"Eh, what did you expect?" [Howard/ Maëlle]

« Je suis partie pour aller faire mes études à New-York. Mes parents voulaient me voir étudier la médecine et j’ai refusé. Je suis partie en école de journalisme. Mes parents n’ont jamais été d’accord avec moi pour rien depuis mes treize ans. J’en avais assez de les entendre me dire ce qui était mieux pour moi, alors je suis partie. »

Howard laissa échapper un petit rire espiègle, ce scénario lui faisait grandement penser à quelqu'un. Un British de vingt-six piges sirotant un scotch dans un bar de Londres par exemple !

« Une journaliste ? Tu m'en diras tant ! Ne m'assommes pas avec un de tes talons mais je t'aurais bien vu médecin moi tu vois... ça te plaît ce boulot ? Il parait que c'est un vrai monde de requins ! En tout cas... Je dois avouer que c'est plutôt courageux d'avoir pris une telle décision... Même si j'avoue que ça m'écorche un peu la bouche de le reconnaître ! », plaisanta le fleuriste.

En acceptant un deuxième verre, Maëlle lui demanda de but en blanc pourquoi Howard se sentait effrayé par son Père... C'était comme un coup de point dans l'estomac, et l'image était plutôt bien choisie pour parler de son paternel ! Un frisson désagréable lui parcouru l'échine en repensant à l'époque où la colère dans les mains de son Père venait s'abattre sur son petit corps d'enfant. Il revoyait les poings, les veines apparentes, les bleus, les sourcils froncés, les larmes de sa Mère... Quelque chose se noua au creux de son ventre et il se demanda s'il n'allait pas vomir pour de bon. Le jeune homme avait grandi dans un Manoir sombre rempli de cadavres, de cercueils, et de formol. Il était sorti de l'enfance couvert d'hématomes, fixant le sol, rasant les murs devant l'ombre de son Père, et aujourd'hui, voilà qu'on lui demandait pourquoi il était si terrifié par lui ? Il ne se voyait pas répondre une telle vérité. Pour être honnête, il n'avait jamais parlé de ça à personne, c'est à peine s'il osait se le confesser, c'était trop... Anormal. Trop violent. S'il était si timide et asocial, c'est que son quotidien portait les cicatrices de son enfance, pas besoin d'être Freud pour établir ce tragique bilan ! Aujourd'hui, le simple fait de fixer quelqu'un dans les yeux pouvait poser un gros problème, nul besoin de vous dire à quel point ce traumatisme est handicapant... Il vit tourner son verre de scotch sur le comptoir en faisant bien attention de ne pas rencontrer le regard de la blonde, un peu trop curieuse à son goût.

« Toujours pleine de tact en tout cas ! », plaisanta Howard en se forçant à sourire. Il s'en voulu immédiatement, comme à chaque fois qu'il brandissait une vacherie. La culpabilité faisait également partie du package « bon gros trauma de gosse ». Après tout, Maëlle avait l'air sincère ! Même s'il avait du mal à soutenir son regard, il pouvait le percevoir dans sa voix qui avait presque tendance à vouloir... Le protéger ! De l'inédit !

« Excuse-moi... Disons que... Mon Père n'était pas vraiment... facile à vivre. Il avait une drôle de façon de montrer son affection pour moi... ». Il engloutit une gorgée de whisky un peu trop vite, et il sentit la liqueur brûlante serpenter dans sa gorge jusque dans sa poitrine. Il toussa piteusement, et pour la première fois de sa vie, fixa Maëlle droit dans les yeux. Ce n'était pas un regard de mépris ou un de ceux qui font semblant d'être attentif. Il regardait dans ses yeux comme pour communiquer, simplement parce que les mots devenaient trop durs, trop douloureux. Ses pupilles lançaient discrètement des « S.O.S », elles se mettaient à nues en murmurant « voilà, tu sais tout, ce n'est pas la peine d'épiloguer maintenant. N'en parle pas, je t'en supplie... ».