i’ve spilled you out on someone else’s lips (clarence)

it felt more like drowning and less like a kiss ✻✻✻ Ses yeux passaient de sa bouteille de vodka à peine entamée à son téléphone portable, comme si répéter ce geste allait lui permettre de prendre une décision. Elle ignora finalement ce dernier pour reprendre une gorgée, avant de se lever et de faire quelques pas dans l’appartement vide. Scarlet n’avait pas l’habitude qu’il soit aussi silencieux, que sa sœur et son frère ne soient pas là et qu’elle passe sa seule journée de congé de la semaine à boire en cachette. Elle reprit une gorgée, grimaça alors que sa gorge lui brûlait et referma finalement la bouteille. Avec des mouvements précis, elle retourna dans sa chambre la ranger dans son armoire, puisque le congélateur était hors de question, sentant tout juste les effets de l’alcool l’affecter. Une fois de retour dans le salon, elle ramassa finalement son portable et fit défiler sa liste de contacts de son pouce. Son regard s’attarda un moment avant qu’elle ne porte finalement l’appareil à son oreille, après avoir appuyé sur appeler. La tonalité résonna dans son oreille quelques instants. It’s Blake, leave a message. Agacée, Scarlet raccrocha. Elle ne savait même pas ce qui l’avait poussé à l’appeler. Elle s’était pourtant assurée ces dernières semaines que la blonde comprenne que ce qui se passait entre elles ne voulait rien dire. Elles n’étaient que des relations de travail qui en profitait pour s’amuser un peu à côté. Elle se l’était souvent répété, l’avait même plusieurs fois prononcé à voix haute à l’intention de celle qui était désormais son éditrice. Ce n’était que purement sexuel. Ce n’était pas forcément elle qui l’attirait, simplement ce qu’elle pouvait lui faire ressentir sous les couvertures et au fond, elle se plaisait à croire que cela n’aurait pas été bien différent que si elle avait été avec un homme. Pourtant, les courbes féminines de Blake étaient les premières sur lesquelles elle avait jamais posé la main. Peut-être était-ce pour cela qu’elle n’arrivait pas à se la sortir de la tête, surtout lorsqu’elle buvait. Peut-être était-ce parce que cela lui semblait différent, tout simplement. Scarlet se mordit la lèvre inférieure et après avoir hésité un peu trop longuement, elle attrapa son manteau et son sac, avant de sortir de chez elle. Prendre l’air lui ferait du bien et avec un peu de chance, le fiancé de Blake ne serait pas là si elle lui rendait visite. Au pire, elle pouvait toujours prétendre être venue pour travailler sur son recueil.
Lorsqu’elle sortit du métro, elle commença à regretter un peu sa décision, les embrumes de l’alcool ayant totalement quitté son esprit. Elle se dirigea néanmoins vers l’immeuble d’Olivia, où le portier lui ouvrit la porte. Un sourire gêné aux lèvres, elle se dirigea vers le concierge.
« Bonjour Sergio, » commença-t-elle.
La dernière fois qu’elle lui avait parlé, son état d’ivresse était bien pire et minuit était passé depuis longtemps. Cela avait été loin d’être sa meilleure décision.
« Est-ce qu’il serait possible de prévenir les Marshall que je suis là pour voir Blake ? »
Le concierge décrocha son téléphone, un sourire aux lèvres mais elle n’entendit pas la réponse de celui qui décrocha – Olivia, certainement. Quelques secondes plus tard, Sergio lui montrait le chemin jusqu’à l’ascenseur et tourna la clef près du numéro de l’étage d’Olivia. Les portes se refermèrent et elle poussa un long soupir, n’ayant aucune idée de la raison pour laquelle elle était là. Une soudaine envie qu’elle aurait certainement mieux fait de garder enfouie. Les portes se rouvrirent et elle fit un pas dans l’appartement qu’elle connaissait un peu mieux maintenant. Elle eut un mouvement de recul en voyant le jumeau de Blake plutôt que cette dernière, cependant. Elle ne l’avait croisé que quelques fois et n’avait pas réellement retenu son prénom. Elle lui fit un sourire.
« Oh, salut. Tu m’as fait peur, » admit-elle en quittant totalement l’ascenseur. « Blake est là ? »
Elle réalisa enfin que ce n’était peut-être pas le cas et qu’elle n’aurait plus qu’à rentrer chez elle.

Le téléphone de l'entrée sonne. Assis sur l'un des fauteuils du salon, je retire mon visage d'entre mes doigts dans un soupir las. Un regard alentour me prouve bien qu'il n'y a personne ici, à part moi. Tout le monde est au-dehors, là où je leur avais dit que je me trouverais également. Mensonge. J'aurais pu sortir, je suis relativement sociable malgré ce que l'on pourrait croire – surtout parce que j'ai réellement besoin du regard des autres, en réalité. Mais... La dernière sortie effectuée est bien trop fraîche, comme une plaie béante qui ne se refermera qu'avec le temps. Le souvenir de cette angoisse, cette sensation d'oppression et ce toucher froid contre la peau de mon cou n'a l'air que plus réel au fil des heures. C'était hier, pourtant, mais je n'arrive pas à me l'enlever du crâne. J'ai totalement paniqué, me montrant plus que vulnérable en public... Surtout lorsque cette médecin m'a effleuré le cou. C'est quelque chose de viscéral, de désormais ancré en moi : rien ni personne ne doit effleurer cette partie-là. Dès que cela arrive, je revis ce manque d'air, ce presque étouffement de mon enfance. Je serre les dents, me levant du fauteuil à la nouvelle sonnerie pour m'avancer vers le téléphone donnant sur celui du hall de l'immeuble. Je décroche, répondant d'une voix neutre au concierge que j'essaie d'éviter depuis la menace plus que réelle d'Olivia de dormir avec ce vieil homme. J'aurais pu me sentir gêné de le faire en sachant que ce n'est pas vraiment chez moi, ici, mais ce n'est pas quelque chose qui me vient naturellement. Une personne m'a dit un jour que je me comportais comme si le monde m'appartenait, et que la chute n'en serait que plus douloureuse. La chute mise à part, je trouve l'image assez parlante et plutôt vraie. Enfin... Si je mets mes démons intérieurs de côté. « Mademoiselle Lancaster est ici. » M'annonce soudainement la voix amicale du concierge. Je hausse un sourcil, retenant la pique qui me vient, réflexe lorsqu'il s'agit de n'importe quoi en relation avec Blake. « Faites la monter. » Me contenté-je de répliquer avant de raccrocher, passant une main dans ma nuque en rejoignant l'entrée d'un pas traînant. Je me souviens vaguement de cette brune, censée travailler avec ma frangine. Je n'arrive même pas à étouffer cette voix, au fond de moi, qui n'a de cesse de murmurer l'espoir que Blake échoue. Je ne sais même pas comment je me sentirais si elle réussissait. Serais-je pire avec elle ? Est-ce simplement possible de l'être, en réalité ? Un vague sourire me vient alors que j'ajuste dans un réflexe obsessionnel l'état de mes vêtements, passant distraitement mes doigts sur les plis de ma chemise foncée. Rapidement, j'entends le bruit presque inexistant de l'ascenseur se figeant, avant que ses portes ne s'ouvrent sous mes yeux. Ceux-ci se posent brièvement sur la silhouette de la jeune femme avant de remonter vers son visage, lui offrant un léger sourire. Sourire qu'elle me rend, après un mouvement de recul qui m'attire un air un peu perplexe. « Oh, salut. Tu m’as fait peur, » Je hausse un sourcil, gardant mon sourire aux lèvres. « Je ne pensais pas être aussi effrayant. » Répliqué-je d'un ton grave, amusé. « Blake est là ? » A sa question, mon sourire se fige avant de s'élargir légèrement. Je jette un œil dans mon dos, plus pour marquer ma réponse à venir que pour m'assurer de son absence, puis effectue un pas en direction de la brune. Dans un mouvement d'épaule, je rétorque. « Je crains que non. Elle est sortie avec son fiancé il y a environ une heure. » Fiancé. Voilà un mot que je hais prononcer, surtout lorsque ça la concerne. Me pinçant brièvement les lèvres, je désigne la cuisine d'un geste de la main, refusant de compléter ma phrase première. Ce n'est pas en insultant ma sœur auprès d'elle que je vais pouvoir gagner des points. S'il y a bien une chose que j'ai appris à faire depuis toutes ces années, c'est être plus qu'agréable avec son entourage à elle – du moins, en général – uniquement pour fausser les dires qu'elle aurait à mon sujet. Cela pourrait paraître assez... Tordu, voir cruel de tout faire pour l'énerver ainsi, mais j'ai appris à fonctionner de cette manière-là. Peut-être aussi parce que le Clarence, au fond du Marshall que je semble être, a un peu trop besoin de ne pas être détesté de tout le monde, bien au contraire. « Tu veux quelque chose à boire, en attendant ? Peut-être qu'elle n'en a pas pour très longtemps. » Repris-je rapidement, pourtant persuadé que ma sœur ne sera pas là avant quelques heures. Mais en plus d'être plutôt jolie, elle pourra au moins me faire oublier les démons qui reviennent me hanter depuis la veille.

it felt more like drowning and less like a kiss ✻✻✻ Se rendre chez Olivia lorsqu’elle avait un peu de temps était devenu un réflexe. Ce n’était qu’un prétexte, évidemment, pour profiter de la présence de Blake si elle était là. Ce n’était qu’un prétexte, mais évidemment, elle essayait de se convaincre du contraire. Elle ne faisait que passer, après tout. Puisqu’elle était là, autant en profiter. C’était les phrases qu’elle se répétait, sans réellement y croire, sans réellement parvenir à les forcer à présent. Plus depuis que Blake lui avait promis qu’elle mettrait fin à ses fiançailles, plus depuis qu’elle avait réalisé que se mentir plus longtemps serait ridicule. Elle ne parvenait pourtant pas à mettre un mot sur leur relation. Elles n’étaient pas ensemble. Elles n’étaient pas amoureuses. Mais ses lèvres sur les siennes étaient quelque chose que Scarlet avait du mal à se sortir de l’esprit. Au fond, elle évitait d’y penser. Elle évitait d’y accorder de l’importance, espérant que cela voudrait dire que leur relation n’en avait pas.
Voir que Blake n’était en effet pas là l’avait quelque déçue, surtout qu’elle ne connaissait que très peu son jumeau et qu’il n’y avait personne d’autre. Elle ne pouvait pourtant pas se défiler et repartir, attendre la blonde à son appartement étant la moindre des choses. « Je crains que non. Elle est sortie avec son fiancé il y a environ une heure. » Elle retint une grimace au mot fiancé et força un sourire sur ses lèvres à la place, tandis que le doute s’installait doucement dans son esprit. Cela faisait plusieurs semaines à présent que Blake lui avait dit vouloir rompre ses fiançailles, pour elle et elle y avait naïvement cru. Sans qu’elle ne veuille véritablement, cela l’avait soulagée. Sans qu’elle ne veuille véritablement, cela l’avait rendue heureuse, alors qu’elle essayait toujours se convaincre que Blake n’était qu’une amie, qui s’était simplement trop de fois retrouvée dans ses draps. Mais elle ne l’en avait pas dissuadée. Elle ne lui avait pas dit que cela ne servirait à rien, qu’elle ne voyait pas d’avenir pour elles, car à vrai dire, elle n’en savait absolument rien.
Devant elle, le jeune homme continuait de faire la conversation, faisant un geste vers la cuisine. « Tu veux quelque chose à boire, en attendant ? Peut-être qu'elle n'en a pas pour très longtemps. » L’invitation était tentante, même si elle savait parfaitement que si Blake rentrait avec son fiancé, elles ne pourraient pas avoir d’intimité. Elle sourit de nouveau, légèrement. « Pourquoi pas, si ça ne te dérange pas que je l’attende. » Elle le suivit dans la cuisine, après avoir déposé sa veste sur une chaise de l’entrée, se retenant de passer devant. L’appartement d’Olivia lui était devenu bien trop familier ces dernières mois, puisqu’elle y avait passé le plus clair de son temps, en dehors de ses services au restaurant japonais où elle travaillait. Eugenia cherchait de plus en plus à trouver son indépendance et elle ne pouvait pas réellement lui en vouloir, si bien que l’appartement vide lui plombait bien trop souvent le moral. « C’est Clarence, c’est ça ? » demanda-t-elle en entrant dans la cuisine, se souvenant vaguement de son prénom. Blake lui avait pourtant souvent parlé de lui, lui confiant à quel point elle avait souffert toute sa vie de l’enfer qu’il lui faisait vivre. Elle n’était cependant pas sure de parvenir à le juger, ayant été particulièrement détestable avec Eugenia lorsqu’elles étaient au lycée, malgré l’amour qu’elle lui portait déjà à l’époque. Tandis que Clarence s’affairait, Scarlet laissa son regard se perdre sur le réfrigérateur, où plusieurs papiers y avaient été aimantés, comme lorsqu’à chaque fois qu’elle venait. Pourtant, elle reconnu sans mal le faire-part du mariage de Blake et Andrew, qui n’aurait plus dû être là, au beau milieu de la porte. Son cœur rata plusieurs battements, alors qu’elle réalisait que ses craintes n’étaient pas infondées. Blake n’avait jamais véritablement prévu d’annuler le mariage, elle aurait dû s’en douter. Et à présent la date approchait et elle n’allait certainement plus l’annuler. Scarlet s’approcha du réfrigérateur, passant légèrement les doigts sur le papier cartonné. « Ils vont se marier à Londres ? » demanda-t-elle d’un ton qui se voulait distrait. Elle se retourna vers Clarence, laissant tomber sa main.  « Blake et Andrew, » précisa-t-elle finalement. « Ou est-ce que vous allez tous enfin vous décider à retourner aux Etats-Unis à temps ? » ajouta-t-elle avec un sourire, voulant donner l’impression qu’elle plaisantait. Pourtant, le cœur n’y était pas.