"Fermeture" de London Calling
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 :: It's over :: Corbeille :: Anciens RP
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() message posté Jeu 13 Nov 2014 - 22:25 par Invité
"but are we all lost stars, trying to light up the dark ? who are we ? just a speck of dust within the galaxy." ~ adam levine.
☐ ☐ ☐

Pour la troisième fois depuis le début du mois, Rhys avait rendez-vous à l’hôpital. Il avait toujours été un habitué de ces lieux, lui, l’éternel abonné aux chutes en tout genre lorsqu’il était plus jeune puis au fur et à mesure qu’il grandissait, les raisons de ses venues se diversifiaient. Un jour parce qu’il s’était ouvert la lèvre en se battant avec un homme qui faisait trois fois son gabarit dans un bar, un autre jour parce qu’il avait zigzagué au mauvais moment alors qu’il essayait la nouvelle moto qu’il s’était offert sur un coup de tête. Et puis, l’été dernier, il avait poussé la porte de l’hôpital pour un tout autre motif, beaucoup moins commun et surtout, à son plus grand dépit, beaucoup plus sérieux que les petits points de suture dont il avait tant l’habitude. Un bras touché par des brûlures durant des vacances, combien de chances y avait-il pour cela tombe sur lui ? En fin d’après-midi, Rhys entra dans le bâtiment, les mains dans les poches d’un air négligeant et se dirigea vers la droite avant d’arpenter les couloirs blancs avec une aisance tellement assurée qu’il n’y avait aucun doute en le voyant qu’il connaissait par cœur cet endroit. S’installant comme toujours à la même place dans la salle d’attente, celle juste à côté de la porte de son médecin de telle manière à entrer le plus vite possible dans le cabinet pour en sortir tout aussi rapidement, Rhys n’eut pas à patienter bien longtemps avant que le médecin ne lui fasse signe de se lever. Comme d’habitude, c’était juste un contrôle de routine, les mêmes questions posées et les mêmes gestes effectués. Ils ne l’avaient pas dit explicitement, mais Rhys avait bien compris : les médecins n’avaient aucune idée de l’évolution de son bras. Ils hésitaient encore sur une potentielle greffe de peau, étaient incertains de ce qu’il fallait faire et répétaient simplement qu’il devait « attendre un peu ». Au début, ça avait tendance à sérieusement l’agacer mais au fil du temps, le jeune homme s’était fait à l’idée de devoir faire avec. Après tout, ce n’est pas comme s’il avait eu le choix, n’est-ce-pas ? Ah, la fatalité. Après dix minutes express de consultation, il rabattit la manche de sa chemise sur son bras endommagé et sortit de la salle, s’engageant alors dans un nouveau couloir avec la ferme intention de rentrer chez lui. Mais quand son regard sombre se posa sur le visage familier d’Eugenia, Rhys s’immobilisa quelques instants. Des mois qu’ils ne se fréquentaient plus et qu’ils s’ignoraient les rares fois où ils se croisaient. Est-ce que cette fois-là était susceptible de changer ? Un soudain retour à la réalité après une fraction de secondes emprisonné entre le débat incessant entre sa raison – ou plutôt, sa fierté – et son cœur, et il vit que la brunette tentait déjà de rebrousser chemin, activant les roues de son fauteuil roulant en agitant ses mains. Ni une ni deux, il la rattrapa en deux temps-trois mouvements. « Eugenia ! » Rhys se posta devant elle pour qu’elle n’ait plus d’espoir d’échappatoire. « Comment ça va ? » demanda-t-il avant de souffler lourdement. Nul, c’était nul. Ils étaient dans un hôpital, elle avait essayé de l’éviter et il venait pourrir sa journée, comment était-elle censée aller ? A vrai dire, le journaliste n’avait aucune idée de comment l’aborder. Les conversations sérieuses, il les esquivait, il détestait faire face à ce genre de choses parce qu’il ne savait pas comment le gérer. Pour un fou du contrôle tel que lui, c’était aussi insupportable que déconcertant. « C’est bizarre de te croiser ici, je pensais pas que… » Il se tut, se rendant compte qu’elle était toujours dans son fauteuil et que par conséquent, elle devait passer beaucoup de temps à l’hôpital. Rhys eut envie de se frapper la tête contre le mur. Décidément, il était loin d’être doué dans l’art de la communication, ou du moins, quand il s’agissait de ses amis (ou en l’occurrence, ex-amis). Légèrement gêné, il se passa machinalement la main dans les cheveux, espérant fortement qu’Eugenia avait compris pourquoi il était venu lui parler et qu’elle prenne la relève. Il s’était suffisamment ridiculisé pour la journée.
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() message posté Ven 14 Nov 2014 - 20:49 par Invité
everyone is going to hurt you. you just got to find the ones worth suffering for. ;; the fault is not in our stars but in ourselves. ✻✻✻ La morphine m’avait fait délirer, les premiers jours. J’avais rapidement perdu toute notion du temps en me noyant dans mes songes et mes illusions. Tout avait été confus. Tout n’avait été qu’un mélange incertain de réalité et d’hallucinations décousues, venant par vague à mesure que le compte-goutte déversait des substances dans mes veines. Je m’étais revue petite fille, adolescente ingrate et adulte désabusée. Je m’étais revue pleine de vie et terne, fade, affligée par un sort empreint de fatalité. Des visages m’avaient hanté, brefs fantômes d’un passé qui ne semblait même plus m’appartenir. Quelque part, je m’étais plu dans cette dimension nouvelle et faussée par les antidouleurs. J’y avais trouvé un certain réconfort, me perdant un peu plus à chaque fois dans ces rêves chimériques. J’oubliais mes douleurs et mes peines. J’oubliais les heures et le temps. J’oubliais mes désillusions et mes espoirs. Au cours de ces jours dont le temps réel m’avait échappé, je n’avais qu’entraperçu les visages des membres de ma famille. Leurs traits m’avaient paru flous et lointains, appartenant à un monde où je n’avais plus eu ma place. Je n’avais entendu que des paroles et des mots, dispersés par bribes dans mes oreilles. Tout ira bien, ma chérie. Tout ira bien.
Mais rien n’allait bien.
Je secouai la tête, revenant doucement sur terre. J’observai l’infirmière présente dans ma chambre d’un œil mauvais, avant de reporter mon attention sur les draps du lit d’hôpital dans lequel j’étais installée. Celle-ci contrôla les poches de mes perfusions, avant de les accrocher sur une tige métallique fixée à mon fauteuil roulant. Mes doigts tapaient nerveusement mon ventre, pâle reflet de l’impatience qui coulait dans mes veines. Cela faisait deux semaines que j’avais été opérée, après tout. Les médecins s’étaient accordés à dire que je pouvais enfin me permettre de me déplacer par moi-même sans risquer de mettre à mal le travail qu’ils avaient fait sur ma colonne vertébrale. Si les premiers jours m’avaient paru bien courts à l’aide de la morphine, ceux qui avaient suivi avaient été d’une éternité exaspérante. Je n’avais pas apprécié attendre entre quatre murs ternes. Je n’avais pas apprécié être contrainte de demeurer allongée sur le ventre, puis doucement sur le dos, respectant une certaine inclinaison pour ne pas faire sauter mes points de suture. Je n’avais pas apprécié, non plus, le silence pesant des médecins quant aux résultats et ces incertitudes qui continuaient de me ronger. J’avais l’impression de noter des changements. Mais j’avais peur de vivre dans mes espoirs, ces espoirs qui m’ôtaient à chaque fois un peu plus le bonheur qui me restait. « Je vais vous porter, mademoiselle Lancaster. D’accord ? » J’hochai vaguement la tête en guise de toute réponse. Elle m’attrapa doucement pour m’asseoir dans mon fauteuil avec une précaution toute particulière, veillant à ce que mon je ne sois pas brusquée par la précipitation. Je retins un gémissement de douleur quand mon corps, pour la première fois depuis quinze jours, se retrouva en position assise. Une gêne dans le bas de mon dos se manifesta à l’instant où je m’appuyais contre le dossier de ma chaise roulante. Je grimaçai et le regard de l’infirmière se fit lourd de sous-entendus. « Vous voulez que je vous remette dans votre lit ? Vous savez, cela ne sert à rien de se précipiter, vous pourrez toujours t… » Je me redressai avec difficulté, secouant la tête pour couper court à ses paroles. « Non, non. Ça va. » Elle analysa mon expression avant d’esquisser un sourire. « Très bien. Vous n’aurez qu’à me biper si vous avez besoin. » J’acquiesçai et elle s’en alla, probablement partie aider des patients plus faciles que moi. Je poussai un soupir, l’observant disparaître de ma chambre.
Puis, avec le plus de naturel du monde, je sortis à mon tour, incapable de passer quelques minutes supplémentaires dans ma chambre d’hôpital.
Je compris bien vite qu’arpenter les couloirs ne pourrait pas m’occuper des heures durant. Je me retrouvais à soupirer en observant les gens aller et venir, m’enfonçant dans des directions que je ne connaissais pas. Je reconnaissais certains traits, persuadée d’avoir croisé ces individus dans une ancienne vie ; je m’attardais sur des couples et des familles qui semblaient hors du temps. Puis, mes yeux se posèrent au loin sur une personne qui me semblait familière, et je mis quelques instants avant de comprendre qu’il s’agissait de Rhys Carstairs. Mon cœur s’arrêta pour reprendre de plus belles, tandis que mes mains s’étaient précipités sur mes roues afin que je fasse demi-tour. « Eugenia ! » m’interpela-t-il avant de se poster devant moi. Je m’arrêtai dans mes mouvements désespérés, posant mes mains sur mes cuisses avant de lever la tête vers son visage. Je l’observai avec une insolence non feinte, l’amertume envahissant mes veines. J’avais cru pouvoir lui échapper pendant quelques instants. Mais mes espoirs avaient été réduits en fumée, comme à chaque fois. « Comment ça va ? » me demanda-t-il. Je ne pris même pas la peine de lui répondre, bien trop occupée à me rappeler de la dernière fois que j’avais bien pu le croiser. J’avais l’impression que j’avais vécu une existence entière depuis l’instant où nous avions coupé les ponts. Je me mordis l’intérieur de ma joue.  « C’est bizarre de te croiser ici, je pensais pas que… » commença-t-il sans prendre le soin de terminer sa phrase. Je poussai un soupir. « … Que je sois encore vivante ? » lui demandai-je, grinçante. Je savais pertinemment qu’il n’avait pas sous-entendu cela mais je n’étais pas maîtresse de mes émotions. Le temps avait adouci ma colère mais je conservais une rancune particulière à son égard. Après tout, je n’oubliais jamais réellement. « Oh, ne t’inquiète pas. Ça me surprend aussi, parfois. » complétai-je avant de me racler la gorge. «  Je vais bien. Chirurgie lourde, morphine, points de suture, rééducation... La routine, en somme. Et toi ? Comment se porte ton merveilleux secret, Carstairs ? Il est toujours soigneusement caché à Cardiff ? » Je lui adressai un sourire empreint d’hypocrisie, refoulant au fond de mon être les élans d’affection que je pouvais bien ressentir en l’observant. Je voulais que la conversation soit brève ; je préférais vivre dans mes souvenirs et dans les songes d’un passé meilleur que m'acharner dans ce présent qui ne semblait plus me correspondre. Il était toujours plus difficile à supporter, après tout. Certains évènements s'étaient déroulé sans que je n'aie mon mot à dire.
Je ne faisais que survivre. J’avais cessé de vivre à l’instant même où j’avais perdu le contrôle de ma voiture. Notre amitié s'était réduite en poussière comme avait pu le faire des aspects entiers de mon existence. Tout ça à cause d'un secret de trop.
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() message posté Lun 17 Nov 2014 - 17:22 par Invité
La froideur de sa réponse le percuta de plein fouet. Ça faisait un moment qu’il ne lui avait pas parlé, à Eugenia. Il n’avait plus entendu le son de sa voix depuis des mois, et il lui fallut bien quelques secondes de plus pour faire un effort considérable afin de vérifier mentalement si le timbre correspondait effectivement aux derniers souvenirs qu’il avait conservé de la jeune femme. Les lèvres pincées, Rhys tourna mécaniquement la tête, reportant alors son attention sur une infirmière qui riait à grands éclats avec un de ses collègues, en contraste avec l’ambiance glaciale installée dans le couloir, au milieu des patients habillés de chemises d’hôpital qui attendaient tous la même chose : qu’un jour, une personne arrive pour leur annoncer que le reste de leur vie serait épargné par le plus terrible des fléaux, la maladie. Et puis, il y avait eux. Eugenia et Rhys. Vastes vestiges d’une amitié qui semblait s’être essoufflée à la suite d’accumulations qu’ils n’avaient pas su gérer, Rhys avait préféré laisser l’eau couler sous les ponts avant de se lancer dans une éventuelle réconciliation mais il s’était entêté, accroché aux derniers fragments de leur amitié qu’il regrettait d’avoir laissé tomber aussi rapidement. Était-ce seulement une bonne idée ? Était-ce seulement possible de recoller les morceaux lorsque le vase paraissait irréparable ? Le doute s’installait dans sa tête, plus présent que jamais. Il soupira, refusant toujours de regarder Eugenia dans les yeux. « Tu sais très bien que ce n’est pas ce que je voulais dire. » Il fourra ses mains dans ses poches, s’assurant d’un coup d’œil que sa manche n’avait pas bougé et révélé son bras. Il ne soupçonnait pas qu’Eugenia puisse s’interroger sur sa blessure étant donné qu’elle n’avait même pas l’air d’avoir seulement envie de lui parler mais Rhys préférait tout de même la dissimuler. C’était peut être par pudeur, par gêne, ou par respect. Il avait toujours eu l’habitude de s’apitoyer sur son sort, de se plaindre, encore plus maintenant que son avant-bras était parsemé de tâches disgracieuses, mais compte tenu de ce que son ancienne amie devait endurer tous les jours, le brunet se sentait juste sot. Et fichtrement égoïste. Etrangement silencieux, il la laissa poursuivre sans l’interrompre, aussi fort voulait-il le faire. Il tentait d’analyser le ton de sa voix, de savoir si elle était peinée, blasée ou en colère, afin d’ajuster sa propre réaction. Si Rhys était d’un tempérament beaucoup trop impulsif par moments, c’était comme si aujourd’hui, il voulait dompter ses émotions, même si Eugenia avait eu le chic de faire valser la conversation sur le sujet dont il ne voulait absolument pas parler, à savoir Cardiff. A moins que ce soit le fait de la voir en fauteuil roulant qui atténuait son envie de répliquer de manière cinglante. Rapidement, il chassa cette idée de son esprit, lui-même horrifié d’avoir pu penser cela l’espace d’une micro-seconde. « Oh arrête, est-ce qu’on peut éviter juste deux minutes de parler de ça ? S’il-te-plaît ? » rétorqua-t-il, arborant un air agacé sur les traits de son visage. Cette fois, il chercha les prunelles sombres d’Eugenia, ancrant son regard dans le sien. Il ne l’implorait pas… mais presque. Le Cardiff thing,  comme il l’appelait en présence des personnes au courant l’insupportait, rien qu’évoquer ce sujet le mettait mal à l’aise. Rhys se trouvait misérable à fuir indéfiniment ce qui faisait fatalement partie de sa vie mais il avait décidé de faire ce choix. Il avait conscience que c’était l’une des raisons - si ce n’est la raison principale ? - de la fin de son amitié avec Eugenia et regrettait amèrement que ce soit une nouvelle fois une de ses décisions qui avait été le mot final de l’histoire puisque pour le coup, il ne pouvait pas modifier son erreur. De toute façon, il était trop tard pour faire marche-arrière et puis quoiqu’on lui dise, il n’avait aucunement envie de le faire, bien trop terrifié du tournant qu’aurait pris sa vie si seulement il avait assumé la garde d’un enfant. Pas même Eugenia, aussi loin qu'il tenait à leur amitié pouvait le faire changer d’avis, elle le savait pertinemment. S’accordant quelques instants pour réfléchir aux mots qu’il prenait soin de choisir avec prudence, Rhys se pinça la lèvre inférieure. « Écoute, tu ne crois pas que l’on a passé l’âge de se disputer comme des enfants ? » Il grimaça légèrement, pas totalement convaincu de ses propos. Il connaissait la brunette et son fort caractère, mais il savait aussi comment il pouvait parfois lui-même réagir. Un mot plus haut que l’autre pouvait avoir des conséquences désastreuses, et s’embrouiller dans un hôpital n’était sûrement pas la meilleure des solutions, aussi bien pour elle que pour lui (il était actuellement en bon termes avec la dame de l’accueil qui était la sœur de sa patronne, qui sait ce qui arriverait au boulot s’il se faisait attraper en train de se disputer comme un chiffonnier avec une autre patiente). « Ce n’était pas dans mon intention de venir t’emmerder, loin de là. Je voulais juste— » réarranger les choses. Les mots restèrent accrochés dans sa gorge, sans jamais s’extirper hors de sa bouche. Sa fierté, encore et toujours. Beaucoup trop orgueilleux, il refusait de se dévoiler, de montrer à Eugenia que son amie lui manquait alors que pourtant, tout ce qu’il avait entrepris pour sortir de son mutisme affirmait le contraire. Quel con. Ses pieds stupides l’avaient emmené ici, et voilà qu’il se ridiculisait devant elle. Rhys ou l’art de s’auto-vautrer. Eugenia allait finir par penser qu’il était atteint d’Alzheimer ou de dégénérescence cellulaire tellement il ne terminait plus ses phrases. Lâchant un lourd soupir, le brun se passa la main sur le visage, clairement blasé par la tournure de leur entrevue. Au moins, il avait essayé. « T’as pas envie de me parler, j’ai compris. Je vais te laisser. » Mais avant de tourner définitivement les talons, il se ravisa, animé par une soudaine curiosité et une détermination qui lui était propre, comme une pulsion. Il se baissa à la hauteur d’Eugenia, se fichant bien du regard incrédule qu’elle lui lançait. Elle allait peut être le prendre pour un lunatique compulsif ou quoi, mais bon, elle avait l’habitude de le voir agir avec son instinct. « Attends, une dernière chose et je te lâche. Est-ce que tu me détestes ? » Ça paraissait être une question débile, futile, mais pour Rhys, ça avait tout à voir.
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() message posté Mar 18 Nov 2014 - 12:04 par Invité
everyone is going to hurt you. you just got to find the ones worth suffering for. ;; the fault is not in our stars but in ourselves. ✻✻✻ Il y avait une chose, sur cette Terre, qui me tenait réellement à cœur. Une seule et unique chose pour laquelle je me vouais, corps et âme, capable du meilleur et du pire. La vérité. Cette vérité blessante et réelle. Cette vérité simple et factuelle, pourtant si difficile à réellement discerner. Je m’y accrochais. J’avais construit ma vie autour de ce que je pouvais apprendre et connaître sur les autres, sur le monde. La vérité était constituée de faits souvent biaisés par la perception de chacun et rares étaient les personnes qui l’admettaient telle qu’elle pouvait être. J’avais rapidement appris à ne jamais faire confiance aux autres et m’en tenir qu’à moi-même pour connaître tout ce qui pouvait bien attiser ma curiosité. J’avais cherché, cherché toute seule, cherché dans des dossiers qui m’étaient interdits et sur lesquels je mettais quand même la main dessus. J’avais franchi les limites du raisonnable, pénétrer des postes de police, fouiller des dossiers jugés confidentiels. J’avais épluché internet, tout en salissant mes mains pour peu. J’avais cherché à en savoir plus, cherché à être au courant des moindres détails. Cela avait été à propos de mes professeurs. De la boulangère de mon père. Des élèves qui avaient fréquenté le même lycée que moi. Je m’étais perdu dans mes enquêtes personnelles, avide de savoir tout ce qui pouvait constituer l’existence de ces individus qui faisaient partie de mon quotidien. Les seules personnes ayant échappé à mon traitement avait été mes amis. J’avais refusé, à chaque fois, de franchir l’impensable en m’emparant de leur vie personnelle. Je m’en étais tenue à leurs déclarations. A ce qu’ils pouvaient bien m’admettre, les croyant sur parole, même lorsque je savais qu’ils me mentaient.
J’accordais ma confiance à ces individus que je considérais si à part, si particulier. Certains m’avaient suffisamment cerné pour comprendre que me mentir ne valait pas la peine. Puis, il y avait eu Rhys.
Je savais pertinemment que je n’avais pas à lui en vouloir de la sorte. Je savais que le temps avait fini par passer, qu’il avait fait ses choix et que j’avais fait les miens. Je savais qu’il avait le droit de cacher la vérité s’il jugeait bon de garder tout cela pour lui, pour Cardiff. Mais je ne parvenais pas à aller de l’avant et me dire que cela était pardonnable ; je me plaisais, d’une certaine manière, dans ma rancune et ma rancœur. Cela me donnait des excuses pour le maintenir loin de moi. Cela me donnait des excuses pour lui en vouloir, alors qu’au fond, c’était à moi que j’en voulais. « Tu sais très bien que ce n’est pas ce que je voulais dire. » me répondit-il et j’enchainai au lieu de m’attarder sur ses paroles. Au fond de moi, je savais que cela n’était pas ce qu’il avait sous-entendu. Mais mon amertume était injuste et je refusais de me laisser aller aux regrets amers. « Oh arrête, est-ce qu’on peut éviter juste deux minutes de parler de ça ? S’il-te-plaît ? » s’emporta-t-il. Ses mains étaient enfoncées dans ses poches et je l’observai avec défit, ayant parfaitement conscience qu’il ne désirait pas parler de Cardiff mais évoquant quand même le sujet. J’étais une sale impulsive, une sale arrogante. J’aurais aimé savoir s’il était désolé. S’il était désolé de m’avoir blessé dans mon orgueil et mon estime. Mais mes lèvres demeurèrent scellées et je continuai de l’observer.
J’avais envie de savoir comment il en allait mais mon esprit refusait de formuler mes pensées à voix haute. Je désirais en apprendre plus sur ce qu’il était devenu depuis notre dernière rencontre mais ma fierté me maintenait muette, prisonnière de mon corps et de mon cœur. « Écoute, tu ne crois pas que l’on a passé l’âge de se disputer comme des enfants ? » me demanda-t-il et j’haussai les épaules avec un dédain tout particulier. « Pour cela, il faudrait cesser d’agir en tant que tels. » Ma réponse avait dépassé mes pensées et je ne réfléchis que trop tard à ce que j’avais bien pu clamer. Je déglutis avec difficulté, secouant la tête pour chasser les souvenirs et les protestations de mon esprit. J’étais si partagée que j’en avais mal à la tête, les différents états d’âme de mon corps se déchirant au beau milieu de mon crâne. J’étais si partagée que je ne savais plus quoi faire, ni comment réagir. Je déglutis. « Ce n’était pas dans mon attention de venir t’emmerder, loin de là. Je voulais juste— » Il s’arrêta dans son élan, avant de passer une main sur son visage. Je demeurai mette, attendant la fin de ses paroles sans que celle-ci ne vienne. Qu’avait-il voulu, après tout ? Me parler ? Je ne parvenais pas à savoir quelles avaient été ses motivations, ce qui l’avait poussé à le faire. Je savais simplement qu’il avait eu suffisamment d’impulsion pour le faire. Cela aurait sans doute dû me suffire. « T’as pas envie de me parler, j’ai compris. Je vais te laisser. » Nous étions tous les deux des impulsifs. Le temps nous l’avait démontré à différentes reprises ; nous étions des individus au sang chaud, réagissant sans prendre le soin de penser à leurs actes ou leurs mots. Nous nous étions tant ressemblés que j’étais presque persuadée de pouvoir anticiper ses actions, et lui les miennes.
Mais il parvint à m’étonner en se baissant pour arriver à ma hauteur au lieu de s’en aller. Je l’observai sans comprendre, prise au dépourvu. Je me surpris à éprouver de la reconnaissance, la reconnaissance qu’il ne soit pas partie. « Attends, une dernière chose et je te lâche. Est-ce que tu me détestes ? » me demanda-t-il. Je l’observai en mesurant mes inspirations. Une centaine de réponses sarcastiques et dédaigneuses m’effleurèrent l’esprit mais je pris sur moi pour ne pas les énoncer à voix haute une à une. Je me mordis l’intérieur de la joue pour me contraindre à réfléchir, à songer et à ranger ma fierté de côté, cette fierté qui prenait bien trop de place. « Non. » finis-je par répondre, entendant mon cœur battre jusque dans mes pensées. « Bien sûr que non, je ne te déteste pas. Je ne t’ai jamais détesté. » Ma voix était perdue au fond de ma gorge, tandis que je me perdais dans toutes les pensées qui s’accumulaient dans mon esprit. Je repensais aux étés que nous avions bien pu passer ensemble. Au temps qui s’était écoulé. J’avais fait de mon possible pour vivre dans mon passé en oubliant que, en réalité, le présent me semblait bien vide. Je poussai un soupir en me penchant doucement vers lui, ignorant les protestations de mon dos. Je rapprochai mon visage du sien pour l’observer dans les yeux, tentant d’y déceler du regret. « Mais tu m’as blessé. Et je ne suis pas connue pour pardonner facilement. » poursuivis-je. « Il faut dire, aussi, que notre timing n’a pas été très bon non plus. » Je repensais à ma convalescence, à la colère sourde qui m’avait habité et qui n’avait fait qu’être ravivée par la découverte de ce qu’il avait bien pu me cacher. Au fond, je savais que cela n’était qu’un concours de circonstance. Que rien de tout cela n’aurait dû se dérouler de cette manière. Et, pourtant, ma rancœur était toujours là. Je ne pouvais pas changer ce que j’étais. J’avais fini par le comprendre.
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() message posté Mar 25 Nov 2014 - 23:36 par Invité
☐ ☐ ☐

Il était certain qu’à bien y réfléchir, Rhys se trouvait terriblement naïf d’avoir pu penser que la réaction d’Eugenia aurait pu être différente que celle qu’elle avait justement. Il savait comment elle fonctionnait, il la connaissait depuis assez longtemps pour remarquer que tout comme lui, elle était loin de se laisser marcher sur les pieds. Personne ne pouvait le faire, elle était indomptable. C’était sûrement ce détail qui avait engendré leur amitié. En sa présence, Rhys avait toujours eu l’impression d’avoir son alter-ego au féminin en face de lui. Dès leur enfance, ils avaient passé beaucoup de temps ensemble, et leurs bêtises et autres farces propres à leur relation ne pouvaient même pas se compter sur les doigts de leurs mains. Ils n’étaient rien d’autre que des gamins qui remodelaient le monde à leur façon. Et des années plus tard, ils n’avaient pas changé. Ils avaient l’habitude de se disputer comme des enfants pour un oui ou un non, voilà que la situation s’était répétée, mais cette fois-ci, les dommages avaient été plus importants. Désireux de garder la face et de ne pas se laisser démonter, le brun se demandait si Eugenia adoptait la même stratégie. Si comme lui, sa fierté la guidait stupidement dans ses faits et gestes. Il se doutait que son handicap l’avait renforcée et qu’il la retrouverait nécessairement plus forte qu’il ne la connaissait, mais il avait l’espoir de voir que finalement, le temps avait guéri les blessures et qu’elle voulait elle-aussi réarranger les choses. D’ailleurs, peut être que finalement, c’était ça qui lui faisait le plus peur. Se rendre compte qu’il était le seul des deux à vouloir recoller les morceaux. En dépit de sa prétention, de son habilité à se détacher de tout, l’amitié était l’une des valeurs dont Rhys était le plus sensible. Certes, il détestait faire le premier pas, s’excuser, revenir vers quelqu’un. Il détestait se dévoiler, tout court. Il le faisait uniquement quand il avait le sentiment que ça en valait le coup. A croire que cette fois, il s’était trompé. « Ça te va bien de dire ça, c’est pas moi qui répond avec une ironie à deux balles. »  Son ton avait été cinglant, il venait tout juste de s’en rendre compte. Sa tentative de garder le contrôle sur ses émotions commençait à tomber à l’eau malgré lui, et il comprit alors qu’il était décidément lamentable lorsqu’il s’agissait de vouloir bien agir. La dernière réplique d’Eugenia bourdonnait dans ses oreilles. S’il n’était pas sûr d’avoir totalement saisi ce qu’elle voulait réellement dire par là, il n’avait pu s’empêcher de prendre la remarque à titre personnel. A ses yeux, Rhys n’avait - pour une fois - rien à reprocher. Il n’avait pas cherché à déclencher les hostilités en abordant Eugenia, c’était même tout le contraire. L’idée qu’elle puisse lui renvoyer la balle de cette façon ne passait pas au travers de sa gorge. Les dents serrées et dans un état d’esprit un peu plus irrité qu’au début de leur entrevue, le jeune homme s’apprêtait à s’en aller, quand finalement, il rebroussa chemin pour se diriger droit vers la petite brune. Il ne saurait même pas expliquer quelle force de la nature l’avait poussé à revenir vers elle. En quelques instants, il avait réussi à passer outre son foutu orgueil, à ravaler sa fierté dans une ultime tentative de renouement avec son ancienne amie. Intérieurement, il se félicita en voyant la mine confuse d’Eugenia, satisfait d’avoir réussi à la prendre au dépourvu. Cette fois, c’était lui qui menait la danse. Mais la réalité le frappa en plein cœur quand il croisa son regard noisette. L’espace de quelques secondes, une dizaine de scénarios défilèrent dans l’esprit de Rhys à une vitesse égale à celle de la lumière. Si elle lui répondait que oui, elle le détestait, alors il jetait l’éponge. Si elle le détestait, il était inutile de vouloir sauver quelque chose qui ne demandait pas à être sauvé, c’était de la simple perte de temps, pour elle comme pour lui. Rhys avait beau regretter son amitié avec Eugenia, il n’envisageait pas pour autant de courir indéfiniment pour payer les pots cassés. Ça n’avait jamais été son genre. Ses erreurs, il les acceptait, il les assumait, libre à elle de le voir comme elle le souhaitait. En revanche, si la réponse était négative, alors là… Il pouvait de nouveau considérer la situation. Ses yeux ancrés dans les pupilles de la jeune femme, le temps écoulé paraissait être une éternité. Et lorsqu’elle lui répondit, le brunet fit de son mieux pour réprimer le sourire qui commençait à s’esquisser sur les commissures de ses lèvres. Saleté de sourire. A force d’arborer cet air mutin tous les jours – que ce soit pour se foutre de la gueule de quelqu’un ou juste pour le taquiner – il n’arrivait même pas à s’en débarrasser dans les situations qui nécessitaient une mine à la Victoria Beckham. Se mordillant la lèvre lorsqu’elle confessa qu’il l’avait blessée, Rhys se sentit tout à coup épris d’un humiliant sentiment de gêne. Etait-ce à ce moment là qu’il était supposé s’excuser et dire qu’il regrettait ce qu’il avait fait ? C'est-à-dire, avoir abandonné son gosse et agir comme si rien de tout cela ne s’était passé ? « Je ne m’attends pas à ce que tu me pardonnes. » avoua-t-il d’une voix beaucoup plus posée, le regard soudainement rivé sur la contemplation de ses chaussures (italiennes, il se rendait brusquement compte qu’il les avait vraiment bien choisies !). « Je te demande pas le faire. Je sais ce que j’ai fait, je connais mes tords et quoique tu me dises, je reviendrai pas en arrière, Ginny. » Le surnom était venu, presque naturellement. Il grimaça légèrement, gêné d’avoir laissé échapper une familiarité aussi rapidement, alors qu’ils venaient à peine de se parler après des mois de silence. « Et je ne t’en veux pas, pas la peine de te justifier. Je me doute que ça ne devait pas être une période très— agréable pour toi. » continua-t-il, n’osant pas directement évoquer le sujet de sa convalescence, par respect. Bien sûr, Rhys avait envie de poser dix milles questions à la fois à Eugenia, de lui demander des nouvelles, de savoir ce qu’elle faisait maintenant, de pouvoir se taper de nouveau des fous-rires interminables avec elle. Il réalisait que durant tout ce temps passé à s’ignorer, elle était devenue comme une étrangère. Se relevant finalement, le jeune homme recula légèrement, une main tripotant nerveusement ses cheveux (encore une fois, c’était maladif). « En tout cas, je voulais que tu saches que, euh ben, » Mais encore ? Il eut l’impression de mettre un temps fou à trouver ses mots. Il fallait mettre la main sur la bonne formule, ne pas en faire trop, ni pas assez. « Ça me fait chier qu’on se parle plus comme avant. » Un gamin, c’était bien ce qu’il était. Un enfant incapable de dire ce qu’il avait à dire sans passer par des périphrases.
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() message posté Dim 30 Nov 2014 - 21:58 par Invité
everyone is going to hurt you. you just got to find the ones worth suffering for. ;; the fault is not in our stars but in ourselves. ✻✻✻ Certains mots faisaient bien plus mal que de simples gestes. Les paroles frappaient l’âme et le cœur, après tout ; le corps était une enveloppe charnelle qui pouvait se remettre des épreuves les plus difficiles mais l’esprit d’une personne n’avait pas tant de facilité à cicatriser. J’avais été celle à ouvrir les hostilités et, pourtant, j’étais blessée par les répliques cinglantes de Rhys. Je ne récoltais que ce que je méritais et, pourtant, même en connaissance de cause, cela me donnait envie de pleurer. Je contrôlais mes inspirations avec une application presque obsessionnelle. Je me mordais l’intérieur de la joue pour que mes paroles ne dépassent pas mes pensées. Je prenais sur moi pour contrôler mon impulsivité et tous ces sarcasmes qui envahissaient mon esprit, sachant parfaitement que ce combat contre ce que j’étais était perdu d’avance.
Cela n’était pas la première fois, après tout. Cela n’était pas la première fois que je me disputais avec quelqu’un après mon accident et que je tentais de me contenir ; le temps et les nombreuses reprises m’avaient enseigné que je n’avais fait que m’empirer avec le temps. Avec l’accident. Avec le handicap. J’étais devenue bien plus bornée qu’auparavant ; je m’enfermai dans mon monde, ailleurs, me protégeant comme je le pouvais du monde extérieur et des autres. Je survivais de cette manière. Je m’éloignais des personnes de cette façon. Je n’étais un fardeau que pour moi-même, excellant dans le domaine lorsqu’il s’agissait de faire fuir les autres. J’avais toujours pensé qu’il était préférable que je vive seule plutôt que je ne sois qu’un poids dans le quotidien des personnes qui m’avaient un jour importé ; depuis, j’avais remis en question ce principe, mais ma manière d’aborder les autres n’avait pas changé.
J’étais incroyablement hostile. Hostile même sans le vouloir réellement. Hostile parce que la seule défense qui me restait était les mots, ces mots qui frappaient l’âme et le cœur.
Il m’avait pris au dépourvu en revenant à la charge, dans un élan impulsif. Cela m’avait fait réaliser qu’il était nécessaire que je fasse les choses correctement ; les mots que je prononçai n’étaient pas forcément les meilleurs mais ils me parurent bien plus adaptés que les répliques sarcastiques qui m’étaient venues aux premiers abords. Bien sûr que non, je ne le détestais pas. Bien sûr que non, je ne l’avais jamais détesté. Malgré les apparences, cela ne m’avait jamais effleuré l’esprit. J’avais simplement été blessée et déçue. Au fond, cela était sans doute pire que le reste. « Je ne m’attends pas à ce que tu me pardonnes. Je te demande pas le faire. Je sais ce que j’ai fait, je connais mes tords et quoique tu me dises, je reviendrai pas en arrière, Ginny. » me déclara-t-il, et je le vis grimacer à ses dernières paroles. Ginny. J’avais l’impression qu’il s’était écoulé une vie entière depuis la dernière fois qu’il avait bien pu m’appeler de cette manière. La plupart de mon entourage m’appelait Ginny, pensant que mon prénom était bien trop long et bien trop vieillot pour être prononcé en entier ; cependant, cela était une familiarité qui me paraissait presque déplacée, dans cette situation. Je l’observai en silence, incapable d’ajouter quoi que ce soit. « Et je ne t’en veux pas, pas la peine de te justifier. Je me doute que ça ne devait pas être une période très— agréable pour toi. » Il se redressa avant de faire un pas en arrière, une main passant dans ses cheveux dans un geste nerveux. Je l’observai avec attention, silencieuse, pensant à ce qu’il sous-entendait par ses mots. Je pouvais presque entendre ses questions de là où je me trouvais. Je pouvais presque ressentir ses interrogations et ses surprises. « Je sais que tu ne reviendras pas en arrière. Je te connais suffisamment bien pour en avoir conscience. » Ma voix n’était pas dure. Mon ton n’était pas sarcastique. Mes mots avaient été prononcés dans un murmure, comme si j’étais fatiguée. Mais, au fond, j’étais fatiguée. Je ressentais les effets secondaires de mon opération à travers tous mon corps. J’en avais plus fait en l’espace de vingt minutes que durant ces deux dernières semaines. « Période pas très facile pour moi ou pas, ça ne justifiait en rien mon comportement. Mais, tout pareil, je ne peux pas revenir en arrière non plus. » Je pris une profonde inspiration. Mon cœur battait fort, sans doute trop fort.
Mon esprit était inondé par tous les souvenirs que je pouvais bien avoir de ce passé que nous avions en commun. Je continuai, inlassablement, de me mordre l’intérieur de la joue pour que je garde les pieds sur Terre, pour me contraindre à me concentrer et me focaliser sur ce que je pouvais bien dire. Je nous revoyais gamins. Je nous revoyais gamins et notre insouciance me manquait, malgré les disputes que nous avions pu avoir, malgré les mots que nous avions pu nous adresser. Le temps avait passé. Nous avions changé. Je m’en voulais, quelque part, mais ma fierté m’empêchait de dire tout ce que je pouvais bien avoir sur le cœur. J’étais prisonnière de mon caractère comme je pouvais être prisonnière de mon propre corps. « En tout cas, je voulais que tu saches que, euh ben. » reprit-il, cherchant désespérément ses mots. Cependant, je voyais dans son regard qu’ils ne lui venaient pas. « Ça me fait chier qu’on se parle plus comme avant. » Je ne pus m’empêcher de sourire en entendant ses paroles, la tension qu’il avait créée en commençant sa phrase retombant aussi vite dans sa formulation directe. Je secouai la tête pour me reprendre mais je ne parvins pas à me détacher du rictus qui avait pris possession de mes lèvres. Je me raclai la gorge avant de secouer la tête. « C’est étrange. Je pensais que tu ne voulais plus entendre parler de moi. » lui lançai-je d’un ton dégagé. Le reproche animait mes paroles. Il fallait être deux pour se disputer ; cependant, lors de notre dernière entrevue, j’avais eu l’impression que Rhys avait été plutôt clair. Je l’avais été également. Nos fiertés s’étaient jouées de nous et nous nous étions perdus dans nos façons d’être. « Il faut croire que je suis indispensable. Je te manque tellement que tu n’arrives plus à en dormir la nuit, c’est ça ? » lançai-je. Je relevai la tête vers lui. « Ça me fait chier aussi, Rhys. Mais le temps a passé, et… Et nous sommes tous les deux restés sur un échec. » Sur l’échec d’une amitié. Sur l’échec de la confiance. Sur l’échec, l’échec, l’échec. Je détournai le regard pour observer les couloirs de l’hôpital, et ce fût à ce moment-là que cela me frappa : Rhys était présent dans un hôpital. Cela pouvait signifier deux choses ; soit il était en visite, soit il avait besoin de soins médicaux. Et, dans les deux cas, cela n’était jamais de très bon augure. Je retins ma respiration pendant quelques secondes avant de jouer nerveusement avec mes doigts ; je me refusais de poser des questions de trop et, pourtant, j’en mourrais d’envie.
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() message posté Dim 14 Déc 2014 - 14:34 par Invité
Ils semblaient aller droit dans un mur. Malgré la certitude que ça avait été la bonne chose à faire, qu’il avait fallu qu’il tente et qu’au moins, il n’éprouverait plus de regrets, Rhys avait la sensation que ses efforts avaient été vains. Pour une fois qu’il se décidait à prendre les choses en mains, à assumer ses responsabilités, il avait l’impression d’agir pour rien. Il fallait simplement l’admettre : son amitié avec Eugenia était irrécupérable. Étouffée depuis trop longtemps dans un abysse sans lumière, ils avaient mis trop de temps avant de reprendre contact, et les résultats étaient là. Quelque chose s‘était cassé. Il le savait pourtant, indéniablement. Il avait été le premier à la blâmer, à la tenir responsable pour l’avoir rejeté après son accident mais aujourd’hui, le jeune homme réalisait que de même, il lui avait fait bien plus de mal qu’il ne l’aurait cru. Comme elle lui avait dit quelques minutes auparavant, il l’avait blessée. Par ses erreurs, par ses mensonges, par sa fierté. La logique aurait voulu qu’il s’excuse simplement car s’il avait avoué reconnaitre ses tords, il ne lui avait pas encore présenté ses excuses. Cependant, quelque chose l’empêchait de le faire. Question de fierté, encore une fois. C’était tout bonnement idiot, mais Rhys se refusait de prononcer ces mots en premier. D’accord, il avait fait des conneries. Seulement, il n’était pas le seul dans l’histoire. L’avortement de leur amitié venait de leurs deux comportements. Il avait enclenché la bombe, puis leur dernière dispute avait été le coup de grâce. D’ordinaire, il n’avait jamais été du genre à courir derrière les gens. Lorsqu’il décidait de rayer quelqu’un de sa vie, c’était sans appel, il n’y avait plus aucun regard, plus aucun mot échangé. Là, la situation était différente, parce qu’il savait qu’il avait lui-aussi merdé. Parce qu’Eugenia avait été l’une de ses plus proches amies. Parce que Rhys se sentait coupable. Et parce que son amie lui manquait. Il avait envie de lui raconter des conneries au téléphone, de lui offrir un truc kitsch pour Noël comme il avait l’habitude de le faire les années précédentes, de l’emmener dans un endroit dangereux, en fauteuil roulant ou non. De renouer avec elle, tout simplement. C’était un fait, le brunet accordait trop d’importance à l’amitié. Il suffisait de voir comment il se démenait pour toujours venir en aide à Naël ou à n’importe lequel de ses amis à la moindre occasion, il avait un sens de l’amitié beaucoup trop grand. La plupart diraient que c’est une qualité, pour Rhys, c’était plus un défaut qu’autre chose. Il fourra ses mains dans ses poches, tripotant par réflexe les clés qui tintinnabulaient à travers son jean. Bien sûr qu’elle le connaissait. Au fond, le fait qu’elle affirme pouvoir encore anticiper ses réactions le rassurait plus qu’autre chose. Elle lui montrait que d’une certaine façon, ils n’en étaient pas tout à fait arrivés au stade de purs étrangers. « Parfait, au moins, on reconnait tous les deux que l’on n’a pas été doués sur ce coup-là. On progresse. Doucement, mais sûrement. » Ses paroles pouvaient être interprétées avec ironie, toutefois, il n’en était rien. Ce n’était pas un reproche ni un sarcasme, juste un simple constat. De toute façon, avec tout ce qu’ils s’étaient balancés depuis qu’il l’avait rattrapée, ils n’étaient plus à ça près. Rhys était arrivé à un point de lassitude sans retour. Blasé était bien le mot pouvant qualifier son état d’esprit. Dire qu’il avait mis en œuvre tout ce qui était en ses moyens pour sauver son amitié avec Eugenia était prétentieux, mais l’aboutissement peu concluant de ses premiers efforts le décourageait assurément. Il fallait être à deux pour recoller les morceaux. C’était malheureux à dire et pourtant bel et bien véridique : leur amitié ne dépendait pas de sa seule volonté. Et Eugenia ne semblait pas encline à le vouloir, de son côté. Du moins, c’était l’impression qu’il ressentait lorsqu’il la voyait réagir de la sorte, réfugiée derrière une attitude hostile qu’il reconnaissait néanmoins fidèle à l’amie qu’il avait connue. La situation paraissait tellement compliquée alors que finalement, le nœud du problème avait toujours été d’une simplicité déconcertante. L’effet boule de neige d’évènements qui étaient venus s’accrocher à la coquille de secrets trop longtemps conservés. Et puis, bien évidemment, deux sales caractères qui les empêchaient de se dire ce qu’ils auraient du se dire depuis des mois. Dans une certaine mesure, leur mutisme perpétuel était l’un des facteurs centraux de leur conflit. La preuve, alors qu’il l’avait interpelée afin de briser les non-dits qui s’étaient installés entre eux, Rhys était incapable de correctement balancer ce qu’il avait à dire. Comme si un voile épais obstruait sa gorge, l’empêchant de sortir les bons mots qui pourtant, pouvaient éventuellement arranger la situation. « C’était sur le coup de la colère. Tu l’as dit toi-même, tu me connais bien. Tu sais comment je réagis, parce que tu es exactement pareille. » Le voilà, le souci. Ils étaient similaires, trop fiers, trop impulsifs, trop entiers pour ne se faire la gueule qu’à moitié. Le jeune homme se rappelait de leurs autres disputes, lorsqu’ils n’étaient encore que des gosses âgés d’une dizaine d’années tout au plus. Il se rappelait que certaines semaines, ils en étaient arrivés à également s’ignorer mais jamais leurs positions n’avaient été aussi loin. Il arqua un sourcil, faisant de son mieux pour garder son sérieux face à la répartie d’Eugenia. « N’exagérons pas. Tu es bien placée pour affirmer que rien ne trouble mon sommeil, pas même une dispute avec ‘mademoiselle Lancaster’. » Si pour une fois qu’il avouait un truc qu’en temps normal il était incapable de formuler à voix haute et qu’on se moquait de lui, il avait encore une bonne raison pour se la fermer définitivement. C’était exactement ce qu’il ne souhaitait pas révéler explicitement à la petite brune : qu’elle lui manquait plus que ce qu’il n’aurait voulu. En somme, il voulait réarranger les choses entre eux sans avouer quoique ce soit et sans s’excuser le premier. La logique Rhysienne avait donc de quoi être marquée à vie dans les annales… Il soupira lourdement, collant son épaule contre le mur blanc près de lui pour avoir un support sur lequel s’appuyer. « Donc c’est tout ? On en reste là ? Tu tires un trait sur notre amitié, parce que nous sommes restés sur un échec ? C’est ça, le dénouement ? » Il ricana légèrement, hallucinant presque de la façon dont elle tirait si hâtivement les conclusions. « Je te pensais un peu plus courageuse. On ne peut peut-être pas revenir en arrière, mais on peut au moins essayer de refixer les choses. Suffit de le vouloir un minimum, mais peut-être que justement, t’as pas cette volonté. »
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() message posté Sam 27 Déc 2014 - 17:18 par Invité
everyone is going to hurt you. you just got to find the ones worth suffering for. ;; the fault is not in our stars but in ourselves. ✻✻✻ Les autres. Ces autres. Je m’étais toujours fixée des limites pour m’empêcher de m’attacher aux étrangers, j’avais toujours fait en sorte de conserver une certaine distance et d’être détachée. D’être étachée de tout et d’être libre, libre comme l’air. Au collège et au lycée, la tâche n’avait pas été bien difficile. J’avais été très rapidement oubliée avant de trouver ma place parmi les élèves un peu trop bousculés. Les autres s’étaient appliqués à m’isoler sans qu’ils n’aient besoin de mon aide pour y parvenir. J’avais été Eugenia la binoclarde. Eugenia l’animal de foire. Eugenia la creepy freak. Eugenia, Eugenia, Eugenia. Je n’avais eu personne à mes côtés et cela m’avait suffi ; j’avais été persuadée, à cette époque, que je n’avais pas été faite pour les relations avec les autres. Que j’avais été faite pour vivre seule et loin du reste du monde. Puis, Julian était entré dans mon existence et j’avais trouvé un certain équilibre ; à sa manière, Rhys avait également intégré ma bulle, comme s’il y avait toujours eu sa place lorsque nous n’étions que des gamins.
Il y avait eu très peu de personnes, au final. Très peu de personnes ayant accepté de me voir autrement que comme un monstre ou une personne totalement décalée. Très peu de personnes à qui j’avais ouvert la porte de mes sentiments, que j’avais acceptées sans réellement me poser de questions.
Je m’étais isolée dans l’espoir de protéger mes sentiments. Je n’avais jamais eu beaucoup d’amis parce que je n’avais cessé de me répéter que les autres provoqueraient toujours mon malheur. N’était-ce pas ce que l’on disait souvent ? Qu’on finissait toujours pas être blessé par quelqu’un d’autre ? J’avais pensé m’en sortir de cette manière. J’avais presque été faible à tolérer des individus dans mon quotidien terne. Et, au final, ils m’avaient du mal. Julian m’avait déchiré l’âme. Alexandra m’avait lacéré le cœur. Rhys avait piétiné les poussières de mon corps. La gamine que j’avais été avait trouvé raison dans le désastre de toutes mes relations ; cependant, à cette époque, je n’avais jamais compris que si on pouvait me blesser, je pouvais blesser toute aussi aisément. Et que, bien au-delà de ces souffrances mutuelles, leur absence était ce qui me faisait le plus de mal. J’avais été bête et naïve. J’avais cru me protéger en faisant l’exact contraire ; je m’étais empêchée de vivre. « Parfait, au moins, on reconnait tous les deux que l’on n’a pas été doués sur ce coup-là. On progresse. Doucement, mais sûrement. » déclara-t-il. Je l’observai dans les yeux pour y déceler la vérité. La vérité qu’il pensait, au plus profond de son être. Je me contentai de vaguement acquiescer, ne m’attardant pas plus.
J’étais envahie par les souvenirs, bons et mauvais, anciens ou récents. Mes pensées allaient vite dans mon esprit tourmenté ; je me perdais dans les murmures incessants de ma mémoire agitée. Je me souvenais de cet instant où il m’avait fait comprendre qu’il ne voulait plus me revoir ; pire encore, je me rappelais des phrases acides que j’avais pu lui lancer à mon tour, réagissant simplement à chaud, réagissant simplement sur un coup de tête. L’impulsivité me mènerait à ma perte. Quelque part, je le savais déjà. « C’était sur le coup de la colère. Tu l’as dit toi-même, tu me connais bien. Tu sais comment je réagis, parce que tu es exactement pareille. » me répondit-il, faisant écho à mes propres pensées. Je savais qu’il avait raison. Que nous étions ainsi faits, piégés par nos réactions, emprisonnés par nos façons d’être. J’avais beau savoir que j’étais ainsi et que je ne pouvais pas me battre contre la nature même de mon caractère, mais j’aurais aimé que les choses soient différentes. Que nous soyons moins têtus. Moins perdus. J’eus l’impression qu’il fut déstabilisé par ma tentative d’humour et je me contentais de son sourire masqué par un voile de fierté. « N’exagérons pas. Tu es bien placée pour affirmer que rien ne trouble mon sommeil, pas même une dispute avec ‘mademoiselle Lancaster’. » me déclara-t-il. J’haussai simplement les épaules. « Laisse-moi espérer t’avoir collé quelques nuits blanches. » lui répondis-je d’un ton faussement détaché. J’avais l’impression que s’il avait fait le premier pas, il n’allait plus nous aider à aller nulle part. J’avais l’impression que, s’il y avait un peu mis du sien, il ne pousserait sans doute plus ses efforts. Je pris une profonde inspiration.
Je ne savais pas réellement quoi faire ou quoi dire. Je n’étais pas née avec un mode d’emploi pour comprendre le relationnel. Je n’étais pas née avec la fibre sociale. Je subissais presque les aléas de mes propres impulsions. « Donc c’est tout ? On en reste là ? Tu tires un trait sur notre amitié, parce que nous sommes restés sur un échec ? C’est ça, le dénouement ? » finit-il par s’emporter. Je fronçai les sourcils en entendant son ton grinçant. « Je te pensais un peu plus courageuse. On ne peut peut-être pas revenir en arrière, mais on peut au moins essayer de refixer les choses. Suffit de le vouloir un minimum, mais peut-être que justement, t’as pas cette volonté. » Je levai les yeux au ciel en entendant ses paroles acides. Je sentis mes joues se teinter de rose à mesure que je sentais l’indignation se déverser dans les veines. Injustes. J’avais l’impression que ses mots étaient injustes. Déplacée. J’avais l’impression que sa réaction était déplacée. Je levai les yeux vers lui, le regard animé par une centaine d’émotions différentes. « Je n’ai jamais dit que j’en restais là. Je ne faisais que décrire la situation. Ne me saute pas à la gorge en t’empressant d’interpréter mes paroles. » Je secouai la tête avec lassitude. « Et puis, tu sais quoi ? Le courage n’a absolument rien avoir là-dedans. S’il nous avait fallu simplement du courage pour sortir de ce bordel qu’on a créé tous seuls, cela aurait fait bien longtemps qu’on se serait reparlé. Mais ce n’est pas le cas. Parce qu’on n’a pas besoin que de courage, mais aussi de ravaler notre putain de fierté et notre putain d’égo. » Je pris une profonde inspiration avant de me redresser. Je retins un gémissement de douleur ; je ne m’étais pas encore habituée à mon dos incommodant qui me lançait.
Par fierté. J’avais fait cela par fierté. Je refusais de montrer que j’étais faible. « Qu’est-ce que tu attends de moi au juste, hein ? Que je te demande pardon ? » Je l’observai dans les yeux, ne parvenant même plus à dissocier ce qui pouvait bien m’habiter. Mais ne me perdais-je pas déjà régulièrement dans l’étendue de mes émotions ? J’étais aussi vaste qu’un océan en pleine tempête. Mes pensées s’entrechoquaient les unes aux autres au gré des rafales du vent. Et, moi, je sombrais. Je coulais dans les profondeurs.
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() message posté Dim 25 Jan 2015 - 0:56 par Invité
Plus la conversation avançait, et plus Rhys avait la désagréable impression qu’il s’enfonçait littéralement. Chaque mot prononcé paraissait empirer la situation, en dépit de sa détermination à vouloir arranger les choses lorsqu’il était venu à la rencontre d’Eugenia. Déçu de la réaction de cette dernière face à ce premier pas maladroit qu’il avait engagé, il sentait que sa patience et sa volonté commençaient progressivement à le quitter pour laisser place à un sentiment d’amertume. Alors oui, on ne pouvait pas dire qu’il y avait mis toute son énergie. On ne pouvait pas dire qu’il avait tout tenté pour sauver son amitié avec la jeune femme. Mais ce qui était certain, c’est que lorsque l’on était Rhys Carstairs, déballer tout ce qu’il venait juste de lui dire relevait presque du miracle. Et à ses yeux, c’était amplement suffisant. D’ailleurs, peut être en avait-il déjà trop dit ? Ce n’était pas dans ses habitudes de se confier, de mettre des mots sur ses états d’âmes. Loin de lui la volonté de se montrer comme un être perfide ou un bourreau qui ne ressentait absolument rien mais en toute honnêteté, les sentiments, c’était quelque chose qui le faisait flipper. Ou plutôt, c’était l’action de se dévoiler qui le terrifiait. Se révéler, c’était percer à jour l’espèce de bouclier dans lequel il s’était toujours muré. Et au-delà de la peur de montrer ses faiblesses, c’était le ridicule qu’il redoutait le plus. Alors certes, ce qui le liait à Eugenia n’était que purement platonique, il n’y avait aucun doute à avoir, mais il n’empêchait pas que la violence en était tout aussi frappante. Le brunet ne préféra rien répondre, rivant ses yeux bleus foncés sur le sol pour lui cacher son malaise. C’était assez déconcertant, il n’arrivait pas à déterminer si c’était une tentative d’humour de la part d’Eugenia, ou tout simplement une pique pour se foutre de lui. Les deux, peut être. Rhys avait la sensation que le simple fait de la connaître depuis autant de temps le poussait à se raccrocher aux minces lambeaux de leur amitié déjà si fragilisée. Irrévocablement, la situation lui échappait. Il sentait qu’il avait de plus en plus de mal à garder son sang froid et que s’ils continuaient à s’aventurer sur cette pente de cette façon, l’issue de la conversation ne ferait que les amener à un point de non retour. Alors, fougueux et téméraire qu’il était, il préférait s’en prendre à Ginny. C’était injuste de rejeter toute la faute sur elle, au fond, il le savait parfaitement. Il agissait comme un gamin, un gamin frustré parce qu’il n’obtenait pas ce qu’il voulait. Parce que d’une certaine façon, c’était ce qu’il était, Rhys. Un môme. Il l’avait toujours été, inconsciemment. Pas seulement à cause de son caractère trempé et de sa tendance à s’aventurer dans des situations foireuses du haut de ses vingt-sept ans, mais parce qu’il n’avait jamais su trouver la maturité nécessaire pour correctement faire face à ce genre de situation. Et malgré lui, il ne pouvait s’empêcher d’aujourd’hui tenir Eugenia comme responsable de l’échec de leur amitié. Des efforts, il estimait en avoir fait. Pour l’amour de dieu, il avait fait le premier pas et s’était même évertué à la rattraper, c’était peut être déjà trop. « Et là, qu’est-ce-que je viens de faire ?! Tu crois que je ne l’ai pas ravalée, ma putain de fierté, avant de venir te parler ? J’aurais pu tout aussi bien t’ignorer durant les six prochains mois, c’est pas comme si c’était le cas depuis un moment, un an de plus ou de moins après tout, c’est du pareil au même. » Les points serrés dans ses poches, Rhys tentait de maîtriser le ton de sa voix qui semblait se perdre dans un agacement montant en crescendo. Il détestait cette situation, ainsi que cette houleuse conversation rappelant vaguement leur dernière dispute, celle qui avait bâti un mur de glace impénétrable dans leur amitié et qu’ils peinaient à briser. Il se détestait pour se montrer si entier, si stupide. Si soucieux d’elle. « Sauf que je ne l’ai pas fait, au cas où tu ne l’aurais pas remarqué. » Oui, il lui en voulait pour ne pas se montrer reconnaissante dans sa tentative de sauvetage. Dans ce combat, le journaliste se sentait simplement… seul. Il avait l’impression de lutter pour quelque chose d’irrécupérable, d’être de nouveau face à ce mur de glace, livré à lui-même. Il ne savait plus du tout comment réagir, à vrai dire, il lui semblait que même des excuses ne suffiraient pas. Ils étaient bien trop abîmés. « Et je pense que tu as tord. Tout est lié. On n’a simplement pas eu le courage de ravaler notre fierté à temps. » D’une certaine façon, Rhys rendait les armes. Eugenia avait beau lui dire de ne pas interpréter ses paroles comme bon lui semblait, dans son esprit, c’était on ne peut plus clair. Si comme lui, elle avait voulu se lancer dans une tentative de réconciliation, la discussion n’aurait jamais tourné de cette façon, non ? C’était tout simplement absurde. Au lieu de laisser le temps faire son travail pour que leur amitié tombe progressivement dans l’oubli, le brunet avait donné le coup de grâce. Comme si ce n’était pas assez compliqué comme cela. Il n’avait pas le souvenir que cette conversation soit aussi violente que celle qu’ils avaient eue quand ils avaient décidé de séparer leurs chemins, mais sur le coup, l’impact était aussi important. Il ancra son regard dans le sien, remarquant alors que son expression changea quelque peu lorsqu’elle se redressa. « Non, » soupira-t-il. « Je n’attends rien de toi. Plus maintenant. » Sa raison lui ordonnait de s’en aller sans plus jamais se retourner à présent, mais pour une raison inconnue, ses pieds restaient cloués au sol. A croire que malgré sa volonté d’en finir au plus vite avec cette pénible conversation, quelque chose le forçait à persister. L’espoir. Cet infime et risible brin d’espoir. « Tu sais que c’est ridicule, tout ça ? Depuis tous petits, on s’est toujours disputés sans que ça ne prenne des proportions démesurées. Alors pourquoi cette fois-ci, ça se finit de cette façon ? » acheva-t-il, une once de sombre amertume dans la voix.
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() message posté Dim 1 Fév 2015 - 22:38 par Invité
everyone is going to hurt you. you just got to find the ones worth suffering for. ;; the fault is not in our stars but in ourselves. ✻✻✻  Des fortes têtes, des forts caractères. Nous étions les mêmes et, pourtant, nous étions bien incapables d’anticiper les réactions de l’autre. D’anticiper ses mots et ses attaques. Nous nous perdions dans la complexité même des différents aspects de notre personnalité ; je me rendais compte, à mesure que je détaillai l’expression agacée de Rhys, que je n’aurais probablement pas supporté d’être amie avec moi-même. Je ne me supportais pas. J’étais empreinte d’une profonde aversion pour l’individu que j’incarnais ; l’estime de moi que je pouvais bien avoir était basse, si basse qu’elle était presque non-existante. Le voyait-il ? Rhys savait-il que je me détestais de réagir ainsi ? Comprenait-il que j’aurais préféré tout oublier, que j’aurais préféré taire ma colère et étouffer ma fierté personnelle ? Il m’avait offert une trêve et je m’étais perdue dans mes propres mots pour jouer avec la réalité, pour jouer avec la vérité. Je ne parvenais pas à me battre contre ce que j’étais. Je ne parvenais pas à poser des limites à mon insolence voilée et à mes remarques irréfléchies.
J’étais impulsive. Je l’avais toujours été et, quelque part, mon accident n’avait fait qu’accentuer ce morceau de mon être ; les mots avaient fini par être ma seule défense. Les mots avaient fini par être ma seule barrière. Ils étaient tout ce qu’ils me restaient ; cela était comme si mon esprit me considérait comme faible si je n’usais pas de répartie acerbe ou cinglante.
J’avais du mal à vivre avec ce que j’étais. J’avais du mal à suivre la violence même de mes paroles. Bien souvent, elles n’étaient pas si agressives ; elles étaient simplement teintées d’allusions déguisées qui étaient suffisantes pour déclencher des colères chez mes interlocuteurs. Certains me laissaient parler, bien trop animés par la pitié pour oser me contredire. D’autres avaient fini par ne plus me voir, par ne plus m’adresser la parole, s’enfermant dans une tranquillité qu’ils n’auraient jamais réellement connue en ma présence. Puis, enfin, il y avait ceux qui me répondaient. Ceux qui répliquaient. Et j’avais la sensation que, si Rhys avait fait partie de la deuxième catégorie de personne pendant des mois, il se révélait de cette dernière en cet instant même.
Cela ne m’étonnait même pas. Nous étions pareils. Qui d’autre, à part lui, pouvait me rentrer dedans avec la même force que j’avais bien pu avoir ? « Et là, qu’est-ce-que je viens de faire ?! Tu crois que je ne l’ai pas ravalée, ma putain de fierté, avant de venir te parler ? J’aurais pu tout aussi bien t’ignorer durant les six prochains mois, c’est pas comme si c’était le cas depuis un moment, un an de plus ou de moins après tout, c’est du pareil au même. Sauf que je ne l’ai pas fait, au cas où tu ne l’aurais pas remarqué. » me répliqua-t-il et je notai les poings qui semblaient se serrer dans ses poches, l’expression furibonde qui avait pris possession de ses traits. Je savais qu’il me peignait la vérité ; il avait ravalé sa fierté, oui. Il était venu à ma rencontre alors qu’aucun de nous deux n’avaient daigné le faire auparavant. Nous nous étions perdus dans notre orgueil, dans nos façons égocentriques. Il s’était sorti de tout cela. Je n’avais pas su suivre. « Et je pense que tu as tort. Tout est lié. On n’a simplement pas eu le courage de ravaler notre fierté à temps. » Ses paroles raisonnait comme une forme de fatalité venant se jouer de notre situation ; je le fixai avec intensité avant de secouer la tête. « Maintenant, tu es celui qui tires un trait sur notre amitié parce qu’il est resté sur un échec. » murmurai-je. J’étais presque secouée par l’amusement ; un amusement vide de toute vie, de toute sincérité. Cela n’était que l’ironie de la situation qui me donnait envie de rire. Mais, au fond, j’avais bien plus envie de pleurer encore. « Oui. Tu as ravalé ta fierté. Oui, tu l’as fait, et je ne dis pas le contraire. Mais tu as aussi été le premier à interpréter mes paroles et à clamer que je ne désirais pas aller de l’avant… Comme si tu t’étais attendu à ce que je réagisse ainsi. Comme si tu avais simplement cherché une excuse. » Je pris une profonde inspiration avant de me redresser sur mon fauteuil. Avant d’avoir mal.
Mais, en cet instant, mon cœur me faisait bien plus souffrir que ma colonne vertébrale.
J’avais l’impression d’assister à une mise à mort. A la mise à mort de notre amitié. Ses yeux trouvèrent les miens et je me sentis presque gênée d’être observée de la sorte ; je l’observai, lui, et je cherchai en vain des points auxquels me raccrocher. Il réveillait mon esprit de contradiction. Il me réveillait, moi, m’incitant à faire l’inverse de ce qu’il attendait de moi, m’incitant à lui prouver qu’il se trompait me concernant. C’était ainsi. Je faisais toujours l’inverse de ce que l’on me demandait. L’inverse de ce que les autres espéraient. L’inverse, tout simplement. « Non. Je n’attends rien de toi. Plus maintenant. » répondit-il à ma question. Je serrai la mâchoire, tandis que ses paroles résonnaient comme une profonde déception ; quelque part, cela m’arrangeait. Je ne désirais pas m’excuser. Pas la première. Mais, d’un autre, je détestais cette sensation. Celle de ne pas être à la hauteur. Celle de ne pas convenir à ses attentes. Celle d’être une bonne à rien. « Tu sais que c’est ridicule, tout ça ? Depuis tous petits, on s’est toujours disputés sans que ça ne prenne des proportions démesurées. Alors pourquoi cette fois-ci, ça se finit de cette façon ? » dit-il alors, et ses paroles me firent doucement perdre le fil. Je songeai à ce qu’il évoquait. A ce passé que nous partagions. Je me rappelais de toutes ces disputes que nous avions bien pu connaître, de tous ces mots que nous avions bien pu avoir. Cela avait comme si nous avions été nés pour nous disputer ; nés pour tester nos limites, nés pour pousser l’autre à bout. Cependant, cela nous avait perdus. Nous avions fini par perdre l’équilibre sur le fil instable de notre relation tumultueuse. « C’est parce que, justement, nous ne sommes plus petits. » répondis-je dans un murmure avant de relever le regard vers lui. Avant de l’observer comme ce gamin que j’avais toujours agacé. Je lui avais toujours trainé dans les pattes. Comme une sale gosse capricieuse. « C’était plus facile d’oublier, avant. Il nous suffisait de quelques heures pour tourner la page. Et, autant ne pas se mentir, nous sommes devenus de vrais cons en grandissant. » J’esquissai un sourire, empreinte de nostalgie, ne sachant même pas si une telle émotion m’était autorisée. « On a fini de donner dans la facilité. » Ma gorge se serra à la fin de ma phrase ; je poussai un soupir avant de détourner le regard, presque complexée par mes paroles, presque complexée par cette nostalgie qui semblait me coller à la peau.
Par cette nostalgie qui ne désirait plus me quitter. Et qui ne le ferait plus.
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