"Fermeture" de London Calling
Après cinq années sur la toile, London Calling ferme ses portes. Toutes les infos par ici Prop me up, before I black out _ Eleah&James - Page 2 2979874845 Prop me up, before I black out _ Eleah&James - Page 2 1973890357
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Prop me up, before I black out _ Eleah&James

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James M. Wilde
James M. Wilde
MEMBRE
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() message posté Sam 3 Mar 2018 - 19:58 par James M. Wilde


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Eleah
& James




Le silence qu'elle exhale répand son empire sur ma posture qui fléchit de se savoir carcantée par le choix que je lui narre. Ce choix. Ce choix destructeur qui nous ramena tous ici, dans le ventre de l'horreur et du déni. Tout est acide, chaque mensonge me blesse. Je les ai tous portés sur mon front, innombrables. Ils m'ont servi à parer les blessures que chaque souvenir rouvre dans mes chairs à chaque fois que je m'oublie à penser à elle. Ici elle me tient compagnie, cette âme sœur déchue que j'ai brisée, façonnée dans la cruauté de ma nature. Ici elle me hante, ici je la ressens. Dans ce que je ne dis pas et dans tout ce que je fais pour prétendre être autre chose que son bourreau. J'ai si bien prétendu d'ailleurs que j'ai failli réitérer l'injure sur un autre corps que le sien. Je tremble une seule seconde alors que sa remarque pensive me pousse à observer le profil d'Eleah. Et rien ne m'échappe alors, ses yeux perdus, la pâleur plus prononcée de son teint, la faiblesse de son argumentaire soudain bien moins enjoué. J'aimerais qu'elle ait raison. De toutes les forces qui me restent encore, j'aimerais y croire. Je m'oublie d'ailleurs parfois à me laisser dériver sur l'espoir de devenir autre. D'un jour savoir me persuader tant et plus que je suis capable de fléchir toute mon existence au point de la voir enfin basculer dans de nouvelles saveurs. Où chaque jour ne serait plus synonyme de ce poids qui m'étouffe. Où je m'autoriserai enfin à vivre. Juste vivre. Mais je ne peux pas. Je ne peux pas. À chaque fois que j'ose exister en dehors d'elle, je me rappelle qu'elle n'en a pas eu le droit. Alors je me l'enlève, exposant de nouveau la splendeur de mes angoisses sur ma peau. Et les cauchemars reviennent, avec l'aigreur, la peur. Et cette foutue colère. Cette foutue colère. Qui était là bien avant mon crime. Qui est implacable depuis. Mais pas ce soir... Ce soir j'épargne celle qui nourrit d'autres espoirs, ceux que je ne me permets pas. Je les vois venir se poser jusqu'à sa bouche et j'esquisse un sourire mutique sans pour autant appuyer ce qu'elle raconte. Sans pour autant le jeter dans le flot de ma fureur. Ce soir... Je m'accorde une trêve. Je ne fais que commenter mon parcours :
_ Je ne parvenais plus à écrire grand chose là-bas. J'imagine qu'au final, la condamnation aurait juste été bien plus lente.
Je hausse les épaules, je ne veux plus en parler et je me laisse emporter par ce qu'elle me raconte sur les opportunités qu'elle peut toujours embrasser. Elle est jeune, visiblement talentueuse, et je ne crois pas aux chances éphémères, sinon cela fait bien longtemps que j'aurais abandonné tout espoir quant à notre carrière qui n'a pas toujours été aussi spectaculaire. Mais j'ai du mal à discerner le ton de sa conclusion... Est-ce une façon de garder une porte ouverte, ou plutôt de la laisser irrémédiablement fermée ? Je sais trop bien ce que je n'ai jamais entrepris pour justement m'enferrer dans ce que je ne suis pas capable d'abandonner. L'on dit parfois qu'un jour l'on fera quelque chose pour être certain de ne jamais se commettre à la réaliser. Nous finissons par nous oublier aux confidences, et dans mon regard, quand elle dépeint tout ce que je trouve de frénésie dans chaque scène que l'on m'offre, palpitent toutes mes envies qu'elle parvient un bref instant à dévoiler. Mon corps crève de frôler de nouveau cette euphorie, si parfaitement atteinte lors de notre concert au Royal Albert Hall. Mon pied bat la mesure de mon excitation, j'aimerais pouvoir partir en tournée dès maintenant. Partir. Partir vite. Et prétendre qu'ainsi je n'avais pas le temps de construire cette relation tangente qui m'ôte le sommeil. Lui dire pardon, en m'en allant. Disparaître de ses yeux pleins de larmes. Moira... Mon envie est plus indéchiffrable, la scène, le feu, la musique, tout cela se rappelle à mon impuissance. Je contracte les phalanges de mes mains, redevenues plus souples à présent que les hématomes sont tous résorbés. J'espère pouvoir jouer de nouveau. J'espère... Sinon c'est terminé. C'est terminé. Je me penche de nouveau vers son visage, mon sourire mutin en ambassade à la jovialité qu'elle m'arrache :
_ T'as tout compris, petite chose.
Je l'imagine un instant, sur une scène elle aussi, dans l'élégant raffinement de la danse, des artistes d'un autre genre, moins triviaux sans doute, mes yeux glissent sur son corps pour l'imaginer paré tout autrement et je visualise presque l'audience, vu comme elle me la dépeint. Disciplinée. Pas un public de braillardes alcooliques en soutien-gorge. Un tout autre charme. Ce public dont je n'ai pas voulu, et qui dans ma jeunesse pourtant, était encore prêt à m'accueillir. Je balaie l'air, et les souvenirs de ces années de musique classique :
_ Bah ! Les fleurs, et les saluts raffinés. Pas mon genre, j'ai jamais pu, je me suis toujours senti bien plus mal à l'aise dans ce milieu-là.
Mon milieu devrais-je dire... Si elle savait de quel monde je suis issu, elle pourrait rire plus encore, avec sa frimousse. Les disciplinés du genre, je les ai vus tous de très près. Je secoue la tête, avec la persistance du choix qui m'orienta vers le rock et notre escapade jusqu'aux toilettes prolonge notre conversation frivole. Barbie a des atouts qui crèvent les yeux et quand elle se penche, croyant que ma carcasse ne s'abandonne qu'à un autre sexe que le sien, je manque presque de présence d'esprit, suivant Eleah à retardement. Je me démanche le cou pour ne rien rater du spectacle alors que nous sortons, et que je grave dans ma tête toute cette plastique si peu raffinée, sans originalité aucune pour qui fraie au Viper. J'ai eu toute une semaine remplie de filles comme elles, parfaites extérieurement, d'une banalité à crever, mais après tout, quand on a besoin d'un corps pour appuyer la dévoration d'un désir, Barbie vaut bien la balade. Je ris volontiers à la dernière saillie de ma comparse sur mes propres arguments corporels et lui fais un clin d'oeil ravageur :
_ C'est de gambader sur une scène pendant des heures ça, rien de meilleur comme entraînement. Greg sera flasque, à force d'avoir son cul posé derrière sa batterie, pauvre de lui.

Je suis la ligne de ses pas. Quand elle marche, elle a vraiment la posture des danseuses, je trouve ça très charmant. Je laisse mes prunelles vagabonder dans sa nuque dégagée par son chignon haut, les mèches qui frôlent la peau. Je ne m'absente pas longtemps dans les souvenirs malsains dont j'écope à trop me laisser dériver. Et la métaphore se file :
_ Va savoir, je ne sais pas ce qu'il y a au bout.
Et c'est vrai. Je ne sais pas encore le prix qu'il me faudra payer, pour toute la came, le sexe, les outrages, et les mots que j'ai portés. Je ne sais pas. Je ne sais pas ce que je serai demain, toujours identique, la honte plus lourde encore à arborer. Et elle retourne à ce qui la caractérise, cet optimisme débordant, qu'elle porte en oriflamme de ses yeux vifs. Je les affronte un bref instant, je penche la tête sur le côté, je me mords la lèvre, je ne peux pas bousculer ce qui semble si bien admis dans ses pensées. Je raille juste, mi-figue, mi-raisin :
_ Ça s'appelle la foi, fillette, et ça c'est pas du tout mon rayon. Lorsqu'on ment très longtemps, sans doute qu'on finit par y croire, c'est vrai. Mais ça reste un mensonge, et moi tout ce que j'aime, c'est surprendre les gens dans ces facilités-là. Peut-être que c'est parce que je suis bien incapable de croire moi-même à la rédemption que je prends mon pied à empêcher les autres de la frôler. Peut-être que je ne supporte simplement pas ce qui est faux, sauf en ce qui me concerne. Peut-être que je suis juste trop sombre pour toi, et toi trop optimiste pour moi.
Je prends sa main et je lui fais faire un tour sur elle-même, comme si nous dansions alors que les mots déroulent mes discours, avant de la ramener jusqu'à moi, au rythme de la pop qui nous casse les oreilles :
_ Ou peut-être que je n'en ai pas la force, ni suffisamment l'envie. De changer. Peut-être que c'est justement pour ça que tu te souviens de moi, parce que je t'ai marquée en étant juste moi. Rien que moi.
Je suis presque fier, j'aime le sourire qu'elle fait, naturel, sans fraude, sans maquiller ce qu'elle pense de l'intermède d'il y a une petite éternité. Je ne sais pas pourquoi elle s'est accrochée à moi cette nuit-là, si c'est juste un hasard, une envie fulgurante, un abandon de quelques heures pour repartir vers d'autres horizons. Je sais seulement que j'ai dû pour une fois être suffisamment désarmé pour qu'elle ne se souvienne pas uniquement du connard arrogant qui prend, qui jette, puis qui part sans se retourner. Je lâche sa main, non sans frôler ses doigts des miens. Je n'ai pas changé, j'ai juste su être sans heurt avec elle, sans mes masques d'arrogance qui me protègent des autres. Comme ce soir, parce que je n'ai plus rien. Je n'ai plus rien. Ou peut-être que j'ai enfin tout. Justement. Et que je ne sais pas quoi en faire.

Je mets un doigt sur mes lèvres, comme s'il s'agissait là d'un secret d'état, mais je ne peux guère désavouer ce qu'elle entrevoit de la relation que nous nourrissons tous les trois. Et ce depuis que nous avons seize ans. Gregory et Ellis sont ma famille. La seule avec Ella et Moira désormais. Ma famille de coeur, mon clan, ceux qui me permettent encore de ne pas tout abandonner. Et qui m'enchaînent aussi, quand j'aimerais tant pouvoir m'envoler. Courir. Au loin de leurs attentes. J'appuie ma main sur le dessus de son crâne, jouant d'une fausse menace :
_ T'as intérêt.
Puis mon regard sur le teint écarlate de Gregory qui essaye de ramener deux filles à ses côtés, mais elles semblent bien trop hilares pour savoir seulement s'assoir. Je ne sais pas ce qu'il leur raconte, mais ça doit être sacrément drôle. Je commente, tout en me tendant légèrement quand je vois le drame arriver : le contenu de son Daiquiri, qu'il a récupéré on ne sait comment d'ailleurs, atterrit sur un gros baraqué :
_ Je vois hein... On me laisse éponger ses délires bavards. Aucune compassion dans ton petit corps, je suis déçu. Et désolé, Chérie, mais jamais, ô grand jamais, personne ne pourra surpasser l'admiration que Greg me voue. J'y travaille depuis 20 ans, chaque jour, chaque heure, et personne ne fait le poids. J'aimerais pourtant car tu ne peux pas savoir comme il est sur mon dos en perma...
Je m'interromps et je prends la main d'Eleah au moment où elle attire mon attention sur cette situation explosive, prête à dégénérer, parce que Blondinet est d'autant plus euphorique qu'il a repeint le t-shirt doré de la brute qui n'a pas l'air ravie de ce relooking impromptu. Ellis jette un regard en biais à la petite scénette, délaissant la jolie brunette qu'il était presque en train de capturer avec ses sourires de gentil garçon et son regard profond. Je fais trois pas rapides, fendant cette fois-ci la foule avec beaucoup plus de talent qu'auparavant, les prunelles rivées sur mon ami qui essaye de désamorcer l'outrage en haussant des épaules. Je m'en mêle en effet, tapotant l'épaule du mécontent, en affichant ma gouaille habituelle :
_ Allez Musclor, lâche l'affaire et tire-toi, y a pas mort d'homme. Il a pas fait exprès.
Mais notre énergumène n'est pas ravi de mon ton froid ni de mon air soudainement très fermé. Je flaire le fumet si exaltant d'une échauffourée, la main toujours fermement refermée sur celle d'Eleah. Elle doit sentir ma nervosité, mes épaules se contractent et même si je suis ridiculement plus petit que mon adversaire qui dorénavant ne voit plus que moi, je ne recule pas. Et ajoute plus durement :
_ C'est pas clair ? J'ai dit : tire-toi.
Je me retiens, les réflexes qui sont fichés dans mon corps me hantent et grognent de se sentir sclérosés par ma volonté, et cette rage qui tourne dans mon ventre ne demande qu'une seule étincelle pour se voir rallumée par cette opportunité. Mais, je me retiens. Ne pas toucher le gars. Ne pas toucher le gars. N'esquisse pas un geste. Pas un. Ma main autour de la sienne brûle. Puis... Puis ce sont les doigts de l'autre qui viennent se poser sur moi, pour me repousser. Putain de Hipster baraqué à la con. Qui parle en plus :
"Tu baisses d'un ton, Minus."
Je redeviens livide et je souffle :
_ Tu vas enlever ta main avant que je ne la brise, espèce de connard.
Ellis se lève, et essaye d'attirer mon regard, alors qu'il dit doucement, comme autrefois :
"Ça va aller, James. Ça va aller."
Et même Greg dessaoule brusquement, en essayant de s'excuser :
"C'est bon, je peux te donner mon t-shirt si tu veux..."
Sauf que son taux d'alcoolémie ne lui permet guère de remarquer que le gars aurait bien du mal à y entrer. Peut-être un orteil. Et encore. Les mecs de la sécurité nous repèrent facilement, un groupe debout, comme ça, dont les membres se toisent, à deux centimètres les uns des autres, ça a en général de quoi attirer l'attention, et j'entends derrière moi un gars siffler, très amusé :
"Tiens, tiens, tiens, qui voilà... Tu reviens foutre le bordel Wilde ? Tu sais que tu vas gagner un aller simple pour la sortie, comme autrefois ?"
Je soupire, les dents serrées. C'est pas vrai, il fallait qu'il soit au turbin, pile ce soir. Je grommelle :
_ Lâche-moi le slip, Jason. J'explique juste au monsieur qu'il faut qu'il se carapate... Puis...
Je détourne l'attention en ramenant Eleah devant moi, comme un pare-feu face à Jason Thell, le videur qui ne peut pas me piffrer. Faut dire que j'ai su foutre le souk ici, et ce pas mal de fois. Je pose mes deux mains sur les épaules de la petite, comme pour la présenter :
_ ... Tu peux pas me virer alors que j'accompagne la reine de la soirée, hein ?
Vais-je réussir l'exploit de me faire chasser le soir même où les Spectrum sont à l'honneur, sous le claironnant label d'Oaks Production ? Le challenge est entier... Et me démange.
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() message posté Dim 4 Mar 2018 - 11:17 par Invité
james & eleah
Le paradoxe est entier. Car si James a décidé d’abjurer les carcans et les courbettes du milieu privilégié dont il est issu, Eleah au contraire, s’est épanouie dans un univers aux antipodes de celui dans lequel elle a été élevée. Tout ce qu’elle a, tout ce qu’elle possède aujourd’hui, elle sait à qui elle le doit : elle-seule. Mais elle n’oublie pas la modestie de son monde. Celui dont elle vient, et qu’elle ne pourra jamais véritablement oublier. Parfois elle se souvient, avec un soupçon d’amertume mêlée d’inquiétude, de l’odeur d’humidité du vieux papier peint, de la texture singulière du crépis des murs lorsque ces derniers sont en train de pourrir par l’intérieur. L’odeur âcre du whisky renversé sur la moquette en piteux état,  celle où on ne peut y passer les doigts avec plaisir tant elle a connu de passage. Et tout cela n’est rien à côté de l’odeur de vieux cirage : celui que l’on étale sur les meubles en bois pour les faire briller, et dont l’armoire de la chambre à coucher était recouverte. Cette même armoire dans laquelle elle leur disait de se dissimuler. « Jouons à cache-cache, mes trésors. Cachez-vous, je compte jusqu’à 15. Que Papa ne vous trouve pas surtout. » leur murmurait-elle, mutine, enfantine, avec cette lueur inquiète dans le regard lorsqu’elle l’entendait essuyer ses godillots sur le paillasson de l’entrée en injuriant sa bonne à rien de femme. C’était le seul endroit où ils pouvaient se cacher tous les deux ensemble, blottis l’un contre l’autre. Avec toujours cette odeur de cirage, mêlée à celle de la lessive bon marché senteur lilas qu’utilisait leur mère pour nettoyer ses vêtements. Son enfance a un parfum de lilas doucereux, de cirage pour meuble, et de whisky irlandais. Cela ne tient pas à grand-chose. Cela ne tient qu’à un fil, tout cela.

« Tu dis ça parce que la misère matérielle, la vraie, tu ne la connais pas. » glisse-t-elle, sursaut d’un trait de sa personnalité dissimulée au grand jour. Elle n’est pas incisive pourtant, elle ne le regarde même pas, soufflant une réponse sans savoir si réellement elle s’adresse à lui, ou si c’est davantage  à elle-même qu’elle parle. C’est peut-être de là justement que vient son côté un peu matérialiste parfois. Chez Winnyfried et Benjamin, ils ne roulaient pas sur l’or non plus. Il y avait eu des années difficiles. Mais elle n’avait pas gardé un si mauvais souvenir de cette modestie-là, où ils avaient appris à s’entre-aider, à travailler avec acharnement, à se serrer la ceinture lorsqu’il le fallait. Rien dans son esprit ne pouvait égaler Galway. Non, rien ne le pourrait jamais. « Il y a dans la frénésie inconstante de ton milieu quelque chose d’effrayant. » Elle la connaît aussi, cette frénésie, mais différemment. La critique dans le milieu de la danse est tout aussi incisive, dans la mesure où le public l’est tout autant. L’erreur est inacceptable, la rigueur absolument essentielle. Une rigueur dont Eleah est pourvue jusqu’au bout des ongles. Et c’est justement cela qui la rassure. Le fait de n’avoir pas droit à l’erreur est un moteur pour elle, considérable. C’est ce qui lui fait relever des défis en permanence. Quand tout est insensé et illusoire, il n’y a plus que la rigueur à qui se raccrocher.

Dans les toilettes, la conversation se poursuit plus avant. Ses humeurs sont si changeantes ce soir, oscillant entre l’espièglerie, l’excitation, la nostalgie et un soupçon d’inquiétude, qu’Eleah ne sait plus sur quel pied danser. Ce qui est tout de même un comble pour une danseuse de haut-niveau. Si elle ne le montre pas, le revoir dans ces circonstances la bouleverse plus qu’elle ne le voudrait. C’est une peur qui gravit dans son ventre : celle qu’il se souvienne avec certitude. Que comme un flash de lumière, il revoit ce qu’elle avait pu être, avec lui, dans toute cette fragilité d’enfant brutalisée. Qu’il la voit, la distingue. Telle qu’elle ne veut plus être. Elle ne veut plus incarner autre chose qu’une force éminemment positive, qu’un électron libre ou un papillon coloré cherchant à se brûler les ailes sur toutes les lueurs vacillantes du monde. Alors, tandis que l’eau glacée ruissèle entre ses mains, elle se concentre sur le personnage, renoue peu à peu avec la jovialité de la sa nature. Il se prête au jeu, avec un plaisir qu’elle se plaît à observer, et elle ne peut que s’en rassurer. « Es-tu en train de me dire que ton cul vaut mieux que celui de Gregory ? » Elle hausse un sourcil, arbore une expression coquine tout à fait adorable. Ils sortent, enfin, laissant Blondie à sa retouche maquillage qui prend des allures de gommage photoshop.

« Peut-être bien. C’est possible. » répond-elle distraitement, arborant un délicat sourire en demi-lune, se laissant porter naturellement par la gestuelle comme une ballerine par son partenaire. Dans les plus simples mouvements, elle renoue toujours avec des automatismes. Regarder loin. Etirer la nuque. Se grandir Eleah, toi qui est déjà minuscule. On lui a tant reproché sa petite taille dans le milieu. Trop petite, donc trop massive. Pas assez élancée. Maintenant c’est presque un atout. Comme quoi, il y a parfois quelques ironies dans les milieux que l’on traverse. « Mais là maintenant, est-ce que tu es faux ? Est-ce que tu fais semblant ? Comment parviens-tu à faire la différence, à la fin ? » questionne-t-elle encore, jouant avec son index, puis son annulaire, précautionneuse parce qu’elle a cru voir les stigmates de quelques heurts sur ses phalanges. A sa dernière phrase pourtant, elle le libère, croise les bras au-devant de sa poitrine, se balance légèrement sur un pied, puis sur l’autre. La conclusion est belle, mais elle ne peut s’empêcher d’ajouter un : « C’est peut-être pour cela que tu m’as oubliée alors. Parce que je n’étais pas totalement moi. » Elle lui glisse un clin d’œil, mutine, décidant de jouer sur la corde sensible telle une funambule. Elle n’est pas vexée, au contraire. Ce serait mentir que de dire que cela ne l‘arrange pas.  Ce n’était cependant pas un mauvais souvenir, non. Un souvenir délicat qu’elle a cloisonné dans un pan de son esprit, jalousement, se promettant de ne jamais y revenir. Tout ce qui se passe à Galway, demeure à Galway. C’est la promesse qu’elle s’est faite un jour. Quant aux attaches qu’elle lie, elles sont souvent très illusoires. Eleah est comme ça, on ne la refera pas. Elle aime avec une spontanéité sans fard, s’éprend des corps en donnant le sentiment d’une exclusivité absolue sur l’instant. Comme si à ses yeux, il n’y avait que celui ou celle avec qui elle passe la nuit. Cet amour-là est souvent factice cependant. Car les attaches qu’elle tisse sont aussi fragiles que du cristal.  Il y a en elle ce détachement étrange, qui met sur deux rives distinctes les sentiments et le corps. Rarement les deux se conjuguent. Elle a beaucoup trop peur de cette conjecture-là. Elle finirait par la détruire, et cela elle s’y refuse.

« Sinon quoi ? » répond-elle à sa menace, qui n’en est pas vraiment une. Jouer jusqu’au bout, toujours. Sa bouche s’incurve d’un côté, espièglerie incarnée. Puis ce regard vers lui, amusé. Elle aime assez la dynamique des échanges qu’il y a entre eux, sorte de complicité naturelle, débridée. Elle a beau essayer de se remémorer, elle ne croit pas qu’ils aient été si spontanés l’un envers l’autre la première fois qu’ils se sont vus. Le sentiment de le rencontrer de nouveau pour la première fois s’accentue : elle ignore ce par quoi il est passé, ce qui l’a rendu si fade lorsqu’il est arrivé. Elle apprécie l’homme qui lui fait face désormais. Elle n’est pas d’accord avec lui sur tout. Et ne le sera sans doute jamais. Mais il y a un certain plaisir à le voir lui parler, alors qu’il semblait si prompt à repousser tous ceux qui essaieraient de l’approcher tout à l’heure.  « Il faudra bien que tu le libères un jour pourtant, tu ne crois pas ? » prononce-t-elle en écho, Gregory en ligne de mire. Ses lèvres forment un rond parfait de surprise ; rester là ? Intervenir ? La posture de celui qui vient de se faire éclabousser change un tantinet : gonflement des épaules, élévation de la posture. A l’évidence le mâle se veut dominant, et le Gregory hilare, le sujet de son futur acharnement. Pas le temps de réfléchir que déjà elle se sent tirée par un James bien plus vif qu’auparavant. Avec rapidité elle le suit, faisant deux pas quand il n’en fait qu’un, bousculant quelques danses langoureuses au passage. La tension dans le trio atteint des sommets presque palpables. Autour de sa main plus petite, elle sent la nervosité qui grimpe, crescendo, dans ce corps qui n’est pas le sien mais qu’elle rêve pourtant sur l’instant de contrôler. Ses doigts viennent exercer une pression sur la peau. Son pouce prend le relais, tente de convoquer une accalmie. Elle se tient en retrait pourtant. Au cas où vraiment le coup partirait.

« Laisse tomber James … » murmure-t-elle à son côté, plus incertaine que tout à l’heure. Parce que ces tensions-là la mettent souvent très mal à l’aise. D’habitude elle a plutôt tendance à fuir ce genre de situation plutôt que de s’y engouffrer tête la première. Trop tard, cette fois-ci. « Les gars, vous n’allez pas vous taper dessus pour une effusion de Daïquiri quand même ? » dit-elle, mimant la décontraction alors qu’en réalité, qui la connaît saurait deviner une certaine appréhension dans le fond de sa voix. « Trésor t’es mignon mais garde ton tee-shirt tu veux ? Au pire ils en donnent à l’entrée, comme celui-ci, à l’effigie des Spectrum.  S’il y a vraiment que ça, je te le prête, moi, mon tee-shirt, il est dix fois trop grand de toute façon ! » glisse-t-elle ensuite à Gregory, tout en faisant une démonstration du fameux tee-shirt à l’armoire à glace, juste devant elle, et qui la surpasse aisément de deux bonnes têtes, la regardant comme si elle était à mi-chemin entre le farfadet et la Charlotte aux fraises. Il songe même à accepter la proposition, se demandant si réellement, cette fille pourrait se balader en soutif juste pour éviter une bagarre de comptoir ridicule. Mais heureusement pour elle, c’est le moment que choisit le videur pour intervenir.

« Cooucou Jason ! » Elle agite sa petite main de derrière la silhouette de James, comme une petite fille, l’air de rien, avec une innocence absolue dans la mesure où elle ignore tout des relations passées entre Jason le videur et James le trouble fête. « Oh naan, tu ne vas pas le virer quand même ? Il faisait juste une-. » Le mouvement vers l’avant l’interrompt, et avant de l’avoir vu venir, la voilà sur la ligne de front, brandie vers l’avant comme une arme de pointe. Raidissant un peu les épaules, Eleah jette un coup d’œil sur son côté, toisant James au passage avec un air interrogateur. « Comment ça tu fichais le bordel ici ?! Jason, je te promets, il est sage maintenant. C’était juste un petit malentendu. Promis. » Elle bat presque des cils à présent, de jolies fossettes se creusant au coin de ses joues. « Tu sais quoi, je me porte garante pour les trois, là. S’ils mettent le bordel, je les sors moi-même avec un coup de pieds au cul. » Elle glisse un clin d’œil, espère que cela va passer. Le Jason a l’air quelque peu sceptique, bien qu’au fond, il est déjà convaincu qu’il va céder face à cette bouille. « Allez, Jason, s’te plaît. » insiste-t-elle encore, reculant d’un pas, avant de passer un bras autour des épaules de James, et l’autre bras autour autour des épaules de Gregory, suspendue entre les deux. « J’les surveille, c’est promis. Et s’ils cherchent la misère, ou tripotent des fesses sans permission, j’viens te voir. Et on va rester loin de monsieur gros biceps, pour éviter tout esclandre. Hein les gars, on va rester loin ?! » Elle les regarde tour à tour, avec un petit air faussement autoritaire. « De toute façon j’ai envie de danser. C’est quoi cette soirée où les gens s’ambiancent comme des limaces ?! »



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() message posté Dim 4 Mar 2018 - 16:33 par James M. Wilde


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L'impact d'une seule phrase. Mes yeux se fixent à elle, alors qu'elle semble perdue sur les contours d'un souvenir, brumeux, inaccessible, presque interdit. Avec l'avidité de ceux qui se nourrissent de l'âme de leurs congénères, je savoure tout en ressentant avec violence ce que la confidence implique. Une brèche sous le masque, mes mains se figent sur mes genoux, mes doigts resserrent leurs prises sur le tissu de mon jean, comme si je m'accrochais à ce qu'elle délivre pour retenir cette seconde impudique qui la dévoile dans d'autres atours que cette fraîcheur invincible qui fraie par tous les pores de sa peau. Mes prunelles se dilatent, et je ne réponds rien, seuls mes yeux qui la détaillent, sans rien cacher de ce qui entre en résonance à l'intérieur de ma carcasse moribonde trahissent la compréhension que j'en conçois. Elle a raison, de cette misère-là, je n'ai absolument rien connu. Je n'ai fait que façonner un malheur bien différent de celui qui laisse le ventre vide et les lendemains incertains. Je me suis affamé par choix, et j'ai bousillé mes lendemains avec la frénésie des fous qui ont besoin de communier au néant pour savoir créer quelque chose qui le refermera. Mais le fric, je n'en ai jamais manqué, même lorsque mon père m'a foutu à la porte, il s'est assuré que je ne manque de rien. Du moins... Matériellement. Même si j'avais alors décidé par vanité de lui payer un loyer. Tout cela est si loin. Et m'apparaît si désuet désormais. Le moment s'interrompt, j'essaye de l'imaginer en dehors du cadre où nous sommes bercés par la musique tapageuse, les cocktails hors de prix par centaines versés dans les gorges déployées par les rires. Mais je n'y parviens pas, pas totalement. Ce n'est que l'un de ses soupirs fiévreux qui résonne dans ma tête et que je sais arraché à cette nuit qui nous vit être à deux. L'effroi dont elle parle vient fusionner avec mes sens déjà brutalisés par les échos de sa peau contre la mienne, et les yeux remplis d'autres ténèbres, je ne fais que statuer, la voix un peu plus rauque :
_ Et cet effroi, le boire, le faire sien, le voir emplir leurs yeux jusqu'à s'en écoeurer. Ils sont inconstants, ils m'adorent et ils me haïssent. C'est une brutalité que j'ai appris à désirer.

Nos pas se suivent, et si nous nous distançons parfois à cause de la foule, c'est pour mieux nous retrouver dans l'aisance d'un dialogue que je ne cherche plus à dénouer. Je la laisse entrer, quand je n'ai plus la force de monter d'illusoires barricades pleines de fiel et de méchanceté. Parfois je la surprends à m'observer, et il y a en moi quelque chose qui se fige, au passé d'une rencontre toujours indistincte, pourtant de nouveau palpitante dans ma chair en pleine résurrection. Si elle a su m'atteindre, dans le corps, et laisser ces échos dans ma tête pour tous les distiller aujourd'hui sur mon visage qui sourit quand elle se fait mutine, c'est qu'elle est constituée d'une splendeur que j'ai dû vouloir enserrer ce soir-là. Une splendeur cachée, un secret qui gît, tout en dessous d'elle, à l'intérieur de moi. J'aimerais le retrouver, j'en ressens une soif qui me fait la suivre sans discontinuer. Je plisse du regard avant de rire légèrement, comme si je savourais l'assertion, et avec tout le faste qui peut être mien, j'assure, le sourire en coin et l'assurance sur le front :
_ S'il n'y avait que mon cul...
La trivialité nous abandonne dans la danse improvisée que j'utilise pour mieux accompagner son corps auprès du mien. Les mouvements qu'elle entame me rappellent plus encore de cette nuit diaphane, et je goûte dans sa caresse, autant d'incertitude que celle qui me fait retenir des gestes plus appuyés. C'est un corps que j'ai connu, mais que pourtant j'apprivoise comme s'il m'était donné de le toucher pour la première fois, la mémoire est changeante, je sais sans connaître, je ressens sans anticiper, ma peau se hérisse et m'abandonne à d'autres sentiments étranges. Qu'ai-je pu abandonner cette nuit en elle ? Un peu de qui je suis, ou beaucoup de ces rêves qui s'accrochent et auxquels je ne crois plus tout à fait ? Alors qu'elle est presque contre moi au moment où notre petite danse échoie, je dis doucement :
_ Je ne fais jamais semblant, Eleah. Quand je suis un débauché devant les caméras, quand j'insulte mon public, quand je me paume en pleine conversation, quand je hurle mon désaveu.
Le faux, le vrai. La même matière qui nous grave dans des moments honnis ou rêvés. J'ai appris que mes fureurs les plus abyssales me constituaient tout autant que mes délicatesses les plus intenses. Ma sensibilité est enragée, et si les autres me jugent ou m'enferment dans des cases, je les laisse causer. Je ne suis que ce que j'ai appris à être. Dans la survie et l'horreur. Dans la fragilité et l'absolu. Je suis changeant. Lunatique disent les gens. Bipolaire. Bipolaire ont dit les médecins un jour. J'abandonne sa main mais je demeure à quelques centimètres d'elle, alors que j'ai un sourire sibyllin quand elle m'accuse de l'avoir oubliée. Je me penche pour murmurer à son oreille :
_ Quand tu m'as étreint si fort cette nuit-là, je n'ai pas fait semblant non plus. Je me souviens...
Peut-être pas de la même façon qu'elle, ni de nos mots, ni de nos rires, ni de ce qui nous amena dans cette chambre. Souvenir enfui jusqu'alors, revenu à présent, sous ma peau, et dans mon coeur qui palpite. Des souffles et des soupirs. Je la libère mais dans mes confidences il y a comme cette promesse de revenir chercher ce que j'ai su trouver cette nuit-là. Mon instinct flaire ce qui se cache mais le laisse au repos pour l'instant, comme si je n'étais pas prêt à poursuivre, trop amoché par mes actes récents. Je préfère m'arrimer à tout ce qu'elle sait offrir, de spontanéité et de légèreté éphémère, qui glissent sur moi pour réveiller enfin cette humeur joviale qui m'anime quand je la laisse se délivrer. Elle révèle cette espièglerie que j'ai bien souvent en présence de ma soeur. Je ris encore, en tapotant le haut de son crâne :
_ Je crois que tu ne veux pas savoir à quel point je peux être chiant...
Mine de rien, je dérange son chignon, juste parce que cela m'amuse et hausse les épaules quand elle argue que Gregory partira bien un jour. C'est tout à coup l'évidence que tout le monde tait, lui comme moi, naïvement jetée sans préambule sur mes songes. Je regarde mon meilleur ami, puis choisis de rester dans le même ton de nos échanges, un sourcil haussé :
_ Pourquoi ? Il est parfaitement heureux avec ses chaînes, regarde !
Nous intervenons assez rapidement après cela, et le jeu s'emballe tandis que sa petite main tente de m'apaiser, ce qui fonctionne presque. Je reste raide, paré de toute la nervosité que la situation m'inspire, mais elle me retient tout comme je me tance. J'ai eu ma dose, mes mains sont encore douloureuses et un coup mal porté pourrait me coûter bien plus que ce à quoi j'ai miraculeusement échappé. Elle... Elle n'a pas échappé au revers. Qu'est-ce que j'ai fait, qu'est-ce que j'ai fait ? Mes dents se serrent, je ne veux pas me rappeler de ce qui s'est passé avec Moira. Mes mains souffrent. Il n'y a pas qu'elles. Ma colère vacille, et ne prend pas, les flammes meurent aussitôt, étouffées par la honte qui revient s'abattre dans ma posture. Le gros barbu hésite également, il n'avait pas prévu l'apparition du petit bout de femme qui cherche à retenir nos instincts mâles excités par l'alcool. Il y a dans sa voix comme de la peur, elle me semble moins pétillante tout à coup, même si elle cherche à plaisanter. J'aimerais que cet abruti cesse de me toucher. J'aimerais. J'aimerais. J'aimerais. Greg voit le geste et marmonne :
"Faut pas le toucher comme ça, je l'écouterais si j'étais toi, mon gars. Faut pas le toucher comme ça."
Geste inconvenant pour ma nature farouche, je ne supporte pas ce que je prends telle une agression physique quand je reçois ce contact que je n'ai pas cherché. Quelque chose en moi tremble, mais il y a ses mots, il y a la peur d'Eleah, la mienne, la sienne. Je demeure stoïque, ciselé dans cette colère que je calfeutre avec toute la peine du monde alors que Greg repart dans un rire presque hystérique :
"Oh oui, vas-y, ma jolie, donne-lui ton t-shirt, tu seras bien plus élégante sans, et lui on le verra moins !"
Ça ne plaît pas à Musclor, pas du tout, mais Jason est sans le savoir notre sauveur, même si cela me donne envie de le dévorer. Je prends sur moi, recompose mon visage dans ses airs détendus qui ne sont plus que factices désormais. Il me considère comme une abomination sur ses terres, je lui avais plus ou moins juré de ne jamais remettre les pieds ici tant... Qu'avais-je dit alors ? Ah oui, tant cette boîte est "ringarde, désopilante dans sa médiocrité, une honte londonienne qu'il vaudrait mieux démonter avant qu'elle n'abrutisse plus de gens dans son antre démodée." Je pense que Jason s'en rappelle parfaitement, vu comme il fait la moue et renchérit, suite aux questions d'Eleah :
"Il fout le bordel partout où il va, Beauté, ce gars-là, c'est un connard arrogant qui se croit tout permis dès lors qu'il met les pieds quelque part. Sage, tu dis ? Te laisse pas avoir par sa gueule d'ange va, y a rien de sage là-dedans."
Il me regarde de la tête aux pieds et j'esquisse solennellement un signe de croix dans sa direction, ma bénédiction à moi :
_ Amen.
Jason roule des yeux mais ses airs de roquet énervé s'affadissent devant la mine de poupée de ma comparse. Il grogne :
"Ouais ouais, si tu veux. Mais si jamais y a encore un seul soucis et que ce type est dans le coin, tu viens me voir et je m'en chargerai."
Mon sourire est provocateur :
_ Allons, Thell, cache donc ton envie dévorante de mettre tes mains sur moi et de me virer comme la dernière fois. Je sais, je sais... Cet instant de jouissance hein, le pouvoir sur quelqu'un d'autre, tu trépignes devant comme une chatte en chaleur. T'auras une autre occasion, va, mais pas ce soir.
Jason recule, tout en me fusillant du regard, il a toujours eu bien plus de self-control que je n'en aurai jamais. Ellis et Greg répondent en choeur :
"On reste sages. Toujours."
Pour conforter la plaidoirie d'Eleah quand je ne l'ai pas vraiment aidée, et Musclor quant à lui a disparu aussitôt qu'il a pu, sans doute que de se faire botter le train par la petite troupe de Jason ne l'enchantait pas plus que ça. La petite nous regarde alors tous les trois, nous enjoignant à la fête :
"Madame, vos désirs seront des ordres".
Bah tiens, gentleman jusqu'au bout des ongles.
"Ouuuuuais ! Danser ! J'adore, danser !"
Pas étonnant, vu qu'il a deux grammes dans chaque bras. Je prends la pose, tel l'archétype du rockeur, tandis que je passe mes deux mains dans mes cheveux, les hérissant au passage :
_ Allons donc leur montrer ce que c'est que de faire la fête à ces petits clubeurs de merde.
Sous les néons et les flashs, nous nous fondons dans la foule colorée, la meute parmi les agneaux, notre pétillante meneuse en tête tandis que je m'assure que Greg suit et ne tape pas la discute à toutes les beautés qu'il croise. Je laisse les gars danser avec la petite, me perdant un instant dans le tempo et dans les yeux suaves d'une fille au hasard, qui se déhanche telle une déesse mais bientôt, la déchéance de ces soirées qui furent toutes semblables grave d'autres symptômes à mon malaise, j'abandonne ma proie, je n'ai pas le besoin de rentrer accompagné ce soir, et je laisse la foule l'avaler. Je rejoins ma petite troupe, Eleah est plus échevelée, je me glisse derrière elle, ma main sur sa taille, quand Gregory je crois n'a jamais été aussi sautillant que ce soir. Je prends sa main, la laisse esquisser de ces gestes aériens et délicats qu'elle a dessiné dans l'éther tout à l'heure, à hauteur de sa tête et je suis son corps. Je n'aime pas danser, pas particulièrement, car cela m'oblige à frôler la matérialité des autres, à me laisser envahir, porter par des gestes qui ne sont pas les miens. Alors tout dépend de la partenaire, tout dépend du lieu, tout dépend du moment. Je la suis, je me laisse aimanter pour éviter de fusionner avec d'autres, je regarde sa nuque, je laisse la fièvre suivre mes idées contre sa peau, je suis loin, je suis seul, mais partout elle est là. Parfois je la guide ou plutôt je l'accompagne, il est presque indélicat de croire mener quelqu'un qui sait si bien jouer de son corps sur le tempo de la musique. Alors je la laisse transcender l'instant, et quand nos yeux se croisent parfois, au détour d'un pas, j'imagine cette collaboration que je crève désormais de nouer. Deux univers. Deux altérités. Et j'imagine... Oui. Son corps. Son corps à elle. Sur ma musique. J'ai un sourire plein de ces ravages que j'aimerais porter et entre deux chansons, je lui glisse la confirmation de tout ce qu'elle a su présager :
_ Je veux que tu travailles avec moi. Avec nous.
Tant pis si cela signifie que je retourne sur le sentier de cette nuit-là, prêt à dérober ce qu'elle a su offrir une fois. Tant pis si cela me perd ou au contraire me fascine trop pour que je ne sente la défiance se mêler à l'envie. Je veux peindre ma musique dans son monde, je veux qu'elle en sublime ce qu'elle saura y trouver.
_ Ta musique dans la mienne. Qu'est-ce que tu en dis ?
Celle de ton corps reliée à toutes mes harmonies.
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() message posté Dim 4 Mar 2018 - 20:36 par Invité
james & eleah
Alors il est le plus vrai des deux, sans doute. Cela fait si longtemps qu’Eleah se prête au jeu des sourires et de l’espiègle arrogance qu’elle ne sait plus faire la différence. Il y a dans cette jovialité naturelle du vrai qu’elle désavoue la plupart du temps, perdue qu’elle est sans oser l’admettre tout à fait. Elle déteste ceux qui cherchent à la voir autrement que dans cette illusoire beauté qu’elle offre à regarder. C’est elle qui décide. Tenter de se frayer un chemin jusqu’à la carapace derrière laquelle elle s’est claquemurée un jour, c’est prendre le risque de la voir se refermer plus encore, et de fuir. Car Eleah n’est pas dans la demi-mesure, jamais. Son souci de perfection rend ses décisions acariâtres, implacables même. Du jour au lendemain elle est capable de tout briser, si jamais elle sent un quelconque danger approcher. La discipline lui a appris à ne pas se morfondre, ou se confondre dans des émotions susceptibles de l’atterrer. Positiviste diraient certains. En réalité c’est la seule façon qu’elle a trouvé de survivre. S’accrocher à une stabilité comme si votre vie en dépendait, en finissant par vous convaincre que c’est la seule façon de vous maintenir à flot. Cela lui a permis jusqu’à présent de ne jamais sombrer. De refouler dans son ventre toute cette colère assassine, et ce sentiment d’injustice né des meurtrissures de l’enfance. Toutes ces émotions que son frère n’a jamais su contenir, et qu’elle a dû de nombreuses fois porter pour eux deux afin d’éviter qu’ils ne tombent, ensemble. A cela aussi elle songe, tentant de distinguer en filigrane des paroles de James tous les travers qu’il admet sans fard, sans honte. Elle éprouve un sentiment indistinct, à mi-chemin entre l’envie et l’appréhension,  en se disant qu’il est peut-être possible, après tout, de revendiquer ce que l’on est comme il le fait, en injuriant tous ceux qui cherchent à juger ou cloisonner. Elle est incapable d’une telle franchise. Sa nature lui refuse cette transparence-là. Certaines habitudes sont nichées si loin et ancrées si profondément qu’il est bien hasardeux de tenter de les déraciner, sans prendre le risque d’arracher également l’être qui y est relié. Alors elle répond. En contretemps une fois de plus :

« C’est toute cette transparence qui te torture, dans ce cas ? » La question est houleuse, périlleuse, mais pas hasardeuse. Il a cette expression de ceux qui souffrent. Pas seulement dans leur corps (même si ce dernier en porte forcément les stigmates), mais aussi dans leur âme. Est-ce le prix à payer pour être soi ? Si c’est le cas, elle est prête à passer son tour, et demeurer sur le fils des illusions qu’elle a su se créer, et dans lesquelles elle sait à merveille entraîner les autres à sa suite. Une des rares fois où elle l’était. Eleah ne tient de toute façon pas l’alcool. Pire que Gregory. Elle perd toute jovialité sous ses attraits, devient crue et sans fard, taciturne, et imprévisible. C’est cette imprévisibilité qui a dû les entraîner dans l’intimité d’une chambre. Faire parler son corps, laisser les émotions se déverser en lui, en faire un vecteur pour canaliser tout ce qui la taraude : elle n’a jamais fonctionné autrement. Il était là, ce soir-là. Pauvre de lui. Pauvre d’elle. Il aurait pu être tout autre, peut-être que cela n’aurait rien changé. L’intensité du besoin de se sentir exister était si poignante alors, à faire trembler la chair sous l’épiderme endormi. Il n’y avait qu’une seule possibilité pour la réveiller : s’arrimer, se laisser contraindre, contraindre à son tour, savourer l’éclat d’une peau, en griffer les pâles lueurs, s’aimanter à une odeur qui ne nous appartient pas, pour oublier celles des aigreurs qui nous affadissent. Il était là, oui. Elle n’a pas oublié. Elle s’en souvient bien désormais. Chaque phrase qu’il lui délivre révèle un pan de sa mémoire, rend plus net l’image que le temps avait fini par décomposer. Il était là, à ce moment si singulier de sa vie. Dans cet intermède dont beaucoup ignorent jusqu’à l’existence. Et aujourd’hui elle ne sait plus bien ce qu’elle doit être. Se complaisant toujours dans une même légèreté, elle répond alors : « Tu parles. On était ivres. » Rendant tout à coup désuet un souvenir qui aurait peut-être pu se teinter de bien plus de lueurs, trahissant en même-temps l’incertitude éprouvée, sans même s’en rendre compte.

L’intermède se poursuit, prend des couleurs toutes différences, en nuances obscures. Eleah renoue avec le personnage qu’elle incarne si bien. Son humeur redevient mutine, mais l’inquiétude demeure. La violence lui fait peur, toujours. Elle ne craint pas les muscles qui souffrent, les nerfs qui se tendent. Elle ne craint rien des douleurs physiques qui résultent d’efforts passionnés. En revanche, elle abjure toute forme de brutalité qui revêt des allures destructrices et assassines. Ces élans-là la déstabilisent au plus haut point, lui donnent l’impression d’être à nouveau cette petite fille pétrifiée par la peur. Alors à la main de James elle s’agrippe, aimante son regard à son profil contrarié. La tension est si poignante qu’elle la visualise comme une onde qui viendrait recouvrir l’intégralité de son corps aux angles incisifs. « Faut pas le toucher comme ça. » La phrase de Gregory devient comme un leitmotiv dans son esprit, s’imprime dans ses idées en lettres capitales. Faut pas le toucher comme ça. Pourquoi ? Pourquoi cela ? Dans quelles brutalités s’est-il enlisé pour abjurer désormais la moindre des offenses ?  Eleah reste mutique le temps d’un souffle, se promettant d’y songer plus tard. Et puis l’instinct reprend ses droits, et l’idée qu’il faut d’urgence assouplir les tonalités des conversations.

Sans être totalement désarmée par la réponse de Jason, et cet « avertissement » qu’il lui fait de son « comparse » d’un soir, elle a furtivement cette expression interdite qui laisse à penser qu’elle ne s’y attendait pas totalement. Une telle noirceur. En est-il réellement capable ? Est-il celui que le videur taciturne décrit si bien ? Est-ce là un pan de toute la transparence dont il fait preuve au sujet de son être ? L’idée ne peut néanmoins pas entacher son humeur. « Oh t’en fais pas pour moi. J’suis une grande fille. J’ai conscience des conséquences des risques que je suis prête à prendre. » A la dérobée, sans trop savoir pourquoi, elle offre un clin d’œil à James, presque complice. Un morceau plus sympathique passe en fond sonore. Ce n’est pas encore la crème de la crème mais c’est suffisant pour lui insuffler l’envie irrépressible de danser. Dans son sillage elle les entraîne tour à tour, se fait meneuse d’un groupe aux caractères éclectiques dans une foule d’anonymes. Ses doigts s’arriment dans un premier temps à ceux de Grégory pour le guider dans son ivresse, jusqu’à ce qu’ils se voient tous enveloppés, disparaissant dans la frénésie de l’instant. Danseuse solitaire dans les premiers temps, Eleah ne regarde même pas les corps qui s’agitent autour du sien. Avec lenteur/langueur elle se glisse, dans l’habit qu’elle revêt le mieux. Ses pas bruissent, ses hanches roulent au rythme alangui du répertoire des Spectrum qu’ils ont décidé de passer par intermittence. Ses doigts dessinent des arabesques dans l’air. Ses paupières se ferment, profitent : il n’y a plus personne, les seules matérialités qui demeurent sont la musique, et son corps qui entre en collision avec cette dernière pour mieux en suivre les contours par la suite.

Un rire lui échappe lorsqu’elle rouvre les yeux. Gregory danse à quelques pas de là. Une danse étrange, hilare, en contretemps de toute réalité. Il est drôle à regarder. Naturellement elle rit, sentant des mèches éparses s’échapper de son chignon qui n’en est plus vraiment un. Son corps n’a plus besoin de s’échauffer : il brûle déjà, trépignant d’impatience sans jamais pourtant jurer avec le tempo imposé par la musique. Elle ferme les yeux de nouveau, ressent une présence, juste dans son dos. Ses doigts s’agrippent à la main qui vient de se lover contre sa hanche. Eleah ne s’interrompt pas, tout au contraire, sa colonne vertébrale se déploie contre son torse. Tout son corps, ondoyant à l’unisson du sien, s’emploie à le guider sur les sentiers qu’elle connaît par cœur pour en avoir emprunté et appris tous les sillages. Sa réalité se referme autour de lui. Il est un peu raide, elle le sent. Sursaut de conscience qu’il refuse de lui abandonner. De cette viscérale tension dont il était essentiellement composé, tout à l’heure, et dont il ne s’est pas encore affranchi. Ses poignets tournoient, aucune articulation n’est délaissée. Les doigts jouent, traçant des arabesques aériennes, dessinant les notes invisibles du morceau qui continue de s’imposer. Un sourire vient se dessiner sur ses traits alors qu’elle perçoit ce qu’il vient d’énoncer. Ce désir qu’elle a aussi. Cette curiosité insatiable, de voir jusqu’où ils pourraient aller, ensemble. La collision de leurs deux vérités. Elle a eu cette envie-là presque tout de suite, elle aussi. Mais elle ne peut s’empêcher de jouer. Encore un peu. Juste assez.

« Pourquoi pas … » glisse-t-elle, à la dérobée, avant de pivoter sur elle-même. La brûlure dans son corps devient plus grande, l’envie de l’entraîner plus encore, qu’il voit ce que c’est, réellement, faire corps avec la musique, disparaître en elle. « Convaincs-moi. » Elle hausse un sourcil, espiègle, ses airs mutins complétant la sensualité de son corps qui s’est rapproché du sien. Ses hanches rejoignent les siennes, l’une de ses paumes se glisse sur le bas de son dos, se pose, s’impose. Les doigts de sa main vacante cherchent les siens, s’y entremêlent, guidant son bras en même temps que tout le reste de son corps. « Ferme les yeux. Fais corps avec la musique … » Ses hanches impriment un mouvement vers l’avant pour elle, et vers l’arrière pour lui. Les tensions s’assouplissent, deviennent diffuses. Sa peau brûle d’impatience, alors que sa main dans son dos le guide au travers d’un balancement délicat. « Fais corps avec moi. Comme s’il n’y avait plus rien. Plus rien à part la musique. Ton corps. Le mien. L’hybride des trois ensemble … » continue-t-elle de murmurer, avec toujours cette expression lumineuse, plus naturelle aussi. Parce que la danse, c’est ce qu’elle est. Dans son corps. Dans son âme. Dans tout ce qu’elle a de réalité, sculpturale, et transcendée. Sa musique à lui. Sa chorégraphie à elle. Oui elle est curieuse de savoir ce que cela pourrait donner. Mais ce qu'il ignore encore, c'est que ce n'est pas au travers de son corps qu'elle s'exprimera. Eleah n'apparaît jamais dans les clips qu'elle contribue à composer. Elle chorégraphie, met en scène, mais ne s'incarne jamais. Pas sur ces supports-là en tout cas. Elle se réserve pour les planches, les illusoires représentations qui ne sont jamais, ou très peu filmées. Mais les groupes à succès, cela, c'est autre chose. Une toute autre chose, oui.



« Prop me up, before I black out »
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James M. Wilde
James M. Wilde
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() message posté Dim 4 Mar 2018 - 23:49 par James M. Wilde


« Fall down, learn when to count it out
Prop me up, before I black out
Withdraw before you're out of time
Clean slate and buried war crimes

You've been bitten by
A true believer
You've been bitten by
Someone who's hungrier than you »

Eleah
& James




La vérité se fond dans les cris tus, à l'intérieur. Ça ne sera donc jamais assez ? Jamais assez James ? Jamais assez pour ma nature, mes envies, et mon besoin d'aller chercher ce que ces êtres que je frôle conservent avec la jalousie de leurs mensonges de façade. Jamais assez. Non. Jamais assez. L'absolu de ce qui est cru, mis à nu, déparé devant mes yeux pour que je puisse voir enfin, ce que moi-même je me plais à distiller avec l'ivresse de tous mes sens, pour tout arracher ensuite. Et atteindre. Et blesser. Et me repaître de ce qui est si fragile, esquissé dans un souffle, avoué sans mot, abdiqué dans un regard. Abandonné dans un baiser. Asservi dans une étreinte. Mais j'ai bien trop pris, bien trop pris, bien trop exigé jusqu'à ne plus pouvoir rien saisir sans trembler... Je me méfie de mes passions, tente de les charmer dans la jovialité d'un instant partagé, qui ne sera ni un rapt, ni une offense. Et mes sourires brisés, par milliers. Pour elle. Pour elle seule, ce soir, car elle a su les faire naître. Dans le noir, elle a su me voir, et venir me chercher. La lumière me fait papillonner des paupières, les ombres délaissent mon épiderme à regret, pourtant en moi, rien ne s'insurge plus, je lui confie même très aisément ce que j'aurais bien été incapable de dire il y a une semaine. Les démons ont été assouvis, ils sommeillent, alanguis, dessinés dans des postures léthargiques au fond de mes iris changeants. Je la laisse approcher, les questions pleuvent, sa nature est aussi avide que la mienne, mais d'une toute autre manière, car elle n'affirme pas pour dévoiler, non... Elle demande juste des réponses. Alors incapable de jouer un autre rôle que celui qui me reste, je lui réponds. Je lui réponds avec toute cette transparence qu'elle a su excaver de mon personnage. Et je l'entends... Je l'entends, cette âme torturée qui me connaissait par coeur, quand je me plaisais à aller étreindre d'autres corps que le sien et qu'elle souffrait de l'absence. La plus cruelle des absences, celle qui était le prix de ma liberté : Tu ne comprends pas. Tu ne comprends pas. Tu crois que tu ne donnes rien, à toutes ces autres que moi. Mais c'est tout le contraire, James. C'est tout le contraire. Tu donnes bien trop. Trop... Jusqu'à me sentir trahi par cette chair, palpitante, décharnée, offerte aux autres qui hurlent d'horreur à trop la regarder. Mon souffle est ténu et dans ses grands yeux ouverts, je ne cache pas la peine immense que je m'inflige à trop balancer mon être en pâture à tous les fauves que je croise :
_ Chaque minute, chaque seconde. C'est être ciselé par un regard, et ne pas supporter ce que l'on y abandonnera. Et toi, qu'en feras-tu, hein ? Qu'en feras-tu ?
Je ne la laisse même pas répondre, j'ajoute un sombre :
_ Qu'importe... Ça vaudra toutes les peines.
L'ivresse des mots, l'alcool qui élance mon sang dans mes veines, mon coeur qui palpite bien plus que depuis que j'ai pénétré ce lieu de perdition. J'ai quitté l'hermitage de ma honte pour mieux me perdre ici, mais avec sa main menue, et l'indocilité de son caractère qui cherche, fouille, et dévore, je ne suis pas si déçu de m'être oublié à respecter la piètre promesse faite aux garçons et à la prod. Les images de la nuit défilent, toutes peintes en sensations débridées, et je les accueille toutes, sans imaginer une seule seconde repousser le trouble qui m'assaille, de plus en plus, au fur et à mesure qu'elles me gangrènent. J'accepte un lien mis au passé, je ne peux pas gommer ce que mon esprit a cru bon de conserver jusqu'à ce jour. Mais il y a dans son visage, comme une fêlure à trop appeler ce qui fut, comme par crainte de perdre le présent à l'imparfait de ce qui est déjà échu. Je laisse donc les souvenirs s'envoler le long de sa remarque détachée. Sans doute, l'ivresse d'une nuit, comme tant d'autres. Tant d'autres. Sauf que les autres ne reviennent plus jamais habiter mes prunelles et les faire briller. J'inspire son parfum, vole la fragrance et murmure, faussement docile :
_ Si tu le dis, ma belle...

Mais les démons assoupis rouvrent leurs yeux carmins, baignés dans l'horreur, aveuglés par une colère trop profonde pour être si facilement repoussée l'espace d'une nuit. Un instant, le masque creuse de nouveaux traits, toujours les miens, mais dans cette brutalité qui parcourt mes muscles et les noue dans une stupeur que je ne peux dissimuler. Elle me voit, elle lève ses yeux vers mon profil et je me force à étreindre plus gentiment sa main. Je suis là. Je suis là. Je vais revenir, ne t'en fais pas. Greg trahit l'air de rien l'inacceptable, cette peur de l'entrave qui fait que l'on m'apprivoise avec soin, et qu'une main sur l'épaule que je ne pourrais avoir anticipée peut devenir soudainement l'éclosion d'un sursaut maladif. Elle est si absente, quelque chose en moi s'étiole, j'aimerais ne pas lui avoir fait peur. Je ne veux plus effrayer qui je souhaite approcher. Tu me dégoûtes ! Tu me dégoûtes. Les cris, dans la pâleur du teint, je déglutis si lentement et remercie tous les facteurs indiscrets qui permettent à la situation de se désamorcer. Encore un peu stressé, je réponds à son clin d'oeil en lui lançant, plein de ce défi acidulé qui relance nos dialogues depuis que nous nous sommes entrechoqués :
_ Fais attention à ce que tu promets.
La musique pulse tout autour, des sons que je m'approprie avant de les laisser m'envahir. L'étrangeté d'une composition d'un autre vient caresser toutes celles qui me constituent, et perdu dans les échos du drame qui m'étrangle depuis que le hipster m'a provoqué, je les laisse s'affadir quand mes oreilles s'emplissent du son des basses, suivent les remous de mon sang, et les tremblements de mes muscles. Elle ressent ma présence, je n'hésite même pas une seule seconde avant de la lui imposer, et il n'y a chez elle, pas un rejet qui trahirait l'offense. Elle m'accepte aussitôt, corps invité, devenu ami du sien, ils se rejoignent et se retrouvent, connaissances intimes, lointains cousins d'un plaisir partagé. Deux bêtes apprivoisées qui conservent leurs sauvageries naturelles, domptées le temps du numéro qui les enchaîne. Un. Deux. Je suis là. Et toi aussi. Deux. Un. Je disparais. Je ne te manquerai pas. Je crois. Je crois. Elle ondule, figure aérienne et gracieuse dans un accord parfait contre toutes les lignes brisées de mon corps. Des courbes. Des droites. La rencontre d'une jonction, l'ensemble d'une géométrie compliquée. Un point. Retour arrière, désunion de nos formes. Le temps de la regarder, prendre le recul de la voir, dans cette liberté sans censure, qui joint ses mains dans des dessins éthérés, à la sensualité exacerbée. Ma tension s'oublie dans les notes de son corps, la musique me cueille, à l'estomac. Ça brûle, ça chatouille, ça me corrompt, c'est agréable. Ça n'est ni dangereux, ni malvenu. C'est un feu que j'accueille volontiers, au moment même où ma proposition quitte mes lèvres. Invincible. L'envie qui caresse ma langue, les syllabes qui s'échauffent, ce que j'offre ne se drape d'aucune retenue, c'est mon corps qui revient frôler le sien quand je l'invite à prolonger la danse de nos retrouvailles improvisées. La création qui crépite, au bout des doigts, dès qu'elle les touche, dans la pulsion des sens, imaginer ce qui peut se trouver dans sa tête, imaginer ma musique l'envahir, s'enchaîner à elle quelques instants seulement pour accoucher de la fusion de deux univers si contraires. Pourtant si proches quand elle joue comme ça. Mon sourire est félin, mes mains suivent la courbe de son dos quand elle cherche à m'envouter. La brûlure devient brasier, mes envies ont un prix, l'abandon quémandé cajole ma tête et l'emplit d'une lourdeur bourdonnante, presque suave. Ses mots en kyrielle, des notes et des idées, mes pensées par millier, le lâcher prise en pacte de nos destinées reliées. Elle est partout, tout autour, à l'intérieur, les murmures contre la peau, ses doigts sur le cuir de la veste, qui crisse quand les muscles s'assouplissent, impose son pouvoir sur mon corps fasciné. Rôles inversés. Ce pouvoir toujours imposé à d'autres, la manipulation de l'épiderme vicié par l'indécence, je le laisse s'infiltrer par les pores de ma peau, fouiller les noirceurs, en arracher les frémissements iniques. Ce qu'elle cherche, ce qu'elle demande, ce qu'elle exige. J'abjure ma maîtrise qui me sclérose, j'abandonne mes armes émoussées, plus de barrière à opposer, plus rien qui ne me permette d'échapper quand je ne veux pas soumettre. Je dompte les instincts de fuite. J'ôte de mes peurs tremblantes les cliquetis des chaînes. J'attends l'absolu d'un lien qui me transcende, m'arrachera à l'aigreur, façonnera mes ombres pour les excaver et en dévoiler toutes les sonorités. Une palettes aux couleurs de toutes mes nuits grandes ouvertes, mes yeux qui tombent sur elle pour venir l'interroger. C'est donc ce que tu veux hein ? Toute petite et si exigeante. Le coût immense. Celui d'une seconde qui revêt les atours d'une éternité. Je la regarde. Je la regarde longuement. Puis... J'abandonne, je ne suis pas venu combattre. Je ne suis pas venu gagner. Je crois que je suis venu perdre quelque chose tout au contraire, dans la splendeur d'une rencontre inconvenante, que je n'ai pas une seule seconde présagée. Je ne dis plus rien, mais je ressens tout. Mes prunelles se dilatent, je la laisse pénétrer mon univers, sentir les fers déchirer mon essence, la lui rendre palpable, contre elle, dans une harmonie presque païenne, de corps, d'esprit. Mes hanches qui suivent les siennes au lieu d'user de la domination pour la ployer, mes mains qui l'accompagnent plutôt que de la retenir contre son gré, les doigts entremêlés pour mieux graver un serment trop mutique pour exister. Je ferme les yeux. Pas parce qu'elle me le demande, mais parce que je savoure tout ce qu'elle offre à cet instant, et que je donne tout ce qu'elle cherche à prendre. La brûlure à l'intérieur rencontre ma peau à chaque fois qu'elle la frôle, elle se consume aussi, dans le secret de notre danse presque impudique désormais, les notes enchaînées à la palpitation de mon coeur contre elle. Je la vois. Je la vois. Sa musique, me traverser, me ravager dans une fièvre qui fait rouler cette passion qui sait créer. Et détruire. Tout cela ensemble. Ses murmures sont des paroles qui viennent perler sur mon front d'autres après. Composition insensée d'une nuit trouble, remise au présent d'un enlacement au rythme de la danse. Oui. Plus rien. Plus rien. Plus rien qui puisse m'arracher à cette renaissance. Ce qui défile contre mes paupières closes est exquis, quand je rouvre les yeux, mon désir dévale jusqu'à elle toute ses mélopées. La saccade du souffle, la résurgence de mon appel, je la serre contre moi, pour que ses courbes rencontrent mes lignes une dernière fois. Une dernière fois avant que la nuit ne nous sépare, et que l'incertitude des lendemains ne revienne nous fourvoyer :
_ Imagine. Imagine, Eleah. Ta créativité...
C'est mon corps qui revient la chercher, l'ondulation d'une union que je crève de consommer, mais mon esprit quémande d'abord la promesse qui délivrera l'harmonie à peine éclose :
_ Chaque accord porté dans les muscles, glissé contre la peau qui s'offre.
Ma bouche frôle sa tempe, les cheveux qui caressent mon nez, mes doigts qui marquent un instant la chair de son dos pour mieux le délivrer contre moi quand j'infléchis un mouvement vers elle, comme pour la cueillir, avant de la laisser de nouveau reprendre son emprise, rétablissant notre équilibre :
_ Plus rien. Et pourtant tout. Je sais que tu en as envie...
Mon appel est tout sauf professionnel à cet instant-là, il est gravé dans la peau qu'elle transcende, il est fiché dans ma tête qui dresse le champ de bataille de la tourmente de mon inspiration emprisonnée. Plus rien. Et pourtant tout. Tout.
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() message posté Lun 5 Mar 2018 - 18:29 par Invité
james & eleah
Et toi, qu’en feras-tu ? Cela résonne dans sa tête, fait pulser le sang plus fort contre ses tempes, l’abrutie presque sur le coup. Eleah ne répond pas. Qu’en fera-t-elle ? L’intimité partagée, même le temps d’un échange de souffles rauques et de caresse légère, les a déjà forcés à abandonner quelque chose. Ils ne savent plus exactement quoi. Ils ont oublié. Le fragment est là, quelque part, dans le camaïeu des couleurs peintes par leurs deux consciences. Il a raison. Dans chaque rencontre, il y a cet infime morceau qui se cisèle avant de se détacher pour être confié à l’autre. L’âme est un puzzle immense dont certains détiennent plus de pièces que d’autres, et peuvent de fait peut-être deviner l’image à reconstruire, celle qui se cache derrière, celle plus timorée, qui peine à se montrer. Eleah ne dit rien, fait l’innocente, la frivolité pour toute parure. Elle se raccroche à l’idée qu’il y croit, lui aussi, à tout ce scintillement, à ce déferlement de jolis sourires pour dissimuler la fêlure immense. Mais il a vu quelque chose. Il prétend s’en souvenir. Elle n’est pas persuadée qu’il dise la vérité. Le doute demeure pourtant, la laissant incertaine quant à la conduite qu’elle se doit de tenir, si prompte qu’elle est à fuir tous les dangers. Mais l’idée de la collision revient. Et la curiosité, elle, devient plus grande et plus irrépressible que toutes les peurs susceptibles de la tarauder. Qu’en feras-tu, Eleah ? Que feras-tu de ce fragment offert, et de ce qu’il a bien voulu te donner ? T’en empareras-tu pour le déchiqueter, lui aussi ? Ou le conserveras-tu comme le plus précieux des trésors sur lesquels il t’a été donné de veiller ?

La légèreté a regagné du terrain. Elle y croit désormais, et son humeur taciturne retrouve des couleurs. L’esprit n’est plus alangui par la crainte, mais vif, à l’affut de tout ce dont elle pourrait se nourrir. Il y a dans la désinvolture qu’elle arbore un soupçon d’innocence et de naïveté. Eleah entend à peine la remarque préventive dont James la tance. Elle croit en quelque chose. Elle ne sait pas encore quoi, mais elle y quoi dur comme fer. Et cette croyance illusoire lui donne la force invisible de retrouver sa jovialité naturelle. Un haussement d’épaule, déjà elle emboîte le pas, arpente les sillages inconnus de la boîte aux milles et un corps ensorcelés par la musique et l’alcool. Une chaleur diffuse monte peu à peu dans ses chairs, conjuguée à une excitation nouvelle, proche de la bouffée d’adrénaline. Il y a dans la profusion des silhouettes qui s’enjoignent sur la piste de danse une sorte d’impression de resserrement, d’enfermement, mais aussi de cohésion de groupe qui lui plaît autant qu’elle déteste les barrières que cela lui impose. Pas ce soir. Ce soir tout doit être délicat, empreint d’une suavité comme elle les aime. L’oppression oui, mais pas ce soir, où elle veut vibrer, sentir, éprouver. La musique ruissèle sur son corps, s’imprègne par chaque pore de la peau. Plus efficace que toutes les drogues, plus rapide encore que l’effet de l’alcool lorsqu’il se répand dans le sang chaud, on pourrait croire qu’elle est ivre. Mais il y a dans la méticulosité de ses gestes quelque chose qui trahit, justement, la lucidité dans laquelle elle se trouve. L’abandon est quasi-total. Sa bulle se referme, autour d’elle, autour d’eux lorsqu’il la rejoint, être aux courbes et alignements étranges, qui jurent avec les siens, et que d’emblée elle s’emploie à modeler à son image.

Le rythme s’alanguit, s’accélère, se fait en contretemps. Il est là, partout, suivant les lignes dont elle trace les premières courbures pour qu’il puisse venir parachever le geste, et créer l’esquisse. Un. Deux. Trois. La voix aux intonations graves du chanteur des Spectrum se révèle dans tout ce qui a su la fasciner. C’est surtout lui qui a su la convaincre. Lui. Son univers. Sa bulle. Quand elle l’a entendu chanter, elle l’a tout de suite vue : la mélodie d’un corps sur les accords troublants de sa voix d’homme, alors qu’il ressemble à un enfant, parfois. L’univers que James arpente lui est encore inconnu, alors pour l’heure elle se contente de l’homme, emprisonne du bout de ses doigts les arrogances de sa nature pour les ployer à sa volonté pure. L’entraîner, mutine, sur les sentiers de sa réalité toute différente, transcendée par une sensualité unique qui s’emploie à réveiller chaque fibre du corps, des plus délicates aux plus triviales. C’est lorsque les barrières entre beauté intouchable et désir abrupte sont brouillées que la magie opère, que l’on sait que la danse de deux corps distincts fonctionne, que les partenaires se sont trouvés, enfin. Alors elle le cherche, fomente un complot contre la raideur de sa nuque, contre les tensions de ses doigts qui se sont raccrochés aux siens plus tôt, y indexant leur fureur muselée. Elle veut la fureur. Elle veut la colère. Elle veut toutes les émotions dont il est capable pour s’en abreuver, les sentir toute palpable contre ce corps qui semble étouffer de ne pas exprimer. Libérer les chaînes, détacher tout ce qui le retient, à tous ces liens qui le maintiennent encore, et dont pourtant elle ne sait rien. Sans peur, sans pudeur, elle prend les choses en main, arpente l’os de la hanche de ses doigts fin. Moins abrupte, intime-t-elle sans mot dire. Plus souple, plus lent. Imaginer que les articulations glissent les unes contre les autres comme deux corps qui s’apprivoisent et s’imbriquent pour la première fois. Voir son propre corps, dans chaque mouvement qu’il exécute, comme l’amant incertain et inexpérimenté qui ne sait de quelle façon il subjuguera sa promise. Avec lenteur, il comprend les mécaniques, tandis qu’elle continue de lui insuffler les gestes. L’harmonie qui les relie n’a plus rien de pudique, la danse revêt des atours d’une sensualité presque équivoque. Mais il n’y a personne pour les voir, personne pour les regarder. Personne car Eleah sent la bulle de son univers les enfermer en elle, les dissimuler aux yeux curieux, indiscrets. La vérité étant que cela lui est égal, que rien ne vaut la perspective de l’émotion éprouvée. Rien, et surtout pas les jugements d’inconnus alcoolisés, qui ne voient rien, qui se contentent de consommer, encore, et encore, et encore.

Le cœur palpite plus fort contre sa cage thoracique. Le souffle alanguit, saccadé, réchauffé par les élans impérieux de son corps qu’elle tente tout de même de museler. De le sentir obtempérer, de voir qu’il la laisse prendre le pas sur lui et le guider insuffle une curiosité toute nouvelle dans son esprit. Elle s’enhardit, devient plus féline. Il la serre encore. Plus qu’il n’est possible. Chaque parcelle de son ventre se modèle contre le sien, la morsure de la veste en cuir sur sa peau découverte chaque fois qu’elle lève les bras vers le ciel. Ses doigts remontent le long des côtes, s’arriment à une épaule avant de s’agripper à la tiédeur de la nuque. Elle y exerce une légèrement pression, renoue avec des sensations déjà connues. La texture de sa peau, celle si fine, juste dans le creux du cou. Elle l’avait oubliée, elle aussi. Elle se souvient désormais. De tout. De la ferveur dont il capable autant que des délicatesses troublantes. Des impérieux élans qui n’en sont que plus grisants lorsqu’ils s’abandonnent. Une chaleur toute différente s’éprend de son ventre, à mi-chemin entre le désir foudroyant, douloureux, et l’incertitude absolue. Rien ne peut brider alors les élans profonds de sa nature. Il murmure, elle imagine. Tout palpite et vacille autour d’eux, dans sa tête, dans son corps, alors elle s’agrippe plus encore, sans jamais jurer avec le tempo parfois changeant du morceau qui continue de créer la symbiose. Ses paupières jusqu’alors closes se rouvrent sur son image, la conscience de son corps est totale, presque intrusive. Son petit nez se lèvent légèrement pour le regarder, observer les angles de ce visage qu’elle connaît pourtant, mais qu’il lui semble redécouvrir pour la première fois. Il s’infléchit, amorce un mouvement dans sa direction. Moment idéal, moment de perfection où elle choisit, joueuse, brûlante, inconsciente, de se courber dans le sens inverse, ployant l’échine, étirant avec délicatesse la nuque vers l’arrière, comme si elle tombait au ralenti et qu’un fil invisible ténu s’arc-boutait lentement entre son nombril et le bas de son menton. Puis elle se redresse, lèvres entre-ouverte, venant boire ses idéaux au plus proche de sa bouche en laissant quasiment son front frôler le sien.

« Prouve-moi que ta musique en vaut la peine. » Elle lève un sourcil, son bras replié désormais derrière sa nuque pour la maintenir à sa hauteur, ses pieds surélevés sur les pointes. « Convaincs-moi, et ma créativité sera toute à toi. » Un sourire étire ses lèvres, des fossettes se creusent sur ses joues rosies par la chaleur qui s’émane de la pièce et de leurs deux corps. Un soupçon de désinvolture et une lueur de défis s’installent dans l’expression qu’elle arbore. Elle surélève le menton, imprime un regard appuyé dans le sien. « Dis-moi James, crois-tu que tu seras à la hauteur ? » joue-t-elle, sa canine venant pincer l’intérieur de sa lèvre inférieure, prenant un plaisir confus/diffus à le tester, à voir jusqu’où il serait prêt à aller.




« Prop me up, before I black out »
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James M. Wilde
James M. Wilde
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() message posté Lun 5 Mar 2018 - 20:52 par James M. Wilde


« Fall down, learn when to count it out
Prop me up, before I black out
Withdraw before you're out of time
Clean slate and buried war crimes

You've been bitten by
A true believer
You've been bitten by
Someone who's hungrier than you »

Eleah
& James




Et sur tous les espaces à conquérir, le voile levé, devant mes yeux aveuglés. Je ne sais plus où regarder, ses mains, ses courbes, les lignes de ses gestes parfaits. Les filigranes de ses sortilèges. Ni comment ressentir tant elle me dépare de mes tensions, laisse mon corps abandonné contre le sien, les combats intérieurs mués en un plaisir exacerbé, penché sur elle, au fond des yeux, du bout des lèvres. La bouche entrouverte, tous les discours que j'aimerais verser dans son sein pour la faire taire. Mais je ne peux pas. Je ne peux pas. Pire encore, je ne veux pas. Le pouvoir que je lui laisse dessiner contre moi est d'un goût sans pareil, sirupeux sur la langue, acide dans la gorge, dévorant dans le ventre. En la laissant m'emmener, c'est une part de moi que je retrouve, dans le creux de ses gestes, dans les faux semblants de ses sourires à l'arrogance mutine. Contre sa ténacité caressante, j'apprends de nouveau la passion en déferlante de mes pensées, les couleurs sont trop vives, indomptables, mon coeur frôle la tachycardie à les laisser se déposer dans les secrets d'un corps qui s'est tellement blessé qu'il ne sait plus comment goûter à un plaisir offert, délicatement déposé sur la peau. Elle s'enflamme, quémande en se soulevant de frissons, par vagues inaltérables, la délivrance que je me refuse pourtant. La dureté d'un désir, la lueur d'un défi pour l'assouvir, je mords dedans, préfère les feux déchaînés d'une sensation qui crève de s'échapper, verrouillée par mon souffle en saccade de mes remords diffus. Des hontes qui succèdent aux envies exacerbées par ses mots. Ai-je le droit ? Ai-je le droit ? Puis-je m'accorder la trêve dans l'absolu de mes harmonies, ensevelies dans l'écrin de son corps ? Son corps en récompense d'une attente pleine de promesses, qu'elle grave sur son front presque hautain, à me tancer pour que je dévoile les atouts que j'ai toujours crus ne pas avoir à déposer. Ma main se fige, appuie le creux des reins pour que le mouvement de nos deux corps enchaînés lui fasse goûter la ferveur que je porte pour le jeu qu'elle élance, son souffle enroulé à ma respiration. J'inspire les mots, j'avale tous les défis, mutique d'abord, mes hanches bougent dans la menace d'un dernier mouvement quand la musique change pour laisser place à d'autres danses qui ne nous concernent guère. Nous sommes là, sur pause, dans la sensualité de nos silhouettes embrassées, à nous jauger mutuellement, dans le bruit qui me rend aphone. Le monde déroule tout autour ses exactions, mouvements triviaux, baisers volés, éclats de voix trop brutaux pour être analysés. Je penche le visage sur le côté, comme si je m'apprêtais à l'embrasser, mais je demeure à quelques millimètres de ses lèvres insolentes. Je me souviens de leur goût. Je me souviens de tout. De tout ce qui compte, de tout ce que j'ai su trouver dans l'erreur d'une rencontre emmenée par le hasard. La tentation palpite au fond de mes prunelles, je laisse le feu m'éreinter mais je refuse de me consumer, mon murmure roule la certitude que j'arbore le long de mon sourire en coin :
_ Regarde-moi bien, Eleah...
La brûlure d'une croyance qui renaît, c'est une saccade de mes sens, l'hérésie de ma survie usurpée. Dans mes iris défilent tous les outrages qui furent, qui sont, qui seront sans doute, nature débridée qu'elle a su fouailler comme le reste, le long d'une danse où elle a été entière maîtresse de mes pas. Des pas qu'elle devra suivre la prochaine fois, si les étincelles qui la transcendent sont dignes de souffler l'incendie d'une collaboration :
_ Demain. 21h40. L'entrée du Studio 1 de Oaks Production donne sur le parking. La porte sera grande ouverte.

Je caresse sa joue du bout de mes doigts comme pour graver son expression dans ma mémoire, avant de délier mon étreinte pour que nous reprenions la sobriété de deux corps désunis. J'ai presque froid, et l'envie... L'envie d'elle me dévore, me laissant la ferveur dans les yeux, la gorge sèche, la faim dans l'âme. Retenir tous les élans est d'une torture exquise, ma peau en empreinte de la sienne relève des souvenirs éteints, peint notre nuit d'alors dans une matérialité qui m'enchante, me donne l'impression de la déshabiller dès que je la regarde. J'entends Greg tituber dans des rires cassés de fatigue, il est temps de rentrer. Quand je passe à côté de son épaule, la frôlant à dessein, je m'aperçois que nos mains s'entremêlent encore. J'y couche une dernière pression, palpite un appel qui creuse mes joues, me donne l'allure d'un mauvais garçon qui découche et rapporte avec lui une mémoire emplie de fantaisies débridées. Mon ton est droit, pourtant j'ai peur, une peur atroce, qui me pousse à ne pas renoncer. Bien au contraire, j'ouvre l'abîme devant moi, l'incertitude sous les cotes qui se soulèvent encore de tout ce qu'elle a pu me faire imaginer :
_ Sois à l'heure. Chaque seconde de retard, ce sera la peur de ne pas me valoir, versée dans ta petite carcasse.
Je lâche sa main, brutalement et à regrets, comme si je ne pouvais plus avant la toucher. La frôler encore, ce ne serait que me rendre incapable de la libérer... Et je la veux libre. Libre de rejoindre ce chemin qu'elle a elle-même esquissé, libre de le prolonger. Je farfouille dans la poche intérieure de ma veste jusqu'à trouver mon paquet de cigarettes, et m'allume une clope, me foutant bien du fait que la boîte soit non-fumeurs, comme à peu près chaque lieu digne d'intérêt à Londres. Je mords le filtre, j'inspire une bouffée agressive sur un dernier regard, qui la retient dans la profondeur des ténèbres un instant dévoilés. Puis je tourne les talons, rejoignant mes deux amis, tandis qu'Ellis soutient déjà un Gregory profondément attaqué par l'alcool... Le chemin du retour sera long. Les heures pèsent déjà sur mes épaules de nouveau pleines de cette raideur qu'elle a su avec une facilité très désarmante ôter. Attendre. Attendre et espérer. Pourquoi ai-je eu la fierté de lui proposer l'entrevue au Studio, ce qui signifie que je vais jouer... J'aurais pu lui filer une bande, n'importe quoi sur un support, lui dire d'écouter l'album, par l'Enfer ! Mais ce n'est pas ce qu'elle a demandé. Elle a exigé plus, un abandon supplémentaire, en sa présence, pour se donner le droit de juger l'univers que j'ai consenti à lui ouvrir. Je me demande pourquoi... Je me demande comment... Je n'ai pas posé les mains sur un instrument depuis que je me suis acharné sur ma guitare, dans mon loft, jusqu'à la pulvériser dans ma rage, parce que les sons qui en sortaient étaient discordants, tordus, malhabiles. Mon domaine, à sa merci. Pour mériter de pénétrer le sien. Folie de visionnaires, animaux qui veulent régner sans partage, saurons-nous nous rejoindre sans nous entre-dévorer ? Je secoue la tête, nimbé par la lueur des lampadaires, exténué par ses feux qui ne meurent guère, à l'intérieur, qu'elle a excités à dessein et que j'ai décidé de ne pas étancher pour tous les lui offrir demain. J'ai peur oui. De la laisser entrer. Mes paupières se ferment, Greg balbutie, un poids mort sur mon bras, nous sommes bientôt chez lui. Qu'il ne gerbe pas sur mes chaussures neuves ! Un flash, le rire d'Eleah. Celui d'hier ? Ou d'aujourd'hui ? Je ne sais pas, je ne sais pas. Je pousse mon déchet à l'intérieur, la porte se clôt, mouvement d'une lenteur exécrable, le claquement du loquet. Implacable. Je ne peux plus me détourner, j'ai fait un choix, j'ai bu toute la liqueur de son défi en me souvenant des douceurs de sa langue. 21h40. Je serai là. Prêt à lui offrir ce qu'elle sera capable de consumer. C'est déjà arrivé. C'est déjà arrivé, je le sais. Cette nuit, à Galway. Je l'ai laissée entrer. Je crois qu'en définitive, elle n'est jamais partie. Cette seule pensée m'assaille, me laisse comme un con dans le corridor, arrêté, et je ne sais encore ce que ça signifie. Je ne sais pas. Demain sans doute. Demain sûrement. Je lève les yeux vers la pendule qui émet ses battements invincibles, droit devant moi. Aucune alternative. Dans 17h, je le saurai...
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