(✰) message posté Dim 14 Déc 2014 - 1:39 par Invité
. YOU TAUGHT ME THE COURAGE OF STARS BEFORE YOU LEFT. WITH SHORTNESS OF BREATH, YOU EXPLAINED THE INFINITE. HOW RARE AND BEAUTIFUL IT IS TO EVEN EXIST . Ses yeux océans balayaient l'horizon qui se dessinait face à elle. Une ville magnifique, une ville lumineuse, bruyante, géante. Une ville où il n'y avait pas un instant où il était possible de se sentir seul. Pourtant, Sam ne s'était jamais sentie aussi seule qu'à cet instant. Elle était là, derrière la grande baie vitrée du Great Ormond Street Hospital, à hauteur du ciel. La vue était imparable. De là, elle voyait cette ville qu'elle avait tant chérie, qu'elle n'avait jamais quitté. Elle la voyait fragilisée par le froid, recouverte par la neige. Quelques flocons tombaient encore ici et là, alors que les passants se hâtaient de rejoindre la demeure familiale pendant que d'autres cherchaient des cadeaux de dernière minute. Une agitation soudaine se déclenchait en ce jour, chaque année. Noël. Une fête de famille, une fête magnifique que Samantha n'avait jamais vraiment apprécié. Peut-être parce que pendant trop longtemps, elle avait pensé qu'elle n'y avait pas le droit. Il fallait faire partie d'une famille pour en profiter. Il fallait appartenir à ce petit groupe de personnes qui se seraient les coudes et partageaient, au delà du lien du sang, un lien qu'aucun évènement ne pourrait venir briser. Des années auparavant, alors même que leur père vivait encore avec elles, Sam avait pensé que Lexie était sa famille. Sa seule famille. Elle était la prunelle de ses yeux, son étoile capable de faire fondre chaque parcelle de glace qui recouvrait son coeur. Mais elle avait laissé tomber cette famille. Elle l'avait fuit, l'avait enseveli sous des dizaines de problèmes, et avait fini par briser ce lien. Elle avait oublié qui était sa vraie famille. Elle ne se trouvait pas si loin pourtant, un étage en dessous, allongée sur un lit dans une pièce qui ne trouvait de gaieté que par le petit sapin illuminé qui était posé dans un coin. Sa famille se trouvait sous ses pieds, à quelques mètres plus bas, branchée à quelques machines aux noms imprononçables. Sa famille l'attendait de pieds ferme. Un coup dans l'épaule la réveilla de ses songes. Un interne courrait sûrement pour sauver une vie non loin de là. En baissant les yeux, elle remarqua son poing fermé avec force, ses ongles transperçant presque sa peau de glace. Doucement, elle lâcha prise et regarda fixement les clés qu'elle tenait dans sa main. Il était temps pour elle d'honorer une promesse. Il était temps de renforcer le lien qui avait toujours exister entre elle et sa soeur, et qu'elle avait trop longtemps refuser de voir. Elle resserra son poing sur le trousseau avant de quitter son observatoire et de redescendre au service dans lequel se trouvait sa soeur. Elle se souvenait vaguement d'une conversation qu'elle avait eu avec ses médecins. Dangereux, irresponsable, risqué, immature. Jamais encore Sam n'avait été assimilée à ses mots. Et elle en tirait une certaine fierté maintenant qu'elle brisait le code qu'elle s'était si longtemps imposé de suivre. Comme convenu, une infirmière avait laissé un fauteuil roulant à côté de la porte et Sam s'en saisit avant de retrouver l'atmosphère pesante qui régnait dans la chambre. À chaque fois qu'elle y entrait, elle était frappée par la peau diaphane de sa soeur, le bruit des machines, et tous les jours qu'elle avait passé ici à espérer que Lexie se réveille. Elle avait attendu, des jours et des jours, n'avait pas quitté cette pièce qui était devenue son refuge. Elle était restée assise là des journées entières, gênant un mouvement, un signe, n'importe quoi. Dans ces instants, penser à la mort était inévitable. Et pourtant, elle avait choisi de penser à la vie. À celle qu'elle avait mené, et à celle qui les attendait encore. Elle n'avait pas cessé d'espérer. Et finalement, au premier matin de neige qui s'était abattue sur la ville, elle avait entendu une plainte. Un râle, comme lorsqu'on était tiré d'un long sommeil qu'on ne voulait pas quitté. Elle avait ouvert ses grands yeux bleus et le coeur de Sam avait explosé. Simplement explosé. Elle avança doucement le fauteuil roulant jusqu'au bout du lit avant de s'asseoir tout prêt de Lexie. Elle récupérait, lentement, mais elle récupérait. Elle replaça une mèche blonde derrière son oreille et sourit légèrement, avant de balancer les clés de voiture sous les yeux de sa soeur. « Qu’est-ce que tu dirais d’ouvrir ton cadeau un peu en avance ? »
Je respire encore. Je suis consciente, puis pas vraiment, pas totalement. J’ignore ce qui s’est passé, ce qui m’est arrivé, je ne peux pas le dire, j’ai oublié. Je pense que ce sont tous ces mélanges qui me brouillent la mémoire. Les médicaments, le coma. Je pense que je suis endormie. Peut-on s’en rendre compte lorsque l’on est dans le coma ? Je ne me souviens plus. Et quand je ne me souviens plus, j’ai mal. L’amnésie est encore plus douloureuse qu’une mauvaise mémoire. Je voudrais changer de douleur et je suis ma première victime. Ça, ça n’a pas changé, je m’en souviens. Je suis ma seule victime. C’est fatiguant pour moi-même, usant pour les autres. C’est sans doute pour cela que je ne vois que du noir, que personne ne vient me voir, que personne n’essaie de me réveiller ou de s’assurer que j’aille bien. Peut-être que plus personne n’en a rien à faire que j’aille bien, que je sois là. Moi-même, en ce moment, je m’en fiche un peu de savoir si je respire encore, si c’est un rêve ou si c’est fini. Je voudrais rester au-dedans de moi-même. À quoi bon chercher dans la médecine des raisons d’en être arrivée là. Il leur faut des circonstances, des diagnostics, des solutions. Mais je n’ai plus besoin d’excuses, de remèdes ou de promesses. Qu’on me laisse dans mes souvenirs, avec les êtres aimés. Qu’on me laisse dans mes souvenirs si je ne peux plus vivre autrement. J’ai besoin de mes souvenirs et je ne les ai plus. Qu’on me laisse avec ce cri au fond de la gorge, je prends le risque de m’étouffer. J’ai besoin d’être seule pour retrouver mes souvenirs. Je plisse les yeux en me redressant dans le lit, la tête tournée vers l’unique fenêtre de la pièce. De l’autre côté de la vitre, le soleil résiste. Il semble tenir bon dans le ciel, plus longtemps que d'ordinaire à cette période de l'année. Ses rayons m'aveuglent lorsqu'ils percutent le blanc de la neige. J'avais été déçue à mon réveil de constater qu'il avait neigé sans moi, qu'on ne m'avait pas attendue. Puis les jours étaient passés, et je m'étais faite à l'idée. Je m'étais rendue compte que les sombres pensées ayant animé mon sommeil étaient faussées, irréelles. Ce n'était que mes peurs, mes peurs les plus profondes qui avaient profité de ma faiblesse pour parasiter mon esprit. Je n'avais pas été seule. Je n'avais pas été oubliée. Les grands yeux bleus de Sam au-dessus de moi à mon réveil avaient chassé ces inquiétudes en une fraction de seconde. Je grimace légèrement et tire sur mes perfusions en m'appuyant sur mes bras pour me redresser au fur et à mesure que le dossier du lit se relevait également. Cela faisait douze jours aujourd'hui que j'étais réveillée. Presque vingt jours que j'étais hospitalisée. Je me rétablissais peu à peu. Les premières heures avaient été les plus douloureuses. J'avais le souffle court des épuisés. Les gestes hésitants, ralentis des plus démunis. Mes jambes ne me portaient plus et je ne pouvais pas rester parfaitement éveillée plus de quelques minutes. J'avais eu cette impression d'être parvenue au terme de quelque chose, sans être en mesure de discerner ce qui allait commencer. Et je m'en voulais, encore aujourd'hui. La culpabilité grandissait un peu plus à chaque matin où Sam réapparaissait dans la chambre à mes côtés, le regard inquiet. J'ai l'impression d'avoir failli, d'avoir laissé tomber. Si j'avais fait autrement, si j'avais été plus attentive, plus sérieuse, si je les avais écoutés, je ne serais pas là. Je n'avais pas encore eu le courage de m'excuser. Et à présent, j'étais branchée en continu à cette machine ronronnante, de minces membranes remontant le long de mon bras, soulignant chacune de mes veines. J'aurais voulu les arracher, mais je ne le pouvais pas, ils n'auraient fait que les remettre. J'étais condamnée à attendre je-ne-sais-quoi, pour que l'on me donne enfin la permission de retourner vivre ma vie. Ma patience s'estompait au fur et à mesure que mon état s'améliorait et cela semblait rassurer mon médecin et les personnes s'occupant de mon cas. Comme s'ils percevaient dans mon agacement d'être ici le signe d'une convalescence en bonne voie. Personnellement, je ne leur donnais pas une semaine de plus avant qu'ils ne regrettent ma léthargie passée. Je sors de mes pensées en entendant la porte s'ouvrir et esquisse un fin sourire pour accueillir ma sœur. Elle ne s'éloignait jamais plus de quelques heures. Je lui demandais constamment de sortir, de prendre soin d'elle, que je n'irais nul part, elle ne semblait pas m'écouter. Et l'apercevoir revenir à chaque fois m'avait rendu du souffle, de la respiration. « Qu'est-ce que tu dirais d'ouvrir ton cadeau un peu en avance ? » L'espace d'une seconde, je fronce légèrement les sourcils, mon regard vacillant de ses clés au fauteuil roulant qu'elle avait amené juste à côté de mon lit. « C'est déjà Noël ? » laissais-je alors échapper. Comment avais-je pu l'oublier ? Comment n'avais-je pas pu m'en rendre compte alors que je rayais chaque nouveau jour d'hospitalisation dans ma tête ? Je regarde une nouvelle fois le fauteuil roulant avant de reporter mon regard sur Sam, un sourire se dessinant sur mes lèvres tout en me redressant une nouvelle fois, réprimant cette fois-ci ma grimace. « Tu me fais sortir ? » demandais-je, la voix emplie d'espoir. « Oh dis-moi que tu me fais sortir, que tu m'emmènes loin. » reprenais-je presque comme une enfant. J'étais prête à aller n'importe où, ailleurs qu'ici. Absolument n'importe où. Et pourtant, je commençais déjà à me préparer silencieusement à un refus de sa part, me heurter à un air sérieux s'emparant de son visage devant mes demandes insensées et mes espoirs irréalisables.
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(✰) message posté Mer 17 Déc 2014 - 17:07 par Invité
. YOU TAUGHT ME THE COURAGE OF STARS BEFORE YOU LEFT. WITH SHORTNESS OF BREATH, YOU EXPLAINED THE INFINITE. HOW RARE AND BEAUTIFUL IT IS TO EVEN EXIST . Il s'était passé deux semaines depuis que Lexie était tombée dans la nuit. Depuis qu'elle avait perdu le souffle dans ses bras, et que Sam avait cru l'avoir perdu. Deux semaines que la brune avait cru que son pire cauchemar était devenu réalité. C'était étonnant comme il était facile de se rappeler toutes les choses ratées lorsqu'un être cher partait. Dans l'ambulance qui les amenait à l'hôpital, en tenant la main de sa soeur, Sam avait pensé à tous les jours qu'elle n'avait pas partagé avec elle. Tous les jours où elle était restée devant sa porte sans jamais frapper, tous les jours qui les avaient éloigné. Il y avait eu des anniversaires, des Noëls, des fêtes, des jours aussi normaux qu'importants qu'elles n'avaient pas passé ensemble. Au lieu de cela, elles avaient passé le temps à se battre l'une contre l'autre pour savoir laquelle avait raison. Elles ne s'étaient pas battues contre le bonne personne. Le seul responsable, c'était la maladie. Un grand adversaire. C'était sûrement ça le plus dur. Se battre contre plus fort que soi. Car Sam ne pouvait rien contre le mal qui parcourait le corps de Lexie. Elle était faible, impuissante, détachée. Elle ne pouvait rien pour sa soeur. Rien du tout. Elle se contentait de lui serrer la main, d'espérer, encore et encore. Elle avait passé des jours dans cette chambre sans voir la lumière du jour. Bercée par le bruit produit par le respirateur, elle écoutait son souffle artificiel, paralysée par la peur qu'à un seul instant il puisse s'arrêter. Elle était restée couchée contre le corps immobile de sa soeur, guettant les battements de son coeur. Ils étaient forts, réguliers, mais paraissaient pourtant si lointains. Lexie avait mis dix jours à se réveiller, dix jours à se relever, à se battre pour vivre. Les médecins n'y croyaient pas réellement, même si ils avaient toujours trouvé les mots pour réconforter Sam. Et pourtant elle l'avait fait. Elle s'était réveillé. Elle avait ouvert les yeux, et finalement, elle était revenue. Elle lui était revenue. Son étoile. Son coeur s'était fendue en croisant le regard souffrant de sa soeur. Elle souffrait encore, toujours plus, sans arrêt. Lexie n'avait jamais de 'pause', elle ne pouvait pas. Et Sam savait que ces dix jours dans le coma avait changé quelque chose en elle. Oui, elle était en vie, mais pour combien de temps encore ? Elle avait gagné cette fois-ci, mais gagnerait-elle la prochaine fois ? Elle ne pouvait pas vivre ainsi, dans la peur que cela se reproduise. Ce n'était pas une vie. Sam poussa le fauteuil roulant jusqu'au pied du lit de Lexie avant de s'asseoir sur le lit. « C'est déjà Noël ? » Doucement, Sam hocha la tête, un vague sourire aux lèvres. Il n'était pas étonnant que Lexie ne s'en souvienne pas, les médecins parlait de désorientation post-traumatique. C'était dans ces instants que la brune se rappelait l'horreur de ce qu'elles avaient vécu. Et elle aurait aimé que Lexie n'ait pas à subir ça. Un voile nostalgique se posa sur son visage alors qu'elle appuyait sur le bouton d'appel de l'infirmière qui viendrait débrancher les fils qui parcouraient le corps de sa soeur. « Tu me fais sortir ? Oh dis-moi que tu me fais sortir, que tu m'emmènes loin. » Elle s'était redressée dans son lit pour poser son regard empli d'espoir sur elle. Il était vrai que ça pouvait paraitre fou, surtout venant de la part de Sam. Elle qui lui avait tant de fois interdit tant de choses, elle était maintenant prête à contredire l'avis des médecins et emmener Lexie dans le froid alors même qu'elle n'était pas totalement rétablie. C'était de la folie. Mais en croyant avec perdu son étoile, Sam avait compris que la vie n'était pas faite pour se poser de limites. Car ces limites n'avaient fait que les éloigner. Et elle ne le voulait plus. « Exact, on va faire un tour là-dehors. » Un air de malice parcourra ses traits alors qu’elle savait que ce n’était pas ce que Lexie entendait pas ‘loin’. Mais Sam voulait garder l’effet de surprise, alors elle prétendait une banale sortie dans le jardin qui bordait l’hôpital. Une infirmière fit son apparition et commença à tripoter les branchements de Lexie pour la libérer de tous ces fils. Après son départ, Sam envoya valser le bras d’Alexandra sur ses épaules et l’aida à se lever pour venir s’asseoir dans le fauteuil roulant qu’elle avait ramené. Elle l’aida ensuite à enfiler son manteau, posa une couverture sur ses genoux et un bonnet sur sa tête. Elle était parée. Un mélange de peur et d’excitation parcourait les veines de Sam alors qu’elle baladait sa soeur dans les couloirs pour sortir de l’énorme bâtisse. L’air frais balaya leurs visages et la neige se posa délicatement sur leurs cheveux. La brune prit une grande bouffée d’air frais avant de pousser le fauteuil de sa soeur. Elles traversèrent ainsi les jardins, et arrivées devant la grille, au lieu de faire demi-tour, Sam continua sa marche jusqu’à sa voiture de fonction. Elle se posta devant le fauteuil de sa soeur et, face à l’incompréhension qui semblait la secouée, elle la regarda avec un sourcil haussé. « Je ne t’ai jamais dit où on allait. » Elle fit sauter les clés dans sa main et ouvrit la portière en grand avant de se retourner une nouvelle fois pour regarder Lexie. « Il est temps pour nous de voir le monde, tu ne crois pas ? » Elle lui souriait, espérant que cela lui ferait plaisir. Elle réalisait aujourd’hui ce dont elle avait toujours rêvé pour sa soeur. L’emmener loin de cette vie sans plaisir, loin de la maladie, de la souffrance. Loin. Alors elle lui tendit une main assurée en espérant qu’elle la saisirait sans poser plus de questions. C’était Noël après tout, un jour rempli de surprises. Et elle comptait garder la sienne jusqu’au bout.
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(✰) message posté Jeu 18 Déc 2014 - 16:35 par Invité
Je suis perdue. Complètement déboussolée par ce que je lis sur le visage de ma sœur. Je n’y trouve pas les expressions habituelles. Elle semble impatiente, électrisée et fébrile également, sans que je n’en connaisse la raison. Pour la première fois depuis mon réveil, elle semble transportée par autre chose que de la nervosité et de la fatigue. Je l’observe pousser le bouton d’appel et ne peux m’empêcher de me redresser difficilement du fond de mon lit. J’ignore tout de ses intentions mais je ne demande pas mieux que de la suivre sans trop me poser de questions. Briser cet air morne et monotone qui s’était emparé de cette chambre au fil des jours et qui tentait de m’emporter, qui allait y parvenir. Je pouvais me contenter d’une simple sortie dans les jardins de l’hôpital. Je pouvais m’en satisfaire et être reconnaissante qu’elle me l’offre. Ce n’était pas du genre de Sam, elle devait lutter contre ses inquiétudes et autres démons pour me l’accorder, j’en étais consciente. « Exact, on va faire un tour là-dehors. » confirma-t-elle alors. Je sonde ses traits quelques secondes tandis que Nicole fait son apparition dans la chambre. Elle évite mon regard tandis qu’elle s’occupe de moi, semblant partager un quelconque secret avec Sam auquel je n’avais pas ma part. Mais je m’en moque. Je me moque de savoir que les médecins n’ont pas donné leur accord pour cette sortie à l’extérieur, je me moque de savoir que Nicole pourrait avoir des ennuis pour m’aider à prendre l’air. Je crains de poser trop de questions et de les effrayer, de les faire changer d’avis. Je crains d’en dire trop et qu’elles ne se rendent compte, au dernier moment, que je n’étais finalement pas suffisamment en forme. Je suis prête à prendre des risques, je l’ai toujours été, et pour la première fois depuis ma naissance, Sam semblait l’être également. Elle m’aide à me lever et je m’assois sur le fauteuil roulant. Je n’ai pas la force de me battre pour sortir debout sur mes deux pieds, et je ne suis pas sûre d’en être capable pour être honnête. Je tire sur les manches de mon gilet par dessus mes pansements tandis que mon regard se pose sur le bas de pyjama que je porte toujours. « Attends. » laissais-je échapper avec un sourire nerveux. « Tu peux me passer mon jean ? » Nous ne dépasserions sûrement pas les quelques mètres dans le jardin mais je ne voulais pas me transformer en ces patients qui ne prenaient même plus la peine de s’habiller. Je refuse de penser que cela ne sert à rien, que cet endroit est mon domicile, que je n’ai plus rien à y cacher. Je passe ensuite mon manteau et fais la moue en sentant Sam m’enfoncer le bonnet sur la tête. « Je ressemble à une patate géante, Sam. Je pense que je suis prête. » plaisantais-je en lissant la couverture sur mes genoux. Je la laisse passer derrière moi pour pousser mon fauteuil, traversant alors les couloirs de l’énorme bâtisse. Je n’arrivais pas à réaliser que nous étions déjà le vingt-quatre. Il me manquait tout un mois. Un mois entier de vie et de souvenirs. Nous étions le vingt-quatre et nous étions ensemble. Réellement. Sans incidents, non-dits ou rixes inutiles. Nous nous étions égarées, durant de si nombreuses années. Je lève les yeux vers le ciel blanc lorsque nous passons enfin les portes automatiques de l’hôpital. L’air froid me saisit à la gorge soudainement et je coupe ma respiration quelques secondes sous la surprise. Pendant longtemps, j’avais été en colère, plus que triste, de subir notre éloignement. De constater que nous n’étions jamais aussi proches que lorsqu’un nouveau malheur nous frappait et que je me retrouvais à l’hôpital. Mais cette fois, ça n'avait pas été le cas. Nous nous étions retrouvées. Nous nous étions retrouvées et cet accident avait tout gâché. J’avais tout gâché. Sam passe les grilles et je fronce les sourcils en apercevant en face sa voiture de fonction. Elle arrête mon fauteuil devant la portière avant, ma silhouette se découpe alors dans la vitre sur le fond de lumière grise et terne du matin. Je plisse les yeux, observe tour à tour mes yeux, ma peau, ce fauteuil. Quelque chose en moi se noue et se dénoue doucement, insupportablement. Je ne me reconnais pas, je ressemble à une étrangère dans son propre monde. Une fille en porte-à-faux entre deux existences. Je n’appartiens pas à cet hôpital, je n’appartiens pas à ces murs mais il me faut frauder pour en sortir. Je n’ai pas encore retrouver ma place à l’extérieur. J’inspire doucement et Sam me sort de mes pensées, un sourire aux lèvres. « Je ne t’ai jamais dit où on allait. » Et je n’avais pas demandé. J’étais prête à aller n’importe où. « Il est temps pour nous de voir le monde, tu ne crois pas ? » Je lève mon regard dans celui de ma sœur, tentant d’y déceler le moindre indice. Mais elle semblait déterminée à ne rien laisser paraître et j’étais prête à la suivre où elle le désirait aujourd’hui. « D’accord. » répondis-je simplement. Nous avions fini de nous battre, terminé de nous opposer constamment pour camper sur nos positions. Je me saisis de sa main et me relève lentement de la chaise en m’appuyant sur le dossier. Un sourire se dessine sur mes lèvres, une fois debout, et je me glisse dans l’habitacle, rejetant la couverture sur la banquette arrière. « Il n’y a qu’avec toi que je peux monter à l’avant d’une de ces voitures. » plaisantais-je avec malice, une fois Sam installée au volant. Je regarde l’hôpital s’éloigner dans le rétroviseur, je regarde la bâtisse rétrécir puis disparaître totalement au premier virage. « On quitte le pays ? Parce que si oui, il faudrait prévenir oncle Bob avant qu'il ne lance un avis de recherche. » Je lance un coup d’œil à Sam et esquisse un léger sourire, comme si nous partagions toutes les deux ce secret qu’elle ne me délivrait pas. Mais son cadeau me suffit déjà. Car tandis que la voiture roule, accélère vers cette destination inconnue, je peux déjà sentir que ça s’atténue, la toile d’acier se distend imperceptiblement. C’est elle qui me l’offre.
. YOU TAUGHT ME THE COURAGE OF STARS BEFORE YOU LEFT. WITH SHORTNESS OF BREATH, YOU EXPLAINED THE INFINITE. HOW RARE AND BEAUTIFUL IT IS TO EVEN EXIST . En quittant l'appartement ce matin-là, Samantha s'était félicitée. Elle tenait fermement une enveloppe entre ses doigts, comme si elle était plus précieuse que sa propre vie. C'était le résultat de semaines de privation, de mois de préparation. Elle avait eu cette idée cet été, en croisant ses voisins dans le couloir. Une petite famille tout ce qu'il y avait de plus banale, deux parents, deux enfants, un garçon et une fille. Presque cliché. Sam avait rarement croisé leurs chemins, mais ce matin-là, les cris des enfants l'avaient poussé à la curiosité. Elle avait légèrement ouvert sa porte, et les avait vu, pelle et saut à la main, heureux de partir. Les parents trimballaient de gros sacs contenant serviettes, crèmes, et profusion de jouets. Malgré elle, un sourire avait barré son visage pour le reste de la journée, et l'idée d'emmener Lexie voir la mer se concrétisait enfin. Alors elle avait fait une liste de dépenses à éviter, et avait mis de l'argent de côté pour l'été suivant. Mais rien ne s'était passé comme prévu. Lexie avait fait un oedème pulmonaire, et la vie avait manqué de s'arrêter. C'était un cadeau qu'elle voulait lui offrir maintenant, elle sentait que ça ne pouvait plus attendre. Elle voulait offrir un soupçon de joie à sa soeur, pas dans deux jours, ni dans deux mois, maintenant. Elle voulait lui montrer que malgré tous les obstacles qui barraient leur route, il y avait encore d'innombrables choses à voir. Elle voulait lui donner d'autres raisons de vivre, d'autres raisons de se battre. Elle ne doutait pas de la volonté de sa soeur, ni de son courage, mais elle sentait que c'était son rôle, c'était ce qu'il était bon de faire. Parce que Lexie n'avait pas tout vécu, elle n'avait pas tout vu. Dieu seul sait à quel point Sam aurait voulu tout lui offrir, et combien elle s'en voulait, jour après jour, de ne pas pouvoir tout lui donner. « Je ressemble à une patate géante, Sam. Je pense que je suis prête. » Le sourire de Sam s'agrandit. Même largement dosée en médicaments, sa soeur restait d'une drôlerie dont Sam ne pouvait pas se passer. « Jamais vu une patate aussi magnifique. » Son rire se mêla au sien et elle vint se placer derrière elle. Elle commença à pousser son fauteuil, regardant droit devant elle alors qu'elles sillonnaient les couloirs froids de l'hôpital. C'était un endroit étrange, bien triste, et pourtant, c'était certainement ici que les deux soeurs avaient passé leurs plus grands moments. Les pires comme les meilleurs, Sam ne faisait pas la différence, car chaque minute qu'elle avait passé avec Lexie avait été un cadeau. L'air frais de l'extérieur vinrent enfin balayer leurs visages et la brunette n'hésita pas. Elle poussa le fauteuil en direction des jardins, les dépassa, et finit par prendre la grande grille pour sortir sur la rue. Elle s'amusait à imaginer les tonnes de question qu'Alexandra devait se poser à cet instant. Cela faisait un moment qu'elle ne s'était pas senti aussi bien, aussi libre. Libre de profiter de sa soeur, sans machines autour d'elles, sans médecins pour leur interdire quoi que ce soit. Ils n'avaient pas vraiment eu le choix. Mais elle se fichait bien de leurs futures réprimandes. Elle positionna le fauteuil devant sa voiture de fonction et tendit une main à Lexie, que celle-ci s'empressa de saisir. Elle l'aidait à s'installer sur le siège avant, et laissa le fauteuil à côté de la grille. Elle contourna la voiture pour aller retirer la couche de neige qui avait recouvert le pare-brise, et finit par s'installer au volant, non sans dissimuler une certaine excitation. C'était un grand moment pour toutes les deux, elles qui n'étaient jamais sorties du cocon londonien. Elles avaient peut être eu tord. « Il n’y a qu’avec toi que je peux monter à l’avant d’une de ces voitures. » Elle lança un clin d'oeil à sa soeur avant de démarrer le contact, et de laisser la voiture s'éloigner lentement de l'hôpital. C'était comme un poids en moins sur ses épaules, une nouvelle bouffée d'air frais qu'elle avait cherché pendant longtemps. À un feu rouge, elle se retourna sur sa soeur, prenant sa voie de sermon. « Mais gare à toi si je te vois un jour à l’arrière d’une de ces voitures ! ». Le retour de Mama Sam, qui n’avait pas du manquer à Alexandra. Elle ne pouvait pas changer ce qu’elle était, cette grande soeur envahissante qui s’inquiétait constamment. Mais elle pouvait aussi être celle ne se souciant que de voir un sourire sur les lèvres de sa soeur. « On quitte le pays ? Parce que si oui, il faudrait prévenir oncle Bob avant qu'il ne lance un avis de recherche. » Un pincement parcourut le coeur de Sam alors que son sourire se figeait. Quitter le pays. Un rêve inaccessible. Pourtant elle aurait aimé le lui donner, plutôt que de l’emmener à une centaine de kilomètres de Londres. Elle aurait aimé lui dire que oui, elles partaient loin, qu’elles pouvaient partir sans se retourner. Mais elle n’avait pas tant à lui donner, et cette idée lui brisait le coeur. Elle aurait tant voulu faire plus. « Ne t’inquiète pas, Oncle Bob est au courant depuis des mois déjà. Comme quoi, il sait garder un secret finalement. » Elle faisait mine de rien, accordant un vague sourire à Lexie. Mais soudainement elle avait peur que ce petit voyage ne suffise pas. Et ce sentiment la hanta tout le long du voyage, alors que sa soeur était plongée dans un sommeil réparateur. Elles arrivèrent à la plage de Broadstairs sur les coups de midi. Sam gara sa voiture en haut d’une colline, et sa main se posa sur l’épaule de Lexie pour la réveiller doucement. « Hey petite étoile. Regarde derrière toi. » Elle lui adressa un large sourire alors que ses propres yeux se perdaient dans l’horizon. Face à elle, une grande baie de sable se mélangeait à l’océan. Le ciel semblait livrer bataille avec la mer, et les mouettes s’amusaient dans le vent, nullement craintives. Elle n’avait jamais rien vu d’aussi beau. Toutes ses inquiétudes avaient été balayé par la houle, et elle n’avait qu’une envie : connaitre la sensation du sable fin sous ses pieds nus.
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(✰) message posté Jeu 1 Jan 2015 - 18:37 par Invité
Il y a quelques minutes seulement, cette journée ressemblait aux dizaines qui avaient précédé. Il y a quelques minutes seulement, nous nous éteignions entre quatre murs. Il y a quelques minutes seulement, je n’étais qu’une malade parmi tant d’autres, et Sam, une proche inquiète. Rien n’avait laissé présager que nous serions dehors à présent. Sam s’était employée à ne rien laisser paraître. Elle avait su garder la surprise et comptait bien laisser planer le mystère encore quelques minutes, quelques heures. « Mais gare à toi si je te vois un jour à l’arrière d’une de ces voitures ! » Je souris vaguement à ses réprimandes. Derrière son ton amusé, j’y perçus une réelle inquiétude. Elle ne pourrait jamais s’en empêcher, elle me l’avait fait comprendre plus d’une fois et je ne pouvais pas lui en vouloir. Les années passaient et me faisaient réaliser ce que je lui avais fait subir durant toute mon enfance et adolescence. J’avais été têtue, difficile et rebelle. J’avais voulu enfreindre les lois pour le simple plaisir de prouver que je le pouvais, malgré tout, malgré nos parents, malgré la maladie. Je me souvenais de plus d’une fois où j’avais perdu la face. Devant elle. Elle m’avait surprise plus d’une fois au plus bas de ma décrépitude, et je n’avais fait qu’ironiser. Je me souvenais des regards qu’elle me décrochait en venant m’ouvrir la porte, tandis que je tentais ridiculement de tenir droit sur mes jambes. Il y avait des regards qui en disaient long sur la détresse, la déception des gens, celui qu’elle me lançait alors était sans appel. Et je n’avais pas arrêté. Je voulais lui prouver. Lui prouver que cet amour qu’elle me portait, ce rôle de mère qu’elle s’était attribué allait finir par m’emplir de culpabilité. Que je n’arriverais jamais à correspondre à ses attentes, que cela impliquait de renoncer, rendre les armes. Sam avait tenté de me cacher, pendant des années, les défis de l’existence et la pourriture du monde. Elle nous était pourtant tombée dessus bien vite, trop vite, dans son entièreté. Et nous n’avions alors aucune défense pour les affronter. Ma tactique avait toujours été l’offensive de toute manière. Je préférai changer de sujet en regardant l’hôpital rapetisser dans le rétroviseur. « Ne t’inquiète pas, Oncle Bob est au courant depuis des mois déjà. Comme quoi, il sait garder un secret finalement. » J’arquai un sourcil en lui lançant un regard en coin. Sam avait préparé cette surprise depuis des mois. Elle avait du tout faire, une nouvelle fois, pour nous préparer ce moment, peu importe ce qu’il pouvait être. J’espérais qu’elle ne s'était pas donné trop de mal, j’espérais qu’elle ne s'était pas privée une nouvelle fois. J’espérais qu’elle avait pu penser à elle également, qu’elle ne s’était pas oubliée, pour moi. « Je ne sais pas, je le trouvais bizarre ces derniers temps. Tout prend son sens finalement. » souriais-je avec malice en retour. Peut-être était-il bizarre de nous voir une nouvelle fois à l’hôpital. Peut-être était-il bizarre et impatient tout simplement de nous voir partir comme aujourd’hui. Je choisissais la seconde proposition. La musique envahissait l’habitacle de la voiture de patrouille. Jamais, depuis des mois, Sam et moi n’avions été aussi libres et détendues. Enjouées, comme si nous avions tout oublié. Comme si rien ne comptait plus que de retrouver les paroles de cette vieille chanson qui passait à la radio et qui nous rappelait notre adolescence. Je tentai, au bout de plusieurs kilomètres, de la laisser me donner le volant. En vain. C'était ridicule, j'en étais consciente. Mes paupières peinaient à rester relevées, de toute façon. Les médicaments ne se dissipaient pas, les dialyses m’affaiblissaient, le ronronnement de la voiture me berçait. Je ne tenais plus. « Hey petite étoile. Regarde derrière toi. » Les rayons du soleil à son zénith, capricieux, s’enroulèrent à mon visage et me firent plisser les yeux. Ils étaient faibles, timides, mais chauds et je sentis que mes joues avaient rosi durant le trajet. Je me redressai sur le fauteuil et passai une main quelque peu fébrile dans mes cheveux emmêlés. Combien de temps avais-je dormi ? Les médicaments avaient été plus forts que moi, je n’avais pas pu résister. Mon esprit était embrouillé, mes gestes ralentis mais je me tournai dans la même direction que Sam. Mon regard se perdit quelques secondes vers l’horizon et je restai sans voix. Nous avions secrètement espéré ce moment durant toute notre enfance. Je me souvenais rejoindre ma sœur dans son lit, le soir, alors que l’heure du coucher était depuis longtemps dépassée. Je me souvenais de ses remontrances qui ne duraient jamais. Nous finissions invariablement à la petite fenêtre de sa chambre, regardant les lumières de la ville scintiller et se promettant un jour que nous les quitterions. Même quelques heures, même si cela paraissait impossible, pour aller voir la mer. Les années étaient passé, les obligations étaient tombées mais j’étais frappée, à présent, de constater qu’on ne renonçait jamais totalement aux espoirs les plus insensés. C’était peu, tellement peu et dérisoire pour certains. Mais la symbolique de cet instant resterait à jamais gravée dans ma mémoire, j’en étais sûre. « Viens. » fut tout ce que je parvins à laisser échapper d’entre mes lèvres. J’aurais voulu dire plus, j’aurais voulu laissé éclater mes émotions, sans pudeur, sans retenue. Mais elles étaient telles que je ne savais pas de quelle manière. Elles étaient telles qu’elles se devinaient sans doute aisément dans mon regard. J’ouvris la porte de la voiture, me glissai lentement à l’extérieur, et m’arrêtai une seconde, une fois debout, me tenant à la portière. L’effort provoquait des vertiges qui brouillait ma vue. Ça n’était pas important. Je pris une profonde inspiration, l’air marin emplit mes poumons d’iode pour la première fois de ma vie. Il dissipa mes troubles instantanément, c’était la meilleure médecine du monde. Je fermai la portière derrière moi, y oubliant mon manteau, n’y pensant plus et m’approchai de la baie avec Sam. « Tu as du en menacer des gens pour nous amener jusqu’ici. » finis-je par dire au bout de quelques minutes de silence. Je lui lançai un regard, à mes côtés, et esquissai un sourire. « C’est plus beau qu’on ne l’imaginait. » continuais-je doucement, « Ton cadeau est magnifique et je n’ai rien pour toi. » C’était faux, j’avais acheté son cadeau en avance, bien avant l’hospitalisation, il trônait dans ma chambre depuis des semaines et j’avais eu hâte de le lui offrir. Mais il me paraissait bien fade à présent. Je m’avançai une nouvelle fois jusque dans le sable, m’accroupis avant d’en prendre une poignée qui me glissa des doigts. J’avais l’impression de pouvoir rester là éternellement, avec ma sœur. Inlassablement, à regarder la mer et l’horizon. J’avais l’impression d’apercevoir avec elle un vieux mystère que personne n’avait jamais compris.
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(✰) message posté Ven 30 Jan 2015 - 17:18 par Invité
. YOU TAUGHT ME THE COURAGE OF STARS BEFORE YOU LEFT. WITH SHORTNESS OF BREATH, YOU EXPLAINED THE INFINITE. HOW RARE AND BEAUTIFUL IT IS TO EVEN EXIST . En voyant le paysage défilé sous ses yeux bleus à une allure folle, Samantha ne pouvait s'empêcher de douter. C'était plus fort qu'elle. Son regard se posait sur Lexie, puis sur la route, pour revenir inlassablement sur sa soeur. Elle s'était endormie, son front posé contre la vitre, et un mince sourire laissant penser que ses songes étaient doux. Le soleil frappait son visage et la rendait magnifique, aussi belle qu'une étoile. En la voyant ainsi, la brune ne pouvait se dire qu'une maladie vicieuse la dévorait de l'intérieur. Elle méritait mieux, et Sam aurait donné tout ce qu'elle avait pour prendre sa place. Lui permettre de vivre un peu mieux, un peu plus longtemps. Son bonheur avait été son défi quotidien, et elle avait failli à sa tâche. Elle l'avait trop poussé, l'avait envahi, et finalement l'avait perdu. Et elle ne pourrait jamais se pardonner ces longs mois où elles étaient restées des étrangères. Elles avaient été si proches autrefois. Mais quelque chose s'était brisé à jamais, et même ce voyage ne pourrait le réparer. Rien ne pourrait lui ramener du temps. Elle appuya cependant sur l'accélérateur, histoire d'en gagner rien qu'un peu. Elle ne tarda pas à se garer sur le bas côté, pouvant déjà profiter d'une vue imprenable sur l'étendue d'eau qui se dessinait sous ses yeux. Malgré elle, un sourire se dessina sur ses lèvres alors que pour la première fois de sa vie, elle se disait qu'elle avait réussi. C'était idiot, un rêve de gamin, un vulgaire espoir. Mais à cet instant la vision de cet océan infini remplissait son coeur d'une chaleur qu'il lui était depuis trop longtemps inconnue. Elle ne pouvait pas attendre, et réveilla doucement sa soeur encore endormie. Sam leva un doigt en direction de la plage qui se trouvait derrière elle et puis elle resta muette. Elle se tue, et admira. Chaque émotion, chaque mimique, elle passait tout au crible. Elle ne voulait rater aucune des émotions de Lexie. Elle ne regardait plus la mer, ni le sable. Non, elle regardait sa soeur. « Viens. » Elle ne pouvait être plus d'accord. Cela faisait tant d'années qu'elles en rêvaient. Ses pensées s'agitaient alors que des questions l'envahissaient. Quelle sensation y'avait-il à marcher dans le sable ? À sauter dans les vagues ? Ce devait être grandiose. Et elle avait hâte de vivre ça avec Alexandra. Anticipant la faiblesse du corps de sa soeur, elle quitta la voiture en première et attrapa leurs deux manteaux à la volée, ainsi qu'une pochette qu'elle camoufla sous le sien. Elle contourna la voiture pour venir aux côtés de Lexie, à présent dehors. Elle ne prit une large bouffée d'air iodé que lorsqu'elle s'était assurée de l'équilibre de sa soeur. C'était si étrange, si différent de ce qu'elle avait toujours connu. C'était brut, pur, inchangé. La plus merveilleuse des sensations qu'il lui ait été donné de connaitre. « Tu as du en menacer des gens pour nous amener jusqu’ici. » Sam lui souriait en retour tout en prenant un air innocent qui ne lui allait pas. « Tu connais mon pouvoir de persuasion. » Elle haussait un sourcil mystérieux alors qu’elle ne préférait pas s’étendre sur la manière dont elle l’avait tiré de l’hôpital. Les médecins étaient contre, et seul le soutient de ses amis internes et infirmiers avait pu les amener jusqu’ici. « C’est plus beau qu’on ne l’imaginait. » Ses yeux se posèrent de nouveau sur le paysage d’une incroyable beauté. Elle ne pouvait s’empêcher de sourire face à ce spectacle. « C’est… Magique. » Elle se retournait vers sa soeur avec un regard malicieux et s’éloignait doucement à reculons, se rapprochant de la mer. « Ton cadeau est magnifique et je n’ai rien pour toi. » Sam leva les yeux au ciel. Elle avait la meilleure des soeurs, mais elle n’avait pas encore compris. En quelques pas, elle se retrouvait de nouveau face à elle et la prit doucement par les épaules. Elle ancrait son regard azur dans le sien, tentant de donner du poids à ses mots. « C’est toi mon cadeau. » Elle lui souriait de nouveau, lâchait ses affaires dans le sable avant d’attraper une de ses mains et de l’entrainer vers l’océan. « J’espère que tu ne tiens pas trop à tes fringues, parce qu'il est temps de se mettre à l'eau. » Elle riait, s’amusait, jusqu’à ce que ses pieds touchent enfin l’eau. Elle était heureuse, plus heureuse que jamais. Un instant de bonheur dans une vie de malheurs. Cet endroit était réellement magique.
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(✰) message posté Dim 1 Fév 2015 - 21:58 par Invité
Je ne me souvenais pas de la dernière fois où nous avions eu l’occasion de partager l’un de ces moments. Ces moments qui semblaient être hors du temps, hors de notre réalité, hors de nos possibilités. Nous n’avions jamais eu le droit de prendre le temps pour les vivre, jamais eu le droit de les imaginer, jamais eu le droit de les espérer. Moi comme elle. Je m’en rendais compte , les années défilant. Je me rendais compte que nous nous étions toutes les deux privées, pour protéger l’autre, l’épargner. Nous avions toutes les deux tu nos rêves et illusions pour ne pas se faire de mal inutilement, pour ne pas se culpabiliser de ne pas être en mesure de se les offrir. Nous les avions tus pour ne pas avoir à déprécier la vie que nous avions, la vie que nous nous étions créée, tant bien que mal. Ce n’était pas beaucoup, ce n’était pas assez, ce n’était sûrement pas l’idéal mais c’était ce que nous avions. On nous avait créées, menées et laissées sur une route semée d’embûches. Nos parents ne nous avaient laissé aucune chance. On avait tiré sur notre vie, sur notre jeunesse, sur notre avenir. Puis on avait tiré sur le temps qui nous restait à vivre toutes les deux. Littéralement. Et c’était pour cela que je sentais à présent mon cœur battre à tout rompre devant le spectacle qui s’offrait à nous, devant ce que Sam avait réussi à nous offrir, toute seule. Il se remettait à battre comme il ne l’avait plus fait depuis longtemps et je ne trouvais pas les mots car je n’y croyais plus depuis longtemps. Nous avions eu une vie plus dure que ce que j’aurais aimé pour ma sœur. Nous avions surtout connu la solitude et l’abandon. Nous avions aussi connu l’éloignement, entre nous. Et j’avais longtemps cru qu’il était trop tard maintenant pour sentir quelque chose de semblable à maintenant, que nous avions épuisé toutes nos chances. « Tu connais mon pouvoir de persuasion. » Je laissai un sourire amusé se dessiner sur mes lèvres devant la malice de sa réponse. Contrairement à ce qu’elle semblait penser, je connaissais en effet les pouvoirs de ma sœur. Je connaissais ses qualités et sa force. J’étais persuadée qu’il n’y avait rien en ce monde que Sam n’était pas capable d’accomplir ou d’obtenir. Sa volonté et ses talents étaient redoutables, et avaient toujours imposé en moi une admiration et un recul que je ne cherchais pas à minimiser, même si elle n’avait jamais voulu l’entendre. Je préférai à la place apprécier dans son entièreté ce cadeau que la nature nous offrait. « C’est… Magique. » me reprit-elle et j’acquiesçai silencieusement. Nous en avions beaucoup parlé, mais nous ne l’avions jamais imaginé ainsi. Nous n’aurions pas pu. C’était magique, en effet. Il s’agissait du terme exact. Du terme que nous aurions pu toutes les deux employer si l’on nous avait demandé à l’instant de définir nos impressions. Nous aurions apporté la même réponse, à n’en pas douter. A cet instant précis, nous étions à égalité parfaite. Cela n’était pas arrivé depuis une éternité. A cet instant précis, nous étions toutes deux saisies par une sorte de grâce indéfinissable. Je me redressai enfin, laissant glisser le sable d’entre mes doigts transis lorsque Sam s’approcha de moi et s’empara de mes épaules, m’obligeant à lui faire face et à soutenir son regard. « C’est toi mon cadeau. » Je réprimai une envie de lever les yeux au ciel à l’entente de ses paroles et me contentai de repousser son visage avec malice. « Il t’en faut peu alors. » me contentai-je de répondre, mi- amusée, mi- sincère. Tout était mieux plutôt que de laisser apparaître mon embarras à chaque fois que Sam me disait ce genre de choses. Ce genre de choses avec lesquelles je n’étais pas d’accord. Si elle s’évertuait à vouloir me faire croire que j’avais été un cadeau, j’étais prête à l’accepter en y rajoutant un bémol. Empoisonné, j’avais été un cadeau empoisonné. Sam était la galaxie, dans laquelle elle avait voulu faire de moi une étoile. Une étoile qui avait bien du mal à étinceler, à briller autant qu’elle. J’aurais au moins voulu tenter de ne pas l’affaiblir, elle, de ne rien changé à son rayonnement mais c’était peine perdue. « J’espère que tu ne tiens pas trop à tes fringues, parce qu'il est temps de se mettre à l'eau. » Je levai les yeux au ciel en la sentant s’emparer de ma main. « C’est mes fringues de l’hosto, tu vas pas me prier deux fois. » Je n’eus étrangement aucune difficulté à la laisser m’entraîner vers le rivage en se hâtant de la sorte. Cet endroit semblait me redonner des forces que je ne pensais plus avoir. L’air marin était libérateur. Je sentis l’eau lécher mes pieds, pour la première fois. Je sentis sa fraicheur saisir mes mollets et je me mis à rire, à mon tour. En à peine quelques minutes, j’étais trempée, réellement. Mon jean était lourd et collait à mes jambes et je m’en moquais totalement. A force de chahuter, Sam n’était pas reste et nous n’avions jamais autant ri. Je sentis le sel sur mes mains, sur mes lèvres lorsque je les portais à mon visage. Magique. Ca l’était. Nous aurions pu rester ici éternellement si le froid ne nous poussa pas, finalement, à regagner le bord. Je me laissai tomber sur le sable, à côté de nos affaires avant de lui jeter son manteau sur ses genoux au moment où elle me rejoignit, au sol. « C’était pas équitable, j’ai dû tomber trois fois et toi jamais ! » Je ris un instant en frottant mes mains l’une contre l’autre. Mon regard se posa ensuite sur le sable, juste derrière nous. Les manteaux retirés avaient laissé apparaître une enveloppe de craft dont je m’emparai avec méfiance. « Tu as ramené du boulot, t’avais peur de t’embêter ? » m’enquis-je avec un sourire amusé et en la brandissant sous ses yeux. Nous étions sûrement gelées toutes les deux, mais complètement insensibles au froid. Le bruit de la mer était devenu notre monde entier. Et il aurait été parfait si l’on m’avait dit à présent qu’il l’était réellement.
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(✰) message posté Mar 24 Fév 2015 - 20:27 par Invité
. YOU TAUGHT ME THE COURAGE OF STARS BEFORE YOU LEFT. WITH SHORTNESS OF BREATH, YOU EXPLAINED THE INFINITE. HOW RARE AND BEAUTIFUL IT IS TO EVEN EXIST . Elle tombait, riait, se relevait, continuait. C'était peut-être ça la vie. Tomber pour mieux se relever. Elles étaient tombées tellement de fois qu'une remontée paraissait impossible. Longtemps, Sam avait pensé leur cas désespéré. Son pessimisme naturel l'avait poussé à croire qu'il n'y avait plus rien à espérer, plus rien à croire. Mais entre les vagues, elle réalisait qu'il lui restait tout à voir, croire. Tellement de choses lui était encore inconnues alors qu'elle ne rêvait que d'évasion. Elle ne rêvait que de cet instant ; voir Lexie heureuse, déséquilibrée par la puissance des vagues, mais toujours debout. C'était cette image qu'elle voulait garder en mémoire. Elle ne pensait plus au machines, ni aux perfusions. Elle ne pensait qu'à ce moment qu'elles avaient la chance de vivre ensemble. La brune avait tendance à l'oublier, mais elles étaient toutes les deux en vie. Elle s'était perdue dans l'incertitude du futur et loupait le présent. À cet instant, en ce jour, elles étaient ensemble et en vie. En regardant sa soeur, Sam ne voyait pas la maladie, ni la mort. Elle voyait une jeune femme, et non une petite fille. Elle n'était plus sa petite soeur qui avait besoin d'une histoire pour mieux dormir. Alexandra connaissait la vie, la vivait jour après jour, et tenait encore sur ses deux jambes. Ses yeux s'étaient trop longtemps voilés d'un film protecteur où elle ne faisait qu'imaginer le pire pour ne pas avoir de faux espoirs. Mais l'espoir était là, sous ses yeux bleus. L'espoir de passer encore des moments avec sa soeur, sans savoir combien sera le nombre. Sans le savoir, elles avaient du temps. Elles avaient cette journée. Elles avaient une vie, juste sous leurs yeux. Et Sam comptait bien en profiter cette fois. Elle avait déjà laissé tant de temps passé sous son nez, un temps qu'elles ne pourraient jamais récupérer. Mais il était toujours temps de se rattraper. En voyant sa soeur prête à tomber sous la pression des vagues, un éclair de malice traversa le regard de la jeune femme et, en adéquation avec la mer, elle éclaboussa Lexie, hilare. C'était bon de rire, tout simplement. C'était si simple, et pourtant elle avait longtemps oublié comment il fallait faire. Un large sourire collé aux lèvres, elle remonta vers la plage en manquant de trébucher sur plusieurs coquillages. Les quelques vêtements qu'ils lui restaient sur le dos étaient trempés et lourd sur sa peau, l'empêchant d'avoir une allure rapide. Mais elle se fichait du froid, de cette nouvelle sensation désagréable qu'elle ne connaissait pas avant. Lexie tombait sur le sable et lui lançait son manteau qu'elle ne tarda pas à enfiler. Par habitude, elle vérifia que Lexie avait bien mis le sien correctement pour qu'elle ne prenne pas trop froid. Elle se frottait intensément les bras pour se réchauffer lorsque le rire de sa soeur lui parvint. « C’était pas équitable, j’ai dû tomber trois fois et toi jamais ! » Elle rit avec elle tout en essayant de retenir ses lèvres de grelotter. « Qu’est-ce que tu veux que j’te dise, le talent. » Elle se pavanait mais omettait de préciser qu’elle avait manqué d’équilibre tout du long. Elle secouait la tête en repensant à leur moment dans les vagues avant de voir Lexie poser ses yeux sur l’enveloppe qu’elle avait camouflé entre les manteaux. « Tu as ramené du boulot, t’avais peur de t’embêter ? » Le sourire de la brunette disparu alors que la réalité retombait sur elle. Peut-être avait-elle été bête d’amener ce dossier ici. C’était une si belle journée, un si beau moment qu’elle s’apprêtait à gâcher. La gêne montait à ses joues alors qu’elle récupérait l’enveloppe que sa soeur agitait sous ses yeux. Elle pouvait encore prétexter un cas important qu’elle devait traiter le jour-même, mais elle en avait assez des mensonges. Il n’y avait pas de bon moment pour aborder le sujet, et la santé de Lexie n’attendait pas. La maladie n’attendait pas, malgré les sauts dans les vagues. Elle regardait fixement l’enveloppe qu’elle tenait entre ses mains avant de reposer ses yeux sur Lexie. « Ce n’est pas du boulot, c’est pour toi. » Elle se mordillait la lèvre inférieure, ne sachant pas comment aborder la chose. Elle craignait tout ; que Lexie n’ouvre pas l’enveloppe, qu’elle se fâche, qu’elle s’en aille. Après tout, Sam n’avait aucun droit de faire ça. Mais après ce qu’elles venaient de vivre ensemble, la jeune femme ne pouvait pas regretter. Parce qu’elle voulait vivre d’autres instants pareils, une infinité, chaque jour, chaque minute. Alors elle n’avait aucun regret d’au moins tenter. « Ne te fâche pas s’il te plait, ouvre simplement. » Après une seconde d’hésitation, elle finit par lui tendre l’enveloppe. L’atmosphère s’était subitement rafraichit et leurs rires mêlés lui semblaient déjà bien loin. Si loin qu’elle pouvait à peine les entendre au sein du vent qui balayait ses cheveux bruns.
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(✰) message posté Jeu 5 Mar 2015 - 0:56 par Invité
Je regardai une dernière fois derrière moi en arrivant sur le rivage. Nous faisions face pour la première fois à cette étendue d’eau infinie et tout était soudain possible. Comme si, sur le moment, nos esprits et nos rêves adoptaient ces mêmes dimensions. Comme si, sur le moment, tout s’élargissait. Nous n’avions plus à être si étriquées, tout le temps. Je m’étais laissée tomber sur le sable pour ne plus avoir à ressentir les vertiges qui faisaient trembler mes jambes engourdies, pour ne pas laisser Sam s’en apercevoir. Elle me rejoignit quelques secondes plus tard et je me pressai de lui lancer son manteau. Son réflexe à elle fut aussitôt de vérifier que le mien était bien ajusté et je reportai mon regard sur la mer agitée face à nous. Il s’agissait de gestes évidents, implicites, parfois insistants mais c’était ainsi que nous fonctionnions. A vouloir prendre soin l’une de l’autre sans attendre la permission de chacune, sans forcément l’exprimer. « Qu’est-ce que tu veux que j’te dise, le talent. » Je relevai le menton en fermant les yeux comme si elle soulignait là une évidence que je ne pouvais pas contredire. J’étais, pour ma part, pleinement satisfaite d’avoir réussi à apprécier ce moment sans souffrir de faiblesses envahissantes. Je repliai mes jambes en tailleur, laissant mon regard disparaître au-delà de l’horizon. J’aurais pu y rester encore, pendant des heures, cachée par les vagues, malgré le vent qui soufflait et me chahutait comme une marionnette. J’aurais pu y rester des heures pour ne pas avoir à interrompre ce que nous réussissions à créer, ici et maintenant, pour la première fois depuis des années. Le froid saisissait à présent chacun de mes membres, sollicités trop tôt, après des semaines d’inertie. J’attrapai l’enveloppe derrière nous, pour me remettre en mouvement, et la brandis devant elle tel un trophée, comme si je venais de découvrir l’un de ses secrets bien gardés. « Ce n’est pas du boulot, c’est pour toi. » Je sentis la lueur d’amusement qui animait mon regard disparaître quelque peu face à la gêne de Sam. Je l’observai, interrogative, l’incitant à m’en dire plus. « Ne te fâche pas s’il te plait, ouvre simplement. » me demanda-t-elle en me tendant l’enveloppe une nouvelle fois. Je ne lui adressai pour le moment aucun regard, observant ma sœur comme s’il était possible pour moi de lire en elle et d’anticiper ce que je m’apprêtais à découvrir. Je ne voyais aucune raison de m’énerver sur l’instant. Pas après ce qu’elle venait de nous offrir. Je ne comprenais pas qu’elle puisse s’en inquiéter, je n’avais pas envie non plus de lui donner raison. « D’accord … » finis-je par lâcher dans un souffle en m’emparant de l’enveloppe avec méfiance. Sans plus attendre, je la décachetai, désireuse de ne pas laisser ces nouvelles ondes gâcher notre journée, désireuse d’en finir. Je dépliai le fin dossier qui se trouvait à l’intérieur et l’ouvris sans plus de cérémonie. La première chose qui accapara mon attention fut la photographie de la première page, une photo d’identité, l’une de celle banale que l’on retrouve sur tous nos dossiers administratifs. Mes yeux se portèrent involontairement sur son visage. Je n’étais plus maîtresse de mes paupières, elles se plissaient malgré moi et mes prunelles se fixaient sur lui. Je le regardais et j’en éprouvais un élancement aigu, unique. Ca en était douloureux, sans que je ne puisse y trouver une raison. Je ne reconnaissais pas ce visage, je ne reconnaissais pas ces yeux verts, ni ce sourire. Et pourtant, je me reconnaissais en elle. Mes yeux s’égarèrent sur le papier, à toute vitesse, à la recherche d’une explication. Mon cœur s’emballa, piétina lorsque je m’arrêtai enfin sur un nom, un seul ; Kaithleen Wood. Je fermai sans plus attendre la chemise, pour ne plus avoir à faire face à ce nom, cette photo, son visage qui brûlaient mes rétines et que je n’avais pourtant vu que quelques secondes. « Qu’est-ce que c’est, Sam ? » demandai-je d’une voix trahissant déjà ma fatigue. « Qu’est-ce que c’est ? Pourquoi as-tu … » Je lâchai le dossier dans le sable froid, entre mes jambes, avant de passer une main fébrile sur mes yeux. La photo tanguait douloureusement dans mon esprit et m’empêchait de réfléchir convenablement. Je connaissais son nom, son prénom. Je connaissais ses mots, les siens qui m’avaient repoussé sans peine, sans douceur, il y a des années dans un simple mail. Je ne connaissais pas les intonations de sa voix, les traits de son visage. Je ne le voulais pas et je venais de faire face à ces derniers sans y être préparée. « Raconte moi. Je n’ai rien demandé, moi. » laissai-je échapper en plantant mon regard dans le sien. « Je me moque de ce qu’il y a dans cette enveloppe, elle n’a jamais voulu me rencontrer pour me le raconter. Alors je ne vois pas quoi en faire. Raconte moi ce que je devrais savoir. Dis-moi à quoi ça peut bien me servir. » la défiai-je presque. Je la défiai, lui demandai de me trouver une seule bonne raison qui devait me pousser à réintroduire ma mère biologique dans mes pensées. Une seule bonne raison qui expliquerait sa démarche. Si elle souhaitait nous faire vivre cela, elle n’avait qu’à me le dire elle-même. Je refusais de lire une ligne de plus. Nous ne parlions jamais de nos parents, de leur absence. Nous avions peu à peu appris à vivre avec leur disparition, cette béance, leur échappée belle. Nous en avions souffert puis avions toutes les deux décidé de nous y accoutumer. Je la regardai, incompréhensive. J’avais froid, vraiment. Un vent rigide se figeait sous mes vêtements trempés, sous ma peau. Le soleil, que je voyais décoloré, m’écrasait à présent, fait de trop d’absence et de questions.