"Fermeture" de London Calling
Après cinq années sur la toile, London Calling ferme ses portes. Toutes les infos par ici through thick and thin (lexie) - Page 2 2979874845 through thick and thin (lexie) - Page 2 1973890357
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() message posté Sam 18 Avr 2015 - 15:16 par Invité
« Tu m’interdis ? » Une lueur amusée traversa son regard. Le genre d’éclat que j’aimais chez les gens car il en était presque défiant. Ouais Lexie, je t’interdis. Je t’interdis d’essayer de devenir comme moi parce que je sais que tu vas être déçue. Autant lui laisser ce qu’il y avait de plus étonnant : le mystère. L’ombre, l’opacité qui m’enveloppait et dans laquelle on n’osait pas plonger la main à l’aveugle parce que l’on appréhendait ce qu’on allait y trouver. Et si, par une chance quelconque, on réussissait à retirer sa main, ce ne serait jamais à temps. Il ne fallait pas avoir peur qu’une noirceur indélébile recouvre nos phalanges. Je t’interdis de devenir une ombre, n’est-ce pas là une preuve soudaine de mon amitié ? Alors garde mon mystère et mon étrangeté, c’est tout ce qui réussira à te plaire chez moi. Je n’avais pas de remords, non. Cela faisait partie de la longue liste des choses que je ne ressentais plus. Je ne regrettai pas de l’avoir empêchée d’aller à l’hôpital la première fois parce que je ne me considérais pas comme responsable. Si elle se laissait convaincre par n’importe quel inconnu sur un parking juste parce que celui-ci avait des cigarettes, ce n’était clairement pas mon problème : à l’inverse, c’était le sien, et ce entièrement. Je ne me sentais pas fautif. Et à présent que j’ironisais sur chacun de ses mots devant elle, à présent qu’elle savait que mes paroles n’avaient pas qu’un seul sens lisse, mais deux, trois, cinq, sept, dix couches rugueuses et travaillées, je n’allais pas me priver de vouloir lui faire gratter la carapace épaisse qui trônait en moi. C’était un jeu mesquin et j’y jouais avec tous ceux qui ne m’ennuyaient pas, justement parce que je voulais savoir s’ils arriveraient à suivre le rythme ou si j’avais simplement eu quelques faux espoirs en les rencontrant. Lexie était bien jeune et bien souffrante mais pourtant cela ne me faisait même pas hésiter. Je t’interdis d’essayer, mais je sais que tu vas quand même le faire parce que tu veux savoir ce qu’il se trame au fond de mes yeux noirs. Le jeu n’en valait pas la chandelle mais j’étais le seul à le savoir. Plus malin que les autres, c’était ça ? On ouvrait des boites pour en trouver d’autres, toujours plus étranges, toujours plus scellées, toujours plus petites, et si par miracle on réussissait à trouver la dernière, on se rendait compte qu’elle était complètement vide. C’était ça, mon secret. Je regardai Lexie, mon mince sourire fixé aux lèvres, et je sus qu’elle ne l’avait toujours pas compris. Elle n’était pas la seule. Personne ne le savait. Ce n’était même plus une question d’interdits : j’empêchais tout bonnement les gens de le faire. Et j’étais terriblement fort. Ainsi, ils ne pouvaient pas simplement me détester. La haine m’ennuyait. La frustration m’amusait. L’incompréhension et l’abandon me fascinaient.

« Je n’essaierais pas de te percer à jour. Mais imaginons que j’y parvienne un jour, disons par accident, est-ce que ce serait si mal ? Tu as l’air inquiet, et pas seulement pour moi. » Je passai ma main sur ma nuque et haussai les sourcils. J’eus envie de ricaner mais me retins étrangement. Je me contentai simplement de lui sourire, pensif. Voilà, elle voulait savoir elle aussi. C’était presque trop simple. M’inquiétais-je pour Lexie ? Me souciais-je de son avenir ? Voulais-je qu’elle vive ou bien m’en moquais-je ? Je tentai de croire que je m’en moquais, que ça m’ennuyait, qu’elle ne faisait pas exception. Je l’observais froncer du nez à chaque fois que je soufflai la fumée de ma cigarette à sa figure et pourtant elle ne disait rien. Elle me laissait faire sans broncher et je ne me privais pas d’être insolent et irresponsable. Elle ne me virait pas de chez elle alors qu’elle avait tant de raisons de le faire. J’allais le faire si elle me le demandait. Va-t’en, Thomas, voilà tout ce qu’elle avait à me dire pour que je hausse les épaules et que je m’en aille seul en direction de l’hôpital. Elle marchait sur un champ de mines et les évitait à merveille : quelque chose me fascinait toujours chez elle. Quelque chose me maintenait cloué ici. Je savais que j’allais partir, probablement sans elle, mais je voulais presque lui faire regretter sa décision. Se moquer de ce qui prétendait pouvoir nous soigner. Nous étions les anges de ces mondes, Lexie. Trop imbus de nous-mêmes pour remarquer que nos ailes brûlaient. Et nous aimions tant l’odeur de la cendre. Nous aimions tant le vent qui glissait sur nos joues lorsque nous tombions. Aspirons à la liberté, aspirons à l’immortalité éphémère avant de mourir écrasés. Regarde-moi Lexie : tu ne veux pas devenir comme moi ? Tu t’y plonges sans le savoir. Et lorsque tu t’ennuieras à te ronger les ongles jusqu’au sang, lorsque tu ne ressentiras plus que la douleur physique car tu n’auras plus aucun souvenir d’une quelconque peine mentale, lorsque tu oublieras le visage de ton amant ou le son d’un rire sincère, lorsque tu iras à l’hôpital pour te moquer de ceux qui t’aiment, pitié, ne viens pas pleurer contre ma porte. Je ne t’ouvrirai probablement pas. Je serai déjà mort depuis longtemps. « Je te préviens juste. Si tu m’avais dit il y a dix ans que j’allais devenir celui que je suis aujourd’hui, j’aurais sûrement ri avec arrogance. » Je soupirai doucement. « Mais pourtant me voilà. Mon arrogance a eu raison de moi. Le pire, c’est que l’on ne voit pas que l’on tombe. On se réveille un matin et on sait que c’est fini. On se rend compte soudainement que l’on a abandonné alors qu’on se voilait la face toutes ces années. » Je tendis ma main vers le cendrier pour y écraser mon mégot puis reportai mon attention sur elle. « Que je te l’interdise ou non, là n’est pas vraiment la question. Je ne suis pas très légaliste moi-même. Mais je préfère te mettre en garde maintenant. On ne pourra pas me reprocher de ne pas l’avoir fait. » Je lui souris malicieusement avant de reprendre. « Si un beau matin tu arrives à me percer à jour, Lexie, alors oui, je serai inquiet pour toi. » Je ne l’étais pas encore. Je ne voulais pas être le papillon qui provoquerait l’ouragan. Elle m’entendait aujourd’hui et peut-être qu’elle regretterait dans dix ans de ne pas m’avoir écouté. « Et tu penses que je me fais du souci pour moi-même ? C’est mignon. Cependant détrompe-toi : en faisant bien attention, tout le monde pourrait savoir ce qui se trame là-dedans. » Je posai mon doigt sur ma tempe en soutenant son regard. « Mais personne ne fait plus attention à rien. Et je ne peux pas blâmer grand monde. Je ne suis pas un exemple de responsabilité et de bienveillance. » Ce serait même l’hôpital se foutant de la charité d’ailleurs, pensai-je avec amusement. Je jetai un discret coup d’œil à l’heure qu’il était. Histoire de savoir si je devais partir bientôt ou non. Il me tardait presque d’apprendre à l’hôpital à s’en foutre, de cette charité. Mais j’avais le temps d’écouter Lexie. Je n’avais plus que ça de toute façon : du temps à perdre.
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() message posté Sam 25 Avr 2015 - 20:04 par Invité
Je savais avancer à couvert et sourire en toutes circonstances. Je le faisais, même lorsque mes erreurs étaient pointées du doigt, même lorsqu’elles me mettaient au sol. Je l’avais fait même lorsque je m’étais arrêtée à la hauteur de Thomas, ce jour-là sur le parking. Ce n’était pas une bonne idée, cela n’avait rien de raisonnable, rien de recommandable. Mais je m’étais arrêtée et j’avais souri en lui prenant une cigarette, nouvelle erreur. Et il n’avait rien dit non plus. La suite de nos échanges se basait sur cela. Ce début semblait destiné à dicter notre suite. Et avec du recul, je pouvais trouver cela amusant de le voir tenter de changer cela, tenter d’y insuffler une once de bon sens. « Je te préviens juste. Si tu m’avais dit il y a dix ans que j’allais devenir celui que je suis aujourd’hui, j’aurais sûrement ri avec arrogance. » Un léger sourire justement traversa mon visage et je basculai en arrière, les bras croisés sur la poitrine. « Oh la condescendance des aînés … Toi aussi alors ? » soupirai-je en emmêlant mes cheveux d’une main distraite, amusée pour avoir vu venir cet argument de loin. Du moins, j’avais l’habitude de l’entendre, l’habitude de devoir y faire face en hochant la tête sans cependant cacher mon scepticisme et mon air moqueur. Et il n’y avait pas d’exception sur l’instant. L’âme de Thomas était insondable, elle était sombre et embrumée, j’avais du mal à y retrouver mon chemin et je me demandais avec fascination comment il le faisait lui-même. Mais j’étais surprise d’entendre ce discours de sa bouche, surprise qu’il y croit et qu’il m’en fasse part. Oui, je suis jeune, Thomas. Mais la vie s’était déjà chargée de mes illusions. J’avais dû rendre mon âme aux évidences, laisser les espoirs dans mon ombre. Et je voulais croire que ce n’était pas si grave. Je voulais croire que j’avais été suffisamment préparée pour ne pas le regretter. Je voulais croire que j’avais même une longueur d’avance, qu’il valait mieux savoir tout de suite plutôt que basculer plus tard. Et Thomas me paraissait du genre à être en avance sur nous tous. Et il n’essayait de toute façon pas de le cacher. Ce n’était pas dix années qui l’avaient hissé à ce niveau, dix misérables années qui avaient pu le rendre tel qu’il était aujourd’hui. Il avait toujours eu ce germe en lui. Il n’était pas parti de zéro, on ne pouvait pas atteindre ce niveau, aussi vite, sans prédisposition. « Mais pourtant me voilà. Mon arrogance a eu raison de moi. Le pire, c’est que l’on ne voit pas que l’on tombe. On se réveille un matin et on sait que c’est fini. On se rend compte soudainement que l’on a abandonné alors qu’on se voilait la face toutes ces années. » Il éteignit enfin sa cigarette et je contrôlai ma respiration encore quelques secondes avant d’inspirer légèrement et d’aller ouvrir la fenêtre. Il m’avait suivi du regard, avant de reprendre la parole sans faire de réflexions. « Que je te l’interdise ou non, là n’est pas vraiment la question. Je ne suis pas très légaliste moi-même. Mais je préfère te mettre en garde maintenant. On ne pourra pas me reprocher de ne pas l’avoir fait. » Il y avait des regards qui glissaient sur nous comme s’ils ne signifiaient rien, comme s’ils ne cherchaient pas réellement à nous voir. Mais Thomas se penchait et il existait dans le sien des atomes invisibles qui semblaient vouloir nous percuter, nous provoquer, nous pousser dans nos derniers retranchements. Le pire étant qu’il en était conscient et qu’il désirait en jouer. Il me mettait en garde et je n’en tiendrais pas compte, je pouvais deviner qu’il le savait. Ces avertissements ne menaient à rien. « Si un beau matin tu arrives à me percer à jour, Lexie, alors oui, je serai inquiet pour toi. » Je secouai doucement la tête. Si un jour, j’arrivais à le percer à jour, je ne pouvais m’empêcher de penser qu’il l’aurait voulu, qu’il me l’aurait permis, qu’il aurait arrêté de se cacher. C’était le cas pour moi, ça l’était sûrement pour lui aussi. Son inquiétude serait donc tout aussi surfaite que trompeuse. « Je n’ai pas besoin qu’on s’inquiète pour moi. » répondis-je presque mécaniquement tant j’avais répété cette phrase déjà un nombre incalculable de fois. Il ne fallait pas s’inquiéter pour moi. Je savais ce qui finirait par pouvoir me faire disparaître. Je m’acharnais à toujours vouloir faire la part des choses, veillais à ne jamais les confondre. Je pouvais perdre la santé, je pouvais perdre des projets, ils s’éloignaient un à un, je pouvais perdre des chances et des repères, je gardais toujours en moi une possibilité, aussi infime était-elle, de me reconstruire quelque part, autre part. Mais on ne pouvait pas me demander de perdre la face. Sans elle, il m’était inutile de chercher à sauver le reste. Sans elle, je n’étais plus capable de me lever et de chercher autre chose. L’orgueil s’occupait bien de moi. L’orgueil me sauvait et m’empêchait de sombrer. L’orgueil m’empêchait de renoncer à mes principes.  « Et tu penses que je me fais du souci pour moi-même ? C’est mignon. Cependant détrompe-toi : en faisant bien attention, tout le monde pourrait savoir ce qui se trame là-dedans. » Il posa son index sur sa tempe et je le suivis du regard, songeuse. J’étais prête à faire attention. J’ignorais encore complètement pourquoi. Il n’y avait pas de raison concrète, rien de tangible sur quoi s’appuyer. Il évoluait devant moi comme un félin en attente, comme s’il attendait quelque chose de moi, quelque chose que je n’étais pas sûre de pouvoir lui donner, quelque chose que je n’étais même pas certaine de posséder. « Mais personne ne fait plus attention à rien. Et je ne peux pas blâmer grand monde. Je ne suis pas un exemple de responsabilité et de bienveillance. » Je restai une seconde silencieuse, dubitative. Je ne savais pas si j’étais d’accord avec lui. Je trouvais que tout le monde faisait bien trop attention, tout le temps, sans arrêt, sans raison, sans légitimité. Tout le monde s’observait, à la recherche d’une faille, attendant une chute pour pouvoir dire qu’il l’avait vue venir et qu’elle aurait pu être évitée si les conseils avaient été écoutés. Il n’y avait plus que ça. Les gens qui faisait attention aux autres, plutôt qu’à eux-mêmes. « Tu te déprécies beaucoup plus que je ne l’aurais imaginé finalement. » repris-je simplement en ne le quittant pas du regard. « Dans dix ans, on ne sera peut-être plus là, inutile d’en parler. Tu me parles d’abandon, mais je ne pense pas qu’accepter complètement ce que l’on est, refuser de se soumettre à ce que les autres attendent de nous, en soit un. J’ai envie de penser qu’il y a du courage quelque part. » Je me penchai en avant. « Mais tu ne dois pas croire en ce genre de valeurs, non ? » demandai-je finalement doucement. Je pouvais reconnaître que j’espérais, j’espérais qu’il me mente cette fois-ci. Je voulais croire qu’il y avait du courage. Le courage de regarder sa vie en face, de ne rien y voir d’acceptable ou d’honnête, le courage de réagir et de tout casser, tout saccager. Le courage de s’affronter. Le courage de se permettre de faire des erreurs.
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() message posté Jeu 30 Avr 2015 - 8:25 par Invité
« Oh la condescendance des aînés … Toi aussi alors ? » Je souris d’un air malicieux. Eh oui Lexie, tu t’attendais à quoi ? C’était ce que mon regard signifiait. En bon aîné que j’étais, je me devais d’être le type hautain et moralisateur que j’avais méprisé durant toute mon adolescence. Mais je n’étais plus un adolescent. Je n’étais même plus vraiment jeune. Mettons que je meurs à quarante ans, j’étais même sacrément vieux. Et je faisais comme si j’avais déjà tout vu. Tout vécu. Comme si je débarquais du futur et que je disais au monde « non les gars, c’est une impasse ». Sauf que personne ne m’écoutait. On n’écoutait pas les aînés lorsqu’ils brisaient nos rêves. Je ne les avais pas écoutés lorsque j’avais son âge. Cela ne s’était pas arrangé en grandissant. A présent que j’étais si proche de la mort, je considérais mes aînés comme ayant déjà un pied dans la tombe et mes cadets comme des petits cons prétentieux. Loin de moi l’idée que Lexie soit une petite conne –elle n’en restait cependant pas moins prétentieuse – mais ça, c’était mon truc : considérer la masse et non l’individu. Oublier que chacun était unique alors que je l’étais moi-même. Heureusement. Je ne me supportais déjà pas tout seul, en imaginer deux me donnerait le tournis. Alors on me placardait la splendeur de la diversité devant les yeux, mais quoi encore ? Vous vous attendiez vraiment à ce que j’en aie quelque chose à foutre ? Les êtres exceptionnels n’existent pas. Pourquoi, bordel, pourquoi tu dis ça Thomas ? C’était une bonne question mais elle ne me faisait plus vraiment peur. Pourquoi ? Parce qu’ils se seraient déjà manifestés depuis longtemps sinon. Parce que j’ai essayé d’en être un, de toute mon âme, et que celle-ci s’est consumée. Oui, c’étai une histoire d’ego et oui, j’étais assez prétentieux pour me prendre en exemple. Oui, je généralisais et oui, vous savez tous que je me moquais de ce que l’on me rétorquerait. Parce qu’on n’était pas obligé d’être d’accord avec moi mais, quitte à choisir, je préférais mon réalisme amer à leur espoir mielleux. Question de goût. J’aimais mon café sans sucre.

Non Thomas, tu n’as jamais voulu devenir un être exceptionnel. Tu voulais incendier le ciel pour pouvoir y voler seul. Mais les hommes sont trop nombreux. Ils survivent et se multiplient. Tu ne voulais pas être unique, tu voulais être seul. Voilà que je regardais Lexie et que, putain, elle était bien vivante. Son cœur battait et ses cheveux brillaient. Tu voulais brûler ça, tu vois. Mais sa beauté ne m’attendrissait pas. Je ne culpabilisais pas. Je ne me repentais pas d’avoir été un garçon abject et méprisable. J’arpentais les ruines du futur, pas les vestiges du passé. Je leur laissais leur authenticité. Tu ne le vois donc pas, Lexie, qu’il ne faut pas m’accorder ta gentillesse et ton hospitalité ? Va te faire foutre, Tom. Dis-moi ça et je partirai. Mais elle n’avait pas encore conscience qu’elle devait le dire. Elle préférait s’enliser dans ma rhétorique et mes mauvaises manières. Je savais que mon impolitesse était, d’une certaine manière, charmante. J’étais trop détaché pour me préoccuper de son opinion ou de son bien-être. Elle n’avait qu’à me suivre. Je n’étais pas celui qui allait lui demander de faire demi-tour. Encore l’orgueil. J’aimais qu’on m’écoute. Je détestais qu’on me juge. J’étais trop prétentieux pour être exceptionnel. Mais je ne disais pas ce que je pensais alors on tentait de l’imaginer. De lire dans la noirceur de mes yeux, et à présent Lexie voulait le faire elle aussi. J’aimais son arrogance. N’avais-je donc aucun remord ? Oh, cette fameuse question à nouveau coincée dans mon crâne. Vivement qu’on me le troue pour qu’elle puisse en sortir.

Elle se leva pour aller fermer la fenêtre et je la suivis du regard sans commenter. Je savais qu’elle m’écoutait. Elle ne perdait pas le fil. Elle voulait être capable de me répondre. « Je n’ai pas besoin qu’on s’inquiète pour moi. » Besoin, si, envie, non, ses mots n’étaient pas très étonnants. Je haussai les épaules. On ne s’est jamais inquiété pour moi. Voilà ce que je suis devenu. Mais cela faisait partie de la prétention des cadets. Lexie ne coupait pas à cela, tout de même. « Tu te déprécies beaucoup plus que je ne l’aurais imaginé finalement. » Je haussai les sourcils, presque surpris. Elle soutint mon regard et je penchai légèrement la tête, l’incitant à poursuivre. « Dans dix ans, on ne sera peut-être plus là, inutile d’en parler. Tu me parles d’abandon, mais je ne pense pas qu’accepter complètement ce que l’on est, refuser de se soumettre à ce que les autres attendent de nous, en soit un. J’ai envie de penser qu’il y a du courage quelque part. » Oh. Super. Le courage. En fait, c’était elle qui allait apprendre à l’hôpital comment se foutre de la charité. « Mais tu ne dois pas croire en ce genre de valeurs, non ? » J’affichai un mince sourire. Etait-ce si évident ? Probablement. Ce n’était pas bien me connaître que de remarquer cela chez moi. Cela se voyait. Cela était l’une des choses qui se lisait facilement dans mes yeux. Les être exceptionnels étaient des gens courageux. Je ne croyais ni en l’exception, ni au courage. Ils le savaient tous. Lexie le savait, et j’avais l’impression qu’elle ne faisait que jouer avec le feu. S’amuser un peu, me parler de courage pour me voir m’emporter, entendre mon rire acide et voir mon regard brûlé parcourir son visage. Etait-elle donc prête à supporter cela ? Je posai ma main sur le dossier du canapé et en caressai lentement la surface, sans la quitter des yeux. « En voilà une belle qualité. Mais tu as vu juste, ce n’est pas vraiment mon truc. » Je m’étais légèrement penché vers elle pour adopter un ton plus doux, presque malicieux. Mais terriblement cynique aussi, car lorsque je me redressai, elle put sûrement constater la dureté de mes traits. « Alors oui, dans l’absolu, il doit bien y avoir quelques personnes courageuses quelque part sur cette planète. Malheureusement je n’ai jamais eu la chance d’en rencontrer. Je suis plutôt du genre à remarquer la lâcheté au premier coup d’œil. » Et elle était partout. Le monde me semblait bloqué, les pieds noyés dans la vase, et il battait en retraite. Il reculait. Peu importe que le courage existe ou non, c’était un vaccin vicieux : si tout le monde ne le prenait pas, il ne servait à rien. « Chez toi, par exemple. Je vois ta lâcheté avant de voir ton courage. Si celui-ci existe. Pour l’instant il m’est invisible. Alors ouais, selon moi, c’est de l’abandon. Si tu te contentes d’un courage illusoire, libre à toi. » Je finis une pause, haussant les épaules. Tu mourras plus tôt que prévu, voilà tout. Cette phrase resta coincée dans ma gorge et poussa jusqu’au bord de mes lèvres mais je la retins. « Je me déprécie autant que je déprécie les autres. Ne va pas croire que je me sens supérieur, ou une connerie du genre. Je fais partie d’une masse que je méprise entièrement. » Mais le mépris n’était-il pas signe d’orgueil ? Ne me plaçai-je pas ainsi de moi-même au-dessus des autres ? Mépriser, c’était juger, c’était donc s’en donner la possibilité. Qui suis-je pour juger ? Une putain de divinité, non ? Va te faire foutre, Tom. En cela résidait un fragment ambigu de ma personnalité. La tension entre ma marginalité, mes allures de souverain perdu  et mon appartenance à l’espèce humaine. « Mais, contrairement à toi, j’assume ce que je fais. Je ne le maquille pas, le cachant derrière un semblant de courage. Je sais que je suis lâche. Je sais que je suis méprisable. Ne t’inquiète pas, cela s’acquiert durant les dix fameuses années dont tu ne veux pas parler. » Vouloir éclairer les recoins de mon esprit sombre, c’était vouloir y vivre. C’était devoir y vivre. Elle ne parviendrait pas à laver les traces de goudron qui barreraient sa conscience et qui briseraient sa morale si elle s’aventurerait un peu trop près de moi. Elle ne voulait pas parler des dix années ? Pas de problème, elle allait simplement les vivre. Lexie n’était pas comme moi. Mais alors qu’elle me le prouve, bordel. Qu’elle me dise sur-le-champ une de nos différences capitales, histoire que je sorte d’ici rassuré d’être encore unique. Un jour elle allait me suivre dans cet hôpital. Mais ce ne serait pas par courage ou par volonté de se faire soigner, j'en étais persuadé.
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() message posté Mer 6 Mai 2015 - 2:04 par Invité
Je l’observai se pencher vers moi dans un mélange de méfiance et d’espérance. Je savais que cette dernière attente était illusoire, surfaite. Je savais que je ne pouvais pas la ressentir en présence de Thomas, il se chargerait de l’éteindre en soufflant dessus à la première occasion. Ses cheveux noirs ondulés se mouvaient autour de son visage comme l’ombre d’un incendie. Je n’y croyais déjà plus, en réalité. Je ne croyais pas en sa faculté de me rassurer sur l’existence de ce courage, je ne croyais même pas qu’il puisse en avoir envie. Je venais de lui donner un os à ronger, je venais de lui donner l’opportunité de balayer tout cela d’un simple geste de main. « En voilà une belle qualité. Mais tu as vu juste, ce n’est pas vraiment mon truc. » Je hochai la tête un instant, vaguement, tandis qu’une lueur résignée vint sans doute voiler mon regard. J’avais vu juste et je ne pouvais même pas m’en réjouir. J’avais anticipé cette réaction au moment où j’avais laissé les mots franchir mes lèvres, et je ne pouvais même pas m’en vanter. Bien sûr qu’il n’y croyait pas. Il méprisait la bassesse de chacun de nos vices, mais refusait de se complaire dans l’honnêteté qui pouvait parfois nous habiter, tous autant que nous étions. Je croyais encore en cela. « Alors oui, dans l’absolu, il doit bien y avoir quelques personnes courageuses quelque part sur cette planète. Malheureusement je n’ai jamais eu la chance d’en rencontrer. Je suis plutôt du genre à remarquer la lâcheté au premier coup d’œil. » Il en avait sûrement déjà rencontré, mais refusé de les voir, refusé de les considérer, refusé de leur accorder des qualités qui ne trouvaient pas grâce à ses yeux. « Chez toi, par exemple. Je vois ta lâcheté avant de voir ton courage. Si celui-ci existe. Pour l’instant il m’est invisible. Alors ouais, selon moi, c’est de l’abandon. Si tu te contentes d’un courage illusoire, libre à toi. » Je m’efforçai de rester impassible, tel qu’on me l’avait appris. Mais j’ignorais, dans le fond même, si je me sentais blessée par ses paroles. Peut-être avait-il raison. Sans doute serais-je obligée, un jour, de me rendre à l’hôpital, d’y rester. Peut-être aurais-je déjà tout perdu ce jour là. Mais que ce serait mon seul et unique choix. La seule et unique possibilité. Par quoi serais-je alors guidée ? Par quoi l’était-il lui même aujourd’hui, lorsqu’il s’était levé, résigné à aller se faire soigner. Peut-être était-ce de la lucidité, enfin, un instinct de survie, peut-être, ou la peur de la mort, commune. Je l’ignorais. Je ne voulais pas mourir, mais je restais persuadée ne pas être terrifiée par la mort. Je ne croyais en aucune lumière, aucune grandeur, aucun au-delà. Et s’il n’y avait que le néant après la mort, nous ne pourrions jamais le savoir dès lors qu’elle s’abattrait sur nous. Il n’y aurait plus rien. Nous ne saurions même pas que nous aurions été touchés. Alors peut-être qu’un jour, j’obéirais, je les laisserais décider pour moi, pour mon bien. Mais ce ne serait pas par peur. Je croyais au courage de prendre ses décisions. « Je me déprécie autant que je déprécie les autres. Ne va pas croire que je me sens supérieur, ou une connerie du genre. Je fais partie d’une masse que je méprise entièrement. » Il me surprenait par cette confession. Il me surprenait en s’abaissant. Je le pensais satisfait et fier, bien trop pour se critiquer, bien trop pour l’admettre en tout cas. Je le pensais sûr de sa condition, invulnérable, comme seuls l’étaient les morts. Se sentant tellement élevé que rien ne pouvait l’atteindre, protégé de tout, ayant déjà tout vécu jusqu'au bout de ce qu’il était possible de vivre. Il n’attendait plus rien. C’était ainsi que je l’imaginais. S’estimant différents des autres, différents de nous tous, car ayant vécu toutes les épreuves et n’en attendant plus aucune autre susceptible d’y être comparable. Je l’imaginais persuadé d’être insubmersible, persuadé de valoir mieux. Je n’avais associé cette caractéristique à aucune qualité, aucun défaut. Je n’avais porté aucun jugement, je n’en avais pas le droit, pas la légitimité. J’étais surprise, voilà tout, et toujours plus captivée. « Mais, contrairement à toi, j’assume ce que je fais. Je ne le maquille pas, le cachant derrière un semblant de courage. Je sais que je suis lâche. Je sais que je suis méprisable. Ne t’inquiète pas, cela s’acquiert durant les dix fameuses années dont tu ne veux pas parler. » Je l’observai une seconde, songeuse, alors que ses dernières paroles s’évanouissaient dans l’espace autour de nous. J’avais senti les palpitations de mon cœur s’accélérer, je les avais senties prendre de l’avance, se déchaîner tandis que je l’écoutais, et je tentais à présent de les comprendre. Car, étrangement, je ne souhaitais pas lui sauter à la gorge, je ne souhaitais pas m’indigner de ces jugements tranchants. Je prenais le temps de le comprendre, le temps de ne pas réagir sur l’instant, comme je le faisais toujours. Je finis par lever les yeux au ciel en inclinant la tête dans la paume de ma main, sur le dossier du canapé. « Tu devrais apprendre à mentir, Thomas. Je peux t’aider si tu veux, tu finiras par vexer quelqu’un un jour. » soufflai-je dans un premier temps. Tu finiras par vexer quelqu’un. Mais ce ne sera pas moi. Pas aujourd’hui. Mon cœur et mon âme étaient barricadés au fin fond de mon être, depuis bien trop longtemps, pour être atteints d’un simple coup de couteau. Il allait devoir mettre du cœur à l’ouvrage si c’était ce qu’il désirait. Il avait devoir frapper plus fort. Et curieusement, je pouvais le laisser essayer, je venais de lui en donner l’opportunité. « Si je parle de courage, tu me félicites pour le mien. Leçon numéro un. Tu espères sans doute que je te mette dehors, blessée dans mon ego, j’imagine que tu repartirais, conforté dans tes certitudes. » Je souris légèrement, m’excusant presque ce ne soit pas le cas. La vie avait eu le temps de m’apprendre cela, au moins. A dire vrai, je réprimai l’envie de lui rétorquer que la vie, je tentais de la canaliser tous les jours, j’en étais témoin tous les jours, j’en souffrais tous les jours, et que je ne mourrais pas d’envie de me jeter dans celle des dix prochaines années aussitôt. Il pouvait ironiser sur cela, il n’était pas le premier, je finissais par le faire moi-même. « Si la maladie s’en prend à toi un jour, tu as le droit de la combattre comme bon te semble. Tu as le droit de décider qu’elle ne mènera pas ta vie. Si tu décides de prendre un risque, le risque de la voir écourtée mais pas dictée, ce n’est pas de la lâcheté. Dans le pire des cas, c’est de l’égoïsme. Mais ça, je le sais déjà. Tu as le droit. » Je m’étais redressée légèrement, en prenant une inspiration contenue. « Je suis enceinte. Et je ne veux pas le garder. Selon toi, courage ou abandon ? » demandai-je enfin d’une voix étonnamment calme. Mais mon regard était brillant, je le défiai de me répondre sans être cette fois persuadée de ce que j’étais prête à entendre. Je n’avais rien eu le temps d’apprendre sur ce sujet, rien eu le temps de dissimuler, rien eu le temps de cacher derrière des barricades. Je me laissais aller dans l’inconnu, et il n’y avait rien au monde que je détestais plus que cela.
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() message posté Mar 12 Mai 2015 - 18:45 par Invité
« Tu devrais apprendre à mentir, Thomas. Je peux t’aider si tu veux, tu finiras par vexer quelqu’un un jour. » Je souris, amusé. Je ne cherchais pas à vexer. Mentir, c’était vexer dans le futur. La vérité n’en était que plus blessante. Je fonctionnais comme le pansement que l’on arrachait le plus vite possible. N’y avait-il pas autant de vérités que d’Hommes ? Si tu ne crois pas à la mienne, tu en trouveras une autre à ton goût, ne t’en fais pas. Lexie n’allait pas se vexer pour mes quelques secondes de franchise. Elle savait qu’il ne fallait pas le faire. Que mes mots ne regardaient que moi et je les prononçais car j’y croyais, même si j’étais le seul. Mentir ne me mènerait à rien. Et peut-être se mentait-elle à elle-même. Je n’étais pas dans sa tête. Je ne parlais pas pour elle. Je ne lui dictais pas sa conduite. « Si je parle de courage, tu me félicites pour le mien. Leçon numéro un. Tu espères sans doute que je te mette dehors, blessée dans mon ego, j’imagine que tu repartirais, conforté dans tes certitudes. » Je n’étais pas un garçon qui avait besoin d’être conforté dans ses certitudes. On ne déracinait pas mes croyances de mon esprit, j’arrachais celles des autres pour y planter les miennes. J’affichai une moue amusée en guise de réponse. « Me vire pas, il est confortable ce canapé. » soufflai-je en y rabattant mes pieds. Je n’avais pas enlevé mes chaussures mais le contact de mes épaisses semelles avec le tissu ne me dérangea pas. J’étais impoli. Elle le savait. On m’admirait presque pour cela, étrangement. Je posai mon dos contre l’accoudoir et l’observai, un sourire aux lèvres. Lexie était une fille courageuse mais sa fierté gâchait tout. Peut-être que oui, peut-être que j’avais rencontré de véritables héros. Mais qui pouvait clamer être un héros sans passer pour le charlatan de service, de nos jours ?

« Si la maladie s’en prend à toi un jour, tu as le droit de la combattre comme bon te semble. Tu as le droit de décider qu’elle ne mènera pas ta vie. Si tu décides de prendre un risque, le risque de la voir écourtée mais pas dictée, ce n’est pas de la lâcheté. Dans le pire des cas, c’est de l’égoïsme. Mais ça, je le sais déjà. Tu as le droit. » Je penchai la tête. Elle parlait avec un calme étrange et un léger sourire étira mes lèvres, presque imperceptible. Elle ne dicte pas ta vie, mais elle dicte à ta douleur de s’éveiller et de te clouer au sol. Sa vie était dictée, ce n’était que se voiler la face que de penser le contraire. Même si ses mots et ses droits étaient emplis d’une pureté et d’un espoir sans égal. Je n’y croyais tout simplement pas. Et ne voyait-elle pas au fond de mon regard que j’étais déjà malade ? Cela m’étonnait presque qu’elle m’accorde ce ton hypothétique, comme si j’avais encore une chance. Oh, oui, j’avais certainement le droit de fumer jusqu’à en griller mes os, j’avais le droit de profiter des instants de bonheur que l’on m’offrait, même s’ils signifiaient que ma fin se rapprochait de plus en plus, j’avais le droit d’accepter mon sort et de faire avec, de ne pas changer pour autant. Je le fais déjà, Lexie. Regarde où ça m'a mené. Mais je ne devais pas oublier qu’elle ne deviendrait jamais comme moi, n’est-ce pas ? Et elle avait le droit d’être égoïste. J’éprouverai de la tristesse lorsqu’elle sera morte pour sa fierté, mais je la comprendrai. Elle s’adressait sûrement à la mauvaise personne. Elle savait que j’étais au courant. N’avais-je donc pas dix ans de plus qu’elle ? N’avais-je donc pas eu le temps de transformer mes devoirs en droits et de décider de faire mes choix seuls ? Si. Voilà où mes choix m’avaient conduit : au mépris, au déni, à la solitude et à la fatalité. Tu as le droit de décider mais tu ne peux pas empêcher la vie de le faire pour toi. Tu ne peux pas t’empêcher d’avoir mal lorsque l’on plante un couteau dans ton ventre. Tu ne peux pas t’empêcher de souffrir lorsque ton rein lâche et que tu n’en trouves pas un autre pour le remplacer.

« Je suis enceinte. Et je ne veux pas le garder. Selon toi, courage ou abandon ? » Je haussai les sourcils et une réponse cinglante traversa mon esprit, mais je pris le temps d’attraper mon paquet de cigarettes et d’en allumer une nouvelle avant de la prononcer. Je soufflai lentement un nuage de fumée qui disparut parmi les grains de poussières et je le regardai s’évaporer, pensif. Courage ou abandon ? Parce que tu penses que c’est ça, le problème ? « Aucun des deux. Instinct de survie. » dis-je finalement en rabattant mon regard sombre sur sa silhouette. Elle ne pouvait pas avoir d’enfant. C’était idiot. C’était se détruire simplement pour la beauté du geste et je détestais cette idée. Détruire n’était pas une belle chose. Et si je l’avais cru un jour, j’avais fini par me rendre compte que mes ruines ne plaisaient à personne. Et surtout, que je les trouvais sales et inintéressantes. Elles étaient un paysage que plus personne n’admirait. Pourquoi l’aurait-on fait ? « Mais j’imagine que tu as le droit de croire que c’est du courage. Mon avis n’a aucune valeur. Il ne changera pas le tien. » Elle n’avait pas besoin que je lui dise qu’elle devait s’en débarrasser. Elle l’avait deviné bien avant d’aborder le sujet. Elle était trop jeune et trop condamnée pour devenir mère. J’étais un homme, je ne comprenais pas ce que c’était que de se séparer d’un enfant qui grandissait dans mon corps. J’avais un détachement tranchant par rapport à sa situation. Elle ne voulait pas le garder ? C’était son droit le plus strict. Mais peut-être que non, peut-être qu’elle le faisait par défaut parce que la vie de cet enfant valait la mort de sa mère. « La question se poserait si tu voulais le garder. Aurais-tu le courage d’affronter la mort ou bien abandonnerais-tu ta propre vie pour l’offrir à cet enfant ? Mais tu as fait un autre choix. » En réalité, je ne savais pas ce qu’elle attendait que mon esprit résigné et autodestructeur. Elle m’annonçait qu’elle était enceinte et mon premier réflexe était d’allumer une clope – vous savez, histoire d’être détaché et de ruiner la santé de ce fameux fœtus. Peut-être trouverait-elle du réconfort dans le fait que je lui confirme que son choix était naturel et que cela faisait d’elle une femme normale et sensée. Je ne comprenais pas ce genre de douleur. Je n’étais pas né pour la comprendre. Peut-être tenait-elle dans sa main la clé vers les milliers de générations à venir. Mais elle restait un animal et comme ses semblables, elle reculait devant la mort. On pouvait la traiter de lâche jusqu’à ce que l’on se retrouve dans sa situation et que l’on fasse des choix similaires. Un à un, les Hommes devenaient-ils tous lâches ? Non. On ne pouvait pas y croire, n’est-ce pas ? C’était l’une de mes croyances à moi. C’était mon monde. Cette dimension qu’elle voulait observer sans y entrer. Et elle traînait des pieds vers celle-ci car c’était la prochaine. Celle que le monde allait peut-être découvrir un jour, si j’étais toujours là pour les accueillir.
Mais ne t’inquiète pas. Bientôt, je m’évaporerai, tout simplement.
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() message posté Mar 19 Mai 2015 - 1:17 par Invité
Je me perdais dans les définitions du courage, tel que je l’imaginais, et dans les incohérences que Thomas tentait de me pointer du doigt. Je ne savais pas pourquoi je souhaitais tellement le contredire, ce que je cherchais à défendre derrière mes protestations. Je voulais seulement retarder ce moment autant que possible. Retarder ce moment où nous pouvions tous finir par perdre confiance en notre propre capacité à nous recomposer, nous reconstruire, recommencer. Retarder ce moment où je finirais par comprendre que je n’avais pas réussi à éviter le pire, et où je finirais par m’éteindre, comme une bougie privée d’oxygène. C’était ainsi que je me voyais, si je lâchais prise, perdue au milieu d’une foule de patients désabusés et ignorés, sans identité, effacée au profit d’une vie allongée mais sans flamme. Il n’avait pas besoin de le comprendre. Et je ne savais sans doute pas comment l’expliquer. « Me vire pas, il est confortable ce canapé. » railla-t-il en étirant ses jambes sur le sofa, plantant ses pieds chaussés à quelques centimètres de moi. Je haussai les sourcils mais n’esquissai aucun mouvement. Il n’avait pas à savoir que cela pouvait m’amuser, il n’avait pas à savoir que ses incivilités ne me dérangeaient pas, que ce canapé avait déjà vu bien pire. Il me bousculait avec son indifférence, je le relançais d’une nouvelle question, personnelle, concrète. Je vis la lueur dans son regard, je vis que j’avais visé juste, attisé son esprit caustique. Je lui donnais les armes pour m’achever s’il le désirait. C’était idiot, non courageux. Et pourtant. « Aucun des deux. Instinct de survie. » Je m’étais de nouveau reculée dans le fond du canapé, tentant de rester impassible face à la fumée, qu’il relâchait du haut de sa tour. Elle me retournait l’estomac. Et il pouvait s’en douter, à présent, il n’avait plus cette excuse. Mais il s’en moquait. Je détestais cette sensation, je détestais les faiblesses de mon corps. Je ne les découvrais pas, elles avaient toujours été là. Le cœur au bord des lèvres chaque jour, depuis des années. Mais j’associais ce symptôme à autre chose aujourd’hui. Et je le méprisais, ce corps faible et incapable, ce corps dont même sa stérilité avait été bafouée, trompeuse, pas à la hauteur. Ce corps auquel je ne pouvais décidément pas faire confiance. Je restais silencieuse. Je choisissais la survie. Peut-être. Au delà de la vie ou de la mort, au delà ce que je serais physiquement capable de créer, de supporter. Au delà de tout cela, je choisissais la survie. Je choisissais de ne pas renoncer tout à fait à l’image que je m’étais dessinée de ce que aurait pu être ma vie. Je choisissais de me laisser une chance. C’était terriblement égoïste. J’en avais conscience. Mais il fallait croire que l’on pouvait survivre en ayant conscience de sa propre bassesse, j’étais toujours là. « Mais j’imagine que tu as le droit de croire que c’est du courage. Mon avis n’a aucune valeur. Il ne changera pas le tien. » J’étais impassible et orgueilleuse, car cela m’avait permis plus d’une fois de m’extraire de l’ornière où je manquais de tomber, inlassablement. Je théorisais sur le courage dans cette situation car cela me paraissait être le meilleur moyen de désamorcer la grenade qui m’avait été lancée entre les mains à l’annonce de cette grossesse. Mais j’étais ignorante, et impuissante sur ce sujet. Je ne le maitrisais pas, ne possédais aucun contrôle. Alors je tentais de le lui donner, pour quelques secondes seulement. « La question se poserait si tu voulais le garder. Aurais-tu le courage d’affronter la mort ou bien abandonnerais-tu ta propre vie pour l’offrir à cet enfant ? Mais tu as fait un autre choix. » Je n’en avais pas eu l’impression. Je n’avais pas eu l’impression d’avoir un autre choix. Je n’avais pas eu l’impression d’avoir le choix. Tout simplement. Il y avait cette solution, ce droit que j’avais sur mon corps à exercer. Et tout le reste me semblait sombre et embrumé, incertain. Tout le reste ne ressemblait plus qu’à du vide. Je savais que ce n’était pas cohérent. Je savais que je courais vers ce que j’avais toujours fui. Je m’éloignai du vide pour pouvoir recourir à la médecine, aux solutions, au certain. Je courais vers ce que je rejetais depuis des années, je courais vers ce qui m’emprisonnait. Parce que cette fois-ci, c’était ce dont j’avais besoin. Cette fois-ci, je m’en remettais à la médecine, parce qu’elle me servait. « J’ai fait un autre choix. » répétais-je à voix basse, pour moi-même. Je ne voulais pas le contredire, je faisais déjà marche arrière. « Plus que du courage, ce serait un sacrifice. Un sacrifice insensé pour quelque chose que je ne désire pas. » Je détournai le regard pour ne rien ajouter. J’en avais assez dit. Et j’ignorais encore pourquoi. J’ignorais ce qui m’avait poussée à prononcer ces mots, j’ignorais ce qui m’avait poussée à engager cette conversation avec Thomas. Il n’y avait ni compassion dans son regard, ni complaisance dans ses propos. J’avais eu l’impression qu’il s’en moquerait, qu’il se ficherait de ce qui pourrait m’arriver, de ce que je pourrais décider. J’y avais vu une brèche et je m’y étais engouffrée. Pour prouver mon point, et connaître le sien, dénué de sentiments. Ceux-là même qui m’embrouillaient l’esprit et jouaient avec mon cœur, ceux-là même qui m’empêchaient de me sentir en paix avec une décision que j’avais pourtant prise dès la première seconde. Mais cela n’arrangeait rien. « J’ai demandé, j’ai mérité. » conclus-je doucement en relevant les yeux vers lui. Un léger sourire vint se forcer sur mes lèvres, comme si rien de tout cela n’avait réellement d’importance. « Tu veux bien écraser cette cigarette maintenant ? » Il était capable de me dire non, il était capable de me souffler au visage ses jugements. Mais ses effluves me rendaient malade, rien que cela. J’en étais réduite à cela une fois de plus, j’en étais toujours réduite à cela, d’une manière ou d’une autre. Et si ma fierté m’avait poussée en premier lieu à lui avouer ma condition, elle me permettait au moins d’être honnête et de ne plus avoir à faire semblant. De lui avouer cette faiblesse, juste celle-ci, au moins celle-ci.
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() message posté Jeu 28 Mai 2015 - 16:10 par Invité
« J’ai fait un autre choix. » répéta-t-elle dans un souffle et je ne repris pas. Je la laissai dans ses pensées car celles-ci ne m’appartenaient pas. Elle acceptait mes mots sans les contredire. J’en étais presque surpris, à force de l’observer me relancer. Elle savait que j’aurais toujours quelque chose à lui rétorquer. J’étais insaisissable, de cette manière. Parce que j’étais franc avec mes ennemis autant qu’avec ceux que j’appréciais. Même lorsque j’étais d’accord avec eux, je me sentais toujours en droit d’appuyer mes jugements, de pousser les leurs un peu plus loin. De leur faire dire ce qu’ils n’avaient jamais voulu dire. Ce qu’ils n’avaient même jamais osé penser. Elle ne voulait pas de cet enfant et moi j’imaginais qu’elle le haïssait déjà parce qu’il la tuerait. C’était fou, à quel point elle était faible dans son costume de jeune femme téméraire et hautaine. « Plus que du courage, ce serait un sacrifice. Un sacrifice insensé pour quelque chose que je ne désire pas. » Elle détacha son regard du mien mais je continuai de l’observer, mes yeux noirs fendant la fumée de ma cigarette pour la découvrir telle qu’elle était réellement : résignée. A quoi, abandonner ? Non. Résignée à vivre, tout simplement. Comme moi. Avec égoïsme, en se brûlant à longueur de temps, mais pourtant nous étions toujours présents. La conversation aurait pu s’arrêter là qu’elle aurait été belle et complète : Lexie, tu es résignée à vivre, quelle morale amère, ne trouves-tu pas ? Je lui souris étrangement. Elle savait à quoi je pensais. Elle savait que je croyais en notre ressemblance, plus que tout. Elle savait que je me moquais de sa fierté. Elle ne fonctionnait pas avec moi. Je la trouvais dérisoire et inutile. On était fier jusqu’au jour où l’on se retrouvait avec le couteau du destin qui nous glissait sur le cou, prêt à nous ôter ce que nous avions de plus cher, ce que nous nous étions résignés à garder : notre vie. Et cela était bien triste, oui. Les sacrifices étaient des fléaux, mais ils alimentaient notre égoïsme. Ils alimentaient l’unique raison pour laquelle nous voulions continuer de vivre. Pas d’être, c’était surfait, plus très à la mode. Être ou ne pas être, je préférais croire qu’être, c’était ne pas être. Nous étions des ombres et nous donnions naissance à d’autres ombres. Lexie voulait simplement conserver un peu de sa lumière.

« J’ai demandé, j’ai mérité. » Mérité mon jugement hâtif sur le fait qu’elle était enceinte ? Ne lui avais-je pas pourtant dit qu’il n’avait aucune valeur ? Qu’il n’avait aucune importance ? Que seul le sien comptait ? Je ne voyais que l’avant du tableau. Je ne me préoccupais que de ce qui la tourmentait elle, parce que c’était elle qui portait cet enfant, personne d’autre. Je me moquais de l’avis d’un éventuel père, d’une sœur, d’un ami ou d’un parent car si on commençait à croire qu’elle avait un choix dans cette histoire, il était nécessaire d’admettre qu’elle devait le faire seul. Je voulais lui demander pourquoi elle m’avait posé la question, à moi, tout en sachant quelle serait ma réponse. Je voulais comprendre. L’avait-elle posée à d’autres en espérant qu’ils la soutiendraient ? Ou bien étais-je le premier ? Peut-être voulait-elle commencer par le plus dur car elle savait que mon avis serait le plus tranché. Paradoxalement, le plus tranché et le plus humain, le plus pur. Je ne pouvais pas lui mentir sur ça. Je n’en étais pas capable, parce que la savoir enceinte, c’était l’imaginer donner la vie, perpétuer un cycle auquel elle n’avait jamais voulu prendre part. Tout comme moi. Et même si elle l’avait voulu, elle n’en aurait pas été capable. Depuis quand me souciais-je de sa santé ? J’étais cynique, désabusé, misanthrope et éloquent, mais l’idée qu’elle meure pour un foutu fœtus me révulsait presque. Tu devrais venir à l’hôpital. On te fait avorter dans la demi-heure. J’étais probablement trop détaché pour savoir de quoi je parlais. Quelle force il fallait posséder pour le faire vraiment. Mais à ce genre de critiques, je ne faisais que hausser les épaules, tant cela ne m’intéressait plus. Oh, il lui fallait donc du courage pour pénétrer dans cette clinique et se débarrasser de l’enfant non désiré ? Merveilleux. Elle avait donc un moyen de me contredire. En me disant que je ne comprendrais jamais son courage car je n’étais pas dans sa peau. Coup de chance, elle n’avait pas non plus à être dans la mienne.

« Tu veux bien écraser cette cigarette maintenant ? » Je m’apprêtais à fumer de nouveau mais suspendis mon geste alors qu’elle prononçait ces quelques mots. Non, ce fut probablement la première chose qui me traversa l’esprit. Je détestais que l’on m’empêche de fumer. Je détestais le simple fait de devoir éteindre ma cigarette au fond du cendrier sans l’avoir finie. Je détestais cela. C’était frustrant et cela brisait mes élans d’impolitesse et de désinvolture, ceux qui me caractérisaient tant. Je fronçai les sourcils et me reculai un instant, recrachant la fumée vers le haut de la pièce pour ne pas que celle-ci l’atteigne, même si c’était déjà trop tard. Non, j’y vais de toute façon, hésitai-je à dire, mais finalement je basculai la tête en arrière pour observer le plafond, pensif. J’attendis quelques secondes, la laissant dans le doute et la lassitude de savoir qu’elle n’avait pas la force de m’obliger à lui obéir. Je me redressai pourtant, sans la regarder car je lui en voulais un peu. J’étais ainsi lorsque j’étais vexé. Silencieux, presque boudeur, même si je me moquais un peu d’elle en jouant ce jeu-là. J’approchai ma main du cendrier pour y écraser ma cigarette à moitié entamée. Je déglutis lentement en regardant le dernier filet de fumée disparaître dans l’air ambiant puis relevai les yeux vers elle, sombres, presque critiques. Je savais que je n’avais aucune raison valable, aucun argument pour la contredire : elle était chez elle et cela la dérangeait. Elle pouvait m’ordonner de sortir, d’aller me faire foutre parce que je ne respectais rien, mais je pouvais voir qu’elle n’en avait même plus envie. « T’as l’air fatiguée, tu dors assez ? » soufflai-je finalement dans un mince sourire. Non, sans blague, Tom. Je m’en moquais. J’avais déjà mes propres problèmes de sommeil, pourquoi devoir supporter ceux des autres ? Lexie me semblait simplement épuisée. Malade. Dans ma grande fatalité, j’aurais presque dit mourante, mais je me rappelai alors de l’ironie de cette pensée : elle l’était vraiment, ce n’était pas être pessimiste que de l’admettre. Elle mourrait, chaque jour un peu plus. Elle tentait de me faire croire que cela ne l’affectait pas, mais voilà que ses droits s’étaient évaporés lorsqu’elle m’avait demandé d’éteindre ma cigarette. Oh, tu ne peux pas le supporter ? Ose me parler de droits après ça, je t’attends au tournant pour détruire le moindre de tes arguments. Je grattai un instant la semelle de ma chaussure, un sourire toujours cousu sur les lèvres. « Tu devrais venir avec moi, en vrai. Ils te feraient avorter en moins de deux à l’hôpital. » J’avais fini par lui dire, comme ça, en haussant les épaules, comme si elle n’avait plus à y réfléchir. Mais n’était-ce pas le cas ? N’avait-elle pas déjà pris sa décision ? Qu’attendait-elle, qu’on l’agresse, qu’on lui ouvre le ventre et qu’on le lui retire sans qu’elle ne s’y attende, histoire de moins s’en vouloir par la suite ? En vérité, peut-être que je cherchais simplement à en finir au plus vite histoire de pouvoir fumer mes clopes tranquille, la prochaine fois. J’étais résigné à être le pire des égoïstes, ne l’oubliez pas.
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() message posté Ven 5 Juin 2015 - 2:29 par Invité
J’avais l’impression d’en demander trop, d’avoir trouvé sa limite, sa seule et unique limite, sûrement. Je me préparais d’ors et déjà à le voir se redresser, s’extirper du canapé dans lequel il s’était posé si légèrement, et disparaître de mon appartement aussi rapidement qu’il ne s’y était imposé. Je m’étais jetée dans la gueule du loup, flattant l’animal au passage. Il me regardait d’un drôle d’air, comme si il hésitait, justement. Comme s’il pesait le pour ou le contre, concernant ma demande. Ses yeux noirs se plissèrent, ses joues se creusèrent, tandis qu’il tirait de nouveau sur l’objet de son silence, l’objet de mon mal passager. Il étira son dos, balançant doucement sa nuque en arrière. Je ne pus m’empêcher de lever les yeux au ciel, une fois. Il ne parvenait même pas à faire semblant. Il ne parvenait même pas à se défaire de cette addiction, quelques minutes. Je ne lui demandais rien d’important, j’étais consciente qu’il le savait. Mais je lui demandais quelque chose, et il ne voulait rien accorder, à personne. Je l’observai finalement se redresser, avant de se pencher en avant, face à moi, me heurtant à son indifférence. Il ne me regardait pas alors qu’il écrasait sa cigarette dans le fond du cendrier et je n’eus même pas envie de sourire, satisfaite. C’était moi qui avais failli, c’était moi qui n’avais pas su résister plus longtemps avant de lui demander de m’épargner. « T’as l’air fatiguée, tu dors assez ? » Je reportai mon regard sur lui, pour me confronter à son sourire amusé. Je venais de réprimer une moue, agacée, déçue de moi-même. Il ne suffisait plus d’essayer seulement. Il ne suffisait plus de forcer son esprit à donner le change, pour prendre le dessus sur les faiblesses du corps. Cela se voyait à présent, concrètement. J’étais marquée, physiquement. Je pensais réussir à le cacher, encore un peu, de loin. Mais il fallait croire que cela ne marchait pas si bien que cela, pas avec lui en tout cas. Et pour cela, j’étais agacée. Pour cela, j’étais déçue. « Juste ce qu’il faut. » répondis-je en haussant les épaules et en soutenant son regard. « Tu sais ce que c’est. Il y a pire que de ne pas faire de nuits complètes. » Lui non plus ne dormait pas, pas assez, pas ce qu’il aurait du. Je soutenais son regard sombre, sous ses paupières lourdes et poussiéreuses. Lui non plus n’arrivait pas à le cacher, mais j’ignorais s’il tentait de le faire, de toute façon. Cela ne faisait que me donner une raison supplémentaire de ne pas vouloir m’attarder sur le sujet, de ne pas me plaindre sur ces faiblesses que l’on partageait. Il fallait rester en mouvement, pour ne pas s’assoupir, définitivement. Oui, j’aurais apprécié de ne plus ressentir cette fatigue constante, que les dialyses ne faisaient que nourrir. J’aurais apprécié pouvoir dormir de tout mon soûl, juste une nuit, pouvoir plonger dans l’oubli de mon corps, quelques heures complètes, pouvoir sombrer dans l’oubli de mon être. J’aurais voulu espérer encore, qu’en m’endormant, le sommeil m’aiderait et réparerait ce qu’il y avait d’abîmé. J’aurais voulu espérer, toujours, que je me réveillerais le lendemain, plus en forme, presque guérie. Mais ce n’était pas le cas. J’avais arrêté d’espérer. Le sommeil n’était pas ce qui manquait. Ce n’était pas qu’une défaillance, ce n’était pas que les reins. J’ai le cœur brisé, Thomas. Et je ne suis pas certaine de réussir à, un jour, recoller ses morceaux. Mais je ne pouvais rien dire de tout cela. Si je lui parlais d’amour, il se mettrait à rire à gorge déployée. Je l’aurais fait également, si je l’avais pu. Je le ferais, de nouveau, un jour, peut-être. « Tu devrais venir avec moi, en vrai. Ils te feraient avorter en moins de deux à l’hôpital. » Ses mots résonnèrent un instant dans la pièce, y trouvant un écho surprenant. Je sentis mon cœur tressaillir une seconde et clignai des yeux, attendant de voir où il voulait en venir, attendant de voir s’il plaisantait, s’il entendait sa réflexion telle que je pouvais la percevoir. J’avais décidé très vite, j’avais compris dès que ce dernier mot s’était éteint d’entre ses lèvres. J’avais compris que je n’étais pas blessée par cette proposition, par cette évidence qu’il énonçait. La blessure permanente, la vraie, la déchirante, était tellement plus constante, tellement plus présente, que je pouvais me moquer de cette proposition, que je pouvais ne pas être atteinte. Et le silence fut rompu. En une seconde. Je m’étais mise à rire. Je riais, comme je ne l’avais pas fait depuis des jours. J’avais porté ma main à ma bouche, la première seconde, comme prise sur le fait de quelque chose qui m’était interdit, quelque chose que je n’aurais pas du faire. Mais elle avait rapidement glissé sur ma gorge et j’appuyai ma tête en arrière sur le dossier du canapé. Je laissai ces rires s’échapper. Je laissais cette émotion s’exprimer, juste celle-ci. Cette situation était absurde. Cette réflexion l’était tout autant. Personne d’autre que Thomas n’aurait pu se la permettre, personne d’autre n’aurait osé. Personne d’autre n’aurait pu me faire rire, à cet instant présent. Tout me paraissait si décalé. Dans le fond, j’étais peut-être soulagée, également. Le problème était posé, découvert. Les choses paraissaient si simples, lorsqu’il les exprimait ainsi. Je pouvais rire devant lui de ce que mon corps me faisait subir, je pouvais rire de la vengeance que je comptais lui infliger, pour le punir de sa trahison. Je pouvais rire de ce qu’il me faisait perdre. « Tu me tiendrais la main pour me soutenir ? » repris-je, d’une voix amusée. Je me redressai finalement, laissant mon rire s’évanouir tout aussi naturellement qu’il s’était emparé de moi. Je passai une main dans mes cheveux, un sourire toujours dessiné sur mes lèvres, presque d’excuse, presque embarrassé. Désolée, c’était déplacé. Voilà ce que j’aurais du dire, voilà ce que j’aurais sûrement dit, avec quelqu’un d’autre. Voilà ce qui aurait été d’usage avec n’importe qui d’autre. J’étais cette fille qui riait lorsqu’on lui parlait de son avortement. J’étais cette fille qui ne pouvait retenir cet éclat devant l’impolitesse de Thomas, devant cette absurdité. J’étais brisée mais décalée. Je tenais bon, uniquement grâce à cela. Je ne pouvais pas pleurer, je n’avais plus senti le goût de mes larmes depuis des années. Je ne pouvais pas pleurer, et je restais de marbre. Ou je riais, ici. Je ne pouvais pas faire autrement. Il l’avait cherché, il l’avait provoqué. Et je lui en étais reconnaissante. « Tu es l’être le plus insensible que je connaisse, tu le sais ? » laissai-je échapper finalement en inclinant la tête. J’étais celle qui riait, mais il était l’insensible. Je notais l’incohérence, je savais qu’il le faisait également. Il n’avait pas les comportements attendus, les réactions pré-définies. Je n’avais pas la souffrance commune. Cette dernière sévissait et nous nous croyions tous tenus à des obligations, des gestes, des réconforts, des comportements sociaux bien établis. Il fallait sans cesse jouer la comédie pour ne pas détoner. Mais il me restait bien souvent, une fois la porte refermée, un goût de cendre et de poussière au fond de mon esprit. Ce n’était pas le cas, aujourd’hui. « Merci. » glissai-je, presque discrètement. Je ne savais pas s’il voulait l’entendre, s’il voulait ressentir ma reconnaissance. Je ne savais pas s’il voulait être de ceux que l’on remerciait dans ces situations, pour leur aide. Certains aimaient qu’on leur en veuille, qu’on les déteste, parce qu’on ne pouvait pas blâmer les faibles, seulement les puissants, seulement ceux qui pouvaient compter.
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() message posté Lun 15 Juin 2015 - 19:23 par Invité
« Juste ce qu’il faut. » Elle me fixait avec une insistance toute particulière et cela m’amusait. Je ne le laissai évidemment pas paraître. Elle m’avait forcé à éteindre ma clope, tout de même. « Tu sais ce que c’est. Il y a pire que de ne pas faire de nuits complètes. » Je soutins son regard, pensif, avant de le détourner un instant pour le poser sur le cendrier où mourrait lentement ma cigarette. Oh, oui, il y avait sûrement pire. Rester éveillé la nuit, c’était tromper la lune et l’observer alors qu’elle scintillait de sa plus belle lumière. Voir ce que l’on n’avait pas le droit de voir, sentir des parfums qui nous semblaient interdits et lointains. J’avais toujours ressenti cela comme ça lorsque j’étais jeune. Gagner du temps en plus pour regarder ce que personne n’osait regarder. Ce que les Hommes n’avaient pas la force de regarder. Le soleil s’endormir et se réveiller. J’avais toujours trouvé cela magique et j’avais abusé de cette magie. Assez pour que la nuit me maudisse et me jette une malédiction fatale. Je me mordis la joue discrètement. Aujourd’hui je ne dormais plus. J’étais forcé de soutenir le regard de cette foutue lune car elle aveuglait mon esprit et m’empêchait de fermer correctement les yeux. Elle enfonçait des lames d’argent et de lumière dans mes paupières pour me donner la migraine, pour me rendre fébrile et malade, pour que je subisse l’attente du soleil minute par minute, seconde par seconde. J’avais déconné. Grandement. Je ne pouvais même pas faire une liste de tout ce qui était censé me clouer au sol tant celle-ci risquait d’être longue. Et on aurait pu me le reprocher d’ailleurs. Je m’adressai tout de même à une gamine qui était mourante, j’aurais pu faire preuve d’un peu de bon sens. Mais Lexie n’attendait pas cela de moi. J’ignorais d’ailleurs vers où elle voulait nous guider, m’avouant sa grossesse et me laissant la juger aussi froidement que possible. Il y a pire que de ne pas faire de nuits complètes. A la réflexion, je n’en étais pas si sûr, mais je me tus. Je me tus car cela l’empêcherait peut-être de faire mes erreurs. Dors, Lexie. Ne laisse pas la maladie te réveiller car lorsqu’elle aura pris ton sommeil, lorsqu’elle aura pris ta respiration paisible, lorsqu’elle aura pris ton imagination et tes rêves, lorsqu’elle t'aura pris tout cela, tu le regretteras amèrement. Tu regretteras de ne pas en avoir assez profité. C’était subjectif, mais les insomnies étaient une plaie. Une plaie dans mon ventre maigre, bien plus douloureuse que celle qui siégeait sur ma paume. Lexie n’arriverait pas à bander celle-ci.

Un silence suivit mes mots et je penchai la tête. Il fut assez rapide. Assez pour que je remarque son trouble soudain, qu’elle dissimula vite. Elle ne s’était pas attendue à cela, mais à présent qu’elle avait entendu mes paroles, elles lui semblaient évidentes, venant de moi. Et elle éclata de rire. J’avais vu un millions de rires différents, un autre million avait sonné dans mes oreilles, mais je n’avais jamais eu l’occasion d’entendre celui-là. Elle posa immédiatement sa main devant sa bouche comme pour se cacher et je plissai des yeux, restant parfaitement impassible face à sa réaction. Je ne savais pas si je la croyais capable de cela, de rire de ma remarque. Car celle-ci était dure et tranchante, sous ses airs de blague doucement sarcastique. Ils te feraient avorter en moins de deux, c’est marrant non ? Et oui, c’était marrant, je comprenais qu’elle rit de mon détachement et de mes évidences. N’importe quelle femme aurait voulu me rétorquer que je n’y connaissais rien, qu’elle désirait que ce soit aussi facile, ou simplement qu’elle préférait y aller seule. Lexie non. Lexie avait ri, et je haussai à présent les épaules, convaincu. Oui, c’est aussi facile. Pourquoi tu t’emmerdes avec ça, vraiment ? Son rire prit fin mais sa réponse était encore gorgée de cette espièglerie noire qui me caractérisait tant d’habitude. « Tu me tiendrais la main pour me soutenir ? » Je laissai un sourire glisser sur mon visage. Elle ne semblait pas vouloir admettre totalement sa réaction. Ses traits amusés reflétaient également une forme d’excuse que je n’acceptais pas vraiment, tout simplement parce qu’elle n’avait pas à être navrée, désolée de quoique ce soit. S’il y en avait un qui aurait dû l’être, c’était bien moi. Oui, bien entendu, semblai-je lui signifier dans mon regard sombre. J’étais le genre de type à tenir la main des mères lors de leur avortement. Je n’étais pas fait pour la paternité, ce compromis me semblait évident. « Tu es l’être le plus insensible que je connaisse, tu le sais ? » Je penchai la tête de nouveau, les yeux bordés de cernes épais, puis je haussai simplement les sourcils, amusé. « Ouais, je le sais. » grognai-je finalement, le plus naturellement du monde. C’était ainsi. Je rendais les choses les plus étranges et les plus douloureuses complètement risibles. Je manquais de pitié, d’empathie, de gentillesse, mais j’arrivais à faire rire une femme de son propre avortement. Peu de gens pouvaient se vanter de la même chose. J’avais peut-être un pouvoir magique. Ou était-ce simplement la carapace que je m’étais forgé au fil des années, ses écailles luisant de mon dédain et de mon indifférence ? J’étais insensible. Si ça la faisait rire aujourd’hui, autant que j’en profite. Elle risquait de s’en lasser plus vite que prévu. Quoique. Son rire avait été si sincère, si juste. Si désiré, si soulageant. Et tellement inattendu.

« Merci. » Machinalement, je levai les yeux au ciel et soufflai un discret pitié, à mi-voix, à la fois agacé et amusé qu’elle tente cette approche avec moi. Mes yeux parcoururent sa silhouette mais j’avais l’air éteint. Probablement très fatigué. Je soupirai finalement, conscient qu’elle en attendait peut-être un peu plus. Que je lui avais déjà prouvé que j’étais un homme insensible. Je relevai le regard vers son visage. « J’t’en prie. » grinçai-je alors, ironique et narquois. Mais je suis sérieux pour l’avortement, ça t’évitera de cogiter trop longtemps. Ce n’était jamais une bonne idée de rester sur ses choix sans les faire. Elle qui m’en parlait tant. Elle qui les revendiquait avec une si grande fierté. Je voulus tendre la main pour attraper la sienne, lui dire d’enfiler ses chaussures afin que nous puissions tous les deux aller à l’hôpital. Je voulus le faire, la persuader, tenter cette chance d’avoir raison à nouveau, mais je me retins. Elle refuserait de toute évidence. Elle ne pouvait pas aller jusque-là. Je ne la voyais pas réussir à le faire. Réussir à affronter ces codes idiots qui la maintenaient chez elle, qui l’épuisaient tant, qui lui faisaient haïr les murs blancs de l’hôpital, comme s’ils étaient la dernière menace, la plus dangereuse. Et je la comprenais, sans lui dire. Je comprenais qu’elle reste ici, entre ces quatre murs et qu’elle sourit en repensant à mes mots, à mon indifférence, à mon insensibilité qu’elle ne pouvait s’empêcher d’apprécier, malgré tout. « J’ignorais que ton avortement te faisait autant rire. » soufflai-je enfin, un léger sourire étirant mes lèvres. Si, bien sûr que je le savais. Tu me ressembles, n’oublie pas, et tu ne devrais pas. Tu devrais te comporter comme n’importe quelle femme et me maudire. Tu devrais refuser que je puisse te dire de tels mots. Tu devrais me chasser de chez toi. Tu n’aurais jamais dû me donner ton adresse, tu l’as dit toi-même. Mais elle avait ri, elle m’avait confié ce secret, ce fragment de sa personnalité qu’elle n’osait probablement pas montrer aux autres. « Ne t’inquiète pas, je ne dirai rien. La noirceur de ton humour est en sécurité avec moi. » ajoutai-je avec une éloquence ironique et une emphase feinte, presque parodique, dans la voix. Je me parodiais moi-même, pour tout dire. Je parodiais mes manières et mon humour déplacé qu’elle semblait tant aimer. « Plus sérieusement, ne t’y attache pas trop. Si tu veux t’en débarrasser, fais-le maintenant. Je suis peut-être insensible, je n’en reste pas moins réaliste. Tu me diras, ces deux termes se marient bien. Tout est une question d’allure, non ? » Une lueur malicieuse alluma discrètement mon regard, ponctuant mes mots de mon éternel sarcasme. Parce que oui, tout était une question d’allure. En tout cas pour moi, c’était le cas. L’allure masquait les maux. Il n’y avait pas d’autre question à poser.
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() message posté Ven 19 Juin 2015 - 2:01 par Invité
Il me regardait, amusé mais inflexible. Lui non plus ne trouvait pas de raisons de s’excuser, et je trouvais cela étrangement libérateur. Je lui avais révélé ce que j’avais voulu cacher. Je lui avais révélé ce qui n’était censé appartenir qu’à moi et je ne me sentais pas dépouillée. Je me sentais libérée. C’était un de ces mystères auxquels je ne voulais apporter aucune explication. « Ouais, je le sais. » Je savais que nous pensions la même chose. Je savais que nous nous demandions tous les deux, sur l’instant, si cela me plairait toujours autant, dans quelques semaines, quelques jours, quelques heures, même. Il jouait sans vergogne avec la vérité, sans se soucier de ce qu’elle pouvait provoquer, de ce qu’elle pouvait réveiller. Sûrement parce qu’il ne se sentait pas de responsabilité particulière, sûrement parce qu’il l’avait oubliée, sûrement parce que cela l’arrangeait aussi, que cela l’empêchait de s’ennuyer. Je ne savais pas encore, je n’avais pas décidé. Et je n’étais pas prête à accepter ses explications comme une vérité de laquelle je ne devais pas douter. Il savait mentir également, sûrement. « J’t’en prie. » Il avait levé les yeux au ciel, agacé. Il avait soupiré et semblait souffrir de devoir répondre. J’insistai dans mon regard, amusée de le voir heurté par cette simple marque de reconnaissance. Il me donnait envie de recommencer. Je ne savais pas encore si j’en aurais de nouveau l’occasion. « J’ignorais que ton avortement te faisait autant rire. » Je l’ignorais aussi, aurais-je eu envie de rétorquer spontanément. Mais je ne savais pas si cela était réellement sincère. Je ne savais pas si j’avais été surprise de cet éclat de rire, ou simplement surprise de le laisser sortir, enfin, devant lui. « C’est pas sain, pas vrai ? » demandai-je d’un air concerné mais feint, d’une voix hésitante mais que la lueur toujours amusée dans mon regard ne devait pas appuyer. C’était sans doute la seule manière que j’avais trouvé sur l’instant pour le rester, saine. Thomas était flegmatique et lointain. Je m’employais seulement à vouloir l’être. Le plus souvent cependant, mon âme toute entière ne ressemblait qu’à cet espace dans lequel pouvait se déverser le trop-plein des jours, l’accumulation de ce qui écorchait, écrasait, coupait. Je m’employais seulement à ne pas la laisser exploser, un jour, sous la pression de la poudre. Le rire, ce rire, n’avait été qu’un remarquable échappatoire. « Ne t’inquiète pas, je ne dirai rien. La noirceur de ton humour est en sécurité avec moi. » Je secouai doucement la tête, un sourire amusé aux lèvres, avant de lui adresser un sourire reconnaissant, comme s’il me faisait là un cadeau de taille. La vérité, c’est que ce n’était sûrement pas sain. Mais que cela ne comptait pas avec lui, car il ne l’était pas non plus. Et ce n’était pas grave, je voulais le croire. Je refusais de recevoir mon identité du qu’en dira-t-on. Je refusais de me plier aux règles que l’on voulait m’imposer car elles ne me correspondaient pas, car elles n’avaient fait que me perdre jusque là. Il était tellement facile de renoncer. Tellement facile de s’effacer à leur profit, de leur laisser le contrôle. Tellement facile de se laisser influencée, remaniée, orientée. Je n’en souffrirais même pas dans un premier temps, elles agiraient avec intelligence, douceur, et ironie acide. Très vite, je ne serais plus capable de leur résister. Très vite encore, je n’en aurais même plus envie. Et puis, cela serait trop tard. « Plus sérieusement, ne t’y attache pas trop. Si tu veux t’en débarrasser, fais-le maintenant. Je suis peut-être insensible, je n’en reste pas moins réaliste. Tu me diras, ces deux termes se marient bien. Tout est une question d’allure, non ? » conclut-il de sa voix grave et je le regardai à la dérobée juste à temps pour apercevoir son regard scintiller d’ironie une nouvelle fois. Tout est une question d’allure. Depuis son apparition fantomatique au sein de mon salon, nous n’avions fait que chercher nos oppositions. Ou peut-être étais-je la seule finalement, je l’ignorais. Mais j’avais du mal à le contredire, ici. J’avais du mal à ne pas être en accord avec lui. Je n’avais jamais été aussi en accord avec lui. « Comment le saurais-je ? » soufflai-je cependant en haussant les épaules, non sans ironie également. Comme si je n’étais pas concernée. Comme si je ne voyais pas ce qu’il sous-entendait. Le pouvoir de cette allure disparaissait dès lors que nous reconnaissions son existence. « Ce n’est pas à ça que je m’attache. » repris-je placidement. Ce n’était pas à ça que je pensais toute la journée, toutes les nuits. Ce n’était pas ça qui allait me manquer lorsqu’il ne serait plus là, dans mon ventre. Ça. Je devrais avoir honte pour cela aussi. Je devrais avoir honte pour ne pas le nommer. Je devrais sûrement, mais je tentais de m’en empêcher. Je ne dois pas m’y attacher, tu viens de me le rappeler. « Je réfléchis à ce que j’avais, avant. Et à ce qu’il me restera ensuite. » Je réfléchissais à ce que je m’appliquais à construire jusqu’à maintenant, et à ce que ce fragment de vie s’employait à détruire. Je réfléchissais à ce lien auquel j’allais mettre fin parce que je n’avais pas le choix, parce qu’il s’agissait d’un instinct de survie et que nous ne pouvions pas lutter contre cela, n’est-ce pas ? Mais tout le monde n’était pas enclin à le comprendre, à le respecter, à le pardonner. L’homme que j’avais aimé et en qui j’avais cru plus que tout n’était pas prêt à me le pardonner. Et je pouvais le comprendre. Je devais m’y préparer. « Ma décision ne changera pas mais je réfléchis à ce qu’elle implique. Je le gère en amont, histoire de garder un peu d’allure, justement, une fois que ce sera fait. » Etait-ce assez insensible pour Thomas ? Assez réaliste ? Je sortirais de l’hôpital et j’aurais perdu James, définitivement. J’avais peur de cette sensation de ne rien avoir réparé, rien reconstruit. J’avais peur de me sentir plus fragile encore qu’une heure auparavant. J’avais peur de me retrouver dehors, sans lui, avec le reste à vivre, le reste de douleur et de manque, et de vide. Je réfléchissais à ce que la vie me laisserait en échange, quelles promesses dignes de son assentiment, ancrées dans la réalité des choses. Je réfléchissais aux ailleurs qui me resteraient, aux lendemains. Et je ne trouvais rien. Rien d’autre que le vertige. Et je me préparais à m’y accrocher. Je savais contrôler mes émotions, je voulais le croire. Je savais les gérer en amont. « La tienne peut finir par disparaître plus tôt que tu ne le penses. Tu devrais aller à l’hôpital, maintenant. » laissai-je enfin échapper en reportant mon regard dans le sien. J’ignorais toujours si il avait réellement voulu, ne serait-ce qu’une seconde, respecter son rendez-vous aujourd’hui. Je ne comptais pas l’accompagner, et il l’avait compris. Tu devrais y aller maintenant, Thomas. Quoiqu’il en soit. Et me laisser ici, décidée à apprendre, à ne plus penser qu’il n’y aurait sans doute plus rien ensuite, plus rien à perdre, apprendre à composer avec ce qu’il resterait, plutôt. Lui n’y croyait déjà plus.
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