"Fermeture" de London Calling
Après cinq années sur la toile, London Calling ferme ses portes. Toutes les infos par ici before we let the decay catch up to us. / julian 2979874845 before we let the decay catch up to us. / julian 1973890357
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before we let the decay catch up to us. / julian

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() message posté Sam 31 Jan 2015 - 23:51 par Invité
tell him, i’m sorry you had to kill us this way. tell him, these are not apology letters, but eulogies. eulogies for roadkill and dead trees and all the beautiful things we could have become before we let the decay catch up to us. tell him, i’m crossing tightropes of words strung out of lovers who meant way more than they should have, and you meant way more than you should have. tell him, i’m sorry you had to kill us this way, because there are certain graves that are too hard to dig through and my hands are not willing to bleed for you. ✻✻✻ On me laissait patienter dans une salle et je sentais l’intégralité de mon corps trembler à mesure que les secondes défilaient avec lenteur. J’avais l’impression que le temps s’étirait, encore et encore ; les minutes me paraissaient être des heures, le reste du monde s’était arrêté dans mon cœur débordé par les émotions, débordé par mes propres pensées. Mes doigts étaient doucement posés sur mes genoux mais quiconque me connaissant pouvait facilement détecter le mouvement d’impatience qui agitait mes mains abimées. Je ne cessais de m’inquiéter. Je ne cessais de m’imaginer une centaine de scénarios possibles pour finalement revenir sur Terre et dans la même réalité que les autres et me rendre compte que rien, absolument rien, ne pourrait aussi bien aller comme je l’imaginais.
Le monde tout entier s’agitait autour de moi. Je voyais les journalistes et les différentes employés du Times UK aller et venir dans des pas rapides et des gestes agacés ; ils parlaient sans relâche au téléphone, entre eux, un flot de paroles traversant la frontière de leurs lèvres. Je ne comprenais pas la moitié des mots qu’ils pouvaient bien prononcer ; ils semblaient appartenir à un autre monde, vivre loin de ma propre réalité. Je me surpris plusieurs fois à imaginer Julian dans cet environnement mais, à chaque fois, mon esprit sembla contrer ces visions étranges et pudiques. Je n’y parvenais pas, d’une certaine manière. Il était sans doute bien plus talentueux que ces personnes et, pourtant, je ne réussissais pas à appréhender l’attitude qu’il devait adopter en leur compagnie. J’avais cru comprendre qu’il était intraitable, suffisamment fort et dur pour survivre dans cet univers vicieux et dangereux pour l’âme ; pourtant, toutes mes pensées s’accordaient à refuser cette image erronée.
Au fond, peut-être avait-il raison. Peut-être n’était-il pas lui-même en ma présence.
Je déglutis avec difficulté, reportant mon attention sur mes doigts frêles vernis de noir. Je ne savais même pas si j’étais habillée convenablement pour une interview ; j’avais pris un soin tout particulier à revêtir une robe blanche, à l’accompagner d’une ceinture, à passer des collants noirs à motifs discrets sur mes jambes inertes. Ma sœur m’avait coiffé avec application, mon frère m’avait conseillé de mettre des lentilles et un grand collier. J’avais beau avoir fait des efforts, j’avais la sensation d’être en décalage avec le reste du monde ; mais, après tout, au fond, cela ne m’étonnait plus réellement. J’étais différente. Malgré tous les efforts du monde, je le serais toujours.
Mon fauteuil roulant n’était pas un simple accessoire. Il m’était vital. Je poussai un soupir avant de relever la tête et me rendre compte qu’un homme était en train de venir à ma rencontre. J’esquissai un vague sourire lorsqu’il se posta devant moi ; il me tendit une main forte et assuré et je glissai mes doigts fins dans sa prise.   « Eugenia Lancaster ? Jake Winthrow, je suis vraiment enchanté de faire votre connaissance. » Mon sourire se fit plus sincère malgré mon cœur s’envolant littéralement dans ma poitrine ; je sentais l’anxiété se faire de plus en plus grande. « Le plaisir est partagée. » lui répondis-je d’une voix presque chevrotante ; aussitôt, j’eus envie de me frapper la tête contre un mur. Imbécile. Je n’étais pas habituée à m’ouvrir aux autres. Je n’étais pas habituée à me dévoiler. Et, en cet instant, je m’apprêtais à faire les deux sans même y réfléchir à deux fois. « Veuillez me suivre, mademoiselle. » me dit-il finalement et il s’élança dans les couloirs des locaux du Times UK pour finalement me conduire jusqu’à une salle qui ressemblait étrangement à une salle de conférence ; à exception près que nous étions que deux à être présents à l’intérieur.
Il avait pris le soin de retirer une chaise pour que je puisse m’installer à la table sans trop de difficultés ; il s’assit en face de moi, étalant devant lui différents documents que je devinai être des notes ainsi qu’une palette d’informations me concernant. Il demeura silencieux durant quelques instants et je dus me faire violence pour tenir en place. Tout allait bien se passer. Cette phrase avait beau tourner encore et encore dans mon esprit, je ne parvenais pas à y croire. Je ne parvenais pas à me mentir. « Vous voulez boire quelque chose ? Thé, café ? » me demanda-t-il avec gentillesse et je secouai la tête. « Non merci. » marmonnai-je doucement. Je me forçai à parler. Je me forçai à répondre. Je n’étais pas une personne très ouverte, d’ordinaire ; le travail que je faisais sur moi était immense. « Nous allons donc pouvoir commencer… Ne faites pas attention, certains de mes collègues vont sans doute venir vous écouter. » me dit-il et, en un battement de cils, je constatai qu’il n’avait pas tort. « Si je ne me trompe pas, mademoiselle Lancaster, votre accident remonter à avril 2013, c’est bien cela ? »
***
Les questions défilaient. Les premières avaient été les plus faciles à répondre. Elles n’avaient été que des vérités que je m’étais contenté de confirmer ; Jake Winthrow avait fait ses devoirs et semblait tout connaître des faits de mon existence. De mon accident. De ma paralysie. De l’acharnement thérapeutique. De la dépression. De mon opération récente. Des nouvelles trouvailles de la science à propos des cellules nerveuses du nez qui se régénèrent. De ma rééducation intensive et de mes progrès. De la douleur. Il avait énuméré chaque chose de manière abrupte ; au départ, cela m’avait brusqué, mais j’avais fini par me faire à ses questions directes et non voilées.
Puis le reste de l’interview avait pris une direction différente, et je m’étais sentie encore plus oppressée. « Quelle a été la réaction de vos proches lorsqu’ils ont su que l’opération avait été concluante ? Quels regards ont-ils sur votre rééducation intensive ? Vous poussent-ils à aller plus loin, plus vite, de faire plus d’efforts ? » demanda-t-il et je déglutis avec difficulté. Je passai une mèche de cheveux derrière mon oreille, demeurant silencieuse durant quelques instants. « Eh bien, ils étaient ravis bien entendu et souhaitaient que je fasse des progrès rapidement, mais comme je souffrais d’une pneumonie au même moment ils ont réellement tenus à ce que je prenne soin de moi. Ce sont des personnes très compréhens… » Mais il ne me laissa pas finir ma phrase. Il esquissa un sourire avant de pointer vers moi son stylo bic. « Votre pneumonie a-t-elle un quelconque rapport avec la plainte que vous avez déposé contre Julian Fitzgerald pour non-assistance en personne en danger ? » Je sentis toutes les couleurs de mon visage m’abandonner ; je le fixai sans comprendre avant de secouer la tête. Mon cœur battait fort. Vite. Cela n’était pas la première fois qu’une de ses questions me déstabilisaient ; il avait porté un intérêt tout particulier à ma relation avec Lior, avec les autres. Il semblait bien plus s’intéresser à ma vie sentimentale plutôt qu’à mon handicap. « Je ne vois pas de quoi vous voulez parler. » répondis-je mais je vis dans son regard une lueur qui ne trompait personne. Paniquée, je sentis ma respiration s’emballer.
Et mon regard finit par se poser sur Julian qui se tenait debout parmi les autres.
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() message posté Mer 4 Fév 2015 - 0:21 par Invité
“ Whatever I take, I take too much or too little; I do not take the exact amount. The exact amount is no use to me. I might just kill you right now or leave you forever.”    Mes doigts se crispaient autour de ma tasse de café, mais sans une dose de whisky ou quelques bouffées de nicotine, ma boisson me semblait bien fade. Je me redressai sur ma chaise en soupirant. Malgré mes grands airs impénétrables et l’éclat de génie presque démentiel qui brillait au coin de mon regard, je ne parvenais pas à échapper aux doutes constants qui me tourmentaient. Je n’étais plus à ma place entre ces murs. Le monde était un vaste terrain de jeux et je voulais explorer ses abysses les plus profonds et ses voussures les plus délicieuses. Je me rappelais encore des citations philosophiques d’Aïda ; elle disait apercevoir un mélange d’ombre et de lumière dans mes yeux. C’était le combat de tous les vivants ; choisir un camp. Être le bon ou le mauvais gars. Il n’y avait pas de juste milieu, et pourtant j’oscillais continuellement entre mes démons impitoyables et mes valeurs perdues. Je m’éloignais lentement du bureau avant de me redresser avec nonchalance. Mes articles étaient déjà ficelés, prêts à l’impression, mais il y’ avait quelquefois une charge d’inspiration que je n’arrivais pas à exorciser. Les mots restaient captifs de mon esprit, comme ces déclarations que je ne prononçais jamais, ou ces pardons que je n’accordais pas.  Je courbais la bouche, une main plaquée contre le menton. Mes pensées tourbillonnaient dans ma tête à une vitesse vertigineuse, et plus je me murais dans le silence, plus mes convictions se perdaient dans un nuage de poussières et de cendres. J’avais tout perdu à la seconde ou Ginny s’était dérobé de mon emprise pour sombrer dans l’océan de Cardiff.

Je cheminais le long du couloir, la mort dans l’âme.  Ma secrétaire avait déserté son comptoir, et après quelques enjambées, je réalisai avec concertation qu’elle n’était pas la seule. Il n’y avait personne dans l’étage.  J’étais livré à mes doutes dans une pièce trop lumineuse pour que mes fantômes puissent subsister.  Je passai devant le distributeur de café avant de tourner les talons vers deux jeunes stagiaires. Elles m’adressèrent un vague signe de la tête avant de s’engouffrer dans l’ascenseur en gloussant. Je les suivis du regard, analysant leur engouement étrange. Elles s’étaient arrêté au rez-de-chaussée ;   salle de conférence ? Y’avait-il un évènement auquel je n’étais pas convié ? Je fronçai les sourcils en soupirant. Les courants d’air qui fouettaient mon dos, me poussaient vers la rampe d’escalier. Je m’accrochai au mur avec hésitation avant de fléchir mon genou douloureux. J’avais arrêté mes sessions de rééducation depuis quelques temps déjà, et même si je savais que je ne retrouverais probablement jamais une démarche normale, je m’obstinais à essayer de garder la face – tout du moins face à l’ennemi. Face à tous les autres. Je n’avais aucune confiance. Les Hommes étaient trompeurs, programmés à tourner en orbite autour de leurs propres démons. Je glissais sur les marches en crispant la joue. Je saignais dans mon silence mais je ne pouvais plus battre en retraite. Mes doigts teintés d’encre et d’égratignures tremblaient au contact du vent. J’avais traité Dimitri de présomptueux lorsqu’il renié l’existence de l’éternité à cause de mon obsession pour la reconnaissance. Je n’écrivais pas pour moi, mais pour rester immortel. Je voulais décrire les concepts de la réalité, et me prouver que j’avais réussi à survivre malgré la perte des plus chères.  Il y’ avait le feu dans ma poitrine, il me semblait que les braisiers qui ravivaient mon chagrin ne s’éteindraient jamais. Je m’accrochais aux vestiges d’un passé si lointain, qu’il en devenait parfois irréel. J’aurais espéré ne pas avoir franchi les limites du soutenable. J’aurais tellement voulu taire les cris de mon cœur émoustillé.  Je retins mon souffle en arrivant devant l’énorme baie vitrée qui surplombait la rue. J’observai les passants se hâter en rasant le bitume, avant de me retourner vers l’attroupement devant le séjour. Je me raclai la gorge, signifiant ma présence. Les journalistes des différentes sections me cédèrent le passage jusqu’à la porte ouverte. Je me redressai en reconnaissant le profil familier d’Eugenia, et les ondulations gracieuses de ses cheveux. Ce n’était pas possible ! Je devais avoir une hallucination ! Sa voix s’éleva afin de contredire mes hypothèses. C’était vraiment elle. Ici. Au Times.  « …  je souffrais d’une pneumonie au même moment ils ont réellement tenus à ce que je prenne soin de moi. Ce sont des personnes très compréhens… »  Souffla-t-elle, avant qu’il ne l’interrompe en claquant une nouvelle question. « Votre pneumonie a-t-elle un quelconque rapport avec la plainte que vous avez déposé contre Julian Fitzgerald pour non-assistance en personne en danger ? »  J’arquai un sourcil – Cet enfoiré m’avait vu, mais il n’avait pas eu la convenance de respecter ma présence. « Je ne vois pas de quoi vous voulez parler. » Je plissai le front avant de m’approcher de la table. Je tirai une chaise à bonne distance d’Eugenia, avant de faire face à mon collègue.

« Winthrow. » Commençai-je  d’un ton piquant. « Fitzgerald. » Me répondit-il de suite, un sourire arrogant ornant les courbures de sa mâchoire carrée. Je joignis mes deux mains sur la table. « Je n’ai pas été convié au spectacle mais tu ne m’en voudras pas de m’assoir aux première loges. »  Je souris sans adresser le moindre regard à Ginny – pourquoi ne m’avait-elle pas prévenue de cette interview ? A quoi jouaient-ils tous ?  « Pas le moins du monde. Peut-être même pourrais-tu nous éclairer sur certains points ? » J’émis un petite rire en me lovant contre le dossier de mon siège. Il n’avait pas idée de l’aversion que pouvait ressentir à son égard en cet instant précis. « Tu connais ma dévotion pour l’information, mais avant pourrais-tu me briffer sur la raison de cette entrevue. » Soufflai-je avec désinvolture. « Mlle Lancaster, qui je le suppose est une amie très proche, a subi une opération innovatrice pour la médecine. C’est la messagère d’un nouvel espoir pour toutes les personnes handicapées moteurs. Elle a gentiment accepté de nous accorder l’exclusivité sur ses améliorations post-op. » Ces mots sonnaient comme une injure sur ma conscience. Je fulminais de l’intérieur, si je m’écoutais, j’aurais renversé ses notes d’un revers de la main afin de le rouer de coups jusqu’à ce que mes phalanges craquent sous la pression de mes articulations contre ses os. Mais ce n’était pas approprié. Non, ce ne l’était pas. « Alors pourquoi cette plainte contre notre star de la finance ? »  Me demanda-t-il. Je me mordis l’intérieur des joues afin de calmer mes ardeurs. Il était bien trop sarcastique pour que je puisse apprécier ses compliments empoisonnés. « Tu ne le sais peut-être pas, mais ça fait un moment que je t’observe, Jake –  Eugenia est mon amie, tu es mon ami, nous sommes en famille, je peux t’appeler Jake, n’est-ce pas ? »  Claquai-je avec froideur. Mon attitude agressive, contrastait avec mes paroles. « Ta soif pour la réussite est presque admirable, mais tu joues avec le feu. Je ne te déteste pas spécialement, alors je me tiendrais correctement et je m’exprimerais avec la plus grande politesse. Tes questions ne sont pas digne du journal référence de Londres, tu as raté ta vocation mon très cher. Je serais très content de te recommander aux magazines people locaux, mais pour l’instant je te demanderais de t’en tenir au sujet. »  Le rédacteur de la  rubrique santé se redressa ;  certainement offusqué par mes piques.« Tu te donnes trop de mal en croyant que ta vie personnelle m’intéresse. » Je l’interrompis d’un geste de la main. « Tu te donnes trop de mal en surestimant mon self-control. »  Il se retourna complètement vers moi, faisant grincer le cuir de son énorme fauteuil. « Des menaces ? » Je ris avec légèreté. « Des actions. La provocation est une action bien avant d’être une menace. »  Il me rejoignit dans mon hilarité – quel sale hypocrite ! Son regard ombrageux me défia pendant quelques instants, avant de recouvrir Eugenia d’ondes négatives. « Mlle Lancaster, vous m’excuserez pour cet écart. Continuons … » Il retourna vers son calepin. « Nous avons parlé de votre petit ami ; Lior. Vous avez cité qu’il était charmant en tout point. C’est aussi votre meilleur ami aussi ? » Je n’aimais pas la façon qu’il avait de la regarder – j’avais cette même lueur prédatrice face à mes collaborateurs à chaque fois que je m’apprêtais à attaquer. Je tapai du pied, impatient d’en finir. « Vous accompagne-t-il lors de vos traitements ? Je me demande si votre vie de tous les jours n’est pas altérée par les difficultés que vous devez surmonter. Comment gérez-vous la tension coquine entre un couple ? » Je ne réagis pas tout de suite. Mon cœur était suspendu à ses lèvres, peut-être espérais-je que sa réponse me délivre de mes penchants inavoués pour elle ? Peut-être que l’entendre prononcer les mots, me permettrait-il de l’oublier pour de bon ? Je posai mes yeux sur ses énormes roues avant de remonter le long de ses bras, et enfin de son visage. Mon ventre se crispa de douleur. Et pour la première fois depuis mon arrivé, je m’attardai sur son expression mais j’avais beau fixer Eugenia, je ne la retrouvais pas nul part.
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() message posté Sam 7 Fév 2015 - 16:33 par Invité
tell him, i’m sorry you had to kill us this way. tell him, these are not apology letters, but eulogies. eulogies for roadkill and dead trees and all the beautiful things we could have become before we let the decay catch up to us. tell him, i’m crossing tightropes of words strung out of lovers who meant way more than they should have, and you meant way more than you should have. tell him, i’m sorry you had to kill us this way, because there are certain graves that are too hard to dig through and my hands are not willing to bleed for you. ✻✻✻ Mon regard s’était perdu sur Julian. Le temps sembla s’arrêter autour de moi ; je n’entendis plus les murmures des journalistes venus assister à mon interview, je ne voyais plus le regard malsain de celui qui me posait toutes ces questions mal venues, mal placées. Non. Il n’y avait que Julian en face de moi ; je détaillai son expression teintée d’incompréhension et j’eus presque l’impression qu’il s’agissait du propre reflet de mon visage. De mon propre état. Lorsque, finalement, il finit par se mouvoir, je revins sur Terre.
Je revins sur Terre et le temps reprit son cours.
Il s’installa loin de moi, à une chaise de la salle de conférence. Il semblait dissimuler tout ce qui l’habitait dans un comportement désinvolte et des gestes mesurés ; pourtant, il ne parvenait pas à me tromper. Je voyais sa colère et ses questions réveiller ses muscles et contracter ses doigts. Je voyais sa respiration être envahie par tout ce qui s’agitait au fond de lui. Il revêtait un masque comme pour se protéger ; il s’enfermait dans son propre être pour affronter celui installé en face de lui. Les deux hommes se saluèrent simplement en prononçant le nom de famille de l’autre ; je ne pus m’empêcher de frissonner en entendant leurs tons sournois. Cela n’était pas mon univers, non. Je n’avais pas ma place ici, parmi eux ; j’avais déjà bien du mal à me dire que j’appartenais au même monde que les autres, en temps normal. Ici, j’avais simplement l’impression de n’être qu’un monstre de foire. Une tâche dans leurs quotidiens immaculés. « Je n’ai pas été convié au spectacle mais tu ne m’en voudras pas de m’assoir aux première loges. » Julian adressa un sourire à Jake Winthrow, sans même cligner une seule fois des yeux en ma direction. Mon regard, lui, se perdit entre eux deux, alors que je me tenais presque prête à assister à un match de tennis dont la balle n’était qu’une succession d’insultes voilées. « Pas le moins du monde. Peut-être même pourrais-tu nous éclairer sur certains points ? » Ils semblaient presque prendre plaisir à leur échange ; mes yeux parcoururent l’assemblée et je remarquai des sourires narquois sur certains visages, comme si certains des journalistes présents attendaient une telle confrontation depuis longtemps. Je sentis mon cœur se serrer au fond de ma poitrine. Non. Cela n’était pas moi. Non, j’en avais la certitude, je n’avais absolument rien à faire ici ; une part de moi me hurlait que cela était la même chose pour Julian, mais sa ferveur à dénigrer mon avis sur la personne qu’il était vraiment m’encouragea à tout simplement me taire. « Tu connais ma dévotion pour l’information, mais avant pourrais-tu me briffer sur la raison de cette entrevue. » répondit Julian sur le ton de la conversation. Une fois encore, il ne m’accorda absolument aucune attention. « Mademoiselle Lancaster, qui je le suppose est une amie très proche, a subi une opération innovatrice pour la médecine. C’est la messagère d’un nouvel espoir pour toutes les personnes handicapées moteurs. Elle a gentiment accepté de nous accorder l’exclusivité sur ses améliorations post-op. » récita Jake Winthrow pour peindre la situation. Mon regard coula vers Julian, et je le vis presque penser se lever pour frapper son collègue ; j’esquissai un sourire en constatant à quel point il pouvait prendre sur lui. Je savais que j’avais raison. Je savais qu’il n’était pas réellement lui-même, ici, dans ces bureaux qui lui coutaient tout ce qu’il pouvait bien être. « Alors pourquoi cette plainte contre notre star de la finance ? » reprit le journaliste. Lui non plus ne m’accordait absolument plus aucune attention.
Parce qu’au fond, j’avais raison et je le savais. Je n’avais pas d’importance dans ce monde de rapace ; je n’étais qu’une mortelle de plus qui pouvait leur souffler quelques informations au creux de l’oreille avant de disparaître dans le flot continu de l’existence. Julian se mordit l’intérieur des joues et je me surpris à en fait de même. « Tu ne le sais peut-être pas, mais ça fait un moment que je t’observe, Jake – Eugenia est mon amie, tu es mon ami, nous sommes en famille, je peux t’appeler Jake, n’est-ce pas ? Ta soif pour la réussite est presque admirable, mais tu joues avec le feu. Je ne te déteste pas spécialement, alors je me tiendrais correctement et je m’exprimerais avec la plus grande politesse. Tes questions ne sont pas dignes du journal référence de Londres, tu as raté ta vocation mon très cher. Je serais très content de te recommander aux magazines people locaux, mais pour l’instant je te demanderais de t’en tenir au sujet. » J’esquissai l’ombre d’un sourire tandis que Jake Winthrow s’offusquait de ces paroles. Quelque part, cela m’amusait ; je me rendais compte que je n’étais pas essentiellement la seule à subir la joute verbale de Julian Fitzgerald lorsqu’il était en colère. « Tu te donnes trop de mal en croyant que ta vie personnelle m’intéresse. » répliqua-t-il. « Tu te donnes trop de mal en surestimant mon self-control. » Les réponses fusaient comme s’ils jouaient à un jeu, comme s’ils cherchaient à déterminer qui étaient le plus fort. Ils me perdaient dans leurs répliques ; j’en oubliai presque la raison de ma présence ici et j’espérais être devenue invisible, d’une quelconque manière. Ils m’ignoraient tous les deux avec superbe. Peut-être était-ce sans doute la meilleure chose qu’il puisse être, me concernant. « Des menaces ? » Julian se mit à rire. Mais cela me sembla tout sauf sincère. « Des actions. La provocation est une action bien avant d’être une menace. » Jake Winthrow se mit à rire avec lui, comme s’ils étaient amis, comme s’ils ne venaient pas de se battre en duel à l’instant même. Ils me perdaient presque dans leurs réactions et leurs manières de faire. Je sentis le regard des deux hommes se reporter sur moi et je me sentis rougir. Ils ne m’avaient pas oublié, non. J’étais simplement bien moins importante que leurs répliques cinglantes et leur rivalité acide.
Je me surpris une nouvelle fois à me demander ce que je faisais là. A me demander comment j’allais bien pouvoir m’en sortir. Winthrow n’avait pas encore repris la parole et, pourtant, je savais que ses questions se feraient de plus en plus indiscrètes. Que pensaient de moi toutes ces personnes en train de m’observer ? Et Julian ? Je ne savais pas et cela ne faisait que me mettre d’autant plus mal à l’aise. Un goût amère reposait sur ma langue et j’avais beau déglutir, il était toujours là, m’empoisonnant les sens. « Mademoiselle Lancaster, vous m’excuserez pour cet écart. Continuons … Nous avons parlé de votre petit ami ; Lior. Vous avez cité qu’il était charmant en tout point. C’est aussi votre meilleur ami aussi ? » me demanda-t-il et je levai les yeux vers lui. Je me sentais mise à nue face à son regard inquisiteur ; je pouvais voir la flamme du vice brûler au fond de ses prunelles. « Vous accompagne-t-il lors de vos traitements ? Je me demande si votre vie de tous les jours n’est pas altérée par les difficultés que vous devez surmonter. Comment gérez-vous la tension coquine entre un couple ? » Le silence prit place dans la pièce et je sentis mon corps se mettre à trembler. Mes joues rosir, également, sans que je ne parvienne à y faire quoi que ce soit ; hésitante, je lançai un regard à Julian avant de me racler la gorge.
Non. Je ne pouvais pas faire cela. Pas en sa présence, ni même seule. Je n’avais pas les épaules suffisamment larges pour faire semblant d’être à l’aise. Je n’étais pas suffisamment confiante pour être enjouée et cesser de me faire démonter à chaque phrase. J’étais simplement Eugenia Lancaster. Je n’étais pas née pour la gloire ni même l’exhibitionnisme. J’avais vu le jour pour être une tragédie. Et pour oublier de vivre. « Désolée de le formuler ainsi, mais il faut réellement être un idiot pour croire que la tension coquine peut être un problème majeur lorsque l’on est paraplégique. » répondis-je en me redressant. « Croyez-moi, j’ai beaucoup trop de choses nécessitant absolument toute mon attention pour que je puisse me permettre de perdre mon temps en me disant Tiens, c’est dommage, je ne peux pas m’envoyer en l’air sur la table de la cuisine. Je peux m’envoyer en l’air tout court. C’est déjà bien. La tension sexuelle n’a pas de place dans mon quotidien et Lior respecte cela. » Je détournai mes yeux de lui, incapable de soutenir son regard. Quelque part, je lui disais la vérité ; Lior respectait ma condition. Il faisait avec. Nous faisions avec. Il avait été ma première relation sexuelle et avait compris que je préférais qu’il me prenne dans ses bras plutôt qu’il me fasse l’amour. Je n’avais pas été spécialement à l’aise ; j’avais beau l’aimer, être immobile et incapable de prendre des initiatives m’avait animé d’une colère sourde. J’avais eu du mal à accepter. Accepter d’être incapable d’être une femme. « Autrement, oui, il m’accompagne aux séances de rééducation quand il ne travaille pas. Ou alors, il prend un congé quand les médecins me préviennent que la prochaine fois sera particulièrement éprouvante. Je vous l’ai dit. Mes proches sont des personnes très compréhensives et attentionnées. » Je ne répondis pas à sa question concernant mon amitié avec Lior ; je refusais l’idée, pour l’instant, que quelqu’un d’autre puisse être mon meilleur ami comme Julian avait pu l’être. « Vous avez fini maintenant ? Ou bien vous désirez enfin vous focaliser sur un sujet qui importe, comme les prothèses que je vais bientôt pouvoir porter ? » L’insolence. Cela était ce qui m’animait depuis que Julian était dans la pièce ; cela avait été comme s’il m’avait rappelé que je n’avais pas à me laisser marcher sur les pieds. Comme si son arrivée m’avait permis de me souvenir que j’avais encore une forme d’honneur. Que j’avais le droit de m’en sortir.
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() message posté Mar 10 Fév 2015 - 0:08 par Invité
“ Whatever I take, I take too much or too little; I do not take the exact amount. The exact amount is no use to me. I might just kill you right now or leave you forever.”    Je me tenais devant elle comme je l’avais rêvé depuis des semaines. Sa beauté m’envahissait comme les vagues déchainées de la mer, et je ne pouvais résister aux appels de mes souvenirs même en évitant son regard. Il y’ avait tellement d’émotions que je retenais, tellement de choses que je voulais lui avouer, mais je ne pouvais plus me résoudre à la faire souffrir. Eugenia méritait un peu de répit. Elle méritait Lior, et tous ces rêves romanesques et féeriques qui la rendaient aussi innocente. Je n’étais qu’une ombre dans sa vie, une erreur de parcours. Je crispai la mâchoire avant de déverser mes frustrations sur Winthrow. Ma tristesse se mélangeait à ma colère avant de gronder comme un tonnerre effrayant. Combien de temps encore pourrais-je résister à ses insultes déguisées ? Je ne voulais pas la mêler à ce combat de vanités ridicule. Je savais pertinemment que cette entrevue était un affront personnel. Jake voulait me discréditer en face de ses subordonnés et des miens. Je roulai des yeux sur table avant de détailler la foule jubilante. Il ne pouvait pas me briser. J’avais connu la faim et la violence, le désarroi et l’abandon, ses mots ne pouvaient pas m’atteindre – mais la présence de Ginny me rendait si fébrile. Je réalisais avec effroi qu’elle risquait de rencontrer le démon qui sommeillait en moi, celui qui l’avait jeté sans ménagement sur la plage avant de s’évanouir dans la nature.  Je pris une grande inspiration en me tordant les doigts ; mon cœur se consumait dans ses propres poisons.  La provocation ; une action. Je n’étais pas un homme docile, je ne savais pas gérer la pression et ce journalisme sournois s’acharnait contre ma plus grande faiblesse. Je jouais ma carrière et tous mes espoirs – mais la vision de son visage empourpré par mes coups de poings ne me quittait plus. La tentation était encore plus forte que ma raison. Je me tortillai dans mon siège. Pourquoi devais-je succomber aussi facilement ? Je ne l’avais pas empêché d’exposer sa vie sexuelle car j’avais besoin de savoir. Au fond, mon égoïsme motivait chacune de mes actions. Je plissai le front en observant Eugenia.  Mon visage suivait les mouvements de sa respiration avec application, comme si elle tenait mon destin entre ses mains.  « Désolée de le formuler ainsi, mais il faut réellement être un idiot pour croire que la tension coquine peut être un problème majeur lorsque l’on est paraplégique. Croyez-moi, j’ai beaucoup trop de choses nécessitant absolument toute mon attention pour que je puisse me permettre de perdre mon temps en me disant Tiens, c’est dommage, je ne peux pas m’envoyer en l’air sur la table de la cuisine. Je peux m’envoyer en l’air tout court. C’est déjà bien. La tension sexuelle n’a pas de place dans mon quotidien et Lior respecte cela.  »  Lança-t-elle avec une insolence que je ne lui connaissais pas. Je fis la moue en analysant sa réponse ; elle pouvait s’envoyer en l’air tout court. Elle s’envoyait en l’air ! La vérité m’avait percuté de plein fouet. Je desserrai le nœud de ma cravate d’un geste frénétique, avant de sourire d’un air mauvais. Il était certainement plus facile pour moi de me cacher derrières mes faux-semblants d’indolence. J’étais si fatigué de miroiter les vestiges d’un gosse qu’elle disait avoir aimé. Je n’avais plus aucune foi, qu’attendait-elle au juste ? Je ne voulais pas être sauvé. Je n’avais pas besoin de me repentir, ou de la retrouver. J’étais faible à cause d’elle. J’étais faible et en colère. Ma conscience vicieuse me répétait mes sermons de haines afin de me contenir dans ma prison. « Il ne faut pas s’excuser pour si peu. Je ne suis pas idiot, mais je vulgarise mes propos de manière à correspondre à tous les QI. »  Jake Winthrow rit avec légèreté, avant de lécher sa lèvre inférieure du bout de la langue comme un prédateur prêt à sauter sur sa proie. « Tout le monde a besoin de tension sexuelle dans sa vie. Votre condition ne vous rend pas différente du commun du mortel. Certes vous avez des nécessités plus basiques, mais fondamentalement vous restez une femme.  Une très jolie femme. » Sa voix se brisa brusquement, mais je ne bronchai pas. Je ne parvenais pas à trouver l’indulgence ou la patience des grands esprits. J’essayais de me tenir droit sur mon siège afin me donner de la contenance. J’essayais de me redresser avec allure afin de tromper ma peur du vide. Mais au-delà de mes combats intérieurs se trouvait la pire des afflictions ; j’aimais Eugenia depuis trop longtemps.  Ma mâchoire se serra, exprimant mon profond dégout. Je ne reconnaissais plus mon propre corps, ni mon reflet dans l’immense baie vitrée. « Autrement, oui, il m’accompagne aux séances de rééducation quand il ne travaille pas. Ou alors, il prend un congé quand les médecins me préviennent que la prochaine fois sera particulièrement éprouvante. Je vous l’ai dit. Mes proches sont des personnes très compréhensives et attentionnées.  » Ses proches. Ses amis. Sa famille. J’étais à mille lieux de correspondre à ces schémas de bienveillances et de bontés. Lior avait toujours eu un donc pour aider les autres. Il avait une certaine douceur dans le regard qui savait captiver les cœurs. Je suppose, que je ne faisais pas le poids face à un tel rival. Je bouillonnais en silence ; s’amusait-elle à narguer ma différence ? Etait-ce une pièce théâtrale grotesque ou j’avais le mauvais rôle ? J’étais le bouffon du roi, celui que l’on finissait par décapiter avant la fin du premier acte. Je fis glisser les roues de mon fauteuil afin de me rapprocher de la fenêtre. « Vous avez fini maintenant ? Ou bien vous désirez enfin vous focaliser sur un sujet qui importe, comme les prothèses que je vais bientôt pouvoir porter ? » Je n’étais pas au courant de sa condition physique, ni de l’amélioration de son état. A vrai dire, je l’évitais comme la peste depuis notre dernier coup de téléphone.  J’en avais trop dis sur mes sentiments et mon obsession de la réussite. Il faisait si froid et si seul au sommet de la gloire. J’étais démuni si elle n’était pas à mes côtés – j’étais démuni tout court.

« Vous êtes bien moins crédule que ce que vous laissez transparaitre, Mlle Lancaster. Je salue votre répondant. » S’amusa Winthrow. Je me retournai férocement vers lui. « Tu devrais t’en tenir au sujet. »  Sifflai-je d’un ton glacial. Je me levai brusquement afin de me diriger vers l’entrée de la salle de conférence. « La séance est terminée. » Scandai-je en claquant la porte. Je n’avais qu’une seule envie ; tous les faire disparaitre. Je suppose que les mots n’avaient plus aucune valeur en ces circonstances. Je sortis mon paquet de cigarettes dans la précipitation, comme pour me créer l’illusion d’une force surhumaine. « Il est interdit de fumer dans le bâtiment. Tu vas déclencher l’alarme incendie. » Je me crispai dans mes vêtements collants avant de sortir une première clope. J’allumai la tige, provocateur, avant de sucer les vapeurs de nicotine avec lassitude. Je m’abandonnais au vice en le toisant du regard. « Je t’emmerde. Cordialement bien sûr, j’ai promis de rester poli … » Les lampées empoisonnées s’enchainaient dans mon esprit, ravivant mes plaies béantes et ma colère sourde. Ma poitrine s’élevait au gré de ma respiration laborieuse avant de s’affaisser douloureusement. « Eugenia, tu auras bientôt des prothèses alors ? Tu vas marcher un jour ? Tu te lèveras et tu viendras me gifler comme je le mérite ? » Marmonnai-je comme un illuminé en me penchant lentement vers son fauteuil. « J’attends ce moment depuis trop longtemps, tu sais ? » J’haletai difficilement. Les explosions de saveurs voilaient mon humeur maussade, mais je restais immuable dans ma tristesse. J’étais à terre, attendant, un signe de clémence de sa part – attendant qu’elle me retienne dans ses bras.  Voilà, à quel point j’étais lamentable. Mes yeux embrumés clignaient devant son visage avant de se fermer avec recueillement.  « Tu devrais partir. Je vais tout perdre parce que tu es là. Je vais perdre mon job et lui casser la gueule. » Soufflai-je à son oreille, implorant, suppliant. Je posai de nouveau mon joint contre mes lèvres bleutées avant de m’éloigner. Cette mascarade avait trop duré. « Tu commets une grossière erreur. Tu peux dire à Dieu à ta promotion. » J’éclatai de rire avec désinvolture. Il n’avait certainement pas encore compris que plus rien n’avait d’importance en cet instant. Les nuages de fumées valsaient autour de ma bouche entrouverte tandis que j’écrasai mon mégot à peine entamé sur sa pile de papier. Je le fixai d’un air démentiel avant de le prendre par le col. « Tu savais qu’on en viendrait aux mains, pas vrai ? C’est pour ça que tu as convié tout le staff ? » J’enfonçai mes ongles contre le tissu de sa veste avant de la pousser dans un coin de la pièce.
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() message posté Mer 11 Fév 2015 - 21:03 par Invité
tell him, i’m sorry you had to kill us this way. tell him, these are not apology letters, but eulogies. eulogies for roadkill and dead trees and all the beautiful things we could have become before we let the decay catch up to us. tell him, i’m crossing tightropes of words strung out of lovers who meant way more than they should have, and you meant way more than you should have. tell him, i’m sorry you had to kill us this way, because there are certain graves that are too hard to dig through and my hands are not willing to bleed for you. ✻✻✻ Il était là, sous mes yeux, pourtant je ne parvenais pas à réellement le voir. Il était là, sous mes yeux, mais je ne distinguais que sa colère sourde qui envahissait ses traits. Sa colère muette. Il explosait sans cesse dans des excès de violence en ma présence mais, parmi eux, sa rage était sourde, enfouie au fond de son être. Je la voyais bouillonner. Je la voyais le ronger sans cesse et je savais que, d’une manière ou d’une autre, elle finirait par s’échapper de son contrôle. Mais personne ne pouvait savoir ce qu’il en adviendrait. J’étais suffisamment lucide pour me rendre compte que cela ne présageait rien de bon, mais Winthrow n’était pas doté du même discernement que moi. Il l’observait d’un œil carnassier en se délectant de ses tremblements et de ses réponses acides. Ce n’était pas moi, sa victime. C’était Julian.
Et j’étais prise au piège, d’une certaine manière, incapable d’avancer d’un côté ou de l’autre. « Il ne faut pas s’excuser pour si peu. Je ne suis pas idiot, mais je vulgarise mes propos de manière à correspondre à tous les QI. » dit-il. Ma gorge se serra. Je faisais sans doute partie de ces QI qui avaient besoin d’explications claires et de vocabulaire plus simple ; après tout, dans cette assemblée, j’étais la seule non diplômée. La seule sans emploi, hormis ma carrière de joueuse de tennis fauteuil attendant son envol. J’étais la ratée de tout ce beau monde. Mais je ne tins pas rigueur de son commentaire. J’avais l’habitude, après tout, de n’être qu’une rature. « Tout le monde a besoin de tension sexuelle dans sa vie. Votre condition ne vous rend pas différente du commun du mortel. Certes vous avez des nécessités plus basiques, mais fondamentalement vous restez une femme. Une très jolie femme. » Ses paroles semblaient dégouliner de sarcasme et je dus me faire violence pour ne pas sentir les larmes inonder mes yeux ; au lieu de quoi, je me redressais comme je le pouvais en l’observant, marquant un temps de pause pour me permettre de reprendre mes esprits. Il se moquait de moi. Je le voyais dans ses yeux, je l’entendais dans son ton. Il se moquait de moi à travers ses compliments ironiques et ses remarques cyniques. « Non. Je vous rappelle que je ne suis pas comme tout le monde. » lui répondis-je pour contrer ces spéculation sur ma vie sexuelle. J’étais gênée. Gênée par ses questions sur un aspect de ma vie qui ne m’était pas encore familier, gênée par la présence de Julian qui me pesait.
Je ne savais pas si j’aurais su m’en sortir sans sa présence. Je n’aurais sans doute pas trouvé le courage nécessaire pour être insolente à ma manière ; cependant, cela m’aurait été beaucoup plus facile à endurer. Je n’aurais sans doute pas eu à me demander ce qu’il pouvait bien penser à chaque instant, à chacune de mes réponses. Parce que, étrangement, son avis m’importait, encore maintenant.
Et je me détestais pour cela. « Vous êtes bien moins crédule que ce que vous laissez transparaitre, mademoiselle Lancaster. Je salue votre répondant. » me lança Winthrow, amusé par mes remarques et mes paroles, amusé par ce que je pouvais bien lui répondre. Je rêvais qu’il cesse de me parler. Je rêvais que cela ne soit qu’un de mes songes et que je finisse, en réalité, par me réveiller au fond de mon lit. « Tu devrais t’en tenir au sujet. » gronda Julian avant de se lever précipitamment et se diriger vers la porte afin de la fermer. « La séance est terminée. » Je les vis, à travers la porte vitrée, que certains restèrent là à nous observer sans comprendre ; je les observai discuter entre eux, à voix basse, comme pour tenter de démêler le faux du vrai à ce qu’il venait de se passer.
J’aurais pu me sentir soulagée, qu’ils ne soient plus là pour m’entendre. Mais, à la place, me retrouver ainsi enfermée avec Jake Winthrow et Julian Fitzgerald me pesa bien plus. « Il est interdit de fumer dans le bâtiment. Tu vas déclencher l’alarme incendie. » Je revins sur Terre en secouant la tête ; je vis un Winthrow presque outré observer un Julian en train d’allumer une cigarette avec insolence. Je sentis la bile envahir ma bouche.
Ces instants à me rappelaient ce que j’aurais sans doute fait si j’avais encore eu l’usage de mes jambes. Je me serais levée. Je me serais précipitée sur Julian pour lui retirer sa cigarette de la bouche et le secouer. Puis ma conscience s’imposa dans mon esprit. Cela n’aurait jamais eu lieu, si j’avais pu marcher. Je déglutis en sentant la panique m’envahir. J’étais lasse de ses réactions qui ne présentaient aucun sens. J’étais fatiguée qu’il fasse tout, absolument tout, dans la démesure, comme s’il ne connaissait aucune limite. « Je t’emmerde. Cordialement bien sûr, j’ai promis de rester poli… » lui adressa-t-il avant de se diriger vers moi. J’aurais aimé esquisser un mouvement de recul mais je demeurais immobile. J’aurais aimé m’en aller mais je ne réussis pas. « Eugenia, tu auras bientôt des prothèses alors ? Tu vas marcher un jour ? Tu te lèveras et tu viendras me gifler comme je le mérite ? J’attends ce moment depuis trop longtemps, tu sais ? » J’avais la sensation qu’il devenait fou, quelque part. Qu’il avait perdu la raison à mesure qu’il avait essayé de contenir la colère qui l’avait habité. Je l’observai, sévère, tout en me mordant l’intérieur de ma joue. « Je ne te ferais jamais cet honneur. » lui marmonnai-je. « Je ne pourrais jamais marcher à proprement parler. J’aurais des prothèses. Et un déambulateur. Le temps que j’arrive jusqu’à toi, tu auras eu le temps de mourir trois fois. » Ma voix s’était perdue dans mes murmures. Je déballais ces vérités comme si elle n’avait aucun sens à ses yeux ; quelque part, cela était le cas. J’avais fini par le comprendre. Il se fichait de mon état. Il se fichait de comment j’allais, puisque cela était trop difficile à supporter, pour lui ; et moi ? N’avait-il jamais pensé que j’étais obligée de vivre avec même si je ne désirais pas affronter ces réalités ? L’injustice de ses gestes et de ses paroles ne cessait de me révolter et, pourtant, je ne trouvais pas encore le courage de bouger. « Tu devrais partir. Je vais tout perdre parce que tu es là. Je vais perdre mon job et lui casser la gueule. » me glissa-t-il à l’oreille. Je fermai les paupières en me crispant sur mon fauteuil. « Tu commets une grossière erreur. Tu peux dire adieu à ta promotion. » J’entendis Winthrow de l’autre côté de la pièce et, lorsque je finis par rouvrir les yeux, Julian s’avançait déjà vers lui en s’éclaffant. Il n’avait absolument plus aucune prise sur lui-même. J’observai furtivement autour de moi comme si cela m’aiderait à trouver une solution ; mais, à vrai dire, je connaissais déjà la vérité. Cela me dépassait. Cela me dépassait largement. « Tu savais qu’on en viendrait aux mains, pas vrai ? C’est pour ça que tu as convié tout le staff ? » Julian l’attrapa par le col. Je retins ma respiration. « Julian. » lançai-je d’une voix ferme. Mais il ne semblait pas m’écouter, ni même m’entendre. Il était perdu dans son monde, dans sa tête.
Perdu dans sa colère.
Mes ongles s’enfoncèrent dans les accoudoirs de mon fauteuil. Certaines personnes étaient encore là à nous observer mais je ne désirais pas qu’elles s’en mêlent. Je refusai. « Julian. » répétai-je un peu plus fort, sans absolument aucun succès. « Julian Fitzgerald ! » J’avais fini par crier pour obtenir son attention. Mon regard était sombre. Au fond de moi, il me faisait peur. Il me faisait peur comme j’avais bien pu avoir des cauchemars de lui suite à ma noyade déguisée. Il se perdait autant que je pouvais le perdre. Je ne lui devais rien et il ne me devait rien non plus. Pourtant, je ne parvenais pas à le laisser se perdre d’autant plus. « Fais-moi sortir d’ici. » poursuivis-je. « Ramène-moi à la maison. Je t’en prie. Réfléchis. » Cela était les seules paroles que je pouvais lui dire. Les seules choses qui me venaient. Parce qu’ici, j’avais la sensation de ne plus le connaître. Peut-être était-ce cela, au fond. Peut-être cette vérité que je refusais était réelle. Je ne le connaissais plus.
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() message posté Dim 15 Fév 2015 - 21:47 par Invité
“ Whatever I take, I take too much or too little; I do not take the exact amount. The exact amount is no use to me. I might just kill you right now or leave you forever.” La réalité me filait entre les doigts. Je pouvais sentir tous mes instincts malsains se réveiller ; comment faire la différence entre les règles de bienséances et le trouble meurtrier? Je voulais tellement rester de marbre face aux provocations de Winthrow, mais je ne supportais pas qu’il s’attaque à Eugenia. Je ne supportais pas qu’elle fasse partie de cette énorme connerie ! Je sombrais peu à peu dans la démence. Mes inquiétudes se mêlaient subtilement à la folie innocente de la passion illégitime que je nourrissais pour elle. Ainsi, je courrais à ma perte. Ainsi, je ruinais toute une carrière. Mon cœur oscillait sans cesse entre la gravité de mes sentiments et mon désastre imminent. Je ne pouvais m’incliner. Mon esprit était irrémédiablement trompé par le vice parce qu’au final, j’étais faible face à la disparition de la plus chère. J’avais tellement mal en l’observant ainsi, immobile sur sa chaise, inatteignable dans sa solitude. J’étais une rature sur les pages blanches de son livre préféré. J’étais comme une danse inachevée qui liait la vie à la mort ; sa vie et ma mort. Je soupirai en secouant nonchalamment la tête. Je n’aurais certainement pas dû quitter mon bureau. Je n’aurais jamais dû découvrir sa présence dans le bâtiment.« Non. Je vous rappelle que je ne suis pas comme tout le monde. » Se défendit-elle tandis que je me noyais dans mes propres poisons. Je ne cessais de franchir les limites. Mes réflexions tressaient de grands cercles dans ma tête, mais j’étais incapable de choisir mes mots. Mon dépit était insoupçonnable, il n’avait de cesse de me surprendre. A chaque fois que je croyais avoir touché le fond, le destin s’amusait à me décevoir à nouveau. L’esprit de l’amour était un sale traitre. Il m’enveloppait d’une anxiété effroyable. Il me rappelait que l’éteinte de l’abandon était semblable aux pires supplices, que l’éclaircissement déroutant de la lumière annonçait toujours les ombres de la nuit. Je clignai des yeux en écoutant Jake s’abaisser dans ses magouilles. « Vous ne semblez pas très à l’aise avec votre corps, ça se comprend. » J’arquai un sourcil. Mais quel connard ! Il se retourna vers moi afin d’orner ses paroles d’un sourire mesquin, insurgé, dégoutant … Je me crispai sur place.

La suite des événements s’était déroulée à une vitesse surréelle. Je m’étais levé avec une étrange sensation de brûlure dans la gorge, sans doute les insultes qui me démangeaient. Je ne saurais certainement jamais traduire mes émotions contradictoires ; j’étais mitigé entre l’envie noble de protéger Eugenia et l’appel de la vengeance. La colère régnait sur ma conscience, et je me ployais en face de ma meilleure amie avec désespoir. Elle ne pouvait certainement plus me sauver de mes démons. « Je ne te ferais jamais cet honneur. Je ne pourrais jamais marcher à proprement parler. J’aurais des prothèses. Et un déambulateur. Le temps que j’arrive jusqu’à toi, tu auras eu le temps de mourir trois fois. » Je ne comprenais pas tous ces mots qu’elle utilisait ; un déambulateur ? Comment ? La fadeur de son expression était terrifiante. Je m’éloignais en silence afin d’agripper mon ennemi juré. Jake ne se débattait presque pas – je me plaisais à penser qu’il avait peur de me contrarier mais au fond, je savais que cela faisait partie de ses plans pour me discréditer auprès de nos supérieurs hiérarchiques. Je fermai mon poing avant de prendre plus d’élan. J’attendais patiemment le moment ou mes articulations fermées s’écraseraient contre sa mâchoire trop carrée. Telle était ma terrible réalité. Je ne gérais pas mon comportement. Je ne savais plus me tenir lorsque la douleur était trop forte. Les brasiers de ma colère se mélangeaient à la misère de l’homme amoureux et éploré. Mon souffle était trop lourd et si grave. Les champs de bataille raisonnaient en écho dans ma tête, m’invitant à succomber encore plus. « Vas-y. Frappe-moi, Fitzgerald. Il n’y a que la vérité qui blesse. » S’amusa Winthrow, provocateur. La fièvre commençait à se répandre dans mon cœur. La pièce était tout à coup silencieuse, je ne voyais plus que son visage déformé par l’arrogance. Il n’y avait qu’une seule finalité à tout cela ? Ma perte était irrémédiable. Mon bonheur était insaisissable. J’étais imbattable dans ma rage ! Je levai le bras prêt à le pousser contre la baie vitrée, lorsque la voix d’Eugenia s’éleva dans le vide qui m’entourait. La voilà, la lueur d’espoir qui s’échappait des voussures du ciel. La voilà, la fille qui m’avait cruellement abandonné. Je me retournai lentement vers elle, les yeux embués par l’émotion. « Julian Fitzgerald ! Fais-moi sortir d’ici. Ramène-moi à la maison. Je t’en prie. Réfléchis. » Cria-t-elle d’un ton glacial. Il n’y avait aucune gentillesse dans ses grands yeux olives. Je déglutis en lâchant prise. Bizarrement, je lui obéissais sans aucune contestation. Je fis le tour de la table avant d’ouvrir la porte.

Je longeais le couloir en titubant avant d’atteindre l’ascenseur. Les regards indiscrets de la foule ne pouvaient plus me sortir de ma torpeur, j’étais un fantôme du passé. J’étais trop malheureux pour accorder de l’importance aux ragots. Je n’étais pas fou – j’étais animé par plus de flammes que je pouvais supporter. J’appuyai sur le bouton afin de rejoindre mon étage sans oser regarder Ginny. Elle devait certainement penser que je ne valais plus la peine d’être connu. Elle devait regretter d’avoir accordé trop d’importance à mon existence, tout comme je regrettais de l’avoir aimé jusqu’à damnation. Il n’y avait pas de lever de beauté sur le mort ; il n’y avait plus aucun mystère à creuser. « Je dois récupérer ma veste. Il y ‘ a mes clés dedans. » Marmonnai-je en me glissant dans la pièce. Je me dirigeai vers le porte-manteau avant de pester contre une force invisible. Je me tortillai dans le vide avant de me réfugier derrière ma chaise tournante. « Je ne trouve pas mes clés ! » M’affolai-je en ouvrant quelques tiroirs d’un air évasif. Je ne cherchais même pas. « Je ne trouve pas mes foutu clés ! » Me lamentai-je comme s’il s’agissait d’un grand drame. Je tremblai avant de m’assoir sur le sol, en dessous du bureau. Je joignis mes deux jambes contre ma poitrine en fermant les yeux. La phrase-fare de Beaudelaire hantait mes silences ; je me tue parce que je suis inutile aux autres, et dangereux à moi-même. Je ne voulais pas me relever. Je ne voulais pas sauver les vestiges de cette amitié pour réaliser que finalement je ne pouvais pas me contenter de l’adorer comme un frère. Je ne pouvais que saisir l’ultime salut et me libérer de mon passé. C’est insurmontable maintenant, mais avec un peu de temps tu oublieras. Tu oublieras, Julian. Je me créais l’illusion d’une mère aimante et compréhensive. Je l’entendais me murmurer des conseils auxquels je voulais m’accrocher. Je vivais dans l’utopie, simplement pour aspirer à une fusion entre le vrai et le faux. C’était ainsi que j’avais grandi et que je continuais de me battre contre son absence. « Ce n’est pas vrai ! Tu sais que ce n’est pas vrai ce qu’ils disent … » Sifflai-je en fronçait mon visage. Je ne la voyais pas. C’était certainement plus simple de lui parler ainsi. Je ne voulais pas qu’elle m’approche. Je ne voulais pas la raccompagner. Je voulais qu’elle brise ce dernier morceau de mon cœur. Si seulement je pouvais lui manquer …

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() message posté Dim 22 Fév 2015 - 23:42 par Invité
tell him, i’m sorry you had to kill us this way. tell him, these are not apology letters, but eulogies. eulogies for roadkill and dead trees and all the beautiful things we could have become before we let the decay catch up to us. tell him, i’m crossing tightropes of words strung out of lovers who meant way more than they should have, and you meant way more than you should have. tell him, i’m sorry you had to kill us this way, because there are certain graves that are too hard to dig through and my hands are not willing to bleed for you. ✻✻✻ Tout s’était passé vite, si vite. Je peinais encore à mesurer l’ampleur de tout ce qui avait bien pu se passer ; cela était comme si mon esprit s’était arrêté, comme si mes pensées s’étaient figées, et que seuls mes yeux étaient parvenus à suivre les évènements pour capturer chaque instant au creux de leurs rétines. Pour les capturer et en faire des souvenirs.
Mon corps tout entier tremblait. Je suivais Julian, tandis qu’il avançait à grandes enjambées vers l’ascenseur ; mon esprit ne cessait de se perdre dans toutes les informations qu’il avait bien pu collecter. Je ne savais que penser, que faire. J’avais peur et j’étais soucieuse. J’étais mal à l’aise et concernée. Je m’inquiétais et j’envisageais le pire. Je ne comprenais pas l’étendu des ravages intérieurs que connaissait Julian ; je me demandai si cela était une chose que je saurais appréhender ou si cela était un fait que je ne pourrais jamais réellement saisir. Mais, avant toute chose, je m’interrogeai sur les raisons qui l’avaient poussé à s’emporter face à Winthrow. J’avais facilement deviné que les deux hommes étaient des rivaux et que ce dernier avait cherché à s’en prendre à Julian en me manipulant d’une quelconque manière ; pourtant, malgré cela, je ne parvenais pas à admettre qu’il puisse se sentir encore suffisamment concerné par ma personne pour réagir à de tels coups bas.
Alors, je me demandais. Je me demandai ce que cela signifiait réellement. Je me demandai à quoi il avait bien pu penser. Je me demandai pourquoi ma relation avec Lior le dérangeait tant en sachant qu’il avait été le premier à me rejeter. Je me demandai pourquoi il m’offrait que du silence s’il se souciait tant de moi. Je me demandai beaucoup de choses. Mais cela était sans doute mon plus grand problème.
Je me posai beaucoup de questions. Mais je n’avais absolument aucune réponse.
Je le suivis jusqu’à la porte de son bureau sans un mot, heureuse dans ce silence qui prenait des allures de répit. Pourtant, malgré cette pause dans l’agitation des évènements, mon esprit refusait de s’arrêter. Il refusait de me laisser tranquille lui aussi. « Je dois récupérer ma veste. Il y a mes clés dedans. » m’expliqua-t-il avant d’ouvrir la porte et entrer dans la pièce. Je lui emboitai le pas alors qu’il arrivait déjà à la hauteur du porte-manteau. Je le voyais à ses gestes qu’il était encore énormément agité par ce qu’il venait de se passer ; mon impression ne fit que se confirmer lorsque je l’observai se perdre dans ce qu’il faisait. Il cherchait sans regarder. Il cherchait sans chercher réellement. Il était animé par un feu qui semblait le ronger ; et, moi, encore installé dans l’entrée, je l’observai sans savoir quels étaient les gestes qui m’étaient autorisés. « Je ne trouve pas mes clés ! Je ne trouve pas mes foutu clés ! » s’exclama-t-il. Et je reconnaissais cet air. Je reconnaissais cette expression désespérée sur son visage. Je reconnaissais cette panique qui l’habitait. Je me retrouvais projetée des années en arrière lorsque nous étions encore jeunes, lorsque tout nous avait paru plus facile ; je l’observai et je revoyais ce gamin que j’avais connu lorsque je n’avais été qu’une enfant. Je me mordis l’intérieur de la lèvre avec violence lorsqu’il finit par disparaître de mon champ de vision, plongeant sous son bureau comme pour s’y réfugier. Je demeurai immobile. Paralysée.  « Ce n’est pas vrai ! Tu sais que ce n’est pas vrai ce qu’ils disent… » Sa voix chatouillait mes tympans et je finis par retrouver possession de mon corps au bout d’une poignée de secondes. Mon cœur battait, battait si vite. Il m’engourdissait les sens. Il m’engourdissait l’esprit. Sans prendre garde à mes mouvements, je m’avançai jusqu’à sa veste accrochée à son porte-manteau, tâtant ses poches pour mettre la main sur ses clefs. Je savais qu’elles étaient là. Je savais qu’il s’était emporté pour tout autre chose qu’un trousseau perdu.
Il s’était perdu dans sa colère. Il s’était perdu si loin qu’il ne pouvait pas rebrousser chemin. Je le connaissais suffisamment pour savoir cela.
Je finis par me tourner vers son bureau, et je le vis. Je le vis en dessous, assis en position fœtale, comme si le reste du monde n’existait plus. Peut-être n’existait-il plus, d’une certaine manière, à ses yeux. Je secouai légèrement la tête avant de prendre une profonde inspiration. Je m’avançai lentement autant que je le pouvais avant de me rendre compte que, assise dans mon fauteuil, je ne parviendrais à rien pour l’aider ; alors, sans hésiter ne serait-ce qu’un seul instant, je m’avançai sur ma chaise avant de me pencher pour retirer mes pieds de mon fauteuil et les poser à même le sol. Je posai mes mains sur le bord de son bureau et je me laissai glisser à terre pour le rejoindre.
J’agissais sans réellement réfléchir. J’agissais parce que ces mouvements me paraissaient instinctifs. Naturels. Je nourrissais une profonde rancœur et une grande colère à l’encontre de Julian et pourtant je ne parvenais pas à être insensible à sa détresse. Il me paraissait être à des années de la personne que j’avais toujours connue et, malgré cela, j’avais l’impression de le retrouver ainsi.
Je m’approchai doucement de lui, faisant bouger la partie basse de mon corps en m’aidant de mes mains. J’étais sous son bureau ; j’étais si proche de lui que je sentais l’odeur de cigarette chatouiller mes narines. « Tiens, elles sont là tes clefs. » murmurai-je doucement en prenant sa main pour glisser dans ses doigts son trousseau. Ma gorge était serrée. Il m’avait rejeté tant de fois, par le passé. Tant de fois que je savais que, quoi que je fasse et quoi que je dise, cela ne lui conviendrait pas. Tant de fois que je savais que, même en cet instant, il trouverait un moyen de me blesser. Pourtant, même en connaissance de cause, même en sachant cela, j’étais là. A terre. Avec lui. Proche, si proche, que je sentais la chaleur de son corps réchauffer mes membres engourdis. « Tu vas m’expliquer ce qu’il s’est passé tout à l’heure avec Jake Winthrow ? » ajoutai-je avec douceur. Je posai une main sur son avant-bras, refusant de le prendre dans mes bras de peur qu’il ne me rejette.
Je savais que mon cœur ne l’aurait sans doute pas supporté.
J’attendis quelques instants. Sa respiration irrégulière ponctuait le silence qui avait pris place entre nous. « Julian, calme-toi. Tout va bien. » Mais tout n’allait pas bien. Je le savais. Je le sentais. Si tout était bien allé, il n’y aurait eu aucune raison que je me trouve là, à terre, vulnérable sans mon fauteuil. Il n’y aurait eu aucune raison que je sois là, entre les murs du Times. Voire même que je me sente de cette manière en sa présence.
Partagée entre l’envie de le sauver et la peur d’être rejetée. Sans cesse. Encore. Pour toujours, sans doute.
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() message posté Jeu 12 Mar 2015 - 10:47 par Invité
“ Whatever I take, I take too much or too little; I do not take the exact amount. The exact amount is no use to me. I might just kill you right now or leave you forever.” J’étais malmené par les palpitations de mon cœur enragé. Ma tête cognait violement contre ma conscience et j’avais un mal de chien sans savoir identifier les causes de ma colère. En France, on m’avait diagnostiqué une forme légère de trouble. C’était la culpabilité qui me rongeait de l’intérieur. Mon incapacité à sauver Eugenia me rendait malheureux dans mon existence parfaite. Je ne savais pas me délecter de ma réussite sans être interrompu par mes souvenirs de Cardiff, et dès que je m’éveillais de ma torpeur, il me semblait que j’étais inéluctablement pris au piège dans un gouffre béant. J’étais si étranger, si différent et si triste. Je serrais les poings en tentant de calmer mes ardeurs mais la passion malsaine que je nourrissais pour cette fille me tuait littéralement. Ma pression artérielle me montait au cerveau, et je ne tardai pas à ressentir les picotements de la douleur se déverser sur tout mon épiderme. J’avais besoin de traiter mon anxiété : du prozac, du diazepam et du lithium, mais cette médication lourde et laborieuse me coutait intellectuellement. Je ne pouvais rien écrire avec la fièvre, la nausée, la fatigue et la sécheresse buccale. Je ne pouvais pas non me résigner à abandonner ma dose journalière de nicotine. Je soupirai en roulant des yeux dans l’immensité de la pièce. Après cet épisode de panique, elle finirait par me quitter à nouveau. Ginny avait refusé que je l’accompagne dans sa maladie. Elle avait refusé que je sois là pour faire le deuil de ses jambes. Je vivais avec cette trahison sans arrêt. Mon humeur était parsemée par des éclats de rires et des élans de jovialité, mais ce n’était qu’un instant illusoire dans une éternité d’injustice et de douleur. Je soupirai en fermant les yeux sous mon bureau. Je me sentais si démuni en cet instant. Au fond, dans mon cœur, je n’avais jamais cessé d’être battu mon père. Les doutes envahissaient mon esprit et je m’accrochais aux pans de mon pantalon afin de rester sobre. J’étais à l’image de ces héros tombés pendant la plus grande bataille de l’histoire. Le peuple les avait pleurés sur le moment avant de les abandonner inertes sur l’arène poussiéreuse. Je repensais alors à cette lettre que j’avais écrite en thérapie à Paris – Elle n’avait pas de destinataire de peur de froisser ma petite amie, mais je savais que je m’adressais à Ginny, la gamine de 16 ans dont j’étais éperdument tombé amoureux. « Je t’envoi mes plus belles pensées qui, comme je le suppose, ne valent pas mieux que toute la fausse compassion de ton entourage. Personne ne peut comprendre, n’est-ce pas ? Je t’ai vu hier dans la cafétéria du lycée, tu étais seule dans un monde plein de fantaisie. J’aurais tellement voulu te rejoindre moi aussi. Je rêvais de pouvoir appartenir à tes songes les plus improbables, mais la fatalité a fait de moi un homme malheureux aujourd’hui, alors si tu le pouvais, dans un passé déphasé m’éviter cet avenir étouffant, je t’en serais incroyablement reconnaissant. Je voudrais de toi que tu me rejettes comme tous les autres, s’il te plait, avant qu’il ne soit trop tard pour mon cœur. J’aimerais que tu me regardes dans les yeux et que tu me dises de m’en aller. Je sais que j’ai assez d’estime pour ne plus jamais t’adresser la parole. Je sais que la souffrance de t’avoir perdu ce jour-là m’aurait attristé, mais rien, absolument rien, ne peut être comparé à l’étendue des fléaux qui m’habitent en cet instant. Sauve-moi de cette vie. » Cette confession était un terrible secret, comme un double imaginaire de notre histoire d’amour. Je sentais mes yeux me brûler tandis que je retrouvais la clarté du jour. Je me tournais lentement pour découvrir Eugenia à mes côtés sur le sol. Cette vision d’horreur me saisit par la gorge, et je ressentis toute mon émotion s’évanouir au sein de mon désespoir. « Tiens, elles sont là tes clefs. » Souffla-t-elle avec douceur en prenant ma main. Le contact du trousseau glacé me ramenait peu à peu vers la réalité. Je clignai des yeux en la sentant si proche de moi. Ma poitrine tremblait, espérant une fusion imminente avec cette âme sœur si délicate. Je me consumais dans mes propres divagations ; c’était ma passion d’être à la fois faible et impérieux, triste et amoureux. « Tu vas m’expliquer ce qu’il s’est passé tout à l’heure avec Jake Winthrow ? » Ses doigts emprisonnèrent mon avant-bras tremblant. Je fronçai les sourcils avant de tenter un rapprochement vers son visage. Mes joues écarlates frôlèrent la naissance de son cou et je finis par tomber entre ses bras sans aucune difficulté. Son parfum délicieux me submergeait comme un flocon de neige le jour de Noel, et je réalisais avec effarement qu’elle était la seule à pouvoir me renvoyer vers l’esprit festif et jovial de la famille. Eugenia Lancaster était ma seule et unique famille dans un monde peuplé d’inconnus. « Julian, calme-toi. Tout va bien. » Sa voix me parvenait de loin. Je m’agrippai à ses épaules en haletant. « Il a dit que … Il a dit que tu étais … différente … » Les flammes de ma ferveur ruinaient le fond de mon être. Je peinais à contrôler le rythme de ma respiration ou à m’exprimer avec l’éloquence qui me caractérisait tant. Je pouvais apercevoir, sans la regarder, que ses grands yeux cachaient les merveilles d’un miracle surpuissant. Elle était plus forte et courageuse que je ne l’avais jamais été. Elle avait survécu tandis que je ployais pour un rien. Je me mordis la lèvre inférieure sans me détacher de sa prise. « Je ne sais pas … Restes avec moi … » Marmonnai-je comme un enfant. Les choses étaient tellement plus faciles dans ma cachette secrète. Je marquais une trêve ici, son sourire triste pouvait encore illuminer les reflets de mon visage figé. Sa présence pouvait me suffire malgré ses départs, son petit ami et la distance qui nous séparait.
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() message posté Sam 14 Mar 2015 - 10:38 par Invité
tell him, i’m sorry you had to kill us this way. tell him, these are not apology letters, but eulogies. eulogies for roadkill and dead trees and all the beautiful things we could have become before we let the decay catch up to us. tell him, i’m crossing tightropes of words strung out of lovers who meant way more than they should have, and you meant way more than you should have. tell him, i’m sorry you had to kill us this way, because there are certain graves that are too hard to dig through and my hands are not willing to bleed for you. ✻✻✻ Je n’avais pas réfléchi. Je ne m’étais pas dit qu’il pourrait se lever et partir. Je ne m’étais pas dit qu’il pourrait simplement m’abandonner là, par terre. Je ne m’étais pas dit qu’il pourrait me fuir comme il avait semblé apprécier le faire, ces derniers mois. Je ne m’étais rien dit de tout cela, non. J’avais simplement agi, répondu aux appels de mon cœur désemparé. Je m’étais fait tomber, à même le sol, pour me réfugier sous son bureau et l’observer avec un sourire triste. J’étais vulnérable et faible, vulnérable et perdue, et je continuais de m’enfoncer dans les profondeurs de mon être désolé. Tout me paraissait hors de ma portée ; je ne parvenais pas à comprendre ce qu’il lui arrivait, je ne parvenais pas à palper ce désespoir qui semblait l’accabler. Je me rendais compte, avec une certaine frayeur, que je ne connaissais pas Julian Fitzgerald. Je pouvais affirmer, autant que je le désirais, qu’il avait été mon meilleur ami durant des années mais cela ne signifierait jamais réellement que je pouvais le comprendre. Que je le connaissais encore.
Je déglutis avec difficulté, le cœur battant. Je l’observai avec douceur, des paroles calmes et douces s’échappant de mes lèvres. Je me souvenais de l’eau qui avait rempli mes poumons le jour où il m’avait lâché dans la mer. Je me souvenais de chaque instant où il avait bien pu s’emporter contre moi sans que je ne comprenne réellement la portée de sa colère. Je me souvenais de tout, absolument tout. Il m’avait blessé bien plus souvent que n’importe qui d’autre. A côté de ses paroles, les insultes dont j’avais bien pu faire l’objet, au lycée, m’avaient paru insignifiantes.
Parce que je m’étais fichée, de ces autres. Je n’en avais eu que faire de leurs paroles et de ce qu’ils avaient pensé de moi ; cependant, Julian, lui, avait compté. Il avait compté si fort que chacune de ses répliques cinglantes avaient marqué mon cœur au fer rouge sans qu’il ne parvienne à cicatriser.
Je me souvenais de toutes ces choses et, pourtant, j’étais là. Ma raison ne comprenait pas ce cœur qui s’accrochait. Ma raison me suppliait de lui tourner le dos et de m’en aller. Ma raison me rappelait que j’avais Lior, désormais, et que Julian ne devait plus compter. Mais ma raison était loin. Ailleurs. Mon corps ne lui répondait plus. J’étais inévitablement attirée par Julian, gravitant autour de lui comme s’il était mon soleil, mon étoile.
Je lui touchai pudiquement le bras, ne sachant guère s’il accepterait un contact de ma part ; aussitôt, il m’observa avant de se rapprocher de moi, son corps frôlant le mien, sa tête se recueillant dans le creux de mon cou. Je fermai les yeux, retenant un soupir de soulagement au creux de mes lèvres, l’émotion saisissant mon cœur fatigué. J’avais peur qu’il sente mon corps trembler contre lui. J’avais peur qu’il se rende compte que je n’avais absolument aucune idée de la raison pour laquelle je me trouvais là, à ses côtés, alors que j’aurais pu simplement m’en aller comme il avait pu le faire une centaine de fois avec moi. « Il a dit que… Il a dit que tu étais… différente… » me dit-il et j’esquissai un sourire triste. J’ouvris les yeux pour les lever sur la planche de son bureau, qui se trouvait au-dessus de nos têtes. Différente. Ce mot me paraissait à la fois si familier et si douloureux. Il décrivait une vérité cinglante et mes désillusions toutes entières. « Et alors ? » demandai-je dans un murmure. Je ne lui affirmais pas que j’étais différente. Je ne lui avouais pas que cela était le meilleur mot pour me décrire.
Avec le temps, j’avais fini par m’y faire. J’avais toujours été différente. Cependant, en cet instant, je me disais que cela n’était pas une chose que Julian désirait admettre.
Il n’avait jamais réussi à le faire, après tout.
Je laissais une de mes mains se loger dans ses cheveux, l’autre caresser doucement son dos. Cet instant paraissait hors du temps, perdu dans l’intemporalité de sa détresse. Cet instant paraissait singulier et différent. Pour la première fois depuis des semaines, ce simple contact entre nos deux corps me paraissait normal et justifié. Normal et légitime.
Et, pourtant, j’étais avec Lior. Ma conscience s’indignait presque aussi fort que mon cœur. Mes pensées elles-mêmes allaient les unes envers les autres. « Je ne sais pas… Reste avec moi… » poursuivit-il. Ses paroles résonnaient comme celles d’un enfant, au creux de mon cou. Je pris plusieurs inspirations, m’intimant au silence. Mes bras étaient autour de son corps fatigué. Mes blessures côtoyaient les siennes. Poupées de porcelaine brisée, marionnettes sans fils. L’épave que nous représentions, à nous deux, avait des faux airs de tragédie. « Je suis là. » dis-je tout bas. Oui, j’étais là. J’étais là malgré toutes les bonnes raisons que j’avais eu de m’en aller. J’étais là malgré tout. Malgré absolument tout. « Je ne risque pas d’aller bien loin. » J’esquissai un sourire à cet humour que j’avais fini par développer au cours des semaines, me disant qu’après coup que cela n’était sans doute pas une raillerie que Julian apprécierait. Mais je ne savais plus quoi faire. Il clamait accepter mon handicap mais ce sujet était si sensible que j’avais l’impression que toutes ses paroles n’étaient que des mensonges ; il refusait chaque aspect, chaque fait, chaque anecdote. « Tu sais… Nous sommes tous différents, quelque part. Ce n’était pas une insulte. » repris-je finalement. Une boule avait pris possession de ma gorge. J’étais presque tourmentée par la peur de prononcer les mauvaises paroles. « Je ne peux pas marcher. Tu n’aimes pas le café froid. J’imagine que Jake Winthrow doit avoir un micro pénis… Ce qui expliquerait sans doute pourquoi il a autant besoin de se pavaner et de prouver au reste du monde qu’il est un mâle dominant. » J’haussai les épaules. Il était toujours tout contre moi et je me surprenais à espérer qu’il ne s’échappe pas de ma prise. La chaleur de son corps était si réconfortante contre mn corps rempli d’inquiétudes. Je poussai un soupir, avant de fermer doucement les paupières, une nouvelle fois, m’enfermant dans la singularité de l’instant. « On ne peut pas échapper à ces différences. » Quelque part, je croyais à mes paroles. Quelque part, je savais que j’avais raison. J’avais mis des années avant d’accepter le fait d’être à l’écart du monde. J’avais mis des mois avant de me convaincre que toutes ces choses faisaient de moi une personne à part, sans que cela soit forcément mal.
J’avais encore du mal avec tous ces principes. Mais, en cet instant, j’avais la sensation qu’il fallait que je les accepte pour lui. Pour Julian.
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() message posté Mer 25 Mar 2015 - 12:19 par Invité
“ Whatever I take, I take too much or too little; I do not take the exact amount. The exact amount is no use to me. I might just kill you right now or leave you forever.” Elle était sur le sol, à mes côtés, ses jambes inertes allongées dans une inflexion bizarre, et je compris que malgré l’illusion de proximité qui m’entourait, sa sollicitude n’était qu’un mensonge. Ma Ginny était partie. Je fermais brusquement les poings en vacillant sans rythme sous le bureau. J’étais hanté par l’ébauche d’une promesse solennelle ; elle avait dit que nous étions amis pour l’éternité mais elle n’avait fait que me décevoir. Les vautours déployaient leurs longues ailes noires au-dessus de ma tête, prêts à foncer sur mon cadavre puant. Je retins mon souffle pendant plusieurs minutes avant de relever mes yeux injectés de sang sur son visage implorant. Je pouvais parfaitement discerner, du haut de ma torpeur et de mon angoisse, qu’elle était habitée par l’incertitude. Je n’avais plus aucun contrôle sur mes réactions – elle le savait. Je me mordis la lèvre inférieure jusqu’à ce que la douleur sonne en écho au creux de mes oreilles. Je voulais à tout prix masquer les paroles perfides de Jake. Je voulais qu’il se taise et que la langueur profonde de son existence finisse par le rattraper avec toute la cruauté du monde. J’aurais dû lui sauter à la gorge. J’aurais dû le rouer de coups jusqu’à ce que je m’effondre à bout de forces. Pourquoi m’avait-elle stoppé dans mon élan de folie ? Le décor de la pièce s’embrouillait sous mon regard meurtri et je me surpris à trembler de tout mon corps. Je crispai ma mâchoire afin de me recentrer, mais tous mes tics nerveux étaient vains. Je ne parvenais pas à me délivrer de mes tourments. J’inclinai la tête avec lenteur avant de me redresser aux aguets. J’entendais les claquements de mes vaisseaux et les battements vifs de mon cœur, mais je savais que malgré la sincérité de mes conjurations, elle ne me laisserait pas repartir dans la salle de réunion. La vengeance n’était pas une valeur qu’elle pouvait encourager. Mon souffle se versait dans le silence et je me sentis bien vite exténué par mon manque de contenance. « Et alors ? » S’enquit-elle dans une murmure. Un frisson d’horreur parcouru mon échine avant de s’évanouir quelque part entre mes flancs. « Ce n’est pas vrai … » Je refusais de considérer sa situation comme étant étrange, particulière ou handicapante … C’était bien trop compliqué pour moi. Je déglutis avec difficulté. Les fluctuations de ma voix brisée vibraient encore au fond de mon larynx, était-ce par pitié ? Etais-ce par amour ? Je me consumais sous les éclats de la lune, dans le feu de mon propre cœur. Je me laissai aller dans ses bras en fermant les yeux. Le poids de l’injustice s’écrasait contre ma dignité et j’avais envie de sombrer comme un enfant, j’avais envie de crier et de pleurer en même temps. Cette étreinte me semblait si chaleureuse. Je me cramponnai à ses épaules avec détresse avant de l’écraser contre les parois lisses du bureau. Le rythme incertain de me respiration me coutait tellement. J’humais les senteurs boisées et maritimes de son cou en poussant une longue plainte. « Je suis là. Je ne risque pas d’aller bien loin. » J’aurai tant voulu esquisser un sourire à la suite de sa blague, mais je ne pouvais pas me détacher de mon chagrin. Si, tu risques d’aller très loin. Tu finis toujours par partir. « Tu sais… Nous sommes tous différents, quelque part. Ce n’était pas une insulte. Je ne peux pas marcher. Tu n’aimes pas le café froid. J’imagine que Jake Winthrow doit avoir un micro pénis… Ce qui expliquerait sans doute pourquoi il a autant besoin de se pavaner et de prouver au reste du monde qu’il est un mâle dominant. On ne peut pas échapper à ces différences. » Sa voix ponctuait le fil de mes pensées. Je me détachai lentement de sa prise afin d’ancrer mon regard tourmenté dans le sien. J’observai brièvement le contour de ses lèvres avant de froncer les sourcils dans un effort de bonne conduite presque affligeant. Non. Pas d’excès ! « Ne me parle pas de son penis … » Couinai-je en la bousculant légèrement. Un maigre sourire se traça sur mon visage mais ce n’était qu’un leurre destiné à la réconforter. Parfois, je pouvais retrouver une raison de m’accrocher dans ses gestes plein de tendresse. L’acide qui coulait dans mes veines disparaissait comme un fantôme du passé afin de laisser place à une quiétude passagère. Je courbai la bouche d’un air perdu avant d’essuyer mon front du revers de la main. Je saisissais la portée de ses paroles, mais ce n’était pas une explication valable pour moi. Accepter sa condition, c’était admettre mon incapacité à la sauver, c’était poser un nom sur la tragédie de son existence. Je secouai frénétiquement la tête. « Je connais déjà toutes tes différences. » Marmonnai-je. « Ce sont mes limites qui posent problème. » Je posais mes mains brûlantes sur ses joues creuses. Le contact de sa peau me captivait à nouveau ; sorcière ! Pourquoi ne puis-je pas reconquérir ton amitié maintenant que je suis seul ? « Regardes-moi dans les yeux, et dis-moi que tu me comprend comme avant. » Suppliai-je presque. J’avais toujours besoin de sa présence à mes côtés. Mon affection me ressemblait, elle était impulsive, puissante et changeante – mais de toutes les souffrances que le destin m’imposait, malgré l’absence d’Eugenia dans ma vie et la misère qu’elle me causait à chaque que je regardais son fauteuil roulant, je ne pouvais pas oublier. J’avais besoin d’elle.
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