Another Camden Afternoon - Kalhen&Oliver

Une journée off, ou presque. Oui on dirait pas comme ça mais quand on est dans un groupe de musique qui marche, on est vachement occupé avec tout plein de truc. J’ai une to-do liste énorme que tiens notre manager. Je sais pas ce que je ferai sans lui. On le fait un peu tourner en bourrique parfois mais il sait qu’on serait dans la merde sans lui. On l’aime notre petit manager. Un peu comme un père. Non, plutôt comme un oncle.

On est sensé bosser sur le 4e album, j’ai dit que j’ai quelques idées de paroles qui me trottent en tête et quelques mélodies. Sauf que si je reste chez moi je vais juste jouer à la xbox toute la journée et toute la nuit. Je suis le roi de la procastination en fait. Je me décide à me bouger les fesses. Je vais me prendre une douche et je m’habille pour sortir de chez moi et être productif. Je prends ma guitare avec moi dans son étui et je sors, direction chez Kal. Je pense qu’il sera chez lui, on est juste en milieu de journée, et je sais qu’il est sérieux lui. Quand il dit qu’il va bosser sur des chansons, il bosse vraiment sur des chansons.

Je m’arrête au tabac du coin au passage, je n’ai plus de clope et je ne peux pas partir sans au moins un paquet sur moi. Je ne fume pas tant que ça mais j’aime bien avoir de quoi sur moi. On m’en pique souvent aussi. Je suis du genre prévoyant. Après mon petit tour au tabac, je me rends jusque chez Kal à pied. On habite dans le même quartier, ça va plus vite que j’y aille à pied et puis ça fait pas de mal un peu d’exercice. Il faudrait que j’en fasse plus d’ailleurs si je veux garder mes tablettes de chocolat qui font fondre les filles.

Une fois arrivé à l’immeuble de Kal, j’ouvre la porte en bas, je connais le code bien sûr, je squatte assez souvent ici. Je monte jusqu’à son étage. Je prends les escaliers même s’il est au dernier. Je fais du genre. Non je fais du sport hehe. Je frappe à la porte de chez lui.

« Kal c’est moi ! »

J’attends quelques instants et je souris quand il ouvre la porte. Je savais qu’il serait là. Je ne sais pas trop ce que j’aurai fait si je m’étais pris un vent sans aucune réponse.

« Prêt à bosser ? »

Je m’invite chez lui et entre à l’intérieur sans attendre. J’aime bien le prendre sur le vif, au cas où y’aurait une fille caché dans la salle de bain ou des trucs compromettant qu’il n’aurait pas eu le temps de planquer.

« Je sais que si je suis pas là tu fais pas grand chose alors j’ai voulu nous faire une faveur à tous les deux. »

Geeeenre, c’est plutôt l’inverse complet, et il le sait, mais j’aime bien parler pour rien dire. Il me connait. Je plaisante très souvent. J’ouvre mon étui et je sors ma guitare acoustic mais je n’ai pas envie de me mettre au boulot tout de suite.

« Tu veux une bière ? »

Je fais comme chez moi on peut le dire. Je vais vers le coin cuisine du loft.

« Je t’offre une de tes bières ? »

Je souris en le regardant, je me retiens de rigoler. Il a peut être envie de me la faire fermer et il y parviendra très bien si c’est le cas. Mais sinon, on a vécu ensemble assez longtemps durant toutes les tournées pour être très intime et familier tous les deux.

Je coinçais les cordes au fil des accords que j'avais posé sur le papier quelques minutes plus tôt. Les notes, les sons se mêlaient pour devenir une mélodie ou tout au moins, un début de quelque chose. C'était toujours comme ça au début, deux, trois notes qui donnaient le tempo et le reste de la rythmique. Un accord, un second, les sons de la guitare que j'ai entre les mains résonnent dans le studio que j'ai aménagé. Ce loft avait tout pour me plaire à mon arrivée à Londres. Il était grand, spacieux avec une superbe vue sur Londres. Je pouvais admirer la ville sans même quitter l'un des fauteuils en cuir du salon. J'aimais cet appartement mais j'avais tenu également à y installer un studio pour que je puisse jouer et composer la musique. C'était vital. Je ne pouvais pas quitter mon appartement pour les studios d'enregistrement, même s'ils n'étaient qu'à quelques minutes. C'était bien plus pratique d'avoir du matériel à disposition. Tout avait été conçu pour que je ne puisse gaspiller aucune minute de mon temps libre. J'avais toujours rêvé d'avoir ce genre de matos, sauf que lorsque j'étais plus gosse, l'orphelinat n'avait pas les moyens. Depuis, je m'étais rattrapé. J'avais acheté tout le matériel dont j'avais envie, les guitares, les basses, les amplis. Je m'étais fait plaisir comme cela arrivait rarement. J'en avait même profiter pour offrir tout le matériel possible à l'orphelinat où j'avais grandi. Maintenant il avait une salle de jeux et une grande salle de musique. Il m'arrivait aussi de subventionner le bâtiment quand les employés et sœur Marie avaient besoin de quelque chose. D'ailleurs, elle savait qu'elle pouvait toujours me joindre si elle avait besoin d'argent ou de tout autre chose. La religieuse avait été la seule personne régulière que j'avais connu dans mon enfance. Elle était là pour donner un coup de main à l'orphelinat. Et finalement, au lieu de passer de temps en temps, elle restait là pour donner, pas de son temps, mais de l'attention et de l'amour, à des gosses qui n'avaient rien. J'ai toujours admirer cette femme. Et puis, je n'avais pas besoin de tout ce fric. La musique était là pour me faire plaisir pas pour amasser du pognon. Mais j'en gagnais et ça se chiffrait maintenant en millions. Mais à part quelques achats, comme ce loft, du matériel et ma moto, je ne savais même pas quoi en faire. Il faut dire que je n'étais pas du genre dépensier. J'avais toujours vécu avec peu, alors le fric, je le voyais différemment. J'avais une autre approche.

Mes yeux se posaient sur la feuille que j'avais posé sur ma cuisse. La guitare contre moi, je jouais ce que je venais décrire. Je rectifiais quand j'avais l'impression que l'accord n'était pas bon, puis je reprenais. J'avais écris quelques paroles ce matin et je mettais tout ça en forme ou en tout cas, j'essayais. Je n'avais pas réussi à dormir cette nuit et comme souvent, la fatigue me faisait écrire des phrases incompréhensibles. Et je rectifiais tout ça. Enfin jusqu'au moment où j'entendais des coups à la porte d'entrée. Et je savais qui était derrière cette dernière. Il n'y en avait qu'un pour frapper au lieu de sonner et qu'un, qui venait ici sans s'annoncer. Je posais mon crayon sur la table basse puis je me redressais, retirant la sangle de la guitare que j'avais sur l'épaule pour poser l'instrument sur un socle prévu à cet effet. J'allais sortir du studio qui était face au salon pour aller jusqu'à la porte d'entrée quand je vis Oli entrer dans le loft. Le gamin croit toujours que je planque une nana dans mon lit. Ce n'était pas toujours le cas. Aux mots de ce dernier, je répondais en me dirigeant avec lui vers la cuisine. « Dis plutôt que c'est toi qui foutait rien. Je paris que t'as passé ta matinée devant la console. » J'ai jamais été accro à ce genre de truc. Peut-être parce qu'à l'orphelinat, j'en avais pas eu et que forcément, j'avais pas développé cette addiction que développe la plupart des gosses sur cette terre. En le voyant prendre une bière, je fronçais les sourcils avant de demander, un sourire en coin: « Ton pédiatre t'a jamais dit que boire, c'était mauvais pour la santé? » Oliver était le plus jeune du groupe. Et forcément, il se faisait souvent charrier. J'avais que j'aimais ce passe-temps. Et le gosse me le rendait bien. Je finis par m'installer sur l'un des tabourets devant le plan de travail de la cuisine. Une petite pause me fera du bien. Je prenais la bière que me tendait Oli et j'en buvais une gorgée avant de reprendre la parole.  « T'as réussi à écrire quelque chose? ».

Je suis un peu déçu, aucune fille à l’horizon, rien qui puisse le mettre dans une position délicate. Dommage. Ca aurait été plus drôle avec une fille cachée sous une couverture sur le canapé. Oui je me fais mes petits films, ça m’arrive souvent.

Il me connait, je le sais très bien que je n’allais pas le duper. Si je viens chez lui c’est pour ne pas rester chez moi à jouer à la console et il l’a flairé à 10 kilomètres. Il faut avouer que je kiffe son appart’ aussi. Il a carrément installé un studio. C’est beaucoup plus pratique pour faire du bon boulot. Bon ok, pour composer ça change rien du tout, mais j’aime bien me mettre dans l’ambiance de l’enregistrement, même si on en est loin. J’aime le cadre. Il a un appartement furieusement magnifique. Quand je me déciderai enfin de me mettre à chercher un appart’ à acheter, il me faudra un truc aussi classe que ça.

Je fais comme chez moi, je vais jusqu’à la cuisine et je me prends une bière, je lui en propose une aussi, au moins ça. Un minimum, déjà que je me gêne pas. Il me répond un truc à propos de mon pédiatre. Je sais qu’il aime bien me taquiner sur mon âge.

« Mon pédiatre tu sais ce qu’il te dit ? »

Je ne termine pas ma phrase ou je serai vulgaire. Je sais bien qu’il ne le prendrais pas mal, on est habitué à se taquiner tous dans le groupe. Mais je préfère me retenir cette fois ci. Je lui mets une bière sous le nez et je m’en ouvre une alors que je m’installe en face de lui dans la cuisine. Je bois une gorgée de ma bière, il en fait de même et il me demande ensuite si j’ai écrit quelque chose.

« Pas vraiment non… Et toi ? »

Je suis sûr que sa réponse va être « oui ». Kal a toujours été celui qui écrivait le plus. Le plus inspiré la plus part du temps. Moi c’est vraiment en fonction des moments de ma vie. Bizarrement c’est toujours quand je vais pas bien que j’écris le mieux et je sais pas pourquoi je sens qu’une mauvaise période va arriver sur ma tête. J’ai des mauvais pressentiments en ce moment, j’aime pas trop ça. J’arrive pas à dormir la nuit. Je ne sais même pas pourquoi. C’est mieux quand on sait ce qui nous dérange. Mais moi non, j’ai juste ce sentiment bizarre dans mes tripes. J’aime pas.

« J’ai une voisine plutôt canon, elle va peut être m’inspirer si j’arrive à aller lui parler un jour. »

A chaque fois que je l’ai croisé je n’étais pas seul, ou elle n’était pas seule. Ou bien j’étais pressé, ou bien j’ai mis trop de temps à me décider et elle se retrouvait hors de mon champ de vision. Disparu. Elle me plaît bien, elle a l’air très jeune aussi, mais je fais très jeune aussi. Je suis jeune même ! Je bois une autre gorgée de ma bière avant de reprendre la parole.

« Tu t’es pas trouvé une jolie fille pour t’inspirer récemment ? »

Je me mets au courant. C’est un sujet comme un autre. C’est Freddie celui du groupe qui est toujours à m’encourager à sortir, ou plutôt, à coucher avec des filles. Il m’en mets même dans les bras des fois. Je ne lui en veux pas, au contraire, ça m’arrange. Je n’aime pas draguer.

Je sais bien que Kal sort d’un divorce mais la vie continue comme on dit. D’ailleurs chapeau à lui de s’être marié. Jamais de la vie je m’imagine marié pour l’instant. Je suis bien trop jeune et con pour ça. Et surtout, je ne suis pas du tout amoureux. Je ne l’ai jamais été même. Je ne sais pas ce que c’est. La fille parfaite à mes yeux n’est pas encore arrivé. Peut être un jour. Qui vivra verra. Je ne suis pas pressé tant que je m’amuse bien.

« Allé dis moi tout. »

Je souris malicieusement en le regardant. J’ai l’impression d’être une meuf quand je veux savoir les détails de la vie intime de mes amis. Mais ouais j’y peux rien, j’aime les potins, ce qui est croustillant. Je suis curieux.

Assis sur l'un des tabourets de la cuisine, je remarque le regard d'Oliver qui se perd sur l'appartement. Pourquoi est-ce que les autres pensent toujours que je cache une nana chez moi? Je paris que du groupe, jsuis le plus sérieux. Me taper des nanas différentes chaque semaine ou chaque soir, c'était pas mon truc. Je ne dis pas que j'étais un ange et que je succombais pas à la tentation de temps à autre, mais il y avait quand même une limite. Je ne me tapais pas toutes les femmes qui croisaient mon chemin. Et puis, en ce moment, j'avais l'esprit ailleurs et surtout, je travaillais sur les nouvelles compositions du groupe. A vrai dire, à cause de mon insomnie, je passais une grande partie de la nuit à écrire et à jouer certains accords à la guitare. Et j'avais bien avancé. Et puis, je n'étais pas du genre à rester assis à ne rien faire. Je pourrais profiter de ma notoriété et écumait les boites de nuits, les clubs à la mode, mais ça m'intéressait pas. Enfin, je ne disais pas que je ne sortais jamais non, j'aimais même faire la fête. Mais comme je disais souvent, chaque chose en son temps.

Je buvais une gorgée de ma bière tout en jetant un oeil à Oliver qui venait de s'asseoir sur un second tabouret. Je ne pouvais pas m'empêcher de sourire aux propos du gamin. A sa question, je répondais:

« J'ai gribouillé quelques notes. Je crois que j'ai un début de quelque chose. »

J'avais la chance d'avoir la verve facile. Les mots me venaient facilement. Je n'étais pas doué en beaucoup de chose, j'avais pas fais d'études supérieurs. Je m'étais arrêté au lycée et j'avais même pas fini mon année parce que j'avais du commencer à bosser à ma sortie de l'orphelinat. Mais les mots, la musique, j'aimais. Je préférais jouer que parler. J'arrivais à faire sortir des choses que je gardais en moi. Et je savais que si je ne les extériorisais pas, d'une façon ou d'une autre, j'allais devenir dingue. Jusqu'à maintenant, ça marchait plutôt bien. Aux nouvelles paroles d'Oli, je portais mon regard sur lui. Cela me faisait sourire. Je savais que Freddie cherchait à le caser. Et que lorsqu'il n'y arrivait pas, il me passait ces nanas, dont j'essayais de me débarrasser comme je pouvais.

« Ah? Raconte. Tu veux que j't'arrange le coup? »

Je plaisantais bien sûr. J'étais pas du genre à m'occuper de la vie privée des autres. Justement parce que je voulais que la mienne reste privée. Donc comme je les emmerdais pas avec des filles, j'allais pas envie que eux, le fassent. Je prenais une nouvelle gorgée de bière à la question suivante du gamin.

« J'ai pas besoin d'une nana pour ête inspiré. Heureusement, sinon jpasserai mon temps devant une feuille blanche. »

Je me levais de mon tabouret puis je m'emparais de la composition sur laquelle, j'étais entrain de travailler. Elle était écrite à moitié. Tout n'était pas fini et il y a des accords que je n'avais pas envie modifié mais le début, me semblait pas mal.

Bien sûr que Kal a commencé à écrire quelque chose, c'est celui qui est le plus productif quand on écrit des nouveaux albums. Peut être que quand je serai amoureux j'aurai plus d'inspiration ? Je ne sais pas, et ce jour n'est pas prêt d'être arrivé vu que je ne me case avec personne. Oui il est vrai que se caser et tomber amoureux sont deux choses complètement différentes, mais non, je n'ai jamais été ni casé, ni amoureux, pour l'instant.

Je parle vite fait de ma voisine à Kal et apparemment ça l'intéresse. Je réalise bien vite qu'il plaisante, mais je vais entrer dans son jeu, pour le taquiner à mon tour.

« Elle a l'air jeune, mais elle est majeur, je crois... Et elle est canon, je la connais pas du tout, juste je l'ai croisé quelques fois. Mais ça serait pas sérieux de coucher avec sa voisine, je risque de la croiser plein de fois après ça. Enfin, à part si elle aussi elle a juste envie de juste tirer un coup et c'est tout. »

Mine de rien j'y avais bien réfléchit et je viens de tout déballer à Kal. Il avait qu'à pas plaisanter, maintenant je lui ai donné tous les détails, qu'il les voulait ou non. Après tout, je m'en étais pas rendu compte avant mais j'avais besoin d'en parler, et je n'avais discuté de ça avec personne. Faurait peut être que j'envoie un message à Margaret, ma confidente virtuelle. C'est pas mal cette relation que j'ai avec elle. Que les avantages, pas les inconvénients. Tout par sms ou emails et que quand on a envie. C'est tellement facile de laisser un message de côté pour plusieurs jours et d'y retourner que quand on en a envie.

« Non non arrange rien du tout, le destin s'en chargera. »

Je sais bien qu'il n'allait rien faire du tout mais j'ai pris un air très sérieux en disant ça alors que je ne crois pas trop en ces trucs là. Enfin, j'y crois quand ça m'arrange. Il dit qu'il a pas besoin d'une fille pour être inspiré.

« J'aurai jamais rien écrit aussi si y'avait que les filles pour m'inspirer. »

Je ris un peu en réalisant ça. J'ai pas mal été inspiré par d'autres événements marquant de ma vie, par ma famille, mes amis, quelques fois par les filles ouais, j'avoue, mais pas grand chose. Je n'ai pas écrit tant de choses que ça, mais le peu que j'ai écrit j'en suis vraiment très fier. Je le regarde se lever pour prendre une partition. Je me doute que c'est de la pur bombe ce qu'il a écrit, j'ai toute confiance en sa musique. Tout ce qu'il a écrit depuis que je fais parti du groupe, m'inspire beaucoup. J'aime chanter ces chansons, j'y mets tout mon cœur. Je jette un œil sur la partition. Je lis les notes et ça m'a l'air extra, ce sera encore mieux quand je jouerai ça sur guitare pour me rendre encore plus compte. D'ailleurs je me lève pour prendre ma guitare et me rendre utile pour une fois. Je commence à jouer pour voir l'air et j'hoche la tête d'un air approbateur.

« C'est ça non ? »

Juste au cas où je me planterai dans le rythme. Je tente encore quelques instant de jouer les notes.

« Ouais je kiffe. »

J'ai un grand sourire aux lèvres. J'adore quand on est dans la période d'écrire des nouvelles chansons. Non pas que je me lassais des anciennes mais c'est toujours très excitant de se lancer dans quelque chose de nouveau. Je repose ma guitare et boit une gorgée de ma bière.

« Hey tu vas venir au Festival à Canvey Island ? J'ai eu des pass VIP, je sais plus si je t'ai dit. En tout cas moi j'y vais. »