AIDAN ◇ Je suis capable du meilleur et du pire, mais dans le pire c'est moi le meilleur

"We follow our dreams and we'll never stop, we follow our hopes and we'll never give up, Until we have found the warmth of the sun." [Twarres - Children of the Sun ♫]

Dans une grande villa de Beverly Hills, vivent Monsieur et Madame Stewart. Monsieur Stewart est un homme d’affaire, un homme de pouvoir surtout. Madame Stewart quant à elle n’a jamais eu à travailler. Autant dire qu’elle ne sait même pas ce que c’est, et pour cause, son mari gagnant plus qu’il n’en faut, elle a donc trouvé une occupation ailleurs, comme la préparation des galas de charité et soirées mondaines en tout genre. Ce genre de soirées permet à Christopher Stewart de rappeler ô combien son entreprise tourne à plein régime et ô combien lui et ses collaborateurs sont, en quelques sortes, les maitres du monde. Son épouse quant à elle trouve sa place auprès de toutes ces dames de compagnie, celles qui comme elle, n’ont pas à travailler, juste à colporter les rumeurs si convoitées de cette classe sociale parfois un peu trop plan-plan, ou un peu trop présomptueuse. Dans cette famille, deux enfants prendront le relais, ou du moins c’est ce qu’espère Christopher. L’avenir de ses fils est déjà tout tracé, pense-t-il. Aidan, l’ainé, suivra une fois en âge de choisir l’université de son choix, l’économie et les affaires internationales. Il travaillera aux côtés de son père pour finalement reprendre le flambeau une fois le moment venu. Thomas, quant à lui ira en fac de commerce, et à eux deux, ils règneront sur cette entreprise. C’était du moins ce que Monsieur Stewart avait prévu.

Aidan et son frère se sont toujours réellement entendus. Autant dire qu’avec le côté strict et dictateur de leur père, ils n’avaient pas trop le choix que de se serrer les coudes. Des deux, l’ainé a toujours été le plus révolté, le plus instable, le plus difficile à gérer pour Monsieur Stewart. Si ce dernier espère beaucoup d’Aidan, la réalité dans la tête de ce garçon à l’époque en est encore loin. Entre père et fils, autant dire que la relation est loin d’être fusionnelle, elle est même plutôt électrique. Aidan ne respecte en rien la réputation de son père et pour ce dernier, si faire n’importe quoi peut entacher l’image de M. Stewart alors il y fonce sans même se retourner. Déjà petit, Aidan avait compris qu’il allait devoir batailler afin d'être bien plus qu’un simple successeur aux yeux de son paternel.


"Turn your magic on, to me she’d say everything you want's a dream away under this pressure, under this weight we are diamonds." [Coldplay - Adventure of a lifetime ♫]

Dès l’âge de six ans, Aidan a commencé les entrainements basiques au foot US. Un sport qu’il aime plus que tout, qui lui permet de se dépenser, de se déchainer et pour lequel il se donne. Il attend avec hâte les entrainements, parce que sur le terrain il sait où il va, il se sent comme un poisson dans l’eau. Son entraineur est fier de lui, de ses performance et croit en son ascension dans ce sport au fur et à mesure du temps, des années. Monsieur Stewart quant à lui, n’approuve guère de voir son fils revenir recouvert de boue de la tête aux pieds. Il se fiche pas mal de savoir que ce dernier est heureux et apaisé de s’être défoulé sur le terrain, de savoir s’il mène bien sa barque, il n’est absolument pas fier de savoir qu’Aidan est épanoui, la seule chose qu’il voit en cette discipline est la brutalité du sport, mais aussi cette manie de revenir après s'être roulé dans la boue. Entre Aidan et son père, c’est toujours ce bras de fer, mais le jeune garçon ne lâche pas l’affaire pour autant, bien que la déception est grande, face au silence perpétuel de sa mère qui n’ose élever la voix et qui se retrouve totalement écrasée par l’exigence de son époux. C’est pourtant une femme aimante, Eliza Stewart. Elle aime ses fils, et elle leur montre parfois, dans le dos de son mari ; Aidan et Thomas le savent et ils font avec, du moins ils essaient.

Lorsque vient le moment de choisir sa faculté, Aidan choisit la médecine. Il aurait pu choisir le sport, mais il n’a pas cette envie de se soumettre à sa passion. Il veut avoir une liberté par rapport au foot US et si son entraineur lui promet un futur glorieux dans ce sport étant donné ses capacités, il n’en est rien dans la tête du jeune homme. Face à la colère de M. Stewart, Aidan reste de marbre. Depuis bien longtemps déjà, il a pris la décision de ne pas laisser son père diriger sa vie, et si ça lui vaut l’amertume de son paternel, il n’en a que faire. Il veut vivre, et vivre librement. Il commence ses études de médecine à Los Angeles. Sa vie étudiante lui permet de vivre cette liberté, et de devenir ce charmeur, ce sorteur mais aussi ce sportif. A côté de ça, il prend ses études à cœur afin de prouver que s’il n’a pas voulu être un homme d’affaire, il serait au moins un bon médecin. Aidan se prend d’affection pour la neurologie, une discipline médicale qui dévoile tous les secrets du cerveau humain, du système nerveux. Une deuxième passion pour le jeune étudiant, entre les filles et le foot US, autant dire que sa vie devient bien remplie, l’écartant de sa famille pour son plus grand bonheur.

A ses vingt-six ans, Aidan quitte Los Angeles, mais aussi sa famille, ses proches et ses habitudes et s’envole pour New-York. Il profite de cette opportunité qu’on lui tend pour y faire son internat ainsi que sa spécialisation en neurochirurgie. Là-bas, autant dire qu’un tout autre rythme l’attend, il sait qu’il doit faire des concessions dans la vie et si autrefois le foot US faisait partie intégrante de sa vie, aujourd’hui il est question de le relayer au second plan. Fini le statut de quarterback, fini les jolies filles qui en veulent pour son sex-appeal et sa réputation, il doit se centrer sur autre chose, sur ce qui devient le plus important dans sa vie : la médecine. Là-bas, il trouve un duplex agréable et spacieux et si de temps en temps il troque des gardes pour des soirées entre collègues et jeunes médecins, jamais il n’accepte que l’un d’entre eux vienne lui ruiner son petit cocon. Son chez lui. A l’hôpital, Aidan se donne du mieux qu’il peut, il se met au service de la neuro, et se découvre une véritable vocation. Il est très bon dans ce qu’il fait, il arrive à se faire un nom au sein de tous ces internes.  De temps en temps il retourne à Beverly Hills, le temps d’un weekend, ne serait-ce que pour prouver à sa mère qu’il va bien et pour montrer à son père qu’il est bon, qu’il a des résultats meilleurs que ce qu’il n’aurait pu espérer en étant un de ces hommes d’affaires désireux de diriger le monde et pourtant, autour de la table familiale c’est une tension palpable. Les piques volent, les sarcasmes dont l’ainé des deux frères a le secret sont glissés, mais surtout cette indifférence à l’égard de sa famille, de son père. Il est là physiquement, mais désormais sa vie et ses pensées sont à New-York.



"We keep this love in a photograph, we made these memories for ourselves where our eyes are never closing ; our hearts were never broken and time's forever frozen, still." [Ed Sheeran - Photograph ♫]

Vers ses vingt-huit ans, autant dire qu’Aidan voit des changements dans sa vie. C’est une nouvelle année, une année qui sera pourtant décisive dans son avenir. Il termine son internat, et si depuis plusieurs années, il a l’impression de ne pas en voir la fin, désormais il sait qu’il touche le bout. Une place lui est proposée au sein de cet hôpital et non sans connaitre ses capacités, mais aussi ce qu’il vaut, Aidan n’hésite pas à faire gonfler l’offre. Peut-être un peu trop sûr de lui, ou bien indispensable, il accepte enfin de signer le contrat avec un salaire supérieur à ce qu’on lui proposait initialement. Selon lui, ça fonctionne comme la théorie de l’offre et la demande, et les négociations sont faites pour ça, à condition de réussir à les manier. Ils étaient perdants, ils n’avaient pas d’autres choix que d’accepter, un vrai coup de poker, selon lui. Ce soir-là, Aidan va fêter ce nouveau tournant avec ses amis. Une soirée branchée, l’alcool coulant à flot, les jolies filles de sortie, il n’en faut pas plus pour rendre la soirée de l'américain plus intéressante. Ce soir-là, il s’oublie totalement dans les bras d’une jolie blonde à l’arrière de sa voiture, totalement ivre sans doute, mais elle aussi. Ils ne contrôlent plus rien et oublient totalement l’instant présent.

Le lendemain, autant dire qu’Aidan n’y pense même plus, à vrai dire il ne connait même pas le prénom de cette fille. Et si elle semble s’accrocher telle une ventouse, lui ne la calcule pas vraiment, il continue son petit bonhomme de chemin, il fait sa vie et mène sa barque comme on lui demande au sein de cet hôpital. A côté de ça, il reste un homme faible face aux courbes des femmes, dépassant parfois les limites du professionnel avec ses collègues, mais jamais avec ses patients. L’éthique prime, sa place de chirurgien aussi. Quelques mois plus tard, il apprend qu’il va être père. Il n’est même plus question d’avortement et le concernant, il ne l’avait absolument pas prévu. Pas maintenant, pas comme ça non plus. Durant cette grossesse, il vit un véritable enfer face à cette fille irresponsable et toxico par-dessus le marché. C’est pas son monde, c’est pas ce qu’il veut mais il tient à assumer les conséquences de ses actes, alors malgré tout il reste là. Elle s’accroche, certes, mais pas lui. Il ne l’aime pas, il ne la désire pas et pourtant il veille. Il veille pas tellement sur elle, mais il veille sur son enfant, il veille à ce qu’elle ne fasse pas n’importe quoi, il veille à ce que pendant cette grossesse, elle diminue considérablement sa dose de drogue, afin de ne pas affecter l’enfant.

Durant la grossesse, Aidan se renseigne sur les mesures qui s’offrent à lui. Elle ne veut pas de cet enfant, elle et ce serait un véritable infanticide de le lui laisser. Il songe de plus en plus à l’adoption, parce que lui-même n’est pas en mesure de s’en occuper. Son travail lui prend tout son temps, et dans sa tête il n’est pas prêt non plus. Cette petite fille sera mieux dans une famille qui l’aime et qui la chérit, mais pas avec lui. Quelques heures après l’accouchement, alors qu’il est de garde ce soir-là, Aidan s’arrête devant la maternité. Tous ces bambins qui gigotent, qui dorment et qui reprennent des forces alors que ca ne fait que quelques heures qu’ils découvrent la vie. Son regard est fixé sur sa fille, à ses yeux elle est la plus belle de toutes et en la regardant, il se rend compte qu’il a bien fait de changer d’avis. Sa fille. Son bébé. Celle qu’il protégera pour le reste de sa vie, celle sur qui il veillera. Sa petite Marylou.

Aidan s’est renseigné avant la naissance de sa fille. Il a fait les démarches pour une reconnaissance anticipée. Il a consulté un avocat, il a cherché à savoir ses droits, il a tout fait pour avoir la garde de sa fille, pour qu’elle vive avec lui, en sécurité et pas avec une véritable toxicomane.



"There's no love like your love and no other could give more love. There's nowhere unless you're there, all the time all the way. Don't tell me it's not worth tryin' for, I can't help it there's nothin' I want more, I would fight for you I'd lie for you, I walk the wire for you, I'd die for you. " [Bryan Adams - I Do It for you ♫]

Depuis plusieurs mois, Aidan élève sa fille comme il peut et avec l’aide d’une nounou. Il est partagé entre son travail et sa fille, et pourtant il la fait passer avant, toujours. Il sait quelles sont ses priorités et pourtant, il arrive à gérer les deux, grâce à Lucinda, sa nounou, mais aussi femme de ménage. Elle lui est précieuse et pour ça, il a un grand respect pour cette dame, il est généreux et il la respecte presque autant que sa propre mère, voir +.  Quant à ses parents, bien entendu il leur a présenté leur petite-fille, mais il n’en demande pas plus. Il n’espère pas qu’un des deux soit présent pour elle, parce qu’il y a Lucinda et avec elle, Marylou est épanouie, plus épanouie qu’avec de parfaits étrangers vivants à l’autre bout du pays. Ca blesse sa mère, il en a conscience, mais il n’oublie pas ce que lui a vécu plus jeune alors qu’elle était totalement transparente. Jamais elle n’a essayé d’arranger quoi que ce soit, jamais elle n’a osé lever la voix plus haut que celle de son mari. A ses vingt-neuf ans, Aidan rencontre cette jeune femme qui deviendra à ses yeux la femme de sa vie. Une rencontre lors d’une soirée où est conviée la jeunesse dorée de New-York. Elle est sublime, intelligente, elle a du caractère et il tombe rapidement sous son charme. Cette femme, il en devient amoureux, accro même, au point de vouloir l’épouser. Victoria se prend d’affection pour Marylou, et réciproquement. Pouvait-il rêver mieux, alors qu’il n’a plus de nouvelle de la mère biologique de sa fille ? Peut-être est-elle morte d’une overdose ? Il n’en sait rien, mais aujourd’hui ça n’a plus d’importance, parce que Victoria prend à cœur son rôle de maman adoptive et il le voit dans les yeux de sa fille, elle est heureuse, elle aussi. Son mariage a été sans doute l’un des plus beaux jours de sa vie, alors qu’il est de loin ce genre d’homme à croire à l’amour avec un grand A. Avec elle il apprend à être un autre homme, un homme aimant, un mari présent et attentionné, un père comblé entre eux il y a les cris, mais de la passion malgré tout. Aux yeux de son père, Victoria est la femme parfaite pour épouser son fils : elle est belle, riche et elle fait partie de ces femmes qui peuvent ont du pouvoir. Oui, aux yeux du père, comme du fils, Victoria est parfaite et Aidan le sait, elle est la femme de sa vie, son plus grand amour et il est prêt à tout pour elle, même à la tromper ...

"II like to think that, we had it all. We drew a map to a better place, but on that road I’m super fall. Baby why did you run away? I was there for you in your darkest times, I was there for you in your darkest nights but I wonder where were you When I was at my worst." [Maroon 5 - Maps ♫]

A trente-et-un an, Aidan a une nouvelle opportunité qui s’offre à lui, mais à Londres. Avec Victoria, ils décident de commencer une nouvelle vie dans cette ville qui le changera totalement de New-York. Neurochirurgien principale dans cet hôpital, avec un salaire bien plus attractif que ce qu’il avait à New-York, ça vaut bien le coup de ce nouveau souffle sur leur vie à New-York. Ils dégotent une maison magnifique et luxueuse à Kensington, de quoi en faire un parfait petit nid douillet. Aidan se sent comme un poisson dans l’eau dans ce nouvel hôpital, dans cette nouvelle vie avec sa fille et sa femme. A nouveau, ils arrivent à allier leur petite famille et leur travail, ils vivent heureux, ils flirtent avec le grand luxe et offrent à Marylou une stabilité qu’on ne peut espérer mieux pour une enfant en bas âge.

En 2016, Aidan apprend qu’il va à nouveau être père, mais cette fois d’une femme qu’il aime, de celle qu’il a épousé. Un enfant conçu avec passion contrairement à Marylou. C’est une nouvelle qui le rend heureux et si avec sa fille, il avait été submergé de questions, il n’en est rien désormais, il est prêt. Cet enfant avec Victoria, il le voulait, il le désirait et il n’aurait pas rêvé mieux. Durant la grossesse de sa femme, Aidan continue son boulot, toujours aussi méticuleux, aussi attentif à ses patients, il rentre parfois tard le soir, ou tôt le matin. Il perd parfois de vue les yeux de Vicky dans lesquels il aime se perdre, mais essaie toujours de se rattraper dès que le repos pointe le bout de son nez. Il essaie de prendre de temps pour aller rechercher Marylou à l’école, alors qu’elle n’a encore que cinq ans, il fait des activités, l’emmène à la danse et n’oublie pas le sport, lui non plus. Tout ça est une question d’organisation, se dit-il. Pourtant, il y a six mois alors que Victoria lui avait demandé de venir la récupérer à la sortie de son travail, Aidan la poussa à rentrer par ses propres moyens. Une urgence, un enfant à opérer et une surcharge de travail plus tard il retrouve sa femme dans un lit d’hôpital, meurtrit par la perte de leur enfant et noyé dans la culpabilité.

Avec le temps, les semaines, Aidan s'éloigne. A ses yeux, leur mariage prend l'eau, ou peut-être est-ce lui qui le laisse prendre l'eau, qui s'éloigne et qui se tourne vers d'autres courbes, celles d'une de ses internes. Elle est pétillante, jeune et elle a cette touche de folie qui ne le laisse pas indifférent. Cette histoire, elle n'a duré que quelques semaines et pourtant, il a l'impression qu'elle l'aide à garder la tête hors de l'eau. Son couple est mort en même temps que leur petit garçon, il en a la certitude et la culpabilité prend le dessus sur le reste à chaque fois que son regard se pose sur Victoria. Jusqu'au jour où en rentrant, il lui annonce clairement qu'il a eu une liaison sans chercher aucune excuse. Ce soir-là, il sait qu'il est le véritable fautif dans cet échec. Un échec amère, indigeste.