt. L’occasion lui semble inespérée, quoique scabreuse. « Alors Wilde, c’est qui le patron ? » Elle se relève de toute sa hauteur (enfin, de son mètre cinquante-cinq quoi, on fait ce qu’on peut, avec ce qu’on a) et pose ses mains sur ses hanches avec une fierté volontairement excentrique, en relevant légèrement le menton. De quoi asseoir sa domination pour sûr, et l’impressionner. On  y croit oui, dur comme fer. N’est-ce pas ?



« let me touch your symphony »
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James M. Wilde
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() message posté Jeu 5 Avr 2018 - 14:29 par James M. Wilde


« Let me touch your symphony »

Eleah
& James





Les zones d'ombre qui s'ébattent dans ses grands yeux. Incohérences d'un passé trop récent pour qu'il ne la trouble guère, trop présent pour savoir encore oublier. Ne demeurent que les indices qui dansent sur mon visage lorsque je la regarde. Je renferme en moi tant de sensations qui m'élancent, c'est un mal délectable dont je n'ai pas envie de me débarrasser. Ce qu'elle a glissé sous ma peau deux nuits durant m'empoisonne avec persistance, une ténacité qui lui va bien et qui la fait tanguer sur des idées abruptes sous mon crâne. Je la regarde mais je me tais. Dans le silence qui nous accable, c'est une nouvelle rencontre. Celle d'un matin enfui qui déroule un jour bien trop neuf, qui m'éblouit parce que je ne le sais pas. Je ne le sais pas encore. Ce qu'il comptera comme heurts, qui viendront donner à mes doigts d'autres usages, pour l'étreindre contre moi. Ce qu'il comptera d'erreurs, là, distillées sur nos langues désunies. Elle ne se souvient pas. Elle ne se souvient pas je crois. Comme cette première nuit dont les souvenirs sont mutiques, il y a hier soir une asymétrie bien troublante. Je renferme des réponses et j'ai tant de questions pour toutes les compléter. Nous compléter peut-être ? Pour peu que l'un de nous le veuille. Que l'un de nous murmure ce souhait. Celui de voir. De voir une nouvelle fois dans nos prunelles assombries, le lustre du désir et les relents de peur entremêlés. Je ne veux pas qu'elle oublie. Je ne sais pas ce que je ferai lorsqu'elle se souviendra. De la danse qui s'est alors poursuivie. Mon cœur combat ce que je ne peux dire, je demeure dans mon fauteuil à savourer l'épaisseur de mon café noir, qui défile sur ma langue des arômes ténébreux. Mots éteints, je joue avec ceux qu'elle m'apprend, le nom de cette plante que j'oublierai sans doute très vite. Il y a tant de mots dans ma tête déjà... Tant de sons qui se bousculent, pour tendre sur la toile vierge des allures immortelles à tous nos souvenirs. Le tissu de la mémoire qui se froisse, je caresse l'accoudoir comme je pourrais le faire de sa peau. Je me rappelle du satin de l'épiderme, sous la pulpe de mes doigts. Dans le silence je trace une ligne vers elle, que je ne complète pas. La rencontre proscrite, mon corps invité qui demeure inassouvi, j'aime cet élan brisé qui continue de tirailler mon ventre, je peux ainsi aménager un frein à mes angoisses. Et demeurer dans l'ignorance de ce que cela ferait. De me mêler vraiment à elle. De me mêler vraiment à toi. Le silence s'éternise. Je ne lui dis rien de ce qui s'effarouche de me savoir incomplet. Une errance sans fin. Je ne sais pas. Je ne crois pas. Quelle importance n'est-ce-pas ? J'ai toujours envie d'elle. De toi. De tant, si tu savais. J'ai un sourire qui fâne ma mélancolie, je suis à l'aise, à siéger auprès d'elle comme pour entendre quelques doléances en ce jour plein de pluie. Elle redouble comme pour habiter les secondes qui s'étanchent sur nos lèvres closes.
_ Tu as mal à la tête ?
À peine une question, plutôt un constat quand je la vois appuyer ses doigts sur sa tempe. Toujours le trouble de me douter de ce qui a bravé son sang hier soir. Chimie maligne. Manque en moi. Manque de toi. Je suis fatigué. C'est moi qui désigne mon front comme pour montrer que je ne suis guère plus brillant. Une gorgée termine la tasse, et je la délaisse sur la table entre nous avec une légère moue déçue. Toute cette situation est brouillonne, pleine de charme pourtant. J'aime être là. Pourquoi ? Indices, délices. Je ris quelque peu quand je lui concède, les yeux brillants et peut-être quelques grains de timidité en plus :
_ Voilà... Tu es la toute première. Une exception l'on ne sait jamais ce que cela signifie. Peut-être rien. Peut-être tout.
Je balaye l'air, appuyant ma nuque sur le dossier pour en chasser toutes les tensions, je reviens au ciel parfois, puis à ses yeux souvent. J'ajoute sur un ton équivoque :
_ Je ne doute plus. Au contraire.
Je ne souhaite pas m'embarrasser de perspectives étouffantes quand depuis le réveil nos partages transitent dans mon souffle, me rappelant tous les projets qui me transcendent. Son rire est si charmant, je ne m'en lasse toujours pas, je ne crois pas à cette éventualité dans l'atmosphère moite de la serre qui bien loin de m'accabler me rencogne dans un calme que je n'ai pas frôlé depuis des mois maintenant. Je mords ma lèvre inférieure, haussant un sourcil des plus suggestif :
_ Bien sûr que tu devrais, jolie plante. C'est une sorte d'exploit, voire un petit miracle. Bien que ton état très discutable n'ait sans doute pas rendu l'échange des plus intéressants. À quoi bon dérober tes charmes si tu n'en es pas consciente.
Demie victoire donc, à peine difficile tant j'étais moribond. Puis porter l'outrage jusqu'à sauter une comateuse, même si elle a son corps à elle, c'est d'un désespoir que je ne me permets pas. Ce que je tais c'est que toute la peur qui fut là-bas, sur la piste de danse, m'aurait retenu dans tous mes instincts sensuels, dictant d'autres avidités qui m'ont poussé à la choyer plus qu'à la prendre. Je l'ai étreinte autrement. Le trouble dévale mon estomac. Je l'ai étreinte pour la garder d'elle. Et la garder de moi. J'en conserve une intensité peu commune, encore gravée dans chacun de mes muscles, qui cherche à s'éroder, là sous l'épiderme qui a repris quelques couleurs, et n'y parvient pas.

Le rythme atermoie avec une toute autre ferveur, mes idées appellent les siennes pour ouvrir un nouveau champ de bataille. Je la retrouve, sautillante et déliée de corps comme d'esprit à l'évocation du projet et je me laisse plus encore dériver dans le fauteuil, comme au spectacle. Le premier rang d'une énergie nouvelle que je vois aussitôt la traverser, et je ne fais qu'opiner très légèrement, n'intervenant pas dans ses manigances. Elle semble savoir comment aborder notre antiquité et je la vois partir, en sautillant, pour revenir armée d'un carnet. Je secoue légèrement la tête, réprobateur et un brin moqueur, tandis que je la regarde tourner les pages, même si je ne peux pas prétendre avoir abandonné moi-même l'usage du papier. Quoique mon monde verse grandement dans le numérique à outrance, je compose encore sur de bonnes vieilles partitions, laissant la peine de la saisie à d'autres que moi lorsqu'il s'agit de fixer l'oeuvre pour l'éditer d'une quelconque manière. Je n'ai pas trouvé de meilleure liberté pour ma main lorsqu'elle prolonge ma pensée que le crayon qui annote, retouche, raye de façon enragée. J'écoute la conversation tout en pianotant sur mon smartphone. Il y a deux messages de Gregory, un d'hier, un d'aujourd'hui. "Tu dors où ?" suivi de "Paul m'a dit que tu ne rentrais pas. Tu es sûr de vouloir faire l'ouverture ce soir ?" Ma bouche s'étire en un seul trait, une ponctuation à mes airs assombris par le reproche sous-tendu. Ou plutôt ce que je considère comme une preuve flagrante à mon abandon manifeste des dernières semaines. Je paye ainsi ma désaffection et mes manques. À devenir une silhouette diaphane, personne ne s'attend plus à me trouver dans ces décors qui furent miens. Je réponds en un seul message : "Ailleurs. Oui." Je sais que de ne pas alambiquer de détails mes missives vont le faire très légèrement tiquer. Je lui raconterai tout plus tard. Quand je serai sûr d'obtenir ce que je souhaite. Ce que mon ambassadrice favorite est justement en train de négocier. L'agenda de la vieille semble parfaitement complet et je fronce les sourcils, impatient, ma jambe se met à tressauter tout au long de l'échange, signe d'une nervosité que je ne sais pas taire, ni atténuer. Je roule des yeux, franchement incrédule tout en grommelant :
_ Putain, il faut toujours que Faulkner fasse son importante, ça n'a pas changé.
Je ne parle pas bas, je me tape que l'interlocutrice puisse m'entendre, après tout les secrétaires sont là pour ça, filtrer les bruits parasites pour que leur brave tyran ne soit pas dérangé. Je commence à m'imaginer aller forcer la porte de Faulkner, comme je l'ai un jour fait de la porte de Moira, à n'importe quelle heure. L'idée brutale me fait détourner mes yeux vers le ciel, je cherche à encombrer ma tête de la pluie qui danse sur la verrière plutôt que de me laisser envahir par ce que je ne maîtrise pas. Mais Eleah est douée, elle est même passée maître en ce que l'on pourrait nommer roublardise, j'entends qu'elle ne s'en laisse pas compter, puis apprécie d'un coup d'oeil la victoire qui se peint sur son visage, bien plus enchanté. La fierté la rend à une gravure indomptable, je ne me cache pas alors que je m'éprends de mon observation qui la cueille dans des mouvements gracieux. J'attends la confirmation de ce que je crois avoir deviné, et alors qu'elle se dresse de sa petite hauteur pour parfaire le tableau de sa victoire, je croise mes mains derrière ma nuque, dans une décontraction bravache. Je la regarde, les prunelles rieuses :
_ Si tu continues à t'agiter comme ça dans ton déshabillé, il est probable qu'à un moment donné l'on puisse me surprendre à clamer tes louanges. Mais... Laisse-moi réfléchir...
Je laisse durer le suspens, passant ma langue sur mes dents comme pour toutes les compter. Ma tête bascule en arrière, un frisson de plaisir arrimé à la placidité de l'atmosphère me fait presque ronronner :
_ Hmmm. Ok. Je suis presque, je dis bien presque impressionné. Sauf que ce que tu as obtenu ressemble à une torture et je me demande si tu ne l'as pas fait exprès. Me balancer au milieu d'un tas de connards endimanchés, il va falloir que je me fasse beau en plus pour plaire à la vieille peau. Peut-être même que j'achète un truc pour la convaincre de ma bonne foi. Quelle horreur... Eleah. Je ne vais pas survivre. Je vais mourir à l'aube de notre triomphe. Quelle dommage.
Je me redresse un peu, posant mes coudes sur mes cuisses, mes mains soutenant mon menton pour lui lancer une oeillade théâtrale, angélique pourrait-on dire, même mon sourire devient charmeur :
_ Quelle récompense m'offres-tu si je me tiens bien parmi les fauves ? Notre collaboration ne compte pas, elle est déjà acquise... Non. Je veux autre chose pour que tu mérites ton titre. Par exemple... Ah ! Je sais. Je sais, je sais. Mais ça ne va pas te plaire.
Des étoiles viennent d'élire domicile dans mes iris qui chantent mon espièglerie. Tout est question de négociation et déjà mes esprits peignent la juste rétribution à ces heures assommantes qu'il nous faudra passer là-bas. J'ai l'air d'un chat qui convoite sa proie, et je papillonne des cils pour ponctuer mes idées fourbes.
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() message posté Jeu 5 Avr 2018 - 21:10 par Invité
james & eleah
La question la cueille, met en exergue tous les stigmates incertains qu’elle aurait pourtant souhaités invisibles, et sans faille. La fatigue l’étreint toujours, comparse qui lui sera sans doutes familière tout le jour jusqu’à ce qu’elle s’endorme de nouveau. Tout sera si différent alors. Rien ne pourra égaler la tiédeur partagée, l’étreinte qui retient, enveloppe … S’évanouit enfin, toujours. Il y a dans l’évanescence quelque chose d’éminemment attirant. L’idée d’une fin toute proche rend l’instant plus fragile. Il faut s’y agripper alors, ne laisser de la place à rien d’autre. Les intensités sont déployées par la perspective de la chute, du moment où il faudra partir pour recommencer tout depuis l’essence, encore et encore, et encore, mais toujours ailleurs. Ses regards se posent sur la décontraction de sa silhouette sur le fauteuil bleu nuit. Elle s’aperçoit que la complétude n’est pas entière. Pas tout à fait. Un goût de trop peu lui reste sur la langue, et cet ailleurs qu’elle convoite si vite d’habitude, par crainte viscérale de s’enchaîner à des émotions trop absconses, ne vient pas. Pire que cela, l’attirance prend des atours délicats qui la laissent mutiques, le temps d’une réflexion confuse. Elle a oublié toutes les images qui l’ont rattaché à lui pendant la nuit. Mais les impressions, elles, lui reviennent tour à tour. Ce sont des mélodies étranges, qui jurent les unes avec les autres, mais qui se répondent malgré tout dans des harmonies dont elle ne connaît pas la saveur. Sans doutes devrait-elle le questionner, l’interroger pour dissiper le brouillard qui tapisse la plupart de ses idées. Elle se retient pourtant, préfère taire les émotions qui la traversent en se disant que si elle doit les retrouver, elle renouera avec elle d’elle-même, ou les oubliera toutes ensembles. Elle remet le destin de leurs silhouettes en quinconce entre les mains du silence. Sa tête ne lui semble plus aussi lourde que tout à l’heure. Tranquille, des sourires se glissent aux commissures de ses lèvres, éveillant les traits de son visage qui semblent moins fatigués, tout à coup.

« Plus autant que tout à l’heure. » glisse-t-elle dans un murmure. Le thé, l’hydratation a fait son œuvre. Elle va mieux, beaucoup mieux. Une partie d’elle rêve à la tranquillité d’un instant sans heurt, où elle plongerait dans un demi-sommeil jusqu’à point d’heure, sans se soucier du temps qui passe, le délassement pour seul comparse. Mais ses instincts la rappellent immédiatement à l’ordre : elle est difficilement capable de demeurer à ne rien faire une journée entière. Ses membres ont besoin de bouger, de vibrer, d’appréhender ce qui les entoure. Ses regards se portent sur ses traits, repèrent les mêmes stigmates de fatigue. Les mêmes que la veille, alourdis cependant par la nuit passée. Ses cheveux légèrement hirsutes l’amusent : la tentation d’aller les fourrager plus encore la traverse de part en part, mais Eleah résiste, remet l’idée enfantine à plus tard. Elle ne lui retourne pas la question, craignant qu’il ne lui divulgue au passage des indices. A-t-il oublié lui aussi ? Etait-il comme elle, dissout par l’impériosité d’émotions incontrôlables ? Elle sent ses regards qui la frôlent, la dissèquent. Elle ne l’éprouve pas de façon intrusive, mais quelque chose dans son ventre se réchauffe. Il sait. Oui, elle en est convaincue. Il n’a pas oublié. Il sait tout. Elle ne sait rien. Le pouvoir qu’il pourrait concevoir est absolu quand elle n’a pour elle que la confusion d’idées encore lointaines qui se bousculent. Alors pour l’heure, elle claquemure les opportunités qu’elle pourrait lui tendre, qu’il pourrait saisir au vol. Elle le remercie intérieurement de ne pas insister, sans la curiosité la piquer face à ses aveux teintés d’une timidité surprenante. Eleah vient caler sa paume contre sa joue, se cale sur le divan.

« C’est peut-être l’exception qui confirme la règle. » murmure-t-elle à son encontre. La règle qui consiste à s’évanouir, toujours. A profaner les contours d’espaces qui ne nous appartiennent pas, pour disparaître avant même qu’ils ne deviennent trop connus, écœurants, éreintants aussi. Elle connaît ces impressions-là, est forcée d’admettre qu’à ce sujet, elle lui ressemble, au moins un peu. Combien de fois a-t-elle disparue avant le jour, soucieuse de n’être pas cette silhouette alanguie sur l’oreiller, à laquelle on pourrait être tenté de s’attacher. Ses prunelles papillonnent, s’aimantent à l’espace tout autour d’elle, comme pour en appréhender la profondeur. Elle revient à lui avec prudence, l’aveu sur le bord de lèvres entrouvertes, hésitantes, la menace du silence encore présente, oubliée cependant au profit de la confidence arrachée dans l’intimité confinée d’un échange qu’elle ne veut pas briser de façon abrupte. Non, pas tout de suite. Pas encore. « Cela dit … Je suis forcée d’admettre que d’habitude, je n’invite pas les hommes à dormir ici. » Parce que c’est son univers, qu’elle n’aime pas non plus l’idée que l’on puisse savoir où la trouver si elle n’a pas consentit à donner l’invitation au préalable. Elle pourrait mettre son abandon momentané sur le compte de la drogue. Mais ce serait mentir. Elle l’a déjà invité de manière implicite, bien avant qu’ils ne sombrent dans les frimas des noirceurs décadentes du monde. Une invitation n’est pas quelque chose qu’elle offre avec légèreté. Non, jamais. Un rire la tance. Ses airs sont indécents à présent, et Eleah ne se lasse pas de les disséquer du regard. Elle apprécie cette espièglerie-là, qui répond à la sienne avec ferveur sans jamais imposer de limites.

« Tu étais plus conscient que moi alors ? Voilà qui me rassure. » La question n’attend pas vraiment de réponse. Il lui a déjà répondu, de façon toute implicite. Une certitude la taraude alors, ses regards ne le ménagent pas, se font plus intense alors que son sourire s’affadit pour n’être plus qu’en demi-lune, la distinction étant à la fois confuse, et toute translucide. « Tu n’aurais rien fait … La conscience, c’est ce qui fascine … C’est ce dont nos avidités veulent s’abreuver. Boire des intensités factices sur des lèvres absentes, sur des regards confus … Cela ne procure rien à part une sensation de vide immense. A quoi bon dérober du vide, quand il y aurait tant d’autres choses à caresser ? Ce n’est jamais assez … » Son rictus est plus caressant à présent, frôle l’espièglerie alors qu’elle reporte la tasse à ses lèvres, la vide d’une traite avant de la reposer sur la table basse.  Est-ce une façon pour elle de le remercier ? de n’avoir pas profané les barrières de sa conscience, alors qu’elle n’avait pas le pouvoir de choisir de le repousser, ou de l’étreindre avec puissance ? Le concernant, elle veut être en mesure de choisir. Elle apprécie qu’il la laisse toute libre, quand tant d’autres cherchent d’habitude à l’enferrer ou la contraindre à des idées qui ne lui correspondent pas.

L’échange prend d’autres tournures dès lors qu’il évoque la vieille harpie, dangereuse, et plus taciturne que tous deux réunis. Gagnée par une ferveur toute neuve, renaissant grâce aux puissances fragiles de l’énergie créatrice, Eleah se lève, disparaît, revient. Elle ne peut s’empêcher de bouger en utilisant son cellulaire. Sur le sol, ses pieds nus se déroulent lorsque ses pointes ne cherchent pas à toucher des points invisibles sur l’arrière de ses mollets. Le ravissement la gagne peu à peu : les perspectives au début pleines d’entraves s’éclaircissent. Il s’impatiente à côté, devient bavard. Sa voix s’élève en fond sonore, et tandis qu’elle déambule, dans un geste totalement instinctif, elle lui mime de se taire en déployant son index, et en l’approchant de ses lèvres qui maugréées.  A la fin, elle n’est pas peu fière de ce qu’elle considère comme une réussite, compte tenu des circonstances. Mais son contentement à lui semble en demi-teinte. De quoi peindre des airs d’insurrections sur ses airs désinvoltes, alors que les gestes deviennent plus théâtraux devant sa silhouette assise.

« Clame tant que tu veux trésor, mais je préfère que cela soit pour une réussite plutôt que pour mon décolleté. » Ses petits poings se sont refermés et posés sur ses hanches, la tête haute. Elle ne relève pas la remarque qu’il fait sur sa tenue, n’a pas cette pudeur qu’il la contraindrait à se dissimuler derrière les tissus qu’elle aime fluides, et vaporeux. Parfois un peu trop parfois, c’est vrai. Toute la sensualité de sa nature mise en exergue par la finesse des matériaux dont elle se pare. D’un regard elle dissèque les expressions qu’il arbore, tour à tour, oscillant entre des airs félins et malins qui la font se suspendre à ses regards. L’impatience la gagne, conjuguée à une curiosité insatiable. Elle ronge son frein alors qu’il chipote, fait à l’évidence exprès de ne pas lui donner ce qu’elle quémande. Sa langue claque sur le haut de son palais de mécontentement. Elle ajoute : « Presque ?! Allons bon, je vois toute l’admiration dans ton regard … » dans des airs emprunts de désinvoltures, renouant avec un esprit joueur qui répond au sien, et leur sied à ravir. « Oh oui … Imagine … Tu seras tout étriqué dans un joli costume. Tu passeras la soirée à te plaindre, à te tortiller, à avoir envie de les déranger dans leur bienséance détestable … Rien que d’y penser, je trouve ça délectable. Mais je suis persuadée que tu t’en sortiras à merveille. Pense à Faulkner. Aux pensées assassines qui vont la traverser quand elle te verra, aux doutes qui la caresseront  quand elle pensera que tu es respectable désormais … Alors qu’en réalité tu nourriras des pensées totalement indécentes en la regardant droit dans les yeux. » L’impression de créer un complot de toute pièce se dessine, l’amuse d’autant plus. Féline elle s’est rapprochée, a fini par se poster devant lui. « De toute façon je t’interdis de crever pour l’instant. S’il faut te déterrer et te hanter tous les jours pour que tu viennes la convaincre avec moi, crois-moi, je le ferais. Tu ne peux plus reprendre les perspectives offertes … C’est trop tard maintenant. » Elle se mord la lèvre, trahit toute l’impatience qu’elle éprouve à l’idée de ce décors encore indistinct qu’ils sont censés créer. Elle s’assied sur le rebord de la table basse, juste en face de lui, croisant ses jambes l’une sur l’autre en arborant une moue aussi curieuse que réprobatrice face à ses airs d’ange déchu. Loin d’être dupe, elle se prête au jeu cependant, prête à se brûler les ailes. Il est trop tard maintenant. Alors à quoi bon minauder, s’éloigner ? Elle n’en a pas envie. Elle veut se brûler avec lui sous les regards desséchés et désabusés de Faulkner. Qu’ils se prennent tous les heurts et tous les triomphes ensemble.  

« Dis-moi … Dis-moi quelle fourberie indécente tu as en tête. Je vois bien que tu crèves d’envie de me le dire. » Prononce-t-elle dans un murmure, ayant mimé sa posture en appuyant son coude sur sa cuisse, et son menton sur ses phalanges. Etrangement, elle n’a pas peur. Au contraire, ses prunelles sont rieuses, presque caressante. Elle sait déjà qu’elle ne refusera rien, même l’idée la plus incongrue, ou la plus triviale. Elle est prête à tout, car il est trop tard. Oui, trop tard. Alors quitte à brûler, autant le faire avec toute la hardiesse possible. Et ressentir. Eprouver encore.



« let me touch your symphony »
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James M. Wilde
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() message posté Ven 6 Avr 2018 - 17:28 par James M. Wilde


« Let me touch your symphony »

Eleah
& James





Invincibles outrages qui s'affadissent sur la peau de sa joue que j'ai tenue si longtemps embrassée dans mon cou. Ma main se balade sans que je n'y songe, frôle l'épiderme près de ma jugulaire, dessine le fantôme d'un contact qui me hante, galvanise des instincts que je sens encore entiers, portés par la houle d'un souffle que je tempère parfois difficilement quand je m'oublie à trop songer. Songes évanouis dans la nuit en demie-teinte, il n'en reste que des indices tus, ponctués par nos gorgées mutiques, nos sourires, d'autres mots qui viennent en clair-obscur de ceux que je conserve, avec une certaine convoitise. Ce n'est pas l'envie de lui dissimuler ce qui fut arraché dans l'errance de la drogue, non. C'est l'élan de savourer ce qui fut offert peut-être par erreur, le temps qu'elle sache venir l'exiger. L'excaver de mon corps, le sortir de ma tête, l'évanouir de mon âme. Je la regarde, mesurant ses retenues, cesse mon geste qui atermoie dans ma nuque pour venir ébouriffer mes cheveux. Ça n'était pas une erreur, ça n'en était pas une. La drogue était dans ses veines, mais j'étais dans sa peau. Je le sais, je le sais car elle est dans la mienne. La confidence se glisse, parcourt la distance pour épouser mon très léger sourire, même si je penche la tête comme pour bien vérifier qu'elle dit vrai. Dans cette seule seconde, mes yeux traversent les heures à rebours, et quelque chose au fond de moi se délie pour retrouver le naufrage de nos silhouettes, goûter à l'envie de la tenir contre tout ce qui pourrait l'atteindre. La bercer contre mes peurs, pour goûter toutes les siennes. Et bien d'autres sensations encore. Je me tais, je la crois, je sais également que l'instinct trivial revêt des allures ancestrales, le choix, le choix qui fut, le choix qui demeure. Le choix qui distille dans mes esprits des images éthérées, présent, futur, passé, le tout ensemble pour ne peindre plus qu'une seule voie. Elle est si dégagée quand je suis ici, à la voir sans la confondre à ma propre tyrannie. La verrière se disloque, il y a elle, il y a à moi, les odeurs des plantes et du café, le goût de l'inconnu qui demeure sur la langue. L'idée de prolonger toutes les incertitudes, plus loin, jusqu'à ce que plus rien n'ait de sens à part ça. La voir et ressentir l'envie qui plante ses griffes dans mes entrailles, l'apaisement dans la tête illusoire, pour masquer la tempête. Il y a dans ses yeux tout ce que je souhaite, tout ce dont je ne veux pas, tout, trop. Le pas assez se voit galvaudé sur le fil tendu entre nos prunelles qui brillent. C'est pour cela que je ne suis pas parti en courant ce matin. Parce que rien n'a su se tarir entre nos doigts entremêlés dans la caresse de l'aube. Je ne dissimule ni le trouble, ni l'envie, ni l'apparente satiété transitoire, ses murmures virevoltent, sa posture est charmante, sans minauderies inutiles et je ne comprends pas pourquoi tout est si simple, pourquoi tout est si bon quand je n'ai jamais su me contenter de rien. L'exception... Peut-être a-t-elle raison. Peut-être que les couverts du changements ne sont en réalité que ces accidents d'une route toujours plus déviante, peut-être que le chemin dégagé jusqu'à elle comporte les mêmes dénivelés trompeurs. Plus loin. Peut-être ne suis-je ici pour ne pas être là-bas, chez une autre, ou chez moi. Peut-être, peut-être... Ou bien c'est qu'avec elle, les espaces sont immenses, et les limites imparfaites, écroulées par les mots qui furent tracés, dont elle n'a guère le souvenir, mais dont elle hérite l'écho. Je ne commente pas, me contente de hausser mes épaules parce que je ne peux prétendre changer ma nature qui ne peut supporter les chaînes que tous les autres imposent. Malgré eux parfois. Ce sont ces entraves que je distingue, que je sais me poser tout seul quand la personne compte, devient ce tortionnaire que je choisis à l'avoir imaginé ma victime. L'on se relie toujours, à chaque rencontre, et me relier à Eleah c'est pourtant ce que je souhaite. Mais le lien ne fait pas mal, le lien ne mord pas les idéaux pour tous les pervertir, le lien ne sera jamais abusé pour servir à m'étrangler. Parce que je ne songe guère à le faire avec elle. L'exception, c'est elle, c'est moi. L'exception avouée quand elle esquisse l'incongruité d'une invitation, réitérée en deux temps très contraires. Envahir la retraite, ne toutefois pas la déranger, n'être qu'une âme de passage, égarée. Je choisis de m'égarer le temps qu'il faudra... Il nous faut nous savoir pour nous donner entièrement sur scène. Sans doute en sommes-nous bien plus conscients que nous l'imaginions. Le choix offert, je l'ai saisi, je ne me sens aucunement lésé. Je joue de nouveau avec mon amie au nom imprononçable, caressant une des feuilles au passage, profitant du mouvement pour étirer mon bras. L'évocation peint des brûlures dans ma voix, des méfaits dans la sienne, mon regard lui revient, soudainement aimanté et bien plus profonds. Les illusions façonnent des vérités qu'elle chante, et mon sourire se fige légèrement, parce que ce qu'elle énonce fait courir des centaines de morsure, quand je me sais entièrement deviné. Mon timbre est plus trouble, l'aveu plus confondant, je le lui abandonne sans renoncer à ce qui fut murmuré contre mes lèvres. Je veux tout. Donne-moi l'ignominie. Tout. Tout. Tout le dévoilement qu'il faudra pour qu'elle me sache par coeur, dès lors qu'elle le souhaitera :
_ Ça m'est arrivé... Prendre ce qui n'était pas véritablement offert, profiter de ce pouvoir indistinct sur un être entièrement corrompu par la came ou l'alcool. L'anonymat d'un échange qui se brise. L'on se sent seul, vide, froid et comme tu dis, ça ne suffit pas... Je ne peux pas.
Pas. Plus. Seul en elle. Mes yeux se perdent quelques instants dans des souvenirs ignobles. Je sais ce que cela procure, je sais ce que l'on hérite de ce qui n'est pas consenti, partagé, réellement offert et consumé. Froid. Froid. Jamais assez, elle a raison, je ne me perds pas. L'espièglerie qu'elle manipule à loisir tend tous ses raies splendides et je m'y laisse glisser, retrouver la voie sans même avoir à y songer. Je n'aurais pas pu, elle le sait, car ce que je suis venu chercher n'est pas de ce qui détruit, de ce qui abandonne le corps vicié, embrassé par l'opprobre. C'est bien tout le contraire... Ce que je souhaite est d'une autre nature, bien plus viscérale. Bien plus dangereuse sans doute aussi. Car ce que j'y abandonnerai ne sera guère sans conséquence.

L'antiquité faulknérienne nous entraîne dans un autre univers, celui de ces lendemains promis que nous devons construire et cela ne sera pas une mince affaire. C'est tout un traquenard que je suis assez prompt à échafauder, même si j'en suis la première victime. L'idée du vernissage me fait avoir des visions d'horreur. Bordel... Me retrouver avec tout un tas de crétins, prompts à commenter n'importe quoi et n'importe qui pour peu qu'ils aient l'air important. C'est là tout ce que je fuis, avec une ténacité peu commune mais... Le jeu offert vaut toutes les contritions. Sauf celles qui me verraient admettre sa supériorité quand lui dénier son triomphe est bien plus exaltant. Elle est si expressive quand elle me toise, mécontente et pointilleuse, tandis que mes yeux glissent entre les plis du kimono pour dévoiler quelques nudités ainsi dévoilées par ses grands mouvements. La fierté d'un corps qui ne se dissimule guère, dans une pudibonderie qui lui siérait bien mal. Je joue, je laisse planer le doute, balaye ses clameurs d'oeillades amusées :
_ Parce que ça y est, tu lis dans mes yeux comme dans un livre ouvert, c'est ça ? De l'admiration, pourquoi pas de la reconnaissance pendant que tu y es, fillette.
Mes exclamations valent les siennes, elle sait que je surjoue un détachement que je ne ressens pas, trop content de savoir notre projet bien plus à portée de nos doigts très avides dorénavant que nous avons l'opportunité de croiser Faulkner, même au milieu de prudes en rangs serrés. Elle se rapproche, narrant déjà toute une soirée qui défile devant les regards que je lui porte. Force détails viennent nourrir la mémoire au futur de nos exactions, comme des espions qui s'introduiraient en terrain hostile pour savoir enfin le conquérir. Elle est proche désormais, la contre-plongée est divine, mon sourire agrandi malgré moi quand je souhaitais tant retenir ma moue écoeurée.
_ Exactement... Je passerai ma soirée à me plaindre, au creux de ton oreille, et à verser tout ce que mon esprit ne pourra plus exprimer à voix haute, toutes ces pensées qui viendront m'étouffer, cette détestation qu'il me faudra exorciser et tu seras alors le seul réceptacle à cette vérité. Je hais les costumes, je hais ce genre de soirée, mais savoir que je pourrai te traquer dans la foule pour te dépeindre ma vision de chaque convive ridicule... Ça pourrait presque valoir le déplacement.
J'ai un rictus bien plus carnassier désormais qu'elle m'interdit même la mort, mettant un terme à toute idée d'évasion, promettant la même ferveur que celle que je saurais déployer si dans l'instant elle revenait sur toutes ses promesses. Mon regard est plus intense, plus caressant aussi :
_ Vraiment ? Tu viendrais jusque dans mes Enfers pour m'y trouver ? Oh mais, quand je disparaitrai Eleah, je te convoquerai pour que tu m'y rejoignes, sois-en assurée.
Le jeu devient un tout nouveau défi, je murmure doucement :
_ Tout comme je viendrai chercher ce qui fut évoqué. Aussi loin qu'il le faudra. Il n'y a pas de retour en arrière.
Et très étrangement, l'exprimer ainsi, dans la cruauté du jour, à haute voix ne me fait même pas trembler. Je le sais. Je le sais. Pas de contrainte, pas de détours. La liberté de respecter ce qui fut promis, la liberté d'un lien choisi. Le choix encore, le choix toujours. Et ces envies qui s'amoncellent pour rajouter des règles que nous saurons bafouer, l'un à côté de l'autre. Mon esprit se transforme, et beaucoup d'idées torves y courent imaginant un prix qui vaudra toute cette sagesse qu'il faudra singer pendant des heures. Se voir rongé par ces flammes qu'il me faudra contenir. Avec elle. En elle sans doute quand tous les mots seront lancés pour partager une frustration immense. Elle ne s'éloigne pas, Eleah est tout près et nous demeurons ainsi, suspendus, à nous regarder. Qu'elle me demande sans même ciller de lui dire mes exigences agrandit mes pupilles qui se fixent sur elle. Je pourrais bêtement quémander une nuit d'indécence à ses côtés, mais j'y renonce rapidement, si ses charmes me frôlent, je veux qu'elle me les offre seule. Un pari verserait l'amertume sur le plus doucereux et intense des échanges, ce serait corrompre nos corps qui se retrouveraient à baiser à date fixe. Quelle déception. Je ne veux rien d'aussi commun pour ce qui devra être entièrement abdiqué. Le timbre est presque brûlant :
_ Ce n'est pas de ton corps qu'il s'agit, du moins pas ainsi, ce serait trop simple, où seraient les intensités que tu évoquais, n'est-ce pas ? Non... Je serai sage, toute une soirée d'accord, je ferai mon possible pour convaincre Faulkner, mais le jour qui suivra, tu me retrouveras. Et...
Un temps d'arrêt, je retiens un sourire qui trahirait le fond de ma pensée :
_ Je t'emmènerai faire un tour. Un peu de verdure pour chasser les faciès grimaçants de nos ridicules nouveaux amis. Ce n'est pas grand chose n'est-ce pas ? Juste quelques heures hors de Londres. Un petit tour... en moto, avec moi.
Le mot dévoile ses menaces, en fin de phrase comme pour la surprendre plus encore. Je sais que la Blackbird a su l'effrayer totalement, ce lâcher-prise là, elle ne le maîtrise pas. Je ne sais guère si je saurai la convaincre de le ressentir, tout contre moi, la vitesse, l'exaltation du vent dans ses cheveux, les couleurs également, le monde en impressions, qui se gravent à tous les temps d'une évasion. Une autre danse... Qui demandera toute la confiance qu'il nous faut acquérir pour que nous sachions nous donner. Nous offrir.
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() message posté Dim 8 Avr 2018 - 10:47 par Invité
james & eleah
Et la réponse la cueille. Mais contre toute attente elle ne la surprend pas, car elle a déjà deviné, dans ses manières de réagir, parfois, les stigmates de violences intrinsèques. Ces limites que l’on cherche à marteler pour en brouiller les contours et aller au-delà, quitte à se perdre, quitte à prendre tous les risques pour cueillir ne serait-ce qu’un frisson. La noirceur du regard glacé qu’il arborait, là-bas, à l’entrée de ces toilettes horribles, lui revient comme un impact. Elle n’a pas oublié, non. Les détails lui reviennent peu à peu, certains limpides, d’autres plus troubles. Elle ne dit rien pour le conforter dans ce qu’il évoque, pour ne pas trahir cette conscience qu’elle commence à avoir de lui, et d’elle-même aussi. C’est un silence qui dérobe l’espace entre eux à la place, un autre, où elle le regarde, sans imposer de distance ou d’effroi particulier. Un silence où elle a le sentiment intime de le reconnaitre. Je ne peux pas … les mots se réverbèrent dans toute sa conscience. Ses lèvres demeurent mutiques mais ses regards deviennent plus parlant alors. Moi non plus, devrait-elle dire. Moi non plus, jamais. Sauf qu’elle ne peut pas prétendre n’avoir justement jamais été au-delà de ces limites-là. Seul, vide, froid. Ses mots sont si équivoques, si bien choisis qu’ils couvrent ses bras de légers frissons. Elle se souvient de l’horreur éprouvée à se sentir martelé par une silhouette anonyme, l’absence du regard lorsqu’il ne trouve aucun réverbère dans lequel plonger. Une étreinte factice, bestiale, où toutes les intensités sont broyées par les élans d’un seul. Elle ne peut pas, non. Elle ne peut plus. C’est la pire de toutes les injures, une entrave terrible à tous les idéaux qu’elle poursuit jusqu’à consumer ceux qui l’entourent. Au moins s’entendent-ils sur cette idée-là, à vouloir sans fard, à désirer cruellement tout quitte à faire mal, mais dans un but unique : celui d’éprouver jusqu’au vertige, d’oublier tout à part les émotions qui transcendent, transportent, rendent tout le reste fade et sans nuances. Inconsciemment ses doigts viennent s’enrouler autour d’une mèche de cheveux hirsutes, échappée de son chignon, à l’orée de sa nuque. Elle ne dit rien. Mais elle pense si fort qu’elle croit qu’il pourrait facilement l’entendre. Et une forme de reconnaissance se peint sur ses traits face à ses aveux. Elle n’est pas obligée de refermer la porte, elle n’est pas obligée de fuir. Pas encore, parce qu’il n’a pas voulu profaner les barrières de sa conscience. Il en veut plus, comme elle. Rien n’est certain. Tout est possible.

La conversation se désacralise. Faulkner et son profil aigre deviennent une toile tendue en fond de leur échange. Toute l’énergie reparaît, bouleversante dans son corps pourtant tiraillé par une fatigue toujours cuisante. La puissance créatrice est la plus belle de toute. Elle oublierait tous les maux pour lui faire honneur, pour embrasser ses perspectives. Elle abandonne sur le divan sa silhouette échouée et lasse, devient à la place une forme qui bouge, s’accapare l‘espace en traçant d’un feutre plus visible toutes les perspectives. Le jeu reparaît à l’orée de leurs bouches espiègles. Elle aime les lueurs qui dansent dans ses regards, si différentes du froid glaçant qui l’étreignit tout à l’heure. Il rechigne à s’exhiber dans cet univers pétris d’orgueils, d’égos et de costumes trois pièces. Elle est surprise. Elle a cru comprendre que ce monde-là, il le connaît. Trop même. Jusqu’à s’en être écœuré, et en avoir rejeté tous les codes. Cela signifie qu’il est le plus à même des deux à en connaître les failles pour se glisser à l’intérieur. Eleah est moins à l’aise avec tout cela. Elle ne le montre pas, préfère s’enchanter dans un enthousiasme trompeur, mais en réalité c’est un univers qu’elle connaît mal. Elle en a arpenté les contours plus d’une fois, surtout à l’apogée de sa carrière, lorsqu’on la couvrait d’une admiration et de compliments qui ne l’emplissaient jamais d’une satisfaction entière. Elle était la curiosité à la mode. La petite étoile montante, surprenante. Les plus endoctrinés l’avaient rejetée au début : une danseuse étoile de moins d’un mètre soixante-dix, ce n’est franchement pas convenable, c’est une injure pour le répertoire classique. Et puis elle avait fini par les convaincre. De façon très illusoire bien sûr. Nombre de fois on l’avait invitée à des événements culturels, à des soirées où nul ne dit jamais ce qu’il pense. Son énergie avait souvent été aperçue comme un manque cruel d’éducation, une maladresse touchante que l’on pouvait pardonner, parce qu’à défaut de bienséance, elle possédait un talent quelconque, salué par tous les magazines critiques en vogue et par le cercle des donateurs du Royal Ballet. Les préceptes de ce monde-là, elle ne les avait jamais appris. Elle n’était qu’un leurre, un météore dont les lueurs jurent, une silhouette un peu gauche trouvant les petits fours « mignons », les politesses amusantes, et le champagne entêtant. Un imposteur en somme. Un imposteur dissimulé derrière des sourires factices et des parures mondaines insensées.

« Pas encore, mais figure-toi que j’y travaille, Wilde ! Nulle énigme n’est indéchiffrable. » Un sourire carnassier vient dévorer ses lèvres, tandis qu’elle hausse tour à tour ses sourcils, dans une expression aussi équivoque qu’amusante. « Ne va pas trop vite, la reconnaissance viendra ensuite, tu verras. » promet-elle, avec une assurance toute naturelle, aux attraits félins. Il s’exclame, surjoue. Elle aime toute cette énergie qu’il déploie pour lui répondre, ne peut que surenchérir alors, continuant sur le même fil. Etrangement, elle n’éprouve pas de difficultés à imaginer ses attitudes. Une inconvenance totalement maîtrisée, voilà ce qu’il sait incarner, n’ayant aucune conscience des cartes qu’il possède quand d’autres sont propulsés dans un monde, et doivent se débrouiller, car ils n’en connaissent pas les pièges et les travers cachés. « Si ce sont tes seules doléances, je pense pouvoir les supporter. » Elle n’admet pas cette faiblesse qu’elle éprouve, se prête au jeu à la place, pour ne rien laisser transparaître. La nervosité l’étreint pourtant déjà. Ce n’est pas un monde qu’elle a très envie de parcourir. Mais l’idée de réussir vient lui chatouiller le ventre, la passionne déjà. « L’Enfer est tel que nous voulons bien le créer. J’y suis peut-être déjà, là, avec toi, à profaner tout ce que tu as su bâtir, et tu ne te rends pas encore compte … Qu’il est trop tard, que ton Enfer est pavé de toutes mes intentions. » répond-elle, défiante. Elle n’a pas peur, non. La sensation est indicible d’ailleurs. Tous les dangers sont là, se profilant dans une paire de prunelles aux allures changeantes, la narguant derrière des expressions équivoques. Elle les voit tous autant qu’ils sont. Mais elle les veut, ces dangers. Tous. Elle ne les craint pas. Au contraire, elle s’y brûle plus encore. Ce n’est jamais suffisant. Ce n’est jamais assez. L’intense les relie encore, fil invisible qui prend peu à peu plus d’épaisseur au gré de leurs échanges. Mais la décontraction s’éprend très vite de son corps. Eleah recommence à profaner l’invisible de ses gestes grandiloquent, se fiche éperdument de la déviance de ses regards sur sa silhouette, bien au contraire même. Devinant des desseins malins dans ses regards, elle se rapproche, s’installe, lui fait face. Parmi toutes les choses qu’il aurait pu lui demander, elle ne s’attendait pas à celle-ci. Sans être totalement décontenancée, une expression de surprise traverse ses traits, suivie d’une autre, plus incisive, nommée révolte.

« Tu n’es qu’un petit … leipreachán ! (leprechaun) » lâche-t-elle alors avec une forme d’insolence, se levant d’un bond en pointant sur son torse un petit index accusateur. « Tu sais pertinemment que je déteste ces horreurs, et tu le fais exprès qui plus est … » Son nez en trompette se retrousse légèrement, en même temps que ses sourcils se froncent. L’expression est plus drôle qu’impressionnante, tout juste crédible en vérité. « Ah ça te fait vibrer hein, l’idée de me savoir toute crispée sur ta bestiole ?! » Ses yeux lui balancent des éclairs, mais son expression semble rieuse aussi. La colère n’est pas entière. Elle se fait pensive, croise ses bras au-devant de sa poitrine, pose le pour et le contre. Tout à y gagner, peu à y perdre. Il y a déjà une appréhension terrible qui gronde au fond de son ventre mais elle s’efforce de l’étouffer du vieux qu’elle peu. Il n’y a aucune échappatoire cette fois-ci. Aucune échappatoire, que des entraves possibles que son esprit vengeur peut lui imposer. « D’accord. » finit-elle par lâcher, en plantant son regard dans le sien. « D’accord mais j’ai une condition. » Car le jeu serait trop simple, si elle était la seule à devoir éprouver de la frustration. « Tu ne dépasseras pas les 50km/heure, sinon, l’accord ne tient plus. » Un rictus de satisfaction vient le tancer. Quoi de plus frustrant pour un passionné d’adrénaline que de devoir rouler au pas sur des petites routes de campagne, où l’on peut normalement se permettre des envolées ? « Marché conclu ? » demande-t-elle enfin, lui tendant sa main, comme pour sceller l’accord, à l’ancienne.



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Eleah
& James




Je ne l'oublierai pas. Ce moment où j'ai vu que bien au contraire, quoique je puisse avouer, elle ne me repousserait jamais. Plus étonnant encore, que mes aveux, délaissés dans un murmure, ne revêtaient pas l'allure d'une menace. Ils sont là, entre nous, mis à nus dans le silence qui ne pèse guère sur nos épaules, ils sont là, donnés sans ambages, offerts sans contre-partie. Je n'oublierai pas le frisson qui l'a prise, ce frisson de reconnaissance qui ne ressemble pas à tous ceux que j'aurais pu craindre un jour souffler sur une silhouette féminine. Le dégoût et la peur. Elle n'a pas peur. Elle n'avait pas peur de moi dans mes bras hier soir, elle n'a pas peur aujourd'hui dans l'intimité de la serre. Elle ne cille pas, elle me fixe dans cette conscience amie qui se tisse lentement, comme si elle me savait déjà tout en crevant de m'apprendre. Le rejet n'est pas là, je ne le cherche plus. Je ne te sauverai pas. Je ne ferai que t'étreindre, tout au long de la descente où tu demeureras à mes côtés. Tout. Tout désormais. Ou plus rien. Je l'ai lu dans ses iris, je l'ai volé au bord de ses lèvres, je l'ai déposé en offrande dans sa nuque. Battements de nos certitudes dans nos univers illusoires. Je les lui donnerai tous, jusqu'au dernier. Je le sais. Je le sais lorsqu'elle me voit ainsi. Je te vois aussi.

Je songe à ce dîner, aux convives qui pourraient être présents, là dans la foule, à traquer un passé renoué en pleine lumière, des gens que j'aurais croisés un jour, oubliés depuis, qui viendraient me serrer la main armés de leurs sourires très assassins. Je n'ai pas peur, je suis simplement désabusé de devoir me corrompre quand de moi il ne reste déjà plus grand chose à sauver. Partant de là, je ne devrais guère renâcler à la tâche c'est vrai. Un peu plus, un peu moins. Prétendre encore, porter le masque, une arrogance contenue sous des sourires pas moins meurtriers que les leurs. Je sais faire, je sais ce rôle par coeur pour l'avoir trop usé. J'ai l'impression qu'avec elle, au moins, la plongée dans ce monde factice ne sera pas si désagréable car il me suffira de saisir son profil le temps d'un coup d'oeil pour ne pas me perdre totalement, à verser dans l'insulte ou dans la morgue la plus tranchante pour me débarrasser du carcan qui manquera de m'étouffer. Elle saura m'apprendre à respirer. Il le faudra de toute manière. Je me dis que vu le thème du vernissage, il est très peu probable que je sois amené à croiser mon père, ce qui achèverait pour moi la torture sous les lueurs brûlantes des projecteurs. Et surtout déclencherait une ire que je peinerais vraiment à mâter. Il ne sera pas là, c'est impossible. Je ne peux pas jouer de malchance ainsi. Ni Moira... Je ne pense pas, je n'espère pas. Ce serait sans doute pour moi plus dramatique encore que d'avoir à afficher de nouveaux rêves forgés sur les cendres encore dévorantes des nôtres. J'imagine qu'il faudra bien que je puisse l'avouer tôt ou tard, ma lâcheté patentée me dictant de repousser l'échéance le plus possible. Toutes ces contrariétés en perspectives de mes regards me font avoir quelques absences sans pour autant la garder de mes insolences. J'arbore d'ailleurs une hargne éloquente quand je la challenge plus encore :
_ Le travail sera long, chérie, je ne te faciliterai pas la tâche.
J'aime faire mine d'échapper aux certitudes que l'on pourrait manquer de coucher sur ma peau quand j'ai beaucoup de mal à analyser ce que seront mes réactions, même aujourd'hui dorénavant que les années m'ont mieux appris à mettre en bride ce qui dans l'enfance ne souffrait aucune entrave. Sans doute que si mes parents n'avaient pas nié avec ferveur le fait que leur fils était clairement malade, nous n'aurions guère autant de passif et d'erreurs à nous pardonner. Je crois que ma mère ne l'admet toujours pas, quand mon père n'a jamais pu masquer son immense déception à n'obtenir pas l'héritier dont il se croyait digne. Comment savoir construire sur une bipolarité, hein ? Comment imaginer des lendemains quand tout est à refaire, quand tout est balancé dans la colère, parfois même la haine ? Comment promettre que tout se passera bien ? Je plonge dans ses yeux sombres, essayant d'imaginer ce que sera sa réaction quand je serai devenu imbuvable, sans qu'aucun signe avant-coureur n'ait pu lui indiquer que je me ferai son plus farouche ennemi. Peut-être que d'avouer ainsi tout ce qui me constitue la garde déjà de ces stupeurs que les autres finissent par éroder à force de me fréquenter. Je sais que certaines personnes de mon entourage y échappent, ou plutôt que j'ai cette envie maladive de les en garder en m'enfermant longtemps. Ella bien sûr, ma soeur ne m'a jamais connu dans le pire de ce qui me constitue, je l'ai toujours tenue à l'écart, je ne pense pas que je pourrais survivre à la déception navrée dans ses prunelles. Mais Eleah ? Aucun faux-semblants pour la laisser dans l'ombre. Tout. Tout. Ou rien. Je semble opiner pour moi-même, je suis dans un bon jour, je souris facilement. La reconnaissance qu'elle évoque, je la nourris déjà, rien que pour avoir su me fasciner comme elle le fit. De là à la lui avouer cependant, il y a tout un monde. Un monde qui nous appartiendra, celui qui sera nôtre si nous parvenons à fléchir la vieille chouette et sa sacro-sainte pruderie. Ma sylphide peint déjà des Enfers, et étonnamment je ne la contredis pas, car je la sais déjà dedans, balancée dans les flammes qu'elle souhaite tant rencontrer. Et rencontrer encore. Elle y est en toute conscience, y a déjà planté ses crocs, mélangé ses poisons à mes injures, ses fausses douceurs à tous les parjures que je pourrais lui opposer. Trop tard. Mon sourire est plus éloquent, emprunt d'une sensualité qui démontre que je suis sans aucun doute ravi de la compter parmi mes décors enfiévrés. Des mots un peu rauques qui ne savent guère étancher toute la soif que je contiens :
_ Aucune profanation ne laisse indemne, et toute la corruption dont tu hériteras... C'est tout ce que je souhaite goûter.
La moiteur de l'atmosphère semble plus prégnante encore et il me faut toute la volonté du monde pour demeurer dans ce fauteuil et ne pas broyer le maigre espace qui nous sépare. Pas maintenant. Pas tout de suite. Mon sourire demeure et mes intensités aussi, tant qu'elle sait autant se faire leur miroir. Elle n'a d'effroi que celui que j'ai dérobé par erreur, dans la danse perverse qui a accouché d'une peur qui ne me concernait pas. Une peur ancestrale qui doit se planquer quelque part, dans son corps, dans sa tête. Mes iris sont plus dures, les flammes qui y dansent appellent une perversion que je mâte en inspirant langoureusement. Une langueur qui contraste tous les instincts prêts à bondir, sous l'épiderme qui frissonne. Elle veut tout, tout, tout. Et cela me transcende, me passionne.

J'aiguise mon appétence avec un bien maigre contrat, même si la requête l'agace autant qu'elle m'enchante. Plus elle s'exclame, plus mes airs facétieux se gravent sur mon visage, tour à tour angélique, adolescent, joueur. Des expressions d'une toute autre époque, qui fut si douce parfois, bien trop exaltante pourtant. Je mordille ma lèvre inférieure, comme pour savourer tout ce qu'elle exhale de frustration à se savoir ainsi piégée. Petit piège sans doute, elle pourrait simplement dire non et je pense que je ne l'y contraindrais pas. Pas si la même angoisse qu'hier transitait dans ses grands yeux donnés à la colère. Mais derrière il y a aussi une part d'amusement qui me fait tenir bon, le jeu demeure entier.
_ Je suis bien plus grand, merci bien ! De peu, je te l'accorde, mais là n'est pas la question et c'est bien entendu parce que tu détestes l'un de mes jouets favoris que je t'invite très gentiment à en abuser. Voyons... Ce n'est qu'une balade.
Toujours cet air, presque diabolique tant il revêt des accents d'une pureté dont je suis absolument étranger. Ses expressions sont délectables, et je ne peux tenir très longtemps les miennes qui s'érodent bientôt. Sous le tissu du jeune homme parfait, les fils acérés d'une convoitise. Je tapote mes lèvres de mon index, presque pour reproduire le geste qu'elle eut tout à l'heure pour me demander de la fermer. Mais je souhaite tant avouer que je ne peux retenir le soupir qui atermoie dans une sorte de ronronnement. Je dis avec une lenteur étudiée :
_ Tu. N'as. Pas. Idée.
Je vibre en effet, de tout ce que j'imagine déjà, de cette communion arrachée à sa retenue et mes yeux s'illuminent de cette victoire que je crois toute acquise quand je la vois songer. Le premier mot laisse ma bouche entrouverte, prête à exulter avant que ne meure le triomphe dans la violence de ce qu'elle m'impose. Mon masque se navre une seconde, mes paupières papillonnent de surprise avant que l'incrédulité ne me ravage. Mais... Mais ! Je grogne ce qui devient une exclamation empreinte de frustration :
_ Mais ça n' absolument aucun intérêt de rouler à cette vitesse-là ! C'est comme me demander de boire sans me saouler, de me camer juste pour partir dans un trip d'un quart d'heure, de... de... de baiser cinq minutes histoire de voir ce que ça fait. C'est... C'est... Nul.
Et dans ce dernier terme il y a ma moue boudeuse qui vient traînasser sur mes lèvres, avant que je ne la considère presque méchamment. Fichue gonzesse qui doit toujours avoir le dernier mot. Elle tend sa main, je ne la saisis pas, peu prompt à perdre une négociation quand je suis rompu à ce genre d'exercice. J'obtiens toujours ce que je veux. Toujours. Depuis que j'ai appris à manipuler les gens et j'ai commencé fort tôt. Je plisse des paupières, la laisse me narguer mais ravale ma fierté avant de laisser aller un ton aiguisé jusqu'à elle. Je serpente entre les failles, prends tout mon temps, ma main tendue mais certainement pas dans la sienne :
_ Tu ne t'en sortiras pas comme ça, petit être vil et lâche... Je ne suis pas un gars qui traîne moi, si je prends mon temps ce sera dans d'autres circonstances, Eleah.
Regard plus mauvais, mais le sourire est toujours là, à danser sur mes lèvres :
_ Je ne cherche pas à te traumatiser alors je consens, tu entends bien, je consens à rouler à 50 km/h à l'aller, une vitesse largement en dessous de la limite réglementaire, une humiliation pour moi. Nous dirons que c'est pour te faire profiter du paysage... Mais...
Je laisse suspendue ma voix dans l'air de la serre, me rapproche d'elle plus encore, mes doigts frôlent sa main offerte sans pour autant la saisir encore :
_ Le retour m'appartient. Peut-être que la vitesse d'escargot que tu auras su m'imposer m'aura charmée. J'en doute cependant. Rien ne m'oblige ceci dit à t'imposer l'horreur. Qui te dis au final que ma vitesse ne s'adapte pas à mon passager ? Mais tu devras me faire confiance... C'est là tout l'intérêt de ce que je te demande, ma jolie. Sinon autant directement te donner le lieu que je veux te faire découvrir et que tu m'y rejoignes. Et laisser mes autres exigences à plus tard si tu préfères le confort d'une sécurité ridicule.
Je hausse les épaules mais mon visage est plus fermé, lui délaissant un choix qui ressemble à un piège. Je ne lui donne pas la destination, quand pourtant je l'ai imaginée pour elle. Petite effrontée. Mes derniers mots sont une morsure :
_ Alors ? As-tu confiance en moi... ou pas ? Crois-tu que je risque une vie qui ne m'appartient pas comme je risque la mienne ?
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Anonymous
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() message posté Dim 8 Avr 2018 - 15:19 par Invité
james & eleah
Aucune expression torve, aucune déception sur ses traits qui frôlent l’enchantement, à s’imaginer la difficulté du parcours. Une énigme qui se donne ne procure aucune satiété. C’est dans les non-dits et les révélations parcimonieuses, offertes seulement aux plus méritants, une fois la confiance fragile tissées, qu’il y a le plus d’intérêt. Insatiable et empressée, Eleah n’en demeure pas moins méthodique. Vouloir tout, tout de suite, ce n’est qu’un caprice vulgaire. On ne peut effleurer l’essence dans la précipitation. Le chemin est bien trop torve pour y parvenir. Est-ce seulement possible d’ailleurs ? Cette question est un leitmotiv, qui grince tout le long du parcours. Elle veut tout, oui. Mais avec le temps, elle a compris que tout vouloir nécessite une patience infinie. Car tout ce qui se donne sans contrepartie n’a pas la même saveur que ce qui s’acquiert au gré d’intensité partagées, de moments où se distillent douleur, doute, et incertitude. Tout vouloir, c’est une souffrance quotidienne qui met en péril tous les équilibres, qui force à donner des parts de soi-même quand l’on aimerait tant, au fond, demeurer égoïste. Elle n’est pas empressée à l’idée de ne plus rien avoir à découvrir. Bien au contraire, ce sont tous les mystères qui nimbent sa silhouette qui l’attirent. Détourer les nuances fragiles, changeantes, elle pourrait y passer des heures. C’est un travail sans fin, qui revêt à chaque instant des saveurs différentes. L’expression qu’il arbore, à la regarder avec cette intensité troublante qui le caractérise, parfois, se grave dans sa mémoire. Elle ne se souvient pas qu’on l’ait vue un jour, de cette façon. Elle ne se souvient pas qu’on l’ait regardée pour ce qu’elle est, sans convoiter les failles ou les interstices afin d’en faire des armes pour la faire changer. Eleah ne veut pas changer pour quelqu’un d’autre. Elle ne veut pas avoir à taire toutes ses frivolités, toutes ses envies spontanées pour se claquemurer derrière la politesse d’un personnage qui ne lui sied pas. Elle ne veut pas de fers, elle veut être libre. Libre et dérangeante. Libre de s’enchanter, de s’émouvoir, de s’insurger, sans jamais avoir besoin de se justifier face au regard de quelqu’un d’autre. Dans les iris de James elle cherche les fers. Ceux prévisibles, qui viennent souvent de pair avec la convoitise. Etrangement, elle ne les ressent pas. Ses doigts viennent effleurer inconsciemment ses poignets. Il la regarde toujours. Il sait.

« Tant mieux. Je n’aime pas ce qui est trop facile. » répond-elle en écho, avec hardiesse, la hargne présente sur ses traits à lui renforçant plus encore la ténacité féroce de sa nature.  Mais quelque chose se glisse entre ses côtes. Son cœur bat plus fort contre sa cage thoracique. Elle n’éprouve pas de peur vis-à-vis de lui, de ce qu’il pourrait être, mais une appréhension troublante d’elle-même. Elle se sait incapable de le protéger de ses élans. Ceux qui la poussent parfois à s’enfermer dans un écrin de solitude, à repousser toutes les beautés créées pour n’avoir pas l’impression de devoir quelque chose, encore. Elle sait que la fuite est dans son ventre un instinct majeur, capable de détruire de manière foudroyante tout ce qu’ils auront su créer sur leur passage. Cette peur qu’il a aperçue, oscillant avec la terreur, alors qu’elle se raccrochait à sa silhouette avec toute la force du désespoir : elle est partout, tapie, la manipule, la domine. Elle ignore qu’il la connaît, qu’il l’a distinguée au seuil des noirceurs du monde. Elle a oublié. Cet oubli là est le pire de tous, car de fait, elle ne peut en appréhender les conséquences. De nouveau elle le regarde. Elle songe à toutes les peurs qui la composent, mais ne reconnaît aucune d’entre elle se greffant contre sa silhouette. Elle n’a pas peur de lui parce qu’elle sait déjà le pire. Elle connaît déjà l’horreur pour y être née, pour avoir compris ce que la détestation de soi-même et des autres peut engendrer de monstruosités terrifiantes. Nul ne peut l’égaler, lui. Lui encore. Lui toujours. Nul ne peut incarner l’horreur comme il le fit. Alors quand elle regarde James, elle n’a pas peur de lui. Elle sait qu’aucune de ses injures ne pourrait l’atteindre aussi profondément que celles qui la terrifièrent, un jour. La terreur intrinsèque la laisse comme invincible. Invincible devant lui, devant tous les autres, pas devant elle-même cependant, car elle est sans doutes son pire ennemi en ce monde.

« Non aucune … C’est ce qui la rend délicieuse … Toutes les saveurs de ma corruption, de la tienne en échange … De quoi demeurer insatiable. » Elle empreinte toute la sensualité de son timbre pour lui répondre, dissimule un sourire mutin derrière des lèvres entre-ouvertes. Tout son corps frémit d’une impatience qui se met à pulser contre ses tempes, à l’étourdir. Elle se mord légèrement l’intérieur de la bouche, bride ses précipitations pour les laisser demeurer intactes. L’échange prend les atours d’un jeu dont sa fourberie acérée dicte les règles. Elle aurait dû envisager une telle demande, ne pas se laisser bercer par l’illusion d’une requête trop triviale pour qu’elle lui convienne tout à fait. Eleah s’exclame sans même s’en rendre compte : elle s’en veut de lui avoir laissé distinguer cette faille-là, et en même temps, elle éprouve un tressaillement indistinct délicieux à l’idée qu’il s’y soit engouffré avec indécence. Si les rôles avaient été inversés, peut-être aurait-elle agi de la même façon. C’est ce qu’il y a de plus troublant peut-être. Qu’il nargue les limites, s’en affranchisse sans vergognes quand c’est elle qui agit ainsi d’habitude. Le piège la moque, et si elle distingue les échappatoires possibles, elle se refuse pourtant d’utiliser l’une d’entre elles. Pourquoi ? Parce que les frissons sont là, sous sa chair. Ils font vibrer une curiosité naissante dans son ventre, font frémir les craintes pour les remplacer par de l’adrénaline. Elle peut se dérober. Elle peut se détourner. Mais elle ne veut pas le faire. Un complot se dessine déjà dans sa tête : œil pour œil, dent pour dent, elle lui revaudra un jour cette fourberie maligne. Cependant ses airs sont délectables à observer. Il paraît plus jeune tout à coup, comme transcendé par la perversion dont il fait preuve à l’idée de l’acculer. Il joue tant, moquant ses airs furibonds, et en réprimant un rictus d’amusement, Eleah le gratifie d’une tape dans l’épaule, réprimande bien médiocre face à ses airs acérés. Une fourberie naît alors dans sa tête, idée lumineuse, venue de nulle part. Ses perdent de leur côté réprobateur pour devenir espiègles à leur tour. Il s’insurge. L’émotion est jouissive. La fierté s’éprend de tous ses traits, implacable. Croyait-il qu’elle le laisserait se jouer d’elle sans tenter une riposte ? « Ce n’est pas nul. C’est frustrant trésor. Il n’y a pas de raison que je sois la seule à subir. » Elle dévoile des dents félines, se repaissant de la variation de ses airs qui continuent de peindre des lueurs totalement différentes sur son visage. Il ne prend pas sa main. L’accord ne peut être si simple, forcément. La contre-riposte ne tarde pas à arriver, amorcée par le « mais » de tous les augures. Eleah ne se démonte pas, garde la tête haute, déjà fière d’avoir réussi à lui faire céder ne serait-ce qu’une parcelle de terrain quand elle le pensait sans concessions. Tous les défis dansent dans ses paroles, la charment, l’insultent. Elle laisse un silence s’installer entre eux, fait quelques pas sur le côté, dans le sens opposé de sa silhouette, comme deux fauves qui se jaugent. Ses lèvres se pincent, circonspectes. Elle songe, décortique.  Et puis son regard le tance de nouveau. « Et tu crois que la confiance s’acquiert si facilement ? Je n’ai pas totalement confiance en toi … Pas encore. » Elle laisse frémir un silence, poursuit, féline : « Un retour alors. Juste un. » Elle lui jette un coup d’œil,  concède à ce qu’il demande, en y indexant tous ses défis. « Juste un pour me convaincre de te céder les premières esquisses d’une confiance. »  Elle a pivoté, lui jetant un regard par-dessus son épaule, défiant sa silhouette qui s’éloigne alors qu’elle se rapproche de la porte de la véranda. « Juste un. Je m’y abandonnerai, toute entière. Toutes mes craintes abandonnées à ta maîtrise. Mais Faulkner doit être convaincue d’abord. Sinon, l’accord ne tient plus. » Elle lui lance un sourire désinvolte à la dérobée, disparait dans l’embrasure de la porte, prête à arpenter le jour, jusqu’à s’y enliser.



« let me touch your symphony »
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