"Fermeture" de London Calling
Après cinq années sur la toile, London Calling ferme ses portes. Toutes les infos par ici The one you fell for  makes it seem juvenile + Theomas  2979874845 The one you fell for  makes it seem juvenile + Theomas  1973890357
Le Deal du moment :
SAMSUNG Galaxy A14 5G Noir 64 Go à 98,49€
Voir le deal
96.99 €


The one you fell for makes it seem juvenile + Theomas

 :: It's over :: Corbeille :: Anciens RP
Theodore A. Rottenford
Theodore A. Rottenford
MEMBRE
The one you fell for  makes it seem juvenile + Theomas  Tumblr_o18nvl7NM41qbetb6o2_250
» Date d'inscription : 23/08/2014
» Messages : 3917
» Pseudo : like animals:: prideissues (noha)
» Avatar : jamie sexy dornan
» Âge : 34 yo
» Schizophrénie : julian (stan) ; lyanna (vikander) ; vince (fernandez) ; gale ( barnes)
() message posté Ven 8 Avr 2016 - 13:12 par Theodore A. Rottenford

There is a place in the heart that will never be filled and we will wait and wait in that space. Elle me tenait la main. Je ne le remarquais que maintenant. Les volets étaient ouverts, laissant filtrer la lumière à travers les rideaux de la chambre. Jasmine était belle. Il y avait de la finesse dans ses gestes. Ses doigts étaient si délicats, correspondant au timbre de sa voix juvénile. J'avais toujours la même réaction face à son expression. Cette incapacité à supporter, à respirer. Je n'étais pas un homme pieux mais j'y avais cru un jour. Bien avant sa naissance, bien avant la mafia. J'étais fanatique de la religion mais je n'avais plus le temps. Je ne pouvais pas réellement enlacer les chants de la miséricorde en vivant dans la réalité, en prenant tout au sérieux. Il fallait faire des efforts, sortir de la zone. Je pinçai les lèvres en penchant ma tête vers les cheveux de Jazz. Son parfum était libérateur. Il s'infiltrait dans mes poumons comme l'onguent magique, celui qui, effleuré par la main divine, s'épandait sur les âmes pour leur insuffler le courage, la bonté et toutes ces émotions niaises et écœurantes. Mon cœur était endormi, presque figé par le froid qui coulait dans mes veines. Je n'avais plus mal. Ma souffrance était devenue habituelle. Je l'absorbais dans mes sinus, je l'avalais dans ma gorge et je la faisais disparaître dans les tréfonds organiques de mon corps. Je n'étais pas un cas isolé et malade. Je n'étais pas fou ou désespéré. Je faisais simplement mes adieux à ma fille. Mes yeux imprimaient ses traits. Ma bouche se courbait en se pressant contre sa peau. Elle devait partir d'ici. Je devais la laisser prendre son envol. Je l'aimais trop. Je l'aimais au point de détruire ses sourires innocents, de la rendre aussi sale et répugnante que moi. J'étais horrifié par son avenir. J'avais déjà sombré. Mes vêtements étaient lisses mais je me sentais rompu. J'avais en tête le souvenir de quelque chose d’épouvantable qui s'était produit il y a des années. Le retour à Belfast ne m'inspirait plus que la mélancolie, la tristesse inhérente aux morts successives. Je marchai vers les escaliers d'une démarche claudicante. Je croisai mon reflet sur le marbre luisant. Il était pâle et vieillis. Je ne me reconnaissais plus. Je ne voulais plus me reconnaître. Ma loyauté avait trouvé sa limite. Je hochai la tête en contournant le couloir. Je voulais sauver ma progéniture, l'éloigner de cet univers souillé par la cupidité et le sang. Mais les forces et les actes étaient démesurés. Ici, il fallait tomber ou mourir. Je déglutis en passant devant l'ancienne chambre d'Abigail. Elle était vide depuis des mois. Pourtant, j'entendais encore son agitation derrière la porte. Les mélodies de ses chansons préférées imprégnaient les décorations du salon et le tintement métallique de ses ustensiles de plaisir recouvraient l'espace tout entier. Ma conscience se construisait peu à peu, comme un fragment du passé. Il y avait un élément fondamental à toutes ces vérités. Au bout du compte, j'étais la cause de tous les départs. Le chaos glissait sur les murs de mon appartement comme si j'en avais été le créateur ultime. Je ressentais sa flamme rougeoyante. Je ressentais l'absence imminente. Tu me manques déjà. Je me recueillais entre les meubles en tenant Jasmine à bout de bras, refusant de lâcher prise, d'exister dans l'éloignement.C'est mon talent. J'ai cette force là, abandonner. Un jour tu comprendras pourquoi j'ai tatoué ton prénom sur ma paume. L'endroit le plus douloureux pour le départ le plus affligeant. Je troquais sa vie contre un nouveau deuil. Celui de Jamie s'était couplé au départ d'Abigail. Je les collectionnais comme des pièces précieuses, comme des ornements noirs sur mon corps que les sentiments avaient mutilé. J'étais en colère. J'éprouvais un sentiment de violence sauvage et tenace. Les tensions se rejoignaient dans ma poitrine ; l'incapacité d'aimer et l'incapacité de partir. Jasmine était ma petite lucarne. Elle éclairait l'antre sombre du démon. Elle m'avait délivré avant de me piéger. Je me redressai en la berçant avec délicatesse. Je longeai le silence en vacillant, harmonisant mon rythme avec le sien, ma respiration avec les battements de ses paupières rosées. Je m'arrêtai devant le berceau. Mais là encore, je fus incapable de la laisser. Nos dernières étreintes étaient comptées. Je m'en souviendrais. Elle oubliera en grandissant. Mais je m'en souviendrais. Merde, le prix était trop cher à payer.
La sonnette de la porte retentit dans le vestibule. Je m'inclinai vers la source du bruit puis je m'avançai vers la poignée, seul et désabusé. Je ne pouvais pas ouvrir avec un enfant dans les bras. Je ne pouvais pas être son père. Cela n'avait aucune importance. Mes prunelles capturaient la lumière avant de se laisser porter par la chevelure ténébreuse de mon visiteur. L'air froid pénétra sous le col de ma chemise. Thomas me contemplait avec ce regard subtilement sombre, cette aura machiavélique et charmeuse qui me faisait frisonner dans le dos. Ses yeux étaient magnifiques et terribles. Ses intentions étaient si basses que je me méfiais de ses apparitions malgré nos caractères familiers. Nous n'étions pas amis. Nous n'étions pas ennemis. Nous étions destinés à nous détruire. Je n'étais pas un littéraire, j'évoluais dans le contraste entre l'éducation bourgeoise et l'agressivité du truand. Je saisissais ses mots mais je les tordais sous mes poings dans un geste névrotique. Ce n'était pas la matière de la séduction mais la nature de la confrontation. Je me redressai presque automatiquement. Il était beau. Il était magnifique même, parce qu'il était déjà mort. Parce qu'il n'avait plus d'attaches. «Tu es venu pour un bonbon ou un sort ? » Sifflai-je avec lascivité. Il avait ce pouvoir sur moi. Il faisait renaître mon penchant pour le jeu et la déraison. Il titillait mes pulsions dangereuses comme s'il savait déjà, au fond de son être, que j'étais différent des autres. Les empruntes du sang nuançaient toutes mes expressions. L'odeur putride des cadavres se mélangeait aux soupirs que j’exhalais volontairement sur sa bouche. Je n'avais pas peur. Je n'avais même pas envie. Ce qu'il évoquait dans ma poitrine était transcendant, une force pantelante et obscure. «Laisse-moi deviner. Tu es déguisé en zombie ? » Je plissai le front en agitant les épaules. Mon ton était sévère. Il n'y avait aucun signe d'humour ou de complicité. J'esquissai un faible rictus mais les coins de ma bouche se figèrent brusquement. Elle pleurait. Jasmine pleurait à l'intérieur. Je me tournai vers le couloir afin de la rejoindre dans sa solitude. La porte était restée ouverte. C'était inutile de la refermer. Thomas allait me suivre. Thomas me suivait toujours. L'attraction. La frénésie. L'impulsion. Le désir avait le pouvoir sur l'esprit.

Revenir en haut Aller en bas
Anonymous
Invité
Invité
() message posté Mar 7 Juin 2016 - 19:30 par Invité
Je ramenai lentement le filtre de ma cigarette à mes lèvres et frôlai celles-ci du bout de mes doigts, les sentant tremblantes et avides de fumée. J’inspirai, les contentant une seconde pour finalement tout recracher et les voir dépérir, comme abandonnées par une déesse en laquelle elles avaient longtemps cru, jusqu’à ce souffle de désillusion. Mon corps tout entier me maudit avec violence et une quinte de toux s’empara de mes bronches. Je portai ma main à ma bouche, y jetant un coup d’œil rapide après l’avoir retirée. Pas de sang. Je constatai ce détail sans grand enthousiasme : j’allais rester en noir et blanc aujourd’hui, pâle comme un linge et lugubre comme le crépuscule qui tombait enfin sur cette journée de printemps. Je m’adossai au mur de l’immeuble, y écrasant mon mégot sans gêne et le laissant retomber sur le trottoir. Il roula jusqu’au caniveau et je le suivis des yeux, reniflant doucement puis soupirant. J’avais faim. Faim d’une vérité étrange qui m’étouffait depuis plusieurs jours et elle me faisait parfois oublier le reste car elle était non seulement possible mais évidente. Je revis la silhouette svelte d’Elea s’avancer jusqu’à moi et le sourire accroché à son visage, un sourire qu’elle n’avait pas osé effacer de peur de fondre en larmes. Fais attention Marshall, tu ne parles pas de n’importe qui. Elle m’avait parlé d’un aigle mais elle l’avait vu en vautour, s’enroulant autour des détails les plus vicieux du personnage pour oublier la raison de son attachement. Mais elle l’éprouvait toujours : un lien inexorable qui transperçait sa poitrine. On aimait et on détestait de la même manière. Sa présence à mes côtés m’avait fait me demander pourquoi nous avions eu une relation, elle et moi, des années auparavant. A l’époque, cette question ne m’aurait pas traversé l’esprit : parce que c’était à la mode de se retrouver dans les bras d’un résigné, parce que malgré son détachement, son flegme et sa désinvolture, il vous désirait quand même et c’était une victoire, pour vous comme pour lui. Tout le monde y trouvait son compte. Mais Elea avait fait un drôle de choix en prenant pour amant l’alter-ego débraillé et acerbe d’un ancien amour. Je plissai les yeux, pensif. Je ne voulais pas croire qu’elle était venue me voir en pensant à Theodore. Le résultat était le même mais je la pensais plus intelligente qu’une poupée de cire n’ayant pas d’autre solution que de se noyer dans son chagrin et ses souvenirs. Cela dit, ce n’était pas anodin, et ça ne l’était pas non plus lorsqu’elle se présentait devant moi dans l’espoir de mettre Theodore derrière les barreaux. Elle n’y arriverait jamais. J’étais déloyal car j’avais mon propre camp qui ne comprenait que moi et mon ego. Mais elle avait eu le don d’attiser ma curiosité et cela lui valait bien un semblant d’admiration de ma part.

Je me redressai et tournai la tête, ne devenant qu’une ombre dans une ruelle, bien plus figurant que véritable acteur. Au bout de l’allée, j’observai la silhouette de Theodore apparaître d’une démarche froide pour se diriger vers la porte d’un immeuble. Je souris : il n’avait donc pas changé d’adresse. Je passai une main dans mes cheveux et ressortis une cigarette, mon regard glissant vers le cadran de ma montre pour chronométrer mon entrée. Je l’imaginai prendre son courrier puis monter dans l’ascenseur, essuyer la semelle de ses Weston parisiennes sur son paillasson brossé, ouvrir la porte et se retrouver enfin seul avec lui-même et son parfum d’irlandais bourru qu’il était malgré ses allures de charmeur mystérieux qu’il m’avait définitivement volées dès l’université. Je comptai ainsi plusieurs minutes, me décollant finalement de la paroi en pierre pour traîner des pieds vers l’entrée qu’il avait empruntée. Je calculai la vitesse de ma marche pour y parvenir en même temps qu’une vieille dame qui habitait manifestement au même endroit. Je la laissai s’approcher du cadran et poussai la porte lorsqu’elle eut tapé le code. Elle me remercia infiniment lorsque je la lui tins pour lui faciliter la tâche et nous marchâmes tous deux vers la cage d’escalier, entrant dans la cabine de l’ascenseur sans que je ne perde une seule fois mon sourire malicieux peint d’une courtoisie sulfureuse. Elle me demanda qui j’allais voir. « M. Rottenford. Une vieille connaissance. » Elle poussa un soupir d’approbation en hochant la tête, marmonnant qu’il était un homme charmant, qu’il lui tenait toujours la porte comme je l’avais fait plus tôt et qu’il fallait des gens comme nous pour que le monde tourne rond. Je ne répondis pas, laissant simplement échapper un rire silencieux qu’elle dut prendre pour une réaction positive. Ne l’était-ce pas, après tout ? Cette question serait pour la fois prochaine, puisque l’ascenseur s’immobilisa pour qu’elle puisse sortir. Après un échange de politesse, la montée se poursuivit et j’atteignis le palier de Theodore. Je sonnai sans la moindre hésitation. Il ne m’attendait pas et pourtant, il m’attendait toujours. J’entendis ses pas se rapprocher puis il ouvrit la porte et me toisa avec cette sempiternelle sévérité que je balayais vivement en tanguant sur mes deux jambes, me laissant finalement tomber doucement contre le mur pour y appuyer ma tempe en lui jetant un regard moqueur. « Tu es venu pour un bonbon ou un sort. » Mon sourire s’accentua et je ne répondis pas, le laissant conclure par lui-même. « Laisse-moi deviner. Tu es déguisé en zombie ? » Un souffle narquois s’échappa d’entre mes lèvres et je haussais les épaules. La froideur de son intonation me plaisait tout particulièrement et je me redressai finalement pour m’approcher. Je n’eus pas le temps. Ses traits se figèrent en une expression d’effroi et j’entendis à mon tour les sanglots enfantins de sa fille qui lui firent tourner les talons et se précipiter à son chevet en laissant la porte d’entrée entrebâillée. En bon diable, je pris ça comme une invitation et pénétrai lentement dans son appartement.

Je n’étais jamais venu mais j’avais l’impression de connaître les lieux déjà par cœur tant tout ce qui se trouvait autour de moi ressemblait à Theodore. Des tableaux aux murs jusqu’à la disposition du moindre verre sur le minibar. Mes pas résonnèrent dans l’espace et je m’avançai au milieu du séjour. Divers parfums m’assaillirent simultanément : le cuir, la sueur, l’eau de Cologne et une touche de mélancolie solitaire qui ne me surprit pas. Jusque-là, il était comme tous les trentenaires célibataires. C’était ses réactions qu’il faudrait analyser. Une cigarette encore éteinte entre les lèvres, je fis volte-face et me dirigeai vers le lieu où il était allé. La porte de la chambre de sa fille était aussi entrouverte, ainsi j’y pénétrai à pas de loup, ne lui accordant que la lumière du couloir et l’animosité que lui inspirait ma présence pour deviner que j’étais derrière lui. Sa silhouette se découpait dans la pénombre et je refermai derrière moi, m’adossant au mur en poussant un soupir de soulagement insolent : il avait réussi à la rendormir. Mon index et mon majeur vinrent cueillir le filtre de ma cigarette et un sourire invisible se traça sur mon visage. « C’est pas dans cette pièce que tu planques tes cendriers, si ? » Mes paupières se plissèrent pour s’habituer à l’obscurité et je détaillai la salle d’un air innocent. Un berceau, un mobile, des peluches, des étoiles phosphorescentes. Il ne me facilitait pas la tâche pour confirmer les paroles d’Elea. Mais après tout, il pouvait être mafieux et père. Il fallait bien un héritier à une dynastie de connards. « On dirait une mauvaise scène d’un roman d’amour. » chuchotai-je d’un ton aguicheur. « Mais crois-le ou non, je suis pas là pour ça. » Je haussai les épaules avec détachement avant de me glisser de nouveau dans le couloir. Sa fille ne m’intéressait pas. Elle était encore enfant, quelque chose entre innocent, naïf et inutile, ou peut-être les trois à la fois. Je regagnai le salon et m’installai sur le canapé sans enlever mon manteau. J’allumai ma cigarette d’un geste sec puis tournai la tête en laissant derrière moi une traînée de fumée. Je plissai des yeux en observant les traits de Theodore : toujours les mêmes et pourtant quelque chose venait de se débloquer en moi, ce qui provoquait mon rictus cette fois-ci. « Tu me sers un verre ? Quelque chose de bon. Quelque chose d’irlandais. Pour toi aussi, tu vas en avoir besoin. » dis-je enfin d’une voix mielleuse. « Notre Marshall mutuelle est passée me voir. Elle est pas contente. » Peut-être que c’était suffisant. Peut-être qu’il comprendrait mes mots sans que je ne les dise. Peut-être enfin que c’était à moi de me mettre à sa place car j’étais devant le fait accompli et que j’avais refusé de le faire toute ma vie, par crainte ou simplement par déni.
Revenir en haut Aller en bas
Theodore A. Rottenford
Theodore A. Rottenford
MEMBRE
The one you fell for  makes it seem juvenile + Theomas  Tumblr_o18nvl7NM41qbetb6o2_250
» Date d'inscription : 23/08/2014
» Messages : 3917
» Pseudo : like animals:: prideissues (noha)
» Avatar : jamie sexy dornan
» Âge : 34 yo
» Schizophrénie : julian (stan) ; lyanna (vikander) ; vince (fernandez) ; gale ( barnes)
() message posté Sam 15 Oct 2016 - 13:20 par Theodore A. Rottenford

There is a place in the heart that will never be filled and we will wait and wait in that space. Le son de la forêt résonnait dans ma maison. Ce jour-là, l’oiseau fantastique s’était transformé en charogne. Le bec décousu, les ailes pétrifiées dans les branches d’un arbre gemmé. Je tendis les doigts vers le meuble, écrasant le rebord sous mon ongle pour en sentir le contact dans mon os. Il était aussi revêche qu’une pensée. Aussi têtu qu’une destinée dans la mafia. Je me noyais dans mes vagabondages, le cœur suspendu aux verdures éternelles de Belfast. La montagne étincelait au fond du trou. Parce qu’on avait inversé le monde. On marchait dans le ciel. Et on volait sur la terre. Un sourire se dessinait sur mon reflet. Et je me demandais si j’étais cet homme-là. Si derrière la nuance, le sang demeurait toujours carmin. J’avais l’impression de lire l’univers. De trouver des sens uniques au manque d’amour. Mes yeux s’écarquillaient dans la pénombre. J’avais choisi de garder les stores fermés, car les perles métalliques aveuglaient mon esprit. Et je ne supportais plus cette lumière. Je ne supportais plus l’ondoiement céleste d’un espoir que j’avais abandonné. Jasmine devait partir. Je l’avais expédié en prétextant une raison noble et généreuse. Mais j’étais Theodore avant de devenir son père. Le souvenir s’apparentait aux vestiges de mon verre. Je fixais la bouteille vide. Je sentais son onguent malté, l’aigreur de son arôme dans ma bouche. J’avais brisé la convention en acceptant ce rôle. Je m’étais rendu au pied du mur, et le sol avait tremblé sous mes jambes. Il faisait froid dans le salon. La solitude était comme ça. Le silence meurtri par l’absence d’une petite fille. Ses boucles blondes manquaient dans l’espace. Et son rire. Je pouvais l’entendre un millier de fois. Je me courbai en longeant le vestibule. L’air portait l’odeur de l’encre. J’observais les arabesques de l’écriture sur ma paume. La piqûre ne faisait plus mal – parce qu’elle avait cessé de guérir. La plaie ne se refermait pas car le sang était la couleur de la famille. Ici ou là-bas, nous étions toujours asservis par les versets de la bible. Je revoyais les cierges de l’église. Les serments qui changeaient dans le firmament, tantôt religieux, parfois mensonger. Tuez vos amants. Tuez vos amants ! C’était ainsi qu’on existait dans la nuit. Je pris une gorgée de whisky. Le goulot m’avait suivi dans une ballade morbide à travers l’appartement. Ça me donnait du courage. Un peu de léthargie. Ma passion s’évanouissait tout à coup. Et mes rêves de normalité, d’une vie paisible avec ma petite fille, n’était plus qu’un mirage. J’étais taillé dans un marbre différent. Je ne contrôlais pas cette pulsion. Ma rage était là, bien avant la tristesse. Bien avant la mort de Jamie et le départ d’Abigail. Un jour, je lui avais promis de l’emmener dans le tableau. Là où les jeux d’aquarelles arpentaient les paysages du Rhône. On pouvait être les héros de Van Gogh – sur nuit étoilée. Un asile pour moi ; un asile pour deux.
Rébellion ! Rébellion ! Je connaissais les sonnets avant les coups de feu. J’allongeai les jambes sur le parquet en souriant. Mon expression se fragmentait sur le miroir. Il y avait deux faces dans une pièce, la mienne et celle de mon doublon. J’aimais le froid – je respirais l’emprunte sulfureuse de la térébenthine sur le sol. La pièce était parfaitement rangée. Les coussins ne se courbaient plus. Ils tenaient droits sur les coins du canapé. Je balayais la poussière d’un battement de cils. Car il était préférable de maintenir la balance. L’échappatoire était une apparence. Les voisins adulaient ma courtoisie et les manières bourgeoises qui couvraient mes vices irlandais. Pourtant, il suffisait de se pencher pour sentir les vapeurs rustiques de l’alcool. Il suffisait de renifler pour réaliser que la puanteur d’un cadavre rehaussait le parfum de mon eau de Cologne. Etais-je trop bon illusionniste ? Ou étaient-ils simplement cons ? On croyait la vérité qui nous plaisait le plus. C’était la règle. Je haussai les épaules en me redirigeant vers l’entrée. La porte se tordait sous ma poigne, parce que j’étais trop impatient d’ouvrir au diable. J’avais ressenti son agonie à travers les gerçures du bois. Il était là – et en moi. Le visage de Thomas clignait lorsque je bougeais les yeux. La complémentarité ou la retranscription du contre-type ? J’ignorais les raisons de notre lien. J’ignorais si nous étions amis ou si l’ennui nous avait rendus dépendants aux démonstrations vaniteuses. Les cris de Jasmine fusaient dans l’espace, suspendant mon attention pendant un instant. Je m’éloignai, la démarche précipitée vers la rampe. Je partais, mais j’avais déjà anticipé son intrusion. Mon univers était le sien. Nous étions seuls comme Adam. La déesse tentatrice était apparue avec une pomme. Si j’avais croqué, il avait fait grève de la faim. Et le voilà, aussi filiforme qu’une corde. Il garrottait son existence dans ses propres nœuds. Doucement, suavement. Peut-être même, éprouvait-il un certain plaisir sexuel dans l’étouffement. Sa silhouette se découpait dans mon dos. Je pouvais l’imaginer avec une précision déconcertante. Chaque courbe. Chaque arc. J’avais appris les fissures sur sa peau, les promesses brisées au creux de ses flancs. Il se présentait dans la chambre de ma fille – mi ange, mi démon. Mais j’étais déjà là. Et l’obscurité de ce landau m’appartenait. J’occultais les éclats flamboyants de la lampe et du soleil. Cette enfant avait hérité mon amour pour les ténèbres. Mais elle étincelait comme une pierre précieuse. Elle possédait une liberté que je n’avais pas. « C’est pas dans cette pièce que tu planques tes cendriers, si ? » Je fis volteface, l’air bourru et impérieux. Mes poings s’étaient refermés sur le dernier faisceau de lumière.« On dirait une mauvaise scène d’un roman d’amour. » Quel film ? Le nôtre ? Je refusais de la gratifier par une réponse. Mais il savait déjà. Une bouffée était synonyme de guerre. Il n’était pas assez fou pour provoquer mon courroux ici. Et j’étais assez adroit pour conjurer ses provocations. Ces dernières étaient devenues lassantes avec le temps. « Mais crois-le ou non, je suis pas là pour ça. » Je haussai les épaules sans lui accorder mon attention. Nous longeâmes les bordures du couloir afin de rejoindre le salon. Il flânait entre les décorations avec flegme, comme par habitude. Ses visites n’étaient qu’imaginaires. Et le voilà, possesseur ultime de ces lieux. Il était si facile de s’approprier une chambre neutre – sans saveur particulière. J’étais n’importe quel trentenaire irlandais. Il était n’importe quel professeur de littérature blasé. Il pinça les lèvres autour de son filtre. Et je ne dis rien. Je n’émis aucun commentaire lorsque la flamme chatoyante transperçait mes rétines. Ses cendres me rappelaient les anciennes manies de ma sœur. La saveur opiacée de ses ravages d’adolescentes étaient restés, plusieurs mois, après sa fugue en Asie. « Tu me sers un verre ? Quelque chose de bon. Quelque chose d’irlandais. Pour toi aussi, tu vas en avoir besoin. » Je souris en le toisant du regard. Sa prestance était équivoque. Mais je ne l’analysais pas. Il n’y avait pas de logique dans nos échanges. Simplement, le rapport de force. «Je suis irlandais. J’ai toujours besoin d’un verre. Par contre, toi, tu es un imposteur. Une bonne liqueur se mérite. » Je me dirigeai lentement vers le bar. Mes mains demeuraient suspendues sur le bouchon, implorant l’ivresse salvatrice de bercer mon esprit. Mais on m’avait immunisé. On m’avait retiré mon humanité. Je me versais un fond de Midelton. « Notre Marshall mutuelle est passée me voir. Elle est pas contente. » Je fronçai les sourcils en mélangeant la glace au liquide. Je sirotai un soupçon de terroir avant de lui tendre ma boisson. Il venait de gagner un laisser passer. Je m’installai à ses côtés, un sourire pendu aux lèvres. Je comprenais. Je réalisais toute l’étendue de cette révélation. Mais je choisissais le divertissement. «Tu as frappé à la bonne porte. Je pense que si tu ne la satisfait pas, il est tout à fait légitime qu’elle soit contrariée. » Je nouais les doigts autour de mes genoux en me penchant vers lui. Je le fixais avec étrangeté, aspirant à garder l’intensité de mon regard sur son visage décharné. «Tu as essayé par derrière ? » Me moquai-je en mimant un geste insultant. Peut-être avait-il besoin d’un schéma. Je riais en le bousculant pour lui dérober le verre de whisky. Sa récompense avait expiré.

Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé
() message posté par Contenu sponsorisé
Revenir en haut Aller en bas
Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut
London Calling. :: It's over :: Corbeille :: Anciens RP
» where no eagles fly (theomas)
» (fb) animal kingdom - young theomas
» (fb) grab my teeth across your chest to taste your beating heart / young theomas
» Do you remember the time when we fell in love ? (Moira)
» And I fell apart♠ LAZERIAN&AIDEN

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
-