(✰) message posté Mer 27 Aoû 2014 - 19:20 par Invité
❝ look at me now, i'm falling, this ground of mine keeps shaking❞
« C'est pas simple, c'est lâche. » Je ne comprends même pas qu'il puisse envisager une seconde que j'ai une telle réaction, il me connait suffisamment pour savoir que je ne fais pas dans l'abandon. Vouloir toujours sur-protéger tout le monde fait sans aucun doute partie de mes défauts mais au moins je ne risque de m'échapper au premier soucis. Au final, je me demande si ce n'est pas ce qu'il voudrait, il pourrait juste accepter ma présence mais non, il continue de la remettre en question comme si celle-ci n'était pas logique. « ... Je sais que c’est plus fort que toi, mais tu n’es ni mon père, ni mon mari, ni mon grand-frère ... ça ne sert à rien de te rendre malade pour des… des conneries que j’ai faites » Je ne peux m'empêcher de déglutir quand il me signale que je ne suis pas son mari alors que mon estomac fait un tour sur lui-même. Il aurait au moins pu dire copain. Quoi que ça n'aurait rien changer au malaise qui m'envahit. C'est con mais un ami normal ne le citerait même pas dans les propositions, ce n'est pas le genre de relation qu'on est censé évoqué, même si c'est dans l'optique de faire une liste de tout ce que je ne suis pas pour lui. « Je ne suis rien de tout ça, mais on t'a déjà parlé de l'amitié? Parce que ça compte aussi... » Un ami a le droit de s’inquiéter tout autant qu'un frère. Ou un mari. J'ai l'impression de lui faire une définition de l'amitié à chacune de mes phrases et j'ai peur qu'il ne le voit que dans un mauvais sens. Comme si j'insistais pour que nous ne soyons que ça, alors que je veux juste lui faire comprendre que je suis en droit de m’inquiéter et que c'est normal que je sois là pour lui.
Je me tais et écoute, choqué mais surtout complètement paumé. Comment en cinq mois à traîner pratiquement 7 jours sur 7 avec lui je n'ai pas entendu parler de cette histoire? Je me doute que ce n'est pas la première chose qu'on confie mas tout de même. J'ai l'impression d'avoir une histoire sans le fil conducteur, je suis largué. Totalement. J'ouvre la bouche pour poser une question lors d'une brève pause, mais Caleb reprend avec que je n'ai le temps de la formuler. Quand il s'arrête, je laisse mon regard posé sur lui en silence. Je ne sais pas si je suis en droit de poser des questions, d'omettre un opinion ou si je dois me contenter de ce qu'il a bien voulu me dire et la fermer. « J'ai aucune idée de quoi tu parles... tu m'as complètement largué. Je... Qu'est ce qu'il t'est arrivé? » Comment pourrais-je dire quoi que ce soit d'autre sans même savoir de quoi nous parlons exactement? « Je sais ce que c'est de penser qu'on pousse son dernier soupire... Mais je ne vais pas prétendre que je comprends ce que t'as pu ressentir à ce moment là... Je ne sais même pas de quoi tu parles exactement... » Ou ce qu'il attend de moi après cette révélation. Il ne veut visiblement pas de ma compréhension ni de ma compassion, alors à part me taire et écouter, qu'est ce que je peux bien faire? Je sais ce que c'est de penser qu'on est fini, je l'ai ressentit quand le père de Charlie a posé son arme sur ma tempe. J'ai vu ma vie défiler en quelques secondes, j'ai cru que je n'aurais plus jamais l'occasion de serrer mes proches dans mes bras. Mais en quelques seconds, il était le corps qui gisait sur le sol et j'étais rassuré. Je n'en suis pas sorti indemne, j'y ai perdu la mère de mon fils et la confiance de ma mère sur mes aptitudes à excuser ce métier. Mon expérience n'a pourtant rien de comparable à celle de Caleb que j'essaye toujours de déchiffrer. Je l'imagine cloué dans un lit d'hôpital, relié à des dizaines de machines et mon cœur se serre à cette simple pensée. Très égoïstement, je suis heureux de ne pas avoir traversé ce moment à ses côtés. Le simple fait de le voir livide et faible me rend malade, je n'imagine même pas de l'avoir entre la vie et la mort sous mes yeux. C'est pourtant dans cet état qu'il était cette nuit, l'attente a été insoutenable mais un "simple" lavage d'estomac a suffit au médecin pour nous rassurer définitivement. Le fait qu'il aie pu être conscient et réaliser les conversations autour de lui, prisonnier dans son corps et dans l'incapacité de bouger doit être terrifiant. Je n'ai pas la certitude que ce soit ce qui est arrivé mais c'est ainsi que je l'ai compris. « Peu importe ce que c'est, faut que t'arrives à passer outre... Je sais que c'est plus facile à dire qu'à faire mais t'as survécut, c'est pas pour bousiller ta vie à présent. J'ai aucune idée de comment t'aider, je pense honnêtement que je ne suis d'aucune utilité... mais il doit bien y avoir une solution, quelque part. » Je pousse un soupire. Je parle pour ne rien dire, je n'ai pas la solution miracle malheureusement et visiblement personne ne l'a. Il est le seul à pouvoir tourner la page pour avancer dans sa vie, notre rôle est juste de l'aider, le tout est de savoir comment. Si même des psys n'y sont pas arrivés, Je ne peux pas envisager une seconde d'y arriver, je n'ai pas de pouvoir magique.
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(✰) message posté Mer 27 Aoû 2014 - 21:54 par Invité
❝ look at me now, i'm falling, this ground of mine keeps shaking❞
A trop parler je ne sais plus quoi dire, tout simplement. Tout est sorti d’un coup sans que j’y pense vraiment, et le résultat n’est pas joli, comme à chaque fois que je l’ouvre et laisse libre court à mes cogitations personnelles. Un jour j’arriverais à penser avant de parler, peut-être. Sauf que pour l’instant, ce n’est pas le cas. Je me mords la lèvre et appuie ma tête contre mon oreiller pendant qu’un silence s’installe. Je me sens coupable d’avoir encore balancé à Elias un tas de stupidités alors qu’il n’avait rien demandé à personne. « J'ai aucune idée de quoi tu parles... tu m'as complètement largué. Je... Qu'est ce qu'il t'est arrivé? » Je sers les mâchoires en entendant sa voix. Un accent de frustration pointe derrière sa question. « Je sais ce que c'est de penser qu'on pousse son dernier soupir... Mais je ne vais pas prétendre que je comprends ce que t'as pu ressentir à ce moment là... Je ne sais même pas de quoi tu parles exactement... » « Un accident débile. Un type bourré m’est rentré dedans en bagnole ». Je ferme les yeux une seconde. Je ne veux pas qu’il croit que je minimise l’accident pour me faire plaindre. Parce que ce n’est pas le cas, du tout. Au fond l’accident n’est qu’une infime partie du problème. Un genre de prologue à mes cauchemars. Certes parfois j’y repense. Parfois je revois les phares, j’entends le bruit, mais ce ne sont que des souvenirs flous, brutaux, des sons métalliques et tranchants. Un jour quelqu’un m’a demandé si je me souvenais d’avoir eu mal. Question stupide qui m’a fait replonger dans mes souvenirs. La vérité c’est que je ne m’en souviens pas, d’avoir eu mal. Dans mes souvenirs, il y a juste eu le choc et ensuite le coma, avec, au milieu, une seconde, unique, pendant lequel je n’ai rien ressenti. Absolument rien. Je me souviens d’avoir vu le parebrise explosé, les lumières alentours se reflétant dans les morceaux de verre, sans souffrir. Et ensuite le noir complet. Le black-out le plus long de mon existence. Les médecins qui prétendent que le coma soulage les douleurs n’ont probablement jamais eu idée de ce que c’est. Alors oui, physiquement tu ne ressens rien. On peut même dire qu’ils ont trop bien fait leur boulot, tellement tu ne ressens rien. Tu n’as plus conscience de rien et structurer la réalité n’en n’est que plus difficile. « Faut que t'arrives à passer outre... Je sais que c'est plus facile à dire qu'à faire mais t'as survécut, c'est pas pour bousiller ta vie à présent. J'ai aucune idée de comment t'aider, je pense honnêtement que je ne suis d'aucune utilité... mais il doit bien y avoir une solution, quelque part. » Elias a l’air si persuadé parce qu’il dit que c’est tout simplement adorable. Il a raison, très certainement. Il doit y avoir une solution parfaite, une solution miracle à mes problèmes. Sauf que pour le moment, je suis comme lui, au niveau zéro. Je n’ai pas trouvé la solution miracle, je n’ai pas trouvé le comment aller mieux. J’ai juste trouvé une alternative minable pour retrouver un semblant de vie. « Arrête de dire que tu ne sers à rien. Tu te fiches de qui ? Si tu n’étais pas venu… on aurait pas cette conversation ». Un chariot passe dans le couloir dans un roulis métallique et je sers les dents tandis que le bruit se répercute en échos dans mon crâne. Ma migraine n’a pas reflué depuis que j’ai ouvert les yeux, ni mon mal de gorge — encore que la boule qui est fichée sur mes cordes vocales vient peut-être simplement de la présence d’Elias près de moi, ou du moins en partie. « Je t’ai pas encore remercié pour tout ça, parce que je crois pas que je saurais exactement comment formuler tout ce que j’ai sur le cœur. Alors je crois que… tu vas simplement devoir te contenter d’un merci débile, au moins pour le moment ». Je baisse les yeux et fixe avec gêne ma main posée sur son bras. Je n’ai pas fait attention à mon geste et je la retire après un bref silence, la laissant retomber sur le bord du lit. « Merci d’être mon ami ». Je porte une attention particulière au ton de ma voix, dans l’espoir qu’elle ne va pas flancher sur le dernier mot. J’ai compris qu’on ne serait rien de plus et qu’il faudrait que je m’y habitue comme ça, sous peine de ne plus l’avoir près de moi du tout. Or plus la conversation avance et plus j’ai l’impression qu’il sera l’une des pierres angulaires de ma possible future guérison. Alors non je ne peux pas me passer de lui, même si on n’est qu’amis. Je réalise que je ne sais pas quelle heure il peut bien être, et je jette un œil par la fenêtre, assez vainement. Comme si ça pouvait m’aider, sans rire. Je le regarde du coin de l’œil et mon cœur se serre. Si seulement tu pouvais tout oublier. Je ne sais pas combien de fois j’ai pu me répéter ces mots, dans l’espoir qu’ils deviendraient réalité. Je me passe une main dans les cheveux et ébauche une légère grimace quand mes doigts effleurent ce qui a l’air d’être un hématome sur mon front. Nouveau silence. Je ne sais pas ce qui fait le plus mal. Se réveiller dans un lit d’hôpital après une nuit de défonce, ou avoir une de ces conversations gênantes et douloureuses dont Elias et moi avons visiblement le secret. « Ca t’embête si… si je t’emprunte ton téléphone ? Je voudrais faire la surprise à Lena ». Je n’ai pas le moins du monde le cœur à rire. Mais soudainement le silence tendu et gêné entre nous me semble insupportable. L’avoir près de moi m’aide à respirer mais me dire que je ne peux rien espérer de plus me fait mal, tout en sachant pertinemment que je ne suis en droit d’attendre absolument rien du tout. Si seulement je pouvais tout oublier. Je me force à sourire. Je ne fais pas franchement illusion, soyons honnêtes. Mais il a l’air tellement vanné que j’ai le secret espoir qu’il ne le remarquera pas. « Promis je ferais celui qui vient d’émerger ».
❝ look at me now, i'm falling, this ground of mine keeps shaking❞
« Un accident débile. Un type bourré m’est rentré dedans en bagnole » Je serre la mâchoire. Parfois j'aimerais que mes parents soient les personnes à ses côtés plutôt que moi. Ils le comprendraient mieux que personne et sauraient quoi lui dire, comment l'aider. L'accident, la drogue, c'est comme si Caleb revivait leur vie, la partie horrible de celle-ci. Ils sauraient quoi faire, eux, contrairement à moi qui me retrouve stoïque. J'ai envie de lui dire que ça va aller mieux, que mes parents ont ensuite eut 4 merveilleux enfants - oui oui - et une vie presque paisible. Mais qu'est ce que j'en sais? Un cas n'est pas l'autre, je ne peux rien lui promettre sans savoir ce que lui réserve l'avenir. Je croise son regard et lui adresse un faible sourire. Il y a cette interdiction de poser plus de questions qui pèse au dessus de moi. Je ne sais pas si elle est réelle ou si je me l'invente mais malgré mon envie d'en savoir plus, je refuse de l'obliger à en parler. A revivre cet événement pour satisfaire ma curiosité. « Arrête de dire que tu ne sers à rien. Tu te fiches de qui ? Si tu n’étais pas venu… on aurait pas cette conversation » Je détourne le regard que je pose sur une machine inerte, supposée contrôler les battements de son cœur, qui fort heureusement est éteinte dans son cas. L'idée qu'on aurait pu le perdre cette nuit est tout simplement insupportable, Selena n'aurait pas survécu. Je pense que moi non plus. C'est tout bonnement impossible, je refuse d'imaginer la scène qui aurait pu se dérouler sous nos yeux si elle ne s'était pas inquiétée. Car ce ne sont que des si, il est là, sain et sauf et c'est tout ce qui compte. Je me mords les joues quand il me remercie d'être son ami. C'est pourtant ce qu'il m'a demandé de ne pas être, non? « C'est Selena qu'il faut remercier, pas moi. » Je n'ai fait que défoncer une porte parce qu'elle n'a pas la force nécessaire pour y arriver d'elle même. Sans mon arme, je ne sais pas combien de temps j'aurais mit pour y parvenir, peut-être trop. Mais il ne m'est redevable en rien. Lui ignore tout mais moi je sais. Je sais qu’elle a du insister pour que je daigne m'y rendre, je sais que ma première pensée a été je m'en fou, je ne veux plus rien savoir. Amis ou rien. Rien. Si Selena n'était pas un minimum importante pour moi, je ne suis pas certain que j'aurais répondu à ses appels à l'aide. J'y suis allé pour la rassurer elle, pour répondre à sa détresse et non pour lui. Il aurait pu mourir à cause de ma connerie. De mon égoïsme. Je pousse un long soupire, chassant ces pensées noires de mon esprit. S'il y a bien une chose que j'ai appris au cours de ma courte vie, c'est d'aller de l'avant. De ne pas s'empêcher de respirer et vivre pour ses erreurs passées, je ne laisserais certainement pas la culpabilité gagner. Je la garde, là, au fond de moi, mais elle ne va pas me pourrir la vie. Si je craque, qui sera là pour le soutenir? Je fronce les sourcils. Sa famille. Ses amis. C'est tellement narcissique de penser qu'il a besoin de moi plus que des autres. Caleb interrompt cette conversation avec moi-même et je le remercie intérieurement de le faire. Je suis encore à moitié dans ses pensées quand sa voix me parvient, je mets du temps à la déchiffrer. L'espace d'un instant, j'ai l'impression qu'il me demande la lune, ou qu'il parle une autre langue. Puis je comprends, il n'y a rien de plus banal. Lena, je l'avais presque oublié. Je vois ses yeux assassins sur moi si elle découvre que j'ai profité de son absence pour passer un moment seul avec Caleb, omettant ainsi la promesse que je lui ai faite. « Hum... ouai, tiens... » Je sors le portable en question de ma poche et lui tend sans un regard, me levant pour fixer l'horizon par la fenêtre. Non pas que je sois vexé - quoi que -, je tiens juste à ne pas être là à l'observer et écouter leur conversation. Question d'intimité, même si je suis toujours présent dans la chambre. La notre est visiblement presque finie, puisqu'à l'instant ou elle entendra la voix de Caleb, elle va se précipiter à l’hôpital. Je lui ai déjà volé du temps avec son frère plus que je ne le devais, je ne peux pas en réclamer plus. Et honnêtement, je n'ai pas grand chose à ajouter. J'ai l'impression d'entrer dans une nouvelle phase de mutisme, phase dans laquelle je me plonge habituellement quand ça ne va pas. Ça change de mes longs discours pitoyables depuis quelques temps, ça m'évitera de lui déverser un tas de conneries supplémentaires. Je devine les cris de joies et les larmes de Selena à travers le combiné et je prie pour qu'elle soit prudente sur la route. Quand le silence prend à nouveau place dans la chambre, je daigne lui faire face et tends la main pour récupérer le portable. « Je vais pas tarder, je vous laisse tous les deux. » Surprise ou non, elle va m'en vouloir de ne pas avoir appelé dés que j'ai su qu'on pouvait entré dans sa chambre. Je m'humecte les lèvres et m'assied à nouveau sur le bord du lit, même si ce n'est que pour quelques secondes. « T'as besoin de quelque chose? Maintenant ou pour plus tard. Je peux revenir te le déposer demain. Enfin si tu veux. » Mutisme Elias, mutisme. Dés que je parle, je m'éparpille. Pitoyable. Je ne compte pas revenir. Je ne pense pas le faire pour être honnête, il a besoin de repos... Et je ne lui apporte que du stress. Mais s'il a besoin de moi pour quelque chose, je serai là.
❝ look at me now, i'm falling, this ground of mine keeps shaking❞
L’espace d’un instant, de la façon dont il me fixe, j’ai l’impression qu’il me prend pour un cinglé, que j’ai remplacé les mots par d’autres et que ma phrase n’avait aucun sens. Mais il finit par obtempérer après un moment. « Hum... ouai, tiens... » Il me tend son portable sans me regarder. Mon cœur se serre. Est-ce qu’il est vexé ? Pourquoi ? Pourquoi pas ? Il s’éloigne vers la fenêtre et je mords la lèvre. Inspirant légèrement je compose le numéro de ma sœur avec une certaine appréhension. A peine Lena entend-elle ma voix – un peu faiblarde mine de rien – que je l’entends très nettement arrêter de respirer. S’ensuit une succession de hurlements de joie, et ma migraine me fait amèrement regretter mon imprudence téléphonique. Je jette un œil à Elias, qui feint d’être absorbé par la fenêtre pour éviter d’écouter, et raccroche rapidement après que Lena m’ait fait promettre trois fois de ne pas mourir avant son retour. Je rends son téléphone à Elias, contrit. Son regard brutalement glacial et son attitude distante m’inquiètent sans vraiment m’étonner. « Je vais pas tarder, je vous laisse tous les deux. » Je serre les lèvres. Il fallait s’en douter. Nous sommes amis, rien de plus. Rien dans le mot ami ne stipule qu’il doit se carrer ma présence 24h/24. Sauf que c’est ce que je voudrais, en étant sincère avec moi-même. Son brusque changement d’attitude en vient à me faire douter de tout. J’ai l’impression d’avoir déliré tout le temps de notre conversation ; qu’il n’était pas attentionné et compatissant mais juste distant et poli. « T'as besoin de quelque chose? Maintenant ou pour plus tard. Je peux revenir te le déposer demain. Enfin si tu veux. » Non, juste de toi. Bien sûr Caleb, bien sûr. Continue comme ça, c’est vrai, c’est comme ça que les amis se parlent. Je me force à penser à autre chose. A penser à Lena qui va bientôt débouler ici comme une furie. Mais dès que son image s’imprègne dans mon cerveau, le fait qu’Elias sortira de la pièce la supplante immédiatement dans mon esprit. Je me sens stupide et immature, à faire un caprice. Réagis en adulte. Rends-toi compte qu’il n’y a pas que toi qui existe, mais qu’il a sa vie à lui, ses sentiments à lui. Fais preuve de maturité et tout ira bien. Si seulement, je pense avec amertume. « Non, ça va aller je pense. Merci ». J’évite son regard. Vu dans quel état de nerf je suis, je pourrais très bien fondre en larmes rien qu’en le regardant dans les yeux, et j’aimerai autant éviter. L’incident de la veille et tout le toutim qui en a découlé est sans doute à 95% à l’origine de mon état mental, mais sa présence et sa simple contribution à ma propre existence vaut au moins les 5 derniers qui restent. « Mais tu peux revenir si… si t’as envie. Enfin te sens pas obligé, c’est toi qui vois. Au pire on se verra quand je serais sorti d’ici ». Tout du moins si on ne m’interne pas avant dans le service psychiatrique, je songe avec résignation. Ce qui très sincèrement n’est pas exclu, au regard de ma brusque envie de me frapper la tête contre le mur. Je le détaille du coin de l’œil et son attitude renforce mon malaise. S’il est si pressé de partir, qu’il s’en aille. Je n’arrive juste pas à comprendre à quoi est du son brusque changement d’humeur, et passer en revue le contenu de toute la conversation n’arrange pas des masses mon taux d’épuisement mental. Je suis au bout du rouleau, sérieusement. Si je pouvais simplement mettre mon cerveau sur pause, pendant un petit moment. Je rêve à l’instant présent que ma tête soit munie d’une télécommande, avec à disposition les boutons indispensables : ◄◄ reculer ►play ▌▌pause █▌stop ►►avancer. Ca simplifierait tellement la vie de tout le monde, franchement. Je me frotte un œil distraitement. Si seulement. Si seulement je n’avais pas des sentiments débiles pour mon meilleur ami. Si seulement je ne me sentais pas comme une ado pré-pubère chaque fois qu’il est près de moi ces temps-ci. Mais face à son attitude actuelle, je ne sais pas quoi penser, hormis que je me fais des films tout le temps sur absolument tout. Il faudrait que je mette sur papier tous les scénarios qui traversent ma tête, toutes les interprétations débiles que je peux faire de choses qui n’ont rien à voir avec ce que j’imagine. Je gagnerais peut-être des millions, allez savoir. Je me sens complètement découragé, et l’abattement vient s’ajouter à la longue liste des sentiments désagréables que j’ai depuis que j’ai ouvert les yeux. Colère, indignation, susceptibilité, amertume, gêne, tension, jalousie, humiliation. Si seulement il y avait ce bouton pause, je songe en fixant le plafond, avant de fermer les yeux une seconde.
❝ look at me now, i'm falling, this ground of mine keeps shaking❞
J'essaye de ne pas dire de conneries, de ne pas compliquer la situation plus qu'à l'heure actuelle, pourtant j'ai l'impression de faire pire que mieux. J'ai installé un silence gênant entre nous, qui doit donner l'impression que je retourne une nouvelle fois ma veste. « Non, ça va aller je pense. Merci » Je tente de capter son regard pour m'excuser silencieusement mais rien n'y fait. Je ne sais pas lequel des deux fuit le plus l'autre, ce qui risque d'être appréciable à l'avenir. Au final peut-être que Caleb n'avait pas tord en choisissant qu'on ne soit plus rien l'un pour l'autre. Je n'ai pas la moindre envie d'avancer sans lui dans ma vie, ça non. Mais si nous fuyons toujours le regard de l'autre, que ce genre de silence pèse entre nous, à quoi bon? J'essaye de me dire que le temps rétablira notre amitié mais j'y crois moyennement, pour la bonne et simple raison qu'il n'y aura jamais plus que ça entre nous. « Mais tu peux revenir si… si t’as envie. Enfin te sens pas obligé, c’est toi qui vois. Au pire on se verra quand je serais sorti d’ici » Au pire. J'ai espoir qu'il sorte assez vite pour ne pas avoir à repasser. Après tout, une fois son estomac vidé et son sang purifié, à quoi bon le garder? A part pour s'assurer qu'il ne touche plus à rien. Pourtant c'est sa sortie qui me fait peur et nous son hospitalisation. Il l'a dit lui même, il ne peut pas promettre que tout ira bien et je suis certain de ne pas être capable de l'aider. Personne n'y est parvenu, je n'ai pas encore de super pouvoir. Je me pince les lèvres et attrape sa main que je serre quelques secondes avant de la relâcher en lui adressant un faible sourire. « J'espère ne pas avoir l'occasion de revenir. J'ai aucune idée de combien de temps ils vont te garder ici. »Vous verrez ça en famille. Ce n'est pas mon rôle d'aller poser la question au médecin, on ne me répondrait sans doute pas. Le plus longtemps possible? Pas sur que le garder enfermé soit la solution miracle mais le laisser face à ses peurs non plus. Pour ne pas changer de mon humeur générale ces derniers temps, je ne sais pas ce que je veux. Le mieux pour lui. Je l'observe et lève les yeux au ciel, comme si la réponse se trouvait sur ce plafond qu'il fixe avec acharnement avant de fermer les yeux. J'inspire et expire bruyamment et fini par me relever. J'hésite un dixième de seconde avant de déposer un baiser sur sa joue, en sachant parfaitement qu'il n'a pas le temps de le voir venir. Le plus triste est que ce simple geste soit modéré, que je doive y réfléchir à deux fois. Non pas par peur qu'il y voit un quelconque signe de ma part mais parce qu'en étant honnête avec moi-même, je dois admettre que je n'ai qu'une envie, c'est de l'embrasser pour lui montrer que je suis là. Sauf que ça montrerait aussi un certain engagement en dehors de notre amitié, engagement que je ne veux surtout pas signer. « Profite de te reposer quelques minutes avant l'arrivée de Lena. » Je serre une dernière fois sa main avant de tourner les talons et me diriger vers la sortie. Lena qui va le tenir éveillé en pensant qu'il vient tout juste d'ouvrir les yeux, alors que j'ai déjà puisé la moitié de son énergie. Je m'arrête dés que la porte se ferme et m'appuie quelques minutes contre le mur pour reprendre mes esprits. J'ai envie de revenir sur mes pas, d'entrer à nouveau dans cette chambre et l'embrasser comme j'aurais du le faire. Pour le rassurer, pour me rassurer moi aussi. A croire que je vis dans un film à l'eau de rose. Ou de faire machine arrière jusqu'à mon appartement, moment ou il a choisi de m'avouer ce qu'il ressentait. Qu'il ne dise rien, que notre amitié demeure intacte. Ma main se pose sur la poignée, je me mords la lèvre inférieure au point de sentir le gout du sang se répandre dans ma bouche. Un. Deux. Je bloque ma respiration, tourne la poignée la main tremblante. Trois. Elle apparaît dans mon champs de vision et je lâche brusquement la porte pour enfuir mes mains au fond de mes poches. Je pousse un long soupire de frustration et de soulagement à la fois. Elle vient de nous épargner quelque chose dont on peut se passer tous les deux. D'un signe de tête, je lui désigne la porte comme si elle n'avait pas encore compris qu'il s'agissait de celle-là. Lena ne prend pas le temps de déchiffrer mon expression et s'engouffre alors que je m'éloigne déjà à pas rapide vers la sortie. Il n'aura finalement pas eut de temps pour lui.