(✰) message posté Jeu 11 Sep 2014 - 9:30 par Invité
Catch me, if you can
Sous le jet d'eau tiède de sa cabine de douche, Junroy se sentait épié. En se détournant de la paroi carrelée pour faire face à la sortie tout en promenant le savon sur son torse, il découvrit que deux de ses collègues de boulot étaient plantés vers les casiers et le mataient sans vergogne. Ce genre de situations ne l'avait gêné que les premiers jours mais il travaillait ici depuis plusieurs années maintenant et il les connaissait bien. Il avait vu de très près certaines parties de leur anatomie et vice-versa. Oubliant de s'asperger la tête, il se rinça et coupa l'eau avant de sortir de la cabine depuis toujours dépourvue de rideau. « Vous croyez que j'ai pas eu assez d'yeux braqués sur mon cul pour ce soir ? Pas besoin d'ajouter vos paires, bande de vieux pervers » grogna-t-il en saisissant une serviette blanche que le club mettait à disposition. Dean, encore à moitié déguisé en pompier, ricana : « Justement, tu les as vues tes jolies fesses ? On dirait que les mecs ont pas fait que les reluquer ce soir. » Au froncement de sourcils de son interlocuteur, Paul (en train de sortir de son costume de comptable) expliqua avec son accent scandinave : « Tu as plein de petits bleus. » Et merde ! Jun avait du endurer beaucoup de mains baladeuses ce soir et c'est vrai qu'il en avait senti certaines le pincer. Tenant la serviette au niveau de son entre-jambe dans un réflexe de pudeur absurde ici, le jeune homme alla tourner le dos à un miroir sur pied et se dévissa le cou pour constater les dégâts. Il y avait bien cinq ou six petites auréoles légèrement violacées sur sa peau pâle d'irlandais. Il se secoua la tête, désespéré.
Vêtu présent vêtu de son seul jeans sans trou et d'une veste à capuche noire ouverte sur un t-shirt qui fut parfaitement blanc un jour, Jun arpentait les trottoirs autour du Queer Club. Pas pour ce que vous croyez, hein. Quand il décidait de coucher pour de l'argent, c'était toujours avec un client de le boîte de nuit qui lui avait proposé une petite fortune. Il n'était pas désespéré au point de faire du racolage dans la rue. En y pensant, il checka une nouvelle fois son vieux téléphone pour s'assurer qu'il n'avait pas de message de Kenzo, avec qui il bossait parfois en binôme sous les couvertures. Aucun message. Pas même d'un de ses frères et sœurs. La soirée avait du être calme chez les O'Flahery. C'était plutôt rare. Jun ne faisait plus l'erreur de se garer à coté du Queer Club comme il l'avait fait les premières semaines où il avait commencé à travailler ici. Des énergumènes l'en avaient peu à peu dissuadé, qu'il s'agisse de fans un peu trop insistants ou au contraire d'homophobes venus cassés du pédé. Pourtant, cette nuit-là, il aurait bien voulu ne pas avoir à faire ce petit kilomètre de trottoir et par là même ne pas avoir à croiser Julian Fitzgerald, une figure sortie du passé. Comprenez-le bien, c'était une belle figure – on ne pouvait pas lui enlever ça – mais sa vue lui rappelait dans quelle merde effroyable il était resté. Ils se connaissaient depuis longtemps. Ou plutôt ils s'étaient connus il y a longtemps. Julian, lui, avait réussi à se sortir de la misère de leur quartier. Il avait pu échapper au traitement abusif de son père, avait pu faire des études, avait pu trouver un bon job et avoir l'air à présent tout à fait à l'aise dans la société. Il n'avait pas eu à abandonner ses rêves pour s'occuper de quatre frères et sœurs, puis de six. Il n'avait pas eu à prendre un job de dépravé dans un endroit craignos juste pour payer les factures astronomiques d'une famille aussi nombreuse. Alors, bien sûr, Jun savait bien qu'il n'avait pas le droit d'en vouloir à Julian pour ça. Sans doute même qu'il aurait du être heureux de sa réussite. Oui, mais depuis quand est-ce que la jalousie est un sentiment raisonné ?
Vous savez, ce phénomène bizarre qui fait que quand vous pensez à une personne vous recevez étrangement un texto de sa part dans la minute suivante ? Hé bien, peut-être était-ce à cause du fait que Julian n'avait pas son numéro de portable mais le destin trouva un meilleur moyen d'arriver à ses fins : il plaça son ami d'enfance sur le même trottoir que lui, en sens inverse. De loin et à cause du mauvais éclairage de ce quartier, Jun ne put d'abord pas le reconnaître. Quand ses yeux se posèrent sur sa silhouette, il en apprécia immédiatement l'allure et songea qu'il aimerait bien se faire des mecs comme ça de temps en temps plutôt que les vieux pervers empotés du club. C'était étonnant comme plus il se rapprochait plus il sentait une boule de former dans son ventre, comme si ses tripes avaient compris avant sa tête avec qui il allait bientôt se retrouver nez à nez. Oh crap ! Ça y est, tout son être a réalisé qui arrive maintenant. Vite ! Se cacher. Faîtes que l'autre ne l'ait pas encore vu. Il y a peu de chance à cette distance et ils sont seuls dans la rue. Jun voudrait faire demi-tour mais ce serait vraiment ridicule ; sa voiture (enfin, son épave roulante) n'est plus qu'à quelques mètres devant lui. Il baissa la tête et accélère le pas. Avec un peu de chance, il arrivera à monter dedans et à partir avant que Julian ne l'aborde. Ça l'énerve encore plus de voir comme son ancien voisin a su rester beau. Le voir ainsi ferait presque renaître de ses cendres le béguin qu'il avait pour lui à l'époque. Presque. Parce que ce temps-là est complètement révolu. Même s'il ne veut pas l'admettre, c'est pour Sebastian que son cœur bat à présent.
Jun arriva devant sa voiture.Vite ! Il fouilla dans ses poches à la recherche de ses clefs et se maudit de ne pas juste les laisser sur le contact (qui voudrait piquer un tas de rouille pareil?) En les extirpant de sa poche, il les fit tomber. 'Classique' songea-t-il en se baissant pour les ramasser. A cette distance, il n'y a aucune chance pour que Julian ait manqué de le reconnaître. Plein d'espoir, Jun décida tout de même de faire comme si lui ne l'avait pas vu et il se redressa pour enfoncer sa clef dans la serrure de la portière coté conducteur. Avec un peu de chance, son ancien ami passera sa route. Oui, mais le passé a déjà montré à de nombreuses reprises que la chance ne coulait pas dans les veines de la famille O'Flahery. A la réflexion dans la vitre de sa voiture, Jun capta qu'un corps s'était arrêté à sa hauteur. Il ne voyait pas son visage mais il savait de qui il s'agissait. Double crap ! Déglutissant avec difficulté, il fit volte-face pour découvrir un Julian vêtu avec une élégance qui aurait fait halluciner les gamins qu'ils étaient il y a quelques années en arrière. Et toujours ce visage aux traits doux et ce demi-sourire accroché à ces lèvres fines. Jun en frémit.
« Salut » s'exclama-t-il avec son indifférence la mieux feinte, sur un ton qui signifiait que la conversation était déjà finie, avant de se détourner brusquement pour s'acharner de nouveau sur l'ouverture de sa portière. Il devait partir. Vite, très vite. Sinon, il risquait d'être désagréable. Plus que d'habitude, ce qui n'était déjà pas la moindre des choses à dire.
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(✰) message posté Sam 13 Sep 2014 - 1:52 par Invité
Catchin’ Jun; I never feel lonely if I've got a book - they're like old friends. Even if you're not reading them over and over again, you know they are there. And they're part of your history. They sort of tell a story about your journey through life. Je déambulais dans les rues de Londres, les étoiles plein les yeux. Une étrange sensation d’irréalité faisait corps avec mon âme torturée. Il y ‘avait des senteurs d’alcool, de nicotine et de cannabis partout autour de moi. Comme si je flottais dans un petit nuage, ou que les Dieux avaient enfin décidé d’être clément avec moi. Je fermais les yeux sur l’obscurité ambiante, et tout ce que je voyais était lumières et féeries. Je fis quelques pas chancelants, mais heureusement que les murs crasseux du centre-ville étaient là pour soutenir ma démarche. Quelle idée de me garer à trois rues du club infinity ? Quelle idée de sortir faire la fête en semaine ? Je soupirai avant de prendre un grand bol d’air frais. Je me devais de faire bonne figure au travail, alors quand un gros investisseur avait proposé un diner d’affaire je n’avais pas su me dérober à la pression des autres membres du staff. Je déglutis avec difficulté. Ma salive était chargée de senteurs bizarres, tantôt sucrée, fruitée, puis amère et émétique. J’en avais presque un haut les cœurs.
Le vent glacé qui surplombait cette petite impasse était enivrant. Je me laissais aller à l’exaltation d’un nouveau souffle de vie. Mon corps avait souffert tous les supplices de la chair. Je connaissais le pouvoir de la batte de Baseball et les effets secondaires des coups de poings. Mais être soul, c’était une sensation différente. J’oscillais entre le plaisir et le malaise, comme si je ne me rendais pas tout à fait compte de l’ampleur du mal qui grouillait en moi. C’était toute la beauté de l’ébriété et de l’insouciance ! Je bifurquai dans un sentier étroit, en faisant bien attention à ne pas m’entremêler les jambes.
Plus je m’avançais dans ma course claudicante, plus j’avais l’impression de m’enfoncer dans les abîmes de mon âme. J’étais l’homme qui avait vendu son âme au diable pour mieux gravir les marches de la gloire : Une version sombre et très glauque de moi-même, qui rampait entre ruines et cendres afin de se nourrir de destruction. Je serrai les poings en retournant dans l’avenue principale. Mon long périple était semé de virages et de croisements d’avenues que je ne reconnaissais pas. Etais-je perdu ? Je m’arrêtai un instant afin de me repérer. Dans un instant de lucidité, je décidai de profiter de cette pause afin de m’enivrer de cigarettes à la menthe. Je tâtonnai les poches de mon jeans à la recherche de mon paquet de Marlboro beyond. En vain. J’étais à court d’instruments de plaisir ce soir ! J’haussai les épaules avec désinvolture avant de faire le tour des lieux. Si mon instinct n’était pas aussi débridé que moi, je devrais retrouver ma voiture dans quelques mètres. Il n’y avait personne pour accompagner ma descente aux enfers. Je baissai les yeux au sol en accélérant le pas, quand une ombre attira mon attention. Je me redressai, les sens en alerte. Plus la silhouette s’approchait plus mon cœur frémissait. Comme si j’avais réalisé que je courrais droit à ma perte avant même de reconnaitre mon voisin d’obscur. Un rayon de lune traversa l’allée afin d’éclairer le visage fatigué de Junroy. C’était fou, mais dès que mon regard s'était posé sur lui, une vague de nostalgie s’était emparée de moi. Je voyais mon passé douloureux défiler sous mes yeux et mon cœur se serra. Je souris à moitié en me dirigeant vers lui. Je savais qu’il n’était pas du genre à s’attarder dans des conversations platoniques, mais j’osais espéré qu’il serait plus enthousiaste de me voir. Il se précipita vers sa voiture afin de filer, mais sa lutte acharnée était vaine. Je m’arrêtai devant lui.
« Salut. » Me lança-t-il d’un ton sec, propre aux habitants des quartiers malfamés de Bromley.
J’arquai un sourcil en faisant le tour afin de frôler son épaule.
« Laisse-moi essayer. » Grommelai-je en le bousculant afin de m’acharner à mon tour sur la voiture. « J’avais une épave à l’université qui me faisait exactement le même truc. » Soupirai-je en tirant de toutes mes forces sur la poignée, manquant de la casser.
Mes doigts se crispèrent dans le vide avant de faire une nouvelle tentative, lors de laquelle la porte s’ouvrit à la volée.
« Tadaaa ! » Riai-je à gorge déployée. « Maintenant tu peux t’en aller loin de moi, tranquillement. »
J’haussai les épaules, avant de réaliser que je ne l'avais pas salué.
« Ah et salut ! »
Mon ton était trop enjoué pour sonner de manière approprié. Je tiquai sur mon genou douloureux en le regardant droit dans les yeux. Son visage pâle brillait de mille feux, comme une énorme boule de cristal. Je tendis le doigt afin de toucher une paillette collée sur sa joue.
« Tu te maquilles, maintenant ? » Me moquai-je innocemment.
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(✰) message posté Dim 14 Sep 2014 - 2:31 par Invité
Julian surprit tellement Jun en venant le bousculer pour prendre sa place devant la portière récalcitrante qu'il ne put d'abord rien dire. Il regarda son ami d'enfance tourner et tourner les clefs dans la vieille serrure avec une expertise qu'il devait sans aucun doute à l'expérience. Puis, réalisant soudain qu'il était en train de l'aider alors qu'il ne lui avait rien demandé, l'irlandais serra sa mâchoire qui fut traversée par une vibration de colère contenue. Mais de quoi il se mêlait, bordel ? Il allait lui jeter ces mots à la figure en reprenant de force ses clefs quand Julian parvint enfin à la déverrouiller et l'ouvrit dans un geste théâtral. En guise de remerciements, Jun lui jeta un regard des plus noirs malgré ses beaux yeux bleus. Enfin, d'après ce qu'il avait dit, son ancien ami avait tout de même compris que le jeune homme n'avait aucune envie de lui parler. Bien. Parfait. Comme il se préparait à monter dans son épave, Jun ne vit pas que Julian avait levé une main vers son visage et sursauta quand un doigt chaud rencontra la peau froide de sa joue. Mais, bon sang, qu'est-ce qu'il fichait ?! Le danseur eut un mouvement de recul et claqua sa langue sur ses dents pour marquer son agacement. Julian avait toujours été comme ça. A prendre des libertés au lieu de demander la permission. Il était étrange de penser qu'une personne avec un métier comme celui de Jun était réticente au contact physique mais c'était un trait de la famille O'Flahery. Même entre eux d'ailleurs. Ils s'aimaient, mais de loin. Leur espace personnel était important. Sauf en de rares occasions où un câlin collectif était absolument nécessaire. D'une manière générale, Junroy se méfiait toujours de ceux qui voulaient le toucher.
Voilà. Déjà deux minutes en présence de Julian et Jun avait déjà envie de mettre les voiles. Comme il était presque certain que son ancien ami ne lâcherait pas si facilement le morceau, l'irlandais eut l'idée de lui répondre. Une explication honnête sur les paillettes maculant ses pommettes devrait mieux marcher qu'une bombe insecticide sur une nuée de mouches. Normalement. Inspirant profondément par le nez, Jun se retourna vers son interlocuteur et lui tendit une carte qu'il avait prise dans la poche arrière de ses jeans. « C'est pour mon job. Je danse dans un club gay, vêtu simplement d'un mini boxer argenté qui me comprime les burnes, d'une paire d'ailes blanches en plumes synthétiques qui grattent et de paillettes sur le reste de mon corps. C'est génial, tu devrais essayer. » Après cette déclaration, Jun avait envie de mettre les voiles au plus vite mais il ne résista pas à l'envie de commettre une énième provocation, désinhibé par le fait qu'il était certain que Julian ne lui adresserait plus jamais la parole après avoir entendu ça : « Ah, au fait, j'suis une pédale. Tadaaaa. J'aime sucer des queues. Tiens, je t'ai déjà dit que, quand on était ado, je me masturbais avec la photo de toi prise devant la maison ? Non ? Bah voilà, tu le sais maintenant. Allez, salut ! »
Jun se dépêcha de planter son interlocuteur sur le trottoir pour s'engouffrer au volant de sa poubelle roulante. Il glissa la clef dans le starter et la tourna jusqu'à entendre le moteur démarrer. Enfin, essayer de démarrer. La première fois, il s'étouffa. Le cœur battant, son propriétaire répéta l'opération une seconde fois, puis une troisième fois. Noooonnn ! Cette voiture toute pourrie était en train de lui flinguer sa sortie en beauté. Il aurait l'air malin s'il devait rentrer chez lui en bus – ce qui n'était qu'une manière de parler car, à cette heure-là, il n'y en avait plus pour sa destination. 'Et merde !' songea-t-il en balançant son poing rageur dans le volant, déclenchant accidentellement le klaxon. Il prit une nouvelle inspiration profonde et descendit du véhicule, un semblant de dignité dans son menton qu'il tenait haut. Il referma la portière avec le pied et, sentant que Julian était sur point de dire quelque chose, Jun leva un doigt. « Just... shut up. Je rentre à pieds. » La banlieue de Bromley où il résidait toujours était loin du centre-ville. Il mettrait plusieurs heures à regagner sa maison. Ça l'emmerdait mais pas autant que d'avoir permis à Julian de le voir dans une situation totalement ridicule.
Jun n'avait pas fait trois mètres sur le trottoir qu'il y eut un flash dans le ciel noir suivi d'un grondement sourd. La seconde suivante, des torrents de pluie descendaient du ciel en cascade pour venir lapider tous ceux qui se trouvaient dessous. Jun s'immobilisa et leva le nez en l'air pour s'écrier : « MERDE ! » Il rabattit la capuche de sa veste sur sa tête et courut se mettre à l'abri un peu plus haut dans la rue, sous le haut-vent qu'un café avait omis de déplier. Il ne faisait plus cas de Julian à présent. Il avait d'autres considérations. Comme, par exemple, la manière dont il allait enfin pouvoir rentrer chez lui après une longue soirée de boulot. L'espace d'un instant, il songea à appeler Sebastian. Il savait qu'il était en service ce soir et, aider les autres, c'était pas sensé être ça le boulot des flics ?
A présent, il voyait difficilement comment sa journée pouvait empirer. Pourvu que Julian se casse sans demander son reste. Mais bon... ça aurait déjà été avoir trop de chance...
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(✰) message posté Dim 14 Sep 2014 - 3:57 par Invité
Catchin’ Jun; I never feel lonely if I've got a book - they're like old friends. Even if you're not reading them over and over again, you know they are there. And they're part of your history. They sort of tell a story about your journey through life. Je devais avouer que j’étais mitigé par cette rencontre. Voir Junroy en chair et en os, c’était comme mettre la nation en feu. Je rejetais toutes mes étiquettes actuelles pour replonger dans l’antre d’un démon que j’avais mis des années à mépriser. Il n’y a aucun horizon, aucune limite au destin. J’avais passé de nombreuses années dans la misère psychologique. La mort accidentelle de ma mère avait fauché l’image idéalisée que j’avais d’un père aimant et responsable. Mes espoirs, mes ambitions et mes rêves s’étaient enfuit au gré du temps, sans retour. Nous avions déménagé des quartiers résidentiels du centre-ville afin de nous contenter des ruines d’un immeuble de seconde zone. Je me souvenais encore de mes premiers jours au voisinage de Bromley. Les choses m’avaient semblé irréelles et étranges. Je me sentais de trop dans cet univers sombre et cruel, jusqu’au jour où le visage enfantin d’un garçon à peine plus jeune que moi, illumina ma journée. Junroy avait ralenti ma chute sans l’arrêter. Il avait été là, dans la merde, juste à côté de moi. Je déglutis avec amertume. Pour une raison qui me dépassait, je me sentais mal pour lui. Je voulais annihiler la pauvreté par la seule force de ma conviction, mais mon cœur était meurtri, et mon cerveau gardait encore les séquelles de mes déboires en boite de nuit.
Je le regardai d’un air incertain. Etais-je supposé sauter de joie à l’idée d’avoir retrouvé un ami d’enfance ? Parce que soyons clairs, ce n’était définitivement ce que je ressentais. J'étais juste soulagé de le retrouver vivant.
Il me lança un regard noir que je trouvais complètement injustifié étant donné la situation. Je venais de lui rendre service, fais chier quel ingrat ! Il me toisa comme si j’étais un inconnu venu l’importuner en plein milieu de la nuit. Je soupirai. Je devais avouer que ma fierté en prenait un coup. Il eut un mouvement de recul lorsque ma main se dressa vers sa joue glacée. Je le fixai, perplexe par l’agressivité de ses réactions. Il me tendit une carte visite d’un air discourtois. Mais ça va pas ? Je vois que j’ai droit à un traitement de faveur ! Ma conscience ployait à l’intérieur de ma tête, outrée par tant d’affronts. Je saisis le bout de carton en ne l’écoutant qu’à moitié. Il y’ avait dans sa voix une sorte de dédain et de sarcasme qui me fit presque rire. Mais ce serait grossier de m’esclaffer après toutes ces années ? Je me mordis la lèvre inférieure en plongeant mon regard dans le sien.
« Je vois. » Lançai-je avec désinvolture. « Si tes habits de travail te dérangent tellement, tu devrais essayer sans. Ça te ferait peut-être du bien d’airer un peu. » Je marquai un silence, avant de me pencher vers lui. « Je ne sais pas danser. » Chuchotai-je sur le ton de la confidence.
Je me redressai nonchalamment, prenant appui sur le capot de sa voiture pour ne pas perdre équilibre. Le vent qui soufflait titillait mon genou douloureux. Je tentai vainement de réprimer un gémissement lorsque Junroy m’assaillit de révélation à nouveau. Mais qu’est-ce qui lui prenait tout à coup ? Me prenait-il pour un homophobe ?
« Tant mieux pour toi, j’ai toujours rêvé d’avoir un meilleur ami gay. » Raillai-je en frôlant son bras. « Et je suis supposé me sentir coupable parce que je me masturbais sur les photos de ta sœur ? »
Je ne comprenais pas tout à fait ou il voulait en venir. Il se décala brutalement afin de monter dans son véhicule délabré. Je le regardai sans bouger. Il tenta de démarrer à plusieurs reprises, mais les Dieux, ou plus simplement le moteur, semblait me prêter allégeance. Je souris d’un air glorieux. Ma conscience effectuait la danse du feu de et de la joie en se cambrant dans tous les sens. Jun, sorti de la voiture en fulminant. Il claqua la porte et se tourna vers moi pour me couper dans ma réflexion.
« En fait je voulais dire, bien fait pour toi…. Mais tanpis … » Sifflai à voix basse, en constant qu’il avait déjà commencé à longer la rue. J’étais intrigué par la bêtise de ce jeune homme. Je le savais obstiné et téméraire, mais à ce stade là il frisait à folie. Je fis quelques pas dans son dos, mais ma démarche claudicante et les flexions anormales de mon genou me ralentissaient.
« Jun, attend! » Criai-je. Peine perdue. Quand on est con, on est con !
Je tournai les talons afin de faire ce qui me semblait être le choix le plus judicieux: retrouver le siège en cuir de ma berline. J’appuyai sur le bouton start, afin de retrouver ma place de stationnement. Les lumières oranges et rouges clignotèrent en face de moi. Je plaquai une main tremblante sur ma cuisse en traînant jusqu’au véhicule.
La musique qui s’échappait de la radio était enivrante. Je fermais les yeux pendant quelques instants, laissant ainsi le temps à mon corps de se dérober à l’emprise l’alcool. Je m’abandonnai à la fatigue lorsque le bruit de la foudre me fit sursauter. La pluie tombait drue sur le pare prise, et pour une raison qui me dépassait toutes mes pensées allaient vers Jun. Je démarrai en trombe afin de patrouiller dans les alentours. Lorsque je l’aperçu il était abrité sous un haut-vent. Je m’arrêtai en pleine rue afin de le rejoindre. L’eau coulait le long de mon visage avant de se frayer un chemin sous mes vêtements. Je tournai de l’œil en sentant mon ligament se contracter.
« Ecoute on va faire court. Tu ne veux pas me parler, et je n’ai aucune envie de supporter ta mauvaise humeur. Voilà le deal : J’ai un peu bu, et ma rupture du ligament croisé me reprend. J’aurais du mal à conduire de toute façon. Et il pleut en plus. Tu es un sale enfoiré, mais je ne peux pas me résigner à t’abandonner. Tu me conduis chez moi, puis tu rentres chez toi. En souvenir du bon vieux temps.»
Je lui tendis la main avant de de flancher. Je m’agrippai à son bras pour éviter de rencontre le sol. Saleté !
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(✰) message posté Dim 14 Sep 2014 - 10:50 par Invité
Sous ce auvent qui l'abritait mal, Jun repensa aux paroles de Julian qu'il avait d'abord ignoré concernant ses vêtements de travail et il ne put pas empêcher un éclat de rire, qu'il camoufla aussitôt dans la manche de sa veste. Son ami avait toujours eu cette répartie marrante et le jeune homme avait même souvenir que c'était la raison pour laquelle il s'était tout de suite dit qu'ils pourraient être amis lorsqu'il l'avait rencontré. Maintenant que Jun était débarrassé de Julian, le remord d'avoir été aussi dur l'assaillit. Il pouvait vraiment être un petit con parfois mais ce n'était pas dans son caractère d'être injuste. La mine penaude, il se décala un peu du mur pour jeter un œil en arrière dans la rue pour voir si Julian s'y trouvait encore. Non, bien sûr que non. « Et merde ! » Encore un truc sur la conscience. Poussant un long soupir, Jun laissa sa tête aller contre la paroi du café et ferma les yeux. Il avait été vraiment trop bête. Le bruit d'un moteur ralentissant à son niveau le remit brusquement dans la réalité. Un client venu lui proposer quelques billets verts pour une prestation privée ? Il plissa les yeux pour distinguer qui était dans la voiture malgré la pluie diluvienne. Non pas que la tête de ses clients lui pose problème. Généralement, ce n'était pas leurs lèvres que ces hommes voulaient qu'il embrasse. Jun fut traversé par une étrange vague de soulagement en voyant que c'était Julian. Il écouta son monologue destiné à le convaincre de monter avec lui mais c'était inutile, parce que Jun avait déjà décidé de le rejoindre. Pourtant, comme pour essayer une dernière fois de montrer un détachement qu'il ne ressentait pas vraiment, l'irlandais lui lança (avec une légère touche d'amusement dans la voix cette fois) : « Tu vas jamais laisser tomber, hein ? »
Laissant sa question en suspens, Jun se décolla enfin du mur et marcha droit vers la voiture. Il ouvrit la portière coté conducteur. « Allez, bouge. » Quand Julian s'en extirpa pour lui laisser la place, il crut le voir grimacer. Réalisant que l'excuse du genou était peut-être plus sérieuse qu'il ne l'avait cru, il passa un bras dans le dos de son ami enfance et le ramena contre lui pour l'aider à contourner la voiture. « C'est vrai que tu pues l'alcool » commenta-t-il avec plus de douceur qu'il n'aurait voulu, maintenant que son nez était presque contre la joue de Julian. Il lui ouvrit la portière passager et le laissa se débrouiller pour la suite. Jun buvait un verre, parfois deux. Jamais plus. Il ne supportait pas les gens ivres à cause de son père et de sa belle-mère dont c'était l'état permanent. Il ne pouvait pas se permettre de se bourrer la gueule. Les services sociaux pouvaient passer le voir n'importe quand pour s'assurer qu'il était toujours un exemple pour ses frères et sœurs dont il avait la charge.
Une fois au volant du bolide, Jun se fit la réflexion qu'il n'avait jamais conduit de voiture aussi belle. Il n'était jamais monté dans une voiture aussi belle tout-court d'ailleurs. Il ajusta la position du rétroviseur – remarquant par la même occasion qu'il avait encore un peu de paillettes sur le visage – et boucla sa ceinture. En démarrant doucement, il resta de longues secondes silencieux avant de finalement glisser : « Faut que tu retires ce que tu as dit à propos de ma sœur. Coleen est beaucoup plus jeune que nous, c'est dégueu. » Avec un sourire qu'il tenta néanmoins de dissimuler, il poursuivit « Moi aussi faut que je retire un truc. » Et là, Julian aurait pu croire qu'il allait démentir s'être masturbé sur sa photo quand ils étaient ados mais à la place, il ajouta : « Les ailes, elles sont en vraies plumes alors ça gratte pas... C'est plutôt agréable en fait. » Cette fois-ci, il ne put comprimer un petit éclat de rire.
Posant un coude sur le rebord de sa vitre fermée et conduisant avec sa seule main droite, Jun se détendit un peu dans son siège. Quand ils arrivèrent à un feu rouge, il prit une grande inspiration et se tourna vers son ancien ami : « Écoute, Julian, je suis désolé de t'avoir rembarrer comme ça tout à l'heure. C'était très con de ma part, j'aurais pas du. » Le jeune irlandais avait beau avoir un caractère en acier trempé, les traits de son visage étaient si fins qu'il dégageait en permanence une extrême douceur. Donnant un coup de menton en direction du genou de Julian, il demanda ensuite : « T'as toujours mal à ta jambe alors ? Ça devrait pas être guéri maintenant ? » Jun savait que toute plaie était amenée à cicatriser un jour. Il en était un exemple vivant. Le feu passa au vert et il redémarra lentement.
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(✰) message posté Mar 16 Sep 2014 - 17:59 par Invité
Catchin’ Jun; I never feel lonely if I've got a book - they're like old friends. Even if you're not reading them over and over again, you know they are there. And they're part of your history. They sort of tell a story about your journey through life. Je le regardai de loin, incapable de faire de grands pas ou de gestes héroïques sous a pluie. Le froid glacial se levait, intimant chacune de mes divagations. Mon genou éclopé me freinait dans ma démarche. Ou peut-être était-ce la peur de replonger dans un passé obscur. Je n’étais pas sûr. J’avais assez donné dans la misère ! J’avais connu la faim, la fatigue et le vide. Tout n’était que désert et désillusions. Le temps s’était consumé à une vitesse vertigineuse, mais il me suffisait de fermer les yeux afin de revoir les rues pavées de tristesse de Bromley. Il me suffisait de regarder le visage blême de Junroy pour réaliser que je n’étais qu’un cas sur un million. Une vague de mélancolie me prit par la gorge, bloquant toute entrée d’air dans mon système : Il avait raison d’aboyer. Le futur se dérobait entre mes doigts crispés, laissant place aux ombres du passé. Je trainais mes démons chaque jour, à chaque instant, parce que j’étais incapable de me détacher de mon identité. Moi, l’enfant abandonné. L’enfant volé en éclats. Je fixai mon ami d’un air absent. Je réalisais enfin ce qu’il représentait à mes yeux. Je comprenais pourquoi je n’étais pas heureux de le revoir …
Il me rejoignit à la minute où j’avais fini mon petit monologue. Il brisait toutes mes défenses d’un coup. J’étais suspendu dans un compromis inutile. Je lui souris d’un air détaché. Je n’avais jamais été très doué pour trouver des réponses à mes grandes débâcles philosophiques, mais plus je me perdais dans mes raisonnements, plus j’avais envie de rester à ses côtés. La lune se reflétait sur son expression, marquant la douceur incroyable dont son visage était capable malgré toutes les tortures qu’il pouvait bien endurer. Sa voix chaude et familière berçait les tourbillons d’incertitude qui s’abattait sauvagement sur moi, et pour la première fois, depuis mon retour à Londres, j’eus l’impression d’être à ma place en retrouvant mon compagnon de cellule. Je plissai les yeux amusé, peut-être aussi touché par son initiative : « Avoue, que tu t’y attendais. » Raillai-je avant de marquer un silence. « Un petit irlandais m’a appris un jour qu’il ne fallait jamais abandonner. »
Je refusais toujours l’aide quand elle n’était pas indispensable, mais pour une raison qui j’ignorais, mon corps se pliait au contact de Junroy. Je le suivais en titubant, le visage à quelques centimètres de sa joue brillante. Ses paillettes titillaient ma peau avant de tomber sur le sol. Je baissai les yeux d’un air amusé avant de monter dans le côté passager.
« Je bois souvent, maintenant que je suis en âge de m’approvisionner tout seul. Un réflexe d'autodestruction. » Avouai-je en fuyant son regard.
Je connaissais son appréhension face à la boisson. Nos deux pères avaient l’habitude de passer des semaines entières à s’enivrer de poisons sur le pas de la porte des O’Flahery. Je retins mon souffle au souvenir des innombrables nuits que j’avais passé à trainer son corps inerte jusqu’au jardin municipale. La voix de Jun raisonna à nouveau en moi, perturbant le cours de ma mémoire. Je lui souris d’un air penaud : « Je suis sûr que tu dois bien avoir une grande sœur cachée quelque part. » Blaguai-je avant de me rebuter, gêné. Ce n’était peut-être pas le moment de s’engager dans ce genre d’intimité, même nous avions l’habitude de nous lancer ce genre de taquineries par le passé. Je me mordis la lèvre inférieure en détournant les yeux vers la fenêtre. La ville de Londres défilait sous mes yeux, telle qu’elle était réellement: Cruelle et imprévisible. Je m’étais égaré dans un monde de strass et de paillettes qui n’était pas le mien. Mon univers à moi était glauque et sordide. Les filles de joies repeuplaient la planète de virus et de maladies incurables. Les pères inconscients trainaient sur les sols plein de givre et de poussière. Et les enfants désabusés grandissaient pour devenir à l’image de la société ; fades et sans espoirs. Je déglutis avec amertume. L’éclat de rire de Junroy me percuta comme un rayon de soleil. Je ris à mon tour, sans vraiment savoir ce dont il parlait. Il conduisait avec prudence et classe. Je le regardais au coin pour réaliser qu’il était d’une beauté surréelle, comme une créature ténébreuse et insaisissable. Ma jambe douloureuse frémit tout à coup, comme pour me prévenir que mes pensées étaient malsaines. Je me raclai la gorge.
« Jun, c’est pas grave. » Soufflai-je d’une voix calme et posée. Je voulais me montrer désinvolte et humble, mais tous mes souvenirs me ramenaient inévitablement vers lui. « Mon genou guérit, puis j’ai des périodes de rechutes. » Je marquai un léger silence. « On ne peut jamais se dérober complètement, malgré la gloire ou la réussite. Dans mon cœur, je sais. »
Je fermai les yeux un instanT avant de me rendre compte qu’il conduisait vers une destination qu’il ne connaissait pas. J’haussai les épaules, taquin : « Tu me kidnappes ? » Je le regardai avec intensité, avide d’analyser chacun de ses réflexes comme s’il était le plus beau mystère du monde. « Tu es supposé me conduire chez moi en premier, mais tu ne m’as pas demandé l’adresse. » Fis-je remarquer. « Je ne pourrais pas rentrer de Bromley seul. Tu me ramèneras la voiture le lendemain. »
C'était idiot mais je voulais le revoir … Je voulais vraiment le revoir.
Jun serra les dents quand un scooter les doubla n'importe comment par la gauche avant de se concentrer de nouveau sur ce qui lui disait son passager. Il avait l'habitude que Julian lui pardonne ses sauts d'humeur. Ou qu'il passe au travers en tous cas. Il était un peu soulagé que ça n'ait pas changé après toutes ces années. Après tout, il avait l'impression d'être resté exactement la même tête de mule. Choisissant de ne pas commenter son aveu d'alcoolisme tout de suite parce que ce n'était pas un de ses sujets préférés, l'irlandais attacha son regard sur la route. Il sentait que celui de Julian se posait sur son profil, à intervalles irrégulières, et il se demandait ce que son ami d'enfance voyait. L'évocation du kidnapping ne le fit d'abord pas sourire. A vrai dire, il avait complètement oublié qu'ils n'habitaient plus dans la même rue. Ça avait été comme un réflexe de prendre ce chemin. Mais finalement, ce n'était pas si mal. « Pas question que je gare ta caisse toute brillante devant la maison. T'imagines comme ça ferait tâche ? » Tâche de propre et de luxe bien sûr. Jun jeta un coup d'oeil à son passager avant d'ajouter en maugréant : « Et puis, je vais pas te laisser cuver tout seul chez toi comme le dernier des poivrots. Tu pourras dormir dans ma chambre mais, que ce soit clair, si tu vomis dans mon lit, je te botterai le cul si fort que la simple vision d'une bouteille de vodka te fera mal. » Le jeune homme avait toujours eu des menaces créatives.
Son téléphone portable se mit à vibrer dans sa poche. Il lâcha le volant pour fouiller d'une main dans son vêtement et consulta rapidement l'afficheur avant de décrocher, déclenchant accidentellement le mode haut-parleur. La voix de sa plus grande sœur retentit alors dans la voiture : « Ah, Jun ! Tu as fini de bosser ? Tu rentres là ? » L'aîné des O'Flahery se débattit quelques secondes avec son appareil pour essayer de rendre la conversation privée mais, n'y parvenant pas, il finit par abandonner en posant le téléphone sur le tableau de bord devant lui et fit signe à Julian de ne rien dire. « Jun ? » « Oui ! Ouais. J'ai fini, je rentre. Pourquoi ? Y a un souci avec les p'tits ? » Les sourcils froncés d'inquiétude, il rétrograda pour braquer sur la gauche et s'engager sur une voie rapide. « Nan. C'était pour savoir si tu faisais un 'after' avec un client du Queer Club ou pas. » Oubliant totalement la présence de Julian à ses cotés, Jun soupira avant de rétorquer : « Écoute, Col'. C'est pas ton problème, ok ? Pense pas à ça. C'est quelle heure-là ? Tard sûrement. Va te coucher. On se voit demain matin. » Et avec le manque de cérémonie qui le caractérisait depuis sa naissance, Jun raccrocha. Inconsciemment, il ralentit un peu sa conduite, comme s'il voulait donner plus de temps à sa sœur pour s'endormir et ainsi ne pas avoir à lui expliquer pourquoi il ramenait un jeune homme sous leur toit. Est-ce qu'elle se rappelait seulement de Julian ? Jetant un nouveau coup d'oeil en biais au passager, Jun se demanda ce qu'il avait compris du 'after chez un client'. Il n'y avait pas beaucoup de place pour l'interprétation cela dit. Ce n'est pas que ça gênait Jun que l'on sache qu'il couchait pour de l'argent mais il n'en était pas spécialement fier non plus.
En se garant devant la maison vingt minutes plus tard, le jeune homme se rendit compte qu'avec ce plan aussi la voiture allait devoir dormir dans l'allée de ce quartier craignos. Il n'y avait plus qu'à espérer qu'elle soit toujours là le lendemain matin. Enfin, il aurait fallu être fou pour dérober quelque chose sur le terrain de la famille O'Flahery. Fou ou suicidaire. Coupant le moteur et désignant la façade décrépie du bâtiment d'un signe du menton, Jun grinça : « Toujours aussi charmant, hein ? » La maison des Fitzgerald se trouvait un peu plus haut dans la rue. D'ici, on voyait juste un peu son toit. Jun descendit du véhicule et en fit le tour. Il ne pleuvait plus mais ses vêtements étaient encore mouillés. Il verrouilla les portière quand Julian l'eut rejoint sur le trottoir et lui fourra les clefs dans les mains avant de se diriger vers la maison sans l'attendre. En revanche, il marqua une pause au pied des quelques marches du porche pour le soutenir pendant qu'il les montait avec son genou incertain. Glissant ses propres clefs dans la serrure de la porte d'entrée, il fit sauter le verrou et se retourna vers Julian qui était plus près qu'il ne l'avait pensé. A quelques centimètres de son visage seulement, il lui glissa : « Faudra murmurer à l'intérieur. Si les jumeaux se réveillent, on est bon pour une heure de berceuse pour qu'ils se rendorment. »
Tous les enfants étaient au pays des rêves et leur arrivée n'y changea rien. Jun passa un bras dans le dos de Julian pour l'aider à monter l'escalier qui conduisait au premier et donc aux chambres. La porte de la sienne était entrouverte. Il la poussa et laissa entrer son invité. La pièce était toute petite. Il y avait juste la place pour un lit double et une minuscule commode dont les tiroirs ouverts débordaient de vêtements à moitié pliés. « Chaussures » souffla-t-il avant d'ôter les siennes puis de s'attaquer à la ceinture de son pantalon qui finit sur le sol également. Tout comme sa veste et son t-shirt que la pluie de tout à l'heure avait transformé en éponge. A présent en simple boxer noir, Jun repositionna les draps correctement sur son lit pour que son invité puisse s'y installer. Il n'était absolument pas gêné de se retrouver en sous-vêtement. Son métier lui avait enlevé toute pudeur. « Attention au coté gauche du matelas, il a tendance à s'affaisser un peu » recommanda-t-il en prenant un des deux oreillers et en retournant vers la porte. La main sur la poignée, il se retourna pour murmurer : « T'as besoin d'autre chose ? » Si Julian ne se manifestait pas, Jun irait aller dormir sur le canapé inconfortable et miteux du salon. C'était un peu bizarre d'avoir Julian Fitzgerald dans son lit. Quand ils étaient ado et que Jun avait le béguin pour lui, il avait imaginé cette scène plein de fois. Évidemment, Julian était sobre dans son esprit.
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(✰) message posté Sam 27 Sep 2014 - 1:34 par Invité
Catchin’ Jun; I never feel lonely if I've got a book - they're like old friends. Even if you're not reading them over and over again, you know they are there. And they're part of your history. They sort of tell a story about your journey through life. Je restais figé dans mon siège, le regard plongé dans la beauté de l’obscur. Les flocons gris et opaques surplombaient la ville du désarroi et du malheur, tandis que la voiture s’aventurait dans les quartiers de mon passé. Mon âme ployait à l’intérieur, rongé par un cauchemar que j’avais vécu tant de fois. Je n’étais pas sûr de vouloir m’aventurer loin des limites de ma nouvelle zone de confort. Mes yeux fixèrent le pare choque transparent. La lune se faisait ridiculement minuscule de ce côté de Londres. La voix calme de Junroy me percuta comme un rayon de soleil. Je me retournai vers lui avec lenteur. Il semblait s’inquiéter de mon ivresse, alors que j’étais habitué à m’enivrer dans la solitude. Il n’y avait jamais eu personne pour prendre soin de mon corps engourdi. Personne pour penser à ma douleur depuis qu'elle m'avait quitté. Un vague sourire se traça sur mon visage.
« Je ne suis pas aussi bourré que tu le prétends. » Marmonnai-je dans ma barbe. « Mais je suppose qu’il est trop tard pour rebrousser chemin. »
Il conduisait avec prudence. J’observais son calme majestueux, tout en restant tapi dans le silence. Son téléphone sonna. Je l’écoutais parler à sa sœur, et tout à coup, il m’apparut différent ... Plus beau. Sous l’éclat des réverbères son visage prenait les allures d’un ange injustement déchu. La dernière fois que je l’avais vu ce n’était qu’un gamin en pleine crise d’identité, et voilà qu’il était l’homme responsable et fort que j’espérais un jour devenir. Je soupirai. Le monde secret que j’avais fui depuis des années me semblait tout à coup insaisissable, mais je ne pouvais pas me dérober à son emprise mortelle.
« Je n’ai pas remis les pieds ici depuis le collège. » Lançai-je en voyant apparaître les bâtiments délabrés de Bromley. Mon cœur se serra lorsqu’il se gara en face de la maison O’Flahery. Les souvenirs affluaient comme une tempête de givre ; incontrôlable et cruelle. Mon regard se perdit au loin dans l’allée qui menait à notre ancienne demeure. L’air me manquait. J’avais une fois espéré, être heureux en ces lieux de ruines, en me suffisant uniquement de l’affection d’un père qui n’était qu’une épave. C'était ridicule ! Je fis quelques pas, incertains et titubants, vers le haut de la rue. Mes bras fendirent l’air afin de saisir une enfance qui m’avait filé entre les doigts. J’étais trop faible pour m’accrocher à cette identité, mais je ne pouvais pas imaginer ma vie autrement qu'avec ces tourments.
Je me retournai vers Jun, l’expression figée. Je devais être ridicule à m’émouvoir pour si peu. Mais cet instant était trompeur. Ce que je ressentais était bien plus complexe ; mélange de tristesses et de mélancolies. Je n’avais aucun souvenir joyeux ici. Enfin je croyais. Les yeux profonds de mon ami voulaient me convaincre du contraire.
« C’est fou de revenir ici. Je savais qu’il fallait que je sois ivre pour y retourner … » Raillai-je à moitié absent. Je n’avais pas eu de nouvelles de mon père depuis que je lui avais envoyé quelques sous dans un compte douteux au Pays de Gale. Foutaises !
J’avançai dans le dos de Jun. Le silence grisant s’amusait à troubler mon inconscient. Je m’arrêtai quelques instants devant les marches, lorsqu’il vint me soutenir. Je retins mon souffle pour éviter de sentir son odeur particulière. Ses muscles se contractaient au contact de mes vêtements humides et je me sentis bizarre. Je me laissai manier comme un pantin.
Le parquet grinça sous mes pieds lorsque je m’accoudai à la rambarde. Le premier étage était celui des chambres. Je me souvenais vaguement des lieux. En réalité, rien n’avait vraiment changé. Comme si le temps s’était arrêté sur cette maison et ses habitants. Il ouvrit la porte et je le suivis sans un mot. Je retirai mes chaussures suite à sa demande, puis je l’observai enlever ses vêtements mouillés. Il semblait si à l’aise avec son corps. Je me supris à admirer sa sculpture parfaite, avec un certain plaisir. Je déglutis lorsqu’il se retourna vers moi.
« Je dors sur le dos, du côté droit. » Lançai-je comme s’il était censé savoir. Je souris, amusé par ma propre bêtise. Son boxer noir épousait parfaitement les courbes de ses hanches. Je le fixai pendant un instant avant d’ouvrir la bouche. « Je croyais que l’idée c’était de ne pas me laisser cuver seul. Tu comptes aller où ? » M’enquis-je en remarquant son empressement à quitter la pièce.
Je me retournai afin de me débarrasser de ma chemise suintante et de mon pantalon dont le contact était presque douloureux pour mon genou. Mon caleçon était moins sexy, mais j’avais toujours été plus à l’aise dans des sous-vêtements amples. Je soupirai en dévoilant mes côtes déformées et les cicatrices qui parsemaient mon torse et les contours de mes articulations. Mon genou gauche apparaissait boursouflé et violacé. Je lançai un regard à Junroy.
« Au fait j’aurais besoin d’un sac de glace, ou n’importe quoi de froid. » Quémandai-je avec calme. L’appréhension me jouait de mauvais tours ; mon ventre se tordit à l’intérieur de mon abdomen. Dieu, ce que j’avais envie d’une clope !
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(✰) message posté Mar 7 Oct 2014 - 1:16 par Invité
Debout dans l'encadrement de la porte, Junroy essayait de se convaincre qu'il était en train d'halluciner. Julian, son béguin d'enfance, n'était du tout en train de le fixer alors qu'il se trouvait en simple boxer. Et il ne venait pas du tout de sous-entendre qu'il voulait qu'il passe la nuit dans cette chambre avec lui. Pas du tout. Du tout. Évidemment, il n'y avait aucune invitation explicite pour quoi que ce soit – après tout son ami était hétéro – mais c'était quand même bizarre. D'un autre coté, Jun pouvait difficilement réfuté l'argument donné puisqu'il l'avait lui-même trouvé pour éviter de ramener Julian chez lui. Saleté d'alcool ! Toujours à lui rendre la vie impossible alors que ce n'était même pas lui qui était bourré. Quand Julian se retourna pour se dévêtir, le jeune irlandais ne songea même pas à détourner les yeux. Au contraire, il les promena sur sa peau comme la main qui aurait voulu le faire il y a quelques années. Ce n'était pas que l'envie soit totalement morte aujourd'hui – il restait un mec attiré par les mecs et le brun correspondait toujours à ses goûts en matière d'amants – mais c'était différent. Il se sentait capable de résister et ce contrôle lui donnait une certaine force. Il leva les yeux au ciel en voyant le caleçon de Julian. Une confirmation de son hétérosexualité. Aucun mec gay n'aurait mis un sous-vêtement mettant aussi peu son corps en valeur. Même le short de plage de Jun n'était pas aussi ample. Il songea (avant de se taper mentalement sur les doigts pour avoir eu une pensée à ce sujet) que ça ne devait rien soutenir du tout.
Heureusement, son camarade lui adressa de nouveau la parole et il put revenir à des considérations plus sérieuses. Un sac de glace ? Les yeux de Jun tombèrent sur le genou de Julian, grimaçant en voyant sa couleur violacée qui ne lui disait rien qui vaille. « Allonge-toi sur le lit, je reviens » murmura-t-il avant de sortir de la chambre. Dans le silence le plus parfait, il descendit au rez-de-chaussée et se dirigea vers la cuisine sans allumer les lumières. De toutes manières, les O'Flahery avaient trop peu de meubles pour craindre de s'y cogner. Il ouvrit la porte de la partie haute du frigo en extirpa un bac à glaçons encore plein. Il prit un gant de toilette qui avait fini de sécher sur l'étendage du salon et le remplit avec les petits cubes de glace avant de le fermer avec un élastique. Il remonta l'escalier sur la pointe des pieds et pénétra de nouveau dans la chambre où Julian avait suivi sa directive. En le voyant allongé sur son lit, il hésita une seconde avant de refermer la porte derrière lui. Même s'il n'allait rien se passer entre eux, ce n'était pas la peine de s'afficher avec un mec dans son lit devant ses frères et sœurs s'ils se levaient avant lui.
Jun prit une chaussette un et un tshirt dans sa commode avant de grimper à son tour sur le matelas. « Ne bouge pas. » Il posa d'abord la chaussette sur le genou amoché de Julian, puis dessus le gant rempli de glaçons. Le t-shirt servi à emballer tout ça pour maintenant le tout en place. L'ensemble n'était pas d'un esthétisme fou mais au moins, c'était efficace. Clairement, on voyait que Jun avait de la pratique. Toujours à califourchon sur les jambes de Julian, il regarda avec une certaine fascination la chair de poule couvrir son torse quand le froid de la glace arriva jusqu'à son épiderme. Sans un mot, Jun se releva et alla éteindre la lumière du plafonnier. Malgré cela, la lumière des lampadaires dehors perçait très bien à travers la fenêtre sans volet alors les deux jeunes homme pouvaient encore se voir. Essayant d'ignorer sa gorge nouée, l'irlandais retourna dans son lit et s'allongea précautionneusement sur le dos. Le sommier craqua mais il tint bon. S'il se cassait encore en plein milieu de la nuit et que Jun se retrouvait aplati contre le mur, il allait encore se réveiller de mauvaise humeur. Mais bon, il n'osait pas non plus se rapprocher du milieu du lit. Il n'avait pas envie que Julian pense qu'il lui faisait des avances. Remontant son bras droit pour caler sa main sur sa tête, Jun tendit par là même tous les muscles de son abdomens. La danse avait taillé son corps mince de manière admirable. Son buste était long et ses abdominaux finement dessinés. Il plaisait à beaucoup de garçons. Parfois même à des hétéros... Hein ? Mais pourquoi il pensait à ça ? « T'as une copine ? » demanda-t-il de but en blanc à voix basse.
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(✰) message posté Mar 7 Oct 2014 - 18:45 par Invité
Catchin’ Jun; I never feel lonely if I've got a book - they're like old friends. Even if you're not reading them over and over again, you know they are there. And they're part of your history. They sort of tell a story about your journey through life. Je n’arrivais pas réellement à percuter. J’étais revenu à Bromley de mon plein gré, poussé par une sorte d’élan ou d’instinct d’autodestruction bizarre. Une douce brise s’immisçait à travers la fenêtre close afin de frôler le bas de mes reins. Ou était-ce une fissure dans le mur ? Ça ne m’aurait pas étonné ! Je crispai les mains autour de mes vêtements roulés en boule. Je ne pouvais pas me résigner à complètement lâcher mon masque de journaliste impénétrable – et ceci malgré les appels du passé. La personnalité que je m’étais forgé au fil des années était mon seul salut dans un monde de strass et de paillettes ou je n’avais pas ma place. J’étais déchiré. Les lambeaux de ma peau tombaient drus sur le sol, les uns après les autres, sans que je ne puisse me retenir ou garder la tête en dehors de l’eau.
Junroy me lança un regard en biais, mais j’étais incapable de déchiffrer son expression. Il était si … Beau. Mon cerveau restait focalisé sur cette image troublante. Mon cœur martelait ma poitrine avec acharnement, comme s’il voulait fuir cette poitrine éclopée et ces tourments nouveaux. Mes pensées me déroutaient. Je fis une grimace en m’appuyant sur ma jambe douloureuse.
Il disparut pendant quelques instants. Je me retournais vers l’immense lit : Il y’avait assez de place pour deux, moi et mon amie la désolation. Mon esprit vacillait, emporté par une ivresse qui se voulait salvatrice. En vain. Il n’y avait toujours quelque chose pour me ramener vers l’emprise silencieuse de Bromley. Je déglutis afin d’avaler les derniers vestiges d’alcool et de poisons – Je voulais restais fort et humble face à la tentation. Je voulais être l’homme responsable et téméraire qu’il était. Je voulais le regarder sans dévoiler mes intentions. Je soupirai en me laissant tomber sur le matelas. Mes yeux scrutaient les lieux, avides d’informations impressionnantes ou de secrets dissimulés, n’importe quoi, qui aurait pu me détourner de mon désir malsain pour un ami perdu de vue depuis des années.
Il revint avec un gant plein de glace et ferma la porte derrière lui. Mon cœur eut un raté. Je le regardais s’afférer dans sa tâche en silence. Ma peau était parcourue de spasmes de chaleurs que même le contact de ses mains douces ne parvenait pas à calmer. Je frissonnai en grinçant des dents. Il serra le T-shirt sur mon articulation et je fis tenter de courber le genou afin de le pousser loin de moi. Cette proximité était insoutenable, plus dérangeante qu’autre chose.
« ça fait trop mal … » Marmonnai-je dans ma barbe. « Ne t’embête pas. Je n’en demandais pas autant de ta part. »
Après quelques soins douteux, il se posa à l’extrémité du lit. J’entendais le sommier craquer, mais je me forçais à fixer le plafond. L’odeur corporelle de Junroy était un enchantement – il sentait le savon bon marché et la sueur. Tandis que je puais le lâche et l’ivrogne – Les deux fragrances de l’année par excellence !
Il gigota avant de me troubler avec une question indiscrète. Je tournai lentement le visage vers lui, les gouttes de glace fondues coulaient le long de mon mollet avant de tâcher le drap sombre. Je retins un gémissement.
« J’ai des copines. » Murmurai-je dans la précipitation, comme pour me prouver que cette attraction était imaginaire. Que tout ce moment n’était qu’un songe lointain, un cauchemar éphémère, et que je me réveillerais à nouveau dans mon lit chaud au moelleux dans mon immense appartement de Shoredich.
Une ombre de sourire se traça sur mon visage.
« Pourquoi ? Tu veux virer de bord ? Je peux te présenter. Tu es assez mignon, tu partiras comme un petit pain. » Raillai-je en me redressant légèrement.
Je voulais une assurance – La preuve qu’il était réellement gay.
« Tu as un petit ami récurrent ? »
Je le regardais batailler dans son coin. Ce bord du lit était affaissé, il m’avait prévenu. Je fis la moue en lui faisant de la place.
« Tu n’arriveras jamais à dormir correctement comme ça. Approches. Je ne risque pas de t’étouffer pendant ton sommeil, même j’avoue que la tentation est assez forte. »