"Fermeture" de London Calling
Après cinq années sur la toile, London Calling ferme ses portes. Toutes les infos par ici (james&eleah) let me touch your symphony.  - Page 2 2979874845 (james&eleah) let me touch your symphony.  - Page 2 1973890357
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(james&eleah) let me touch your symphony.

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() message posté Dim 11 Mar 2018 - 18:47 par Invité
james & eleah
Toutes ses chairs s’éveillent dans les promesses de libertés qu’ils tracent, à l’encre de leurs harmonies si semblables, et en même temps si contraires. Les mots offerts, chéris, honnis aussi, divulgués comme une offrande ultime, arrachés à la bouche qui n’en peut plus, qui est lasse. Lasse de quoi ? De qui ? Elle n’en sait rien. Sa nature avide n’émet aucun jugement, se contente de recevoir et de chérir ce qu’il y a à défaut d’espérer ce qui n’existe plus ou pas encore. Le passé et le futur, abandonnés tous deux au profit d’un présent qui s’ancre sans regarder en arrière, ou au contraire trop en avant. Les émotions se chamaillent sur ses traits, si nombreuses, si changeantes. Elle les grave tour à tour, les plaçant dans l’écrin d’un souvenir qu’elle se promet de garder intact tant qu’elle le pourra. L’inspiration renaît de ses cendres lorsqu’il répète. Libres. Oui, libres enfin. Libres dans la création, puisque c’est là le refuge qu’ils ont choisi pour seule conviction, enferrés tous deux aux élans de la création plus qu’ils ne le sont aux autres êtres. Libres de choisir, de refuser, d’y croire ou d’abandonner. Libres d’être imparfaits, de s’essouffler dans la quête de l’absolue rigueur, de l’absolue pureté. Son cœur bat plus fort contre sa poitrine, cherche l’élan pour une envolée nouvelle. L’adrénaline est telle qu’elle l’étourdit presque, pulsant à ses tempes, rendant chaque émotion à sa trivialité la plus pure.  Une excitation monte peu à peu dans son ventre. Être libres oui. Mais créer. Créer encore jusqu’à s’en écœurer. Son corps a déjà des envies intrépides, des curiosités insatiables à satisfaire. Elle ne sait pas exactement encore ce qu’il souhaite lui concéder, jusqu’où ils iront ensemble, mais les engrenages éclectiques de son imaginaire se sont déjà imbriqués les uns dans les autres, prêts à se mettre en marche tous ensemble. L’envie est si puissante qu’elle en terrasse toutes les peurs, toutes les incertitudes. Celles dont il cherche lui-même à la prémunir. Qu’a-t-il dit déjà ? Je suis enfiévré, passionné, con parfois, j'ai des colères dévorantes, j'ai des perditions si effroyables, je ne vis que pour mieux ressentir. Il l’a prévenu de lui. Mais l’a-t-elle prévenu d’elle ? De sa nature éminemment changeante et versatile, de sa tendance à être comme les papillons, volages, intrépides, brûlant leurs ailes fragiles sur les lumières trop vives. L’a-t-elle prévenu des sacrifices qu’elle serait prête à faire, et qu’elle a déjà fait, juste pour maintenir l’équilibre qu’elle s’est évertuée à créer ? Le consensus n’a que peu de place dans la vie d’Eleah. Le seul à qui elle offrirait sa liberté, pour qui elle assassinerait la création, ce serait son frère. Son frère détestable, plus prompt à détruire ceux qui l’entourent plutôt qu’à s’élever. Ce frère d’une possessivité maladive, friand d’anéantir tous les autres liens qu’elle pourrait tisser en dehors de lui. Ce frère qu’elle a voulu porter, protéger, soutenir depuis toujours mais que dans ses élans elle a lentement étouffé, pendant qu’il cherchait des raisons de la haïr, elle-aussi, sans forcément en trouver. Plus fort que lui, plus fort qu’elle, les instincts qui la relient à lui sont le pire fléau qu’elle ait dû affronter. Pour lui elle broierait toutes les beautés de la nature, abandonnerait l’essence de son être. Nés ensemble, dans la beauté du monde comme dans l’horreur. Il n’est rien qu’elle puisse lui refuser, qu’elle ne concèderait pas par amour. Oui, par amour, car il est le seul qu’elle aime plus que la danse. Elle l’aime. Souvent aussi, elle le hait. Aimerait savoir exister en dehors de lui et des inquiétudes qu’il ne cesse de nourrir. Créer pour elle, réellement libre. Juste une fois. Rien qu’une. Etre vue pour elle, non pas à travers le prisme de liens fraternels dévorants et destructeurs. Juste elle. Rien d’autre. Crue, indécente, fragile et sans fard. Dans sa parure de femme imparfaite, dans ses rires d’enfant taciturnes, dans ses émois de petite fille.

Disparais comme autrefois, je ne te traquerai pas. Les mots pourraient avoir une saveur incertaine. Certains diraient qu’ils manquent de constance, qu’ils tracent les contours de promesses imparfaites. Eleah ne les entend pas de cette façon. Elle sort des pensées contradictoires qui la taraudent, de toutes les envies changeantes qui transparaissent dans les expressions mouvantes de ses traits. Ses yeux s’agrandissent, et au fond d’eux, une lueur vacille : celle de la reconnaissance. Pour la première fois depuis très longtemps, un temps éminemment incertain, elle n’a pas le sentiment de devoir autre chose, d’être une version sur jouée ou totalement trompeuse d’elle-même. Il la voit, la devine, reconnaît peut-être en ce qu’elle aspire à être une version oubliée de lui-même. La promesse revêt une beauté indicible. Une beauté qui l’émeut, la laisse mutique durant une seconde éphémère où ses lèvres s’ourlent,  insufflent le murmure contre les siennes. Entre ses cils elle le regarde, renoue avec la saveur oubliée de sa bouche. Le baiser scelle entre leurs deux êtres l’accord passé, fil ténu les reliant l’un à l’autre sans pour autant les contraindre, ou les oppresser. Son cœur bat plus fort encore, effrayé qu’il est à l’idée de concéder ce lien-là à quelqu’un d’autre. Mais l’envie de complétude est là, partout, rendant à toutes les émotions une saveur unique. La même saveur que ses lèvres qui se sont retirées, et qu’elle a remplacé par un sourire, lumineux, enfantin.

Le silence retombe et avec lui, les pensées d’Eleah se tranquillisent. Elle caresse des yeux les touches délaissées par les doigts inanimés, goûte à une liberté nouvelle, toute différente de celle qu’elle défend d’habitude. La liberté avec quelqu’un d’autre, à armes égales dans une solitude partagée. L’assurance reparaît dans le corps bouleversé d’effroi qu’il arborait jusqu’alors. L’espièglerie est fragile, le jeu encore incertain. Elle s’en saisit pourtant, à pleines mains, recouvrant ses postures désinvoltes et ses airs enchantés de tout, particulièrement de ce qu’ils vont créer.  

« Quel charmeur hors pair … Je ne peux que reconnaître que tu t’en sors comme un maître. Cependant … » sa phrase tombe dans un suspense, alors que dans une impulsion elle se lève, pivote sur elle-même, recule enfin, presque sautillante. « Tu devras la jouer plus fine que ça si tu veux que je te balance mes sous-vêtements en pleurant d’euphorie. » elle hausse les sourcils, désinvolte, charmeuse aussi. Une autre impulsion, et la voilà qui glisse assise sur la surface lisse du piano, ses mains à plats de part et d’autre de ses cuisses. « Un triptyque de fait … Tu sais déjà dans quel ordre tes compositions vont s’imbriquer ? Il faudrait garder ce que tu viens de jouer pour la fin … » Déjà les idées commencent à fuser dans sa tête. Si c’est un clip qu’il veut, elle sait déjà de qui se rapprocher, quels corps s’incarneraient à merveille. Et puis il y a cette expression qu’il utilise. « Retentir en toi. » Est-ce seulement sa chorégraphie qu’il veut, ou plus encore ? Le doute s’installe, et avec lui, ses lèvres murmurent : « Attends une minute, si on part sur un clip, il n’est pas question que je- … » Mais elle se tait, devinant les intentions toutes différentes, celles auxquelles elle ne s’attendait pas forcément. Et l’évidence tout à coup. « Un live ? » Elle répète, en écho, incrédule. L’implication n’est pas la même. Le partit prix, tellement différent. Le live c’est une chute en avant avec une peur du vide incommensurable. Surtout s’il n’en veut qu’un seul, cela ne leur laisse pas le droit à l’erreur. Brusquement sa petite main se saisit de son doigt qu’il agite dans les airs. « Si tu veux une représentation unique, personne ne dansera à ma place. Je ferais la chorégraphie, et je l’incarnerais moi-même. » dit-elle, sévère, même si elle ne pense pas qu’il ait songé à la laisser confier la prestation à quelqu’un d’autre. Le professionnalisme reparaît dans sa posture. « Une seule représentation, ça veut dire que ni toi, ni moi, n’avons le droit à l’erreur. » Elle hausse un sourcil, libère son doigt enfin. « C’est comme se jeter dans le vide à deux, en ayant qu’un seul parachute. » L’idée la caresse, fourmille dans son ventre. Un sourire énigmatique s’empare de ses traits. « L’idée est terrifiante … mais grisante aussi. » Elle le regarde, complice, avant de se pencher légèrement sur le côté, passant son bras par-dessus le présentoir pour récupérer les partitions laissée jusqu’alors à l’abandon. « Fais-moi voir l’ensemble. Et Greg et Ellis, que pensent-ils de l'idée de conjuguer votre musique à la danse ?» demande-t-elle, déjà impatiente, déjà avide.




« let me touch your symphony »
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James M. Wilde
James M. Wilde
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() message posté Lun 12 Mar 2018 - 1:04 par James M. Wilde


« Let me touch your symphony »

Eleah
& James




J'aimerais tant lire les dissonances qui habitent ses regards. J'ai l'impression qu'elle est sur le même fil que moi, tendu à l'extrême de nos existences, à savoir de quel côté il nous faudra tomber tout en ayant la déraison de croire que nous saurons nous raccrocher aux limbes qui nous toisent. Trop de ce passé inconnu, pourtant si exaltant dans les quelques sens que je saisis au vol. Ce ne sont pas les faits que je me promets de connaître mais bien tous leurs ravages... Sur son être, dans son cœur, dans son âme. Quelles sont donc les envies qui parcourent son petit corps, si criantes et palpables que son sourire devient solaire à l'orée de mes lèvres. Je délaisse les questions pour l'instant qui nous lie dans une aventure que je ne sais comment traverser sans son aide. Jusqu'où me permettra-t-elle d'aller ? Quelle sera ma propre limite à son avidité ? J'imagine que nous saurons le découvrir bien assez tôt. Pour l'instant je me satisfais du serment de sa bouche, dont la chaleur ourle encore mes lèvres. Je me souviens ce que cela fait, de l'embrasser vraiment et mon propre sourire éclaire des souvenirs qui déverrouillent mes muscles et déposent mes armes dans une extrême langueur, qui pulse d'énergie. Aucune douleur à un idéal consenti. Je sens la maîtrise revenir entièrement sur ma personne et ciseler sur mon visage des allures immortelles. Les ombres de ses yeux ne m'effraient pas car j'y déposerai les miennes pour l'en garder. Me garder d'elle aussi du mieux que je le pourrai. Je ne suis pas encore certain de savoir me préserver dans l'échange quand j'ai tant attendu pour éreinter la haine dans les beautés qu'elle m'offre. Point d'ambages à notre union s'il faut m'y sacrifier entièrement. J'y consens tout en sachant que je suis incapable de m'en empêcher. En espérant que cet instinct là n'emporte pas tout dans mon dernier naufrage. L'infinie connexion que j'ai ressentie en lui promettant de ne pas l'entraver me laisse penser que je ne me fourvoie pas, elle m'a entendu, reçu peut-être même rêvé. Je ne peux guère dériver dans la fantaisie du mensonge, pas une fois de plus, pas quand j'ai souhaité précédemment parachever l'ouvrage qui me transcendait tant. L'album ainsi commis est partout sur les murs, les accords pervertis dans l'acte le plus odieux qui soit y résonnent encore. Je ne me suis pas fourvoyé. Je suis allé trop loin... Et Moira n'a pas eu la force de me repousser. Ni de me fuir quand il l'aurait fallu. Alors j'ose tous les espoirs en observant cette âme presque inconnue qui volète autour des morceaux brisés qui me restent dans la chair, comme attirée par une lueur trop aveuglante. Je me tiens prêt à la consumer si c'est là ce qu'elle demande, pour mieux la laisser repartir, plus majestueuse et transcendée. Tu seras mon hommage à toutes mes déraisons. Thanatos pourfendu par Eros. C'est elle. C'est elle enfin. Venue me condamner dans la plus belle de mes réalisations. Peut-être est-ce cela... Ce que j'ai toujours recherché ? Les espoirs défilent dans nos regards encore embrassés. Et avec eux, l'inspiration rouvre ses serres pour entailler mon cœur, il bat. Il bat soudain si fort.

Elle me sent reprendre mes incertitudes pour les envoyer valser au rythme de notre collaboration à peine née, elle m'encourage, son ton rencontre le mien, la même ferveur, la passion dans le souffle qui m'encombre presque. Comment respirer, perdre du temps à l'inflexion de mes poumons quand j'ai tant à lui dire, à lui confier. À dessiner dans l'air pour savoir l'embraser ensemble ? Je frotte ma nuque, un geste qui ponctue mon quotidien, un tic pour les moins assassins, un toc plein de nervosité pour ceux qui se complaisent dans l'absurdité d'une terminologie trop triviale. Elle bouge et je la suis du regard, suspendu à ses lèvres, l'arrogance surjouée dans mon sourire toujours accroché à mon visage comme s'il était fait pour le porter sans cesse en sa présence. Je fais semblant de balayer une poussière sur mon épaule d'un geste ample avant de ricaner :
_ Dit celle qui était presque prête à se pamer dans le creux de mon cou il y a quelques secondes à peine. T'inquiète, tes sous-vêtements tu viendras les balancer à mes pieds, et pas dans la simple euphorie que savent me donner mes groupies. J'attends bien mieux de ta part, désormais...
Mon sourire est dorénavant tentateur et très incandescent, mes yeux pétillent des images que je semble tracer jusqu'à elle en la désignant tandis que je parle. L'ironie est si douce quand le jeu dévoile des désirs que je ne prends même pas la peine de corrompre par des faux semblants. J'ai eu envie d'elle sur cette piste de danse mais je me suis interdit toute frénésie qui aurait terni l'instant préférant la délicatesse d'une frustration que je reçois encore tel un acte de contrition nécessaire. Mais au fond je sais aussi que mes instincts ne parviennent à se débarrasser de la peur qui me ronge. Ma chair est encore pleine de toute cette tourmente, de la dureté de mes mouvements, mes mains se souviennent des ecchymoses, ma bouche des morsures et des soupirs bestiaux. Alors jouer encore... Jouer un peu plus pour rappeler l'innocence du plaisir. Assise sur le piano soudain, mes yeux sur la peau de ses jambes qui se dévoilent dû à la position qui la perche en femme fatale. Mon imagination la caresse avant qu'elle ne me rappelle à l'ordre déjà aussi bavarde que la veille. Je lui abandonne volontiers mes partitions, propres et figées pour cette symphonie qui clôture notre album actuel. Une œuvre magnificente, pleine de cet enchevêtrement d'impressions diaphanes, de songes alambiqués. J'en suis véritablement fier même s'il m'en a coûté de l'interpréter en direct lors du grand concert au Royal Albert Hall. Réitérer avec la même précisions, pour fondre la musique dans son corps sera un tout autre challenge. Je ne pourrai pas me permettre une note hésitante ou un raccord malhabile. Je hoche la tête avec des mimiques de fomentateur :
_ Bien sûr que je le sais. Tiens... Attends. D'abord cette partie là, Overture, je ne te fais pas de dessin hein. C'est comme une psalmodie avec des cordes, ternaire, envolée. Pont au piano et là ça se corse. Vise un peu ça... C'est Cross-Pollination. Le rythme change, au début tout du moins. Crescendo. Staccato. Les voix sont plus présentes, la mélodie plus appuyée. C'est une sorte d'appel, un cri. Puis c'est comme redescendre de cette extase et s'apercevoir qu'on est irrémédiablement seul. Et là bien vu, on termine sur Redemption. Beaucoup plus tendue, adoucie et tragique.
Je m'emballe aussi et quand je parle je lui désigne certains passages de ma composition avec moults gestes, ma voix suit l'excitation et se précipite dans un rythme plus soutenu. Excavé de mes errances je cours déjà en tous sens dans ma tête lui clamant ce que j'ai imaginé dans le secret de ma nuit blanche. Un live. Un live. Elle et moi. Moi et elle. Une seule et unique fois sur une scène. Elle argue avant de tout comprendre et j'ai ce rictus entendu comme un chat qui vient d'avaler sa proie. J'attends qu'elle en vienne aux mêmes conclusions que moi et qu'elle offre ce qui doit se nouer dans l'exigence de nos deux univers. Faites qu'elle me donne ce corps que je convoite et que l'harmonie soit entière... De longues secondes s'écoulent avant que n'exulte dans mon ventre une sensation impitoyable quand elle saisit mon doigt pour obtempérer tout en employant des airs autoritaires. Je susurre :
_ Ah ouais ? Tu ne veux pas convier ta copine d'hier, Barbie qui se peinturlurait dans les chiottes ? Un peu de viande dans la lumière crue des spots, j'en jouis déjà.
Je mords ma lèvre inférieure avant de pencher la tête sur le côté, ma main toujours emprisonnée par la sienne, si petite :
_ Mais je peux me satisfaire de toi, si c'est obligatoire...
Mes prunelles brillent d'excitation et d'ironie malignes, tandis que je la dévisage. C'est tout ce que j'ai espéré à tourner dans ce foutu sofa bien trop petit pour toutes les ambitions qui serinaient mes muscles. Elle. Elle. Elle. Ce putain de corps qui a su m'enflammer dans la danse qui nous a entrechoqués sur la piste. Puis elle continue au fil de ses idées aussi rapides que les miennes. Elle comprend tout l'enjeu de la ma fièvre. Je ponctue au moment où son emprise se relâche quand elle dessine l'aube de notre vertigineuse chute :
_ Précisément.
Son sourire se fait le miroir du mien, tous deux grisés par la perspective de tomber sans aucun filet de sécurité. Je scande tout bas, assombri par la sensation qui m'éprend :
_ Aucune erreur admise, aucune échappatoire, aucune limite à ce qui se construira dans ce moment qui nous appartiendra. Imagine, bordel, imagine ce que ça peut donner.
S'appartenir, dans l'incandescence d'une scène que nous aurons dessinée, la perfection à chaque pas qui nous arrachera à la banalité du monde pour traverser tout l'irréel d'une soirée où s'offrir n'aura plus d'importance. Nous serons reliés, inaliénables, indissociables. Mon fantasme est entier, glisse dans mes veines et vient se lover dans mon cœur perturbé. Quand la réalité revient tout ébranler, rappel logique de ce pouvoir qui ne m'appartient pas totalement. Je ne serai pas seul sur cette scène avec elle. Je grogne presque :
_ Ils ne sont pas au courant. Ni la production.
La terminologie est précautionneuse. Ni Greg, ni Ellis, ni Moira ne sont au courant du projet quand j'aurais pu les en avertir mille fois aujourd'hui. Mais je ne l'ai pas fait, avec cette jalousie viscérale qui me fait protéger ce que j'estime être ma prérogative. Ma création, mes rêves. Je hausse les épaules avec cette sorte de fierté qui me rassérène toujours :
_ Détails que tout cela... Ça ne posera pas de problème. Occupe-toi surtout de ce que ton institution va en penser. Tu danses où d'ailleurs ? Je suis sûr qu'il y a une directrice sévère qui ne sera pas forcément ravie de voir sa plus éminente artiste accolée à ma merveilleuse personne. Tu ne peux pas savoir comme ils ont été chiants au Royal Albert Hall... À me regarder de haut comme si j'étais le diable incarné.
Mais l'on voit bien que le souvenir m'est agréable, choquer fait partie de mon quotidien voire de ma manière d'être. C'est tel un leitmotiv que de brusquer ceux qui me repoussent avant de les contraindre si ce n'est à m'accepter, au moins de ne pouvoir détourner le regard. Je secoue la tête :
_ Autant utiliser tes planches. M'inviter chez toi pour une nuit de luxure en présence d'invités. Sans battage médiatique... A moins que cela ne te plaise de récupérer un public différent de celui qui vient s'extasier d'habitude. Mais j'aime l'idée de me sortir de mon pré-carré.
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() message posté Mar 13 Mar 2018 - 12:12 par Invité
james & eleah
La fièvre gagne le corps, inconstante. De l’effroi tremblant au brasier torride, elle oscille, glissant sur l’inspiration telle une patineuse sur la surface givrée à apprivoiser, dangereuse, néanmoins sublime. Les expressions renaissantes de ses regards l’emplissent d’un sentiment nouveau, difficile à comprendre sans se fourvoyer. Il y a quelque chose d’indicible dans la sensation d’entraîner quelqu’un avec soi, d’éprouver la même frénésie, de se sentir transporté autant que l’on emporte l’autre. Trouver son âme sœur créative, c’est délicat, fragile, incertain et souvent difficile. Lorsqu’on est chanceux on peut en croiser plusieurs, épuiser la première, être capable de passer à une autre. Mais souvent on cherche, sans relâche. On s’éreinte à essayer de trouver la muse, celui ou celle qui saura transcender toutes les idées en y ajoutant les siennes. On se trompe souvent. On pense l’inspiration inépuisable, incorruptible. Mais il y a toujours cette fracture qui survient à un moment donné. Cet essoufflement de l’être capable d’étouffer toutes les beautés, même celles qui furent créées. Eleah pense aux différents partenaires qu’elle a pu avoir. Depuis l’enfance, des premières courbatures jusqu’aux pieds qui saignent d’être trop sollicités, des pleurs de frustration jusqu’à l’acharnement dévorant pour réussir, même dans la douleur, même lorsqu’on pense ne pas pouvoir donner davantage. Dans cette progression-là, elle en a croisé des êtres. Elle en a aimé, haï aussi. Tous lui ont laissé un souvenir dans son corps et dans son âme, gravé dans sa chair pour forger l’expérience. Rarement cependant un être l’a bouleversée, au point de susciter en elle toutes les émotions/inspirations. Elle songe à Charly, son partenaire depuis presque un an, avec lequel elle se plaît à travailler. La conjecture de leurs deux caractères est plaisante. Il est là pour tempérer les élans trop voraces de son caractère, a suffisamment de fantaisie dans le crâne pour qu’ils puissent être la plupart du temps sur la même longueur d’ondes. Se jeter à corps perdu contre lui ne la dérange pas. Elle a confiance en lui, en ses capacités : il la rattrapera toujours, quoiqu’il arrive. Les certitudes pèsent sur leur duo, ne permet peut-être pas à toutes les créations de se tisser. Il y a l’essentiel. Cet essentiel parfois frustrant pour Eleah, qui en veut toujours plus. Ce n’est pas un caprice de petite fille, ou un rêve fantasque qu’elle poursuit. C’est juste qu’elle veut aller plus loin. Elle veut danser avec ses tripes. Crier avec son corps, rire, pleurer, souffrir, vibrer. Elle veut tout. Ce n’est jamais assez. Dans les promesses de James, c’est ce tout insatiable qu’elle distingue et qu’elle convoite. C’est l’envie qui se tisse, lentement, entre leurs deux corps, jeu à la fois charnel et spirituel qui se complaît autant dans l’attente que dans l’emportement frénétique. Tous les dangers aperçus se brouillent, deviennent totalement désuets face à la perspective de tracer quelque chose, enfin, de sensé et d’impérieux. Son ventre s’emplit d’une chaleur indicible : la sensation est à mi-chemin entre l’effroi qui vous saisit quand vous regardez dans le vide, la peur dans les tripes, et celle tout au contraire qui vous laisse pantelant, à l’orée d’un désir si puissant que vous vous demandez comment votre corps parvient à le contenir encore. Les lueurs vacillent, les ombres s’amusent, sont désormais malignes et espiègles. Il la nargue, la défie, alimente le piège qui s’est déjà refermé autour d’eux. Intrépide, elle répond avec une désinvolture toute à elle. Des airs innocents. Des pensées qui le sont beaucoup moins, pourtant.

« Tant d’assurance dans un si petit corps … De toute façon, qui te dis que j’en porte, des sous-vêtements ? » Son sourire devient équivoque, impertinent. Dans son regard elle devine un désir naissant, miroir du sien, maîtrisé cependant. Ils s’en remettent à l’habileté du jeu plutôt qu’aux impulsions. Ils dérogent aux règles de Galway, celles qui les avait poussé dans les bras l’un de l’autre sans trêves, sans explications. Ce n’est pas désagréable. Tout au contraire, cela n’en est que plus grisant. A croire qu’ils sont devenus raisonnables, avec le temps. Elle s’accapare l’espace encore, détourne sa convoitise vers les partitions inconnues. Ses doigts achèvent leur périple sur les ouvrages. Son regard parcoure, dévore, tente de deviner en filigrane les impressions qu’il a voulu créer. L’apprentissage du solfège lui revient un peu, lui permet d’imaginer des bribes de mélodies sans qu’il y ait de la musique au bout de ses doigts fragilisés par des violences qu’elle a volontairement choisi d’ignorer. L’étendue de son imaginaire se voit déployé sous ses yeux qui courent, ici, là, partout. En même temps sa voix bruisse à son oreille, la guide dans son voyage à travers l’univers qui se matérialise sous ses doigts. Montée en puissance. Paroxysme. Redescente enfin. Le dessin d’une évidence pour un triptyque réussi. « On pourrait peut-être imaginer une oscillation de deux corps dans ce cas … Par intermèdes. Un corps seul est capable de propulser des émotions, mais deux silhouettes ensemble, c’est plus puissant encore. Tout dépend s’il s’agit d’une échappée que tu imagines solitaire … Ou partagée … Hmm. » Elle réfléchit, ses sourcils se froncent, formant un plissement entre ses deux sourcils. En même temps, réflexe de concentration, elle vient mordiller ses lèvres, humecte l’inférieur dans l’espoir d’y puiser quelque idée lumineuse. « J’ai déjà des idées de mouvements pour Redemption. Il faut un essoufflement … Comme … Un sursaut du corps et de l’âme avant la fin, tu vois ? » Son regard s’aimante au sien, cherche à distinguer s’il voit où elle veut en venir ou si son imaginaire est trop opaque encore. « Comme si le corps se libérait lentement, avec délicatesse … Mais force aussi … Avec ce vide qu’on éprouve parfois, lorsque l’on touche un début de liberté, qu’on s’est absout de tout le reste, qu’il n’y a plus rien pour nous enchaîner. C’est un vide qui peut rendre triste au début … Juste une seconde. Infime … Mais abyssale. Comme une inspiration. » Elle vient de poser les partitions sur ses cuisses, étaye ses idées de gestes tout à fait abstrait avec ses mains dans les airs, et le haut de son buste. Puis elle se ressaisit de l’ensemble, se dit qu’il faudrait qu’elle note quelque part toutes les idées qui fusent, pour ne pas en oublier une qui pourrait être essentielle.

Sur son palais, sa langue claque. Immédiatement, dans un réflexe, avec le revers de sa main elle vient taper dans son épaule, rappel à l’ordre face à son ironie désinvolte. « Tah … Pour qui tu me prends ? Et puis tu l’as bien reluqué le morceau de viande, hein. Si tu crois que j’t’ai pas vu, à ausculter sa paire d’obus. » Pincement de lèvres, alors que son esprit est déjà en train de vagabonder vers autre chose, s’agrippe à un morceau de partition plus obscur, qu’il lui faudra entendre cette fois-ci pour comprendre toutes les nuances. « Ah oui, tu crois que ça te suffira ? » l’interroge-t-elle, un sourire carnassier au bord des lèvres. Bien sûr qu’elle dansera seule. Ou accompagnée peut-être, mais cela devra être son choix. Pas question qu’elle abandonne leur imagination à quelqu’un d’autre. Non, pas cette fois-ci. Elle est prête à protéger ce qu’ils vont créer comme une maman dragon veillant sur son œuf. L’évidence s’inscrit dans sa tête. Elle ose brique par brique les fondations de la collaboration, et ce qu’il voyait jusqu’alors lui apparaît avec plus de limpidité. « J’imagine oui. Tu penses bien … Mais il faut que tu les préviennes quand même. Sans eux, on risque de se heurter à des complications. » répond-elle, une moue toute nouvelle, presque bougonne, s’emparant de sa bouche. Puis un autre sursaut d’exaltation, comme un tressautement dans son cœur qui frétille d’impatience. « Je n’ai plus d’institution figure toi. Je me suis affranchie de la compagnie du Royal Ballet il y a un an, pour aller davantage vers la danse moderne, et la chorégraphie de fait. » Problème. Elle n’a plus de compagnie, de salle attitrée. « Cela dit si tu veux absolument te confronter à la directrice de la compagnie du Royal Ballet, et faire une visite officieuse du Royal Opera House, ça peut toujours se négocier. » Sa remarque lui déclenche un sourire. Elle imagine sans mal un électron libre tel que lui, face à la rigueur disciplinaire du chef d’orchestre. « Laisse-moi deviner … Le chef d’orchestre t’as regardé comme si tu étais un suppôt de Satan ? » Elle part dans un rire franc et spontané, se souvenant de ses années de danse classique. Impitoyable univers sur celui-ci, prônant des mœurs parfois dépassée et une discipline presque militaire. « C’est presque carcéral comme univers, le classique. » Elle songe à sa demande, à la proposition. Cela ne lui déplairait pas non plus de changer d’univers. « Ca ne me déplairait pas de botter le cul de quelques esprits étriqués qui ne voient dans le rock et la musique qu’un moyen de se déhancher comme des pantins démantibulés. Cela dit, on peut aussi trouver une salle. Faire quelque chose d’unique. Avec mon public, et le tien réunis. »




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James M. Wilde
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Eleah
& James




Je me sens comme malade, en souffrance des impressions qu'elle trace sur ma peau, au désespoir de celles qui parviennent à s'enchasser dans ma tête. Elles viennent tenir compagnie à toutes les autres que je rejette sans pouvoir véritablement trier le présent et le passé. L'euphorie côtoie tous les parjures et mes mots retentissent tels une litanie qui proviendrait de ma couche mortuaire. La vie qui m'arrache au néant, les yeux fixés sur celle qui sait si bien la chanter. Je veux la suivre, je veux la croire, être rejoint dans mes tourmentes pour qu'elles se fanent enfin. Oublier avoir commis le pire pour me raconter que l'acte ne m'a pas entaché. Folie impie qui me transperce tandis que tous mes regards se retrouvent captés par sa présence électrique. Il y a sans doute dans mes iris tant de ces envies que j'avais pourtant juré d'interdire pour ne plus m'y laisser consumer, mais je la sens, tout au fond des entrailles, la soif infernale qui reparaît, cherchant à étancher tous les fantasmes qui m'animent et je ne détourne guère les yeux pour les fuir. Non. En ces minutes qui nous connectent dans des sous-entendus sulfureux, je la laisse me voir, me distinguer dans toute l'intensité de mon univers, celui que je souhaite tant lui dévoiler pour qu'elle dévore ce qu'elle semble tant prompte à arracher. Ma nuque infléchit tous mes élans de supériorité fantoches mais je finis par rire de sa remarque grivoise, me laisse entièrement prendre au jeu, tant je désespère d'y chuter. Je me penche vers elle, mordille ses mots pour en goûter le sel, les yeux brillants et la bouche mutine :
_ Tant mieux, jolie fille, ce sera ainsi plus facile de me fondre en toi quand tu désespéreras de me ressentir plus encore...
Je me recule légèrement, les paupières alanguies de ce désir qu'elle semble provoquer par ses impertinences, je refuse la capture, brouille les règles que j'ai su éroder. Il y a sur toute ma chair, des griffes qui s'enfoncent, et cherchent à gommer toutes les lumières qui sauraient la ranimer. Derrière le souffre, il y a les relents putrides de mes errances, qui me laissent interdits, bien moins prompt qu'à l'époque quand nous ne cherchions qu'à prendre et à donner, dans la fièvre de nos souffles. Nous nous perdons dans d'autres ailleurs, la musique reparaît, dans des commentaires inconstants, aussi fragiles que des secrets. Je n'aime en général que peu commenter mes oeuvres, mais je sais qu'une collaboration se doit d'être façonnée. Je la laisse lire, toucher ce qui mit tant de temps à s'excaver de mon être pour se voir jeté sur le papier, informatisé par nos ingénieurs de la prod, fixé sur des mesures bien droites, bien éloignées des gribouillis que je produis dans mes envolées enragées. J'écoute ce qu'elle a à en dire, absorbe les pistes avant de les contrer, délaisse mes instincts de protection farouche à présent que j'ai choisi de la laisser m'apprivoiser le temps d'une scène conjointe. Je regarde son visage qui s'anime au fil de ses pensées, l'hésitation me laisse à une réflexion plus intense, avant de statuer dans une douceur délicate :
_ J'imagine toujours mes échappées partagées. Il y a dans la solitude, bien trop de ces élans de fuite, et en l'occurrence, c'est un espoir vaincu, mais un espoir quand même. Les espoirs chantent une justesse sans faille quand il sont vécus à deux. Seul, on pense plus creux, oser est bien moins simple. Mais ça ne veut pas dire que le personnage sur scène doit être accompagné, c'est à toi de juger. L'autre peut être cet ailleurs qu'on crève d'embrasser.
Je frotte mes bras sans trop m'en rendre compte, quand le froid reparaît, murmuré par mon ossature qui se rappelle de tant de mes fresques dessinées côte à côte. Je cherche du regard les ombres de l'ascenseur que je n'ai pas su emprunter, délaisse tous les espoirs meurtris par mes mains dans l'entre-deux d'un seul silence. Je la regarde de nouveau, la peine bataille avec la frénésie, quand je dévoile plus qu'elle ne demande sans doute :
_ Je vois exactement ce que tu veux dire oui. C'est une essence fourbue, viciée, qui cherche à fasciner encore les ombres avant de s'y laisser enfermer. Mais je crois que tu te fourvoies... À l'aube du grand saut, il n'y a qu'une liberté illusoire. Une seconde avant que tout ne s'arrête, c'est viscéral en effet, mais c'est aussi l'échec de toute l'humanité.
Je détaille ses airs, ainsi que ses gestes tracés dans l'air, qui me peignent l'ensemble du ressenti qu'elle cherche à me narrer, avant de pencher légèrement la tête sur le côté :
_ Je ne sais pas comment tu fais ça. Saisir les couleurs qui percent le voile d'un mouvement. Si tu vois une libération, plus positive que moi, je te laisse me la narrer. Qui sait, j'en serai peut-être convaincu après t'avoir regardé la vivre.
Mon sourire est secret, je ne ferme aucune porte parce qu'il n'en reste aucune à franchir.

La fatalité se distingue de nos jeux d'enfants qui nous font exulter. Je fronce les sourcils quand elle se permet de me rappeler à l'ordre et j'ai un rire naturel, qu'elle excave de toutes mes angoisses, pour faire sonner cette nature pleine d'indiscipline. Je prends des airs faussement contrits qui me vont très très mal :
_ Bah quoi ! Je veux dire... Tu as vu le décolleté ? Il faudrait que je ne m'imagine pas m'y enivrer peut-être ? Puis je n'ai jamais su me contenir, il y a tant de conditionnels dans un regard ou une silhouette offerte. Même si ton petit numéro m'a bien empêché de ramener la paire d'obus dans mon lit. Je ne te remercie pas !
Je ricane encore une fois, même si je n'aurais raccompagnée Barbie chez elle pour rien au monde hier au soir, bien trop captif de mes idées noires et des envies par trop brûlantes qu'Eleah commençait à dessiner sous ma peau. Je crois qu'elle va me parler d'un passage qu'elle tente de déchiffrer, la montée en puissance du second mouvement, si rapide, si compliquée qu'il s'agira d'un véritable tour de force, de ma part et de la sienne je crois. Je me modèle à son sourire animal, semblant faire rouler sur ma langue la question qu'elle me pose.
_ Rien ne me suffit jamais. J'ai un appétit sans limite.
Nous nous jaugeons quelques instants un peu trop longs et qui libèrent derrière nos jeux de ces menaces que je crois assoupies. À tort peut-être. Je ne peux guère y songer sans me sentir en perdition. Nous parlons déjà de détails qui me contrarient profondément. Demander une sorte de permission frustre mes imaginaires et me rappelle tous les manques accumulés. J'ai un frisson plein de lâcheté quand je m'imagine même évoquer devant Moira un voyage qui achèvera de m'éloigner quand j'ai rêvé tous mes infinis à ses côtés. Avant d'élever des murs à nos corps fracassés. Ma voix est bien plus fermée soudain :
_ Oui ce n'est pas comme si j'avais le choix.
Embarquer mes deux amis dans un projet en dehors de nos domaines les plus privilégiés ne sera pas un soucis, je le crois sincèrement, mais la confronter elle m'apparaît être au dessus de mes forces éreintées. Fort heureusement elle me distrait de ma contrariété en m'annonçant n'appartenir à personne actuellement. Je trouve que cela lui va bien. Je tapote mon menton tout en envisageant les possibilités qui pourraient nous porter sur des scènes multiples. Quand elle me parle du Royal Opera House cependant, mon expression se fait plus agressive et féline. Mon soupir ronronne presque.
_ Je me demande si c'est toujours cette vieille frigide qui le dirige. Elsa Faulkner.
Cette seule identité, ainsi prononcée telle une injure me rappelle des années en arrière, quand j'étudiais encore avec si peu de sérieux sur les bancs de la RAM. Faulkner donnait des cours là-bas. La musique pour les corps de ballet. Toutes les filles prenaient cette option à l'époque. Et j'y allais simplement pour détourner l'attention de toutes ses étudiantes. Si c'est encore elle, il est probable que les négociations soient serrées et qu'elle protège comme une lionne ses petites ingénues qui prêtent leurs corps trop maigre à son institution. Mes élans prédateurs se rallument :
_ Si c'est elle, j'ai hâte de croiser sa mine austère. Car si Jurowski a fini par apprécier le diable, sache que Faulkner me hait sans commune mesure. Qu'est-ce que t'en dit, Beauté, tu ne veux pas aller foutre le bordel en prison ? Il manque là bas tous les élans de ta liberté. Et la mienne par là-dessus, nous risquons de laisser une empreinte dans les corps et les esprits. On amènera mon public et le tien dans des terrains conquis qu'il suffira de dévaster.
Mon ventre grogne, comme une bête qui vient tout juste de se réveiller. L'appétit ronge mon ventre, me rappelant que je n'ai plus su m'alimenter depuis des jours. C'est presque avec candeur que je m'écrie :
_ J'ai faim !
Je la zyeute comme s'il s'agissait d'un met des plus appétissants :
_ On va bouffer chérie ? J'ai la dalle si tu savais.
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() message posté Jeu 15 Mar 2018 - 14:11 par Invité
james & eleah
Le jeu ne s’arrête jamais, la gêne absente, la pudeur rendue à ceux qui souhaitent se calfeutrer. Grisée, Eleah est surprise aussi, de cette franchise sans fard qui doit faire rougir les adolescentes et faire frémir les femmes les plus engoncées dans leur éducation. Pendant une seconde elle comprend ce qui créé le mythe. Pourquoi il peut consommer les chairs sans avoir besoin de prouver quelque chose. La spontanéité a parfois des atours dérangeants, mais attirants aussi. Parler sans filtre, jouer jusqu’à la limite de la décence, c’est comme une montée d’adrénaline. Ses impertinences se heurtant aux siennes, c’est une lueur nouvelle qui chatouille son regard incandescent. Entre la frustration de ne pas avoir l’ascendant, et l’envie délicieuse de savoir quelles seraient ses limites. Comme une petite fille, elle jouerait volontiers jusqu’à voir cette barrière qu’il n’a pas franchi. Quelle serait-elle ? Jusqu’où devrait-elle aller avant de le voir craquer ? Lui faudrait-il faire preuve d’indécence à son tour, juste pour réussir à avoir le dernier mot ? Elle humecte sa lèvre inférieure, sent le sang qui palpite sous la chair meurtrie de sa bouche. Quelle serait-elle ? La question revient, bourdonnante. Elle fait battre son cœur plus vite, d’une excitation enfantine dissimulant des attraits et des désirs totalement impudiques. Elle ne répond rien, se contente d’un haussement de sourcil entendu alors qu’il la regarde, là, tout près. Si près qu’il suffirait d’un battement de cils, d’un souffle alangui. Elle se souvient d’une version de lui plus spontanée, plus intrépide aussi. Ils ne s’étaient pas encombrés d’autant de jeux, prenant tour à tour les rôles de chat et de souris pour se tourner autour. C’était différent. Rien dans l’intermède de Galway n’avait à voir avec ce qu’ils étaient aujourd’hui. Dans ce corps tendu à l’extrême, affadis par des haines dont elle ignore toutes les essences, Eleah commence à deviner pourtant. Ni les raisons, ni les pourquoi. Juste les stigmates d’une violence intrinsèque dont il paye aujourd’hui tous les prix, les muscles raidis par le poids des intolérables embrassés, difficile à oublier pour d’autres lèvres. La curiosité la fascine, ne fait que nourrir plus encore l’énigme qui s’épaissit sans jamais se résoudre. Elle a promis de ne rien demander de plus. De ne pas emprunter des sillages desquels ils ne pourraient pas revenir. L’envie est là, mais elle la bride, le poids de la promesse de liberté étant plus important à ses yeux que l’idée fugace de questionner sur des souffrances qui ne la regardent pas. Alors son corps s’anime de nouveau, quitte le suspens dans lequel il s’était alangui.

Les partitions sous les yeux, la frivolité et l’inspiration au bord des lèvres, la légèreté revient, l’élan créatif s’opère et fusionne enfin. Les bribes de mélodies s’installent dans sa tête, imparfaites sans doutes, assez exhaustives cependant pour lui donner une idée de l’ensemble. Il lui faudrait tout entendre pour imaginer davantage, s’imprégner de chaque note, de la tessiture de sa voix qu’elle connaît encore mal aussi pour ne l’avoir que brièvement entendue. Ses airs s’imprègnent d’une rigueur toute nouvelle, plus professionnelle dès lors qu’il s’agit de créer un but, ultime, encore inaccessible. « Oui … J’y pensais justement. Peut-être osciller entre une et deux silhouettes. Deux silhouettes pour se propulser, pour incarner la puissance d’un passage … Une silhouette solitaire pour faire corps avec la musique, avec toi aussi … Pourquoi pas. Il pourrait y avoir un axe proche de ton piano, quand tu joues … Pour créer un ensemble … Hmm. » Ses lèvres s’ourlent encore. A la fin elle ne sait plus si elle lui répond directement, ou si au contraire elle songe déjà. Toutes les idées sont bonnes à prendre pour l’heure, les décisions quant à elle viendront plus tard. Sans la relever, elle note un changement dans son attitude. Une mise en retrait légère, presque abstraite ou impalpable. A la dérobée elle jette un coup d’œil dans sa direction, voit qu’il s’est éloigné de l’endroit où ils se trouvent. Pas longtemps, juste assez pour que le mystère se densifie, que la bride autour de sa curiosité se resserre. Non, elle se l’est promis. De ne pas arpenter les territoires interdits. Alors elle poursuit : « Je ne suis pas d’accord avec toi. Il y a dans la liberté une humanité toute différente … ». Interrompue dans ses contemplations musicales, pendant une minute elle demeure statique, comme figée par son manque d’optimisme, et par cette noirceur qu’il distingue partout comme une évidence. Ne perçoit-il pas le reste ? Tout le reste ? Toute cette vie qui bouillonne, partout. Cette soif de renaissance, constante. N’y-t-il pour lui que les horreurs putrides ? Tous les vices nichés de la nature ? « Nous verrons, dans ce cas. » affirme-t-elle, avant de le gratifier d’un clin d’œil. L’envolée rend tout d’un coup des objectifs différents. Le challenge est entier, plus difficile encore qu’elle ne l’aurait imaginé. Réussir à le convaincre, ou au moins à faire germer l’idée lui demandera bien plus de sacrifices d’elle-même, et d’ouverture qu’elle ne l’aurait pensé. Chuter en avant. Se précipiter dans les abîmes pour l’y retrouver, et l’en ramener. Ces mêmes abîmes qu’elle fuit depuis des années, qu’elle met un point d’honneur à oublier.

« S’il n’y a que ça, on peut toujours y remédier. On retourne dans cette boîte de l’enfer, on retrouve Blondie, tu fais ta petite affaire, et on en parle plus. » Son sourire est carnassier, elle le défi du regard. Elle a du mal à imaginer que lui, si prompt à créer une telle musique, avec une voix si sensible et criante de vérités cachées, soit du genre à s’enticher de poupées siliconées s’étouffant dans la superficialité. Elle l’imaginait convoiter des essences plus … Plus pures. Plus riches aussi. Néanmoins après réflexion elle se dit, que sans doutes pour satisfaire un besoin primaire, n’importe qui ferait bien l’affaire. « Vicieux et vorace. » dit-elle dans un premier temps, dans un anglais guttural, sur un ton de dépit et d’amusement mêlés. « Avec ça, on est pas sortis de l’auberge. » ajouta-t-elle enfin, mais cette fois-ci, dans un français imparfait. Une expression qu’on lui avait apprise lors de son séjour là-bas, qui l’avait faite bien rire, allez savoir pourquoi. L’occasion rêvée pour la ressortir. Elle part dans un rire nouveau, ne s’offusque pas de cette voracité avouée sans fard. Arthur serait là, il dirait que de toute façon, elle est semblable. Qu’il lui en faut toujours davantage.

L’échange devient moins frivole. En un battement de cils il s’est éloigné dans une morosité dont elle peine à dessiner les contours. Lunatique dans ses humeurs, plus prompt qu’elle à se laisser émouvoir peut-être, il y a un temps d’arrêt entre eux qui ne peut pas laisser de face à l’erreur, ou aux faux semblants. Quelque chose dans l’idée d’en informer ses congénères le dérange. Elle ne pense pas que cela vienne de Gregory, ou Ellis, les trois ayant l’air sur la même longueur d’ondes, complémentaires en matière de création. Et puis après tout, c’était Grégory qui avait évoqué l’idée d’une collaboration en premier. Pourquoi s’y opposerait-il, alors même qu’il était l’instigateur de la rencontre ? Insensé. La bride venait d’ailleurs. D’une instance différente, mais néanmoins nécessaire pour la stabilité de leur carrière. Un regard vers le petit vestibule du studio d’enregistrement. C’était au niveau de la production que tout se jouait. Eux avec lesquels il fallait prendre les décisions. Eleah avait rencontré la directrice de Oaks production dans le cadre de sa collaboration avec les Spectrum. Forcément il avait fallu signer un contrat, parler rémunération, et intentions artistiques. Jamais elle n’avait eu l’impression de se heurter à un esprit étroit, ou trop étriqué pour daigner soutenir des envolées différentes, et la conjecture d’univers aux antipodes. Plus encore, elle avait trouvé en Moira Oaks une oreille attentive, et un regard plutôt pertinent. Si elle avait consentit et surtout réussi à faire monter le groupe de James sur la scène du Royal Albert Hall, le reste était de moindre envergure, en comparaison. Alors pourquoi cette réticence ? Eleah parut songeuse un instant, les partitions au bout des doigts, essayant de lire dans les expressions dissimulés de son visage des raisons plus évidentes que celles qui lui caressaient l’esprit.

« Tu as toujours le choix James. » répond-elle, avec un aplomb plus incisif, sortant de ses airs enfantins le temps d’une seconde illusoire, tressautement de l’être au fond de sa gorge. « Tu peux décider de t’affranchir momentanément. De faire partie de ce projet unique sans les contraintes du groupe, ou de ta production. Je ne sais pas si c’est possible, si tu as un devoir d’exclusivité … Mais peut-être que pour une représentation tu pourrais monter sur scène, avec moi … Tout seul. Tu ne serais plus le leader des Wild. Tu serais qui tu veux. Les possibilités sont infinies … Les choix possibles, il y en a … Forcément. » murmure-t-elle sur la fin, arborant un sourire plus tendre, plus mesuré, souhaitant desserrer les fers qu’il pensait avoir resserré autour de ses poignets. Il y aura toujours moyen de trouver une solution, quelque part. S’affranchir de son public, pourquoi pas ? Il le suggérait tout à l’heure. Elle pourrait l’entraîner, solitaire, dans son univers. Une représentation, unique. Pas d’annonce médiatique. Juste une invitation à un cercle d’intéressés. La promesse d’un événement illusoire, comme une parenthèse nécessaire. Tous les possibles, accessibles.

Sa main vient se poser sous son menton, elle s’appuie sur un coude, posture songeuse, décontractée. Elsa Faulkner. Rien que d’entendre son nom, ses dents ont envie de rayer le parquet, et elle se redresse. Cette vieille chouette. Pétrie de rigueur, de discipline, et d’idées carcérales sur ce que doit être ou pas être la danse classique. Il suffisait que votre chignon soit un peu de travers, ou votre port de tête moins élancé que d’habitude pour qu’elle vous humilie devant toutes les autres pendant le cours, lorsqu’elle avait le malheur de faire une descente dans les classes des différents professeurs. Si l’usage de la férule avait été toléré dans l’enseignement, sans nul doute en aurait-elle usé et abusé. Néanmoins, Eleah était forcée de reconnaître que sous ses airs exigeants, Faulkner était d’un professionnalisme sans pareil. Jamais elle n’avait failli, ou montrer de la faiblesse. Jamais elle n’avait été ouvertement critiquée pour ses choix de chorégraphes, et ses choix de classiques à interpréter sur la scène du Royal Opera. C’était elle qui lui avait donné sa chance. Qui l’avait poussée dans ses retranchements, accompagné de sa professeure de danse classique, pour qu’elle aille plus loin. Elles lui avaient arraché des cris, des pleurs, des injures. Mais grâce à leurs rigueurs conjuguées, elle était devenue danseuse étoile. Malgré sa petite taille. Malgré le fait que par rapport aux autres, elle n’avait pas des jambes ou des bras aussi longs. Qu’il lui fallait faire deux fois plus d’efforts pour s’élancer. Qu’elle n’était pas aussi fluette que les autres, ses muscles prenant en volupté plutôt que de s’assécher sur l’ossature trop maigre.

« Tu as vraiment connu Faulkner ? Elle est proche de la retraite maintenant tu sais. Encore plus vieille chouette qu’elle ne l’était déjà. Avec ma prof de danse classique, toutes les deux, elles m’en ont fait baver. » dit-elle, songeuse, imaginant sans mal un James plus jeune face à une Faulkner plus vindicative encore dans ses jeunes années qu’elle ne devait l’être actuellement. Sans être frileuse à l’idée de se confronter de nouveau à une institution dont elle s’était affranchie un an plus tôt, elle voyait déjà les barrières auxquelles ils allaient se heurter. « Obtenir une salle c’est une chose. Mais obtenir le Royal Opera House pour une représentation exclusive, ça … S’en est une autre. Ils ont déjà du mal à intégrer la danse moderne … Alors le rock. » Ses yeux s’arrondissent. Elle ne veut pas baisser les bras avant d’avoir tenté l’expérience, mais elle voit d’ores et déjà la porte se refermer au loin devant leurs yeux ébahis. « Tu sais quoi ? Je prendrais rendez-vous avec Faulkner. Elle m’apprécie je crois, même si elle ne le montre pas. On ira la voir ensemble. Mais je ne vais pas la prévenir d’avance que tu viens, histoire qu’elle ne se remémore pas toutes les années où tu venais dissiper ses innocentes étudiantes. » Regard d’avertissement dans sa direction, à mi-chemin entre l’amusement et la lubricité. Pas toujours innocentes, si elle regardait dans un miroir ses propres jeunes années dans les cours de Faulkner. Croire que les danseuses classiques sont pétries de frigidité, c’est une grossière erreur. Elle n’avait jamais franchi autant de limites que durant ces années-là.

Ses pensées s’égarent, s’affairent à tenter de deviner quelle pourrait être la réaction de Faulkner. Encore faudrait-il qu’elle accepte de les recevoir. Il était déjà question il y a un an qu’elle ne soit plus là aussi souvent qu’auparavant, qu’elle partage ses tâches avec un adjoint, susceptible de la remplacer totalement lorsqu’elle partirait en retraite. Avant qu’elle ne lâche le bébé totalement cependant, il pourrait bien se passer des années. Énumérant dans sa tête tous les arguments qu’elle pourrait lui présenter, elle se redresse brusquement à l’évocation de denrées potentiellement comestibles. En une fraction de seconde, elle questionne son propre appétit.

« T’as raison, je suis affamée aussi. Il y a des street food pas mal, du côté de Camden Town, on y va ? C’est pas très loin en métro. » Elle a déjà bondit du rebord du piano, reposant presque avec délicatesse les partitions sur leur présentoir sans réaliser que la perspective du métro et des transports en commun n’est peut-être pas celle dont il rêvait. Peu importe. Déjà elle déambule dans la pièce, récupère son perfecto, glisse un à un ses pieds dans ses chaussures en continuant de parler. « J’ai bien envie de manger avec mes doigts. D’en foutre partout. » Elle hausse les sourcils, espiègle, maligne. L’idée de pouvoir babiller et papillonner en mangeant lui plaît aussi, elle qui est incapable de rester assise plus de quatre secondes et demi. « J’en connais un qui fait des naans … Hmm … A tomber. Rien que d’y penser, c’est encore meilleur qu’un orgasme au réveil. Crois-moi c’est une tuerie ce qu’il fait, ce mec-là. » Elle s’arrête près de la porte, le gratifie d’un regard complice et moqueur à la fois. « Il y en a un autre qui fait des jus détox verts. Tu sais ? comme tu les aimes là … Avec de l’épinard, du chou frisé, de la salade, du concombre … » S’en suit ainsi une énumération potentiellement interminable, alors qu’elle ajuste son sac en cuir sur ses épaules.





« let me touch your symphony »
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James M. Wilde
James M. Wilde
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() message posté Jeu 15 Mar 2018 - 23:03 par James M. Wilde


« Let me touch your symphony »

Eleah
& James




Sous les élans d'un naturel confondant, il y a toutes les envies qui se détaillent, qui glissent sur son corps, qui reparaissent à l'orée de sa bouche, qui la rendent à la fois très attirante tout en étant bien trop dangereuse. Les femmes entrent souvent dans mes jeux tendancieux, elles se retrouvent déstabilisées, dans cet émoi terrible qui les pousse à céder ou à fuir. Mais Eleah n'est ni farouche, ni rendue à cette fébrilité que je pourrais vouloir envahir, me distillant dans ses veines comme un poison trop liquoreux pour ne pas atteindre toutes ses chairs et les vicier. Elle joue comme moi, dans cette même rythmique qui frôle l'amoralité, cherchant les flammes de son désir au fond de mes yeux, le regardant en face, pour mieux l'accomplir. L'indécence est dans tous ses gestes, portée jusqu'à son front, et des images viennent s'imprimer sur ma rétine, me rendant presque sourd à chaque fois que l'impact de ses phrases vient me caresser. J'ai l'impression qu'elle me teste, que rien ne serait véritablement en mesure de l'effrayer, pire encore, je me rends compte qu'aucune de mes phrases ne cherchent à la repousser. Je la teste avec la même perversité, traçant des limites illusoires dans ce que j'imagine d'elle, tout en ayant l'espoir qu'elle n'en aura aucune. Folie à ma mesure, démesure du moi affranchi de ces moeurs étriquées, c'est si suave que je peine à m'en lasser. Et quand elle joue avec sa lèvre, bordel, je me souviens de tous mes instincts qui viennent de profaner des territoires interdits, pour mieux les ravager. Et une part de moi se souvient, se souvient aimer cela. Je frémis de me découvrir intact, la douleur de mon masque fracassé a su délier les chaînes, il ne reste plus rien pour me retenir dans le silence de cette prison éventrée, car la peur est partout, un quotidien de souvenirs impurs, que je savoure. Que je vomis. J'ai envie d'elle tout en me sentant bien incapable d'aller chercher autre chose en moi qu'une violence acérée, ou une délicatesse qui me donnerait en pâture pour qu'elle m'absorbe tout entier. Le rêve se confond au cauchemar, notre passé ne me semble être que l'écho de tout ce que j'ai su perdre, je ne connais plus rien qui ne soit entaché. Je me demande si elle le sait. Je me demande si elle le voit. Et pire encore, je me demande si c'est ce qu'elle viendra un jour exiger. Cette liberté-là, que je ne saurai pas lui refuser... Comme tout le reste désormais. Je ne suis pas certain de ce que je souhaite, je frémis presque d'une incertitude qui s'éreinte dans ma tête.

Nous discutons longuement d'Exogenesis, disséquant l'intimité d'une oeuvre qui me dévoile à ses regards sans qu'une seconde je ne me sente menacé. Elle a tout le respect du monde dans cette avidité professionnelle, elle semble jauger mes harmonies à leur juste valeur, les resserrant entre ses mains agiles, tandis qu'elle en trace les imaginaires du bout des doigts. Je sais que le dévoilement n'est pas terminé, elle aura besoin de me voir, de m'entendre, de me ressentir. La profondeur d'un accord, la fêlure d'une note, l'angoisse d'un silence. Encore et encore, pour qu'elle me sache par coeur, qu'elle en goûte les plus fiévreuses hontes, les plus dérobés de mes effrois. Je lui dévoile ce que je peux, les mots rendent l'exercice difficile, j'ai cette sorte de pudeur quand je parle de ma musique. Je préfère la vivre. Tout est si étriqué par mes phrases, je ne rends pas honneur à l'écriture, puis... Je ne mens pas quant à ma curiosité, je me demande bien ce qu'elle saura trouver. Et apporter au creux de mon univers. Comme j'aurai irrémédiablement changé le sien. Son désaccord ne m'étonne pas, c'est bien pour cela que je l'ai choisie, pour contrer le désespoir qui m'étreint et cherche à m'étrangler. Pour repousser la peur. Et savoir ce qui demeurera de ma pauvre carcasse putréfiée, une fois qu'elle aura vécu une à une les notes décomposées par ses pas délicats. Je ne commente pas, il suffit d'un fin sourire qui ne s'en laisse guère compter. Une humanité différente... Pas la mienne en tout cas. Peut-être est-ce donc cela, j'échoue à tous leur ressembler. Je ne sais pas comment leur appartenir. Je n'ai jamais compris comment mêler ma voix à tous leurs cris, quand ils entonnent si facilement ceux que je pousse. Elle relève l'énième défi de tordre ma nature, et je hausse mes épaules une nouvelle fois. Je ne l'empêcherai pas d'essayer de peindre toutes les lueurs qu'elle saura apporter, car les ténèbres pervertissent toutes les lumières. Le noir, l'absence du néant, plus rien pour persister. Qu'un écho affadi. J'ai tant d'attentes à son endroit, cela me donne presque le vertige. À trop avoir cherché à fuir tous ceux qui pouvaient m'approcher, je me laisse entièrement captiver. Je ris de bon coeur quand elle me peint ces perspectives où je saurais retrouver Blondie pour la serrer et j'esquisse une sorte de grimace, entre le dégoût et les accents de la débauche.
_ Je note ta très grande spontanéité à satisfaire mes travers. Mais j'ai en ce moment des appétits plus distingués. Le vice épanché entre les bras d'une divinité trompeuse, voilà qui me rend insatiable.
Et je la regarde encore, cherchant à la retrouver dans la ferveur d'une nuit, qui fut si spontanée tout en caressant d'abyssales étrangetés, ma bouche murmurant sur la sienne des insanités enfiévrées quand mes mains ne faisaient que découvrir son corps, chaque parcelle pour apprendre un mieux l'honorer dans un plaisir abstrait. Sa remarque en français m'est si absconse qu'elle me sort de ma transe et je hausse mes deux sourcils pour m'écrier :
_ Ta langue est satanique, j'en étais sûr !

Les tractations suivantes sont bien moins évidentes pour moi, les harmonies enfuies, ne demeurent que mes troubles de les avoir brisées. Ma nature est changeante, elle cherche à préserver l'infini quand je ne distingue plus que des voies rendues torves par mes actes déchaînés. Et sa voix qui s'élève, pour faire tinter ces chaînes que je ne porte plus, il n'y a plus que la blessure, tout en dessous. La peau tannée par tant d'errances, la chair meurtrie d'avoir trop cherché à les ôter, et ce pendant des années. M'affranchir alors ? Rompre le pacte pour une liberté illusoire, le temps d'un instant, rendu à d'autres bras, traçant des après quand j'ai interdit tant de lendemains. La désunion des chairs, une sueur froide roule tout le long de ma colonne vertébrale tandis que je considère Eleah, une créature étrange, qui vient de murmurer ce que je n'ai jamais su vraiment oser. Être moi, sans Ellis, sans Greg, mes hommages à une musique ancestrale, délié de mes contrats, sorti du clan que je ne sais comment rejoindre à présent que j'en ai profané toutes les lois. Le choix... L'amertume empreint mes traits, mais derrière c'est un espoir dément qui semble fouiller mon coeur pour le ressusciter. Elle est si présente quand elle me conte ce que nous pourrions ainsi dérober à tous ceux qui nous savent, sans passé, sans avenir, rien qu'un seul choix qui nous fit nous rejoindre dans la sobriété de deux esprits incertains. L'étreindre dans ma musique, sans regard extérieur que celui d'un public pour nous juger, soulève un poids de mes épaules, je me sens étrangement soulagé. Aucun débat, juste une envie à suivre, à annoncer pour qu'elle devienne réelle, et puisse élever toutes nos ambitions jusqu'aux nues. Je murmure, sourdement :
_ Seul... Sur scène. Comme autrefois. Avec toi.
Ma joie et ma reconnaissance sont si pures soudain :
_ Je crois que ça me plairait bien.
Le rêve ainsi chanté, il ne reste plus qu'à le suivre et mon corps se dénoue, je suis plus vivant, je suis plus prolixe, je peins Faulkner dans mes souvenirs les moins abîmés, elle apparaît dans toute sa dureté, une mégère pleine de cette fierté désagréable, qui savait mener ses petites saintes dans des rangs bien serrés. Faux airs de sainteté, les étudiantes de ses cours étaient de vraies putes, tout ce que j'ai exigé, j'ai pu l'obtenir. Il faut dire que l'apparition d'un mauvais garçon dans ces cours qui comptaient une population féminine entièrement travaillée par ses hormones adulescentes pouvait tout d'un coup souffler un vent de chaos sur l'assistance. Je pense avoir baisé une fille jusque dans l'amphithéâtre, pendant que les lumières enfuies ronronnaient des images sur un écran rendu flou par un plaisir exhibitionniste. Ma mémoire rend mon visage extrêmement expressif, mes escapades y défilent, et j'ai un soupir extatique :
_ Oh oui... Je l'ai connue, elle m'en a fait baver aussi, mais pas exactement pour les mêmes raisons j'imagine. J'ai frôlé le conseil disciplinaire, quand j'étudiais à la Royal Academy of Music, elle donnait un cycle de cours magistraux là-bas. Elle a tout essayé, mais... elle n'a pas gagné.
Et j'ai pu poursuivre mes fanfaronnades dans tous les couloirs. Je l'écoute tout en observant le plafond et toutes mes idées qui y dessinent une canopée. Elle a raison, le challenge est si incertain qu'il tient du fantasme, mais, il revêt une tentation infamante, qui me transperce tout entier. Elle semble en arriver à la même conclusion, ses yeux soudain emplis d'une détermination qui m'éblouit. Je montre les dents, carnassier :
_ Parfait, rencontrons donc Faulkner, et essayons de la faire ployer. Je peux sans doute dissimuler quelques minutes, le temps d'obtenir ce que je souhaite plus encore que de la faire trembler. Opérer un casse manifeste au coeur même de l'institution de cette coincée, ça me suffira amplement.
Je fais soudain l'offusqué, surjouant des airs angéliques, ma voix plus haut perchée :
_ Comment ? Moi ? Détourner l'innocence ? Voyons, Eleah, voyons ! Un peu de sérieux, je vous prie.
Je l'ai dit sur le ton de Faulkner, et j'ai du mal à conserver mon rôle quand je me souviens de tant de fois à pleurer de rire quand elle bégayait toute sa rage à mon endroit.

Sans transition, je pique son intérêt au vif quand je parle de manger. C'est tout à coup que je la découvre comme transfigurée, son timbre animé par un rythme croissant, tandis qu'elle me peint l'un des endroits qui semble devenir l'Eldorado de la junk food. Exactement ce que j'espérais, j'ai besoin de sel, j'ai besoin de gras, de sucre aussi, de tout ce qui viendra endiguer l'acidité de l'alcool et enrayer les ravages de la drogue. Par contre, je tique. Transports en commun, quelle horreur. Ça ne m'étonne même pas, et je la rattrape à grandes enjambées, tandis qu'elle parle, qu'elle parle, qu'elle parle encore. Alors mes phrases se glissent entre toutes les siennes, tiennent compagnie aux très maigres silences qu'elle aménage, nos voix joutant dans une conversation très amicale. Comme si nous nous connaissions depuis longtemps. C'est le cas, c'est vrai...
_ Tu veux prendre le métro ? Mais c'est bondé à cette heure-ci, il doit y avoir des gens qui shlinguent, et des clubers à la con qui ne savent pas causer. Dois-je te rappeler que ma gueule est en grand format, sur les murs sous terre ?
Les affiches du groupe sont dans le métro londonien, une grande campagne pour toucher tous ceux qui pourrait ignorer notre existence. Nous les traquons dans leurs trajets quotidiens, quand nous ne les saoulons pas à la radio du soir au matin. Mon emprise sur tous ces anonymes, mon égo surdimensionné.
_ J'ai ma moto, c'est bien plus rapide !
Mais c'est peine perdue, elle se chausse, je récupère ma veste, tout en faisant des gestes dans mon argumentaire, même si elle me disperse en parlant de bouffer avec les doigts, mon sourire ne me quitte plus :
_ Un mythe s'effondre, des danseuses qui bouffent comme des gorets. Bientôt ce sera les rockers avec des jus...
Et elle y est déjà, au milieu des naans et des immondes smoothies, ayant sans doute la même idée que moi au même moment. Je fronce le nez, secouant la tête comme si j'étais désespéré :
_ Tu me refais boire un machin pareil, et je t'assure, Minette, que tu avaleras autre chose histoire de me faire passer le goût d'une telle abomination.
Ma grivoiserie me laisse entier, je redeviens mon personnage, mes élans indociles dans le corps, mon bomber en cuir sur mes épaules amaigries qui se rencognent dans une fierté de star, que je n'ai aucun mal à jouer tant elle fait dorénavant partie de moi. Je cherche mon paquet de cigarettes, glisse une clope entre mes lèvres tout en lui proposant mon poison le plus doux :
_ T'en veux une ? La nicotine c'est moins fatal que le gras après tout. Il paraît en tout cas. Non mais franchement, le métro quoi. Je pensais que tu étais une sorte de bénédiction tu vois, mais tu es véritablement venue pour me distribuer les derniers sacrements. Le métro ! Bordel, j'ai pas pris le métro depuis que j'ai... je ne sais pas moi, ça devait être durant ma première tournée européenne. Allez, avance, avec tes airs réjouis, avant que je ne change d'avis.
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Anonymous
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() message posté Dim 18 Mar 2018 - 15:49 par Invité
james & eleah
Un sourire carnassier s’éprend de ses lèvres rosées. Jouer sur les mots est une envie insatiable qui brave toutes les règles bienséantes qu’elle est prête à enfreindre. Sa remarque la cueille, l’amuse. Sans être sure qu’il parle d’elle, elle distingue cependant les accents de ses désirs maîtrisés. Depuis la veille elle les sent, qui l’appellent autant qu’ils la repoussent. Comme s’il avait peur d’y succomber comme autrefois, que s’il se laissait aller, tout serait différent, cette fois. Loin d’être aussi naïve et désinvolte qu’elle n’y paraît, Eleah sait, la plupart du temps. Cette trahison du corps, qui vibre au contact d’un autre. Cet appel du regard, étincelle que l’on souhaiterait éteindre, mais qui se consume pourtant avec avidité. Les corps, elle les a appris par cœur jusqu’à s’en écœurer. Elle connaît chaque muscle, chaque articulation, chaque zone sensible. Elle sait écouter toutes les vibrations, les détourer de ses doigts, les malmener toutes ensembles pour créer l’hérésie des sens qui confuse, embrase, désoriente. La passion viscérale, au creux de ses reins. Le besoin impérieux de régner, maîtresse insatiable, instable. La sensualité est un jeu auquel elle s’adonne, sans honte, sans fard. Et plus l’adversaire est intrépide, plus elle est prête à aller loin, quitte à n’en pas revenir. La sensation pour seule règle, l’harmonie du corps et de l’esprit qui s’enjoignent et dansent, l’un avec l’autre, l’un dans l’autre, dans un seul but. Tout le reste n’a pas d’importance alors. Ce qu’il convient de dire. Ce qu’il faudrait faire. Ces envies que la bienséance proscrirait volontiers. Toutes ces chaînes que l’éducation impose, dont elle s’est affranchie depuis longtemps. Eleah ne rend de comptes à personne. Elle est passionnée, avide. Elle n’a pas d’étiquette. C’est la sensualité qu’elle aime, et non un sexe en particulier. Une sensualité sans attaches, sans brides. Une sensualité qu’elle n’impose à personne, qui ne tolère aucune appartenance. Sans être certaine, elle croit reconnaître en James un égal. Quelqu’un qui pour une fois, aurait une manière de penser similaire. Il parle de travers, pourtant. Travers. Ce mot sonne si péjoratif à son oreille. Comme s’il demeurait fixé à une norme à respecter. Une norme imposée par son éducation, par le regard des autres. A partir de quel instant un désir bascule-t-il dans le travers ? Quelles sont les règles à ne pas enfreindre ?

« Je n’aime pas trop ce mot … Travers. Qu’est-ce que c’est, un travers ? A quoi cela fait référence ? A partir de quand considère-t-on qu’un désir touche au travers ? Doit-on dire qu’un couple libertin se complaît dans des travers, alors même que la liberté des deux partis est consentie ? S’ils sont bien ainsi, que c’est le choix fait pour leur équilibre, pourquoi cela devrait-il être considéré comme un travers ? Si te taper des filles en silicone, c’est ce qui te fait vibrer, si ça te comble, si c’est comme ça que tu prends ton pied … Quelle que soit la chose que cela peut t’apporter … Que sont les autres pour juger ? » Le regard devient espiègle. Elle ignore pourquoi elle est partie si loin dans la réflexion, pourquoi cela l’a tant interloquée.  « Cela dit, c’est vrai que tu grimperais dans mon estime en ayant des attentes plus … Distinguées, comme tu dis. » taquine-t-elle, lui glissant un clin d’œil au passage, prompte à défendre quoiqu’il arrive la frivolité de toutes les natures. Son air face à sa remarque dans un français imparfait la fait partir dans un rire spontané, et cristallin. Elle admire toutes les expressions par lesquelles il est capable de passer, allant de la morosité obscures et taciturne, à l’amusement le plus fier et le plus désinvolte, en passant parfois par des intensités troublantes qui lui prendraient des heures à disséquer toutes entières. Il s’éloigne d’ailleurs, au rythme des battements de cils. Eleah cherche à le rejoindre, à trouver la solution du problème insolvable.

La mise en exergue du choix ne semble pas si évidente pour lui, quand elle sonnait spontanément pour elle. Elle comprend les chaînes qui le relient au reste du groupe, les contraintes nécessaires, le revers des succès qu’ils ont embrassé tous ensemble. Mais cette fois-ci il a le choix, car le projet ne ressemble à aucun autre, et s’inscrira dans un temps trop illusoire pour compter réellement. Ce ne sera pas un projet décisif, comme leurs concerts au Royal Albert Hall. Ce ne sera qu’une sorte de parenthèse, une ligne courbe tracée dans un autre sens pour créer un aiguillage, sans pour autant se détourner de la voie principale. Eleah se plaît à murmurer les possibilités qui s’offrent à lui, incarnation d’un nouvel espoir, d’une inspiration salvatrice pendant la course frénétique sans fin.

« C’est toi qui vois. » dit-elle, écho bienveillant, ajoutant même : « Je te l’ai dit … Ce sont tes harmonies que je suivrais. Quelles qu’elles soient. » Qu’il soit un. Qu’ils soient trois. Pour elle ça ne change rien, le point d’ancrage demeure le même, dans tous les cas. Et il renaît enfin. Plus spontané, moins engourdi par le poids de cet inconnu terrassant. Ressasser le passé a quelque chose d’extrêmement plaisant pour une fois, et tout en imaginant un James rayonnant d’impertinences dans le cours de cette chère Faulkner, elle se souvient, elle aussi, de ces années de sa vie. Ils auraient presque pu s’y croiser. Être ces deux silhouettes qui s’enchevêtrent dans les réserves dissimulées du théâtre. Aux expressions qui cisaillent ses traits, elle devine tous les travers possibles. Tous les excès que la jeunesse envisage et apprivoise sans honte. Toutes ces choses que l’on commet, que l’on considère comme des « expériences », mais qui à l’âge adulte deviennent ces fameux « travers » dont il parlait tout à l’heure. « Qu’est-ce que tu as fait pour la pousser à bout ? » l’interroge-t-elle, se mordillant le bout de l’auriculaire. « Laisse-moi deviner … Tu l’interrompais ? Tu malmenais ses étudiantes ? … T’as pas essayé de lui faire des avances pour te moquer d’elle quand même ? » va-t-elle jusqu’à suggérer, sans imaginer qu’il puisse pousser le vice jusque-là. Parce que quand même, si talentueuse soit-elle, Faulkner avait toujours été plus sèche qu’un désert, avec un faciès de sauterelle grillée. Elle imaginait James avec des appétits plus … Moins vieillots, disons-le ainsi. « Les chances qu’ils nous laissent le Royal Opera sont infimes. » Pour une fois, c’est peut-être elle, la moins optimiste des deux. Fantasque, elle n’en demeure pas moins réaliste. Cette institution, elle la connaît par cœur pour en avoir été le pion docile et discipliné pendant de longues années. Jamais la direction ne cautionnerait un projet comme le leur. Cela sortait trop des clous. C’était trop intrépide, trop incertain, trop fou. « Tu parles. Je suis sure que si on s’était rencontrés à cette époque-là, tu m‘aurais dépravée dans les coulisses sans aucun état d’âme. » Elle hausse un sourcil, semblant toute ailleurs, d’un seul coup. « Quoique. J’étais pas non plus une sainte à cette époque. J’avoue. » Elle pose ses doigts devant ses lèvres, étouffe un rire presque pudique derrière ses joues roses, et ses fossettes de petite fille.

L’idée de se restaurer devient plus poignante que toutes les autres. En un éclair, elle a déjà remis les choses à leur place, est prête à partir. L’échange est si spontané qu’il ne tolère aucun essoufflement. Eleah part dans ses envolées fantasque, babille sans pouvoir s’arrêter ni contenir l’enthousiasme qui fait vibrer tout son petit corps. Elle le trouve presque lent à la suivre, alors qu’elle patiente dans l’embrasure de la porte qu’il la rejoigne. « Mais justement, c’est ça qui est génial ! La mixité ! Des gens partout ! Tu ne sais jamais sur qui tu vas tomber, quels visages tu vas rencontrer ! S’ils vont tous être en train de faire la gueule, ou au contraire, s’impatienter comme des lions en cage ! C’est comme une fourmilière là-dessous. Tu peux être la reine d’Angleterre dans son tailleur rose, personne ne te reconnaît tant il y a de monde. La foule rend anonyme. Au pire les gens se diront : « Putain, t’as vu le gars là-bas, avec sa mine renfrognée ?! Il ressemble vachement au leader des Wild. Et sinan, t’as pas cinq livres à me prêter ? » Tu ne risques rien trésor. Et au pire, qu’est-ce qui peut t’arriver ? T’auras quelques adolescentes qui voudront te photographier. Tu feras ton beaaaau sourire de rockeur … » Elle le regarde, lui pince une joue en mimant le fameux sourire (inexistant). « Voilà, exactement comme celui-ci, et ça ira bien. » Elle continue d’avancer, en faisant de grands gestes, en sautillant parfois comme une petite puce. Quelle heure est-il ? Ce ne sera pas fermé au oins ? Heureusement que Londres ne dort jamais. Et le voilà qui prononce des inepties. « Ta quoi ? … Ta moto ? Il n’est pas question que je monte sur un engin de mort pareil. » Catégorique, laissant peu de place à la négociation. Il faudrait vraiment un cas extrême de force majeure pour qu’elle consente à monter sur un engin semblable, tant elle en a une peur saisissante. Ou alors il lui faudrait quelques arguments convaincants, voire des moyens de corruption. Sa remarque grivoise lui cloue néanmoins le bec une seconde, comme si elle avait mal entendu. Pour toute réponse elle le gratifie d’une tape dans l’épaule, avec un regard entendu. « Bah voyons ! » entonne-t-elle avec un air de réprimande, sa bouche s’incurvant en un rictus mi-indigné, mi-amusé. « Hmm ? » Eleah observe la cigarette qu’il s’apprête à lui tendre. Elle ne fume pas. Pas vraiment. Pas du tabac en tout cas, elle en déteste le goût, l’odeur, tout. « Fais goûter. » lâche-t-elle soudain, s’arrêtant devant sa silhouette, levant sa main pour glisser ses doigts autour de la cigarette qu’il vient de coincer entre ses lèvres, et d’embraser. Elle récupère l’instrument de destruction au niveau du filtre, le porte à ses lèvres, comme sceptique, en aspire une bouffée, en manquant de s’étouffer. Elle toussote légèrement, recrache de la fumée par les narines. « C’est dégueulasse. Y’a pas à dire, chaque fois que j’essaie, j’trouve ça immonde. » lâche-t-elle, en lui représentant de nouveau l’objet du délit. « Tu ne sais pas vivre James. Le tabac, c’est dégoûtant. Le chanvre, ça, c’est thérapeutique. J’en ai un plant magnifique, dans une petite serre, sur ma terrasse. Alors ça, j’le bichonne. J’te l’dis. Avec de l’engrais, et tout ce qui s’en suit. L’odeur est terrible. » Elle semble rêveuse. Pourtant elle ne fume pas beaucoup, c’est surtout l’odeur de la plante en elle-même qu’elle apprécie, plus que les effets qu’elle peut avoir sur l’esprit. « Ah voilà ! On y est ! T’as des tickets ? Non bien sûr que non … T’as pas de tickets. » Elle désigne du bout du menton l’entrée de la station de métro, est déjà en train de farfouiller dans son sac pour dénicher des tickets à l’unité. Car pas questions de voyager en toute illégalité. Non non non. Elle a des principes. « Tiens, en voilà un. » Elle n’a jamais pris d’abonnement, même si elle le prend tout le temps. Comme si signer le foutu papier, avec les mensualités, ce serait manquer à sa liberté, s’enliser dans une routine et des obligations.  « Réjouis-toi trésor, on entre dans les bas-fonds de l’univers. » finit-elle enfin par lâcher, empruntant les escalators un à un, dans les couloirs interminables, grouillants, et malodorants du métro londonien, pour rejoindre le quai de prédilection.

« let me touch your symphony »
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James M. Wilde
James M. Wilde
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() message posté Dim 18 Mar 2018 - 21:13 par James M. Wilde


« Let me touch your symphony »

Eleah
& James




Nos esprits s'opposent dans une troublante harmonie, tissée de tant de nuances que je ne me lasse pas encore de toutes les expérimenter. Parfois, c'est moi qui viens la tirer de ses subtiles retranchements dans mes mots qui cherchent à excaver toutes les vérités, celles qui trompent et celles qui blessent. Celles qui corrompent et celles qui construisent cette entente que je ne sais guère qualifier. Est-ce la naissance d'une invincible amitié ou au contraire la chute dans quelque chose de plus trouble, qui viendrait caresser la génèse de mes exactions pour venir leur donner d'autres hideuses faces, constituant ainsi le jury complet de mon procès aux portes de mes enfers ? Souvent, c'est elle qui me reprend, m'empêche de tomber trop vite quand j'ai tous ces instincts qui me murmurent de savoir mieux me crucifier dans la souffrance, celle qui me fait me regarder, me voir dans la splendeur d'une réalité si crue qu'elle m'aveugle. Des travers... J'en suis perclus, et mon sens de la rébellion quotidienne ne m'ôte pas la dureté de mon rôle de juge, qui se plaît tant à faire peser sur mon échine un regard bouillonnant. Un regard acéré cependant, car je connais tous mes torts, et pire, je sais toutes mes frénésies par coeur, qui glissent sur mes lèvres pour dessiner un sourire qui se fêle. Je ne me silence pas, mon ton plus profond, ne renâclant pas une seule seconde à évoquer ce qui peut tirailler ma honte, portée jusque sur mon front légèrement plissé :
_ Dès lors qu'un désir se transforme en une pulsion qui vise à détruire, soi ou l'autre, j'imagine. Comment peut-on se parer de liberté quand tout ce qui retentit à l'intérieur cherche à broyer les ailes des autres pour avoir l'impression une seule seconde de pouvoir s'envoler ? Tu penses que me taper des filles en silicone me comble, mais tout ce que je cherche c'est une distraction, qui ne laissera sur ma langue que l'amertume de ne pas avoir pu me consumer.
Mais elle a raison, ces autres qui me jugent ne sont rien quand ils ne connaissent que l'enveloppe, ce qui me dépare à leurs yeux et apaise mes soifs inextinguibles au quotidien, pour ne pas aller boire de ces nectars qui m'apportent une ivresse bien plus dévorante. Un bref instant mes prunelles la détourent dans tous les attraits que je conçois déjà d'elle, et dans mon regard il y a la faille qui filtre toute l'intensité de mon hérésie, de corps et d'esprit. Je secoue la tête pour dissiper l'image, mirage de perversion qui vient de se superposer sur elle, comme lorsqu'elle m'a rejointe juste après que j'ai rencontré ma propre infamie, derrière les touches du piano... Je me laisse ravir par son espièglerie plutôt que de chercher à la lui ôter, avant de cajoler son image dans des désirs bien plus lisibles quand elle évoque la distinction d'attentes qu'elle serait capable de remplir.

Les souvenirs plus anciens affadissent les poisons plus récents, ressusciter la Royal Academy, ses jardins, ses professeurs, et toutes ces heures à m'ennuyer dans des considérations embrumées par mes ambitions me donnent des allures moins entravées. Je me libère aux échos d'un passé qui ne représentait encore aucune menace, et ne cherchait guère à exposer la putréfaction de mes chairs à la lame de l'ignoble. Même si l'ignoble se terrait dans toutes mes phrases, dès lors que je les réservais à Rebecca. La pensée se tord pour se transformer en des sensations indistinctes, mon esprit cloisonne les attaques, trop nombreuses pour savoir toutes les assumer. Ne reste qu'une opacité néfaste, que je traque pour m'en abreuver. Il y a de ces images qui me reviennent, moi sur la scène en plein air de l'académie, pour donner ce premier concert qui offrit ma composition personnelle, l'épreuve prestigieuse de la composition libre de la RAM. Greg et Ellis ne m'y avaient accompagné que par leurs encouragements alors, il ne s'agissait pas d'offrir l'embryonnaire Wild, mais bien cette musique qui gisait en moi et ne savait plus que s'exprimer pour cesser de me rendre dingue. Je pourrais réitérer, suivant le fil de ses mouvements comme guide dans le noir, les harmonies unies dans l'éphémère secret d'une représentation unique, embrassée à ses lèvres qui susurrent toutes les beautés que nous pourrions créer. J'opine distraitement, je sais qu'elle me laissera libre d'offrir Exogenesis comme bon me semblera, mais la garder dans la jalousie de ce duo étrange et tentateur m'est tout à coup presque vital. Mon coeur palpite à imaginer tout ce que je pourrais façonner, sans la lourdeur de l'orchestration, mais bien dans la temporalité évanescente des cordes du piano, oscillant sous le satin de ses souliers.
_ Je vais y réfléchir. Dans tous les cas, je dois reprendre ma composition originale pour l'adapter entièrement au piano, et lui donner l'ampleur plus facilement acquise quand il s'agit de jouer à trois. Tout seul, c'est un autre intime que je dois aller excaver. Ça n'est pas déplaisant. C'est juste que je ne me suis pas affranchi ainsi depuis longtemps...
De peur de m'écrouler complètement. Deux piliers que je risque de distancer dans l'offense d'une aventure atemporelle, éminemment solitaire aux côtés d'une inconnue. Une distance nécessaire je crois, dorénavant que je ne sais m'avouer à leurs regards tant je souffre de ce que j'ai failli détruire dans le corps de Moira. Navrant par là une amie chère et défigurant toutes nos ambitions de carrière. Je ne peux plus lui parler, j'imagine que partant de ce constat, je peux également prendre une libéralité de plus pour me confier dans un autre projet, le temps de refermer toutes les blessures, ou d'avoir l'impudence de les oublier. Je me mords la lèvre quand elle gigote de savoir ce que j'ai bien pu commettre pour mettre hors d'elle la vieille Faulkner.
_ Si j'ai régulièrement essayé de la déstabiliser pendant ses cours de culture musicale en laissant filtrer nombre de sous-entendus grivois comme quoi je saurais la décoincer, ce n'est pas cela qui a failli pousser à mon renvoi. C'est d'avoir organisé une sorte de soirée avec ses étudiantes, où nous avons joyeusement festoyé si je peux m'exprimer ainsi. Disons qu'à un certain moment, tu ne savais même plus laquelle tu débauchais, vois-tu...
Et mes regards brillent d'une teinte impudique, comme si je savais de nouveau entendre les gémissements emmêlés de ce que nous pourrions appeler une orgie. J'ajoute avec un ton doucereux :
_ La soirée était dans son amphithéâtre. Elle n'a pas apprécié quand les rumeurs ont fait le tour de la promotion. Ça désacralisait un peu trop son environnement de travail j'imagine.
Je tapote ma bouche du bout du doigt, tout en ne la quittant plus des yeux dès lors qu'elle évoque les élans sulfureux qu'elle a pu avoir à une époque si identique qu'elle aurait tout à fait pu nous entrechoquer bien plus tôt. Je dérange mes cheveux tout en hochant la tête comme un gamin, avec enthousiasme :
_ Bien sûr, je t'aurais invitée à cette soirée-là. Surtout si tu n'étais pas une de ces sainte-nitouche car je préférais amplement les plus délurées. On prend bien plus son pied. Dis-moi...
Je trace une caresse du bout de mon doigt sur sa fossette rieuse :
_ J'espère que la sainteté ne t'est pas tout à coup tombée dessus depuis.

Nous abandonnons les lieux comme ces voleurs qui n'ont rien pris, préférant renoncer à une matérialité trompeuse pour venir exhiber leur présence profanatrice. Ne restera de nous que quelques notes de musique, qui vrillent encore l'éther abandonné. Et le parfum de nos souffles accélérés par nos rires. Je peine presque à la suivre, mais finis par lui emboîter un pas égal quand elle me vante encore le théâtre d'un métro qui bruisse d'une vie que je fuis. Je ne suis pas toujours à l'aise dans la foule, c'est cela la vérité, je déteste que l'on me frôle, je me rembrunis fortement lorsque l'on me bouscule, et je ne peux tolérer ces atmosphères emplies de corps enfiévrés que sur une piste de danse, pour peu qu'il s'agisse de la transformer en un terrain de chasse. Mais ce n'est pas encore l'heure, et je n'ai pas assez bu pour cela.
_ Allez, Alice, gardes-en pour tout à l'heure quand il s'agira de t'émerveiller sur la conversation sans fond de quelques soiffards, ou encore sur les fragrances si agréables des foules entassées.
Elle en vient à jouer avec ma joue, je me force à la contredire, faisant ma tête de rockstar mal-aimable ce qui semble lui convenir plus que tout tant elle sautille. Je cherche mes clefs, plus par réflexe que dans l'idée de prendre mon moyen de locomotion de prédilection qui semble réellement l'apeurer. Mon sourire refleurit aussitôt, et avec cela un haussement de sourcil très moqueur :
_ Non... Toi, créature de tous les dangers, tu aurais peur de la vitesse ? De ce lâcher-prise-là ? Hmm... Ce soir, tu ne monteras pas dessus, car je me sens l'âme magnanime, mais un jour, oh oui, un jour prochain, tu enserreras de tes jolies jambes mon engin de mort et je t'emmènerai faire un tour. On n'a pas vécu quand on a pas vu la ville défiler dans ces aplats de couleurs, le vent dans les cheveux, la respiration enfiévrée par l'adrénaline d'un virage.
Je secoue la tête, presque incrédule, et relâche le sujet comme pour la libérer d'une épée de Damoclès que je dessine pourtant au-dessus de sa tête. Je ne suis pas prêt d'oublier cette tentation-là. Ma langue délivrée par toute l'exaltation de notre conversation à bâton-rompu me fait savourer des remarques dévoyées qui la font réagir et bouger à mes côtés, traçant autour de nous tant de ces fils qu'elle noue jusqu'à moi par milliers. Tant de morsures, tant de détails, je suis ébloui de tout ce que je parviens à saisir, de ses expressions très changeantes, toujours gravées dans un élan presque invincible. C'est le jour quand je tiens les allures austères d'une nuit abyssale. Les couleurs et les ténèbres qui s'y voient happés. Elle me pique ma clope, et c'est à mon tour de plisser des yeux, quand sa bouche se referme sur le filtre. Je la reprends aussitôt, vu comme elle toussote et savoure l'idée de cette cigarette embrassée par nos lèvres. Je marmonne, tandis que j'inspire avec vivacité la fumée que je laisse transiter par mes poumons sans grimacer :
_ C'est toi qui ne connais rien, Fillette. Et ce sera moins immonde, t'inquiète, quand tu viendras goûter la saveur du tabac sur ma langue. En attendant, excuse-moi du peu, mais la weed n'a absolument aucun intérêt, c'est une évasion de gosse, comme prétendre s'envoyer en l'air avec du Jet 27. Puis je cherche pas à me détendre moi, quand je me came, c'est l'excitation que je souhaite.
Aucun tabou, nos habitudes ainsi balancées dans nos phrases complètement libres. Je n'ai jamais très apprécié les drogues dites naturelles, préférant les extases virulentes de toutes les drogues chimiques que j'ai expérimentées tout au long de ma vie. Que j'expérimente encore aujourd'hui, particulièrement en ce moment, ne parvenant pas à rompre avec la cocaïne qui me maintient en vie. Possible que je ne me serais guère relevé de ces dernières semaines sans elle. Possible que je n'aurais pas non plus frayé avec l'infâme violence si je ne m'étais pas enfilé autant de lignes. Qu'importe... Je la suis avant de la considérer comme un alien quand elle me demande si j'ai des tickets de métro, c'est l'évidence même et je récupère celui qu'elle me confie, tout en arrivant devant la barrière consacrée, stoppant quelques secondes par trop suspectes, le temps de percuter que le titre de transport a un sens exigé. C'est complètement con ce système. Je raille, tout en regardant tout autour de moi, et les lumières glauques, et les affiches des divers pièces de théâtre qui se jouent en ville.
_ Ouais... Je t'assure, Poussin, les bas-fonds de l'univers, ça ressemble pas à ça.
Les squats qui permettent de récupérer à l'arrache une dose d'héroïne quand le manque est trop prégnant, par contre, eux, confinent à l'enfer. Je me force à respirer avec ampleur, tandis que je termine ma clope. Du monde et un espace plus confiné où on ne voit pas le ciel. Pourquoi j'ai accepté ça ?! Pour son joli cul, c'est vrai. Ma voix est légèrement perturbée par ce début d'angoisse qui m'étreint et que je m'oblige à mâter :
_ Dans tous les cas, qu'importe, j'espère vraiment que là où tu m'emmènes c'est vraiment le paradis de la mal-bouffe, parce que ta petite escapade a intérêt à valoir la peine.
Je ne réfléchis pas, je me cale sur son rythme, attends avec impatience la rame qui finit par arriver et m'engouffre sur ses talons dans un wagon, attrapant la barre de couleur pour me tenir. C'est la couleur de la ligne, c'est vrai. Je frotte ma nuque d'un geste distrait tout en l'assassinant du regard :
_ C'est combien de stations ton machin ? Et arrête, putain, d'avoir cette mine réjouie qui trahit ton triomphe. Oui d'accord, je suis là, mais c'est uniquement par désespoir, tu vois. Un truc coincé entre l'ennui le plus profond, et l'intérêt le plus inavouable pour ton joli petit corps sautillant cette évasion méphitique. On dit bien que les mecs commettent des folies pour plaire à une fille hein ? Bah laisse-moi te dire que te plaire devient peu à peu le cadet de mes soucis vu comme ce truc est lent. On arrive quand d'ailleurs ? C'est pas vrai... Quelle station, t'as dit déjà ? Puis ces néons c'est la dernière mode pour avoir l'air de cadavres c'est ça ?
Ma voix rapide, qui filtre par mes lèvres agacées, tout en conservant ce léger sourire de circonstances. Je cherche à exorciser ma sensation d'enfermement qui fait battre mon coeur plus vite mais pas pour les raisons que j'apprécie d'habitude. Je pense qu'il y avait les mêmes néons là-bas. Là-bas. Dans le réfectoire. J'en suis sûr soudainement. Pour me distraire, je joue un instant avec sa coiffure pour l'emmerder, tournoyant certaines mèches, et posant des questions indiscrètes :
_ Et il habite où, ton plan de chanvre hein ? Dans le même quartier que le palais du naan ?
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() message posté Lun 19 Mar 2018 - 17:20 par Invité
james & eleah
Sa mine s’intrigue, le regard est plus avide. Le piano, seul. Le bruissement des touches, les harmonies qui se réverbèrent dans l’écho d’une salle. C’est une intimité différente, il a raison. Différente mais qu’il pourrait rendre tout aussi puissante. Une puissance unique et salvatrice. Les possibilités sont là, partout. Il n’a qu’à refermer les doigts pour s’en saisir, s’y agripper comme l’on retient le vêtement de celui ou celle que l’on pense avoir perdu pour toujours. Eleah ne dit rien, consent d’un regard à le laisser à ses réflexions. Ils ont le temps pour mettre tout cela en lumière, pour trouver les réponses aux questions qu’ils se posent. Après tout, l’embryon de leur relation n’a guère plus d’une heure. Une heure importante, une heure décisive, mais rien qu’une heure, malgré tout. Une heure fragile, et éphémère. Une heure où ils ont ouverts le champ des possibles, mais où ils n’ont pas encore totalement pris le temps de s’en saisir. La concrétisation viendra plus tard, quand leur relation prendra de l’épaisseur, qu’il y aura l’idée de création frénétique et insatiable, avec la certitude d’un but à atteindre, quoiqu’il en coûte.

« Oh nan … me dis pas que c’était toi ? » Ses lèvres s’incurvent, forment un « o » quasi parfait. Ses yeux sont comme des billes à présent, à tancer le vide, à réfréner l’amusement qui naît sous sa cage thoracique. Cette fameuse soirée, qui avait mis Faulkner dans tous ses états, elle était devenue un véritable mythe, une légende qui circulait dans l’école. Tu sais quoi ? Ben il paraît qu’il y a quelques années, un mec a organisé une orgie dans l’amphi. Ça l’a rendue folle, la vieille. L’ampleur de la soirée avait avec le temps été modifiée, les discours déformés, les réprimandes exagérées. Certains disaient que l’instigateur avait été renvoyé, qu’il avait dû rembourser les dégâts causés. Apparemment l’événement n’était pas d’une si grande envergure que cela, mais avec le bouche à oreille, et le jeu du téléphone arabe, on en était arrivé à des exagérations tous juste réalistes. Ils avaient durci la sécurité depuis lors, en engageant un gardien supplémentaire, pour veiller sur les locaux la nuit. Elle se demandait d’ailleurs si ce bon vieux Joe, qui surveillait autrefois l’amphithéâtre, était toujours en service. Nombre de fois il l’avait laissée faire des visites nocturnes. Seule, ou accompagnée. Aucun échange trivial entre eux en réalité : elle l’avait juste toujours considéré avec respect, n’oubliant jamais de le saluer, conversant avec lui en le voyant là, tout seul, statique toute la journée. Il ne suffit parfois de pas grand-chose. « Tu sais que même quelques années après on en entendait parler, de cette fameuse soirée. T’es entré dans la légende Wilde. » glisse-t-elle en riant, en ébouriffant avec deux doigts les mèches de sa frange, au-devant de son front, plus distraitement. A tout bien réfléchir, elle ne savait même pas si cela l’aurait tentée, une telle débauche. Des corps qui s’enchevêtrent jusqu’à s’étouffer. Eleah a goûté à bien des excès durant une période. Surtout après l’adolescence, quand cette voix sourde au fond de son ventre faisait rage, et que tous les moyens étaient bons pour la faire taire. Hommes, femmes, les deux ensembles. Dans les débats triviaux des soirées étudiantes, elle avait tout consommé, jusqu’à ne plus rien entendre, jusqu’à s’écœurer, jusqu’à n’en plus pouvoir. Elle avait frôlé la limite un jour, avait eu cette impression abyssale d’être en dehors de son propre corps, alors même qu’elle en consommait un autre avec avidité. Là elle avait compris. Que s’en était assez. Et la sensualité lui était alors apparue comme différente. Elle avait recommencé à entendre cette voix sourde au fond de son ventre, mais plutôt que de l’étouffer, elle avait appris à la connaître, à vivre avec elle, en elle. « Oh la sainteté… Certainement pas. » Une lueur de lubricité étrange éclaire son regard, devient énigmatique. Elle le toise, cherche à deviner. S’il a évolué, lui aussi, depuis ces années-là. Ou s’il est resté le même, dans ses envies, dans ses attentes. « Mais je me suis peut-être assagie. Mes attentes sont différentes désormais. » Elle l’observe, attentive à la moindre de ses réactions, allant de la dilatation légère de la pupille dans l’obscurité, au frémissement des lèvres qui se remémorent. « Je ne veux plus de frissons faciles, d’intensités factices. Mes appétits sont plus puissants que cela. » Elle ose, défie, prévient. L’avidité de sa nature reparaît au bord de ses cils, balbutie avec eux, tous ensembles. « Alors oui mes abandons sont moins fréquents aujourd’hui qu’ils ne l’étaient autrefois. Mais cela vaut la peine d’attendre … Parfois. » Elle lui glisse un clin d’œil, espiègle. Qu’elle parle de lui, ou de tous ces autres, possibles, absents, éphémères, peu importe.

Ils se dérobent au studio, délaisse le bruissement des ombres tapies derrière eux. L’air est frais, vif. Il fait tout juste nuit, les trottoirs se vident. C’est l’heure qu’elle préfère pour sortir, avec le petit matin, là, juste avant l’aube. Où tout l’urbanisme dort encore, que les exactions de la nuit se sont éteintes, et qu’il n’y a plus rien, à part un silence. Un silence jamais entier cependant, car la ville ne dort jamais. C’est ce qu’elle aime tant chez elle. Constamment elle vit, s’anime, même dans les mouvements les plus infimes. C’est une danse sans fin.

« Je n’ai pas peur. C’est juste que … J’aime pas ça, c’est tout. » Mauvaise foi, peut-être. Une moue bougonne apparaît sur ses lèvres, raffermit ses airs enfantins. Que cela soit en moto, ou bien en automobile, elle n’est jamais rassurée. Allez savoir pourquoi. Le fait de ne pas conduire sans doute, de ne pas avoir les choses en main. Jamais elle n’a trouvé l’utilité, en bonne citadine, de passer le permis. Elle a appris à aimer les aléas des transports en commun, ne pourrait plus s’en passer désormais. C’est commode. « Quitte à choisir, je préfère enserrer ton autre engin de mes jolies jambes, si tu vois ce que je veux dire. La ballade en sera tout aussi plaisante. » Elle dévoile une ligne de dents blanches, carnassière, se dérobant face à ses menaces grâce à une grivoiserie parfaitement maîtrisée. Mais il semble s’entêter le bougre, elle le voit dans son œil, perçoit sans mal les desseins qu’il caresse. Saleté. Il la forcera à monter. Et elle finira par céder, forcément. Parce qu’avec un peu de ténacité, on finit toujours par y arriver. « Oui ben, commence pas à nourrir l’idée de me faire monter sur ce truc. Non. Non. Je le vois dans ton œil. T’as un regard lubrique rien qu’à l’idée de me voir toute crispée dessus ! Oublie ça James ! Oublie ! » Elle balaye l’air avec sa main, file déjà le plus loin possible de l’engin, au cas où ce dernier les suivrait comme un toutou diabolique. Elle va même jusqu’à jeter un coup d’œil inquiet par-dessus son épaule, au cas où. Pas de moto en vue. Tout va bien.

« Mais c’est délicieux, le Jet 27. Avec de la glace pilée. » dit-elle, dans un écho rapide, en hochant la tête sur le côté, ne voyant à l’évidence pas du tout la honte dans le fait de s’abreuver de cette boisson sirupeuse, et excessivement sucrée. Tout ce qu’elle adore, en réalité. « Non mais, je te parle juste de l’odeur. Je ne fume presque pas moi. » Elle lève les bras vers le ciel, en faisant quelques pas sautillants avant de se retourner, salutation face à un soleil inexistant, hommage à sa mine renfrognée. « Esprit sain dans un corps sain. » affirme-t-elle, ne s’éloignant pas de la réalité. L’alcool, elle n’y a jamais véritablement touché. Quelques ivresses, par ci, par-là, rien de transcendant. Quant à la drogue, à part les drogues douces auxquelles touchent tous les adolescents, elle n’a jamais consenti à s’y enliser. Elle a vu les ravages que cela pouvait causer. Sur Arthur. Sur les autres. Jamais alors cela l’a tentée. Combien de fois a-t-elle dû le dépanner, aller le chercher dans des tréfonds sordides parce qu’il était trop défoncé pour se souvenir de l’endroit où il vivait. Combien de fois à pénétrer dans les ombres pour l’en dégager. A y laisser une partie d’elle, à chaque fois, systématique. « Tu n’arrives pas à trouver l’excitation autrement qu’en te droguant ? » l’interrompt-elle, s’arrêtant devant lui, le bout de ses doigts au niveau de son torse comme pour le stopper dans sa démarche. Elle le toise, les yeux ronds, trouvant cela invraisemblable, voire insensé. Elle farfouille dans son sac à dos, déniche les fameux tickets de métro. Cela fourmille à l’intérieur, comme si tous les gens dans les rues s’étaient précipités dans les tréfonds du monde. Avec souplesse elle passe dans le tourniquet, l’attend de l’autre côté avant de lui emboîter le pas. « Je sais. » murmure-t-elle, dans un écho différent de ses airs enjoués habituels, plus monocorde. Mais ses airs rêveurs s’adoucissent. La pensée illusoire s’est évanouie aussi vite qu’elle est apparue. Celle des bas-fonds dont il parle, et qu’elle n’a que trop connu. Son enfance a le goût de ces bas-fonds là. Du whisky aussi. Et du sang. Le sang séché, âpre sous la langue, légèrement salé … Comme les larmes. Le sang et les larmes ont le même goût. « Tu devrais être heureux dans ce cas. On est loin de toucher le fond, même dans le métro londonien. » Note positive, sur une tonalité toujours différente, moins trompeuse. Elle lui jette un regard par-dessus son épaule, pose son pied sur la première marche de l’escalator qui les emporte tour à tour. Ils ne tardent pas à rejoindre leur rame, s’engouffrent dans le premier métro qui grince sur les rails.

« Sinon quoi ? Qu’est-ce que tu vas faire si la soirée n’est pas à ta hauteur ? » sourcil relevé, sa main s’agrippe à une poignée suspendue dans les airs, juste à côté de sa tête. Elle est presque obligée de surélever ses talons, trop petite. Note au passage le tressautement dans sa voix, comme un éraillement léger. Et ses pupilles qui cherchent, tancent. Les symptômes calfeutrés de l’angoisse en filigrane, là, sous la peau, quelque part. Menace invisible. Menace à laquelle elle n’a pas du tout songé, car ses airs assurés et désinvoltes masquent toutes les frayeurs possibles. Celle de l’enfermement peut-être. Des espaces confinés. Il n’est pas claustrophobe quand même ? Ses doigts resserrent leur prise lorsque le métro redémarre. Il y a une dizaine de stations à parcourir. C’est rapide, ce n’est pas la mer à boire. Bon d’accord, ils risquent de se retrouver étriqués les uns contre les autres comme des sardines en boîte après la prochaine station, celle où il y a toujours affluence. Mais quelle importance ? Et le voilà qui babille, atteint tout d’un coup d’une diarrhée verbale. Elle peine à la suivre. Pire, cela bourdonne dans sa tête, tant il n’arrête pas dans ses envolées endiablées. « James ? » Elle regarde sa bouche, qui continue de s’activer. Il parle si vite qu’elle ne perçoit même plus le sens de toute sa rhétorique. Et quand il commence à faire l’enfant, alors là, c’est le summum. Et c’est quand qu’on arrive ? Et c’est quoi où on va ? Sa main libre vient s’agripper sous son menton dans un geste spontané, tire légèrement, s’agrippe. Sa silhouette se modèle contre la sienne, sans l’oppresser pour autant. Elle se hisse juste, une fraction de seconde, ses lèvres venant se poser sur les siennes pour faire cesser ses babillements incessants. Entre ses paupières elle l’observe, se recule à l’orée de son souffle. « Ferme la tu veux. Tu m’fais mal au crâne, quand tu pars dans des envolées bougonnes, comme ça. » Le métro ralentit, tous les corps momentanément propulsés d’un côté. Eleah manque de perdre l’équilibre, du fait de sa posture. Heureusement il y a de quoi amortir, de tous côtés. « Si je te connaissais pas, je dirais que quelque chose te fais angoisser. » Elle l’interroge du regard, a cette expression qui signifie qu’elle n’est pas totalement dupe. « Mais comme je te connais un peu, je dirais juste que tu sais être ultra désagréable quand t’es motivé. » Un coup d’œil à droite, puis à gauche, juste pour vérifier qu’elle ne s’est pas trompée, qu’ils vont bien dans la bonne direction. Si elle se trompe par là-dessus, il va lui faire une syncope, elle en est persuadée. « On arrive dans cinq stations. Plus que dix minutes … Et hmm, non, j’habite du côté de Soho. Pas très loin du Viper nan ? Il est pas dans ce quartier-là lui aussi ? Tu n’auras qu’à venir visiter si tu veux. J’ai un piano qui a été délaissé depuis quelques temps, il crèverait d’envie de revoir un doigté expérimenté. » Lâche-t-elle, s’égayant d’un sourire enjoué, avant que certaines bribes des phrases qu’il prononçait tout à l’heure, dans son élan frénétique, ne lui reviennent tour à tour. « Alors comme ça tu essayes de me plaire ? » Elle voit bien le malaise, sous-jacent. Mais comment aurait-elle pu deviner, tout ce qui allait le tancer ? Alors elle essaie. Peut-être en vain. Peut-être bêtement. Elle essaie d’orienter ses idées sur autre choses que les néons, les gens qui schlinguent, l’espace qui se resserre de plus en plus à mesure qu’ils avancent, parce qu’il y a de plus en plus de monde à grimper dans la rame.  Elle essaie, sans mot dire, sans insister, sans questionner non plus sur les raisons. Elle sait que quelque chose suscite le malaise, n’est peut-être pas prête pour les tonalités de la confidence. Alors elle fait ce qu’elle sait le mieux : changer les idées, indexer de la légèreté là où il n’y en a aucune.

« let me touch your symphony »
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James M. Wilde
James M. Wilde
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() message posté Lun 19 Mar 2018 - 21:22 par James M. Wilde


« Let me touch your symphony »

Eleah
& James




Elle se transfigure à la narration de mes exploits et mon orgueil ne peut que s'envoler, nous toisant tous les deux depuis ses hauteurs immortelles, lorsque je comprends que cette histoire est parvenue jusqu'à elle, même après que j'aie quitté la Royal Academy. Mon sourire peine à ne pas s'accentuer quand je fais mine de me foutre complètement de ce que l'on narre, déformant sans doute à l'envi la réalité d'une histoire sulfureuse pour lui donner les atours d'un fantasme plus épique et tortueux. Je me désigne cependant, confirmant en effet être l'auteur d'une soirée dont les souvenirs ne m'ont guère quitté pendant des mois et des mois. Je sais aussi que Rebecca l'avait subie jusque dans sa chair, sentant les blessures de sa honte s'insinuer avec violence à chaque fois que des filles se plaisaient à murmurer des détails, parfois vrais, souvent mensongers, sur ce qui fut pour moi un de ces élans dicté par mes envies toujours plus pernicieuses, plus agressives, et plus avides.
_ Dire que je dois être bien plus célèbre pour cette soirée que pour le concert de deuxième année... Comme quoi, l'on peut disputer les éternités des arts au moyen de quelques heures de luxure.
J'ai un sourire en coin, tandis qu'elle semble plonger elle aussi dans des souvenirs que j'ignore et qui furent teintés de cette fraîcheur mutine qui la caractérise, à n'en point douter. Surtout quand Éros se grave un instant dans les profondeurs de ses iris pour mieux me happer dans cette seconde où elle trace des éventualités qui s'éprennent de mon corps pour devenir des pensées. Pensées troubles, presque immuables tant elles la décomposent dans des perspectives où la mise à nue de son âme bataille avec la mise à mort de nos esprits rompus par le plaisir. Je me laisse lire sans dissimuler mes exactions mutiques, qui pourtant n'ont rien à voir avec ces errances que je peux encore consommer aujourd'hui sans pour autant savoir en sortir indemne désormais. Tout est plus lourd, tout s'accroche à ma peau, la sueur de ces silhouettes anonymes devient un linceul qui m'ôte toutes mes harmonies, m'abandonnant dans une mécanique trompeuse, qui substitue n'importe quel visage au front d'une délivrance sans saveur. Je l'écoute, avec une attention très prononcée, qui assombrit ma posture ciselée par l'attente. Elle me regarde aussi, cherchant les failles que je ne peux que lui opposer, les laissant une brève seconde grandes ouvertes pour le plaisir de sa curiosité maligne, qui se verse dans les plaies pour les garder à vif. La chair quémande ce qu'elle a perdu dans la violence, cherche à tracer des infinis dans un air devenu lourd, où nos souffles plus alanguis chantent d'autres meurtrissures... Celles que nous pourrions nous réserver, délicates et fragiles, promptes à dévaster les faux-semblants dont nous ne savons plus nous encombrer. Ma bouche s'entrouvre légèrement, je bois ses mots pour savoir les graver :
_ Parfois...
L'écho langoureux de cet appel qu'elle trace jusqu'à moi, sans pour autant ne rien pouvoir promettre, quand les promesses ont été toutes viciées par ces autres mensonges que j'ai cru bon chanter.

Dehors, l'atmosphère est plus clémente que les quelques nuits précédentes, et nos voix s'en trouvent plus libres encore, désormais qu'elles bravent l'air ambiant. Ses retenues quant à l'idée de chevaucher la Blackbird me font légèrement rigoler, et je ne lâche guère le morceau, me plaisant au contraire à la plonger dans un avenir suffisamment proche pour qu'elle soit effrayée par l'idée de seulement le rencontrer. Elle tente de s'en sortir en évoquant une autre tractation, qui nous enlacerait sans le truchement de la moto, et mes dents serrées autour du filtre laissent s'échapper un ton fomentateur :
_ Les deux balades nous dessineront, haletants, côte à côte, tout en tiraillant nos muscles de plaisirs bien différents. Oh, Eleah, je ne trace pas un choix, j'énonce simplement deux évidences.
Je libère la fumée de ma clope qui roule tous mes imaginaires jusqu'à elle, pour mieux lui faire comprendre ce qu'elle semble en effet entrevoir. Ses mains, serrant à en crever ma silhouette pour mieux promulguer les accents acérés de ses angoisses. Palpitantes dans mon dos, avec le bruit du moteur et ses exclamations pour équipage. Je laisse choir une voix sépulcrale :
_ Mais oui, je vais oublier, t'as qu'à croire, Beauté.
Notre dissertation sur les drogues nous emmène cependant plus loin que je ne l'aurais imaginé. Ce n'est guère l'idée de la savoir sobre qui me surprend, car j'imagine aisément toute l'ascèse de son art qui ne peut concevoir porter aux firmaments un corps décharné et en souffrance tel que se sculpte le mien aux feux de mes aventures. Qui cherchent à trahir mes pensées, à dévoyer mon épiderme pour mieux le brûler. Toutefois, elle me confronte avec la vivacité de sa nature que je ne peux qu'observer en fumant tranquillement tandis que le constat me traverse. Très ouvertement, je laisse transparaître ces démons qui me tiennent en tenailles et qui me pervertissent sans que je ne puisse aujourd'hui m'en départir tant ils sont devenues une partie de l'étoffe ténébreuse de ma nature. Je hausse légèrement les épaules :
_ Si ta question c'est savoir si mon excitation est entièrement inféodée à la cocaïne, la réponse est évidemment négative. Même s'il y a bien peu de choses qui aujourd'hui savent me transcender, la musique est encore ce qui me fait le plus bander. Baiser, cela va sans dire, surtout s'il s'agit de satisfaire des appétits, comment as-tu dit déjà, ah oui... puissants. Mais la came m'a toujours accompagné, et si elle devient parfois une maîtresse trop destructrice, elle m'a aussi souvent permis de conjuguer des intensités dont tu n'as pas idée. Et aussi à tromper l'ennui... Parce que l'ennui c'est bien pire que tout ce que je pourrai m'infliger.
La vide surtout. Le vide. Ce vide qui continue de me trahir sans cesse, un fléau que je ne puis combattre si ce n'est en distillant tous les heurts qui incombent à ma nature dans l'oubli. Ou bien dans les harmonies. Je frissonne presque, parce que je combats justement le manque qui taraude tous mes muscles cherchant à relâcher la bride sur mes derniers errements qui faillirent me coûter bien plus qu'une overdose. Je la regarde toujours :
_ Je n'aime pas la demie-mesure.
L'écho de nos voix frôlent un étrange silence à l'instant où elle délivre d'elle une nouvelle tessiture. J'essaye de noter la changement subtil de sa posture, ainsi que son timbre qui s'éteint, sans pour autant chercher plus loin qu'une note disharmonieuse que je trouve d'une rareté délectable. Je la range auprès de nos autres souvenirs, si récents qu'ils sont vifs et pleins d'entrain dans ma tête, jusqu'à ce que cette note vienne y retentir à côté. La simplicité se pare d'une autre profondeur, et la mélancolie de son profil m'étreint avec une violence que je laisse me consumer. Je l'absorbe, sans renâcler. Une question qui vient s'arrimer à ces avidités qui la concernent.

_ Tant de choses, petit fille. Laisse donc vaquer ton imaginaire quelques minutes durant.
Mais mon imaginaire se voit bientôt percuté par la frustration de tout mon corps, qui se souvient de sensations triviales dans une temporalité devenue absconse. Je laisse mes angoisses trahir toute ma posture, qui ne fait que se raidir un peu plus, au fur et à mesure que l'ombre nous avale, et que les gens nous enserrent. Les jointures de ma main blêmissent autour de la barre à laquelle je m'agrippe, comme un naufragé en pleine mer. Je ne savais pas que ma réaction serait si prononcée et je me tance intérieurement pour ravaler la vague qui m'éprend sans trop la lui faire subir, si ce n'est verbalement. Mes esprits cherchent à s'enfuir, le rythme de mes paroles plus ramassé, dans la fièvre des craintes qui s'accumulent à ne pouvoir les maquiller. J'ai beau faire mine de plaisanter, elle n'est pas du tout dupe et cherche à m'interrompre sans que je ne lui en laisse le pouvoir. Avant que ses lèvres tièdes ne viennent apposer le sceau du silence sur ma bouche. Le geste est invasif, mais jamais elle ne me contraint, ne cherchant guère à m'entraver, même lorsqu'elle me fait ployer le menton. C'est toute la chaleur de son corps que je reçois, venant faire rempart à tous ces échos distordus qui clament leur désarroi dans mon estomac. Je la laisse m'envahir, me presse à mon tour tout contre elle, dans la raideur d'un mal qu'elle ne peut pas comprendre, les muscles contractés, mais les yeux qui la cherchent, pour mieux trouver ces horizons immenses qui semblent l'habiter. Je plonge. Je plonge, pour ne plus désespérer. Je me tais en effet, me laisse emmener par la marée humaine, toujours très proche d'elle, avant de ne chercher à glisser ma main dans la sienne, m'ancrer à sa présence qui ne trahit aucune menace quand tous ces autres m'agressent sans discontinuer. Elle cherche à comprendre, je ne lui réponds pas. Pas tout de suite. Mes doigts se glissent entre les siens, mon pouce trace un battement contre sa paume, un rythme lent, qui contraste avec les battements endiablés de mon coeur. Ma voix se laisse envoûter par la sienne, et je prends la liberté qu'elle m'offre, de taire la vérité, que je ne suis absolument pas prêt à lui confier.
_ Ouais... C'est tout moi ça. Faire chier, c'est un talent que je travaille, chaque jour, chaque heure, chaque seconde. Histoire de pourrir l'existence des autres. La tienne en ce moment.
Mon humeur reparaît, tandis que j'évite de me laisser oppresser, préférant encore le néant de la vitre du fond pour ton support plutôt que les chairs innombrables qui nous entourent. Je ne la quitte plus du regard, ne cherchant même pas à comprendre ce que représenteront ces dix minutes dans de telles conditions :
_ Le même quartier que le Viper, c'est vrai. Que chez moi aussi. Fais attention, j'ai tendance à user des invitations que l'on me lance, surtout s'il s'agit de sauver un instrument trop noble pour être négligé. Je le réaccorderai si tu veux. Tu joues depuis quand ?
La question que je souhaitais lui poser, quand je suis entré dans l'intimité du studio. J'ajoute doucement :
_ C'était joli. Pas la technique, mais ce que tu laissais filtrer entre les temps.
Ces moments inconstants que l'on délaisse dans un silence, avant d'enfoncer la touche, de la lier à la note qui précède, c'est comme ne plus savoir où l'on pourrait se diriger, une hésitation pleine de beauté, car les chemins sont alors infinis. Je vois qu'elle ne perd pas le Nord ceci dit, et je hausse un sourcil, recouvrant peu à peu ma spontanéité mutine :
_ J'ai dit ça ? Ah... J'ai oublié. Je crois que c'est là.
Cinq stations, j'ai bien compté. Et alors que je la tire à une vitesse alarmante, je nous excave de la marée humaine à grandes enjambées, ne m'arrêtant même pas sur le quai pour viser la première sortie qui vient, qu'importe la rue indiquée. La volée de marches me paraît m'emmener jusqu'au Graal, je la porterai presque pour la faire aller plus vite que cela, et déjà l'air nocturne furète jusqu'à nous. Je le happe comme un désespéré que l'on aurait enfermé dans des catacombes glauques pendant plusieurs années. J'ai une exclamation qui tient du soupir, le soulagement étreignant sa musicalité. Je lève la tête vers le ciel, inspire longuement avant de lui rendre sa main, avec plus de douceur, glissant une caresse sur ses doigts comme pour m'excuser de cette angoisse que je ne contrôle pas. J'ai un sourire un peu piteux et laisse tomber une banalité pour éloigner toute question qu'elle saurait oser :
_ Comme je te disais, les transports en commun, c'est pas trop mon truc.
Et j'enchaîne d'ailleurs aussitôt, regardant autour de moi le coin où elle nous a emmenés :
_ J'te suis. J'ai toujours faim, et je vois que l'on me fait miroiter des extases mais qu'elles ne viennent pas.
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