"Fermeture" de London Calling
Après cinq années sur la toile, London Calling ferme ses portes. Toutes les infos par ici the past is never where you think you left it. / abigail 2979874845 the past is never where you think you left it. / abigail 1973890357
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the past is never where you think you left it. / abigail

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() message posté Mar 26 Mai 2015 - 23:20 par Invité

Abigail & heaven — the past is never where you think you left it because the past is never dead. it is not even past. ✻ ✻ ✻ Il était tard, beaucoup trop tard. Heaven le savait. Heaven s’en rendait compte, à mesure qu’elle passait à côté des bars qui commençaient à se vider de leurs clients fatigués. Plusieurs personnes saoules l’interpelèrent mais elle ne daigna pas leur donner le plaisir d’obtenir une quelconque réponse ; au lieu de quoi, son pas se fit plus pressé et elle fila dans les rues faiblement éclairées de Shoreditch. Elle enfonça ses mains dans ses poches, sa silhouette se détachant dans la pénombre comme une illusion, comme un mirage, comme une vision. Ses yeux se baissèrent brièvement sur son ventre légèrement arrondi, révélant au monde sa grossesse de quatre mois et demi. Elle se rappelait encore de la surprise mêlée d’horreur qui avait pris possession du visage de sa mère, un peu plus tôt dans la soirée, lorsque sa fille avait sonné à la porte de chez elle. Cela avait été la première fois qu’Heaven ne s’était pas appliquée à enfiler des vêtements amples pour cacher sa condition ; son frère, lui, avait bien entendu été au courant de la nouvelle bien avant son apparition théâtrale. Par la suite, madame Howard-Clark avait posé une centaine de questions à sa fille, toutes plus déplacées les unes que les autres ; Heaven avait répondu à chacune d’entre elles, alternant l’humour et le sarcasme, tandis que son aîné, Zachary, l’avait observé avec un sourire aux lèvres. Les heures qui avaient suivi lui avait coûté ; l’air tragique de sa génitrice et ses paroles empressées avaient eu le don de lui donner la nausée. Cependant, la demoiselle se répétait que cela avait fait sourire son grand frère. Que cette soirée n’avait pas totalement été gâchée pour lui. Qu’elle avait amené de l’animation dans sa vie tranquille, qu’elle lui avait donné des raisons pour qu’il ne soit plus le centre de l’attention le temps d’une soirée.
Et, avec tous ces arguments, Heaven tentait de se convaincre que cela était le plus important. Le principal.
Elle avait refusé de prendre un taxi et s’était entêté quand son frère avait tenté d’insister ; mais, désormais que le vent froid lui fouettait le visage et que la nuit l’étouffait, Heaven commençait à blâmer son tempérament borné. Elle aurait déjà été chez elle, à cette heure-là, si elle avait écouté Zachary. Elle aurait déjà été dans son lit, à cette heure-là, si elle avait daigné lui accorder sa requête. Sur le coup, cela lui avait presque paru être légitime, de pouvoir clamer rentrer seule ; après tout, quelques années auparavant, se balader dans les rues de la capitale ne l’aurait pas arrêté. Elle aurait même répondu aux passants qui avaient tenté de l’aborder ; peut-être même aurait-elle fini dans un de leur lit, simplement pou rire, simplement pour se prouver qu’elle était capable de tout, et surtout du pire. Dans son avancée, elle distingua du coin de l’œil une ombre ; elle fronça brièvement les sourcils avant de continuer à avancer, laissant les souvenirs derrière elle, abandonnant le passé en compagnie de ces hommes ivres qu’elle avait peut-être déjà connu dans une autre vie.
Heaven ne savait pas si elle regrettait ses actes, si elle regrettait celle qu’elle avait un jour été ; elle était bien trop têtue, bien trop bornée, pour oser admettre à qui que ce soit, et surtout à elle-même, que ses gestes n’avaient été que des ratures dans le livre de son existence. Elle aimait croire qu’elle avait vécu. Que ses façons d’être n’avaient pas forcément été parfaites mais qu’elle l’avait rendu vivante, d’une certaine manière ; se tirer de ce passé avait été dur et elle continuait d’y travailler, mais il lui avait fait goûter à tant de choses qu’elle était bien capable de complètement tourner le dos à ce morceau de son existence. Distraitement, elle tourna au coin de la rue pour s’engager dans une ruelle guère fréquentée par les personnes nocturnes, avançant de quelques mètres avant de se rendre compte que des pas feutrés raisonnait non loin d’elle. Elle continua de marcher, prêtant une oreille attentive à ce qui se passait derrière elle, et constata qu’une personne était bel et bien en train de la suivre.
Son cœur commença à tambouriner dans sa poitrine, tambouriner encore et encore, tambouriner jusqu’à embrouiller ses pensées, tambouriner jusqu’à ce qu’elle finisse par entendre son cœur battre dans ses oreilles. Elle prit une profonde inspiration, ne sachant que faire, avant de finalement se retourner pour se retrouver face à face avec la personne derrière elle. « Tu vas me lâcher ? » Sa voix raisonna dans la pénombre, empreinte d’une fierté feinte. Heaven redressa la tête pour paraître hautaine et sûre d’elle, les yeux posés sur les traits de la personne en face d’elle. Sur ces traits qu’elle parvenait mal à distinguer. Elle nota, cependant, qu’il s’agissait d’une femme ; sa silhouette longiligne et mince, sa longue chevelure ébène, ne pouvaient tromper personne. Heaven se racla la gorge. « Qu’est-ce que tu veux ? De l’argent ?  Si j’en avais, j’aurais pris un taxi, » poursuivit-elle. Elle aurait pu continuer, oui. Heaven en venait au silence que très rarement. Cependant, elle s’arrêta. Elle s’arrêta quand elle crut reconnaître le visage de la jeune femme en face d’elle ; elle fronça les sourcils, continuant de détailler ses traits. Les années avaient passé mais, pourtant, elle ne parvenait pas réellement à oublier son visage, ou ce qu’il en était devenu. Les battements de son cœur eurent plusieurs ratés quand son esprit mit finalement un nom sur l’apparition qu’elle avait en face d’elle. « Abigail ? » Son prénom raisonna jusqu’au creux de son ventre, et ses bras furent parcourus d’un frisson. Heaven aimait croire que son passé était derrière elle. Qu’elle l’avait rangé à double tour dans son cœur. Qu’elle ne pouvait tomber dessus hormis si elle désirait le faire. Hormis si elle désirait que cela se produise. Hormis si elle voulait s’en rappeler.
Mais, au fond d’elle-même, elle savait qu’elle avait tort. Qu’elle se trompait, qu’elle se trompait sur toute la ligne. Parce que son passé était partout. Dans son corps. Dans son âme. Dans son cœur. Son passé était même des cicatrices sur sa peau. Mais, plus que tout, son passé était devant elle. Juste là, sous ses yeux.
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() message posté Ven 29 Mai 2015 - 17:00 par Invité
Je plongeai mes yeux dans une flaque d’eau qui miroitait sur le sol. J’y voyais le reflet d’une lune dont la lumière fragmentée peignait les nuages d’une douce blancheur. Je sentais la ville s’endormir. Autour de moi, on sortait des bars et on traînait des pieds jusqu’aux appartements sombres pour se coucher en comptant le nombre d’heures durant lesquelles on réussirait à dormir. Trop peu nombreuses, au goût de la majorité. Mais moi, j’aimais la nuit. J’aimais l’angoisse que l’on avait dès que l’on tournait au coin d’une rue, le soulagement en constatant qu’elle était vide et que rien ne nous arriverait. J’aimais cette pénombre qui enveloppait chaque passant, qui masquait leur identité jusqu’aux premières lueurs de l’aube, comme si la nuit on pouvait se permettre d’être quelqu’un d’autre. On pouvait se permettre d’être n’importe qui. Abigail Rottenford disparaissait dans le brouillard et j’étais une autre. L’ombre qui se découpait sur les murs sous la lumière blafarde d’un lampadaire. Et je ne faisais que marcher sans but, parce que j’avais abandonné mon nom et donc mes désirs, mes passions, mes souvenirs. Il ne s’agissait que d’une heure à peine. Je n’allais pas tarder à reprendre le chemin de la maison. Il ne faisait pas froid. Tout me semblait agréable. Je m’arrêtai un instant pour allumer une cigarette et profiter de l’atmosphère étrange que la rue silencieuse m’offrait. Dire que chaque soir, je pouvais m’enfuir à nouveau. Laisser derrière moi ce calvaire dans lequel je m’étais embarquée, les yeux fermés, la tête baissée, trop sûre de moi, comme d’habitude. Si Theodore ignorait de quoi j’étais capable, cette ignorance était parfaitement réciproque. Je finissais par craindre de retourner chez lui, parfois, même si connaître son secret me garantissait une protection – certes bancale, mais qu’est-ce qui ne l’était pas lorsqu’il s’agissait de résister à Theodore ? Mes yeux passèrent sur les enseignes qui ornaient les murs des immeubles et se perdirent finalement au loin, dans la clarté morne des réverbères. Je finis par m’adosser contre une porte d’entrée, à quelques pas d’un bar qui se vidait lui aussi de ses derniers clients. Je ne voulais pas savoir l’heure qu’il était. J’avais encore envie de traîner. Faire une ou deux bêtises. Rien de très grave, juste histoire de m’amuser. Après tout, j’avais mué cette nuit, j’étais habillée d’une nouvelle peau, d’un nouveau visage. Ce qui arriverait ne serait pas vraiment de ma faute.

Je tournai la tête tout en cherchant une occupation. J’observai calmement les gens sortir du bar, fumant, les yeux plissés mais l’attention distraite. Jusqu’à ce qu’un visage l’attire finalement. Un visage que je reconnus étonnamment très vite, malgré le fait que je n’avais plus eu l’occasion de le croiser depuis des années. Malgré les changements. Malgré l’âge et les nouveaux traits qui s’étaient creusés à cause de celui-ci. Malgré la blondeur de ses longs cheveux. La lumière nocturne l’éclaira une seconde et je souris. C’était elle, j’en étais persuadée. Heaven. Changée mais inchangée. Toujours petite et menue, rayonnante parmi la foule et particulièrement belle. Elle ne me remarqua pas. Je m’étais collée au mur et j’avais fait mine de regarder ailleurs pour qu’elle reprenne son chemin sans m’aborder. L’aurait-elle fait si elle m’avait vue ? Je ne savais pas. Je ne me souvenais pas d’elle de cette manière. On ne discutait pas de choses et d’autres au détour d’une ruelle parce que, vous savez, ça faisait longtemps. Non, Heaven, c’était une fille en ruines, comme moi. Ou, en tout cas, elle l’avait été un jour, une nuit, des nuits entières. C’était pour cela que je l’avais gardée dans ma mémoire. T’es une gamine un peu flinguée. Un peu beaucoup. J’attendis qu’elle s’éloigne pour décoller mon dos du mur et la suivre silencieusement. Je marchais à pas feutrés mais je ne me cachais pas. Si elle restait aux aguets, elle pourrait aisément savoir qu’elle n’était pas seule. Elle ne tarda pas à le faire d’ailleurs, car je sentis que son pas se faisait plus décidé. Convaincue qu’il fallait qu’elle rentre chez elle. Ne va pas trop vite Heaven, je ne veux pas que tu gâches mon effet de surprise en disparaissant au coin d’une ruelle. Et celles-ci sont si nombreuses. Elle finit par s’arrêter et je pus rapidement parvenir à quelques mètres d’elle. Elle se retourna en prenant une grande inspiration, emplissant ainsi sa mâchoire d’un courage de dernière minute et elle m’asséna un sec « Tu vas me lâcher ? » qui me fit instantanément hausser les sourcils et sourire. Je me souvenais d’une adolescente pugnace, possédant une grande gueule qui m’avait plue dès le départ. Heaven redressa le menton comme pour me mettre une pression inutile sur les épaules et me faire fuir comme un vulgaire rat d’égouts. « Qu’est-ce que tu veux ? De l’argent ? Si j’en avais, j’aurais pris un taxi. » Je fis un nouveau pas vers elle, comme pour la provoquer, puis passai ma main dans mes cheveux pour dégager mon visage. Je ne lui répondis pas. Ce n’était pas franchement nécessaire. Mon mutisme l’agacerait et ses manières m’amusaient déjà, réveillant en moi la malice que j’avais développée lorsque j’étais jeune fille. Celle qui lui avait plu à elle aussi, un jour, j’en étais persuadé. Tu ne me reconnais pas Heaven ? Je croyais pourtant être inoubliable. Je penchai la tête sur le côté et fis mine d’être surprise. Mais si, bien sûr que tu me reconnais, voyons.

En effet, je ne tardai pas à voir apparaître dans son regard azuré la lueur de l’étonnement. Elle ne s’y étais pas attendue. « Abigail ? » Prononcer mon nom, c’était me redonner mon identité malgré le brouillard nocturne. Mais son désarroi me plaisait terriblement. Je lui accordai un sourire se voulant charmeur, presque moqueur avant de relever à mon tour le menton pour la toiser d’un air vaguement supérieur. « T’inquiète pour le taxi, j’te le paye. » Même s’il s’agissait d’une plaisanterie, je savais qu’elle n’allait jamais accepter. Elle ne me faisait pas confiance et elle avait bien raison de rester sur ses gardes. La relation que nous avions établie entre nous excluait toute confiance. C’est beaucoup plus drôle d’ignorer de quoi sera fait la nuit, de quoi sera fait le lendemain, de quoi sera fait ton futur. Nous préférions les secrets et les mensonges. Nous voiler la face pour ne pas reconnaître que nous foncions droit dans le mur. « T’es belle en blonde. » m’enquis-je finalement en lâchant mon mégot sur le sol. Elle avait troqué les ailes de corbeau pour la crinière dorée du lion, mais elle restait le même animal – toujours capable d’être piégée. Mes yeux glissèrent sur son ventre et je remarquai qu’il avait grossi. Je n’avais pas vu ce détail lorsque je l’avais suivie, mais à présent que nous étions proches, il ne m’échappa pas. Je haussai les sourcils, incrédule et étonnée. « Combien de mois ? » Cela me paraissait tellement étrange. Heaven enceinte. C’était comme si mon passé prenait un coup derrière la nuque. Elle avait donc changé à ce point ? Pouvait-on donc changer à ce point, en vérité ? Mes yeux parcoururent son corps avant de remonter vers son visage. Non. Si quelque chose éclairait les traits de Heaven d’une si différente manière, ce n’était sûrement pas l’espoir d’un renouveau. Elle ne pourrait jamais me faire croire un truc pareil.
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() message posté Sam 13 Juin 2015 - 12:31 par Invité

Abigail & heaven — the past is never where you think you left it because the past is never dead. it is not even past. ✻ ✻ ✻ Il y avait des personnes persuadées que le meilleur moyen d’avancer était d’oublier. Oublier ce qu’il y avait derrière. Oublier ce qu’il s’était produit. Oublier le reste. Oublier le monde. Oublier, oublier, oublier. S’oublier soi-même, presque, parce que leur propre personne était devenue un fardeau sur leurs épaules faibles. Un poids dans leur quotidien. Une tâche d’encre noire sur une feuille de papier vierge. Heaven faisait partie de ces personnes. Elle s’était persuadée qu’elle ne pouvait pas aller de l’avant tant qu’elle continuait de se retourner. Elle s’était convaincue que tout ce qu’elle avait vécu n’était que qu’un parasite dans son esprit volatile, un parasite qui rongerait son être et son âme. Alors, elle avait oublié. Du moins, elle avait prétendu le faire, persuadée qu’en agissant de cette façon, elle allait parvenir à se persuader elle-même. Cela n’avait jamais réellement marché, au fond.
Mais Heaven était bien trop bornée pour oser l’admettre. Pour oser s’en rendre compte. Pour oser ouvrir les yeux sur la vérité ; elle avait beau ne plus y penser, elle avait beau lever la tête, elle avait beau être insolente, elle demeurait cette gosse brisée, cette gamine à terre, cette enfant trainée dans la boue par ses propres intentions malsaines.
Elle cligna des paupières plusieurs fois en détaillant les traits d’Abigail dans la pénombre. La plupart de ses souvenirs étaient brouillés par l’alcool, le manque de sommeil et l’héroïne, mais la jeune femme savait interpréter toutes les bribes qui s’étaient incrustés à sa mémoire. Au fond, Abigail était la représentation même d’un chapitre de sa vie qu’elle aurait espéré oublier. Au fond, Abigail était l’essence même de toute l’horreur que lui inspirait désormais ce qu’elle avait fait, ce qu’elle avait vécu, ce qu’elle avait été. Doucement, une de ses mains vint se loger sur son ventre arrondi, comme si elle espérait se raccrocher à une toute autre réalité ; mais, la vérité, c’était que son passé et son présent se mélangeaient dangereusement. Mais, la vérité, c’était qu’elle avait passé tant de temps à clamer qu’elle n’était plus la même qu’elle n’avait jamais pris la peine de se remettre en question. Elle était persuadée d’une hypothèse. Convaincue par un espoir.
Sotte petite Heaven, sale petite godiche. Les personnes avaient beau faire des efforts. Les personnes avaient beau arranger la vérité. Ils demeuraient ce qu’ils étaient. L’essence même d’un individu était figé dans le marbre. Et, face à son passé, face à tous ses souvenirs, Heaven s’en rendait compte. « T’inquiète pour le taxi, j’te le paye, » répliqua-t-elle et Heaven leva les yeux au ciel sans même parvenir à se retenir. Au fond d’elle, elle savait. Elle savait qu’Abigail la connaissait très bien. Elle savait que cette simple phrase n’était qu’une preuve pour lui montrer qu’elle savait comment elle était. Comment aurait-elle pu, d’ailleurs. Elles s’étaient toutes les deux plu dans leur chaos. Dans l’obscurité qu’elles s’étaient créé ensemble, il avait été impossible qu’elle puisse oublier la tragédie de l’autre. Heaven croisa les bras sur sa poitrine, la fixant dans les yeux. « Tu peux te garder ton argent, » répliqua-t-elle. Mais, sans le vouloir, elle avait un sourire dans la voix. Un sourire qui lui faisait peur. Un sourire qu’elle aurait préféré oublier. Un sourire qu’elle aurait désiré ne jamais avoir. Surtout pas avec elle.   « T’es belle en blonde, » ajouta-t-elle et Heaven secoua la tête. Cela faisait un moment, désormais. Un moment qu’elle avait cessé de s’irradier les cheveux avec des produits chimiques. Des années qu’elle tentait de se détacher de son passé, de ses souvenirs, comme si modifier son apparence lui était réellement utile. Comme si modifier son apparence allait réellement l’aider.
Elle ne dit rien, continuant d’observer Abigail. Elle la vit lâcher son mégot, l’odeur du tabac envahissant ses narines alors qu’elle expirait une dernière fois la fumée. Elle vit son regard se glisser vers son ventre et elle se sentit presque gênée. Gênée qu’elle le voit. Gênée qu’elle la surprenne, comme si elle avait encore des comptes à lui rendre. « Combien de mois ? » Heaven arqua un sourcil. Elle ne s’était pas attendue à une question de sa part. A vrai dire, elle ne savait plus réellement à quoi s’attendre tout court. Leur relation avait toujours été ainsi. Elles avaient avancé à l’aveugle. Elles avaient avancé sans regarder où est-ce qu’elles allaient. Elles avaient avancé sans même se rendre compte qu’elles n’avaient fait que reculer. « Quatre moi et demi, à peu près, » répondit-elle, la voix chargée de méfiance. Bien sûr que cela étonnait Abigail. Bien sûr qu’elle ne comprendrait sans doute pas. Cela faisait des années qu’elles ne s’étaient pas vu ; et, lorsqu’elles s’étaient vues la dernière fois, Heaven n’avait jamais songé une seule fois à la maternité.
Elle se plaisait à croire qu’elles avaient évolué différemment. Elle se plaisait à croire qu’elle ne lui devait plus rien. Cela la confortait, quelque part, dans l’idée qu’elles n’étaient plus pareilles. Qu’elles n’appartenaient plus au même monde. « Ce n’était pas un accident, » songea-t-elle nécessaire de préciser, comme pour se redonner une certaine contenance, comme pour lui donner la preuve même qu’elle n’était plus celle qu’Abigail avait connu. Mais, au fond, ce n’était qu’un mensonge. Caleb et elle n’avaient jamais expressément dit qu’ils voulaient avoir des enfants ensemble. Caleb et elle avaient simplement arrêté de se protéger. Caleb et elle avaient simplement arrêté de faire attention, jugeant que, si un bébé venait par arriver, c’était parce que c’était censé se produire. Mais, face à Abigail, elle voulait arranger la vérité. Mais, face à Abigail, elle voulait continuer de s’appliquer à creuser le fossé qu’elle avait instauré entre elle et ce passé qu’elle rejetait. « Je ne savais pas que tu étais de retour à Londres. » La dernière phrase lui avait échappé, sans doute. Mais, au fond, elle était réellement surprise. Mais, au fond, cela la tracassait réellement.
Peut-être que, si elle l’avait su, elle aurait fait plus attention. Peut-être que, si elle l’avait su, elle aurait pris un taxi, comme son frère lui avait demandé.
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() message posté Dim 21 Juin 2015 - 12:40 par Invité
« Tu peux te garder ton argent. » J’arquai un sourcil et posai un mince sourire sur mes lèvres froides. Je me moquais un peu de son refus. Je ne suis plus la même, Abigail, ne le vois-tu pas ? Non, en vérité, je ne le voyais pas. Il était bien possible que je refuse simplement de le voir ou de l’accepter. On ne changeait pas, pas lorsque l’on était comme moi ou comme elle. Il y avait toujours cette brume noire qui nous enveloppait à longueur de journée, s’agrippant à notre peau comme un parasite effrayant, comme notre reflet sur un miroir brisé. Elle ne pouvait y échapper. Même si elle s’était teinte en blonde, même si elle respirait une joie de vivre nouvelle, même si elle me rembarrait avec fermeté. Je décelais dans sa voix quelque chose. Un rien qui me fit sourire de nouveau, tel l’esprit frappeur commentant chacun de ses faits et gestes. Tu devrais tourner les talons et partir. Elle ne le ferait pas. Elle allait m’écouter et nous allions danser. Deux pas en avant, trois pas en arrière. Elle ne répondit pas à ma seconde remarque, secouant simplement la tête comme pour refuser que je parle, que je commente le fait qu’elle avait changé. Mais tu as changé Heaven. Je trouve ça magnifique, songeai-je avec une ironie logée dans mes yeux sombres. Tu as changé de visage mais tu n’as pas changé d’âme. On ne peut pas changer cela. Je voyais dans son regard qu’elle ne voulait pas croire cela. Que c’était trop. Que les deux corbeaux que nous étions autrefois avaient disparu, qu’aujourd’hui j’étais seule et malade, chancelant sur le trottoir sale devant son regard de lionne. Arrête Heaven. Elle refusait mes mots sans en être immunisée. Mais c’était plus fort que moi : je voulais la faire réagir.

« Quatre mois et demi, à peu près. » finit-elle par répondre après le passage d’une lueur de surprise dans son regard azuré. Mes prunelles glissèrent de nouveau vers son ventre. Et tu sais qui est le père ? voulus-je lui demander, penchant la tête comme pour mieux constater la réalité. Oui, peut-être qu’elle savait, même si je croyais plus en la deuxième proposition : l’absence de père, la grossesse non désirée, l’avortement possible et puis, finalement, l’attachement, malgré son jeune âge et sa condition. Elle n’était pas sur la paille – une Howard-Clark, s’il vous plait – mais je la connaissais. Je connaissais la Heaven qu’il fallait connaître, pas la carapace brillante et dorée qu’elle s’était forgée au cours du temps. Je connaissais ses crises et ses lubies, sa manière de danser et d’aimer, la beauté de son regard lorsque celui-ci plongeait dans le chaos. Et je lui parlais à elle, ce soir, à cette Heaven-là que l’autre tentait tant bien que mal de dissimuler au fond d’elle. Elle voulait me faire croire que celle-ci était morte, évaporée avec la fumée de la dernière cigarette qu’elle avait fumé et que je me raccrochais à un souvenir qui n’en était plus un. « Ce n’était pas un accident. » lâcha-t-elle finalement, et mes doutes s’évanouirent alors, simplement. Elle avait changé, oui. Mais je pouvais toujours voir ce qui restait d’elle, de cette Heaven que je connaissais, moi. De celle qui me plaisait tant. Heaven cachait en elle une terrible fragilité et celle-ci l’épuisait. Elle pouvait se cacher derrière le masque de son visage émacié et de son expression assurée, je savais où regarder. Je haussai finalement les épaules, pas vraiment vexée par le fait qu’elle se sente obligée de me préciser qu’elle avait voulu de cet enfant. « Félicitations alors. » Je ne m’attardai pas sur l’identité du père ou le prénom du futur bébé. Je ne croyais pas à l’avenir qu’elle s’était construite. Il me semblait dérisoire, incertain, bancal. Tu n’as pas d’avenir lorsque tu décides de toucher à l’héroïne. C’est l’espoir contre l’extase et tu as choisi l’extase il y a bien longtemps. Je m’approchai lentement d’elle mais je savais qu’elle détesterait ça. Elle désirait que je parte, ma présence la gênait. Je n’étais pourtant pas bien méchante. Simplement, sur mon visage devait se refléter des souvenirs qu’elle avait enterrés. Je les voyais aussi sur le sien, après tout, même si ses joues étaient polies par le changement, brillantes et propres. On n’aurait jamais pu croire qu’elle cachait une telle noirceur au fond d’elle. Elle n’avait pas les couleurs du chaos. Elle avait celles d’un paradis lointain que l’on n’osait approcher. Son nom prenait tout son sens lorsque quelqu’un comme moi l’écoutait. L’important, c’était d’oublier. Et nous avions oublié à chaque fois, comme si nous avions trop vécu, comme si nous n’avions pas eu le droit de tout vivre, de tout garder en mémoire. N’était-ce pas là la damnation des Hommes que de ne jamais pouvoir regarder les anges mais d’être toujours forcés de croire en eux ? Heaven était un ange qui avait cherché sa lumière partout où elle était allée, agitant ses ailes noires jusqu’au sommet des montagnes les plus hautes, jusqu’aux dunes des déserts les plus grands, jusqu’à la lisière des forêts les plus denses et les plus sauvages. Et nous avions imaginé chacun de ces paysages en sachant pertinemment qu’ils ne seraient que des échos lointains de l’extase une fois que le jour se serait levé. Et elle pouvait les revoir dans mes yeux ce soir.

« Je ne savais pas que tu étais de retour à Londres. » Je passai une main dans mes cheveux et relevai le menton en souriant. Non, elle ne le savait pas. Pourquoi l’aurait-elle su, de toute manière ? J’étais partie et je n’étais jamais revenue. J’avais vécu Dublin. J’avais vécu Dublin et je ne m’en étais jamais remise. Dublin, c’était le trouble profond qui animait mon regard, celui qui ternissait ma peau. Je refusais d’y penser, le plus souvent. L’héroïne m’aidait. Ouais, c’est ce que tu crois Abi. Voilà comment tu te mens à toi-même, et tu le fais si bien, tu pourrais convaincre n’importe qui. J’allais peut-être réussir à la convaincre, elle. « Je viens d’arriver. J’ai été prise dans une école donc me voilà. Mais tu n’es pas la seule à ne pas le savoir, je te rassure. » Je haussai les épaules de manière désinvolte. « J’aime bien surprendre. » soufflai-je avec malice, mais également beaucoup de sérieux. C’est vrai et tu le sais Heaven. Je fis quelques pas vers elle pour me retrouver à sa hauteur puis la toisai sans ciller, un air narquois et charmeur au fond des yeux. « Je peux quand même te raccompagner ? » Ma question paraissait innocente. Je ne savais même pas où elle habitait. « Pour une fois que l’on sait où on va, toi et moi. » Je lui adressai un sourire complice qu’elle mépriserait probablement. Mais elle était en sécurité avec moi. Elle avait changé, je ne pouvais rien lui faire, n’est-ce pas ?
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() message posté Lun 22 Juin 2015 - 20:59 par Invité

Abigail & heaven — the past is never where you think you left it because the past is never dead. it is not even past. ✻ ✻ ✻ Elle ne savait pas si elle voulait tout oublier. Elle ne savait pas si elle voulait réellement tout laisser derrière elle. Elle se perdait dans ses convictions, dans ses principes, dans ce présent qu’elle s’était créé. Elle osait clamer qu’elle n’avait aucun regret mais elle vivait une existence de remords. Elle osait clamer qu’elle referait tout pareil, absolument tout, mais elle se surprenait à vouloir revenir en arrière pour arranger certaines vérités.
Parce qu’au fond, Heaven s’était créé l’illusion d’une assurance peu commune. Elle était bien trop bornée pour admettre qu’elle avait tort alors elle s’enfonçait dans ses idées sans même prendre la peine de regarder derrière elle. Elle avait toujours décrété que se révolter contre ses parents avaient été la chose à faire mais elle savait au fond d’elle qu’elle s’était perdue dans le chaos d’une vie pleine de désillusions. Elle avait toujours affirmé qu’elle avait vécu, pleinement vécu, mais elle avait également conscience de s’être appliquée à détruire les chances qu’elle avait. Être l’enfant à problème l’avait amusé durant des années mais elle se retrouvait à se demander si cela avait réellement eu un sens. Faire parler d’elle avait été gratifiant, même si cela n’avait pas forcément été en bien, mais elle avait fini par se demander si cela avait vraiment eu de l’intérêt. Tout était en nuance, tout était en contradiction. Heaven ne savait même plus mettre d’étiquette sur ce qu’il se passait dans son crâne, sur ce qui coulait dans ses veines. Le regret ou la satisfaction. Le remord ou le contentement. Elle était là, à réfléchir à ce passé qu’elle trainait autour d’elle, à se demander ce qu’elle allait bien faire de l’adolescente qu’elle avait un jour été.
Elle ne savait plus si elle assumait ou si elle rejetait. Elle ne savait plus si elle avait encore envie d’être cette personne, si elle voulait encore s’appeler Heaven Howard-Clark. Alors, elle rangeait tout dans des boîtes. Des boîtes au fond de son esprit. Alors, elle n’y pensait plus, comme si cela était suffisant pour effacer ses erreurs et ses honneurs, comme si cela n’allait plus la rattraper. Comme si cela était suffisant pour qu’elle n’ait plus à affronter la dualité de ses pensées.
Et, pourtant, Abigail était là, juste en face d’elle, parfaite représentation de ces choses qu’elle avait fui durant des années.
Elle s’était appliquée à tout oublier mais pourtant, en observant les traits manger par l’obscurité d’Abigail, elle se rappelait de tout, absolument tout. Et elle ne savait pas ce qui était le plus dérangeant. Se souvenir de leur chaos personnel ou avoir l’impression d’être encore étrangement attachée à elle, comme si elle avait encore des comptes à lui rendre. « Félicitations alors, » dit-elle sans pousser la conversation plus loin. Heaven ne savait pas si elle était soulagée ou blessée. Apaisée ou déçue. Elle n’avait pas à continuer sur le sujet ; pourtant, une part au fond d’elle aurait aimé qu’Abigail s’intéresse à elle comme elle avait bien pu le faire par le passé.
C’était ce mal, ce mal qui l’avait rongé et qui revenait, qui l’effrayait. Ce même mal qu’elle ne parvenait pas à définir, qu’elle ne réussissait pas à qualifier. Ce même mal qui la perdait et qui continuerait de la perdre tant qu’elle refusait de faire un pas dans un sens ou un pas dans l’autre. Avancer ou reculer. Avancer ou sombrer de nouveau. « Je viens d’arriver. J’ai été prise dans une école donc me voilà. Mais tu n’es pas la seule à ne pas le savoir, je te rassure, » répondit Abigail et Heaven l’observa, le regard presque vide. Vide comme son âme. Vide comme son être. Vide comme le néant qui l’avait toujours habité et qu’elle avait tenté de combler durant des années. « J’aime bien surprendre. » L’anglaise esquissa un sourire en observant Abigail hausser les épaules. Cela ne l’étonnait pas. Cela ne l’avait jamais étonné. Elle la connaissait, après tout.
Heaven avait beau affirmer qu’elle était différente, qu’elle n’avait plus rien avoir avec la personne qu’elle avait été auparavant, cela ne changeait rien. Elle se rappelait. Elle se souvenait. Elle n’avait pas été deux personnes différentes; son âme était simplement coupée en deux, lacérée,   partagée entre deux conditions qu’elle ne pouvait choisir. « Je peux quand même te raccompagner ? » demanda-t-elle finalement. Heaven haussa un sourcil. « Pour une fois que l’on sait où on va, toi et moi. » Son sourire rappela bien trop de choses à Heaven et elle resta là, figée, à fixer ses traits. A l’observer lui sourire sans réussir à lui sourire en retour. Elle déglutit avec difficulté avant de battre des paupières à plusieurs reprises. « Je peux me débrouiller toute seule pour trouver mon chemin, » affirma-t-elle, répondant à moitié à l’allusion voilée d’Abigail. Elle aimait croire que, désormais, elle savait vers où elle pouvait bien avancer. Elle aimait croire que, désormais, c’était clair, c’était défini, presque tout tracé à l’avance. Pas comme avant. Pas comme ces ténèbres qui avaient toujours envahi son existence pour lui obscurcir la vision. « Laisse-moi tranquille, Abigail. » C’était presque ironique, la façon presque enfantine dont elle lui demandait de passer son chemin. Le peu de conviction qui habitait ses paroles. Elle était presque suppliante, incapable de se gérer elle-même, incapable de la repousser maintenant qu’elle était là à contempler ce qu’elle avait été un jour. «  Je n’ai pas besoin de toi, »  Elle fit un pas sur le côté, se préparant à repartir dans l’autre sens. C’était ce qu’elle aimait se répéter. Qu’elle n’avait pas besoin des autres. Qu’elle n’avait besoin que d’elle-même. Que le reste ne comptait pas.
Qu’elle non plus ne comptait pas, quelque part. Remonter la pente avait été si difficile, une fois qu’elle avait touché le bas. Avancer avait été si contraignant, quand on avait été habitué à faire marche arrière. Elle y était parvenue, après des années à s’y appliquer, après des années à faire des efforts.
Et elle savait, au fond d’elle. Elle savait qu’Abigail pouvait tout refaire basculer en un simple claquement de doigt.
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() message posté Lun 29 Juin 2015 - 20:11 par Invité
Je m’engageai déjà dans la direction qu’elle voulait prendre au départ. Celle qu’elle avait suivi avant de se retourner et de me remettre à ma place. Mais Heaven m’arrêta dans mon élan. Le ton clair et déterminé, tout d’abord. « Je peux me débrouiller toute seule pour trouver mon chemin. » Je haussai les épaules, amusée. Ce n’était pas un problème. Ce n’était pas une raison que je considérais comme valable. Je voulais qu’elle soit plus franche. Qu’elle réussisse à me convaincre. Casse-toi Abigail. On a plus rien en commun toi et moi. Cependant, plus je l’observais et plus je remarquais nos similitudes.   Plus je revoyais son visage souriant et ses manières interdites derrière ses cheveux d’ébènes. Plus je redessinais dans mon esprit la femme que j’avais connu. Je ne pouvais voir que cela après tout. Je ne pouvais pas l’imaginer mère, je ne pouvais pas l’imaginer conformiste et régulière. Et toi non plus Heaven, tu ne peux pas t’imaginer ainsi. Je l’entendais parler mais je ne la croyais pas. T’es pas crédible en fait. Moi je n’écoute que la mélodie de ton cœur lorsqu’il bat puissamment dans ta poitrine alors que la drogue fuse dans chacune de tes veines fines et fragiles. Je cessai cependant d’avancer pour la toiser à nouveau, l’air perplexe. Je voulus lui prendre la main pour lui montrer que c’était facile, que je n’allais lui faire aucun mal, mais elle ne m’accordait pas sa confiance. Notre histoire n’incluait pas la confiance, de toute façon. Elle ne parlait que de fascination. Oui, je sais que tu peux retrouver ton chemin toute seule, mais ne sommes-nous pas amies ? Je souris à cette pensée, malicieuse. Je n’allais pas lui dire, elle aurait refusé d’en entendre plus. Non, nous ne sommes pas amies. Et tu ne me raccompagneras pas ce soir. C’était ce que je lisais dans ses gestes et dans sa voix.

« Laisse-moi tranquille, Abigail. » Je haussai les sourcils et penchai la tête. Elle ne souriait pas. Elle ne plaisantait pas, et pourtant je décelai de l’hésitation dans ses mots. Comme si malgré ceux-ci elle n’était pas sûre de pouvoir m’empêcher de la suivre, de s’accrocher à elle. Je n’avais rien à faire. Je ne voulais pas reprendre le chemin de la maison maintenant. Je ne voulais pas laisser Theodore me jeter un énième regard noir. Je préférais me perdre dans les rues de Londres et oublier le chemin du retour. Emboiter le pas des âmes en peine. Celui de Heaven alors que sa chevelure d’ange brillait dans la pénombre et que je la trouvais belle, plus belle que jamais. Laisse-moi tranquille, Abigail. Elle avait raison, au fond. C’était évident, cela ne me surprit pas, même si je feignis l’étonnement en écoutant sa réponse. J’aurais dû tourner les talons et la laisser rentrer chez elle seule. Mais je voulais m’assurer que c’était ce qu’elle désirait également. Et rien qu’à l’observer à cet instant, quelque chose me disait qu’une part d’elle avait envie de voir si j’allais la suivre. Si j’étais vraiment capable de le faire et si elle était capable d’y résister. Comme si elle voulait se prouver qu’elle était différente, me permettant d’approcher pour constater le fossé qui nous séparait aujourd’hui. Regarde-moi, je suis enceinte, je ne fume plus, je ne me drogue plus et ma voix se teinte d’amertume lorsque l’on m’emmerde comme tu le fais aujourd’hui. Mais je ne vis pas son regard défiant. Je vis les souvenirs qui plongèrent dans son esprit et qui la noyèrent un instant alors qu’elle redécouvrait petit à petit les traits de mon visage. Moi aussi j’ai changé Heaven. Mais tout reste accroché à ton cœur comme un voile invisible qui se serre lorsque tu t’y attends le moins. Lorsque tu es le plus vulnérable.  

« Je n’ai pas besoin de toi. » enchaîna-t-elle rapidement comme pour se convaincre elle-même que c’était le cas. Je gardai mon air faussement étonné et l’accompagnai d’une lueur narquoise au fond de mes prunelles sombres. Je ne cillai pas. Bah vas-y, tourne-toi et va-t’en. C’était comme un cercle vicieux. Plus elle me demanderait de partir et plus j’aurais envie de rester. Parce que ses efforts me prouvaient à chaque fois qu’elle voyait en moi une terrible menace. Une terrible menace tanguant au-dessus d’elle, comme les serres d’un rapace affamé, prêt à fondre sur elle, prêt à la ramener dans les coins les plus sombres de son existence. J’accentuai mon sourire. « T’as jamais eu besoin de moi Heaven. » Et c’était vrai. On pouvait se persuader qu’on avait eu besoin de la drogue et de la déchéance lorsque l’on y avait succombé, mais ce n’était que se mentir à soi-même. Se voiler la face et accuser les circonstances. Se déresponsabiliser. « T’as toujours pu te débrouiller toute seule. » Je haussai de nouveau les épaules avec désinvolture. Heaven était une femme intelligente. Elle s’était sortie de situations critiques plus d’une fois. Mais ça n’en faisait pas une femme forte pour autant. « Pourtant t’as toujours accepté que je sois là. » Ca ne la dérangeait pas d’habitude. Et, comme je l’avais précisé, on avait vécu ensemble des moments bien plus dangereux que celui-ci. « De quoi t’as peur ? Ton copain t’attend sûrement chez toi, non ? » C’était probablement déplacé. Mais c’était sa vie maintenant. Ce n’était pas un accident, n’est-ce pas ? Elle s’était rangée et vivait une vie sobre et bourgeoise. « Tu me diras, qu’est-ce que tu foutais au bar toute seule à une heure pareille … » Un sourire moqueur se dessina sur mes lèvres. De quoi t’as peur Heaven ? Que je te propose de la drogue ? Que je sache où tu habites ? Je n’étais pas le genre à harceler les femmes à longueur de journée. J’étais probablement plus sournoise, la laissant s’écraser lentement sur le bitume froid qui pavait ses souvenirs, pour ensuite pouvoir lui tendre une main fourbe qu’elle ne pourrait pas refuser. Qu’elle verrait comme une évidence. Comme un destin, une fatalité, refermant sur elle la boucle qui la guettait depuis tant d’années. Et elle y reconnaîtrait peut-être la courbe de mon sourire, mais ce serait trop tard. Elle serait déjà condamnée.
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() message posté Dim 5 Juil 2015 - 20:23 par Invité

Abigail & heaven — the past is never where you think you left it because the past is never dead. it is not even past. ✻ ✻ ✻ Abigail lui faisait peur, presque. Peur comme si elle était un oiseau de mauvaise augure. Peur comme si elle lui annonçait des jours futurs difficiles et périlleux. Peur comme si elle était un présage de catastrophe, comme si elle était cette océan qui se retirait avant le tsunami. La gorge  d’Heaven était serrée et pourtant elle continuait de parler ; elle l’observait avec un air de défi peint sur ses traits mais, au fond d’elle, le désespoir remontait doucement dans ses veines. C’était injuste, quelque part. Injuste que son passé resurgisse de cette manière quand elle avait l’impression que tout aillait bien, que tout allait mieux, qu’elle avait enfin une chance de s’en sortir.
Injuste que le destin lui rappelle qu’elle ne pouvait pas échapper à celle qu’elle avait un jour été. Et ce, malgré toute l’application qu’elle avait eu à devenir meilleure, devenir meilleure et enterrer son passé dans un coin de son esprit pour ne plus jamais y repenser.
Pour ne plus jamais le déterrer.
Heaven avait été un magnifique chaos, un désastre grandiose. Elle s’était appliquée à ruiner sa vie à chaque aiguille qui s’était enfoncée dans la peau abimée qui recouvrait le creux de son coude. Elle n’avait eu aucune limite quand il avait s’agit d’oublier tout momentanément en buvant de trop. Elle s’était plu à croire que le goudron dans ses poumons la rendait immortelle dans sa vie d’intempéries. Elle s’était créée un monde et une existence, avait suivi son propre chemin et ses propres convictions, sans jamais écouter les autres, sans jamais avoir besoin de l’aide de personne. Heaven avait beau blâmer certaines des personnes qui avaient croisé sa route mais elle savait au plus profond d’elle-même qu’elle avait été la seule responsable de son malheur ; on l’avait peut-être influencée dans ses choix mais elle avait été celle à allumer la première cigarette qu’elle avait eu au bec, celle à enfoncer l’aiguille dans son bras quand elle s’était drogué pour la première fois. Elle n’avait reçu d’ordres de personne.
Elle n’en avait pas eu besoin. Elle avait trouvé le moyen de se condamner toute seule.
Dans ses grands élans théâtraux, dans ses dramatiques rejets de responsabilité, elle aimait accuser les autres, elle aimait dire qu’ils étaient à l’origine de ses malheurs. Elle aimait la simple idée de pouvoir enfermer tous ses faux-pas dans une boîte, une boîte qu’elle range au fond de son esprit, une boîte qu’elle n’avait plus jamais rouverte, une boîte qui contenait Abigail. Abigail, l’une de ces personnes qu’elle accusait à tort pour sa propre décadence d’artiste pseudo-incomprise.   « T’as jamais eu besoin de moi Heaven. T’as toujours pu te débrouiller toute seule. » Sa voix résonna dans son esprit, résonna jusqu’à lui en déchirer les tympans. Heaven savait qu’elle avait raison. Heaven savait qu’elle ne pouvait pas la contredire. Abigail avait été présente lors de sa décente aux enfers, avait été une protagoniste dans l’histoire de sa chute, mais elle n’avait pas été celle à la pousser au bout, celle à l’achever dans ses pratiques. Non. Heaven avait été toute seule pour ça. « Pourtant t’as toujours accepté que je sois là, »  reprit-elle. La gorge d’Heaven se serra, alors qu’elle l’observait avec gravité, avec défi. C’était sa seule défense. Tout  ce qui lui restait. Tout ce qu’elle avait. « C’est différent. Tout est différent. »  Mais, la vérité, c’était qu’Heaven était bien incapable de savoir l’étendue de toutes ces différences. Elle savait simplement q’elle n’était plus comme avant. Qu’elle ne voulait plus être comme Anigail. Qu’elle avait une conscience, qu’elle attendait un bébé, qu’elle ne pouvait pas se permettre de supporter la présence destructrice d’Abigail Rottenford.
C’était elle. Elle voulait croire que c’était elle. Elle voulait se persuader et persuader les autres que c’était elle. « De quoi t’as peur ? Ton copain t’attend sûrement chez toi, non ? » Le visage d’Heaven se ferma à l’évocation de Caleb, et sa lèvres supérieure trembla sans qu’elle ne parvienne à intimer son corps au calme. « Tu me diras, qu’est-ce que tu foutais au bar toute seule à une heure pareille… » Un sourire se dessina sur les lèvres d’Abigail et Heaven la fusilla du regard. Elle ouvrit la bouche plusieurs fois pour finalement se convaincre qu’elle n’avait strictement aucune explication à lui fournir ; d’un geste vif, elle remit correctement la lanière de son sac sur son épaule avant de faire plusieurs pas dans la direction de son appartement sans se retourner.
Les pulsations de son corps battaient les mots d’Abigail, encore et encore, rappelant le prénom de Caleb, rappelant ses anciennes habitudes de vilaines filles. C’était pour cela qu’elle n’était pas effrayée de sortir la nuit quand tous les loups étaient déjà dehors ; elle avait eu tant l’habitude de le faire, plus jeune, que tout cela ne l’impressionnait même plus.
Finalement, Heaven fit volteface, à plusieurs mètres d’Abigail. « Je ne te dois absolument aucune explication, »  dit-elle d’une voix forte, ignorant les règles de bienséance, ignorant ces personnes que devaient dormir dans les appartements qui surplombaient la rue dans laquelle elles se trouvaient. « Casse-toi, Abigail. Passe ton chemin et laisse-moi tranquille. Je n’ai jamais eu besoin de toi pour me piquer mais je n’ai pas eu besoin de toi pour arrêter. Tu es toxique, Abigail. Je l’étais aussi. On était resplendissantes dans notre désastre. »  Heaven esquissa un sourire avant d’hausser les épaules. « Mais là, maintenant, c’est fini pour moi. Je ne veux plus me réveiller dans un endroit sans savoir comment j’ai pu arriver là. Je ne veux plus boire pour oublier. Je ne veux pas être la salope qui fait le trottoir. Je vais être maman. Je refuse d’avoir des parasites dans mon existence que j’ai peiné à remettre debout. »  Elle termina sa phrase et ses paroles demeurèrent suspendues en l’air. Son intonation avait presque été teinte de supplication, comme pour pousser Abigail à comprendre sa démarche, comme pour inciter Abigail à respecter ses choix et ses espoirs.
Comme pour l’inciter tout en sachant que c’était peine perdue.
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() message posté Ven 24 Juil 2015 - 15:50 par Invité
« C’est différent. Tout est différent. » Je plissai des yeux, sceptique. Non, je n’étais pas d’accord. Elle adoptait un ton condescendant et agaçant. Elle fermait les yeux sur la vérité. Une fois la première cigarette fumée, c’était déjà perdu d’avance. On resterait dépendant toute notre vie. Une fois la première aiguille plantée, c’était pire. Tout est différent. Oui, très bien. Essaie donc de te convaincre toi-même, de parler plus fort que moi pour couvrir le venin qui coule de mes lèvres. Mais cacher une blessure n’était pas guérir. On goûtait une fois à la drogue et on savait à quel point le monde était, oui, différent, une fois que celle-ci s’immisçait sous notre peau. Tout était différent à présent car tout était plus terne. Et l’absence de drogue rendait tout plus terne. A choisir : était-ce l’héroïne qui faisait resplendir les couleurs dans nos esprits ou le manque qui étouffait la moindre étincelle de beauté ? Je savais que Heaven y pensait parfois. Perdue sous des draps blancs, inquiète quant à son avenir, réveillée en pleine nuit par un mauvais rêve ou bien simplement l’aboiement d’un chien errant échoué sur la chaussée. Cela nous arrivait à tous, et à elle aussi : des doutes. Cet instant étrange où l’on se dit que l’on pourrait recommencer, que l’on pourrait tout faire basculer de nouveau, tout foutre en l’air, parce que la drogue ouvrait les portes d’un monde dont on n’avait pas idée. Dont on ne sortait plus une fois que l’on y était entré. Elle pouvait me blâmer pour un million de choses, je ne l’avais pas forcée à y pénétrer. Je l’avais connue après la bataille, alors qu’elle était déjà allongée sur la terre battue de cet autre univers, ses yeux brillant et grand ouverts pour mieux pouvoir observer ces étoiles nouvelles. La drogue était un mal insidieux, comme un diable déguisé qui attirait et forçait à être volontaire. A se jeter de soi-même dans le gouffre, pour ne plus voir dans le miroir des regrets que les traits de son propre visage.

Elle fit volte-face après m’avoir fusillée du regard, les dents serrées sous ses joues froides et crispées. Elle n’avait pas voulu répondre, coupant court à cette conversation qui l’agaçait profondément. Elle me laissait glacialement le dernier mot, comme si c’était plus mature de sa part de s’en aller maintenant. Rentrer chez elle en priant pour que j’arrête de la suivre semblait la meilleure solution. J’observai sa démarche décidée à mesure qu’elle s’éloignait, osant quelques pas à mon tour, probablement pour l’ennuyer. Elle pouvait m’ignorer. Elle pouvait ignorer tout ce que je représentais. Cela ne me ferait pas disparaître pour autant. J’avais touché une corde sensible en mentionnant son compagnon. Je l’avais senti en voyant son corps trembler légèrement, prêt à exploser. Ce n’était pas la Heaven que j’avais connu. Elle avait changé, elle avait raison. Ce qu’elle ne comprenait pas, ce qu’elle ne voulait pas admettre, c’était que le monde n’avait pas changé autour d’elle. Je gardai mon sourire, m’arrêtai sur le bitume humide. Je ne voulais pas suivre cette fausse Heaven, la vraie reviendrait d’elle-même. Et c’est ce qui se passa : elle cessa de marcher et se retourna pour me faire face de nouveau, résignée à me remettre à ma place. Quelle place ? Celle qu’elle m’accordait, celle où elle m’imaginait à présent, refusant de croire que c'était la sienne également. « Je ne te dois absolument aucune explication. » Encore ce même ton condescendant qui me fit lever les yeux au ciel. Mais cette fois, sa voix se réfléchit partout dans la rue. Sa colère soudaine avait remplacé son exaspération. « Casse-toi, Abigail. Passe ton chemin et laisse-moi tranquille. Je n’ai jamais eu besoin de toi pour me piquer mais je n’ai pas eu besoin de toi pour arrêter. Tu es toxique, Abigail. Je l’étais aussi. On était resplendissantes dans notre désastre. » Mon visage se ferma et je relevai le menton pour la toiser avec mépris. « Mais là, maintenant, c’est fini pour moi. Je ne veux plus me réveiller dans un endroit sans savoir comment j’ai pu arriver là. Je ne veux plus boire pour oublier. Je ne veux pas être la salope qui fait le trottoir. Je vais être maman. Je refuse d’avoir des parasites dans mon existence que j’ai peiné à remettre debout. » Je penchai la tête et plissai des yeux, assimilant ses mots avec une difficulté nouvelle. Elle me jugeait. Elle me jugeait horriblement et je détestais soudain cela. Un instant, j’eus presque préféré qu’elle continue sa route et que je me lasse de devoir la retrouver dans le noir. Un instant, les reflets dorés de ses cheveux me rappelèrent l’or factice qui trompait le peuple affamé. Un instant, j’eus l’impression qu’elle me plantait un couteau dans le cœur en m’énumérant toutes les raisons pour lesquelles j’étais une gamine minable et dangereuse, et j’eus envie de m’en aller. Mais l’image de l’appartement respirant le parfum névrosé de Theodore s’infiltra dans mon esprit et me paralysa en face d’elle.

Je me raclai doucement la gorge avant de m’approcher lentement. D’un mètre ou deux, pas plus, laissant toujours une certaine distance entre nous. « Tu me vois comme ça ? Oh ouais, t’as changé. Clairement. » Je haussai les épaules de manière désinvolte mais cachai en moi un profond désir de lui répondre en hurlant à mon tour. Ma voix était calme et maîtrisée. Terriblement froide cependant. « T’es devenue une femme orgueilleuse et supérieure. Que je sache, tu ne sais même pas si je me drogue encore. » Je me mordis la lèvre. J’avais toujours eu un humour très noir et un sacré franc-parler. Mais à aucun moment je ne lui avais proposé un fix. Même pas une clope. « Mais franchement, une salope qui fait le trottoir ? Je trouve ça un peu insultant. » Elle m’attribuait ses propres défauts comme si c’était la solution la plus facile : m’accorder le rôle de la Heaven qu’elle avait chassé de son esprit. J’étais le mal en elle et elle avait lavé son âme de tous ses péchés. « Tu vas à l’église maintenant ? Tu devrais, ça te soulagerait sûrement. Beaucoup plus que me gueuler dessus en tout cas. Je t’ai rien fait. » Je passai une main dans mes cheveux pour dégager mes épaules, sans cesser de la fixer. « Tu peux penser que tu es meilleure que moi. Que tu es promise à un plus bel avenir. Sauf que ça, tu n’en sais rien. Tu ne peux que tenter de te convaincre que c’est le cas. Alors oui, je me drogue toujours et non, je ne vais pas être maman, mais ça ne te donne pas le droit de me traiter de parasite. » Elle était assez forte pour tourner les talons d’elle-même et m’effacer de sa mémoire. Elle ne me connaissait pas. Elle ne m’avait jamais connue. Elle le disait elle-même, j’étais un écho tranchant d’un passé qu’elle tenait attaché au fond d’elle-même, dans les cachots les plus sombres de son organisme. Je n’étais rien. Une poussière au coin de son œil alarmé. Être mère à vingt-quatre ans, je trouvais ça trop jeune de toute façon. Mais j’étais humaine malgré tout. J’étais pleine de défauts, néanmoins mon cœur battait toujours. Même s’il saignait terriblement de mes erreurs passées. J’avais été moins apte à panser mes blessures, voilà tout.
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() message posté Lun 3 Aoû 2015 - 13:56 par Invité

Abigail & heaven — the past is never where you think you left it because the past is never dead. it is not even past. ✻ ✻ ✻ Elle était sans doute injuste, oui. Aussi injuste que ses parents avaient bien pu l’être avec elle. Elle ressentait presque le besoin de se détacher de ses propres erreurs, comme si cela était le seul moyen pour qu’elle puisse se pardonner, comme si cela était la seule façon pour elle d’aller mieux. D’aller mieux et de s’en sortir. C’était le passé, ce passé qui la rendait presque folle, ce passé qu’elle n’assumait pas et dont elle ne voulait pas dans sa mémoire. Ce passé qui la poussait à réagir de cette manière, ce passé qui l’incitait à blâmer Abigail parce qu’elle ne pouvait pas accepter ses erreurs, sa chute, son désespoir.
Cela avait été si facile de tomber. Si facile de sombrer. Heaven ne savait même plus comment elle avait bien pu en arriver à ce stade ; elle savait simplement qu’elle avait signé l’arrêt de son existence bien trop jeune, bien trop tôt. Elle avait passé des mois, par la suite, à se plaire dans son propre chaos. Puis, finalement, quand il avait fallu sortir la tête de l’eau, quand il avait fallu qu’elle s’en sorte, elle n’avait pas réussi. Pas tout de suite, du moins. Elle se souvenait du manque. Elle se rappelait de cette envie qui s’était déversé dans ses veines à nombreuses reprises sans qu’elle ne puisse satisfaire les besoins de son corps. Elle avait lutté contre sa propre personne. Elle avait cru devenir complètement folle une fois, deux fois, cent fois. Peut-être même l’était-elle devenue. Folle. Cinglée. Cela ne l’étonnerait même pas.
Au fond, elle savait qu’elle n’était plus vraiment la même. Elle savait qu’elle s’était perdue en cours de route, qu’elle avait laissé son âme et son être sur le bord de son chemin. Elle avait beau clamer le contraire, affirmer tout ce qu’elle voulait, elle n’était plus que le brouillon de la personne qu’elle avait un jour été. Le fantôme d’une personne qui n’était plus. D’une personne qui n’avait sans doute jamais existé.
Elle savait qu’elle aurait mieux fait de continuer son chemin. Elle savait qu’elle n’aurait pas dû se retourner, ni même dire toutes ces choses. Mais c’était plus fort qu’elle. Elle ne supportait pas qu’Abigail lève les yeux au ciel. Elle ne supportait pas sa manière de se mettre en travers de son chemin comme si elle avait encore le droit de lui adresser la parole, comme si elle avait encore le droit de dire qu’elle la connaissait. La gorge d’Heaven était serrée par la pression, serrée par la colère, serrée par l’exaspération. Elle aurait pu lever la main sur elle, sans doute, si elle avait été sûre que cela change quelque chose. Si elle avait été sûre que cela change la donne. Que cela la sauve, presque. « Tu me vois comme ça ? Oh ouais, t’as changé. Clairement, » Sa voix traduisait un mélange de désinvolture et de colère, de colère mieux dissimulée que la sienne. Elle avait perdu toute chaleur dans son comportement, comme si elle avait bien pu en avoir avant cela, et Heaven se contenta de la fixer. Oui, elle avait changé. Oui, elle la voyait comme cela. Du moins, elle tentait de s’en persuader. « T’es devenue une femme orgueilleuse et supérieure. Que je sache, tu ne sais même pas si je me drogue encore. »  Heaven se mit à rire avec amertume, ne prenant même pas la peine de répondre à ses paroles.
Après tout, elle savait. Elle le voyait. Elle s’était droguée beaucoup trop longtemps pour ignorer les preuves physiques que les doses quotidiennes laissaient sur une personne. Ce n’était même pas un doute qui l’animait, mais une certitude. La certitude qu’Abigail ne s’en était pas encore sortie. « Mais franchement, une salope qui fait le trottoir ? Je trouve ça un peu insultant. » Heaven fronça brièvement les sourcils en l’entendant continuer et elle leva la main pour la couper dans son élan. « Je ne parlais pas de toi mais de moi. Parce que c’est ce qui m’arrive quand j’ai le nez dedans. Mais, quelque part, si tu te sens visée par mes paroles, c’est que tu as forcément quelque chose à te reprocher. »  C’était presque une attaque, au fond. Une attaque sans aucun détour, sans aucune dentelle. Abigail la fatiguait. Elle ne faisait que se défendre et, pourtant, elle la fatiguait. « Tu vas à l’église maintenant ? Tu devrais, ça te soulagerait sûrement. Beaucoup plus que me gueuler dessus en tout cas. Je t’ai rien fait, » reprit Abigail. « Tu peux penser que tu es meilleure que moi. Que tu es promise à un plus bel avenir. Sauf que ça, tu n’en sais rien. Tu ne peux que tenter de te convaincre que c’est le cas. Alors oui, je me drogue toujours et non, je ne vais pas être maman, mais ça ne te donne pas le droit de me traiter de parasite. » Au fond, elle avait sans doute raison. Même si Heaven le pensait aussi fort, elle n’avait pas le droit de traiter Abigail de parasite. Même si cela était vrai, elle n’avait pas le droit de lui prouver qu’elle le savait. Qu’elle en avait conscience. Qu’elle la considérait comme telle.
Elle parlait sans réfléchir. Elle parlait, encore et encore, seule défense qu’elle possédait encore. Seule défense qu’elle n’avait jamais eu, sans doute. « Je n’ai pas besoin de tenter de me convaincre. C’est le cas, »  affirma-t-elle sans aucun détour. Oui, c’était sans doute orgueilleux, un brin prétentieux. Mais elle pensait à tous les efforts qu’elle avait bien pu faire. A Caleb. A son bébé. A ce semblant de vie qu’elle tentait de reprendre. « Si tu n’es pas un parasite, pourquoi tu me suivais ? Hein ? Pourquoi tu rôdais autour de moi ? »  Au fond, celui avait fait peur. Beaucoup trop. Comme si son passé était revenu la traquer. Comme s’il avait émergé de ses cendres pour la retrouver. Son coeur tambourinait fort dans sa poitrine, menaçant presque de sortir de là et s’en aller. « J’ai le droit, au fond, de te traiter comme ça. Parce que tu en es un pour moi. »  Elle ne réfléchissait pas, non. Elle n’avait jamais réfléchi correctement. C’était compulsif, chez elle. Elle se défendait comme elle pouvait. Elle se défendait en s’enfonçant. En se perdant. En s’abandonnant.
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() message posté Dim 9 Aoû 2015 - 19:14 par Invité
Elle ricana avec sévérité et je sentis mes intestins se tordre en l’entendant. Bien sûr qu’elle le savait. Ça se voyait. J’avais assez de preuves physiques marquées sur mon corps pour que personne ne passe à côté. Et elle me connaissait, malgré tout. Elle avait vu ce corps des dizaines de fois, elle s’en souvenait et elle savait où regarder pour déjouer le moindre de mes arguments. Je n’aurais pas dû la suivre. J’aurais dû la laisser disparaître au coin de la rue avec pour seule satisfaction le souvenir de nuits passées qui ne reviendraient jamais. Mais c’était mon truc, ça. Réchauffer les mémoires refroidies par le temps. Je parlais à mes fantômes, je me droguais pour les retrouver. Peut-être que j’aurais pu m’arrêter. La mort d’Ian avait été un tournant dans mon existence et j’avais pris la mauvaise direction. Il avait eu sur moi une influence aussi épanouissante que réductrice. Me permettant de connaître les bienfaits d’un amour pur et immaculé, mais m’enfonçant encore plus dans ce chaos si noir qu’était l’héroïne. Et il était mort en me laissant ce terrible choix : m’envoler vers un futur salvateur pour que son souvenir repose en paix ou bien me plonger dans un désespoir macabre et me droguer pour le faire revivre. Il me manquait plus que nécessaire car je le gardais auprès de moi, j’agissais comme s’il vivait encore en sachant pertinemment que c’était faux. Je vivais un deuil perpétuel et inavoué. J’avais vu son cercueil descendre six pieds sous terre, j’avais vu son frère jumeau planter son regard plein de rancœur dans le mien, et pourtant je n’acceptais pas son départ. Je n’acceptais pas son absence. Et chaque fois qu’une aiguille perçait avidement l’une de mes veines, il revenait me hanter et me dire les choses que je voulais entendre. Me chanter ces chants étranges dont la mélodie me rappelait l’extase que j’avais connue lorsqu’il était à mes côtés. A présent, il ne restait que les fossiles, les marques indélébiles de ma résignation et de ce semblant de liberté auquel je me raccrochais en prétendant qu’il était mon seul échappatoire d’une réalité que j’avais trop connue. Que je voulais quitter. Et ces marques étaient celles que Heaven pouvaient observer ce soir.

« Je ne parlais pas de toi mais de moi. Parce que c’est ce qui m’arrive quand j’ai le nez dedans. Mais, quelque part, si tu te sens visée par mes paroles, c’est que tu as forcément quelque chose à te reprocher. » Je serrai les dents, agacée. C’est ce que j’ai dit à Jamie. J’avais perdu ma virginité en prétendant me prostituer pour le compte de mon frère. La question n’était pas de savoir s’il m’avait crue ou non. Le résultat restait le même. Les mots de Heaven me touchaient. Probablement parce que j’aurais pu les entendre dans la bouche de Theodore, avec le même dédain, la même animosité injustifiée. Comme si c’était ce que mon allure disait, ce qu’elle crachait au visage de tous ceux qui osaient m’observer de trop près. Je me sentais visée. Aujourd’hui, ça m’arrivait. Parler à des inconnus et finir dans leur lit parce que je n’avais plus rien à perdre. Parce que j’en avais envie et que le faire renchérissait l’illusion de liberté à laquelle je voulais croire. Mais du temps où je fréquentais Heaven, ce n’était pas le cas. Beaucoup moins en tout cas. La mort d’Ian, à nouveau, m’avait changée. Je ne tentais pas de le retrouver dans le visage et le corps de chaque homme, chaque femme avec lesquels je passais la nuit. Je savais que ce serait impossible. Qu’il était inaccessible. C’était un exutoire à ma tristesse, mon chagrin condensé dans mes veines fragiles. Je m’abandonnais à celui-ci. Heaven devait connaître cela. Elle devait le craindre : glisser encore et encore vers cette facilité morbide suintant des murs de la capitale lorsque la nuit tombait. Je ne pris pas la peine de répondre. Elle avait raison. J’avais un million de choses à me reprocher. Mais les autres me les reprochaient déjà avec violence et acidité. Je tentais d’oublier que j’étais ainsi. On me le rappelait tous les jours, je n’avais pas besoin d’y penser lorsque j’étais seule.  

« Je n’ai pas besoin de tenter de me convaincre. C’est le cas. » ajouta Heaven, la voix franche et glaciale. Je me mordis la lèvre inférieure, agacée par sa prétention, mais je savais qu’elle ne pensait pas totalement ce qu’elle disait. Ou bien j’essayais de le croire avec force. J’étais la seule qu’il fallait convaincre de quoi que ce soit ce soir. « Si tu n’es pas un parasite, pourquoi tu me suivais ? Hein ? Pourquoi tu rôdais autour de moi ? » Son ton m’enfermait dans le doute. Pourquoi ? Je n’avais pas la réponse adéquate. Je ne le savais pas moi-même. Par instinct. Par envie de revoir son visage. Par désir de savoir ce qu’elle était devenue après toutes ces années. Par simple curiosité. Rien de méchant, en vérité, le sarcasme était venu ensuite en constatant qu’elle n’était plus celle que j’avais connue. Que cette Heaven me plaisait moins que l’ancienne, même si ses cheveux blonds l’embellissaient incroyablement. Elle avait rayonné d’une lumière qui avait attiré mon attention : voilà ce que tu pourrais devenir Abi. Tu pourrais devenir quelqu’un. Cependant je refusais de le croire. Je suis une Rottenford. Je n’ai d’avenir que dans la décadence et la noirceur qui ronge notre famille depuis des générations. J’étais née pour souffrir d’un mal incurable, comme Jasmine après moi. Et il était incurable car il était invisible à l’œil de tous ceux qui ne le connaissaient pas déjà. « J’ai le droit, au fond, de te traiter comme ça. Parce que tu en es un pour moi. » Je déglutis avec difficulté, tentant tant bien que mal de dissimuler la blessure qu’elle m’infligeait en prononçant ces mots avec tant d’assurance, convaincue de leur vérité. Une voix en moi me susurrait que tout le monde pensait cela. Que j’étais l’individu malsain qui venait aux fêtes auxquelles il n’était pas invité. Que j’étais perdue, irrécupérable, que l’on préférait me laisser moisir au fond d’un trou plutôt que de me tendre la main, de peur d’être contaminé par ce foutu mal qui me rongeait. Je soupirai finalement. « Je ne sais pas. » Ce furent les seuls mots que je parvins à former dans mon esprit et ils glissèrent entre mes mâchoires pour sonner dans l’air vespéral. « Je ne sais pas pourquoi je t’ai suivie. Je n’aurais pas dû, c’est vrai. Mais je t’ai vue et ça m’a semblé évident. » Mon regard la quitta quelques secondes pour se perdre aux alentours. « Je n’ai pas l’habitude de réfléchir, tu le sais bien. » ajoutai-je avec un sourire. Malicieux, certes, mais surtout traduisant mon incertitude, mon soudain manque d’assurance. J’ignorais comment elle pouvait réagir à cette soudaine amicalité, cette douce franchise. Je n’avais pas envie qu’elle me haïsse comme tous les autres. J’avais assez de deux frères pour savoir que je ne méritais pas tout cela. Que je ne méritais pas qu’elle s’attarde sur mon cas. Quelque part, je la priais de s’en aller, de ne pas se préoccuper de ce que j’avais bien pu devenir de mon côté, puisque cela se voyait tant sur les cicatrices, les signes de ma déchéance. « Peut-être que je t’admire Heaven. » avouai-je, à moitié ironique. « Tu as réussi à faire ce que je n’accomplirai jamais. Je te félicite pour ça, vraiment. » Elle ne saurait jamais si mes paroles étaient franches. Je l’ignorais moi-même. « J’ai vu ton visage, je t’ai reconnue et je voulais en avoir le cœur net. » Je comprenais sa colère. A sa place, j’aurais agi de même. Je me serais fermée face à mon passé brûlant, revenu par surprise l’attaquer lorsqu’elle était vulnérable. Je lui avais dit des choses qu’elle ne méritait pas d’entendre. J’étais à blâmer autant qu’elle. Peut-être pensait-elle que je déguisais ma voix et mes manières pour qu’elle ne s’enfuie pas tout de suite. Pour qu’elle reste et se fasse piéger par mon allure qu’au fond d’elle, elle désirait avoir de nouveau. Car sa réaction traduisait très certainement sa crainte face à ses propres souvenirs, ceux qui, comme les miens, revenaient brutalement la hanter.
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