Levi ♦ Une dernière chance

Une dernière chance. Voilà le deal qui avait été proposé ouvertement à Reese. Après que Ryder lui ait confisqué son skate, il avait fugué, par deux fois. Les deux fois, la police l'avait vite retrouvé et raccompagné chez lui. Les deux fois, il avait passé un très mauvais quart d'heure. Son cousin l'avait puni d'une façon très sévère. Adieu pour toujours le skate park... Et lorsque notre adolescent l'avait entendu parler avec sa mère au téléphone, il avait compris qu'ils prévoyaient de l'envoyer en internat. Pourquoi sa propre génitrice le détestait tant? Il ne comprendrait jamais. Certes, il n'avait pas été très sympathique avec les membres de sa famille depuis un certain temps, mais tout ce qu'il désirait, c'était de l'aide et de l'amour. Ryder avait commencé à comprendre, mais Reese avait dépassé les bornes. C'était dur de se remettre en question pour l'idiot qu'il était, mais il avait fini par comprendre qu'il ne s'échapperait plus, que c'était fini. Il avait abusé de sa gentillesse. Ryder avait une vie et un boulot et le jeune homme était, en l'espace de quelques mois, devenu un vrai boulet pour lui, une véritable corvée. Pourtant, ce n'était que la rentrée scolaire. Il fallait dire que cela ne se passait pas très bien pour Reese avec mes camarades. Il avait beau tenté de faire tout ce qui était en son pouvoir pour entrer dans leur bande, ils le rejetaient. Il avait l'impression d'être un mal propre. Mais un jour, ils verraient qu'il pouvait être un bon camarde et il ne reculerait devant rien pour le leur prouver. Enfin, alors qu'il restait derrière la porte à écouter en douce la conversation de son cousin avec ses parents, le lycéen perdait beaucoup de ses convictions. Doucement, les larmes lui montaient aux yeux et sans prendre la peine d'être discret, il rejoignait sa chambre en courant, pour se laisser tomber dans ses draps. Personne ne voulait plus de lui et il en était le seul responsable. Il s'en rendait compte, bien que sa fierté et son orgueil venaient encore lui souffler le contraire à l'oreille.

Que ne fut sa surprise, quelques jours plus tard, d'être déposé, son sac de voyage sur le dos, sa planche de skate en main, non pas dans un internat, mais chez Gabriel. Ce dernier était un ami de Ryder de longue date et ils avaient été assez proches pour que notre professeur d'Histoire ait suffisamment confiance et lui confie Reese. L'adolescent fut même étonné que c'était Gaby qui s'était proposé, après avoir entendu l'histoire de l'ado et le fait que Ryder avait d'autres projets, peut-être même un départ à l'étranger pour quelques temps, et qu'il ne pouvait plus d'occuper de Reese, qu'il ne pouvait plus le gérer. En même temps, avec ses fugues, il avait perdu toute la confiance que son cousin pouvait avoir à faire de lui. Et le voilà, seul avec Gaby, dans le salon de l'appartement du coach sportif. Cela lui faisait autant de bien que de mal: du bien car quelqu'un voulait bien de lui et du mal, parce qu'il se rendait compte que sa famille préférait le voir chez un inconnu plutôt que de le faire rentrer à la maison. Il avait beau joué les durs, mais, au fond, en faisant toutes ses conneries, notre jeune homme aurait bien aimé que sa maman lui demande de rentrer en Australie. Mais non, évidemment, il était le vilain petit canard de la famille.
Assis sur le canapé, les chaussures encore aux pieds, il regardait Gabriel sans rien dire. Que pouvait-il dire ou faire? Le remercier? Il ne savait pas ce qui l'attendait après tout. Il avait toujours trouvé Gaby super sympa et s'était entendu avec lui comme avec un chouette grand-frère... Et là, il aurait le rôle d'autorité sur lui... Ce serait dur à encaisser pour l'impétueux Reese. "Je... J'enlève mes chaussures ou...?" se contenta-t-il donc de demander, avant de s'exécuter tout simplement. Ryder était déjà parti et ils étaient tous les deux seuls. "Tu sais? J'ai  battu mon record au skatepark dimanche dernier..." ajouta-t-il ensuite avec un sourire. Il ne savait pas trop comment réagir. A vrai dire, il était très intimidé par la situation. Cela faisait la deuxième fois qu'il changeait de foyer en peu de temps...

Assis sur le canapé, il semblait perdu, ne sachant où poser son regard et comment se comporter. Gaby était quelqu'un de bien, il le savait, mais il ne pouvait s'empêcher de songer que bientôt, lui aussi ne voudrait plus le voir. A part s'il changeait de comportement... Sauf que ce n'est pas à un vieux singe que l'on apprend à faire la grimace. L'insolence de Reese et son aptitude à toujours attirer l'attention de la plus mauvaise des façons étaient ancrés en lui et il n'était pas prêt à devenir le gentil petit garçon modèle. Loin s'en fallait. Poussant un large soupire, il finit par adresser un sourire à son interlocuteur avant de lui demander s'il devait enlever ses chaussures. La réponse qu'il reçut le fit sourire de plus bel. Le coach sportif avait toujours su le mettre à l'aise et lui avait rappelé qu'il ne devait pas douté de ses capacités. "Je préfère les enlever alors..." déclara-t-il assez timidement, avec un léger sourire, et s'exécutant, enlevant ce qu'il avait aux pieds. De toute façon, la question était bête. Le jeune homme était voué à rester dans ces lieux pour un certain temps, peut-être bien jusqu'à la fin de sa scolarité, alors il lui faudrait ôter ses chaussures à un moment ou un autre.
Mais pour le moment, Gaby semblait vouloir fixer quelques règles.

Une vidéo? Non, il n'avait pas pu en faire cette fois-ci car il avait été seul... Comme la plupart du temps. A Londres, il n'avait pas tellement d'amis... Il essayait pourtant, mais en fin de compte il n'était que le pantin à qui l'on faisait faire des conneries pour rigoler et passer un bon moment. Mais il ne parvenait pas à trouver quelqu'un de son âge sur qui compter.. Si ce n'était Peyton. En pensant à elle, il eut un nouveau sourire sur les lèvres, avant de hocher la tête de façon négative. "Non, malheureusement, mais j'en ai plein d'autres si tu voudras les voir. J'ai même mis des vidéos sur Youtube..." continua-t-il. Il lui semblait avoir déjà parlé de cela... Ou alors il avait été trop modeste pour le dire. Même si tout le monde savait que notre cher Reese n'avait rien de très humble... Au contraire, il essayait tout le temps de se mettre bien en valeur pour attirer l'attention.
Finalement, Gabriel parla d'un sujet qui fâche. La première règle à ne pas enfreindre venait de tomber. Reese poussa un soupir. Oui, évidemment, Ryder avait dû lui raconter pour ses deux précédentes fugues, qui étaient bien fraiches et qui avaient causé bien du soucis. "Oh ça va... Si j'ai fugué, c'était parce qu'on m'avait confisqué mon skate!" s'exclama-t-il comme si l'on venait de l'insulter et comme s'il avait besoin de se défendre. Pourtant, Gaby n'avait rien dit de tel. Reese poussa de nouveau un soupire. "Ok, je fuguerai pas... sauf si t'es vraiment pas cool..." ajouta-t-il tout de même, avant de faire une grimace. "Y a moyen de négocier avec toi en ce qui concerne le couvre-feu... Ryder m'avait dit une heure, mais... Je trouve que c'est pas assez tard quand on s'entraîne.... J'aime être seul." Oh bah quoi? Il fallait essayer, on ne savait jamais. Entre sportifs de haut niveau, ils pourraient s'entendre. Même si Reese étant mineur, il y avait peu de chance... Déjà, une heure du matin, c'était énorme et bien peu de parents auraient accepté cette heure-là.... Laisser traîner un ado la nuit, ce n'était pas normal.

Reese était heureux de voir que Levi s'intéressait à ses performances en tant que skateur de haut niveau. Ses parents ne s'étaient jamais vraiment intéressés à cela, et ne l'avait jamais vraiment poussé à le faire. S'ils le laissaient surfer, faire du skate et participer à des compétitions, c'était simplement parce que pendant ce temps-là, ils étaient clairement tranquilles. Reese se donnait tellement à fond lors de ces périodes-là qu'il en oubliait complètement son petit-frère et sa jalousie maladive. Il sourit lorsque son interlocuteur lui indiqua qu'il aimerait s'abonner à sa chaîne Youtube par la suite.
"Oh ce serait vraiment avec plaisir!" s'exclama notre adolescent face à la proposition de son interlocuteur de venir assister à l'un de ses entraînements. Ce serait le moment de serrer encore davantage les liens, de s'adopter en quelques sortes. Et puis, en plus, Levi était bien placé pour lui donner des conseils en ce qui concernait sa façon de s'entraîner.

Cependant, Reese perdit assez rapidement son sourire. L'autre venait de relever le fait qu'il était un fugueur. C'est bon! C'était quasiment la première fois qu'il se comportait de cette façon... Et s'il en était ainsi, c'était parce qu'il s'était retrouvé puni d'une bien piètre façon. Cela lui déplaisait grandement d'avoir l'étiquette sur fugueur à cause de cette histoire. C'était Ryder le fautif, pas lui! Il était tellement simple de rejeter la faute sur les autres, surtout lorsque ceux-ci n'étaient pas là pour se défendre. Finalement, Levi se décida à clarifier la situation. Reese avait intérêt à se tenir à carreaux, et il n'arriverait jamais rien à son skate. Poussant un soupir, il se demanda si ce serait finalement réellement mieux de vivre ici plutôt que de se trouver dans un internat. Au moins, il aurait la liberté de pratiquer son sport favori.

"D'accord, très bien, je ferai attention." Sans doute une promesse en l'air en le connaissant, même si, au fond, il s'était décidé à faire des efforts pour ne plus faire souffrir les gens qu'il appréciait grandement. Et alors qu'il se perdait dans ses pensées, il songea à cette histoire de couvre-feu... Il avait dans l'optique de grappiller encore des heures. Pourtant, une heure du matin, c'était déjà bien tard pour un lycéen de dix-sept ans, surtout en semaine, alors qu'il avait des devoirs à faire et devait se rendre à l'école tous les jours. Reese avait toujours l'air bien sage avec son petit uniforme d'écolier.... C'était ironique lorsqu'on y songeait, car c'était dans l'établissement scolaire qu'il faisait le plus de bêtises. Il finirait vraiment viré s'il persévérait dans cette direction.

Levi hésita un peu, mais lui indiqua qu'il y aurait peut-être moyen de se mettre d'accord, en ce qui concernait le week-end. Cela donna le sourire à notre cher Reese. Ce dernier avait évidemment besoin de sommeil, même s'il ne dormait que très peu. Un jour, ses entraînements finiraient par le tuer s'il continuait ainsi. "Merci Levi." déclara-t-il simplement face aux explications de son interlocuteur. "Non, c'est bon, je pense que tout a été dit... A part si tu as d'autres règles à m'indiquer..." Et ce devait très certainement être la cas. par exemple: sa chambre, comment il devait se comporter. Le ménage, qui fait quoi et quand? Les heures de petit-déjeuners et de déjeuner.... Plein de zones d'ombre. "On mange quoi ce soir?" demanda-t-il finalement, se calant davantage dans le fauteuil, commençant à prendre ses aises, se sentant de plus en plus à l'aise. Et mieux valait que cela arrive vite, puisqu'il serait contraint de vivre un certain temps par ici...