Tu connaîtras les nuits fauves je te promet - Castiel

Il fait nuit, la pluie tombe contre les carreaux de la fenêtre de ma chambre. Je suis assis sur le lit, je n'arrive pas à dormir. Je me lève pour regarder par la fenêtre, d'après ma mère je suis né un soir de pluie comme celui-ci. Enfin, nous sommes nés un soir de pluie comme celui-ci. Toi et moi. Sauf que tu n'as pas survécu, tu es mort quatre minutes plus tard. Et c'est à ce moment précis le 22 mai 1993 à 23h31 que ma vie est devenu un enfer. Moi, le monstre qui avait tué mon jumeau parce que j'avais le malheur d'être né le premier. Toute ma vie, j'ai entendu ma mère me répéter à quel point j'étais un raté, à quel point mon frère aurait été meilleur que moi. J'ai passé ma vie à l'entendre dire que j'aurais dû mourir à sa place, parce que toi tu aurais été tellement mieux. Oh, mais ne t'inquiète pas j'ai pris l'habitude à ça, me faire insulter, rabaisser, engueuler, c'était mon lot quotidien. Et puis maman a sombré dans l'alcool, ramenant des hommes de plus en plus étranges et glauques à la maison. J'ai eu le droit à tout tu sais : celui qui me prenait pour sa bonniche, celui qui passait ses nerfs sur moi, celui qui me tripotait dès que maman n'était pas en état de coucher avec lui, celui qui m'emmenait au bar pour que je le ramène une fois ivre...bref, on a eu de tout à la maison. Et moi, j'ai commencé à en avoir marre, marre qu'on ne s'occupe pas de moi, marre de vivre dans cette baraque, alors je me suis mis à passer du temps dehors, j'y ai rencontré des gens géniaux et d'autres un peu moins, mais c'était toujours mieux qu'à la maison. Je passais mon temps entre le commissariat de police et la maison. Et puis à l'âge de douze ans, un juge a décidé que maman n'était plus en mesure de s'occuper de moi. On m'a donc placé dans un foyer d'accueil. Tu te dis que c'est allé mieux après ça...plus ou moins en fait. Les grands ne m'aimaient pas beaucoup et s'en prenaient souvent à moi, pour une raison que j'ignore. Mais j'ai rencontré le plus beau rayon de soleil de ma vie dans ce foyer. Le jour où je suis arrivé, Elly est arrivée aussi. Une petite puce de six ans, qui était muette de naissance. Les grands ne l'aimaient pas beaucoup non plus, alors je me suis fais un devoir de la protéger d'eux. Nous avons grandis ensemble dans ce foyer et puis un jour elle a été adoptée, elle avait dix ans et moi seize. Il était hors de question que je sois séparé d'elle, mais la famille ne voulait pas de moi. Alors le lendemain de son départ, j'ai fugué. J'ai pris le premier train pour Londres et je suis parti la retrouver. Tu comprends, je t'avais déjà perdu toi, alors je ne pouvais pas la perdre elle. La vie à Londres n'a pas été facile tous les jours, mais je m'en suis sorti, j'ai même retrouvé Elly. Mais ses parents ne voulaient pas que je l'approche, me jugeant trop néfaste pour elle. Tiens donc, j'avais comme une impression de déjà vu. J'ai néanmoins réussi à passer un accord avec eux : si je faisais des études et que j'avais des bonnes notes sans m'attirer d'ennuis, ils m'autoriserait à la voir. C'est comme ça que je me suis retrouvé à Cambridge et c'est pour ça que j'étudie comme un fou tout le temps. Heureusement, maintenant ses parents sont un peu plus tolérants et puis de toute façon elle est majeure à présent donc elle peut faire ce qu'elle veut. Elle a même intégré Cambridge pour qu'on puisse se voir plus souvent.
Un mouvement en bas de ma fenêtre me fait bouger. Hideo m'attend en bas de l'immeuble. J'attrape mon blouson et le rejoins en bas. Hideo, c'est comme un frère. Sans lui, je serais mort dans les rues de Londres. Je lui ai sauvé la vie un soir dans une ruelle, pour me remercier, il m'a présenté à sa famille : les Scorpions. Un gang de la capitale. Alors ouais, on fait quelques trucs illégaux de temps en temps, mais c'est pour aider nos semblables. On vit tous dans le quartier de Chinatown, à vrai dire la plupart des habitants du quartier sont des Scorpions ou des anciens Scorpions. On s'entraide, puisqu'on n’a pas les moyens de faire autrement. Ce soir, il faut qu'on récupère un de nos pote qui sort de prison. Je vous rassure, juste des petits délits sans importance. Un Scorpion ne pique que pour se défendre. On n’est pas des méchants comme dans les films. Je rejoins mon ami dehors avant de nous diriger vers le centre ville pour attendre le bus qui nous ramène l'un des nôtres. A peine arrivé, Hideo me lâche pour aller acheter à manger. Un vrai goinfre ce type, je te jure. Je suis assis sous l'abri bus, attendant patiemment. Soudain, j'ai comme l'impression d'être fixé du regard, j'attrape le pendentif qui pend depuis toujours autours de mon cou et lève les yeux, tombant sur un taxi qui attend au feu rouge. Et là, sur le siège arrière, je vois le reflet de moi-même, comme un miroir. Un autre moi qui me regarde avec une expression de profonde tristesse. La vision dure un instant puis le taxi s'en va. Lorsqu'Hideo revient, le taxi est déjà bien loin. Moi, je suis debout, une main accrochée à mon pendentif et l'autre sur ma bouche. Mon ami se penche vers moi, posant une main sur mon épaule. "Mec...ça va on dirait que t'as vu un fantôme." Mon regard se perd dans le vide, sur la rue qu'à prit le taxi, soudain mes mains retombent le long de mon corps tandis que je murmure : "Ouais...un fantôme, c'était forcément un fantôme..."