Twin Date ¤ Maja/Rika

Twin date

Maja Alvarez & Rika Alvarez

samedi 18 avril

Ce soir, c’est Suzanna qui garde Lucia. « Merci, Suzie, à charge de revanche », lui ai-je dit juste avant de monter m’habiller. Je suis beaucoup moins proche d’elle que de Rika, mais clairement plus que de la benjamine de la famille avec laquelle j’ai toujours eu des relations conflictuelles. Pour autant, je suis certaine qu’elle adorerait garder Lucia. Mais elle est encore trop jeune à mon goût pour cela. Quant à Diego, il est militaire, toujours à droite et à gauche et je ne sais jamais quand il est là. Et comme c’est une sortie avec mon jumeau, je ne vais pas lui demander de garder ma puce, ce serait un peu inutile. Et je ne vais pas encore enquiquiner Nate avec ça. Il a déjà pris son vendredi la semaine dernière, je ne vais pas aussi lui prendre son samedi cette semaine. Bref. Suzanna a accepté, fort heureusement pour moi parce que j’aurais détesté devoir faire appel à une étrangère pour garder ma fille, et que je ne voulais pas embêter Elias et Romeo.

Je finis de me préparer devant mon miroir. Pour ce soir, j’ai prévu une longue robe noire alternant soie et dentelle. Même s’il ne s’agit que d’une sortie avec mon frère jumeau, j’aime être belle, surtout maintenant qu’il n’a plus ses dreadlocks. Nous formons, ainsi, un duo bien assorti. Aux pieds, j’ai troqué mes converses ou mes doc contre une paire d’escarpins avec un talon vertigineux. Clairement, je ne pourrai pas prendre mon vélo avec ça, et je ne vais avoir d’autre choix que de prendre un taxi, parce que le métro vêtue comme ça, c’est une très mauvaise idée. Après m’être maquillée, je passe une étole sur mes épaules, prends ma pochette et m’apprête à sortir. Avant, toutefois, je vais dans le salon embrasser ma fille sur le front.

« Ouah Maman ! T’es cro belle ! »

Je ne peux m’empêcher de sourire.

« Sois sage avec Tante Suzie, d’accord ?
- Oui, Maman »

Je passe embrasser ma sœur avant de sortir.

« C’est vrai que ta robe est magnifique. Tu vas faire tourner bien des têtes, ce soir… »

Cette robe, je l’ai achetée il y a quelques temps avec mes économies. Elle m’avait littéralement fait flasher, même si je ne savais pas trop à quelle occasion je pourrais la mettre. Enfin, je sors et m’engouffre dans un taxi. Je sais que j’ai donné rendez-vous très tôt à mon frère, mais, en même temps, nous allons avoir le temps de dîner et de papoter avant que le spectacle commence, comme cela. J’arrive, enfin, devant le théâtre et sors de la voiture après avoir réglé la course. Bon… Clairement, si Rafael me le propose, je remonterai la jupe de la robe pour monter derrière lui sur la moto. Ca sera nettement plus agréable que le trafic londonien. Je ne tarde pas à l’apercevoir, et me dirige droit vers lui.

« On va manger, avant toute chose ? » je demande en glissant mon bras sous le sien pour l’entrainer, sans lui laisser le choix, vers le bistrot qui se trouve à l’angle de la rue. « C’est moi qui t’invite ! »

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Maja Alvarez & Rika Alvarez

samedi 18 avril

Je suis, réellement, aux anges de passer cette soirée avec mon frère. Et on ne peut pas dire que je sois étonnée de son look de ce soir. En même temps, c’est un artiste, et on ne peut pas changer ça. Ca lui va bien, de toute façon, même si je suis sûre qu’il serait très bien aussi en costard. Avec un peu de chance, peut-être que le jour où il se mariera, il sera en costard ? Quoique le connaissant, il serait bien capable de se ramener en docs… Cette idée me fait esquisser un large sourire alors que je m’approche de lui, remarquant l’absence de casque à son bras, je fronce légèrement les sourcils.

« T’as pas pris ta moto ? » je demande alors que nous commençons à marcher, bras dessus, bras dessous vers la brasserie.

Bien sûr, je sais qu’il est toujours partant quand il s’agit de manger. Il a toujours eu plus d’appétit que moi, de ce côté-là. J’ai tendance à être un moineau quand il s’agit de me nourrir, du fait que je préfère faire plusieurs petits repas répartis dans la journée, plutôt qu’un énorme repas. Ca fonctionne plutôt bien pour moi, je ne vois donc pas pourquoi je changerais de méthode… Bon, d’accord, peut-être qu’avant ma grossesse, j’avais tendance à faire moins de repas, mais plus gros… Mais plus maintenant. Je zappe cette pensée à l’instant même où on nous installe à une table en terrasse chauffée pour profiter de cette belle fin de journée. Je regarde rapidement la carte avant d’opter pour une salade et une boisson gazeuse et attends que mon frère ait choisi pour commencer à le questionner.

« Alors, comment ça avance, avec ta belle éditrice ? »

Bien entendu, je la connais, à présent, et je l’aime bien. Je n’ai jamais eu, avec elle, la réaction que j’avais avec les anciennes petites amies de mon frère : je n’ai pas la sensation qu’elle me vole mon jumeau. Je suis, au contraire, sincèrement heureuse pour lui et, d’un côté, j’espère que cette avancée pour lui va me faire avancer moi aussi de mon côté, même si je doute d’être prête à présenter quelqu’un à ma fille. Le plus dur pour moi dans la relation de mon jumeau, ça a été l’introduction d’une nouvelle figure féminine dans la vie de ma fille, mais dans la mesure où ce n’est pas une maman de substitution, ça a été beaucoup plus facile à accepter, et j’ai laissé faire. Et Lucia l’aime bien, donc, ça me suffit.

Nos plats ne tardent pas à arriver, et j’écoute mon frère parler, quitte à le forcer un peu pour qu’il se lâche. Je sais qu’un jour qui ne sera pas fait comme un autre, il m’annoncera qu’il déménage pour habiter avec Lucy. Et je ne me sens pas capable de partager notre appartement avec un couple. Que ferai-je à ce moment-là ? Je préfère ne pas y penser. Pas encore. Je verrai quand cela viendra. En attendant…

« J’espère que cette comédie musicale sera bien… » dis-je avec un clin d’œil, parce que je sais très bien que nous argumenterons sur les prestations des comédiens, à la fin de la soirée.

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Maja Alvarez & Rika Alvarez

samedi 18 avril

On est pas très loin, mais j’ai quand même préféré prendre un taxi pour venir. Je m’en souviendrai longtemps de cette soirée où j’ai voulu mettre une jolie robe bien trop habillée pour sortir avec mon frère jumeau. D’autant que le taxi a pris quelques loisirs pour venir jusqu’ici, même si ce n’était pas désagréable bien qu’un peu cher. Je lisse ma robe de ma main libre alors que nous arrivons devant la brasserie où nous sommes aussitôt conduits à une table et nous passons commande. Les boissons sont les premières à arriver et je commence à siroter ma boisson gazeuse tandis que mon frère prend une gorgée de bière qu’il manque de recracher lorsque je lui demande comment les choses se passent avec sa copine.

« Tu me connais Raf… Je suis toujours cash. » je réponds en haussant les épaules alors que nos commandes arrivent.

Je lui lance d’ailleurs un regard inquisiteur alors que le serveur s’en va en attendant la réponse à ma question et il se lance, me corrigeant au passage.

« Oui, désolée. J’oublie toujours. Je ne sais pas pourquoi, j’ai toujours l’impression qu’elle est éditrice. »

J’attends qu’il poursuive, mais il n’a pas l’air pressé. Voilà. Quelques mois et… Voilà. C’est vraiment tout ? Je repose mes couverts et regarde mon frère avec attention.

« Rika, une femme a besoin de plus que « voilà » pour construire une relation. J’ai l’impression que les choses deviennent sérieuses, entre vous. Je sais que tu n’aimes pas parler de ça, mais si tu veux lui faire une vraie place dans ta vie, il faut que tu sois un peu plus expressif que « voilà ». Je ne sais pas, moi… Est-ce que tu l’aimes ? Si tu te projettes dans un an ou deux, est-ce que tu te vois toujours avec elle ? »

Et, même si j’ai changé de sujet pour parler de la comédie musicale, je suis revenue sur le plan personnel. Rafael me connait, comme les chiens, lorsque je flaire un os, je ne lâche pas le morceau. Mais il sait, aussi, que je ne le fais jamais de façon malintentionnée. Il n’y a pas plus attentionné, plus protecteur que moi, à part peut-être mon frère. Afin de lui laisser un peu de temps pour réfléchir à ce que je viens de lui balancer, je prends une bouchée de mon plat. Bien entendu, si je lui pose cette question, c’est aussi pour moi, pour savoir comment je dois envisager les choses à l’avenir. Finalement, je reprends la parole pour ajouter :

« Tu sais, je n’ai pas envie que tu passes à côté de ta vie parce que tu te sens un devoir d’être là pour Lucia et moi… Je refuse que nous soyons un frein pour toi. Je t’aime et je te suis reconnaissante de tout ce que tu fais pour nous, mais tu as ta vie à mener, aussi… »

Mais je ne veux pas plomber l’ambiance alors que la soirée commence simplement, alors je lui adresse un sourire et pose brièvement ma main sur la sienne que je sers avant de reprendre mes couverts et de reparler de la pièce :

« Et moi, je suis curieuse de voir la mise en scène. »

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Maja Alvarez & Rika Alvarez

samedi 18 avril

Je sus parfaitement consciente que cette conversation met mon frère mal à l’aise, mais, néanmoins, je sais aussi qu’elle a besoin d’avoir lieu, clairement, je ne lui demande pas de se situer dans 20 ans. Je préfère laisser couler sur le rappel qu’ils travaillent ensemble. Je sais pertinemment que mon frère est peintre. Il n’a pas besoin de me le rappeler. Mais je n’arrive pas à me faire à l’idée qu’ils travaillent ensemble, même si, de nos jours, c’est encore comme ça que c’est le plus facile pour rencontrer des gens. En tout cas, maintenant que j’ai enfoncé des portes, je suis prête à me prendre le retour de bâton. Encore heureux qu’il ne réagisse pas de la même façon avec elle qu’avec moi, sinon, il y aurait de quoi se poser des questions… Il ne manquerait plus qu’il se comporte comme un frère avec elle ! Cependant, je dois bien admettre que la suite de sa réponse me vexe, tant elle est à double sens. Mais je l’ai cherché, en même temps, c’est ce que je dois me dire.

« C’est bien, qu’elle ait une vraie place dans ta vie… » je réponds de façon neutre.

Si j’ai bien compris le sens qu’il voulait mettre à sa phrase, il n’en est pas moins que l’on pourrait penser que cela veut dire que moi, je n’en ai pas une vraie, hors je sais pertinemment que j’en ai une aussi.

« Et c’est tout ce que je voulais savoir. » j’ajoute lorsqu’il a terminé.

Ce n’est, pourtant, pas tout à fait exact. Ce que je voudrais savoir, c’est physiquement, géographiquement parlant comment il se voit dans un proche avenir. Mais je sais comment il fonctionne et je sais qu’il ne me sert à rien d’insister. Alors, de façon détournée, je cherche à lui faire comprendre pourquoi je lui pose ces questions : pour qu’il mène la vie qu’il entend, qu’il ne se retienne pas à cause de moi. Je ne sais pas ce qui lui trotte dans la tête en cet instant, que lui aussi voudrait me dire de vivre pour moi. Pourtant, s’il me pose la question, je lui répondrai sincèrement, même si je ne me vois pas aborder le sujet pour le moment : que je ne veux pas faire entrer d’insécurité dans ma vie. Il est l’oncle – et le parrain de ma fille – il est normal qu’il rencontre quelqu’un, voire qu’il se sépare et rencontre quelqu’un d’autre. Moi, je suis sa mère et je ne peux pas me permettre d’avoir ce genre d’histoire. Je ne peux pas me permettre de faire entrer un homme dans la vie de ma fille pendant quelques mois avant qu’il ne disparaisse. D’une certaine façon, j’ai tiré un trait sur ma vie amoureuse pour les quinze prochaines années. Pendant un instant, mon regard se voile avant que Rika ne reprenne la parole pour me dire que la famille de lucy l’adore. Ma joie de vivre revient presque immédiatement et c’est en souriant que je lui réponds :

« Le contraire ne serait pas possible, grand-frère… Tout le monde t’aime ! »

Même si je suis certaine qu’il y trouvera à redire.

Finalement, je laisse retomber le silence entre nous pour manger ma salade et ne reprend la parole que mon assiette quasiment terminée :

« Ca se passe bien à la galerie, d’ailleurs ? »

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Maja Alvarez & Rika Alvarez

samedi 18 avril

Je change de sujet. Je vois bien que mon frère est de plus en plus mal à l’aise, qu’il répond de plus en plus sèchement. Et je n’ai pas envie de gâcher la soirée. C’est la sortie de notre anniversaire, j’ai trouvé quelqu’un pour garder Lucia, et j’ai envie d’en profiter avec mon frère jumeau. J’ai envie que cette soirée nous laisse à tous les deux de beaux souvenirs. Je termine donc ma salade tranquillement, dans un silence relatif jusqu’à évoquer la galerie. Je hausse un sourcil surpris lorsque Rika évoque le client qui veut passer commande avant de voir les toiles. C’est tellement…

« Bizarre » je termine tout haut. « Mais attends… Comment on peut acheter des toiles sans savoir ce qu’elles vont représenter ? A moins d’engager un artiste peintre pour peindre quelque chose de spécial comme ils faisaient autrefois avec les portraits des nobles et des rois ! C’est inepte ! Il serait pas un peu imbu de sa personne, ton client ? »

Je fronce un peu plus les sourcils en apprenant qu’en plus ce type drague Lucy et rassure aussitôt mon frère.

« Non, mais t’inquiète pas… Je suis certaine qu’elle n’en a rien à faire, de ce type. Elle doit juste jouer laisser passer un peu pour qu’il achète tes toiles… Si elle le rembarre trop sévèrement, son orgueil touché, il n’achètera rien.»

Je hoche cependant la tête à la deuxième partie de la phrase, concernant le dessert, mais prends un peu plus de temps que mon frère pour me décider. Le sucré, c’est mon pêché mignon. Même si je suis rassasiée par un plat, je ne peux achever mon repas sans un bon dessert bien sucré. Et pourtant, je ne prends pas un gramme.  Certaines crient à l’injustice, moi, je suis persuadée que c’est grâce au sport. Je finis par me décider pour un banana split accompagné d’un brownie sous le regard quelque peu ahuri de mon frère.

« Bah quoi ? J’ai un appétit de moineau, mais les desserts, ça ne compte pas » je réponds avec un grand sourire.

Les desserts arrivent rapidement et je prends un peu de glace, un peu de banane et un peu de brownie sur la grosse cuillère qu’ils m’ont fournie avec et je mets le tout dans ma bouche en poussant un soupir d’aise.

« Mmmmmmmmmmmmmmmmh »

Qu’est-ce que c’est bon… Je ne m’en lasse pas. Au moins le temps du dessert, mon frère est tranquille : ce n’est pas moi qui entamerais la conversation.

Nous terminons tranquillement le repas et je commande ensuite un thé, laissant à mon frère l’opportunité de prendre un café, avec l’addition que je règle. Nous nous dirigeons ensuite vers le théâtre pour la représentation et prenons place.