"Fermeture" de London Calling
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Guyliner.
Ethan I. Hemsworth
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() message posté Sam 7 Jan 2017 - 2:25 par Ethan I. Hemsworth

JE NE SUIS PAS IVRE, J'ANESTHÉSIE L'ENNUI.

Je ne pouvais pas tenir plus longtemps. Mon appartement ressemblait de plus en plus à une cage, moi, au lion enfermé dedans, tournant en rond sans cesse. Mon téléphone avait sonné. Un nom s’était affiché sur l’écran. Un qui, en temps normal -mais depuis quand mon existence avait-elle cessée d’être ''normale'' pour que je sache encore faire la différence entre ce qui l’était et ce qui ne l’était pas ?- m’aurait décroché un sourire béa. Là, au je grinçais des dents, ne décrochant même pas. Si je le faisais, je risquai de laisser de regrettables paroles s’échapper de ma bouche, encore. Ouais, j’avais peut-être merdé. Mais j’étais sûr de merder encore plus si je prenais l’appel de ma… femme ? Je soupirai en pensant que je ne savais même plus comment je devais appeler la femme ayant partagé plus de dix ans de ma vie. Triste. Foutrement triste. Lamentablement triste. J’aurais pu rester là, à me repasser la scène encore et encore dans ma tête. Ouais, j’ai toujours eu un talent certain pour me torturer l’esprit, autant dire que l’année venant de s’écouler avait raccourci la frontière entre être cérébral et complètement masochisme. Je sentais bien, d’ailleurs, que j’étais à deux doigts de basculer dans une affreuse nuit blanche, terminer ma soirée en me lamentant sur mon sort de plus tout à fait mari mais pas ex-mari encore mais toujours très jaloux quand même, à me battre, ironique et sarcastique -mes armes de prédilection pour me préserver d’un énième élan dramatique- contre un esprit invisible, proférant tout un tas d’insultes salvatrices à l’encontre d’un homme qui n’était même pas là -et tant mieux pour lui !-, l’homme que j’avais vu draguer ouvertement ma femme dans ce foutu café. Ah. Il semble donc qu’elle soit toujours ma femme après tout. Quitte à sortir de cet appartement courant d’air que je peinais à considérer comme mon chez moi même au bout de plusieurs semaines, ça n’aurait pas été une mauvaise idée de me rendre chez un collègue pour une petite séance de psychanalyse improvisée. Parler aurait pu être une initiative productive, à défaut de palpitante. Mais évidemment, ce n’est pas ce que j’ai fait. Je ressentais plutôt l’appel de l’ambre et du houblon que celui de la médecine douce, au point de ne visualiser qu’un bon verre pour me calmer et ne pas passer la nuit entière à ruminer sur l’autre abruti ou à imaginer Amanda sans réponse à l’autre bout du fil. Egoïste, trop furieux pour ressentir de la culpabilité, je ne voulais pas penser à sa propre colère ou à son angoisse de me savoir en rogne quelque part dans la nature. L’alcool tue les inquiétudes, testé et approuvé par le docteur Hemsworth. Ça ne dure qu’un temps, passe après un sale mal de crâne, mais ça soulage. Puis c’était tout ce que j’avais sous la main.

Il fallait bien se rendre à l’évidence, certains sujets restaient tabous. Amanda était peut être un tabou à elle toute seule. Je n’étais décidément pas près à affronter la question d’un avenir l’un sans l’autre, ce malgré une année écoulée sans elle dans ma vie. Devenais-je vraiment fou ? Je marchais vite vers le centre, ne m’arrêtant pas dans les bars de mon quartier pour pouvoir marcher plus longtemps. La fraicheur hivernale me faisait du bien, j’essayais d’en profiter entre deux clignements de cils me renvoyant des brides d’images d’Amanda et l’autre type attablés côte à côte. De son sourire gêné. De sa gueule à lui… Vite. Un bar. Un verre. Que je vire tout ça de ma tête. Les lumières du Queen’s Head m’attirèrent tel un papillon de nuit vers un lampadaire. La chaleur ambiante en pénétrant à l’intérieur me donnait envie de faire comme le papillon, m’y coller jusqu’à ce qu’à ce que la lumière s’éteigne. Ce pub est une institution londonienne, pourtant je n’y ai mis les pieds qu’une fois, préférant habituellement les bars plus tranquille du côté est où je peux camper tranquillement jusqu’à l’aube et dans lesquels je n’ai, accessoirement, plus besoin d’ouvrir la bouche pour que le barman me tende mon verre. Mais c’était pas mal non plus toute l’agitation là-dedans. Je pensais pouvoir me fondre dans la masse quand mes lèvres s’étirèrent jusqu’à mes oreilles d’un sourire enjoué et franc avant même que mon cerveau analyse la silhouette que mes yeux venaient de repérée. Celle d’un géant blond irlandais, de profil, appuyé sur le comptoir la tête perdue dans le fond d’un verre presque vide. Et je pus voir que ce n’était pas son premier. C’était amusant de songer au fait que, d’ordinaire, je serai retourné chez moi. Je faillis faire demi-tour par réflexe. Mais non. Je n’avais aucune obligation. Ni femme ni enfant qui m’attendaient à la maison. Je n’avais même plus de maison. Bizarrement ça me fit sourire, me donnait l’envie d’en profiter, d’entrainer Ean dans une nuit de beuverie sans me sentir coupable que lui contrairement à moi avait une famille et des responsabilités. Au diable. Je me rapprochais du comptoir, fis signe au barman en m’accoudant à côté de mon ami, ne manquant pas de jeter un oeil aux quelques verres vides. Ah. Il avait pris de l’avance. Pas grave, le rattraper ne serait pas un problème. « Deux autres s’il vous plait. » Demandai-je en pointant le verre presque vide de mon voisin. « C’est ma tournée. » J’étais fier, guilleret presque de tomber sur lui ainsi. Je suis sûr que ça se lisait gros sur mon visage. Ouais, il me connaissait assez pour savoir que ma curiosité ne pourrait pas m’empêcher très longtemps de profiter de la situation. Je devais avoir la tête du gamin qui pense déjà à sa future connerie. « Qu’est ce que tu fais là ? Tu trouves les tabourets d’bar plus confortables que le canapé du salon ? » Non, je n’avais pas parlé à Ciara récemment. Non, j’ignorai tout d’une potentielle dispute entre eux. Je le taquinais simplement en sous-entendant qu'elle avait pu le virer de la maison, et qui sait, avec un peu de bol… Un Ean alcoolisé est un Ean bavard.  

EXORDIUM.
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