"Fermeture" de London Calling
Après cinq années sur la toile, London Calling ferme ses portes. Toutes les infos par ici save me from the depths≈ Olivia Marshall 2979874845 save me from the depths≈ Olivia Marshall 1973890357


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Theodore A. Rottenford
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() message posté Mer 31 Déc 2014 - 14:52 par Theodore A. Rottenford
“I've worked too hard and too long to let anything stand in the way of my goals. But it’s the things we love most that destroy us.” Il ne pleuvait pas encore. Les nuages gris se dégageaient dans un ciel sombre et sans lune avec mélancolie ; je serrais désespérément  ma prise sur le porte-bébé. Il ne pleuvait pas, et pourtant je l’avais enroulé dans mon manteau, comme si  la froideur du vent pouvait irriter son visage angélique ou briser la quiétude de ses traits. Jasmine marmonna avant de me regarder d’un air ronchon.  Julia m’avait certifié qu’elle était en parfaite santé ; elle n’avait décelé aucun signe d’anomalie congénitale, aucun symptôme de maladie, mais aucune de ses affirmations ne suffisaient à taire les cris de mon cœur. J’avais si peur de lui faire du mal, si peur de  l’étouffer en l’étreignant avec force. Mon souffle chaud s’évanouit dans mon cou, tandis que je la fixais avec perplexité.  C’était un drôle de destin – je n’avais jamais imaginé un jour être père. Ma gorge était traversée de longs spasmes douloureux ; les mots me manquaient, et le courage aussi. J’avais grandi dans une ambiance rigide et complexe ; je ne connaissais pas les élans d’affections et le signes chaleureux. Je ne savais pas aimer et le crier sur tous les toits. Je ne savais rien du tout. Je déglutis en cheminant jusqu’au fond de la rue. Olivia n’habitait pas très loin ; c’était une avenue différente de Chinatown, mais nous étions à quelques pâtés de maison. Je soupirai en secouant mes bras contractés ; incapable de bouger ou de changer de position. Jazz pourrait ne pas apprécier. Etait-elle confortable contre ma poitrine ? Pouvait-elle sentir, que malgré mes lacunes, mes erreurs et mes angoisses, je l’aimais éperdument ? Probablement pas. Je secouais l’un tête d’un air défaitiste avant de cogner contre la porte de la résidence.

La jeune blonde m’apparut comme un enchantement divin. Elle me sourit d’un air entendu avant de m’inviter à l’intérieur ; je ne lui avais encore jamais parlé de Jasmine – même si la découverte de ma parenté avait chamboulé ma vie, et que nous avions échangés quelques textos depuis.  Je ne pouvais pas me résigner à partager mon secret, comme si l’avouer faisait de moi un homme détestable et pathétique. Cela n’avait rien à voir avec un manque de confiance. Je connaissais le défunt mari d’Olivia depuis mon service militaire, j’avais assisté à son mariage, et je m’étais même tenu au bout de l’allée parmi les garçons d’honneur.  Certes, c’était parce que le meilleur ami d'Isaac s’était désisté à la dernière minute– mais j’avais été témoin de son histoire d’amour merveilleuse. Je m’assis sur le canapé en silence. Je connaissais déjà les lieux ;  mais le décor sobre et apaisant se brouillait autour de mon regard meurtri. Je déposais délicatement la petite à côté de moi. Je l’enveloppais d’émotions mal contenues ; Tu sais que je ne t’abandonne pas. Je ne te renie pas. Tu es ma fille. Tu le sais ? Je ne te renie pas … Répétai-je dans un profond mutisme. Je ne supportais pas l’idée de cacher son identité, mais il le fallait pour son bien. Ma famille n’était pas des plus conciliantes, et je craignais le pire depuis l’agression d’Ellie. Je sortais lentement de ma torpeur, avant de me retourner vers Olivia. Elle respectait chacune de mes absences ; elle ne jugeait jamais – elle comprenait avec indulgence et gentillesse. J’esquissai une ébauche de sourire.

«   Je te présente ma fille. » Commençai-je d’une voix brisée. «   Et je voudrais qu’elle soit la tienne aussi. » Je me mordis la lèvre inférieure, prêt à me lancer dans une longue plaidoirie lorsque la petite éclata en sanglots. Je me redressai, alerte, ne sachant quoi faire pour répondre à ses besoins. Je la pris maladroitement à bout de bras, afin de la bercer frénétiquement. «   Je suis désolé. Je ne sais pas ce qu’elle a. » Grommelai-je, gêné. Je me levais afin de faire les cents pas dans le séjour.
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() message posté Ven 2 Jan 2015 - 18:36 par Invité
it’s the things we love most that destroy us. ;; the most damaged people are the wisest. all because they do not wish to see anyone else suffer the way they do. ✻✻✻ « Blake ? » demandai-je doucement en frappant trois fois la porte de la chambre de ma sœur. De la chambre d’ami, du moins, qui lui faisait office de quartier général le temps qu’elle se décide à rentrer aux Etats-Unis et affronter ses obligations. Je n’obtins aucune réponse ; je fronçai les sourcils avant de poser la main sur la poignée et l’enfoncer en silence, dévoilant une pièce vide de toute présence. Absente. Elle était absente. Partie. Elle était partie. Partie avant que je ne rentre de ma garde de nuit, sans doute.
Mon regard d’un bleu froid balaya l’espace. Le lit avait été fait à la va-vite ; la valise de Blake était encore ouverte, dévoilant un entassement de vêtements froissés et diverses trousses de toilette qui n’avaient pas encore trouvé leur place dans ma salle de bain. J’esquissai un léger sourire avant de pénétrer dans l’environnement sobre, classique. Il dénonçait une vérité criante ; s’il était actuellement occupé par l’une de mes petites sœurs, cela ne l’empêchait pas d’être dénué d’absolument toute âme. Cette pièce ne m’était jamais utile. Je n’y allais jamais. Elle était simplement là, au cas où, en cas de besoin, scellée et lointaine. Cela était valable pour les deux autres chambres d’ami que je pouvais avoir ; dans mon spacieux appartement, chacun de leurs portes demeurait inlassablement fermée, tout en m’abandonnant avec ma solitude entre les murs de mon salon.
Je m’avançai vers la fenêtre, l’entrebâillant malgré le froid d’hiver. Je défis les draps du lit pour les aérer ; au même instant, avec douceur, j’entrepris de pendre dans l’armoire quelques affaires de ma sœur, celles qui trainaient dans la pièce, hésitant à fouiller dans sa valise pour me charger de toutes ses tenues. Je ne désirais pas violer son intimité. Je ne désirais pas m’insérer dans ses affaires, dans sa vie privée, dans son existence à elle où je n’avais plus ma place. Mes gestes n’étaient pas intéressés, non. Je cherchais simplement à l’aider à ma manière. Je savais qu’elle ne prendrait sans doute jamais le temps de retirer ses chemisiers de sa valise. Je savais que ses affaires resteraient sans doute là, condamnées à demeurer froissées et à l’être encore plus au fil des jours. Blake ne pensait pas aux résultats sur le long terme de sa procrastination alors je me chargeais de limiter les dégâts moi-même. C’était plus simple ainsi.
J’avais beau avoir installé de la distance entre ma famille et moi depuis quelques années, cela ne voulait pas dire que je ne les aimais pas. Ils me manquaient, tous autant qu’ils étaient.
Je finis par refaire le lit de Blake, lissant les draps avec une application presque obsessionnelle, avant de refermer la fenêtre, monter le chauffage et repartir dans un coup de vent. J’allais dans ma propre chambre pour retirer mon uniforme ample et bleu d’infirmière. J’enfilai un jegging noir et un débardeur, avant de passer sur mes épaules un pull en grosse maille crème. J’attachai mes cheveux en un chignon lâche et allai dans ma cuisine pour me servir un café. Je regardai fixement l’heure en attendant qu’il soit prêt. J’avais passé la nuit à l’hôpital. La nuit à accompagner un de mes patients vers le repos éternel, me battant avec les différentes perfusions pour que cela soit sans douleur. J’avais failli à ma tâche, j’en avais conscience. Il avait étouffé des hurlements jusqu’à ce qu’il finisse par s’évanouir et rendre son dernier souffle, à sept heures trente-quatre du matin. Je m’étais occupée des papiers avec un médecin, j’avais appelé la famille. Et j’étais rentrée chez moi.
Je mis plusieurs instants à comprendre que l’on frappait à ma porte. Je revins sur terre avant d’aller ouvrir ; j’entraperçus le visage de Theodore et je me forçai à balayer toutes mes pensées parasites. Je lui offris un sourire avant de ne remarquer le bambin qu’il tenait ; mon regard s’attarda quelques instants sur le visage angélique et je fronçai les sourcils. Aucune question ne s’échappa de ma bouche. Au lieu de quoi, je m’écartai de l’entrée pour lui faire signe de ne pas rester sur le pas de la porte. « Ne reste pas dehors. Entre ! » Il s’exécuta en silence. Je refermai la porte derrière lui, tandis qu’il s’installa sur le canapé avec le bébé qu’il avait emmené avec lui. Il demeura silencieux et j’allais servir mon café ; je sortis une seconde tasse pour Theodore et revint dans la salle doucement, m’installant en face de lui. Je lui tendis son café et il sembla revenir sur Terre à son tour.
Je n’étais pas la seule à être hantée par ses propres pensées. Quelque part, cela me rassurait. « Je te présente ma fille. » finit-il par dire. Je ne pus masquer la surprise qui envahit mes traits ; doucement, mes yeux coulèrent sur le visage poupin du bébé, et je les détaillai avec application comme pour retrouver Theodore dans ses traits. « Et je voudrais qu’elle soit la tienne aussi. » Je relevai mon regard sur lui. Je me demandai si j’avais bien entendu ses paroles. Si j’avais bien compris ce qu’il sous-entendait. Mais sa fille commença à pleurer, m’arrêtant dans le cours de mes interrogations silencieuses. Theodore l’attrapa maladroitement dans ses bras, perdu dans ses gestes. « Je suis désolé. Je ne sais pas ce qu’elle a. » Il commença à faire les cents pas sans parvenir à la calmer. Par reflexe, je me levai aussi, et me dirigeai vers lui. « Elle sent ta tension et tes angoisses. Cesse de t’inquiéter. » lui dis-je en l’observant dans les yeux. Je posai mes mains sur le bébé. « Je peux la prendre ? » J’attendis qu’il me la donne. Doucement, je la teins contre ma poitrine, tandis qu’elle continuait à gémir d’une petite voix aigüe. Je n’étais pas employée dans la maternité de l’hôpital. Je n’avais jamais eu d’enfant. Je n’avais pas eu le temps d’en avoir. Je me baisais simplement sur ce que j’avais pu apprendre au cours de mon existence, lors de mes études ou lorsque j’avais pris soin des enfants de mes cousins. Je la berçais doucement. « Je pense qu’elle pleure parce qu’elle a trop chaud. Tu peux m’aider à retirer son manteau, s’il te plait ? Elle peut rester en body ici. C’est suffisamment chauffé. » lui dis-je d’une voix claire. Il était dépassé. Je le voyais dans son regard, je le sentais dans ses gestes. Il ne m’avait jamais parlé de cet enfant et je ne parvenais pas à savoir s’il était au courant depuis le début de la grossesse de la mère ou s’il était tombé du haut de son piédestal. Je fronçai les sourcils en repensant à ce qu’il m’avait dit. « Elle est magnifique, Theodore. Comment est-ce qu’elle s’appelle ? » lui demandai-je. J’aurais pu me renseigner sur sa mère biologique. Sur son histoire. Mais je n’en fis rien, gardant mes questions pour moi, jugeant que Theodore me le dirait seulement s’il voyait qu’il y avait un réel besoin de me mettre au courant. « Qu’est-ce que tu attends exactement de moi ? » repris-je et je l’observai avec interrogation. Mon visage était bienveillant mais perplexe ; son apparition avait réveillé des souvenirs de maternité manquée et de camaraderies disparue entre lui et mon mari. Je savais que je lui devais beaucoup. Je savais qu’Isaac lui manquait autant qu’il ne me manquait. Et cela me suffisait, quelque part.
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() message posté Mar 6 Jan 2015 - 23:04 par Theodore A. Rottenford
“I've worked too hard and too long to let anything stand in the way of my goals. But it’s the things we love most that destroy us.” J’étais tétanisé par une terreur envahissante. Mon visage fermé se dirigeait vers un Dieu tout puissant qu’on m’avait obligé à aimer depuis mon plus jeune âge, mais toutes mes grandes réflexions et mes pensées les plus pieuses, n’étaient que des souffles dérisoires dans une éternité d’injustices et d’injures. C’était lamentable de l’avouer, mais je me sentais démuni d’ingéniosité, d’intelligence, ou de courage face à cette petite chose qui se tortillait dans mes bras. Jasmine  me fixait de ses grands yeux océans, et je retrouvais un peu de moi dans chacun de ses gestes enfantins  - comme si elle était le meilleur et que j’étais le pire. Comme si elle était le rayon lumineux du soleil, et moi le sombre ombrage de la lune. Je déglutis en effleurant sa joue brûlante. J’osais à peine la toucher, comme si mes caresses risquaient de ternir l’innocence de ses traits. Elle était toute rouge et agitée mais je ne parvenais pas à panser ses blessures invisibles. Mon cœur bataillait contre ma retenue habituelle, et je m’effondrais face à la fatalité : J’étais un père abominable, incapable de la bercer correctement ou de chantonner les mièvres cantines de l’enfance.  Je me redressai, évitant de soutenir le regard perplexe d’Olivia. Je savais qu’elle ne me jugeait pas – mais moi, je le faisais. J’étais plein de dédain et de haine envers ma destinée. Je me détestais d’être aussi peu attentionné ou chaleureux.  Je me détestais d’être moi tout simplement. Mon oreille sourde bourdonna tout à coup, animée par les cris stridents de Jazz, comme pour me ramener à la réalité. Je faisais les cents pas pendant quelques minutes avant de réaliser que c’était moi que j’essayais de calmer et non la petite. C’était triste, mais je ne savais pas l’aimer autrement qu’en silence. Olivia posa sa main sur Jazz et je la fixai avec désespoir.   « Elle sent ta tension et tes angoisses. Cesse de t’inquiéter. Je peux la prendre ?» Murmura-t-elle avec douceur. Je tendis les bras avec lassitude. Avais-je le choix seulement ? Je n’étais pas la hauteur, il fallait se rendre à l’évidence. J’étais un homme psychorigide et renfermé sur les délices du monde. L’appel du vice avait toujours eu un effet hypnotique sur mon esprit dérangé. Jasmine était l’incarnation de mes pires pêchers – elle souffrirait de représailles à cause mes erreurs, et ça c’était la pire des punitions possibles. « Je pense qu’elle pleure parce qu’elle a trop chaud. Tu peux m’aider à retirer son manteau, s’il te plait ? Elle peut rester en body ici. C’est suffisamment chauffé. » Je me retournais vers elle avec lenteur. «   Je ne sais pas. J’ai pensé qu’il faisait trop froid pour elle. » Marmonnai-je en m’approchant. Je fis glisser le manteau à travers ses bras minuscules. Elle était si délicate, si fragile – mon monde risquait de la briser en mille morceaux. Je baissai les yeux, tourmenté par les risques de ma vie. « Elle est magnifique, Theodore. Comment est-ce qu’elle s’appelle ? »  Mes yeux s’embuèrent pour la toute première fois, exprimant ma profonde émotion. Jazz me pointa de la main en grimaçant et je ne pus retenir un sourire triste.«   Tu as vu ça ?! »  M’émerveillai-je, la voix rouillée.«    Elle s’appelle Jasmine, mais je la surnomme jazz parce qu’elle est comme une musique entrainante mais que je ne peux apprécier qu’à moitié. La plus part du temps, j’ai l’impression que je ne l’entends pas. » Confessai-je en plaquant ma paume contre mon oreille gauche. Mon corps était tendu par l’angoisse, mais je me forçais à rester noble face à mes afflictions. «   ça ne fait que quelques jours et parfois, elle me donne l’impression qu’elle me reconnait. Il suffit que je rentre dans la pièce et son regard s’illumine parce qu’elle sait que je ferais n’importe quoi pour la protéger. » Olivia se tourna vers moi, et je pus apercevoir toute sa bienveillance et sa bonté briller au bout de son regard. « Qu’est-ce que tu attends exactement de moi ?» Je fronçai les sourcils en prenant une grande inspiration. Les mots que je m’apprêtais à confesser m’écorchaient la bouche …

«   Je veux la protéger de moi, et il faut que tu m’aides. Jazz a perdu sa mère le jour de sa naissance. » Je fis quelques pas à reculons avant de me laisser tomber sur le canapé à nouveau. «   Isaac ne t’a forcément jamais rien dit, mais je suis né dans une famille irlandaise pure souche. J’ai été bercé par les crimes de la pègre toute mon enfance. Le simple fait d’exister fait de moi un complice aux yeux de la loi. Et je ne veux pas de ça pour elle. Elle ne peut pas porter mon fardeau, parce qu’elle est ma fille. » Je joignis les deux mains d’un air solennelle. «   Je veux que tu l’enregistres dans ton livret de famille – Jasmine Phoebe Marshall, née de ... » Je sentis ma gorge se serrer. «   ... Née de père inconnu. » Je sentis la bile me monter. «   Je sais que c’est beaucoup te demander, mais c’est temporaire, le temps que je trouver une solution durable. » Je baissai les yeux d’un air coupable. «   Il m’aurait forcément botté le cul s’il s’avait ce que je te demande. » Grommelai-je en faisant référence à son défunt mari. «  Je suis désolé, mais je n’ai pas d’autre choix … » Jasmine s’était tout à coup calmée, elle se pencha vers moi avec lenteur et je cru voir la déception sur son visage – la déception d’être sans famille.
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() message posté Sam 10 Jan 2015 - 12:04 par Invité
it’s the things we love most that destroy us. ;; the most damaged people are the wisest. all because they do not wish to see anyone else suffer the way they do. ✻✻✻ J’étais habituée aux militaires. A ces personnes fortes et fières. A ces hommes et ces femmes durs et indémontables, qui ne desserraient pas la mâchoire lorsque la douleur se faisait bien trop présente dans leur corps. J’étais habituée à la violence et au front. J’étais habituée à toutes ces choses que personne ne désirait voir, à tous ces combats que les autres suivaient sur leurs écrans de télévision. Je n’étais pas habituée aux bébés. Je n’étais pas habituée à la douceur de leur présence. Je n’étais pas habituée à la chaleur de leur corps et à la fragilité de leur existence. Je n’étais pas habituée à les tenir au creux de mes bras.
J’avais la sensation d’être démunie en tenant la fille de Theodore, comme si je n’étais pas faite pour le rôle de la porter, pas faite pour l’apaiser. Mes connaissances affluaient dans mon esprit mais l’expérience me manquait terriblement.
Je n’avais jamais eu l’occasion de tout mettre mon savoir en œuvre, après tout.
Pourtant, je m’étais occupée d’enfant, à l’hôpital. Pourtant, j’avais eu des patients guère plus âgés de dix ans lorsque j’avais occupé le poste de collègue malade ou en congé. J’avais dû me faire à leur monde si naïf et doux ; j’avais dû m’adapter à leur existence et leur façon d’être. Je leur avais fait de grands sourires alors qu’au fond j’avais eu la sensation de ne pas savoir si je faisais bien ou non. Au fond, j’avais simplement loupé ma chance d’être mère et d’abandonner toutes ces craintes ; je n’avais jamais eu l’occasion d’avoir les enfants d’Isaac et il était parti avant que l’on ait le temps de fonder une famille.
Peut-être avait-ce été un signe du destin. Peut-être n’avais-je pas été faite pour ce rôle. Peut-être avais-je vu le jour, moi, pour m’occuper des autres mais jamais des miens. J’avais prouvé, au fond, que j’étais bel et bien incapable de prendre soin de mes proches sans les tuer. Sans les achever. « Je ne sais pas. J’ai pensé qu’il faisait trop froid pour elle. » me dit-il et je lui adressai un sourire que j’aurais voulu  réconfortant. Avec douceur, il m’aida à retirer son manteau, et après quelques hoquets, elle cessa de se débattre. Elle m’observa avec de grands yeux et je ne pus que lui adresser un sourire en retour ; la chaleur de son corps m’envahissait et je ne parvenais pas à détacher mon regard de son visage. Theodore était paniqué, oui. Mais c’était une chose qui finirait par s’apaiser avec le temps. « Tu as vu ça ?!  Elle s’appelle Jasmine, mais je la surnomme Jazz parce qu’elle est comme une musique entrainante mais que je ne peux apprécier qu’à moitié. La plus part du temps, j’ai l’impression que je ne l’entends pas. » me dit-il et j’hochai doucement la tête. J’avais la sensation de comprendre ce qu’il me disait, quelque part, même si au fond cela était probablement faux. « Ça ne fait que quelques jours et parfois, elle me donne l’impression qu’elle me reconnait. Il suffit que je rentre dans la pièce et son regard s’illumine parce qu’elle sait que je ferais n’importe quoi pour la protéger. » Je souris une nouvelle fois. Cela ne faisait que quelques jours mais j’entendais, dans la voix de Theodore, la profonde affection qu’il pouvait nourrir envers sa fille. Cela ne faisait que quelques jours mais cela semblait avoir suffi pour qu’il la chérisse de tout son cœur. C’était la première fois que j’entendais l’ami de mon mari parler de la sorte. La toute première fois. « C’est parce qu’elle le sait vraiment. » lui répondis-je doucement. « Les enfants ont beaucoup d’instinct. En quelques jours, elle a eu le temps de comprendre que tu l’aimais très fort. Regarde, il ne m’a fallu que quelques secondes pour que je le devine à mon tour. » Je l’observai, amusée, avant de faire quelques pas dans le salon en la tenant toujours contre ma poitrine. Je m’habituais à sa présence réconfortante. Je m’habituais à sa douceur et son charme poupin.
Puis vint la seule réelle question que je lui posais et, après un froncement de sourcils, il s’assit dans le canapé. « Je veux la protéger de moi, et il faut que tu m’aides. Jazz a perdu sa mère le jour de sa naissance. Isaac ne t’a forcément jamais rien dit, mais je suis né dans une famille irlandaise pure souche. J’ai été bercé par les crimes de la pègre toute mon enfance. Le simple fait d’exister fait de moi un complice aux yeux de la loi. Et je ne veux pas de ça pour elle. Elle ne peut pas porter mon fardeau, parce qu’elle est ma fille. » me confessa-t-il et je l’écoutai avec attention. Doucement, je vins m’asseoir à ses côtés, tandis que je remettais les différentes pièces du puzzle en place dans mon esprit. Isaac ne m’avait jamais rien confié de tout cela, non ; comme moi, il avait été une personne très accrochée à ses principes et cela ne m’étonnait guère qu’il ait emporté les secrets de Theodore jusque dans son cercueil. La gorge serrée, je déglutis, plongeant mon regard dans le sien. «   Je veux que tu l’enregistres dans ton livret de famille – Jasmine Phoebe Marshall, née de... » poursuivit-il, avant de s’arrêter. « ... Née de père inconnu. » Je le voyais. Je le voyais dans son regard qu’il se sentait coupable, que cela lui coutait d’en venir à de telles mesures. Pire encore, je voyais également à quel point cela le blessait, à quel point il était gêné. Je ne dis rien.
A vrai dire, je n’étais même pas sûre de parvenir à songer à quelque chose. « Je sais que c’est beaucoup te demander, mais c’est temporaire, le temps que je trouver une solution durable. Il m’aurait forcément botté le cul s’il s’avait ce que je te demande. » finit-il par conclure. « Je suis désolé, mais je n’ai pas d’autre choix… » Je secouai la tête pour lui intimer que je comprenais ses mesures. Que je comprenais pourquoi il se permettait d’en venir là. Je savais. Je savais qu’il n’avait pas d’autre choix. Qu’il ne pouvait pas faire autrement. Que c’était ainsi et que, malgré toute la bonne volonté du monde, il ne pouvait pas songer à une autre alternative. « Il t’aurait déjà collé une balle entre les deux yeux. » murmurai-je doucement, mon regard se perdant dans la pièce. Je me forçai à revenir sur Terre. A cesser de penser à Isaac. A cesser de me perdre dans l’immensité de mes souvenirs et de mes désirs inaccomplis. Inachevés. « Et tu as pensé à moi parce qu’il te devait toujours une faveur, c’est ça ? » lui demandai-je doucement en évoquant ce fameux jour où Theodore avait accepté de le remplacer lorsqu’il était revenu à La Nouvelle Orléans pour me demander en mariage. Mon mari avait des principes. Une centaine de principe. Et j’étais persuadée, quelque part, qu’il n’avait pas supporté l’idée de mourir sans avoir fait une faveur à Theodore à son tour. « Je ne vois pas comment je pourrais refuser une telle requête, Theodore. Je comprends. Je comprends pourquoi tu as besoin que ça se passe comme ça. » poursuivis-je. « Et je suis sûre qu’elle comprendra elle aussi. Ne fais pas comme si ça ne t’inquiétait pas aussi, je l’ai vu dans ton regard. » J’esquissai un léger sourire avant de doucement tendre Jasmine vers lui pour qu’il la reprenne dans ses bras. Je voulais qu’il cesse d’avoir aussi peur que moi. Je voulais qu’il comprenne qu’avec le temps, les choses finiraient toujours par s’arranger. « Et puis, avec un peu de chance, peut-être que tu pourras la reconnaître un jour. Maintenant, tu as besoin de moi que pour les papiers ? Ou bien tu souhaiterais aussi que sur… Sur un plan affectif j’ai un quelconque rapport avec elle ? » Je l’observai, tentant d’enfouir mon anxiété tout au fond de mon être. Mon corps me hurlait que je n’étais pas prête. Pas prête à faire semblant d’être une mère.
Pas prête pour en être une. J’avais eu le temps de refuser l’idée depuis la mort d’Isaac, après tout.
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Theodore A. Rottenford
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() message posté Jeu 15 Jan 2015 - 0:07 par Theodore A. Rottenford
“I've worked too hard and too long to let anything stand in the way of my goals. But it’s the things we love most that destroy us.” Je restais immobile parmi les cadavres empilés sur le sol. Les couleurs ocres se succédaient sous mes yeux éteints, mais j’avais beau rechercher la lueur de l’espoir, je ne retrouvais que l’égarement de la déception. Je n’étais pas défaitiste. J’étais assez lucide pour reconnaitre mes tords et mes limites. Jasmine était ma fille, mais au-delà de toute mon affection et ma dévotion débordante, il y’ avait le clan et mon allégeance éternelle pour la famille. Il ne s’agissait pas seulement des liens du sang, mais de l’honneur des hommes de l’Irlande du Nord. La foi avait bercé mon enfance, et même lorsque j’essayais de me dérober de l’emprise de mon ennemi je me retrouvais face contre terre, à genou face aux mêmes seigneurs. Je fermais les yeux afin de me laisser submerger par la tristesse. Je ne voulais pas correspondre au schéma du truand maladroit, mais les ténèbres me collaient à la peau. La mafia était une part indissociable de mon identité, et je voulais épargner mes fardeaux aux êtres les plus chers. Je voulais éloigner cet enfant sans m’égarer dans l’oubli. Je déglutis en écrasant mes doigts autour du tissu de mon manteau de laine. Olivia berçait Jasmine avec la douceur de vivre. J’esquissai un sourire en m’imprégnant de la splendeur de cette vision. Il n’y avait pas que le visage ronchon de Jazz qui me captivait, Olivia était l’incarnation de la beauté parfaite. Je me surpris à la comparer aux fleurs d’hiver, qui malgré la violence des vents et l’austérité du temps, fleurissaient afin d’égayer la blancheur de la neige. Les hellébores, et les violas qui mêlaient le nuances blanches, roses, et violettes, à la couverture végétale. Elles résistaient parfaitement au froid, et pourtant il suffisait d’un seul coup de pied pour les écraser sur la terre poussiéreuse. Si belles et si fragiles. La jeune veuve était si belle, et si fragile. «C’est parce qu’elle le sait vraiment. Les enfants ont beaucoup d’instinct. En quelques jours, elle a eu le temps de comprendre que tu l’aimais très fort. Regarde, il ne m’a fallu que quelques secondes pour que je le devine à mon tour. » Murmura-t-elle avec  délicatesse. J’essayai de masquer mon sourire en fronçant le menton, mais mes yeux pétillants trahissaient mon émotion retenue. Elle avait raison ; je l’aimais très fort.

Je lui soumis ma proposition avec la plus grande sincérité. Je n’aurais pas choisi Olivia si je ne l’avais pas tenu en estime. Je savais qu’elle était intègre et chaleureuse. Elle représentait des valeurs saines qu’il m’était impossible d’inculquer car malgré tous mes efforts, je restais à jamais condamné dans mon quotidien.   «Il t’aurait déjà collé une balle entre les deux yeux. » Je souris en haussant les épaules. «   Je l’aurais certainement bien mérité. » Répondis-je avec une pointe de chagrin. J’avais l’âme à tout jamais endeuillée par la perte. Ce n’était pas la première fois que je perdais un ami, mais je ne me remettais toujours pas de l’absence d’Isaac et de ses conseils avisés. Je croyais qu’on ne pouvait parvenir à de meilleurs résultats qu’en usant de bonnes paroles et de flingues, mais il m’avait appris que tout le long des courses effrénés vers la victoire, il y’ avait un combat encore plus poignant ; celui du cœur. Je comprenais enfin toute la portée de ses idéaux. Je le comprenais en regardant la magnificence d’Olivia et l’innocence de Jasmine.   «Et tu as pensé à moi parce qu’il te devait toujours une faveur, c’est ça ? »  S’enquit-elle. Je lui fis un signe de la tête.  C’était lâche de me cacher derrière la dernière volonté d’un mort, mais je cherchais le réconfort au sein d’un foyer que je savais chaleureux. Je me plaisais à penser que ma requête n’aurait pas changé si son mari était toujours parmi nous. Je lui aurais certainement confié ma fille si cela était nécessaire. «Je ne vois pas comment je pourrais refuser une telle requête, Theodore. Je comprends. Je comprends pourquoi tu as besoin que ça se passe comme ça. Et je suis sûre qu’elle comprendra elle aussi. Ne fais pas comme si ça ne t’inquiétait pas aussi, je l’ai vu dans ton regard.» Elle me tendit le bébé, et je l’agrippai avec un désespoir non feint. J’avais tout le temps peur de la perdre. Mes hantises ne me quittaient jamais, alors malgré ses belles paroles, et son air bienveillant je ne pu m’empêcher de lover le corps minuscule de Jazz contre ma poitrine. . «Et puis, avec un peu de chance, peut-être que tu pourras la reconnaître un jour. Maintenant, tu as besoin de moi que pour les papiers ? Ou bien tu souhaiterais aussi que sur… Sur un plan affectif j’ai un quelconque rapport avec elle ?.» Elle me fixa d’un air inquiet. Je voulais la conforter dans ses doutes mais j’étais incapable de lui promettre un avenir meilleur. Je savais que Jazz était orpheline, et qu’au-delà des barrières légales, elle avait besoin d’un repère. Je m’assis sur le fauteuil avec recueillement. Après quelques minutes de silence, et une réflexion complexe, je consentis à lui avouer mes pires secrets. «   Je veux que tu l’adoptes. Complètement. Entièrement. » Sifflai-je d’un ton calme. «   J’ai pris toutes les dispositions possibles. Elle ne manquera jamais de rien, je peux lui garantir un héritage au-delà de des espérances mais je ne peux pas la préserver du deuil. » Je marquai un silence. «   Si je meurs, je veux que tu l’élèves dans l’honneur et l’intégrité. Je veux qu’elle apprenne le juste et qu’elle ne tombe jamais dans le vice immoral. Olivia, je te demande de mentir pour moi. Si je venais à disparaitre, ils viendront après elle. C’est ta fille. Pas la mienne. Tu dois me promettre que tu ne lui diras jamais que j’étais pourri jusqu’à la moelle. » Implorai-je. Je mettais ma vanité de côté, elle savait que je ne serais jamais aller aussi loin dans mes calculs si le danger n’était pas imminent.



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() message posté Jeu 15 Jan 2015 - 23:55 par Invité
it’s the things we love most that destroy us. ;; the most damaged people are the wisest. all because they do not wish to see anyone else suffer the way they do. ✻✻✻ J’avais rencontré Isaac à l’âge de sept ans. Nous n’avions été que des gamins, à cette époque. Des gamins comme les autres. Des gamins bien loin de se douter que nous finirions réellement mari et femme, malgré nos plans les plus fous et nos déclarations d’amour enfantines ; des gamins qui se cachaient encore derrière les jupes de leurs mères et qui pleuraient dès que les choses devaient trop compliquées. Nous avions grandi ensemble mais différemment. Nous avions grandi ensemble mais chacun à notre manière, comme le jour et la nuit, comme l’hiver et l’été. Il m’était parfois difficile de concevoir à quel point nous avions pu finir opposés en se côtoyant durant toute notre existence. Nous étions venus du même milieu. De familles proches. Mais, pourtant, nos deux personnalités avaient été à des années l’une de l’autre.
Il m’avait appris tant de choses. Inculquer tant de principes. Il avait eu ses défauts mais il avait été un homme d’honneur ; sous ses grands airs froids et placides s’était caché un soldat intègre et loyal. Loyal envers ses amis. Loyal envers ses frères d’armes. Loyal envers sa famille. Loyal envers sa patrie, fidèle à ses devoirs et ses serments. Je l’entendais encore m’aboyer de ne pas pleurer et de lever le menton pour paraître fière et sans point faible. Je l’entendais encore me sermonner et blâmer mes faiblesses comme s’il s’agissait du pire fléau accablant l’humanité toute entière. Il n’avait pas été un homme facile. Il avait été fier et catégorique. Secret et calculateur. Empreint d’une certaine violence toujours contrôlée dans ses pires excès. Mais, au fond, il avait eu cette capacité à placer ses proches en premier qui m’avait toujours laissé admirative. Il n’avait cru en aucun Dieu mais avait donné une foi toute particulière en ses amis. Il avait été capable d’abattre un homme sur ordre de ses supérieurs dans le plus grand des calmes. Il m’avait appris à tirer avec un revolver avec une patience infinie, comme s’il avait s’agit d’un fait normal et commun. Mais, bien au-delà de ça, il avait été capable de tout pour les autres, et surtout du pire, sans même lever un sourcil.
Je l’avais admiré. Parmi toutes ces personnes qui avaient pu le faire avec moi, j’étais persuadée d’avoir été la seule à comprendre l’immensité de la personne qu’il avait réellement été. Mon esprit revint doucement dans la réalité lorsque mon regard se perdit sur les traits tirés de Theodore ; je ne pus m’empêcher d’esquisser un sourire. Sa requête était conséquente. Sa requête impliquait de lourde conséquence à court et à long terme ; je savais que, d’une certaine manière, il m’encrait dans son existence menacée. Silencieusement, mon esprit pesait le pour et le contre. Encore et encore. « Je l’aurais certainement bien mérité. » commenta-t-il et j’eus un rire triste pour moi-même. « Dès que cela me concernait, cela était mérité, de toutes manières. » commentai-je. Il m’avait sans doute le plus protégé, parmi toutes ces personnes envers lesquelles il avait été loyal. Et, parmi tous ces gens, il y avait également eu Theodore.
Et je ne cessais de me dire qu’Isaac lui avait fait confiance. Je ne cessais de me dire qu’il l’avait considéré comme un de ses frères. Qu’il l’avait tenu en estime. Qu’il aurait été capable de tout, de son vivant, pour l’aider. Que Theodore, lui, avait tout fait pour lui lorsqu’il en avait eu l’occasion. Que Theodore portait son deuil avec lui presque autant que moi. Cela m’influençait. Cela m’influençait dans mes choix, comme si mon défunt mari était encore là pour me murmurer à l’oreille d’être forte et courageuse, de me tenir droite et de lever le menton. Comme s’il était encore là pour m’aider à opter pour la meilleure décision, pour m’orienter. Son fantôme était partout, après tout. Il me hantait, continuellement. « Je veux que tu l’adoptes. Complètement. Entièrement. » Sa voix trancha l’air avec ses paroles directes et concises. Je lui devais au moins ça. Rien n’était voilé. Chaque chose qui m’était nécessaire de savoir était claire. « J’ai pris toutes les dispositions possibles. Elle ne manquera jamais de rien, je peux lui garantir un héritage au-delà de des espérances mais je ne peux pas la préserver du deuil. Si je meurs, je veux que tu l’élèves dans l’honneur et l’intégrité. Je veux qu’elle apprenne le juste et qu’elle ne tombe jamais dans le vice immoral. Olivia, je te demande de mentir pour moi. Si je venais à disparaitre, ils viendront après elle. C’est ta fille. Pas la mienne. Tu dois me promettre que tu ne lui diras jamais que j’étais pourri jusqu’à la moelle. » Ma gorge se serra. Je comprenais l’ampleur de ce qu’il me demandait mais j’avais la sensation de peiner à considérer tout cela comme si c’était réel. Vrai. Comme si cela se produisait réellement. Sa douleur et ses craintes étaient perceptibles. Theodore était un homme fait du même bois que mon mari ; ils étaient tous les deux forts et froids, impénétrables. Et, pour ces personnes-là, leurs faiblesses étaient bien souvent les plus fatales.
Je m’accrochai à son regard pour rester dans la réalité. Je m’accrochai encore et encore comme si cela me permettait de garder pied. Il m’avait désorienté d’une certaine manière ; j’avais passé tant de temps à avancer avec assurance que sa requête me déstabilisait dans mon élan. « Tu penses réellement que ça m’aurait effleuré l’esprit ? » lui décrochai-je en clignant mes yeux bleus et froids. « Je ne suis pas Isaac, mais il a été vivant suffisamment longtemps pour me transmettre ses principes sur l’honneur. Mais je te le promets. Je ne lui dirais jamais la vérité sur toi. Ni à elle… Ni à qui que ce soit. » Je déglutis avec difficulté en observant Jasmine avec douceur. Les questions se déferlaient dans mon être et pourtant je gardais la bouche fermée ; parmi elles, il y avait également les craintes et la sensation d’être perdue dans ce qui était actuellement en train de se passer. Pire encore, je revoyais Isaac sous mes paupières. J’entendais sa voix me murmurer la marche à suivre. J’entendais son esprit me pousser à aider Theodore.
Il lui avait fait confiance. Il aurait pu lui confier sa vie. Et, par extension, je lui faisais confiance également. J’étais capable de lui confier ma vie. Et c’était à mon tour de l’aider. « Comment est-ce que je vais pouvoir expliquer son arrivée dans mon entourage ? » demandai-je alors. Ma voix était toute en retenue. « Je… Je ne peux pas t’assurer que je saurais remplir le rôle de mère, Theodore. J’ai eu le temps de me déshabituer à l’idée de le devenir depuis qu’il… Depuis qu’Isaac est parti. » J’étais partagée. Si partagée. Je savais que je pouvais m’occuper d’un enfant. Je savais que, financièrement, je pouvais également me le permettre. Je savais que je n’avais cessé de rêver de devenir mère lorsque j’avais encore été femme et non pas veuve. Mais je savais également que j’avais désiré les enfants d’Isaac. Que j’avais désiré être enceinte. Que je n’étais pas émotionnellement stable.
Et je savais, par-dessus tout, que cela serait un changement considérable dans mon existence.
Mais je ne pouvais pas refuser. Je n’étais même pas sûre de le vouloir.
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Theodore A. Rottenford
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() message posté Jeu 5 Fév 2015 - 4:26 par Theodore A. Rottenford
“I've worked too hard and too long to let anything stand in the way of my goals. But it’s the things we love most that destroy us.” Je n’avais jamais réellement connu la guerre ; mon statut d’officier de réserve m’avait permis d’apprécier la mort sans réellement en saisir toute l’ampleur. Au début, mon service militaire n’était qu’un simple prétexte pour m’éloigner de la pègre – J’avais rejoint les campements britanniques sur un coup de tête, et je m’étais porté volontaire pour m’expatrier sur les anciens territoires anglais d’Amérique du Nord pendant un an - une sorte de pause bien méritée après de longs et loyaux services envers le culte imaginaire de l’Irlande. Mais contre toute attente, et à force de rigueur et d’acharnement auprès des plus grands héros de la nation, j’avais appris l’humilité, le respect, et l’abandon de soi. Je m’étais découvert de nouvelles valeurs, et un penchant pour la famille différent des liens du sang. Isaac était américain, et malgré son accent étrange, et son air placide, je m’étais tout de suite identifié à son attitude. Il était entouré par un chaos merveilleux sans pour autant sombrer dans le mal. Il m’avait conseillé d’accepter les vents du destin tels qu’ils venaient, parce que personne ne pouvait avoir de meilleurs plans que la vie. Sa philosophie ne suivait aucune logique et c’est ce qui la rendait aussi captivante. Il parlait sans cesse d’Olivia, son plus grand et plus bel amour. Je connaissais quelques fragments de ses souvenirs, et de ses déclarations insolentes sur les tables de l’école. Je me souvenais pour lui de ce conte de fées merveilleux. Il n’était plus là – tout comme Jamie, mais mon cœur continuait à ressentir l’absence pesante des êtres les plus chers. Je me raccrochais aux pans de mon pull en laine avec désespoir ; il était parti sans connaitre la miséricorde de la religion et pourtant à chaque fois que je pensais à lui, je priais pour qu’il puisse trouver le repos éternel. C’était stupide, s’il pouvait m’entendre – il m’aurait certainement encastré contre le mur. Les valeurs d’un soldat étaient immuables. Il avait accordé sa foi aux siens, plutôt qu’aux divinités, et j’admirais sa confiance inébranlable. En fait, j’admirais chaque aspect de sa personnalité. Je souris tristement en me retournant vers la silhouette filiforme d’Olivia ; elle tenait Jasmine à bout de bras avec une affection étrange. C’était déjà une mère, et elle ne s’en rendait même pas.   «Dès que cela me concernait, cela était mérité, de toutes manières. » Lança-t-elle avec douceur. J’acquiesçai d’un signe de la tête. Je n’avais jamais rencontré une pareille dévotion, que celle que son défunt mari lui vouait. «   C’était quelqu’un … » Soufflai-je d’une voix neutre. «   … de bien … » Elle me rendit la petite et je me cramponnais à son odeur de bébé, et à ses joues cramoisis. J’avais compris à la minute ou mon regard s’était posé sur le couffin abandonné que Jazz n’était pas une enfant comme les autres. Au fond, dans mon cœur, mon affection grouillait comme un poison. C’était ma plus belle faiblesse. Je fixais ses grands yeux bleus avec insistance : petite chose, tu sais que je t’aimerais éternellement malgré mes fautes et mes ratures. «Tu penses réellement que ça m’aurait effleuré l’esprit ? Je ne suis pas Isaac, mais il a été vivant suffisamment longtemps pour me transmettre ses principes sur l’honneur. Mais je te le promets. Je ne lui dirais jamais la vérité sur toi. Ni à elle… Ni à qui que ce soit.»  Les paroles  d’Olivia m’apaisaient, mais j’avais toujours besoin de plus d’assurance. La vie de Jasmine comptait bien plus que la mienne à présent – tout du moins il était de mon devoir de la considérer comme telle. Je serrais les lèvres en silence. «Comment est-ce que je vais pouvoir expliquer son arrivée dans mon entourage ? Je… Je ne peux pas t’assurer que je saurais remplir le rôle de mère, Theodore. J’ai eu le temps de me déshabituer à l’idée de le devenir depuis qu’il… Depuis qu’Isaac est parti.» Je comprenais ses craintes, pire encore – je les partageais. Je voyais bien que le départ précipité d’Isaac l’avait troublé bien plus qu’elle ne le montrait. Il y’ avait des blessures qui ne guérissaient pas, malgré le temps, les prières, et l’oubli. L’âme à jamais endeuillée, se nourrissaient des vestiges de la vie même après qu’elle soit partie. Je berçai la petite en réfléchissant à la situation. «   Ne peux-tu pas l’avoir adopté tout simplement? Je considère parfaitement ton point de vue et je ne veux pas que tu sois mal à l’aise avec les tiens. Tu peux expliquer que tu adoptes ma fille parce qu’elle avait besoin d’une mère, et que tu voulais une famille. J’accepte toutes les excuses, du moment que la vérité sur mon identité reste cachée. » Murmurai-je en réfléchissant. Je ne voulais rien lui imposer de plus. Je me redressai doucement afin de déposer la petite endormie sur l’énorme sofa, puis je me dirigeai vers Olivia en rasant le sol, tel un prédateur. «   Tu ne peux te déshabituer d’une idée – mais je te parle d’un sentiment. » Commençai-je en inclinant la tête. «   C’est en toi. Tu ne peux pas te débarrasser de ta fibre maternelle.   » Il ne s’agissait pas que de belles paroles. J’étais convaincu que la jeune femme qui se tenait devant moi avait assez de cœur pour panser toutes les douleurs de l’humanité. Je n’étais pas le seul à le voir. Isaac l’avait vu bien avant moi, et il m’avait inculqué ces valeurs justes et romantiques. Il m’avait tellement adressé les louanges d’un esprit libre et compatissant, qu’il me semblait parfois que je la connaissais depuis l’enfance. Moi aussi -Je m’étais levé sur la table de la salle de classe, et je lui avais demandé d’être ma petite copine.  Moi aussi -Je l’avais aimé, et respecté, tous le long de ses récits oubliés.
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() message posté Dim 8 Fév 2015 - 22:13 par Invité
it’s the things we love most that destroy us. ;; the most damaged people are the wisest. all because they do not wish to see anyone else suffer the way they do. ✻✻✻ « C’était quelqu’un… » La voix de Theodore resta en suspens durant quelques instants, suffisamment pour que je finisse par constater le temps passé qu’il avait employé pour désigner mon mari. Quelque part, il s’était écoulé quatre ans et demi depuis sa disparition mais j’avais encore bien du mal à accepter qu’il puisse appartenir à l’avant. Au passé. Aux archives de ma vie, à ces souvenirs qui ne pourront plus jamais cohabiter avec le présent. « … De bien… » J’esquissai un vague sourire, hochant simplement la tête, ne trouvant rien de plus à ajouter pour chanter les louanges de mon mari.
Parce que c’était ainsi. Isaac avait été quelqu’un de bien et absolument aucun mot ne pouvait réellement égaler ce que je pensais à propos de lui. Je préférais garder tout pour moi, au fond de mon cœur, pour protéger cette intimité singulière que je pouvais encore partager avec sa mémoire.
J’avais entendu dire qu’avec le temps les personnes avaient tendance à idéaliser les disparus ; qu’avec le temps, nous finissions par ne voir que les bons côtés, les qualités de ces défunts qui nous étaient chers. Cela était parce qu’ils nous manquaient, ou bien tout simplement parce que nos souvenirs nous faisaient défauts. Certains membres de ma famille m’avait dit que cela serait la même chose pour moi. Qu’au fil du temps, je verrais mon mari comme un héros. Ils ne s’étaient pas trompés. Je le voyais comme tel ; et, ce, depuis le premier jour où j’étais devenue veuve. Cependant, j’avais l’intime conviction que je ne me trompais pas. Que cela n’était pas mon esprit qui me poussait à oublier tous ses mauvais côtés pour ne se rappeler que des bons. J’étais persuadée, d’absolument tout mon cœur, qu’il l’était. Qu’il était réellement un héros.
Après tout, je me rappelais de ce qu’il avait été. Je savais très bien qu’il avait eu des défauts, qu’il avait souvent été dur et trop protecteur, sévère et autoritaire. J’entendais encore certaines de mes paroles claquer dans mon esprit mais c’était ainsi ; malgré toutes ces facettes de sa personnalité, il avait été mon mari. Il avait été cette personne que j’avais promis d’aimer jusqu’à ce que la mort nous sépare même si, à présence, mon cœur semblait me répéter que mon engagement allait bien au-delà de cela. Il avait été cet enfant qui m’avait fait la cour, cet adolescent qui m’avait fait rougir, ce jeune homme qui m’avait fait rêver, cet homme que j’avais admiré. Il avait été toutes ces personnes en absolument une seule ; alors, oui, je me souvenais de tout. Je me souvenais de ses doigts qui couraient sur ma peau et de ses sourires. Je me souvenais de ses traits tirés lorsqu’il était en colère et nos querelles lorsqu’il avait souhaité que je rentre aux Etats-Unis. Je me souvenais de la tristesse qui avait voilé son regard lorsqu’il avait appris que j’avais fait une fausse couche dans les premiers mois de ma grossesse, je me souvenais de ses instincts protecteurs dès qu’il était question de moi. Je me souvenais. Je me souvenais d’absolument tout et c’était ces souvenirs qui m’hantaient la nuit, qui m’hantaient quand j’étais seule.
Mais absolument pour rien au monde j’aurais souhaité oublier. J’aurais souhaité l’idéaliser. Parce que, par-dessus tout, j’aimais me dire que je le voyais comme il avait été. Et que je le considérais comme un héros malgré toutes ses erreurs.
Je sentais le regard de Theodore sur moi et je soutenais son regard, exprimant mes craintes et mes questions avec une certaine retenue dans la voix ; il avait son enfant dans ses bras et je peinais à ne pas la couver du regard. Elle paraissait sereine, ainsi. Elle n’avait pas encore connaissance de toutes ces choses que la vie lui réservait, après tout. « Ne peux-tu pas l’avoir adopté tout simplement ? Je considère parfaitement ton point de vue et je ne veux pas que tu sois mal à l’aise avec les tiens. Tu peux expliquer que tu adoptes ma fille parce qu’elle avait besoin d’une mère, et que tu voulais une famille. J’accepte toutes les excuses, du moment que la vérité sur mon identité reste cachée. » me répondit-il et je le toisai durant quelques instants avant de considérer ses paroles. Je savais que cela conviendrait sans doute à mes proches. Je savais que la plupart d’entre eux ne se poseraient pas de questions ; j’avais cette facilité à maintenir les autres hors de ma vie privée avec une facilité déconcertante. Tous mes amis qui savaient que j’étais veuve pouvaient facilement être comptés sur les doigts d’une main. J’étais discrète et dévouée à écouter leur vie. Pas à raconter la mienne. Doucement, tandis que je continuai de réfléchir, Theodore déposa Jasmine sur le canapé avant de se tourner vers moi. « Tu ne peux te déshabituer d’une idée, mais je te parle d’un sentiment. » m’adressa-t-il avec douceur. « C’est en toi. Tu ne peux pas te débarrasser de ta fibre maternelle. » J’esquissai un sourire, mes yeux plongés dans les siens comme pour tenter de dénouer le vrai du faux. Je savais qu’il n’était pas le genre de personnes à séduire les autres en mentant effrontément concernant des vérités fondamentales ; je le voyais dans ses prunelles qu’il disait la vérité. Peut-être avais-je la fibre maternelle. Peut-être était-ce mon domaine. Je ne savais pas si cela était parce que j’avais toujours eu en tête de devenir mère ou si cela était parce que j’étais tout simplement infirmière. « Je suis la candidate parfait, c’est ça ? » demandai-je doucement, secouée d’un petit rire. Au fond de moi, mon cœur me serrait. Il me serrait tellement fort, tant je pouvais réfléchir à la situation. Je tournai la tête pour observer Jasmine, demeurant silencieusement pendant quelques instants. « Et à elle ? Qu’est-ce que je pourrais bien lui dire, à elle ? » poursuivis-je dans un murmure. J’avais la sensation que la panique se déversait dans mes veines, comme si mon calme refusait de demeurer au fond de mon être.
Je l’observai, encore et encore. J’observai ce bébé orphelin de mère sans parvenir à trouver une réelle solution. J’étais partagée entre une centaine d’opinions différentes. Je n’étais pas une personne impulsive. Et, pourtant, Theodore me demandait d’être rapide dans mes décisions, me poussant à la précipitation. A une précipitation nécessaire. « Je… Je suis d’accord. » finis-je par déclarer avant de prendre une profonde inspiration. « J’aurais besoin de… De quelques jours, cependant. Pour changer mes gardes à l’hôpital et… Rendre mon appartement accueillant pour un bébé. Acheter un berceau, des biberons, des couches et des peluches… » Je contrôlai ma respiration avec obsession, presque ; mon esprit, quant à lui, listait avec précaution toutes les choses auxquelles je me devais de songer. J’allais sans doute trop vite, trop vite pour mon propre bien. Trop vite tout court. Mais peu importait.
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() message posté Mar 24 Fév 2015 - 1:23 par Theodore A. Rottenford
“I've worked too hard and too long to let anything stand in the way of my goals. But it’s the things we love most that destroy us.” Je me sentais à découvert entre les murs de sa demeure chaleureuse. Olivia pouvait soulever les voiles sur mes mystères avec une facilité presque déconcertante. Elle avait ses propres manies avec moi comme sa façon de me fixer avec impudence à la recherche d’une lueur de bonté,  ou la manière qu’elle avait de me présenter le couffin de Jasmine comme si j’étais digne d’être son père.  Mon souffle se versait dans la clarté de la pièce avant de s’évanouir comme un mirage lointain. Les sentiments qui m’animaient en sa présence avaient toujours été très complexes ; mélange de respect, de passion et d’admiration, mais malgré sa beauté délicate et ses formes aguicheuses je ne m’étais jamais permis de la regarder comme les autres femmes. Je lui accordais toutes mes pulsions retenues et mes sentiments les plus distingués, tel que mon éducation religieuse me l’incombait. Elle était à l’image de mes espoirs inatteignables et de l’horizon perdu dans mes songes. Comment pouvais-je tromper la mémoire d’Isaac ou troubler la sérénité de son regard océan ?  Je secouai délicatement la tête avant d’écraser mes doigts contre mon oreille sourde. Les bourdonnements de ma conscience perturbaient le fil de mes pensées me sommant de respecter le deuil de cette créature merveilleuse, et je ne pus m’empêcher de penser que cet ange tombé du ciel vive en peine pour l’éternité sans être corrompu par la douleur. Je ne pus m’accrocher aux lumières des hautes plaines sans me demander si mon côté du paradis n’était qu’une illusion d’absolution. Je plissai les yeux en récitant quelques versets bibliques ; “car j'estime que les souffrances du temps présent n'ont pas de proportion avec la gloire à venir qui sera manifestée en nous.” Je pouvais parler au Dieu et m’entretenir avec le diable durant des heures sans jamais trouver le miracle de la raison. Ma foi se consumait face aux obstacles de l’existence malsaine d’un justicier maculé de sang et poussière. Jazz cédait au sommeil contre ma poitrine et je retins mon souffle pendant quelques secondes en la couvant du regard. Elle était si petite, j’avais parfois l’impression qu’elle pouvait tenir dans une seule main. Ses narines minuscules vibraient au gré des fluctuations de l’air autour de son visage fermé. Elle n’avait probablement aucune conscience du monstre que j’étais. Elle ne pouvait qu’aimer la fausse chaleur humaine que je lui miroitais et les berceuses maladroites que je lui murmurais en secret. Je relevai lentement mes yeux bleu gris presque sombres sur l’expression émouvante d’Olivia. Je comprenais son appréhension mais je percevais aussi tous les flux de maternité qu’elle tentait de refouler. Je déglutis en soutenant les courbures délicates de sa mâchoire et les froncements de ses petites lèvres. Elle était certainement la seule personne qui osait me regarder en face sans  broncher. La jeune infirmière avait le silence plein de sagesse et de puissance. Elle était imperturbable comme une divine sculpture taillée dans le marbre glacé. Je posai Jasmine sur le canapé afin de me concentrer sur notre conversation. «Je suis la candidate parfaite, c’est ça ?» Souffla-t-elle avec un rictus serré. «Et à elle ? Qu’est-ce que je pourrais bien lui dire, à elle ?» Je clignai des yeux avant de lui adresser un sourire neutre. «   Tu n’es pas une candidate que j’ai choisi dans une longue liste de prétendantes. Ton visage est apparu comme une évidence. Si ce n’est pas toi je prendrais un nom commun et je brouillerais les pistes. » Je me redressai avec nonchalance. «   Je n’ai pas besoin d’une personne physique quand j’y pense mais Olivia, Jazz a besoin d’une  mère pas d’un nom. Tu lui diras qu’elle avait besoin de toi. J’ai besoin de toi. » Cette déclaration m’était venu spontanément. Je n’étais pas du genre à prononcer les mots dégoulinants de mièvreries. Je préférais sauver les apparences et me percher en haut de ma tour de glace, mais la situation nécessitait une certaine implication émotionnelle de ma part. Mon cœur se serra dans ma poitrine malmenée par les agitations de mon esprit. J’avais si peur de dépasser les limites de la bienséance et de faillir à mon devoir d’ancien soldat.

«Je… Je suis d’accord. J’aurais besoin de… De quelques jours, cependant. Pour changer mes gardes à l’hôpital et… Rendre mon appartement accueillant pour un bébé. Acheter un berceau, des biberons, des couches et des peluches….»  Finit-elle par céder. Je postai ma main sur mon menton afin de cacher mon expression niaise et soulagée. J’étais si reconnaissant et si touchée à la fois. Les vibrations de sa voix s’évanouissaient comme des ombres gémissantes dans la nuit afin de laisser place à un calme plat. Je fis un pas en sa direction avant de me rétracter. Pas de débordement affectif, aucun contact physique, rien …  «   Je crois qu’elle n’aime pas les peluches. » Commençai-je avec légèreté. «   Elle utilise un T-shirt à moi comme doudou. Elle se désintéresse des autres jouets pour enfant. C’est étrange.   » J’haussai les épaules en me penchant vers le mur derrière moi. Olivia n’avait pas besoin de faire autant d’efforts, je pouvais faire livrer des fournitures et tout le nécessaire dans la semaine mais je suppose qu’elle désirait de se familiariser avec sa nouvelle condition de mère. Elle avait certainement besoin de choisir avec un soin tout particulier chaque couleur et chaque décor pour la future chambre de Jasmine ici. «   Je suppose que nous serons amené à nous voir très souvent. Tu découvriras que je suis obsédé par la propreté et que je regarde ma nourriture pendant de longues minutes avant de la mettre dans ma bouche. » Soufflai-je dans une tentative ratée de détendre l’atmosphère. Notre marché incluait la présence de Jazz dans sa vie. Pas la mienne. Pourtant je voulais sombrer dans le fantasme à ses côtés.
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() message posté Sam 28 Fév 2015 - 16:02 par Invité
it’s the things we love most that destroy us. ;; the most damaged people are the wisest. all because they do not wish to see anyone else suffer the way they do. ✻✻✻ Aussi loin que je puisse m’en souvenir, j’avais toujours désiré avoir des enfants. D’avoir ceux d’Isaac. J’avais aspiré à devenir mère dès mon plus jeune âge ; je m’étais imaginé entourée d’une multitude de gamins, tous m’appelant maman, tous poussant des cris d’allégresse et sautillant tout autour de moi. J’avais eu des rêves plein la tête et des désirs encrés au corps. J’avais cru assister à la réalisation de tous mes souhaits le jour où j’avais appris que j’étais enceinte d’Isaac, il y avait des années de cela. Mon cœur s’était brisé quand, finalement, notre bébé n’avait pas survécu. Et mes rêves, eux, avaient été éventrés le jour où mon mari avait rendu son dernier soupir.
Depuis, je n’avais plus songé à être mère. J’avais enfermé mes instincts maternels au fond de mon être, persuadée que je terminerais seule, persuadée que toutes ces choses que j’avais désiré de tout mon cœur ne trouveraient jamais de finalité. J’avais enterré avec Isaac mon envie d’avoir une descendance. Mon envie d’aimer des petits êtres bien plus fort que je ne pouvais m’aimer. Je m’étais retrouvée seule avec l’illusion d’un futur qui aurait pu être meilleur et, depuis, je ne savais même plus si j’étais réellement vivante moi-même.
J’avais été censée avoir les enfants d’Isaac, après tout. Nous aurions dû former une famille. Elever nos petites filles et nos petits garçons ensemble. Les aimer de tout notre être, de tout notre cœur.
Mais Isaac était mort. Nos enfants, eux, n’auraient jamais l’occasion de voir le jour.
Mon regard était perdu sur la silhouette de la fille de Theodore, et je me rendis compte, au fil du temps, que je me perdais dans mes espoirs perdus. J’étais si partagée et si confuse que je ne parvenais plus à réfléchir correctement. J’avais peur de ce que cela signifiait, peur du futur, même. Je voyais Jasmine comme une chance mais également comme un risque. Elle m’aspirait toute l’affection du monde mais j’étais si effrayée de ce que cela signifierait réellement. Je ne pouvais m’empêcher de penser à Isaac. Je ne pouvais m’empêcher de penser aux autres. A elle, plus tard, qui ne comprendrait sans doute pas pourquoi je n’étais pas sa vraie mère. Me détesterait-elle ? M’en voudrait-elle ? Je ne savais pas. Je ne pourrais jamais être sûre. C’était un tir dans le vide, dans le néant. Seul l’avenir m’apporterait des réponses. « Tu n’es pas une candidate que j’ai choisi dans une longue liste de prétendantes. Ton visage est apparu comme une évidence. Si ce n’est pas toi je prendrais un nom commun et je brouillerais les pistes. Je n’ai pas besoin d’une personne physique quand j’y pense mais Olivia, Jazz a besoin d’une mère pas d’un nom. Tu lui diras qu’elle avait besoin de toi. J’ai besoin de toi. » J’esquissai un sourire à son attention, touchée par ses paroles pleines d’une certaine gentillesse. Je ne connaissais pas Theodore sous ce jour-là et cela m’inspirait à la confiance ; je devinais aisément qu’il ne lui était sans doute pas facile de prononcer ce genre de parole, de faire ce genre de déclaration.
Cela me touchait, oui. Mais cela ne faisait qu’accroitre ma peur du faux-pas et de l’avenir.
Tremblante, je finis par accepter sa demande. Les mots dépassèrent mes pensées et je me retrouvais à songer à des détails comme si cela avait une réelle importance. Mon esprit s’emballa seul au fond de moi, imaginant la chambre que je donnerais à la petite, réfléchissant à la disposition des meubles et à la couleur de la peinture. J’avais la sensation de replonger dans le passé, dans cette époque où je feuilletais les magazines pour jeunes parents afin de me conforter dans mes rêves et mes espoirs. J’eus un sourire. « Je crois qu’elle n’aime pas les peluches. Elle utilise un T-shirt à moi comme doudou. Elle se désintéresse des autres jouets pour enfant. C’est étrange. » me déclara Theodore et je fonçai légèrement les sourcils. « Je suppose que nous serons amené à nous voir très souvent. Tu découvriras que je suis obsédé par la propreté et que je regarde ma nourriture pendant de longues minutes avant de la mettre dans ma bouche. » J’esquissai un sourire en hochant la tête. Mes pensées, elles, étaient loin, très loin, à des lieux de cette réalité. Elles s’occupaient d’imaginer l’allure du berceau. Elles s’occupaient en départageant l’orange crépusculaire et le vert pastel. Je levai les yeux vers Theodore avant d’hausser légèrement les épaules, le dos droit. « Ne t’en fais pas pour cela, je m’habitue facilement aux sales manies des autres. » lui répondis-je avec douceur avant de pousser un soupir. Il y avait tant d’émotions en mon sein que je peinais à toutes les dissocier ; je notai de l’anxiété qui se détachait du reste, mais également une pointe d’excitation que je ne comprenais pas très bien. « Je lui achèterai des peluches quand même. Pour décorer sa chambre, au moins. » finis-je par ajouter en lui adressant l’ébauche d’un sourire. « Je ferais vider une chambre d’ami pour en faire sa chambre à elle. J’ai peut-être des affaires pour bébé dans mes placards. » Je sentis ma gorge se serrer, doucement. Je pris quelques instants pour focaliser mon attention sur ma respiration. « Avec Isaac… On a failli avoir un bébé, tu sais. » Je n’allais pas plus loin, déjà mal à l’aise de me confier sur un pan de mon histoire sans y avoir été conviée. Je savais qu’Isaac n’avait pas désiré en parler à qui que ce soit ; nous avions gardé cela pour nous, maintenant le secret sur cet échec qui nous avait tous les deux affectés.
Il avait blâmé les conditions de vie en Afghanistan. Cependant, j’avais fini par me dire, avec les années, que cela était sans doute parce que nous n’avions pas été destinés à avoir des enfants ensemble. Comme si le temps avait su, d’une certaine manière, qu’Isaac me serait arraché bien trop tôt. Bien trop vite.  
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