"Eh, what did you expect?" [Howard/ Maëlle]

L'appartement qu'habitait Howard situé dans un coin d'Hammersmith se remplissait petit à petit de volutes de fumée épaisse. Le jeune homme était affalé de tout son long sur le canapé du salon, un verre de scotch sur la table basse, un joint mal roulé entre les doigts. Il avait mal partout et à vingt-six ans, avait déjà la sensation d'en paraître quarante. Il se redressa en position assise, pris sa tête entre ses paumes, et se massa le front en poussant un râle affligeant. Il jeta ensuite un bref coup d'œil à la pièce embrumée et du plisser les yeux tant l'atmosphère était dense et chargée. Qu'elle heure était-il? Il n'en avait pas la moindre idée et ne voulait pas le savoir, mais il était tard dans la nuit, sans aucun doute à en juger l'éclairage des lampadaires qui ornaient sa rue. Il se leva, bringuebalant, et affronta la douloureuse épreuve du miroir par l'embrasure de la salle de bain. Le reflet dans la glace lui paraissait étranger, il ne se reconnaissait pas. Lui qui débordait d'innocence et de gaieté, son visage portait désormais les stigmates de la souffrance, de la solitude, et de la fatigue. Il soupira longuement, effleura ses joues mal rasées d'un air détaché, et se débarbouilla négligemment le visage. Il avait pitié de lui-même, il fallait qu'il s'active s'il ne voulait pas finir en cendres.
"Allez Howard... Va faire un tour va... ". Il ouvrit une fenêtre pour évacuer l'odeur étouffante qui commençait à prendre racine dans la pièce, et frissonna quand le vent s'engouffra dans la col de son t-shirt. Il lista mentalement les endroits où il pourrait se traîner, et il finit par se convaincre qu'il avait besoin d'un autre Whisky, digne de ce nom !  Il attrapa au vol son long manteau, ses clefs, et sauta dans une paire de chaussures avant de claquer la porte.

Dehors, le froid était caverneux, à moins que ça ne soit que sa propre sensation de solitude qui déformait la réalité. Il redressa son col sur sa gorge et la température de l'air lui fit souffler de la fumée blanche par saccades de deux ou trois. Il fonça tête baissée droit devant lui en direction du métro. Un frisson lui parcouru l'échine et il crispa les épaules en enfonçant davantage ses mains glacées dans les larges poches de son manteau. Soudain, il s'arrêta net. Il leva ses yeux rougis et contempla le paysage qui l'entourait comme il en avait l'habitude avant... Ce n'était certes pas une nuit fabuleusement étoilée comme on en rêve tous, mais cette rue avait tout de même des allures de poésie. Un brin sordide d'accord, mais plaisant quand même! Qu'est-ce qu'il n'aurait pas donné pour voir un peu de neige! Juste quelques flocons danser entre les faibles lueurs des réverbères, un léger tapis immaculé qui crisse sous ses pieds... Howard avait jadis cette capacité de trouver beau chaque lieu qu'il visitait, il trouvait un charme singulier même aux coins les plus lugubres.

Il accéléra le pas, slalomant aussi naturellement que de l'air entre les passants de sortie ce soir. Sa main droite plongea davantage dans sa poche en cherchant activement son porte feuille et sa carte de métro. L'objet convoité enfin dégagé des décombres de ses poches, il sauta dans la première rame en route vers un petit bar dans le nord de Londres, le Barfly.

Devant le petit bar aux allures festives, une banderole lumineuse clignotait faiblement en invitant les clients à entrer en masse. Howard haussa les épaules et poussa la porte d'un air nonchalant. A l'intérieur, l'ambiance était à son comble,  la musique était assourdissante, serpentait sur les murs, et semblait presque faire vibrer le sol. Les gens étaient affalés un peu partout, on discernait des rires gras, factices, et forcés. Au comptoir, des tas de longues jambes gracieuses dépassaient de jupettes étonnamment courtes pour une fraîche nuit de janvier. Sans en détailler davantage, Howard pris place sur un tabouret vide et fit signe au serveur de lui apporter un whisky avec des glaçons, et un dessous de verre. En posant ses lèvres gercées sur le divin nectar, il se senti épié... C'était une sensation désagréable, ses yeux s'orientèrent naturellement vers le regard inquisiteur qui lui brûlait la joue droite. C'était une femme qui le détaillait de haut en bas en envoyant balader le moindre soupçon de subtilité. Elle avait des yeux clairs et une crinière blonde, un air conquérant sur le visage, elle semblait sure d'elle. Elle dominait la place avec son cocktail, ses yeux en amandes, et ses petits pieds gainés dans de superbes escarpins. Howard déglutit et détourna le regard comme une nymphette pudique, mais quelques secondes plus tard, se sentant toujours observé, il confronta de nouveau son regard à celui de l'inconnue. Il n'était pas très bon à ce petit jeu là... Elle était belle pourtant, enfin il imaginait qu'elle l'était vu le nombres de regards affamés qui quémandaient un peu de son attention. Ce qui troublait le plus Howard c'était l'expression sur son visage.. Lui qui était extrêmement physionomiste, il avait la sensation de connaître ses traits.. Comme si... Il fronça les sourcils quand l'inconnue s'avança d'un pas félin vers lui. Elle fit les gros yeux à l'homme tranquillement assit à côté d' Howard, et ce dernier, comme envoûté, laissa docilement sa place.

Maëlle Wayland... Bon sang, c'était donc ça ! Bien sur qu'il se souvenait d'elle, comment l'oublier ? Et très franchement... Ce n'était pas un compliment ! Elle et lui étaient tous petits à l'époque, mais son cerveau se rappelait un peu trop bien de son détestable caractère de petite princesse. Peut-être il l'avait jugée trop vite, peut-être qu'elle n'était plus comme ça, ou même ne l'avait jamais été ! Seulement sa vision d'enfant, et les petites misères de gamines qu'elle lui avait infligé, avaient vraiment blessé Howard. Leurs parents se fréquentaient autrefois, et pour laisser « les grandes personnes » en paix, la logique voulait que leurs progénitures jouent ensemble. Howard, qui de toute sa vie n'avait jamais osé faire le moindre mal à une mouche, sentait sa patience dégringoler en la charmante compagnie de Maëlle Wayland. Pourtant, il se souvenait parfaitement de la toute première fois où il l'avait vue, blottie derrière les jupons de sa mère. Une petite bouille blonde avec des yeux limpides comme de l'eau, des joues tapissées de la plus innocente candeur et... Une langue de vipère ! En la voyant pour la première fois, Howard avait poussé un soupir de soulagement, comme s'il avait vu ses longues heures de solitude s'envoler. Enfin une amie, enfin quelqu'un avec qui jouer, quelqu'un à qui raconter des trucs de gamins, quelqu'un avec qui faire des bêtises qui font criser tous les parents du monde ! Enfin un peu d'aventure en somme... On ne pouvait pas franchement affirmer que se faire tirer ses longs cheveux soigneusement peignés, se faire travestir en fille, ou se faire asséner de coups de pieds, faisaient parti du programme d' Howard ! Quelle petite garce ! Il avait bien essayé d'en toucher un mot à ses parents, mais pour ces derniers, la situation des Wayland semblait bien plus attrayante que les caprices ridicules de leur « pleurnicheur » de gamin. Howard était donc condamné à supporter l'amusement de Maëlle sans même riposter, puisqu'on lu avait toujours apprit à se montrer gentleman, et donc, de respecter la gente féminine ! Seulement aujourd'hui, la pression familiale ne pesait plus tant que ça sur ses épaules, et il était fermement décidé à rendre à Maëlle la monnaie de sa pièce, enfin.... S'il en était capable ! Car quand elle lui proposa de lui payer un verre, leurs yeux se rencontrèrent à nouveau et... Il se sentait soudain pris au piège comme autrefois ! Dans son regard, il y avait néanmoins quelque chose de différent. Bien sur, Maëlle avait bien grandit depuis la dernière fois où il l'avait vue, et cette fois, c'était un regard de femme qu'elle posait sur lui. Et cela ne présageait rien de bon ! Howard Taylor ne s'était jamais vraiment trouvé bel homme. C'est vrai quoi, objectivement, ce n'était pas ses 1,60 mètres et ses lèvres toutes fines qui faisaient fantasmer les femmes ! Même le contenu de son compte en banque avant qu'on lui coupe les vivres, n'avait pas un franc succès avec le beau sexe. Il n'avait jamais vraiment su à quoi ça tenait, son cruel manque de confiance en lui sans doute... Voilà que ce soir, Maëlle Wayland, la même Maëlle qu'il avait haït toute son enfance, lui lançait le regard le plus aguicheur qu'il lui avait été donné de voir dans sa vie ! Elle s'était transformée en ce que certains hommes pouvaient qualifier de « bombe sexuelle ». TOUT ce qu'elle faisait avait une consonance érotique, sans même qu'elle ne s'en aperçoive : ses cheveux sauvages tombant en cascade sur ses épaules découvertes, son rouge à lèvres, sa voix suave, ses longues jambes, et Seigneur, ce regard ! Howard senti une once de jalousie flotter autour de lui, mais lui, n'avait aucune fichue idée de la manière dont réagir. Il entendait la sonnette d'alarme strier ses tympans : RED ALERT ! Décidément, il n'excellait pas dans l'art de la séduction ! Il savait bien que tous les hommes dans un rayon de dix kilomètres observaient la manière dont il allait rebondir. Il aurait donné tout l'or du monde pour troquer sa place avec l'un d'eux, pour prendre un petit cours de drague sans récolter l'humiliation de sa vie ! Avec toutes ces émotions en pagaille, il n'eut même pas le temps de se demander si Maëlle lui plaisait... Ce n'était un secret pour personne, Howard était un piètre séducteur mais hélas, c'était encore plus compliqué que ça ! Ce n'était pas qu'il n'aimait pas les femmes, non... Il adorait les femmes, seulement... Quand l'image d' Edgar Anderson vint chatouiller son esprit, sa gorge se noua de douleur.
« Maëlle ?! Mais... Mais... », bégaya Howard, comme s'il était en train de rêver... Non, de cauchemarder ! « C'est pas possible... Je... Tu... Enfin, qu'est-ce que tu fais ici ? Attends... Tu veux réellement m'offrir un verre, ou bien tu veux me le jeter à la figure ? ».
   
   

« C’est vraiment pour t’en offrir un. Je ne suis plus aussi cruelle.» . Pour être tout à fait honnête, Howard n'en croyait pas ses yeux. Assommé par la surprise de ces retrouvailles, il accepta docilement le verre qu'elle lui proposait : « … Merci alors, je suppose... Un autre whisky sur glace, s'il te plaît...» , bredouilla-t-il comme si ces formules de politesse lui arrachaient la bouche. En attendant qu'elle se retourne vers le barman pour commander son verre, elle lui adressa une phrase assez énigmatique, dont les derniers se nichèrent sensuellement au creux de son oreille : « Je suis étonnée de te voir dans un tel endroit de débauché. J’espère que ton père n’est pas au courant, mais ne t’inquiète pas … Je sais garder un secret. ». Howard ressenti le besoin de s'énerver, de contredire Maëlle, mais une réflexion d'environ trois secondes et demies le dissuada d'exploser puisqu'au final... Elle avait sans doute raison. En jetant un furtif coup d’œil autour de lui, il se rendit vite compte que ce petit bar n'avait rien d'un endroit convenable. Il y faisait bien trop sombre, la propreté n'était visiblement pas la priorité des responsables, et des couples éphémères cherchaient hâtivement à se cacher des néons pour filer un semblant d'amour, plutôt dégradant et factice aussi ! Si James Taylor avait eu le malheur d’apercevoir son fils unique dans un tel endroit, il aurait éclaté de rage, et sa mère serait morte de honte. Bon sang, Howard, les valeurs familiales ! Le jeune fleuriste devait avouer que cela lui faisait mal d'imaginer qu'aujourd'hui, il n'avait plus à se soucier de l'avis de ses parents puisque ces derniers, qui étaient restés à Cambridge, n'avaient aucune nouvelle de lui, et n'en voulaient pas, pas du tout.
Très vite, la nostalgie ou les regrets s'estompèrent puisque Maëlle avait eu le culot de tenter un rapprochement physique dangereux. Elle avait franchi la limite, violé son espace où personne ne s'aventurait jamais. Quelques un de ses cheveux se dressèrent dans sa nuque, mais c'était surtout lié à la panique, et à la désagréable sensation de ne pas vivre dans son propre corps, comme s'il vivait la vie d'un autre pour une soirée. Peut-être qu'il se faisait des films après tout ! Jamais personne ne l'avait vraiment dragué ouvertement du haut de ses vingt-six ans, sans doute que c'était la façon qu'avait Maëlle d'agir avec tous les hommes, oui, le déni, c'était bien commode, Howard en faisait un élément essentiel de sa vie. «  Et bien... En fait, à vrai dire, ça ne doit pas le déranger plus que ça, vu que... Vu qu'ils n'ont pas de nouvelles de moi et inversement. Tu es encore en contact avec eux, toi ? »,demanda quand même Howard qui sentait son cœur s'affoler par la seule perspective d'une réponse positive.

«Non. Pas depuis que j’ai quitté la maison il y a trois ans. Je voulais étudier à New-York, mes parents ne voulaient pas. Je suis partie. Je ne les ai jamais revus. Ils ne savent même pas que je suis revenue. »

Howard arqua un sourcil. En récupérant le verre de whisky sur glace que lui tendait Maëlle, Howard s'étonna complètement qu'elle ait osé tout plaquer pour vivre sa vie, un peu... Un peu comme lui, en fin de compte ! Non, attendez... Totalement comme lui ! Pour être tout à fait honnête, il n'arrivait pas vraiment à s'imaginer Maëlle Wayland agir de la sorte, mais elle devait également avoir pas mal de préjugés sur lui elle aussi, alors pourquoi s'en priver au fond ? Ça fait du bien parfois, de juger trop vite ! « Tu plaisantes ? … Ben dis donc ! Qui aurait pu croire qu'un jour nous aurions un point commun... ?! », s'exclama-t-il en entrechoquant son verre avec celui de la blonde.

Howard n'était pas vraiment quelqu'un de rancunier, il suffisait qu'une personne lui batte des cils pour qu'elle soit entièrement pardonné, mais... Quand cette fille s'excusa pour lui avoir mené la vie impossible dans leur jeunesse, Howard s'étrangla avec sa boisson. Il était forcément gêné, il ne souhaitait pas avoir cette fameuse conversation sur leur passé commun, mais d'un autre côté, crever l’abcès ne faisait pas de mal ! Malgré son sourire d'ange, le souvenir restait douloureux, cela avait sans doute façonné son lamentable caractère d'aujourd'hui, cette réclusion, cette timidité, cette... Anormalité !

« Ouais... C'est l'moins qu'on puise dire ouais... Sérieusement, t'avais besoin de faire ça ? Je sais pas si tu te souviens autant que moi, mais... C'était infernal... Moi je voulais... Merde, je voulais simplement être copain avec toi ! T'as fait de ma vie un enfer, enfin... Non, tu y as contribué plutôt, parce que surprise : ma vie était déjà un enfer ! De l'eau a coulé sous les ponts... Je suppose ! C'est juste que... Je n'arrive pas à croire que l'on se retrouve aujourd'hui... Si on m'avait dit ça un jour... ! ».

Il avala d'une traite une autre gorgée de whisky, et la liqueur brûlante dans sa poitrine lui donna la force nécessaire de regarder Maëlle dans le blanc des yeux. Voilà, comme ça... Ne plus se soumettre, défier, résister, les gens faisaient comme ça, les hommes faisaient comme ça ! « Alors comme ça... Tu es revenue définitivement ?  Tu bosses dans quelle branche ? ». C'est ça Howard, fais la causer, mène la danse.

Soudain, alors que tout allait plutôt bien entre eux, la communication n'était pas biaisée par des coups ou des moqueries, un homme à moitié ivre se planta entre Howard et elle. Sans même ressentir une once de gêne, il tourna le dos au jeune fleuriste et commença à draguer lourdement Maëlle. Le sang d' Howard ne fit qu'un tour. Il n'était pas jaloux, il était vexé. Vexé que qu'un stupide inconnu ose l'avilir encore alors qu'il tentait de prendre sa revanche sur le passé, alors qu'il essayait d'agir en tant qu'homme responsable et fier. Lui qui était si timide et vulnérable, il se mit à crier sous le coup de la colère : « Non mais tu vois pas que je suis en train de lui parler espèce de crétin ! ». A la seconde où l'homme, épais comme une armoire à glaces se retourna, Howard aurait voulu s'enfoncer dans le plancher. L'affrontement ne fut pas long. Le fleuriste, malgré ses bras développés, reçu la beigne de sa vie sur un coin de mâchoire. L'homme, soulagé et hilare, retourna se moquer de lui en rejoignant les autres piliers du bar. Dépité, et honteux, une douleur lancinante dans la mâchoire, Howard se retourna vers Maëlle :

« Je suppose que c'est ainsi que doivent marcher les choses. Je ferais mieux de rester à ma place... Si ça se trouve il te plaisait, ce mec. Excuse-moi... ». Et voilà, Howard s'excusait auprès de Maëlle Wayland, c'était décidément le monde à l'envers ! Pourquoi il était sorti ce soir déjà ?

« Pourquoi tu es parti toi ? J’avoue que je suis assez étonné. Tu avais plutôt l’air de bien t’entendre avec tes parents, tu faisais toujours tout ce qu’ils te demandaient. »

Howard ne savait pas bien s'il devait s'indigner ou éclater de rire. C'est vrai, après tout, c'était terriblement avilissant comme constat de sa part, ceci dit... Elle n'avait pas vraiment tort, alors tout ce qu'il restait à faire à Howard c'était de ravaler sa maigre fierté, boire une autre gorgée de whisky, et jouer la carte de la franchise.

«  Je crois avoir posé la question le premier... Pour être honnête, c'est justement parce que j'ai tellement acquiescé sans rie dire par le passé, que j'avais inévitablement envie et besoin de prendre le large, et mener ma vie... Alors certes je n'hériterai pas de la fortune des Taylor, mais après tout, gagner sa propre vie est une sacrée expérience, que je ne regrette pas le moins du monde. Et... Non, je ne m'entendais pas bien avec mes parents, ils... Ils me terrifiaient. Mon Père... », sa voix butta, il hésita. Il revoyait clairement son Père le battre quand il désobéissait, quand il brossait mal ses cheveux, quand il avait oublié de lacer ses chaussures... Il plongea le nez dans son verre en priant tous les saints du paradis pour que Maëlle ne demande pas d'autres explications. Heureusement, la conversation dévia autour d'elle, et de son détestable caractère de petite fille. Elle lui confia clairement qu'elle avait pris du plaisir à le manipuler à sa guise comme une poupée de chiffon, bien obéissante. Bien sur elle ne se doutait pas une seconde du profond mal-être d' Howard déjà à cette époque... L'innocence de la jeunesse nous préserve quelque fois de es horreurs, malheureusement, Howard était passé entre les mailles du filet, et avait fait le deuil de son innocence bien avant la puberté.  En repensant encore une fois au calvaire qu'il avait vécu, il avait envie de se rebeller encore un peu, de tout envoyer valser dans le bar, de claquer la porte, mais... Il se rendit compte que la colère s'estompait au fur et à mesure de la conversation, le whisky peut-être... Ou tout simplement parce ça n'en valait même plus la peine. Maëlle se conduisait bien, visiblement elle regrettait sincèrement ses actes, c'était tout ce dont Howard avait besoin pour le moment, et puis... Une conversation « amicale » ne pouvait pas lui faire de mal, lui qui avait pris la fâcheuse habitude de se murer dans une solitude hivernale.

« Je suis désolée d’avoir contribué à faire de ta vie un enfer. Je suppose que je voulais juste attirer l’attention. Si ça peut te rassurer je suis tout aussi étonné que l’on se retrouve, surtout ici. Je ne m’étais jamais dis que tu finirais dans un bar, mais plutôt que tu étais destiné à une grande carrière alors je me demande ce qui t’amène ici. »

Attirer son attention... ? Sur le moment, Howard ne releva pas nécessairement ce petit détail, trop submergé par ses excuses. Soit elle avait 15 ans de théâtre derrière elle, soit elle était sincère. Le cœur sur la main, il opta pour la seconde solution.

« Une grande carrière ? Oh tu penses, oui, mon destin était tout tracé! Je devais reprendre la prestigieuse boite de mes parents, honorer le titre familial, assurer la renommée de l'entreprise funéraire, mais après l’obtention de mon diplôme de thanatopracteur, je me suis cassé vite fait pour devenir fleuriste ! La honte internationale pour les Taylor t'imagines !? ».  


La conversation allait bon train jusqu'à ce stupide gorille au QI d'huître lui file une beigne dans la mâchoire. Il avait honte de s'être laissé battre, et honte d'avoir réagit au quart de tour sans se préoccuper de Maëlle, mais quand il s'excusa platement, contre toute attente, la blonde répondit :
« Mais non, ne t’excuse pas, tu as bien fait c’était un gros lourd. Tu as été génial. Je vais demander des glaçons pour ta mâchoire, ça apaisera la douleur. »

Howard déglutit bruyamment quand la jeune femme déposa délicatement la poche de glace sur sa joue droite. Certes, il ne pouvait pas nier que le froid contre sa mâchoire le soulageait, par contre ce qui ne lui réussissait pas vraiment c'était le regard que Maëlle lui lançait... Quelque chose à cheval entre l'admiration, la gratitude, et... Ce truc là pour lequel il n'était pas doué. C'est à peine s'il pouvait s'imaginer le concept. Il essaya de se concentrer sur le fait qu'elle ait réussi à percer dans le journalisme, il essayait de préparer une phrase de réponse à ce sujet mais il était pétrifié... Quand elle lui dit que peu d'hommes auraient osé s'interposer entre elle et le looser aux gros biceps, il déchiffra comme un compliment. Un compliment de consonance romantico-érotique. Il piqua un fard jusqu'à la racine des cheveux  et bredouilla un bref :

« M-Merci... Oh c'est... C'est rien c'est normal. Tu.... Tu reprends... Quelque chose... ? ». Son regard se perdit dans celui de Maëlle, et la gêne commença à le gagner copieusement.