Bien qu’étonné de constater la soudaine absence de Manuel, l’éditeur ne fit aucun commentaire à ce sujet. Pas besoin d’être devin pour comprendre. Déposant sa coupe de champagne à portée de main, James garda le regard rivé en direction de l’assemblée. Il connaissait par avance le nom du vainqueur et savait pertinemment que ce dernier se ferait un plaisir d’en parler inlassablement durant des mois et des semaines. « Alors dis-moi, qu’est-ce que tu as d’autres à m’apprendre de juteux sur les gens ici présents ? D’autres goujats que je devrais éviter, des anecdotes intéressantes sur un écrivain reconnu que je pourrais négocier demain, quoique ce soit ? » Oh il y avait bien des choses qu’il pouvait lui apprendre au sujet de toutes ces personnes. Mais James n’était manifestement pas d’humeur à faire la conversation. Aussi, se contenta-t-il d’hausser les épaules tout en balayant la foule du regard. « Nous y passerions la nuit entière. J’ai pour principe d’éviter toutes ces manifestations mondaines mais hélas, je n’ai pas toujours le choix.» A vrai dire, James aurait adoré pouvoir s’isoler un peu ce soir. Prendre du temps pour ne penser à rien et profiter de sa solitude. Une solitude à laquelle il était particulièrement attaché.« Merci d’être mon ami. À notre façon. Je n’essaye pas de te mettre à l’écart, crois moi. Du moins, pas volontairement. Un peu comme toi en somme » James esquissa un léger sourire ironique. Elle avait l’art et la manière de comparer l’incomparable. Ils avaient beau jouer le même jeu, ils n’en demeuraient pas moins éminemment différents l’un de l’autre. Chacun d’eux avait ses raisons pour agir ainsi. Mais James savait qu’il était doté d’un côté sombre que Lexie ne posséderait jamais. « Je le sais. » lança-t-il avant de rejeter légèrement la tête en arrière en entendant le nom du vainqueur. Il s’agissait bel et bien de celui à qui il songeait. Un auteur talentueux mais qui avait tendance à se reposer sur ses acquis. Dans la foule, James repéra de nouveau Manuel. « Tu as déjà lu un de ses bouquins ? Ce type rêve d’être sur le devant de la scène en dépit de son manque évident de talent. Ses personnages sont insipides, la trame est généralement si peu construite qu’on la devine dès les premières pages et la narration suit toujours le même schéma, de manière très scolaire. Pas besoin d’avoir lu les grands classiques de notre littérature pourtant si riche pour comprendre ses écrits. Personnellement, je le trouve sans grand intérêt. C’est la raison pour laquelle j’ai toujours refusé de travailler avec lui, même s’il continue de m’envoyer ses manuscrits. Il n’a aucun talent. Lui en revanche, semble persuadé du contraire. Il ressemble à un personnage de cartoon. Ridicule mais persuadé d’être le meilleur. » Finalement, James se détourna totalement de ce qui se passait à l’intérieur pour faire face à Lexie. Il la dévisagea un court instant puis demanda d’une voix assurée et plus douce. « J’ignore toujours ce que tu es venue faire ici. » Sa remarque ne sonnait absolument pas comme un reproche. Disons juste que James était intrigué de la voir ici et à cause de Manuel, il n’avait pas encore eu le loisir de l’interroger. Même s’il ne l’admettrait probablement jamais, la présence de Lexie avait toujours eu tendance à compromettre ses plans. Quels qu’ils soient. Lorsqu’elle était dans les parages, l’éditeur n’était que partiellement capable de focaliser son attention sur un sujet donné. C’était perturbant et amusant à la fois. Il était sur le point d’ajouter autre chose lorsqu’il vit l’un de ses homologues européens lui faire un signe de la main pour qu’il le rejoigne. Cela avait l’air extrêmement important. « Excuse-moi, il va falloir que j’y retourne. Dommage… je commençais à peine à m’amuser. Il esquissa un sourire entendu tandis que son regard balayait les lèvres de la jeune femme. Première et peut-être ultime provocation de la soirée. Mais c’était plus fort que lui, il ne pouvait pas s’en empêcher. « A tout à l’heure…» James exerça une légère pression sur son poignet et à son grand regret abandonna la demoiselle pour échanger quelques mots avec l’éditeur. Une lueur malicieuse dans le regard, il ne pouvait s’empêcher de lancer de temps à autre une œillade en direction de son amie. Il attendait toujours qu’elle capte son regard avant de se détourner d’elle avec un léger sourire.
(✰) message posté Mar 19 Aoû 2014 - 16:28 par Invité
« Nous y passerions la nuit entière. J’ai pour principe d’éviter toutes ces manifestations mondaines mais hélas, je n’ai pas toujours le choix. » Ce n’est pas la première fois mais je note une nouvelle fois cette différence entre nous. James est un solitaire. Je sais que cela ne le dérange pas d’être seul avec lui même, de se retrouver. Qu’il appréciait ces moments où il n’avait à penser à rien. Pour moi, c’est l’inverse. J’aime les soirées, les bars, les magasins, même les amphithéâtres de l’université. Les endroits bondés, où il y a du monde. Où je suis occupée, où je peux écouter même si je ne suis pas d’humeur à converser. Ça me permet de me soustraire, de ne pas voir le temps qui passe, j’ai l’impression d’être en dehors. Je ne redoute rien de plus que ces moments où je me retrouve seule, chez moi, face à moi même et à toutes ces choses qui me tordent l’esprit et le corps. Ça me permet justement de ne pas voir le temps qui passe, si vite, sans que rien ne change, où je reste au même point à attendre une nouvelle qui n’arrive pas. Qui n’arrivera sans doute jamais, je commence à le penser. Je sais être seule, même à deux, même entourée, même en le cachant. Ces distinctions entre lui et moi sont amusantes, en opposition à ce qui nous rassemblait. Notre maitrise, ce refus du compromis, notre pudeur ou notre réserve, appelez-ça comme vous le souhaitez, cette manie d’éluder les questions qui nous déplaisent, notre façon de cacher certaines choses, certaines faiblesses ou de se les confier, mais de loin, avec beaucoup de recul, comme si on narrait l’histoire de quelqu’un d’autre. Peu importe nos raisons, le résultat était le même. Je suis son regard lorsqu’il me parle une nouvelle fois de Manuel. Je l’écoute mais ne l’interromps à aucun moment. Je sais que James peut argumenter des heures durant sur l’intérêt de tel ou tel auteur. Mais je ne comprends pas pourquoi nous en sommes revenus à ce sujet. Je me fiche de Manuel, surtout si il est aussi dépourvu de talent que ce que James m’affirme. Je ne juge pas les gens sur leur réussite. Manuel m’a paru orgueilleux, sûr de lui, insistant mais également amusant, souriant et avenant. James ne le percevait que par le prisme de son exigence, je ne réponds pas, je suis passée à autre chose. « J’ignore toujours ce que tu es venue faire ici. » Mes yeux se portent sur son visage. J’avais en effet esquivé sa question une première fois plus tôt, involontairement. Mais la raison de ma présence ici semble l’intriguer plus que ce que j’imaginais. « Je me pose aussi la question. Je pensais que tu aurais pu m’éclairer », éludais-je une nouvelle fois, pour le simple plaisir de créer un mystère où il n’y en avait aucun. Mais James décide une nouvelle fois de s’éloigner. Les premières fois étaient justifiées par la présence de Manuel à mes côtés, je pense à présent qu’il se joue de moi et qu’il attend une réaction de ma part. Je me permets d’attraper sa coupe de champagne à laquelle il n’avait pas touché. Je sens quelques fois ses prunelles brûler mon visage et quelques secondes me sont toujours nécessaires avant de le situer à mon tour. Je le regarde, sans avoir encore décidé si je me sentais amusée ou agacée par son jeu. Les deux sûrement, ce qui ne faisait qu’attiser mon attirance. Il était parvenu à éloigner Manuel, m’avait explicitement signifier que quiconque ici lui déplairait, avait réussi à me troubler en détournant certaines de mes confidences, je ne ferais pas le premier pas une nouvelle fois. Je quitte l’obscurité, me mêle une nouvelle fois à l’assemblée, mais je suis bel et bien présente cette fois-ci. Je retrouve mon amie qui me présente à ses connaissances, puis à d’autres. Parfois, je croise James, nos épaules s’effleurent mais c’est à peine si je réagis, si ce n’est pour lui adresser un léger sourire qui serait perçu pour une salutation par les uns, ou pour autre chose par James ... Au fond, tout ceci est amusant, il n’y avait qu’avec lui que je pouvais éprouver ce plaisir, rare et aiguisé. Il n'y avait en fait que lui qui était capable d'y résister aussi longtemps que moi.
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(✰) message posté Jeu 21 Aoû 2014 - 13:46 par Invité
Quitter Lexie ne sembla pas engendrer l’ombre d’un remord dans l’esprit tortueux de l’éditeur. A vrai dire, il savait que cette demoiselle était dotée d’un sens inné de l’improvisation et qu’elle trouverait certainement un moyen efficace d’enjoliver sa soirée. Sans lui. Ainsi, James ne tarda pas à la perdre dans la foule. Malgré tout, il ne pouvait s’empêcher de la chercher du regard. Chaque fois qu’il l’apercevait, une étonnante satisfaction s’emparait de lui. Même s’il fallait s’attendre à ce qu’une masse impressionnante d’admirateurs gravite autour de la demoiselle, James ne semblait pas s’en préoccuper. Il savait que c’est avec lui et personne d’autre que Lexie était en train de jouer. Contraint de s’adonner pleinement à ses affaires et aux négociations qui le concernaient, l’éditeur n’en demeura pas moins attentif aux « signes » qu’ils s’adressaient mutuellement. Par moment un regard ou un sourire. Un léger effleurement parfois. Immanquablement, personne ne pouvait les comprendre. Personne ne pourrait jamais s’immiscer dans ce lien si particulier qui s’était tissé entre eux au fil du temps, des mois et des semaines. C’était à en perdre l’esprit. Mais de toute évidence, la raison n’avait rien à voir là-dedans. Alors qu’un célèbre écrivain était en train de lui décrire avec une ferveur des plus intenses son envie de travailler à ses côtés, James avait la tête ailleurs. Son regard balayait l’assemblée à la recherche d’une divine demoiselle blonde. Dès la fin de la discussion et avant qu’un énième collaborateur n’ait la bonne idée de lui mettre le grappin dessus, James se faufila dans la foule, tout en conservant une distance des plus raisonnables avec Lexie. De temps à autre, il lui lançait un regard furtif puis disparaissait à son tour pour mieux revenir un instant après. Jouer. James était passé maître dans cet art divin depuis de nombreuses années. Il était presque triste de dire qu’il l’avait fait en de multiples compagnies et non uniquement en celle de Lexie, mais qu’importe. Ce soir, c’était son attention à elle qu’il souhaitait capturer. Ainsi, il contourna toute la salle afin de ne pas être vu, dans le seul et unique but de pouvoir la reconnaître de dos, alors qu’elle semblait se « cacher » dans un coin plus sombre de la salle de réception. Mais James l’avait reconnue. Il avait reconnu également son parfum, si enivrant et attirant soit-il. Il se glissa dans son dos, approchant ses lèvres de son oreille pour y murmurer quelques mots. « Vous êtes une excellente joueuse mademoiselle Wood-Bower, je dois l’admettre. Mais vous avez encore beaucoup, beaucoup à apprendre. Qui sait ? Peut-être serais-je votre professeur ? » Pour ponctuer sa phrase, il déposa ses lèvres contre la tendre peau de son cou afin d’y déposer un baiser. Puis il disparut encore. James pouvait aisément s’adonner à cette petite plaisanterie toute la soirée, cela ne le dérangerait pas outre mesure. Bien au contraire ! Lorsqu’il s’y mettait et qu’il voulait obtenir quelque chose de quelqu’un, il pouvait se transformer en une sorte de créature impitoyable et manipulatrice. Mais de toute évidence, James n’aurait pas eu envie de jouer ainsi avec n’importe qui. Lexie était la meilleure partenaire qu’il puisse espérer. D’ailleurs, il commençait sérieusement à en oublier la véritable raison de sa présence en ces lieux. Au diable les négociations ainsi que les nobles et enrichissantes conversations entre spécialistes littéraires. S’il savait où se trouvait Lexie, James n’avait pourtant nullement l’intention de la rejoindre immédiatement. Faire durer le plaisir était sans doute la meilleure chose à faire et il avait très envie de la faire douter. Comment pouvait-elle être tellement sure qu’il reviendrait vers elle ? Voilà donc pourquoi il la fit patienter un long, très long moment. Ce n’est donc que plus tard dans la soirée que James revint à la charge. Il profita d’un instant où Lexie était seule, loin de la foule. Il s’avança vers elle à pas de loup. Avant qu’elle ne se tourne vers lui, l’éditeur lui banda les yeux délicatement. Il n’avait pas prononcé le moindre mot et ce n’était d’ailleurs pas nécessaire. Si elle voulait jouer, il ne fallait pas perdre de vue qu’elle avait face à elle un adversaire des plus redoutables. Fait notoire, James était loin d’être aussi inoffensif qu’un agneau. Du bout des doigts, il s’empara de la main de la jeune femme et d’un pas lent, la guida afin de leur frayer un chemin afin qu’ils puissent sortir d’ici, sans avoir à être vus. Il n’y avait rien de plus en dehors de ce léger contact entre eux. Tandis qu’ils traversaient une immense salle obscure, la musique de la réception semblait s’éloigner et se perdre au loin. Et toujours aucune parole…
(✰) message posté Ven 22 Aoû 2014 - 0:21 par Invité
Cette soirée prenait une tournure que je n’avais pas imaginé. Je me laisse attirée de groupes en groupes, de conversations en conversations. Je règle son compte à chaque interlocuteur, je distribue sourires et attentions en abondance. C’est étrange cette facilité que je possède, que j’ai acquis, de me cacher si bien. C'est comme un film vu et revu. Tellement regardé que les scènes en deviennent usées. Et pourtant, un film dont je ne peux plus me passer. Je connais les scènes par cœur, les répliques sur le bout des doigts. Je les connais parce que j’en suis l’actrice principale. Personne ne semblait réussir à voir les grimaces que cachaient mes sourires. Ou peut-être tout simplement que personne ne voulait les voir. J’écoute de loin l’argumentation de cet homme avec qui je viens de m’engager dans un débat houleux. Autour, ça parle, ça rit de nos prises de position et de nos piques pleines d’humour. La bonne humeur est générale. Et je me demande ce que je suis devenue. Depuis quand je me suis mise à regarder de loin toutes ces attaches, à les mépriser. Quand exactement au juste avais-je abandonné cette jeune femme pleine d’espoir pour devenir celle-ci, ardente mais si froide, téméraire mais si méfiante, les rêves détruits, la vie beaucoup plus tumultueuse que ce que j’aurais voulu. Je croise le regard d’acier de James. Quelles sont mes perspectives d’avenir ? Lorsqu’il me dit qu’il a besoin de moi, sans surprise, je ne le crois pas. Pas vraiment. Ou je me dis qu’il en rajoute. Parce que sinon, je stopperais tout. Je ne suis pas si égoïste, il ne pouvait pas avoir besoin de moi. Pas lorsque j’ignore moi-même où je serais dans deux jours, deux semaines, deux mois. Dans quel état. La vie m’épuise et me prend beaucoup plus que ce que j’accepte de lui donner. L’amour m’a tout pris. Je n’ai plus rien. L’amour, dans toutes ces formes, m’épuise. Je repense à ces moments où le bonheur m’a côtoyé longtemps, puis brièvement, juste assez pour que je m’y attache. J’y repense comme je pense à un songe, un souvenir dont je ne sais plus très bien parfois s’il est vraiment souvenir ou une vérité perdue. J'ai le sentiment parfois que je ne suis pas faite pour ma vie. Je veux dire qu’elle déborde de toute part. Qu'elle n'est pas taillée pour moi, qu'elle se remplit de trop de choses, de trop d'événements, de trop de misères, de trop de failles. Peut-être est-ce ma faute ? Peut-être est-ce moi qui ne sais pas la gérer ? Et puis, je me souviens de Josh qui a perdu la sienne. Et je regarde Sam. Kenzo. Et tous les autres qui se débattent également. Je finis ma deuxième coupe de champagne. Comme si elle pouvait me faire quelque chose avec tout ce que je fais subir à mon corps. Et je ferme les yeux en entendant le susurrement de James à mon oreille. « Vous êtes une excellente joueuse mademoiselle Wood-Bower, je dois l’admettre. Mais vous avez encore beaucoup, beaucoup à apprendre. Qui sait ? Peut-être serais-je votre professeur ? » Ses lèvres viennent caresser mon omoplate, laissé à découvert par la robe noire que je porte. Je ne réponds pas. Je souris, mais il ne le voit pas et dans mon silence, il peut bien y choisir ce qu’il veut. C’était bien le seul à ne pas s’en formaliser. À l’apprécier à sa juste valeur. Il revient à moi plus tard. Combien de temps exactement, je ne saurais le dire. Du moins, je pense qu’il s’agit de lui. Je n’ai pas le temps de m’en assurer, un tissu noir m’emprisonne les paupières. Je le touche du bout des doigts, plus par curiosité que par inquiétude, mais il s’en empare également. Je reconnais sa poigne, sa tendresse assurée, les callosités de sa paume. D’accord, c’est à son tour. Il me rappelle notre dernière rencontre, il me rend la pareille, je l’accepte et je le suis. Peut-être que lui avait l’habitude de faire durer les choses, de jouer sur le long terme, de faire monter l’attente, mais moi je n’en avais d’ordinaire ni l’envie, ni la patience. C’était une perte de temps, de l’attention accordée à cette chose qu’était la séduction, le sexe et qui pour moi était devenu banal, inconsistant et facile. Je n’avais pas envie que l’on me guide dans ma manière d’opérer ou qu’on ralentisse les choses contre mon gré. Et pourtant le simple fait que je n’ai pas déjà arraché ce bandeau de mes yeux m’indique que je suis différente à son contact. Il ne prononce aucun mot, je me laisse guider, ses doigts entrelacés aux miens me suffisant. Je n’entends plus que des bruits feutrés qui m’indiquent à quel point nous nous étions éloignés à présent. « Je n’ai rien contre le mystère et loin de moi l’idée de froisser qui que ce soit mais … » Je me décide à rompre le silence en exerçant une douce pression contre sa paume, et je pousse la provocation pour qu’il me fasse enfin part de ses intentions. « Je me suis fait de nombreux amis ce soir, et j’aimerais bien avoir une idée de celui avec lequel je me trouve maintenant. »
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(✰) message posté Ven 22 Aoû 2014 - 1:42 par Invité
Bien qu’elle ne puisse nullement s’en apercevoir, l’audace dont elle fit preuve ne tarda pas à faire sourire James de bon cœur. Comment Lexie osait-elle lui jouer un coup pareil ? Certes, elle avait eu l’occasion de se faire de nombreux amis mais était-ce une raison pour le lui rappeler ? Mais comme il fallait s’y attendre, James ne s’en formalisa pas le moins du monde. Elle pouvait jouer la carte de l’indifférence, il savait parfaitement qu’elle n’était pas dupe de son jeu. Lexie savait parfaitement qui se trouvait avec elle, cela ne faisait pas l’ombre d’un doute. James était doté d’un sens de l’orientation parfaitement hors du commun. C’est sans doute la raison pour laquelle il donnait l’impression de savoir précisément où il l’emmenait alors qu’il n’avait fait qu’observer les alentours à la va-vite en arrivant. Ainsi, il passa par une petite porte dérobée afin d’entrainer Lexie à l’extérieur. Il ne lui avait toujours pas dit où il l’emmenait et il n’avait d’ailleurs pas la moindre intention de le faire. S’éloignant grandement du lieu de la réception, il entraina la demoiselle dans un endroit proprement paradisiaque. Le grand parc qui cerclait les alentours était lui-même entouré par d’immenses arbres fruitiers qui en plein jour, étaient parfaitement somptueux. Ils traversèrent cette barrière de verdure et à peine furent-ils suffisamment éloignés pour que personne ne puisse les distinguer dans cette obscurité que James lui fit faire volte-face et la colla doucement contre l’un des vieux troncs tordus. Le rideau de branches basses les dissimulait aux regards des éventuels passants. Passants qui à une heure aussi tardive n’auraient jamais la plaisante idée de s’aventurer en ces lieux. L’éditeur rapprocha étroitement son corps de celui de la jeune femme et ne lui laissa pas l’occasion de dire quoi que ce soit. Avec un soupir satisfait, il posa ses lèvres sur celles de Lexie et l’embrassa délicatement mais fermement. Il adorait ces moments-là. James avait la sensation de flotter, de tomber, comme s’il ne sentait plus les limites de son propre corps. Quand il mit un terme à ce baiser, son pouce parcourut le creux du cou de Lexie, précisément là où il sentait son sang faire un bond dans ses veines. Il le retira ensuite pour laisser place à ses lèvres chaudes, les pressant délicatement sur ce signe de vitalité qui palpitait sous sa peau et le suivit jusqu’à son oreille. Comment pouvait-elle être parfaitement certaine qu’il s’agissait bien de lui ? Cette question ne sembla pas le perturber outre mesure et si elle doutait du fait que ce soit bien lui, la donne n’en serait que plus exquise. Enlacés dans ce petit coin de paradis, il entreprit de l’embrasser une nouvelle fois avec davantage de langueur, cherchant probablement à aiguiser son désir. La musique de la réception se faisait entendre au loin … très loin derrière eux. Seule la quiétude de la nuit et le bruit du vent chaud dans les branches étaient susceptibles de venir perturber cet instant. Si elle n’aimait pas la séduction, James adorait ça. Mais la partie ne faisait que commencer. Un ultime baiser et James se recula d’un pas. Silencieux, il attendit quelques secondes, juste le temps que Lexie pense qu’il avait peut-être eut la délicate idée de s’en aller. Sans faire le moindre bruit, il fit le tour de l’arbre pour réapparaitre précisément là où elle ne l’attendait pas. Il posa une main rassurante sur son épaule et la fit glisser le long de son bras pour mieux enlacer ses doigts avec les siens. Avec une douceur presque insoupçonnée. Et le parcours reprit … une vingtaine de pas plus loin et le décor s’était littéralement métamorphosé. Derrière cette barrière d’arbres et de feuillages, se cachait un lagon des plus fabuleux. Mais Lexie ne pouvait pas le voir. Pas encore. Pas tout de suite. Le bruit de l’eau pouvait certainement lui parvenir, donnant sans doute un aspect des plus rafraîchissants à cette chaude soirée. Se délectant du spectacle, James décida que son amie était en droit d’en profiter également. Ainsi, il ne tarda pas à ôter ce bandeau de ses yeux. « Je ne sais pas ce que tu imaginais, mais mes intentions sont bien plus louables que les tiennes. » Il faisait clairement allusion à l’usage qu’elle avait pu faire d’un même bandeau, quelques jours plus tôt dans son bureau. Fixant le lagon, James ne manqua pas de défaire le nœud autour de son cou avant de déboutonner les premiers boutons de sa chemise. Diantre, c’était bien mieux ainsi ! « Vois-tu un inconvénient à ce que je joue les égoïstes une fois de plus ? Je te voulais pour moi seul.»
(✰) message posté Ven 22 Aoû 2014 - 19:26 par Invité
Je comprends au contact de l’air contre ma peau nue que nous sommes à l'extérieur. J’ignore où il m’amène, il ne me dit toujours rien, et à vrai dire je m’en moque bien. Peu importe, me voilà dehors. Loin de toute cette foule et de ce protocole pompeux qui semble la gouverner. Je laisse ma main libre glisser sur les feuillages qu’elle rencontre. Ce silence et cette sensation de vide soudaine auraient du me tordre le ventre, me donner le vertige. C’était tout ce que je fuyais. Mais je n’étais pas seule. Je me sens au contraire soudain plus présente, un peu plus lumineuse, et surtout plus vivante. Je respire profondément, comme si, par je ne sais quel miracle, cet air là réussirait à dissiper le mal constant qui m’encombre, comme si il réussirait à nettoyer les toxines qui parcouraient mon corps à leur guise, comme si il leur appartenait. Je suis doucement saisie contre une surface dure, je reconnais un tronc sous la pulpe de mes doigts. Mes bras restent le long de mon corps et je sens celles de mon partenaire caresser mes épaules. Ses lèvres rencontrent les miennes. Peut-il s’imaginer une seule seconde que je ne le reconnais pas ? Que je ne reconnais pas au premier contact la pression de sa bouche contre la mienne, le dialogue que ses lèvres entament avec les miennes, le frémissement de nos langues. La chaleur et la lascivité qui se dégage de par ma manière de lui rendre son baiser, de le prolonger, dénotent de l’immobilité du reste de mon être. Dénotent de la distance que je garde entre nous. J’aime les vibrations que dégage mon corps, entre retenue et abandon. Je donne tout pour tout reprendre aussitôt. Ces paradoxes en épuisent plus d’un. Mais lui, je sais que je ne l’atteindrais pas. J’userai peut-être sa patience mais il restera présent, entier, désireux. Je le sens suffisamment solide pour ne pas douter, pour ne pas se défaire sous mes leurres. Je pense qu’il me libère ainsi de beaucoup de contraintes. Quelques secondes plus tard, James interrompt l’attente et m’entraine une nouvelle fois, vers toujours plus d’inconnu. Je sens l’air se dégager, puis soudain la vue me revient. « Je ne sais pas ce que tu imaginais, mais mes intentions sont bien plus louables que les tiennes. » Je ne réponds pas tout de suite, trop occupée à admirer le lieu dans lequel il m’avait amené. Je jette un coup d’œil derrière moi, évaluant notre distance par rapport à la résidence principale avant de le reporter sur l’étendue sombre qui se dessine devant nous. Le ciel est d’un bleu marine foncé et les étoiles qui y scintillent se reflètent magnifiquement sur l’eau brillante. « Vois-tu un inconvénient à ce que je joue les égoïstes une fois de plus ? Je te voulais pour moi seul. » Je lui jette une œillade et un sourire nait sur mes lèvres. « Je pense que je peux m’y faire. Merci de m’avoir sortie de là. » L’occasion est bien trop belle. Comme d’habitude, je me laisse portée par mon envie. Je me déchausse, lentement, distraitement, mon regard de nouveau fixé sur l’eau, de laquelle je finis par m’approcher doucement. Je fais danser le bout de mon pied au dessus du lagon, laissant l’eau venir caresser sa plante avant de l’immerger complètement, un sourire conquis dessiné sur mes lèvres. Je refais ensuite quelques pas en arrière et finis par m’asseoir face à l’eau. J’attends que James avance jusqu’à moi, me rejoigne. « Et si tu me disais ce qui te traverse l’esprit. » Je tends mes jambes croisées. Je suis à l’aise, libre, mes doigts frôlent l’herbe sur laquelle je suis assise. Je me demande si James va s’asseoir à son tour mais j’attends une réponse à ma question. L’autre jour, je n’étais pas aussi présente que voulu, en pleine possession de mes moyens. Ce soir, il y avait du jeu, des bravades, mais je ne me désintéressais pas pour autant du bien-être de James. Bien au contraire. « Comment vas-tu ? Tout se passe bien chez toi ? », m’enquis-je sincèrement. Je parle bien entendu de Victoria, de leur relation. Je perçois toujours sa douceur lorsqu’il me parle d’elle, de leurs habitudes depuis qu’ils vivent ensemble. Je sais qu’il tient à elle et je sais aussi que certaines choses le troublent, du moins je le suppose, à la qualité de son regard, à l’intensité de sa voix quand on évoque le sujet. Je ne l’avais pas vu l’autre soir, lorsque je m’étais rendue chez lui, je veux simplement lui laisser l’opportunité de m’en parler s’il le désire.
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(✰) message posté Sam 23 Aoû 2014 - 0:10 par Invité
Perdu dans ses pensées, James ne s’attendait nullement à un tel sous-entendu. Pourtant, il savait pertinemment où Lexie voulait en venir et de toute évidence, elle s’intéressait de très près à la relation particulière qu’il entretenait avec Victoria. Il avait eu l’occasion de lui conter les mésaventures de cette dernière et la manière dont il avait proposé de l’héberger. C’était la moindre des choses. Certes, c’était surprenant de la part de James de se montrer aussi altruiste mais dans le fond, il n’était pas quelqu’un de mauvais. C’était même tout l’inverse. « Tout va bien, oui. » Il n’allait pas prétendre le contraire. Ce serait admettre qu’il s’était attaché à la belle journaliste et que son départ l’affectait bien plus qu’il ne l’aurait souhaité. Le regard de l’éditeur se perdit au loin. Toujours debout à côté de Lexie, il songea à tout ce qui s’était passé au cours des derniers mois. Victoria avait pris une place tout à fait singulière dans son existence et James n’était pas en mesure de s’expliquer ce qu’il ressentait pour la jeune femme. Etait-ce de l’affection ou … autre chose ? Non, il n’était pas en mesure de ressentir autre chose que de l’amitié pour quiconque. Doucement, il soupira puis lança : « Victoria vient de déménager. Elle a trouvé un appartement en centre ville et il semblerait qu’elle s’y plaise. » Tant mieux. Ou pas. En fait, James aurait bien aimé qu’elle reste un peu plus longtemps. Tout simplement car il s’inquiétait pour elle et voulait être absolument certain que tout irait bien à l’avenir. En tout cas, il avait fait le nécessaire pour que son mari ne lève plus jamais la main sur elle. Chose qu’il n’était pas prêt de refaire, cela va sans dire. James fixa l’horizon encore quelques secondes puis lorsqu’il baissa le regard, il nota que les prunelles de Lexie étaient braquées dans sa direction, comme si elle émettait des réserves sur tout ce qu’il venait de dire. Sur son indifférence. « Quoi ? » Feindre l’incompréhension était encore la meilleure chose à faire. James n’avait pas envie de lui expliquer pour la énième fois l’intérêt qu’il portait à Victoria. Intérêt qu’il ne parvenait de toute manière pas à expliquer. Peut-être était-il simplement touché par sa douceur et sa fragilité ? Une envie de la surprotéger sans doute. Mais face à Lexie, il n’était pas simple de demeurer impassible. « Bon d’accord. Peut-être que j’aurais aimé qu’elle reste chez moi un peu plus longtemps. Tu sais, juste pour m’assurer … que tout va bien pour elle. Je m’étais habitué à sa présence et c’était loin d’être désagréable.» Sans doute car Victoria était doté d’un tempérament diamétralement opposé au sien. Elle était la douceur et la tempérance incarnées. « Mais en toute objectivité, je ne suis pas quelqu’un de bien pour elle. Pour elle ou pour une autre.» James ne se percevait pas comme un homme « fréquentable ». Il était bien trop obnubilé par ses affaires pour s’encombrer avec des complications inutiles. Il en avait fait la douloureuse expérience avec Emma. « Le pire, c’est que je n’envie pas tous ces hommes qui parviennent à se créer une vie stable et harmonieuse. J’ai pourtant essayé d’en faire autant … fut un temps où j’étais intimement persuadé qu’Emma était la femme de ma vie. J’envisageais même de l’épouser mais avec le recul, je pense que je l’aurais fait pour de mauvaises raisons. Parce-que je ne suis qu’un salopard d’égoïste.» Un large sourire fendit ses lèvres tandis qu’il prononçait cette dernière phrase. Elle avait beau être extrêmement peu flatteuse pour la plupart des gens, James s’amusait de cette situation. Il n’était pas à plaindre. Et les choses lui réussissaient plutôt bien.
(✰) message posté Sam 23 Aoû 2014 - 21:37 par Invité
« Victoria vient de déménager. Elle a trouvé un appartement en centre ville et il semblerait qu’elle s’y plaise. » Le silence est ma maladie. J'ai appris à ravaler chacune de mes contrariétés et chacune de mes rancoeurs. J'ai appris à sourire quand mon corps pleure et à gémir quand tout le monde dort. Je suis passée maitresse dans l’art de cacher ou de refouler, je sais parfaitement m’interdire les sentiments ou mentir à mon entourage à leur propos. Mais je suis consciente de ce qui m’anime, de ce que je ressens, de ce que je crains ou de ce que je refuse. Je trouve incroyable cette propension que possède James à ignorer ses propres sentiments. À ne même pas s’en rendre compte, à tout simplement les effacer, ne même pas les envisager. Il me paraît bien attaché à la vie. Il ne cherche pas à s’en évader. « Quoi ? » Je hausse les épaules doucement en répliquant « Je t’écoute. » Je ne peux pas le forcer à se confier. Je sais reconnaitre, entre autres choses, le son des voix quand le mensonge est à l'intérieur, et les mots qui disent le contraire des sentiments, je sais reconnaitre quand quelque chose ne va pas. Je l’écoute d’ailleurs continuer. J’ai beau agir pareil, je reste admirative de sa capacité à affirmer le contraire de ce que j’arrivais à lire dans ses yeux, à percevoir dans sa voix lorsqu’il me parlait d’elle, à renier des assertions qu’il balayait d’un revers de la main. Après tout, c’est lui qui a sans doute raison. Il vaut mieux occulter les souffrances du passé plutôt que de vivre avec au quotidien, les porter en bandoulière, ne pas s’en débarrasser comme on exposerait un butin, malsain. Il avait raison, pour triompher, il faut les dépasser, aller au-delà, c’est le plus sur des moyens. « Le pire, c’est que je n’envie pas tous ces hommes qui parviennent à se créer une vie stable et harmonieuse. J’ai pourtant essayé d’en faire autant … fut un temps où j’étais intimement persuadé qu’Emma était la femme de ma vie. J’envisageais même de l’épouser mais avec le recul, je pense que je l’aurais fait pour de mauvaises raisons. Parce-que je ne suis qu’un salopard d’égoïste. » Je dégage une mèche de cheveux rebelle et fronce les sourcils sans peut-être le contrôler. « J'en ai connu des hommes peu recommandables, cesse de te comparer, tu ne leur arrives pas à la cheville. » Je pourrais l'abreuver d'exemples. Se préoccuper de Victoria tel qu'il le faisait, l'avoir sauvé de son passé peu glorieux. Le simple fait qu'il se désignait comme tel pouvait prouver le contraire. Les vrais salopards ne se rendent pas compte de leur nature, ne se jaugent pas, ce sont les autres qui sont en tord. Je me suis acclimatée à cette rudesse qu'il montrait, cette muflerie dont il était persuadé d'être doté mais je ne manquais pas à chaque fois de lui exprimer ma manière de penser. « Le simple fait de savoir ce dont tu as envie, et surtout de ce dont tu as besoin pour trouver ta propre stabilité, ne fait pas de toi un salopard. » Je laisse échapper un sourire et me redresse enfin, glissant de nouveau mes pieds dans mes escarpins. « Ce n'est pas que je veuille te caser. Mais je suis simplement impressionnée par l'énergie que tu dépenses pour me faire croire que Victoria n'est qu'une amie dont la présence t'était devenue agréable. » Je laisse mes yeux s'attarder sur son visage. « Ton erreur était peut-être d'essayer d'en faire autant. Ces hommes aux relations stables et harmonieuses. C'est sans doute trop commun pour toi », je lâche dans un sourire amusé. « Tu trouveras celle qui te complète ou qui te tient tête, qui accorde autant d’importance à sa vie professionnelle que toi, ou qui s’accommodera bien de tes exigences. » C’est tout ce que j’espère pour lui, recevoir un appel de sa part un jour qui m’indiquera qu’il n’a plus besoin de moi. Plus envie. Cela perturbera bien mes attentes à moi mais au moins l’un de nous deux aura réussi à s’en sortir.
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(✰) message posté Sam 23 Aoû 2014 - 23:53 par Invité
Concernant Victoria, il n’était nullement question de se voiler la face ou de faire l’impasse sur ce qu’il avait pu ressentir à son égard. Il y avait eu de l’attirance, c’est vrai. Mais au fil du temps, James avait fini par comprendre que la jolie journaliste méritait bien mieux que tout ce qu’il avait à lui offrir. Il ne voulait pas prendre le risque de la blesser plus qu’elle ne l’avait déjà été. Et James avait cette fâcheuse manie de toujours faire du mal aux autres. Oh de manière tout à fait involontaire, certes, mais cela finissait toujours par arriver. Une vraie malédiction ! « C’est pourtant le cas. Victoria n’est rien de plus qu’une amie dont la présence m’était devenue agréable, comme tu dis si bien. Je ne suis pas en train de nier l’évidence car elle est fabuleuse. Mais pour un autre, sans doute. Moi je suis le contre-exemple du type exemplaire, destiné à fonder une famille et tout le reste.» Chose dont il était intimement convaincu. « Ton erreur était peut-être d'essayer d'en faire autant. Ces hommes aux relations stables et harmonieuses. C'est sans doute trop commun pour toi » De nouveau un sourire étira ses lèvres, lui donnant un air délicieusement mutin. Il était toujours surpris de constater que Lexie le connaissait si bien. En effet, tout ceci était bien trop commun pour qu’il puisse s’en accommoder sans rechigner. Depuis toujours, James avait l’art et la manière d’aimer les complications. Il fallait toujours qu’il sorte de la norme. Mais contrairement à Lexie, il n’était pas un adepte des conquêtes d’un soir. Naturellement, il lui était déjà arrivé de se laisser embarquer dans ce genre d’aventure mais il n’en avait tiré aucune véritable satisfaction, si ce n’est un plaisir éphémère. « Probablement. C’est peut-être la raison pour laquelle je tiens autant à notre relation. A nous deux. Tu me connais, j’aime les complications. Les tourments de l’âme humaine me fascinent. Et bien souvent, je me demande quel sens nous donnons inconsciemment à nos actes toi et moi. Pas de sentiment, pas de contrainte. Voilà une bien curieuse façon d’appréhender la vie, tu ne penses pas ?» Naturellement, James savait que leur relation était une manière bien à eux de se protéger des sentiments. Eviter les contraintes et ne prendre que le meilleur pour laisser le pire de côté. Mais l’amour, le vrai, sincère et pur, était sans doute bien plus compliqué que ça. Et fort heureusement, personne n’avait de recette miracle afin d’y faire face. Un monde sans l’ombre d’une tourmente sentimentale était impensable. « Personnellement, et bien que cela ne soit pas une excuse, je ne pense pas être en mesure de m’impliquer dans une relation sérieuse et durable. Je suis bien trop attaché à ma solitude pour ça. Emma l’avait bien compris. Et c’est ce que j’aimais chez elle… Jusqu’au jour où elle a fait ses bagages et quitté l’appartement que nous partagions. Elle m’a reproché de sacrifier notre histoire sur l’autel de mes ambitions. Elle avait entièrement raison. Je suis un maniaque du boulot, ça m’aide à ne pas penser à tout le reste… Ouais… Au final, tes méthodes et les miennes sont assez similaires quand on les examine de plus près. » Se tournant enfin vers Lexie, il esquissa un sourire amusé tant l’ironie de la situation lui sautait aux yeux. Ils étaient pareils tout les deux. « Puisque nous en sommes à intellectualiser nos comportements, puis-je me permettre de te poser une question ? Pourquoi faisons-nous mine d’être totalement détachés de ce que nous partageons tous les deux ? Pourquoi ai-je eu une réaction si violente face à Manuel et pourquoi es-tu restée présente à une soirée qui de toute évidence, était la plus barbante de toute l’histoire de la littérature anglaise ? Hum, d’accord, ça fait plus d’une question tout ça. Mais la vérité, c’est que n’importe que psy de comptoir serait capable d’analyser ça avec justesse. La vraie question est de savoir si nous sommes capables de supporter cet état de fait sans chercher à lui donner une logique rationnelle et inébranlable. Jusqu’à preuve du contraire, les sentiments ne sont pas une science exacte. » Car James n’était pas dupe et savait qu’ils n’éprouvaient pas une indifférence inébranlable l’un envers l’autre. La non-implication leur convenait parfaitement. Pourtant, ils revenaient constamment l’un vers l’autre. « Si ma réflexion te parait un peu trop poussée ou qu'elle te met mal à l'aise, on peut tout aussi bien passer à autre chose, sans transition aucune. Je suis un homme facile à vivre et je me fiche d'obtenir des réponses aux questions que je me pose.»
(✰) message posté Dim 24 Aoû 2014 - 17:30 par Invité
Ma vie sentimentale, mon existence, se résument à des ombres qui passent, des corps serrés et entrelacés pour une unique nuit ou moins, des visages dont je ne retiens pas les traits, des êtres de rien, des liens sans vérité, des rencontres de hasard sans lendemain possible. Des négoces vulgaires qui ne me procurent aucun plaisir, si ce n’est celui d’oublier pendant ces courts instants. Je peux comprendre que ça en surprenne plus d’un. Les gens ont besoin que le monde soit blanc ou noir. Que les hommes soient innocents ou coupables, des saints ou des ordures. Heureux ou malheureux. C’est un découpage qui rassure. Chacun tient son rôle, a son emploi. Le gris, cela ne fait pas leur affaire. Les frontières doivent être clairement établies, dessinées. Des choses limpides et lisibles. Rien ne me fout plus la trouille que cela. Je ne veux plus être enfermée, dépendante, en attente. Je ne veux plus rien devoir à personne. Je veux me reposer du tour menaçant que prend ma vie. J’ai l’impression de m’émietter. Chaque jour un peu plus. Je sens mon être flotter autour de moi et se répartir en mille identités que je ne maitrise plus totalement. En mille responsabilités que je m’acharne à refuser. Et puisque je ne guérirais pas, je suis seule. Cela vaut mieux, c’est encore la meilleure des solutions. Pour ne pas rajouter au fardeau celui d’avoir l’impression de ne pas mériter ceux qui restent autour de moi. C’est ce que je ressens en permanence. Lorsque Sam vient me chercher après une nuit où mon corps déclare forfait de tout ce que je lui ai infligé. Ou les regards d’effroi que m’on adresse lorsque je me retrouve à l’hôpital. Effarés de constater avec quel rigueur je m’applique à continuer cette entreprise implacable d’anéantissement, de retranchement, de déliquescence. Mais il m’est impossible de l’expliquer, de nommer ce qui survient, de mettre des mots, de les trouver puis de les prononcer. « Tu es un homme conciliant, d’accord, je rajoute ça à la liste », je réponds, d’une voix un peu lointaine. James m’affirme peut-être aimer les complications mais il ne voudrait pas du tiers de mes paradoxes. Il s’agit de tout le contraire, je veux de la simplicité. Et lui aussi, ou il ne serait pas avec moi en ce moment. S’il savait. S’il savait que mes conquêtes quotidiennes ne bénéficient pas de la moitié de ce que je me permets d’être à ses côtés. De la moitié de la malice, de la tendresse, des confidences. Et que je lui épargne mes démons, mes excès de colère, mon indifférence. Il ne veut pas savoir. Et je ne veux pas avoir à lui montrer non plus. « Je suis restée parce que la personne que j’accompagne me l’a demandé et que je suis une amie extraordinaire », répliquais-je avec humour. « Pour Manuel, tu n’as apparemment pas apprécié son comportement, dans un lieu public qui plus est. Du moins, c’est ce que tu m’as affirmé. » Je laisse mon regard s’ancrer dans le sien pour appuyer mes dires. Je fais marche arrière, j’en suis consciente, je m’y applique. Je n’ai absolument aucune envie d’expliciter nos sentiments, d’essayer de faire le clair sur ce qui nous réunit, c’est tout ce que j’essaye d’éviter au quotidien. Je dois ressembler à une bête sauvage prise au piège au fond d’une cage. « Tu n’as pas envie d’en savoir plus sur ce que je pense ou sur la manière dont je décide de vivre. J’aimerais moi-même l’ignorer la plupart du temps. La seule chose qui joue en notre faveur pour le moment est justement d’ignorer et de ne pas poser de mots sur nos comportements. À la minute où je possède quelque chose, je fais tout ce qui est en mon pouvoir pour le perdre. Tu dis aimer les complications, tu ne veux rien savoir des miennes. C’est peut-être la seule chose qui nous sauve encore, alors ne gâchons pas tout à essayer de trouver de la logique là où je m’acharne à ne pas en mettre. » J'explicite tout ceci très sobrement, qui contraste avec le sourire naissant sur mes lèvres, me rapprochant de lui. « Tu mènes une existence somme toute stable et dont tu peux être fier, je mène la mienne de mon côté qui ne rime plus à grand chose. Si d’une certaine façon, on parvient à ne pas s’éloigner, à se retrouver quand on en a envie, alors c’est tout ce que j’ai besoin de savoir. Tu es l’une des rares personnes dans mon entourage qui ne semble pas complètement dépassé ou abattu par mes incohérences et ma tendance à mettre ma vie à danger, est-ce une bonne explication ? Je n’ai pour ma part, vraiment pas besoin de connaître la tienne. »