dancing and prancing in jingle bell square in the frosty air | ashtheo

Il ne neige pas encore sur Londres, mais la ville est déjà recouverte d’une mince couche de givre qui illumine les trottoirs et les lampadaires comme un revêtement de diamants. C’est très beau, et Ash en profiterait bien davantage s’il avait une seconde à accorder à des choses aussi futiles que le temps qu’il fait dehors – il n’a pas besoin de jeter un coup d’œil par la fenêtre pour s’extasier, car son application l’a déjà averti qu’il ne pleut pas et que le temps, bien que froid et gris, est clément. C’est tout ce qu’il veut savoir pour réussir à s’habiller en conséquence et à prévoir son après-midi.

Evidemment, sa journée est déjà planifiée depuis quelques jours – parce qu’il sort avec Theo. Pendant les quelques jours qu’il a passés dans l’appartement de sa mère pour les fêtes de Noël, les messages échangés avec le jeune homme ont été l’un des rares rayons de soleil à venir illuminer des repas sinon lugubres, interrompus seulement par des formules de politesse de convenance et le bruit qu’Agatha Tennyson fait chaque fois qu’elle ingurgite une pilule mélangée à un verre de pétillant bon marché.
L’avantage, c’est qu’Ashford a eu suffisamment de temps enfermé dans sa solitude relative pour s’avancer dans ses travaux et pour s’éclaircir les idées par rapport à Theo – sans compter qu’il a reçu bien plus d’appels que d’habitude et que ce n’est pas exactement la conversation de sa mère qui l’a convaincu de ne pas les prendre. Il a donc bon espoir de recevoir en début d’année une feuille de paie plus garnie qu’à l’ordinaire, et cette conjoncture optimiste l’a encouragé à avoir le courage de répondre au texto que lui a envoyé Theo pour Noël, et d’en profiter pour lui demander si, par hasard, il aurait du temps libre et l’envie de sortir avec lui dans la semaine.

Ashford ne sait pas si le fait que Theo ait accepté est génial ou catastrophique ; s’il s’était pris un râteau, il aurait pu s’enfermer dans sa chambre avec un pot de glace en regardant Happy New Year (comme s’il avait besoin d’une excuse pour faire ça), mais maintenant, il a maintenant la pression sur les épaules qui vous tombe dessus quand vous invitez quelqu’un qui vous plaît à un rendez-vous. D’accord, ce n’est pas exactement le premier rendez-vous, mais Ash a l’intention que ce soit romantique – ça devrait être romantique, n’est-ce pas ? Entre le club quelque peu décrépi où il a passé son temps avec sa langue dans la bouche du jeune homme et le café où il a passé son temps à essayer de se faire pardonner d’avoir agi en abruti tout en s’efforçant de maintenir ses paupières ouvertes, on ne peut pas vraiment dire que jusque là, tout ait été une réussite.
Mais il a bien l’intention que tout cela change aujourd’hui.

Ash a tout organisé. Il a donné rendez-vous à Theo à la station de taxis de Paddington (il ne veut pas trop gâcher la surprise en demandant à Theo de le rejoindre trop près de Hyde Park, et il sait que l’un des moyens de transport de prédilection de Theo pour se déplacer dans Londres, c’est le taxi) et il a déjà réservé toutes les attractions susceptibles d’enthousiasmer Theo à Winter Wonderland. Il a tout prévu. Il a passé en revue les différents points de restauration pour être sûr qu’ils trouvent quelque chose de bon à manger, retiré du liquide, chargé davantage d’argent sur sa carte de crédit depuis le compte en banque où l’agence transfère tous les mois sa commission d’hôte téléphonique.
Ca a davantage coincé au niveau de la garde-robe, parce que le jeune homme ne peut pas vraiment se permettre de regarnir son placard, en dépit des soldes furieuses qui ont lieu pour Boxing Day. Mais il a mis un joli pull blanc à col un peu montant pour se protéger du froid, l’un de ses jeans moulants habituels, a passé un coup de cirage sur ses chaussures pour leur redonner un air de neuf, a pris soin de prendre un cache-nez et une paire de gants dans la poche de sa veste, et dans l’ensemble, une fois sa touffe de cheveux blonds domestiquée au sèche-cheveux pour former sa houppette habituelle, il se trouve plutôt pas mal.

Il fait frais quand il sort, tout simplement parce qu’il n’est même pas dix heures – il a donné rendez-vous à Theo à dix heures et demie, parce que le site de Winter Wonderland conseille aux visiteurs de privilégier le matin et les jours de la semaine pour s’y rendre afin d’éviter la foule. Mais comme c’est les vacances de Noël et qu’il a eu la présence d’esprit d’éviter le week-end pour inviter Theo, le métro n’est pas bondé et il va probablement arriver un peu en avance au point de rendez-vous – il a préféré partir tôt, vu qu’il n’habite pas exactement dans un lieu très central et qu’il lui faut un certain temps, aux heures de pointe, pour se rendre depuis son appartement au centre-ville en transports en commun.

Il est plein d’entrain au point qu’il choisit de bondir sur les escaliers plutôt que d’attendre dans les escalators et il y a même un peu de musique de Noël dans les couloirs du métro – d’habitude, Ashford ne supporte entendre les traditionnels cantiques que dans les films d’ambiance, mais ce jour-là, ça ne le dérange pas.
Il n’est que dix heures vingt quand il sort de la bouche de métro. Un petit rayon de soleil morose perce légèrement la couche de nuages et fait miroiter la surface du Grand Union Canal, non loin. Quelques péniches glissent sur l’eau presque noire et Ash sourit – finalement, ce n’est pas beaucoup moins agréable que Notting Hill Gate, comme cadre.

Theo était dans un état de plainitude total. Il s'était réveillé tôt (n'allez pas lui dire que 9h du matin ce n'était pas tôt, s'il vous plait, laissez le encore rêver un peu) et de bonne humeur. Seul dans la maison, il gambadait littéralement d'une pièce à l'autre, se déhanchant au passage sur les morceaux de musique que hurlaient ses amplis, banchés directement à son ordinateur portable. Il n'étais pas stressé le moins du monde, pourquoi le serait-il après tout ?

Ashford et lui avaient convenus de se voir dans la semaine, un peu après Noël, histoire d'échapper à la folie de cette grande période de fête. De quoi laisser à Theo l'occasion de participer au fameux Boxing Day et ainsi, de se trouver une tenue qu'il jugeait potable pour leur prochaine sortie. Bien sûr, sa penderie était remplit de vêtements en tout genre, beaucoup trop pour une seule personne d'ailleurs, mais il avait envie de taper dans le neuf. Alors il s'était fait plaisir, disons, et était rentré de sa virée shopping avec une tenue flambant neuf et un sacré mal de pieds. Après une douche rapide, Theo s'empressa d'enfiler la dite tenue, qui n'avait rien de spécial en soit - il avait choisit un pull  ample enfilé par-dessus un t-shirt à manches longues qui laissait seulement voir le col, un jean serré et une paire de bottines bien chaudes. Ashford ne lui avait pas dit où il l'emmenait et Theo n'avait strictement aucune idée de si ils allaient marcher beaucoup ou non. Mieux vaut prévenir que guérir, comme on dit, d'où le choix de sa paire de chaussures.

Le plus délicat restait bien entendu les cheveux, la plus grosse épreuve à chaque fois qu'il sortait quelque part. Que pouvait-il bien faire de cette espèce de tignasse bouclée couleur châtain, qui avait visiblement décidée de lui déclarer la guerre à chaque fois ? Il tenta de passer ses mains à travers les boucles, histoire de donner un sens à sa coiffure, mais c'était peine perdue. Il tenta malgré tout quelque chose avec son espèce de frange, une barrière de cheveux qui se collait constamment le long de son front et dont le but consistait probablement à l'aveugler à moitié. Theo finit par sortir de chez lui lorsqu'il aperçu le taxi qu'il avait commandé s'arrêter devant l'immense maison, et il regretta immédiatement le temps qu'il avait consacré à ses cheveux : une bourrasque de vent l'accueillit et il roula des yeux. Il était bien heureux d'avoir son merveilleux duffle coat bleu marine flambant neuf sur lui.

Il rentra dans le taxi en vitesse, indiquant au chauffeur la direction à prendre. Paddington. Il se demandait ce qu'ils allaient faire. Pas qu'il s'attendait à quelque chose d'extravagant - ce n'était pas ce qu'il demandait (non pas qu'il doutait de l'imagination de Ashford, mais même s'il était curieux de ce qu'il avait en tête, le fait qu'il l'avait invité à sortir était déjà tellement impressionnant que le reste n'avait pas d'importance). Un tour en péniche ? Oh my god. Remarquez, tant qu'il ne s'y avait pas de canoë impliqué, ou tout autre sorte de mini embarcation susceptible de les faire basculer dans l'eau, tout ne pouvait qu'aller bien/que bien se passer.

Theo était très heureux de sortir avec Ashford. Vraiment très, très content. Il plaçait malgré lui beaucoup d'espoir dans ce rendez-vous, parce que les périodes de fêtes de fin d'année étaient toujours un peu moroses pour lui. Peu de fêtes ou de soirées auxquelles se rendre, au vu des plannings chargés de chacun de ses amis, si ce n'est celle du Nouvel An, bien évidemment (qu'il allait bien entendu fêter comme il se devait). Les Adamson père et fils fêtaient Noël à leur façon : le fameux dîner de Noël, qu'ils partageaient tous les deux. L'échange des cadeaux, pendant le dessert. Et puis passé une certaine heure, chacun était libre de vaquer à ses occupations, et c'est ainsi que se déroulait leur réveillon. Le 25 n'était pas très spécial non plus ; Astrid avait sa journée, de ce fait elle ne revoyait Theo que le 26 pour échanger leurs propres cadeaux (de la part de Theo, un soin en institut qu'il avait choisi avec l'aide de l'une de ses amies, puisque lui ne s'y connaissait pas vraiment en matière de salon de beauté et tout ça. Lui son rayon, c'était plus les sous-vêtements, vous voyez, mais jamais il n'offrirai un tel cadeau à sa plus vieille gouvernante). Les messages qu'ils avaient échangé avec Ashford en ce réveillon légèrement tristounet avait littéralement éveillés sa soirée, et la proposition de sortir encore plus - il n'attendait que ça !

Il en était là dans ses réflexions lorsque le taxi ralentit, avant de complètement s'arrêter, signe qu'ils étaient arrivés à destination. Theo sortit du taxi noir en vitesse, le col de son manteau remonté afin de ne pas se prendre le froid londonien en pleine face dès le début. Il paya sa course puis s'éloigna un peu afin de regarder autour de lui. Il était pile 10:35, il était à peine en retard. Miracle de Noël quand tu nous tiens ! Il remarqua la bouche de métro à quelques pas de là, et bien entendu, il repéra bien vite la silhouette de Ashford, seul sur les marches.

Le mode "gros sourire idiot (fossettes non-optionnelles)" s'enclencha automatiquement lorsque Theo le remarqua, et il s'empressa de le rejoindre afin de ne pas le faire attendre plus longtemps (en espérant très fort qu'il n'était pas trop arrivé en avance, car même s'il avait à peine 5 minutes de retard, ce n'était pas cool de sa part de le faire attendre dans le froid).

Le bouclé lança un Hey ! chaleureux et retentissant, comme à son habitude, s'approchant du visage du blondinet afin d'embrasser sa joue toute fraîche. Il supposait que la joue, c'était un terrain suffisamment neutre pour un deuxième rendez-vous (ou premier ? Définitivement pas troisième, en tout cas). Ashford était bien fringué, bien coiffé, et Theo ressentit soudainement comme une bouffée d'excitation à l'idée d'être seul avec lui pour les prochaines heures. « Joyeux Noël ! Encore. Mais j'avais pas pu te le dire de vive voix. Tu vas mieux que la dernière fois, j'espère ? » Il était encore tout proche de lui, mains plongées dans les poches. « Tu m'emmènes où ? » demanda-t-il d'un air légèrement enfantin, les fossettes de sortie. Ashford n'allait probablement pas lui dire, mais il pouvait toujours tenter, non ? Theo ne prit même pas la peine de se reculer plus que ça, juste de quoi ne pas trop empiéter sur sa zone d'espace vitale, toujours face à Ash.

Ash regrette un peu que l’ambiance ne fasse pas davantage Noël ; il a beau faire gris et déjà un peu sombre en dépit de l’heure relativement matinale, les décorations lumineuses ne s’allumeront pas avant plusieurs heures, et il n’y a pas de neige pour donner aux rues de la ville un côté un peu plus festif et hivernal.
Mais ces regrets fondent – ironiquement – comme neige au soleil quand il voit l’un des célèbres taxis noirs s’arrêter sur le bord de la route et Theo en sortir, ses cheveux fous tout emmêlés par les bourrasques de vent froid qui ne cessent de souffler et un grand sourire aux lèvres. Ashford sent ses zygomatiques s’étirer en réponse et il s’éloigne du mur contre lequel il s’était appuyé pour se protéger de la brise pour s’avancer dans la rue, où Theo règle déjà sa course avant de se tourner vers lui. Le baiser sur la joue est un bon compromis, initié par Theo et que Ash lui retourne.

- Salut, répond-il, sa main se posant un instant sur sa taille, parce que Ashford a dû mal à dire bonjour à quelqu’un, surtout d’aussi séduisant, sans faire contact à un moment ou à un autre, même si, c’est vrai, d’habitude, il se contente de prendre appui sur leur épaule. Ca va très bien, et toi ? Joyeux Noël à toi aussi. Tu as passé de bonnes fêtes ?

Il a transmis ses meilleurs vœux à Theo, évidemment, par SMS, mais ils ont été très brefs, notamment parce que Ashford, ne sachant pas trop s’il passerait un réveillon aussi excitant que le sien (sarcasme) ne voulait pas risquer de le déranger en plein milieu d’une grande fête de famille. Il aurait aimé l’appeler, également, mais il avait trop peur que le haut-parleur du combiné qui déforme un peu sa voix ne rende un son trop similaire au timbre d’Edward et s’est dit qu’un court message écrit serait plus prudent et plus efficace.

Il se sent fantastiquement bien, et même le froid semble s’être atténué un peu alors qu’il fait un geste de la main pour indiquer à Theo la direction à prendre – son sens de l’orientation à Londres est pratiquement imbattable, alors même s’il sort d’une bouche de métro et qu’il découvre donc un aspect de la ville qu’il ne connaît pour ainsi dire pas, celui des abonnés des transports en commun de la ville, il se repère assez vite pour savoir comment se rendre vers Hyde Park. Et même s’il ne le savait pas, eh bien, il est à peu près sûre qu’il y a une tonne de pancartes pour indiquer aux égarés le chemin à suivre – zut, il n’avait pas pensé à ça, lui qui voulait tant que ça reste une surprise.

- On va aller par là. Je ne te dis pas où on va pour l’instant, mais le suspense ne va pas durer trop longtemps, je pense. Enfin, par sécurité, tu peux sortir ton téléphone et garder le speed dial à proximité, au cas où tu devrais soudain signaler ton enlèvement par un blond en duffle coat douteux !

Il s’arrête à un passage-piéton pour attendre que le feu passe au vert – d’habitude, il est le genre à regarder à droite et à gauche avant de traverser précipitamment, comptant sur ses longues jambes pour l’amener de l’autre côté de la route sans dommages, mais avec Theo à ses côtés, il ne va pas commencer à bafouer les règles du code de la route – il ne manquerait plus qu’un bobby soit là et ils en seraient quittes pour une bonne amende. Ashford n’a pas l’intention de laisser son pactole spécial rendez-vous s’évaporer dans la poche des forces de l’ordre ; sans compter que commencer à traverser de façon plus ou moins aléatoire aurait impliqué prendre la main de Theo dans la sienne pour le tirer à sa suite, et il va essayer de réfréner ses ardeurs au moins pendant la première heure. Il a ses mains soigneusement enfouies dans ses poches pour s’empêcher de les glisser entre ceux de Theo – a-t-il déjà mentionné que ce dernier a des mains immenses qu’il a tellement envie de tenir et de sentir contre les siennes ? oui ? il fonctionne comme un disque rayé ? ah bon – mais il se tient assez proche de Theo pour que leurs bras se frôlent quand ils marchent.

- Tu as été gâté à Noël ? Pas de costume à porter pour que les plus jeunes de la famille continue de croire à la magie ? s’enquit-il.

Il n’a qu’un pouce inséré dans sa poche quand le feu passe au vert, et il oublie un instant qu’il est censé garder ses mains pour lui au moment où il tend le reste de ses doigts pour effleurer le coude de Theo et lui faire signe de le suivre.

- On va devoir marcher un peu avant d’y arriver, j’espère que ça ne te dérange pas.

Si Google Maps ne lui a pas menti, cela ne devrait pas leur prendre plus d’un quart d’heure, mais si Ash, à vélo, fait le trajet en cinq minutes et que son attitude généralement tonique lui permet d’affirmer que cela ne le dérange pas de devoir marcher dix minutes avant d’atteindre leur destination, il se rappelle que tout le monde n’est pas ravi de déambuler dans les rues humides de Londres en plein mois de décembre alors qu’il existe des choses merveilleuses comme le taxi, les bus ou même le métro pour se déplacer bien au chaud.

Theo était curieux. Curieux de tout, en général, mais là tout de suite, surtout curieux de savoir où est-ce que Ashford avait décidé des les embarquer pour la journée. Il ne comptait pas l’assommer de question, cependant (ou en tout cas pas tout de suite !) même s'il en avait quand même bien envie. Mais le blondinet lui assura que le suspens ne tiendrai pas très longtemps, alors Theo en déduit qu'il n'aurait probablement qu'à regarder autour de lui pour trouver l'endroit. Ou mieux encore, se contenter de se focaliser sur Ash et uniquement sur lui afin de laisser faire la surprise. Theo rigola en regardant le dit Ash et, à bien y réfléchir, la deuxième option ne semblait pas bien difficile à exécuter.

En théorie, marcher au côté de Ashford tout en gardant ses mains et ses bras le long de son corps n'avait rien de bien compliqué. En pratique, par contre, ça l'était un peu plus, car Theo ressentait cette irrésistible envie de glisser ses mains contre le bras du blondinet qui le frôlait, de l'agripper afin de caler le rythme de ses pas sur le sien, mais il avait une certaine retenue dans sa façon de se comporter avec lui, pour le moment du moins. Il était tellement content que Ashford ait prit l'initiative de l'inviter et de plus ou moins recommencer à zéro entre eux, il ne risque pas de tout foutre en l'air à cause de sa tendance à être trop tactile.

Ils étaient en route, Theo suivant de prêt Ash, puisqu'il était le seul à connaître le chemin de l'endroit où il les menait.
Theo espérait qu'il y aurait de la nourriture, plein de nourriture partout. Il n'était que dix heures et demi et malgré le petit-déjeuner consistant qu'il avait prit à peine une heure plus tôt, il ne dirait pas non pour une bonne grosse gaufre sucrée. Theo secoua légèrement la tête en réponse à la question de Ashford. « Si seulement ! Je préférerai mille fois porter un costume de Père Noël pour mes petits cousins plutôt que de devoir porter le genre de costume que m'offre mon père. Ça me fait ressembler à un pingouin. » Pourquoi disait-il ce genre de choses peu glorifiantes lors d'un rendez-vous avec la personne envers qui il avait clairement un crush ? Aucune idée. Il fallait bien ça pour commencer leur journée, n'est-ce pas ? « Sinon, j'ai découvert l'existence de Christmas24, cette chaîne est dingue. Ne me juge pas ! Et toi, ton Noël ? » Ah bah, oui, effectivement, quoi de mieux que de mentionner cette chaîne pour le moins spéciale, qui ne proposait que des films de Noël en boucle, 24h sur 24 et ce de novembre à janvier ?

Theo décida que puisqu'ils allaient marcher un petit moment, autant mettre ce temps à profit pour satisfaire sa curiosité, sur quelques sujets bien précis. Il profita du fait qu'ils s'arrêtaient à un autre passage piéton pour se tourner à demi vers Ash et lui demander, très sérieusement. « Je peux te demander quel âge tu as ? Je suis un peu jaloux de ta gueule d'ange, en fait, » expliqua-t-il en appuyant son doigt dans la joue pleine de Ash. C'était tout smooshy, il avait des joues tellement pleines, faites pour recevoir des bisous et bien plus. Il éclata de rire un instant, lorsque le bout de son doigt disparu dans la joue de Ash, il trouvait ça atrocement adorable et il devait passer pour un idiot fini, mais peu importe. En juillet, Theo avait déduit que Ash devait tout juste être majeur, par rapport à ce qu'il lui avait raconté au sujet de ses études. Pas que ça lui posait un quelconque problème, après tout, mais il était quand même intrigué, il ne lui donnait pas plus de 19 ans à tout casser (et s'il était en réalité plus âgé, et bien, ce n'était tout simplement pas juste, voilà). « Ça fait longtemps que tu as ton piercing ? » s'enquit-il. Ah, ah. On touchait enfin le fin fond du sujet, la vraie question avait été posée ! Lui ne possédait ni piercing ni tatouage, trop douillet qu'il était. L'idée ne lui déplaisait pas, cependant, mais récemment il s'était rendu compte que le résultat lui plaisait plus chez les autre que sur lui-même. Il n'y avait qu'à regarder Ashford, et sa manie de toucher son piercing avec sa lèvre, c'était un sacré spectacle. Lui aurait probablement l'air ridicule plus qu'autre chose s'il faisait une telle chose.

Theo ne remarqua pas le premier panneau indiquant qu'ils étaient bien en direction de Hyde Park, ni le deuxième. Il était trop occupé à questionner Ashford et à l'écouter répondre à ses questions. Au troisième, son esprit lisait les écriteaux sans que l'information ne percute réellement son cerveau, il ne fit pas tout de suite le rapprochement. Il était beaucoup trop occupé à questionner Ash, parce qu'il s'était rendu compte que de toutes les fois où ils s'étaient vus, il ne s'était contenté que de basiques - ses études, son job, par exemple. Bien sûr que ça l'intéressait, surtout quand Ashford prenait le temps d'élaborer si bien ses réponses afin de répondre précisément aux questions de monsieur curieux, mais Theo en avait bien d'autres en tête et maintenant qu'ils avaient brisés la glace, c'était encore plus facile de se lancer.

Ash essaie de se concentrer à la fois sur la conversation, sur le chemin à suivre et aussi à là où il met les pieds. Londres a beau être une ville plutôt propre, il est toujours affreusement malchanceux quand il s’agit de marcher dans quelque chose de pourtant aussi innocent qu’une flaque d’eau – et encore, c’est si son karma n’est pas trop mauvais. Et avec l’abondance de parcs qui jalonnent London Street, qu’ils doivent suivre pour arriver à Hyde Park, on n’est jamais trop prudent, même si, Ashford le reconnaîtra de bonne grâce, Gloucester Square est un endroit charmant.
Ils ne sont pas dans la plus belle partie de Londres, loin s’en faut, et le ciel un peu gris ne fait rien pour améliorer l’apparence de la rue un peu étroite, flanquée de deux rangées de hauts bâtiments qui donnent au jeune homme l’impression d’être écrasé. Mais qu’importe, puisqu’il n’est pas là pour admirer une ville qu’il connaît déjà par cœur mais bien pour apprendre à mieux connaître Theo.

- Tu n’as pas de frères et sœurs, alors ? demande-t-il d’un ton léger, parce qu’il ne se rappelle pas que Theo lui ait raconté – à lui ou à Edward – d’histoires impliquant un autre membre de la fratrie Adamson. Ce n’est pas plus mal, remarque. Une des filles à la radio, Ophelia, a une petite sœur et elle a dû jouer la comédie en trouvant les cadeaux au matin de Noël.

Il se rappelle le Snap ridicule envoyé par Ophelia à sa bande d’amis, une photo d’elle debout devant la table de la cuisine en train de croquer les biscuits et de boire le lait prétendument laissés au Père Noël, et roulant des yeux. Ca a fait rire Ash de la voir ainsi, sans son habituel maquillage smoky et son trait d’eyeliner pour trancher avec ses cheveux platine, à mordre dans des gâteaux secs pour maintenir les apparences auprès d’une gamine de neuf ans. Ophelia est plutôt le genre de fille qui fume jusqu’à avoir la voix rauque et ne sort jamais sans sa veste en cuir.
Ceci dit, Ashford n’est pas forcément mécontent d’être fils unique ; il se fait suffisamment de souci pour sa mère sans avoir besoin d’imaginer s’inquiéter pour une petite sœur ou un petit frère, même si, quand il est avec Warren, il regrette parfois de ne pas avoir quelqu’un de sa famille avec qui partager ses fous-rires.

Bien sûr, c’est difficile de s’imaginer que Theo n’est pas à tomber par terre dans un costume ; est-ce que c’est un cadeau singulier ? Certainement que le père de Theo, ou sa secrétaire, a ses mesures stockées quelque part et lui offre régulièrement des costumes hors de prix, mais c’est vrai que ça peut ne pas paraître très personnel, surtout si c’est le même genre de cadeaux chaque année.
Enfin, sur ce point, Ash peut se taire, parce que lui a eu droit à une cravate – oui, vous savez, ce truc qui ne sert à rien d’autre qu’à tremper dans son café ou sur ses toasts beurrés quand il n’est bien réveillé après un entretien et qui met des taches plein sa chemise quand il s’en rend compte et fait des gestes brusques qui aggravent le désastre au lieu de réagir calmement. Ash aurait honnêtement préféré un aspirateur – mais pour être juste, sa mère n’avait pas exactement l’air ravi de se voir offrir How to Quit Drugs for Good: A Complete Self-Help Guide, donc peut-être qu’il est un fils indigne qui a bien mérité de recevoir des cravates tapageuses pour Noël.

- Ecoute, pour ce que ça vaut, je suis certain que le costume ta va très bien.

Il jette un coup d’œil à Theo pour le jauger du regard, essayer de visualiser – il est journaliste à Vogue, bon sang, il devrait être capable de faire ça.

- Okay, peut-être sans la cravate. Là, ça ferait vraiment pingouin.

Pas qu’Ash ne trouve pas les pingouins adorables, mais le costard sans cravate avec les deux premiers boutons de la chemise défaits ? He’s so down for that. Il s’éclaircit la gorge.

- Enfin, bref, tout ça pour dire, je n’ai rien fait de fantastique. J’étais chez ma mère pendant deux-trois jours, je lui ai offert un livre et elle m’a offert une cravate. Même si, pour répondre à ta question, je viens d’avoir dix-neuf ans et je n’ai pas la moindre intention de porter une cravate avant au moins vingt-cinq ans.

Et c’est vrai, parce que si Ash porte toujours un ensemble quand il se rend chez Vogue ou à un entretien, il ne s’embarrasse pas d’autres fioritures – avec son air de gamin, de quoi il aurait l’air, franchement ? D’accord, la cravate est une cravate Hermès et elle a dû coûter plus d’une centaine de livres. Mais Ash insiste sur ce point : un aspirateur aurait été beaucoup plus fonctionnel.

- Et je vais complètement ignorer ton compliment sur ma gueule d’ange parce que je suis à peu près sûr que je suis déjà rouge comme une tomate à cause du froid et que tu n’arranges pas les choses, ajoute-t-il avec un sourire, mais son ton est affectueux ; il sent ses joues le picoter, cependant, cette fois, ce n’est pas le vent glacial qui responsable de la soudaine rougeur sur ses pommettes.

La question sur le piercing est une diversion idéale pour permettre à Ash de se recomposer, parce qu’il n’est pas sans savoir l’attrait qu’exerce sur Theo le petit anneau de métal au coin de sa lèvre inférieure et que garder cela en tête lui donne l’occasion de reprendre un peu confiance en soi.

- Hum, euh, j’avais seize ans. C’était un peu idiot, mais un de mes amis, mon meilleur ami, Warren ? Il connaissait bien le type du studio et il voulait un piercing aussi. Enfin, là – il frotte son index contre son arcade sourcilière, à l’extrémité de son sourcil. Bref, on était trop jeunes pour avoir un tatouage ou un piercing, de toute façon, mais Warren a réussi à convaincre le mec et… Enfin, j’ai failli me dégonfler et pour être honnête, j’ai pleurniché après tellement je trouvais que ça faisait mal. Et ma mère a piqué une crise quand je suis rentré, j’ai passé les trois jours suivants à dormir chez Warren sur le canapé.

Bravo, Ash. C’est séduisant et viril. Belle histoire, très émouvant.

- Je suppose que ce n’était pas la meilleure idée du monde, mais… je ne sais pas, j’avais seize ans et j’étais dans l’état d’esprit d’un ado normal qui a besoin de faire une connerie pour s’affirmer, et… enfin, je l’enlève pour aller à des entretiens et des choses comme ça, mais je l’aime bien, au final.

Tiens, sa mère aurait pu lui offrir un nouveau piercing, pour Noël, au lieu d’une cravate. Lui qui envisageait de changer la forme de l’anneau pour un piercing circulaire ou en spirale…

Avec toutes ces discussions – damn, ce qu’Ash peut être bavard quand il s’y met, il s’étonne que Theo n’ait pas encore pris la fuite – ils sont arrivés aux abords de Hyde Park, et voilà, ce n’est plus vraiment possible de garder ce qu’il a prévu secret avec la grande roue qui dépasse de très haut la cime des arbres, les lumières clignotantes déjà allumées et la foule de visiteurs qui se presse sous la grande porte aux airs de parc à thème de Tim Burton.

- Hum, donc, j’espère que ça te plaît. Je veux dire, Winter Wonderland. Je n’y ai jamais été, pour être honnête.

Il y eu un moment de silence pendant lequel Theo sentit son cœur s’accélérer et se compresser dans sa poitrine. Il aurait peut-être du sentir que le sujet glissait doucement, mais sûrement vers ce type de questions foireuses, le genre qui le décontenançait et lui faisait perdre sa langue en moins de deux. Alors il prit sur soit, comme à chaque fois que quelqu'un lui posait une question similaire ; il avait un scénario, dans sa tête, qu'il s'évertuait à suivre à la lettre. « Non, fils unique. Et toi ? » C'était tellement tricky, comme question. Si il se contentait de répondre avec un simple non, on se rendrait sûrement compte que quelque chose clochait ; Theo ne savait pas se contenter de réponses courtes. Mais élaborer une longue réponse lui donnerait définitivement un air suspect ; tout le monde sait que plus on ajoute de détails, plus on en a à cacher. Il se permit cependant de rajouter, pour ne pas avoir l'air trop distant. « Tu risques de trouver ça bizarre mais si j'avais un petit frère ou une petite sœur, j'adorerai faire ça. Et puis, manger les gâteaux du Père Noël, ça n'a pas de prix, » lança-t-il en souriant largement. On en revenait toujours au même sujet, avec lui ; la bouffe.
Theo ignora soigneusement la voix dans sa tête qui prenait un malin plaisir à lui rappeler que hey, il avait bien un petit frère, même s'il ne l'était que de deux minutes. Heureusement pour lui, la conversation allait bon train et ni lui ni Ash n'épilogua sur le sujet.

Theo adorait flirter avec Ashford parce que chaque mot, chaque geste lui semblait simple. Il lui disait qu'il devait être très beau en costume, et lui répliquait en mentionnant sa gueule d'ange. C'était tellement simple, et évident, que c'en était presque déroutant. Theo ne se sentait même pas rougir, lorsque Ashford expliquait qu'il était probablement la raison pour laquelle ses propres joues prenaient une couleur beaucoup plus rouge qu'à l'ordinaire- lui, Theo Adamson. Et le pire, dans tout ça, c'est qu'il en avait conscience : et il adorait ça.
Tellement qu'il s'imaginait totalement arrêter Ashford afin de l'embrasser sur-le-champs, mais ce serait probablement, fortement inapproprié, alors il n'en fit rien et se contenta de mordre sa lèvre inférieure, à défaut de pouvoir les poser contre celles du blond.

« Est-ce que je dois remercier le journaliste de chez Vogue pour ce compliment ou le blondinet qui me prend en otage pour la journée ? » Demanda Theo avec le sourire. Avant de rajouter : « Pas que ça me dérange. Et, joyeux anniversaire, alors ? » Ashford avait donc 19 ans, un point pour Theo. C'était probablement idiot, mais au fond, il était un peu soulagé d'avoir la confirmation que le blondinet était majeur. Quand on pensait que lui allait sur ses 22 ans... nooooon. Une idée semblant vaguement bonne lui traversa l'esprit. « Peut-être qu'on devrai présenter ta mère à mon père. Ils ont l'air plutôt raccord, niveau cadeaux, et je te cache pas que j'ai pas passé une soirée dingue non plus, de mon côté. » Theo prit deux secondes afin de réfléchir à ce qu'il venait de dire, et non, définitivement, non. S'il admettait avoir un sacré crush pour Ashford, ce n'était pas pour tout bousiller en présentant leurs célibataires de parents. C'était en fait l'idée la plus débile du monde et comme bien souvent, il s'en rendait compte après l'avoir formulée à voix haute.

Il avait bien évidemment évoqué le fameux piercing de Ashford et l'histoire qui en découlait était juste fabuleuse en tout point. De l'idée du meilleur ami à Ash qui se dégonfle, pour finalement souffrir le martyr, Theo prenait un malin plaisir à l'écouter et réagissait en conséquence. Les mains plongées dans son manteau, on pouvait voir ses épaules se secouer plus ou moins discrètement sous les petits rires qu'il laissait échapper. Il n'était pas bien difficile à charmer, le Theo, mais là, Ashford avait vraiment tout bon. Le bouclé adorait les histoires souvent hilarantes issues de l'adolescence de chacun, et sans même y réfléchir, quelques mots s'échappèrent de sa bouche. « Moi aussi, je l'aime bien. » ??? Oui, bon, au cas où n'avait pas encore comprit l'attrait de Theo envers ce simple petit anneau de métal...

Mais trêve de plaisanterie, la curiosité de Theo allait très vite être satisfaite, au vu de l'immense grande roue qu'il voyait dépasser de dessus les arbres. Une grande roue et un endroit qu'il connaissait particulièrement bien, et pour cause. Je ne saurai même pas comment vous décrire l'immense sourire qui fendait son visage, tant il avait l'air heureux et reconnaissant d'être ici. Il fit cependant volte-face et regarda Ashford comme s'il sortait de la 5ème dimension. Ce qui devait probablement être le cas, d'ailleurs.

« Quoi ? Attend. » Theo a pour ainsi dire ralentit l'allure de leur marche sous cette annonce pour le moins choquante (du moins à ses yeux), pour ne pas dire qu'il s'est carrément arrêté en plein milieu du chemin, une main calmement posée sur le bras du blondinet. « Tu n'es jamais venu ici ? » Il regarda un instant Ashford d'un air interloqué. Lorsqu'il constata que le blond était sérieux, il pouffa presque de rire. « ... et ça se prétend londonien. » Il secoua la tête et quelques mèches rebelles tombèrent sur son front. Bien évidemment, il avait un petit sourire en coin, et le ton chaleureux qui allait bien, signe qu'il taquinait bel et bien Ashford avec cette dernière réplique, mais quand même. Winter Wonderland quoi. Ashford n'aurait définitivement pas pu choisir meilleur endroit pour un rendez-vous officiel.

Theo se permit d'attraper Ashford par le bras afin qu'ils ne perdent pas plus de temps et s'engouffrer dans la petite foule qui avançait doucement mais sûrement vers l'entrée. Story time. « C'est le premier endroit disons, touristique que j'ai fais lorsque je suis arrivé à Londres. J'avais genre quoi, dix ans. Avec ma nanny. » Theo sourit un peu. Pas le genre de sourire empreint de nostalgie, un peu mélancolique et tristounet sur les bords. C'était plus un sourire qui laissait voir pleins de bons souvenirs qui lui revenaient tout à coup. Il pensa que Ashford voulait peut-être en savoir un peu plus. Ou pas, d'ailleurs, mais il se lança malgré tout. « Je suis australien, en fait. Au cas où tu ne l'avais pas deviné, avec l'accent. Mais je crois que je te l'ai dis la dernière fois. Donc quand je suis arrivé ici, mon père a engagé une nanny. Une femme géniale. D'ailleurs, elle travaille encore pour nous aujourd'hui, surtout parce que mon père n'est pas souvent là et que je suis un gros bébé qui n'a pas envie qu'elle me laisse tomber, si tu veux mon avis, » expliqua-t-il avec un sourire contrit. Son analyse n'était pas mauvaise, même si elle manquait de fond. Mais Ashford n'avait pas besoin de savoir que Theo redoutait le moment où Astrid le laisserait à son tour, un peu comme sa mère l'avait fait il y a dix ans de cela, en renonçant à tout droits sur son fils. « Et donc, Winter Wonderland c'est un peu spécial pour moi. Voilà, pour la petite histoire. »

Ils continuaient d'avancer doucement. Theo était bien content que ce soit un jour de semaine, car même si il y avait un paquet de touristes autour d'eux, il y avait toujours moins de foule que pendant les week-ends, et ce malgré la période de Noël. C'était agréable, de ne pas se sentir presser ou pousser dans tous les sens, d'avoir un peu d'espace autour de lui. Même si ça ne l'empêchait pas de marcher tout prêt du blondinet. « Et donc, pour conclure. Tu n'aurais pas pu mieux choisir, comme endroit. Merci. » Et il embrassa la joue de Ash, légèrement sur la pointe des pieds, faisant en sorte de ne pas basculer sur lui. Parce qu'il en avait envie, qu'il sentait qu'il en avait le droit et parce qu'il était réellement content d'être ici. Il s'éloigna avec un sourire radieux, avant de tourner sa tête afin de regarder tout autour de lui. Entre les décors et les manèges familiers, les enfants qui souriaient et sautaient partout, et puis la nourriture, il allait être incapable de tenir en place. Ashford allait être servit, vraiment.

A l’exception de son père, Theo n’a pas l’air de spécialement tenir de parler de sa famille – pas qu’Ashford puisse lui en tenir rigueur, vu que lui-même n’est pas vraiment friand d’aborder un pareil sujet, entre son père accro au jeu et sa mère accro aux ordonnances falsifiées. Peut-être que Theo est l’un de ces enfants uniques qui a toujours rêvé d’avoir un frère ou une sœur plus jeune ? Il se contente de hausser les épaules :

- Fils unique aussi, répond-il d’un ton prudemment indifférent. Enfin, sauf si tu comptes Warren, mon meilleur ami. Je suppose qu’il est ce que j’ai de plus proche d’un grand frère. Ce qui me rend très heureux de ne pas avoir vraiment de grand frère, d’ailleurs. Et, hum, Savannah, ma voisine, qui est persuadée qu’elle est ma grande sœur. Ou ma marraine la bonne fée. Je ne suis pas sûr.

Il adore Warren, vraiment, son rire tonitruant, son côté un peu tapageur, la façon dont il se laisse tomber sur son canapé avec un rebon, les coups de coude qu’il donne régulièrement à Ash pour attirer son attention sur quelque chose ou pour le taquiner, les remarques gentiment moqueuses destinées à l’embarrasser, mais il est quand même content de savoir qu’il ne l’a pas sur le dos en permanence. N’importe qui a besoin d’une pause de temps en temps, parfois, n’est-ce pas ?
Quant à Savannah, ses yeux de biche cachent une personnalité un peu cassante digne de la grande sœur tyrannique et un peu envahissante par excellence. L’air de désapprobation dans ses grands yeux sombres la première fois qu’elle a toqué à la porte de son appartement pour lui demander de bien vouloir baisser la voix quand il reçoit les appels de ses clients – pratiquement leur première rencontre, si on oublie le moment où il l’a brièvement croisée lors de son emménagement – continue de provoquer des soubresauts dans son estomac quand elle plisse un peu les yeux à chaque sonnerie de son téléphone. Elle est la seule personne à être au courant de son petit boulot et on ne peut pas dire qu’elle soit particulièrement encourageante.

- Je suis né en août, en fait, précise-t-il. Un vrai summer child. Je déteste l’hiver, et le vent, surtout. Quand il est si froid, je veux dire.

Il remonte son écharpe au niveau de son menton, suffisamment poli pour résister à l’envie de le tirer jusqu’à son nez – mais cela étoufferait ses mots et ce ne serait pas très gentil pour Theo, surtout si celui-ci aime bien son piercing. Il évite de s’humecter les lèvres, même si la tentation est grande ; elles sont déjà sèches et l’anneau en métal n’arrange rien à la sensation de tiraillement un peu désagréable. Il a beau avoir emprunté un baume hydratant à Savannah, il ne va pas commencer à sortir le petit bâton de beurre de karité en plein milieu d’un rendez-vous.
Il ne voudrait pas prendre le risque d’aggraver l’expression choquée peinte sur le visage de Theo à l’idée qu’il n’ait encore jamais mis les pieds à Winter Wonderland.

- Hum, comme dit, je ne suis pas un grand fan de l’hiver. En dehors de mes cours et de mes jobs, je ne sors pas avant début avril quand je peux l’éviter.

Quand il était plus jeune, lui et ses parents passaient les deux semaines de vacances de Noël et les congés de février à Monaco, où la température était plus douce et le temps plus clément. Mais depuis qu’il a quinze ans, Ash reste en Angleterre et le climat humide et presque glacial ne l’encourage pas à mettre dehors le bout de son nez pointu.
Il est facile, en revanche, de se représenter à Theo, à dix ans, avec les mêmes yeux malicieux, des joues plus rondes et des traits plus enfantins, débordant d’excitation dans le froid londonien, le regard attiré par les guirlandes clignotantes comme un moustique par une lampe.
En tout cas, cette petite histoire le rassure – au moins, il ne s’est pas complètement planté ; pendant un moment, il a hésité à annuler ses réservations pour se contenter de l’emmener au cinéma puis dans un petit troquet sympathique. Finalement, cela ne valait pas la peine de s’affoler.

Il est sur le point de répondre quand Theo l’embrasse sur la joue, et toute réflexion ne serait-ce qu’un peu intelligente s’évapore de son esprit en une fraction de seconde, occupé qu’il est à résister à l’envie de tourner la tête pour embrasser franchement le jeune homme. Il espère que ses joues ne sont pas trop râpeuses – il n’a pas eu le temps de se raser ce matin.

- Content que ça te plaise, bredouille-t-il avec un sourire, détournant le regard pour contempler la grande roue qui s’élève au-dessus de la porte.

Ash a l’impression que la grande roue de métal oscille sous le vent ; sans doute est-ce une illusion d’optique, mais il se concentre très vite sur l’allée qui passe sous l’arche fantaisiste.

- Est-ce que tu… enfin, tu veux commencer par quelque chose en particulier ? J’ai des réservations pour les cinq attractions principales, ou alors, si tu veux, on peut aller manger ou boire quelque chose ? Tu connais déjà bien l’endroit, et… c’est toi qui choisis ce qu’on fait, je veux dire. J’aurais peut-être dû te dire où on allait, pour que tu t’habilles vraiment chaudement… ajoute-t-il sur un ton d’excuse. J’ai lu que certaines attractions sont maintenues à une température de -8°C.

Il jette un coup d’œil discret à sa montre en faisant mine de réajuster son gant. Peut-être qu’ils auraient le temps de repasser chez Theo si celui-ci veut récupérer des vêtements plus chauds…

Ashford avait l'air bien entouré, d'après ce qu'il racontait à Theo. Il était chanceux, même si lui-même n'avait pas à se plaindre. Il était curieux de savoir à quoi pouvaient bien ressembler les personnes mentionnées par le blondinet, il ne se souvenait pas l'avoir vu accompagné en juillet. En y réfléchissant bien, il n'avait pas vraiment fait attention, en fait. Il se souvenait juste que Ashford lui était rentré dedans de plein fouet, poussé par un de ses camarades de promo (la phrase de loveur bateau serait de dire qu'il était comme tombé du ciel, tel un ange mais ce serait vraiment abusé et Theo n'ira pas jusque-là). Le reste, il n'y avait pas franchement fait attention.

« Et moi je suis né en mai. Quand le soleil veut bien commencer à pointer le bout de son nez, à Londres. » Il allait avoir 22 ans. Oh. Theo n'était pas du genre à prêter une grande attention aux nombres, ou du moins il n'avait pas de complexe à l'idée de prendre une année en plus. C'était la vie, après tout, et il pouvait se la jouer Peter Pan aussi longtemps qu'il le voudrait, ça ne changerait au final pas grand-chose, il fallait bien avancer. Lui non plus n'aimait pas trop le vent, souvent trop glacial à Londres. Le froid était une chose, mais le vent qui le frigorifiait de la tête aux pieds en était une autre. La réflexion de Ashford le fit sourire malgré tout, drôle d'idée que de vivre à Londres lorsque l'on déteste le froid ! Theo se demanda s'il était londonien de naissance.

Ashford sentait bon et l'embrasser sur la joue s'avérait en réalité être plus risqué qu'il n'y paraissait. Il aurait suffit qu'il tourne son visage sous la surprise pour que leurs lèvres se rencontrent et bim, catastrophe. Ou pas, d'ailleurs, parce qu'il a visiblement prit Ash au dépourvu et son bredouillement soudainement plus contenu fit sourire timidement Theo, qui en vint presque à regretter de ne pas y être allé franchement.

« Non non, ne t'inquiète pas. J'ai l'habitude et puis, on va bouger, donc ça va aller. Au pire je serais obligé de me coller à toi pour me réchauffer. » Le bras qu'il avait délicatement lié à Ash lui permettait de marcher au même rythme que lui et bizarrement, le contact ne l'intimidait pas plus que ça. Au contraire, il se sentait à l'aise, suffisamment pour lancer ce genre de blagues à voix haute sans immédiatement le regretter. Ashford en revanche, avait l'air un peu moins détendu que lui, ou peut-être que ce n'était qu'une impression ? Peut-être qu'il était du genre à beaucoup (trop) réfléchir avant de se lancer dans quelque chose. Theo lui sourit chaudement. Il ne savait pas trop ce que le blondinet préférait comme type d'attraction, mais il supposait que s'il le laissait décider, c'est qu'il n'avait peur de rien, non ? « Il faut absolument qu'on fasse les roller coaster. On peut commencer avec celui-ci, vu qu'il est assez tôt. Il fait pas très peur mais c'est sympa. »

Bien sûr, Theo connaissait pour ainsi dire tout le parc par cœur. Le plan changeait légèrement d'une année à l'autre, mais dans l'ensemble, il connaissait le lieu comme sa deuxième maison. Alors forcément, il savait dors et déjà quelle attraction il voulait absolument faire (et vers quel stand il ira acheter ses gaufres !) La queue de l'attraction qu'il pointait du doigt n'était pas très longue, vu l'heure, et étant donné que l'on pouvait monter jusqu'à quatre par cabines, c'était plutôt arrangeant.

Attendant plus ou moins patiemment, Theo se tourna légèrement afin de mieux voir Ashford. « Ça va, les cours ? Tu tiens le choc ? Pas trop débordé ? » Il y avait sans doute plus glamour comme sujet de conversation lors d'un premier rendez-vous que l'université, mais Theo ne pouvait pas s'empêcher de se demander comment s'en sortait le blondinet. La dernière fois qu'ils avaient passés un peu de temps ensemble, il lui avait semblé être au bout de sa vie, complètement exténué de devoir jongler entre ses cours et ses jobs - et malade, en plus de ça. Il prenait de ses nouvelles. « Et Vogue, au fait ? Tu continues finalement ? Raconte-moi tout. » Il devait y avoir 10 minutes de queue tout au plus, un peu moins, et il le bombardait déjà ! « Trop de questions, désolé. Tu peux me dire de me taire, tu sais. » Il croisait les doigts pour que Ashford lui réplique que ça ne le dérangeait pas, car Theo n'était pas sûr de savoir se contenir d'une telle manière. C'était lui, ça, beaucoup parler, être curieux, avoir pleins de questions à poser - si Ashford lui demandait de se taire, le brun serait probablement assez déçu, au final (même si c'est lui qui le lui avait proposé, oui, esprit de contradiction bonjour). Il avait drôlement envie de lui plaire, mais en même temps, de plaire tout en étant lui-même (il avait réellement l'impression d'avoir 16 ans à nouveau).
Sa plus grosse angoisse, s'il en avait vraiment une, c'était d'ennuyer Ash - dans le sens propre comme figuré. Trop bavard, pas assez de conversation... c'était dur de choisir un bon milieu. Et puis... chassez le naturel, il revient au galop, non ?

Ils entrent dans Winter Wonderland bras dessus, bras dessous, et même si Theo semble être un vrai Londonien qui ne craint ni le vent, ni la pluie, ni le froid, il rapproche le jeune homme de lui, parce qu’après tout, c’est vrai, on n’a encore rien inventé de mieux que la chaleur humaine, sauf peut-être la chaleur humaine combinée au jet d’une douche chaude, ou au confort d’une couette, mais pour l’instant, ce n’est pas vraiment une option et Ash devrait vraiment arrêter de laisser son esprit vagabonder dans des contrées aussi dangereuses, parce que franchement, ça ne peut pas être sain pour un premier rendez-vous, vu qu’il est bien décidé faire oublier la soirée au Minister of Sound et le coffee date pas si datey que ça d’il y a quelques semaines.

- Hum, euh, je… ouais, je continue de bosser pour Vogue, mais j’ai eu du mal à trouver du temps pour le Times ces temps derniers.

Il hausse les épaules, pas vraiment hystérique à l’idée de parler de l’université – il ne veut pas donner l’impression d’être l’un de ces mecs qui n’a pas de vie entre ses études et ses jobs, même si c’est exactement ce qu’il est. Theo est une de ces personnes dont on peut voir au premier coup d’œil qu’il est quelqu’un d’outrageusement sociable – le fait qu’ils se soient rencontrés en boîte en est un bon exemple – et Ash se demande à quel moment il va finir par se trahir et révéler qu’il n’est en rien aussi fun que Theo peut le croire.

Bien décidé à rester sur ses bonnes résolutions, il lève les yeux vers l’attraction que lui montre Theo. En effet, cela n’a pas l’air trop terrible. Ash n’a rien contre les montagnes russes – c’est surtout la hauteur qu’il trouve insurmontable, surtout quand tout va assez lentement pour qu’on se rende compte de l’altitude à laquelle on est, par exemple sur une grande roue, ou lors de la longue montée d’une attraction qui culmine à 70 mètres de hauteur, juste avant la première descente, quand le stress monte et qu’on regarde autour de soi pour voir le vide et les passants réduits à la taille d’insectes.
Avec ses couleurs vertes et violettes et une hauteur maximale à peut-être douze ou quinze mètres, ce roller coaster n’a pas l’air trop impressionnant et Ash hoche la tête avec enthousiasme, laissant Theo les diriger vers la file d’attente.

- Tu vas souvent à des parcs d’attraction, alors ? s’enquit-il avec curiosité, anxieux de détourner la conversation du sujet des cours, ce qui viendrait nettement entacher une matinée si bien commencée. Je t’avoue que je ne suis pas expert. J’aime bien Thorpe Park mais autant être honnête, je suis le genre de geek qui préfère aller à Legoland…

Pour être tout à fait franc, en fait, Ashford n’est pas particulièrement fan de Thorpe Park, surtout connu pour ses attractions à grand frisson. Quand il y va, Ash préfère généralement attendre ses amis à l’extérieur des montagnes russes les plus impressionnantes, profitant de loin du beau décor d’Amity Beach – réservé malheureusement aux familles avec jeunes enfants, et se cantonne aux attractions plus « familiales », comme les bûches ou le rafting.
Ash est un dingue absolu de tout ce qui touche à l’eau, aux attractions et aux activités aquatiques. Quand il était plus jeune, il a appris à faire de la voile et de la plongée dans la Méditerranée, et pour être honnête, cela lui manque un peu de descendre en apnée ou avec une bouteille d’oxygène admirer les poissons multicolores dans une eau délicieusement tiède. Il se demande si Theo à cette même affinité ou si son héritage australien n’est pas assez pour lui faire apprécier les merveilles de la vie marine.
Evidemment, cela lui manque de ne plus avoir les moyens de s’offrir des croisières en Crète – l’un de ses lieux de vacances préférés, avec des eaux turquoise, des monuments qui ne manquent jamais de fasciner Ash et son intérêt pour les civilisations antiques, des plages de sable blanc et un soleil pour dorer sa peau. Mais il compense en tentant de se rendre à Brighton pendant l’été, quand le temps est clément, ce qui n’a malheureusement pas été le cas cette année.

L’attraction ne fait pas partie de celles que l’on peut réserver sur Internet, et ils sont obligés de se tenir dans la file d’attente. Heureusement, l’heure est suffisamment matinale pour qu’ils n’aient pas besoin de patienter trop longtemps. Ash sort son portefeuille de sa poche de veste ; il n’a pas l’habitude de se promener avec beaucoup de liquide sur lui, préférant en général utiliser une carte de crédit, ne serait-ce que parce que le distributeur le plus proche est déjà trop loin à son goût pour braver le froid de l’hiver. Il a fait un important retrait en début de semaine, cependant, pour être sûr de pouvoir couvrir toutes leurs dépenses – Theo n’est pas vraiment le genre de garçon qu’il cataloguerait dans la catégorie « high maintenance » mais Ashford est aussi bien placé pour savoir que le jeune homme doit sans doute avoir des standards différents des siens, alors il a préféré assurer ses arrières.

- Deux tickets, s’il vous plaît, demande-t-il poliment à l’ouvreuse en tendant sa monnaie et en décochant un regard en biais à Theo pour lui enlever l’idée de protester si jamais celle-ci lui venait à l’esprit.

C’est Ash qui invite Theo aujourd’hui, et il n’est pas prêt à entendre les contestations, même polies, de son compagnon. Dès qu’on fait glisser leurs tickets vers eux, Ash s’en empare et tire Theo par le bout de ses doigts pour l’encourager à le suivre, un sourire aux lèvres. Ils ne se tiennent pas vraiment la main, mais leurs doigts sont entrelacés au niveau de la première ou de la deuxième phalange et cela suffit pour faire oublier à Ash à quel point il n’est pas fan des montagnes russes quand ils grimpent dans leurs sièges.

La main de Theo s'apprêtait à plonger dans ses poches de manteau afin d'y extirper son précieux porte-feuille mais, Ashford fut plus rapide et le bouclé s'avoua vaincu au regard qu'il lui décocha. Bon, ce n'était que le début, il aurait bien le temps de payer lui-même plus tard. Non ? Comment ça, c'était Ashford qui l'invitait ? Et alors ? Il n'allait tout de même pas laisser Ashford tout payer, pour l'amour de dieu. Surtout si l'on pensait au moment où ils s'arrêteraient afin de manger ; les attractions, malgré leur prix parfois abusif, passaient encore. Mais pour ce qui était de la nourriture, croyez-moi, on n'était pas rendus. Theo était littéralement un ventre sur pattes dont la source de distraction principale, les trois quart du temps, consistait à se poser la question de ce qu'il mangerait bien pendant le quart d'heure suivant. Il n'allait pas infliger cela à Ashford - il faudrait d'ailleurs qu'il pense à faire bonne figure au moment où ils approcheraient des stands à confiseries et autres gourmandises. Être lui-même et naturel, d'accord, se transformer en ogre lors d'un premier rendez-vous "officiel"... il n'aimait mieux pas.

Bien évidemment le moindre contact à priori naturel entre les deux jeunes hommes affolait le cerveau de Theo, qui ne pouvait s'empêcher de tout extrapoler. "Alerte, holding hands, alerte, holding hands" enclenchée. Ce n'était même pas vraiment se tenir les mains, en plus. C'était plus le bout des doigts qu'autre chose, mais c'était suffisant pour que le cerveau de Theo ne se mette à faire tourner l'info en boucle. Et à Theo de sourire, tout en serrant légèrement le bout des doigts offerts en retour.

Les doigts de Ash, au toucher, étaient chauds mais pas moites, et Theo aurait bien voulu ne pas sentir ses battements de cœur s’accélérer à la simple pensée que s'il osait un peu, il pourrait carrément attraper sa main et la presser légèrement contre la sienne. Mais ça aurait probablement été un peu étrange de faire ça alors qu'ils étaient assis et que le manège s'apprêtait à se mettre en marche. Et puis, sécurité oblige, Theo fut obligé de détacher ses doigts de ceux de Ash afin de nouer leurs ceintures de sécurité. Ne pas mourir si vite semblait être une bonne idée, surtout en cet instant.
Dans le pire des cas, il aurait probablement l'occasion, plus tard dans la journée, de prétendre avoir suffisamment peur au point de devoir absolument s'agriper au bras de Ash. Il devait bien être capable de réussir à prétendre ça, si tant est qu'il ne rigole pas pendant le processus.

« Wow. » C'était le premier mot qui lui échappa lorsque leur espèce de wagonnet se lança sur les rails. Son cerveau avait été trop occupé à calculer le peu de distance entre leurs deux sièges pour faire réellement attention à ce qui se passait autour de lui - il n'avait jamais remarqué à quel point les sièges étaient tant collés les uns aux autres, wahou. Il hésita un instant à prévenir Ashford qu'il avait tendance à ne pas faire dans la discrétion et qu'il avait le cri facile, mais il se décida à ne rien dire car de une, l'attraction dans laquelle ils se trouvaient ne lui arracherait probablement que des rires, à la limite quelques cris de surprise mais rien de quoi s'affoler ; et de deux, parce qu'il n'en n'eu tout simplement pas le temps. L'attraction démarrait déjà.

Theo passa le plus clair de son temps, c'est-à-dire les 2 minutes 30 d'attraction, à rire sur son siège. Le fait d'avoir les jambes qui pendaient littéralement dans le vide lui donnait des frissons, c'était frustrant de chercher le sol du bout des pieds mais de ne pas le trouver ! Ce qui expliqua sa seconde d'absence lorsqu'il se leva en trombe du manège qui venait de passer à l'arrêt, le temps de bien se remettre sur pieds. Sans plus attendre, il se tourna face au blondinet afin de tirer sur ses deux mains et de l'attirer vers la sortie du manège avec lui d'un pas rapide.

Il était légèrement décoiffé (tous les deux en fait, pour être plus précis, merci le vent londonien de sortie de si bon matin ; mais Theo sentait ses boucles se rebeller contre son front et il passa une main pressée au travers de ses cheveux châtains afin de ne pas se retrouver aveuglé si vite). « C'était trop bien, » lança-t-il à la cantonade, sans même se préoccuper du fait qu'il tenait toujours les mains d'Ashford entre les siennes et les secouaient vigoureusement - sept ans d'âge mental, je vous dis. « On va où ? Tu as réservé pour quoi ? C'est toi qui choisi le prochain manège ! » Il le suivrait n'importe où, avec une humeur pareille - comment se faisait-il que Ashford lui semblait encore plus beau à la sortie du manège que cinq minutes plus tôt ? Theo souriait à pleine dents et se sentant bouger un peu trop sur place, il tenta de se restreindre un instant - juste un instant. « Oh et, je te préviens, entre deux éclats de rire, il est possible que je cris fort, mais juste un peu. » Un peu, un peu, c'était à voir mais ça, Ash aurait tout le temps de s'en rendre lors des prochaines attractions.

Le bouclé regarda autour de lui. Il y avait tellement de choses à faire, à voir... à goûter ! Il devait absolument emmener Ash sur la grande roue. Depuis son sommet, elle offrait une vue imprenable sur Londres et il était vital qu'il la voit (vital selon Theo bien entendu). Mais pas maintenant. Car y monter impliquait de rester enfermé dans un petit endroit clos pendant un certain temps, seuls, et il ne comptait pas proposer ça tout de suite. Ce serait le manège parfait, entre deux autres un peu plus fous.