(✰) message posté Lun 3 Nov 2014 - 22:35 par Invité
Je m’accorde un dernier regard dans le miroir de l’entrée. Un soupir s’échappe de mes lèvres naturellement rosies tandis que je pince mes joues bombées, ultime tentative de les colorer et de me donner bonne mine. Je n’avais su berner personne aujourd’hui. Devoir affronter le regard de mes anciennes camarades de promotion, assez aimables pour me faire parvenir de temps en temps les derniers dossiers abordés en cours. Devoir leur expliquer, pour la énième fois que, non, il n’y avait pas d’évolution pour ma situation. Les dialyses s’enchaînaient et je ne faisais qu’attendre un appel qui tardait à venir pour une greffe de plus en plus incertaine. C’est long, semblaient-elles dire. Oui, ça l’était. C’était long, ça le paraissait, mais ça ne faisait que trois ans. Trois ans pour lesquels je ne pouvais me plaindre lorsque, en séance, je me retrouvais entourée de patients dialysés depuis plus de dix ans. Je n’inventais rien, j’aurais aimé pouvoir leur annoncer des nouvelles spectaculaires à chacune de nos rencontres, des avancées significatives. Mais il n’y en avait pas, et je n’avais jamais été aussi fatiguée qu’aujourd’hui de cette réalité. Usée de ces répétitions, de ces heures passées à l’hôpital semblables en tous points. Le médecin avait tellement insisté aujourd’hui, que j’avais finalement été contrainte d’accepter de me faire raccompagner par le véhicule sanitaire prévu à cet effet. Je détestais cette sensation, perdre ce qui me restait d’indépendance. Perdre le temps que j’avais réussi à gagner dans les embouteillages nocturnes de Londres, également. James m’avait annoncé sortir de rendez-vous il y a dix minutes seulement mais je ne tenais pas à être en retard à notre lieu de rendez-vous, faute de devoir lui en donner la raison. J’enfile rapidement mon trench par dessus ma robe noire et dégage mes cheveux d’un geste de main distrait, me penchant pour écrire un petit mot rapide à Kenzo qui n’était pas encore rentrée à l’appartement. Après une courte hésitation, je retourne face au miroir, décidée à rehausser mon teint et à attirer l’attention sur autre chose que la fatigue et la douleur inscrite sur mes traits, et colore mes lèvres d’un rouge profond contrastant avec la couleur de ma robe. Enfin satisfaite de l’image renvoyée, je passe la porte et quitte l’appartement. Je ne connais pas le restaurant que James m’avait indiqué suite à mon invitation à diner, j’arpente néanmoins les couloirs de métro et les rues de Londres, tel un automate, accaparée par bien d’autres soucis. Mes pensées divaguent, s’échappent de mon esprit tourmenté, oublier la fatigue, oublier les malaises de plus en plus prenants. Il n’y avait rien de facile dans ce que je tentais de faire, ce que je tentais de vivre ces derniers jours. Rien de facile non, mais d’une évidence folle à chaque regard posé sur lui. J’avais passé tellement de temps à stagner sans plus me poser de questions. Stagner et toujours échouer oui, continuellement. Ayant comme seul mantra de ne pas me laisser encombrer, alourdir par des émotions, des peurs ou des désirs que je considérais comme des parasites. Je refusais de penser que le temps pouvait m’être compté, que je n’avais pas le droit de me tromper. Durant des mois, j’avais senti en moi se former la place du vide. Ce vide que rien ni personne ne pourrait combler, qui prenait forme dans ma poitrine. Je ne devenais que ça. Ce vide que j’aurais pu tenter de combler toute ma vie, rechercher une personne qui aurait pu ressembler à mon amour perdu. Refuser une personne qui aurait pu lui ressembler. Ces sentiments contradictoires ressemblant de plus en plus à des plaies, plus aiguës et plus douloureuses au fur et à mesure du temps écoulé. Je m’arrête à quelques pas, lève les yeux sur l’enseigne du restaurant, lumineuse dans l’obscurité de la nuit tombée. Je m’annonce à l’entrée, entrouvre mon manteau en attendant que l’on revienne vers moi. Je n’étais pas la première, James avait été plus rapide de quelques minutes et je suis le serveur me guidant jusqu’à notre table. À chaque pas, une barrière s’effondre, une défense est détruire, un mur s’écroule et mon cœur, caché derrière tout cela, commencer à ressentir la chaleur du restaurant et à s’en réjouir. Je l’aperçois enfin, s’apprêtant à se lever à mon arrivée et mon regard s’accroche au sien, laissant toutes mes pensées torturées et morbides dans la fraicheur de la ville. Purement magique et il ne s’en rendrait sans doute jamais compte. Il ne remplace personne, non. Il m’aide à revivre, il me permet d’aimer de nouveau. Même si les mots me sont restés imprononçables pour le moment. Je remercie le serveur d’un sourire lorsque celui-ci s’éloigne et me laisse parcourir les derniers mètres me séparant de James. Cela ne faisait que vingt-quatre heures que nous nous étions quittés, vingt-quatre heures seulement, mais mes joues rosissent et je sens mon cœur s’emballer de le retrouver. Je le lui dirais bien si je ne craignais pas de tomber dans une niaiserie à laquelle je n’étais pas habituée. Je frôle sa joue pour y déposer un baiser tandis que ma main cherche doucement la sienne pour quelques courtes secondes. « Tu es là depuis longtemps ? » m’enquis-je avec douceur. « J’étais tellement fière d’être à l’heure », finissais-je avec une moue amusée en me décalant pour le regarder. C’était, en effet, suffisamment rare pour être remarqué. « Comment s’est passé ton rendez-vous ? » demandais-je d’un ton intéressé, une fois dévêtue de mon manteau et assise en face de lui. « J’ignorais que tu pouvais envoyer des messages durant tes réunions, je te pensais plus sérieux ! » le taquinais-je avec un sourire cependant reconnaissant, les messages de James durant ma dialyse de la journée m’ayant aidé plus que de raison à ne pas dépérir d’ennui. Il y avait tellement de choses pour lesquelles j’aurais aimé le remercier, tellement que je ne savais pas par où commencer.
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(✰) message posté Mar 4 Nov 2014 - 16:13 par Invité
You are my world Lexie & James
Tapotant des doigts sur la table avec nervosité, James lança un regard impatient en direction de sa montre. L’éditeur n’était pas habitué à attendre et de toute façon, personne n’oserait jamais lui faire un coup pareil. C’était prendre de gros risques. Il faut dire que le manque de ponctualité était totalement rédhibitoire à ses yeux et en règle générale, James ne faisait pas de cadeau à ses auteurs ou collaborateurs retardataires. Certainement parce qu’en tant que grand patron d’entreprise, il n’avait pas une minute à perdre. Son planning était chargé, son temps par conséquent précieux, et si les autres n’étaient pas capables de suivre son rythme effréné, James les invitait cordialement à prendre la porte. Après tout, s’ils voulaient jouer les tire-au-flanc, rien ne les empêchait de travailler pour quelqu’un d’autre. Ce soir toutefois, la donne était bien différente. James n’attendait pas un client potentiel, mais sa belle Lexie qui devait le rejoindre d’une minute à l’autre. Son impatience n’était donc pas liée à une quelconque forme d’exaspération mais plutôt à l’envie fulgurante de la retrouver enfin. Cela ne faisait que vingt-quatre heures qu’ils s’étaient séparés et pourtant, James avait la fâcheuse impression qu’une éternité s’était écoulée. Naturellement, l’éditeur ne pu s’empêcher de songer une nouvelle fois que les choses seraient bien plus simples à gérer si Lexie vivait à ses côtés. Mais c’est un sujet qu’il allait soigneusement éviter de remettre sur le devant de la scène ce soir. Il n’était pas question d’agacer Alexandra d’autant qu’il s’était montré un peu dur au cours de leur dernier échange à ce sujet. Mais James était comme ça. Il avait toujours favorisé l’approche franche, tranchante même parfois, plutôt que de tourner autour du pot durant des heures. A quoi bon déblatérer et mettre les formes si c’était pour dire la même chose au final ? Perdu dans ses pensées, il observa distraitement les différents couples qui se trouvaient dans le restaurant. Aucun ne leur ressemblait. Il leur manquait à tous ce petit grain de folie mêlé à cette passion dévorante qui eux, les animait. Il y a ceux qui venaient ici pour la première fois et avaient opté pour une véritable tenue de gala dans laquelle ils n’étaient manifestement pas à l’aise. Les autres portaient des vêtements décontractés, contrastant fortement avec les nombreux clients venus diner pour affaires. Pour sa part, James avait opté pour un simple costume gris foncé et une chemise blanche sans cravate. C’était ça la décontraction pour lui et cela ne manquait jamais de provoquer l’hilarité de Jeffrey, son meilleur ami. Il le trouvait un peu trop… rigide sur ses habitudes. James n’y pouvait rien, il était élégant en toutes circonstances, même quand il faisait du sport. Sur lui, un simple survêtement bien taillé pouvait rapidement lui conférer des allures de James Bond. Le regard de l’éditeur s’attarda furtivement sur trois hommes qui venaient d’entrer lorsque soudain, il la vit. Elle. Dès qu’elle fit son apparition au sein du restaurant, le jeune homme se sentit de nouveau tomber sous le charme. Il comprenait maintenant pourquoi il en était tombé amoureux. Lexie était parfaite. En l’attendant, James avait soigneusement préparé chacun des mots qu’il souhaitait prononcer en sa présence, mais hélas, aucun ne pouvait décemment refléter l’émoi qu’il ressentait désormais. Prenant délicatement sa main, il la porta à ses lèvres pour y déposer un léger baiser. Une attitude qui aurait une nouvelle fois provoqué l’hilarité de Jeffrey, bien plus habitué à mettre la main au panier de ses conquêtes qu’à se montrer galant et courtois. « Tu es là depuis longtemps ? J’étais tellement fière d’être à l’heure. » Sa remarque alliée à son adorable moue amusée ne manqua pas de le faire sourire à son tour. Devait-il nécessairement lui faire savoir qu’elle aurait été renvoyée sur le champ si elle avait été sa collaboratrice ? Naturellement non. « Suffisamment longtemps pour prendre conscience de mon impatience à l’idée de passer cette soirée avec toi.» Voilà une tournure plus appréciable et bien plus réaliste. Dès qu’elle fut débarrassée de son manteau, James lui tira sa chaise afin qu’elle puisse s’asseoir – tel un vrai gentleman des temps modernes – et s’installa à son tour avant de la dévisager avec attention. « Tu es magnifique.» Comment pourrait-il se lasser de le regarder ainsi ? D’ailleurs, même s’il ne s’en rendait pas nécessairement compte, James avait bien souvent tendance à embarrasser ses interlocuteurs à les dévisager de la sorte. Mais depuis le temps, Lexie devait être habituée à sa manière d’être tout à fait remarquable (ou détestable, selon les points de vue). « Comment s’est passé ton rendez-vous ? » Prenant une nouvelle inspiration, James s’adossa à sa chaise tout en songeant aux négociations ardues auxquelles il avait dû faire face au cours de la journée. Son dernier rendez-vous s’était soldé par un contrat fort intéressant qui allait certainement le contraindre à partir en déplacement un certain temps. Il était sur le point de l’en informer, lorsque la jolie blonde eut l’idée de lancer une remarque intéressante. « J’ignorais que tu pouvais envoyer des messages durant tes réunions, je te pensais plus sérieux ! » C’était là tout l’avantage d’être son propre patron et de n’avoir de compte à rendre à personne. « Les hommes sont capables de faire plusieurs choses à la fois. Le contraire n’est qu’une légende. Tu noteras toutefois que mes messages sont des plus courtois. Rien à voir avec ceux que tu oses parfois m’envoyer lorsque tu sais que je suis en réunion ou en rendez-vous. Outre le fait de me déstabiliser, ils me font perdre toute crédibilité auprès de mes associés, tu en as conscience ?» Combien de fois s’était-il entendu prononcer un ‘Oh mon Dieu’ à voix haute en pleine réunion, en découvrant les messages pour le moins « osés » qu’elle avait l’audace de lui envoyer ? Oh ce n’était pas pour lui déplaire, bien au contraire !! « Quant à ce fameux rendez-vous, il s’est plutôt bien déroulé. Nous avons signé les accords, comme convenu. Le seul hic étant que je vais probablement devoir m’absenter un certain temps. Pas bien loin, cependant. Toujours en Angleterre. Si nous nous organisons convenablement, tu pourrais peut-être m’accompagner si le cœur t’en dit… » demanda-t-il d’une voix plus douce. « Mais nous aurons l’occasion d’en reparler. Je ne te demande pas comment s’est passée ta journée … Sauf si tu souhaites en parler ou bien me révéler qui le père de l’enfant de Nicole.» James lui adressa un sourire complice puis glissa sa main sur la table pour venir la poser sur celle de la jeune femme. Son regard était plongé dans celui de sa belle lorsque son attention fut attirée par une silhouette juste derrière elle. Quelques tables plus loin, quatre hommes étaient attablés et semblaient discuter avec entrain. Un cinquième avait le regard braqué en direction de James et ne semblait pas vouloir s’en détourner. L’éditeur sentit son cœur faire un bond dans sa poitrine. Cet homme, il le connaissait. Cet homme, cet individu abject n’était autre que son propre père. Entre-ouvrant la bouche, James fit passer son regard de Lexie à son père, tandis que la jeune femme parlait. « Excuse-moi ma puce mais, finalement je pense que nous devrions diner ailleurs. Il fait… bien trop chaud ici. Et j’ai entendu des clients se plaindre de la qualité du service juste avant ton arrivée alors… »
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(✰) message posté Mer 5 Nov 2014 - 15:53 par Invité
Je donnais peut-être cette impression de savoir ce que je faisais, d’être maitresse des événements, d’être habituée à ces rendez-vous somme toute ordinaires et habituels pour les couples autour de nous. Mais ce n’était pas le cas. Je me laisse porter, entrainée et attirée par les propres démonstrations de James et ce que mon corps m’inspirait à chaque regard posé sur lui. Mais je ne suis pas habituée aux tête-à-tête amoureux, je ne suis guère plus habituée au romantisme tout simplement et je crains d’être percée à jour à tout moment même si je ne lui avais jamais caché. Ma dernière relation s’était épanouie et éteinte entre les murs d’un hôpital, il n’y avait jamais eu de place ou de désir pour le romantisme. Ce passé avait longtemps été une de ces nouvelles, divinement sécurisantes, m’empêchant de faire la moindre avancée, mortellement tristes, dont la lecture d’une seule de ces pages suffisait alors à faire évanouir mon courage. Comment mon cœur pouvait-il alors s’emballer au contact de ses lèvres sur ma main, consciente en même temps que rien ne me semblait plus naturel que d’être là, ce soir, avec lui ? « Suffisamment longtemps pour prendre conscience de mon impatience à l’idée de passer cette soirée avec toi. » James prend place en face de moi et je me surprends à regretter aussitôt la distance imposée par la table entre nous deux. Je n’avais pas pu l’embrasser à ma guise. Je n’avais pas pu lui faire ressentir, lui faire deviner à quel point il m’avait manqué durant ces quelques heures. Je n’avais pas pu car la décence m’en avait empêché au milieu de cette salle comble. Je n’avais pas pu et cela ne faisait que compliquer ma tâche de distinguer quelle était la part de réalité dans ce rêve éveillé. « Tu es magnifique. » Un léger sourire se dessine sur mes lèvres, croisant les mains sur ma robe dans un geste concentré, tentant de ne pas m’y attarder. Persuadée que jamais d’autres yeux que les siens réussiraient à me trouver des charmes en cette soirée. Je pouvais savoir lorsque l’on me mentait. J’avais envie de le croire ce soir mais je ne parvenais pas à faire taire cette voix dans ma tête qui m’affirmait le contraire. J’étais fatiguée. J’étais épuisée et je n’étais pas magnifique, pas sans artifices. J’aurais cependant aimé l’entendre me le dire encore et encore, comme si seule mon image au travers de son regard pouvait m’intéresser à présent. Seule mon image au travers de son regard pouvait m’inquiéter et me combler. « Les hommes sont capables de faire plusieurs choses à la fois. Le contraire n’est qu’une légende. Tu noteras toutefois que mes messages sont des plus courtois. Rien à voir avec ceux que tu oses parfois m’envoyer lorsque tu sais que je suis en réunion ou en rendez-vous. Outre le fait de me déstabiliser, ils me font perdre toute crédibilité auprès de mes associés, tu en as conscience ? » Je ne peux m’empêcher de rire face au ton incroyablement sérieux que James employait pour ses remontrances. Je ne rougissais pas le moins du monde pour la teneur de mes messages, bien au contraire. Rien ne me semblait plus électrisant que d’imaginer James user de tout son self-control pour ne rien laisser paraître en salle de réunion. « Je réussis donc à te déstabiliser, toi ? Dis-moi, est-ce que tu rougis ? » lui demandais-je malicieusement en plissant les yeux, soudainement désireuse d’en savoir plus sur l’effet que je pouvais lui procurer. « Un mot de ta part et j’aurais tout arrêté, tu sais. Mais je n’ai rien entendu, bizarrement … » ajoutais-je simplement en hochant les épaules d’un air distrait, sans le quitter du regard. Je demeure amusée lorsque le serveur revient à notre table avec les apéritifs sans doute commandés par James avant mon arrivée. Le remerciant d’un sourire, je l’observe ensuite s’éloigner avant de reporter mon attention sur James suite à ma question. « Quant à ce fameux rendez-vous, il s’est plutôt bien déroulé. Nous avons signé les accords, comme convenu. Le seul hic étant que je vais probablement devoir m’absenter un certain temps. Pas bien loin, cependant. Toujours en Angleterre. Si nous nous organisons convenablement, tu pourrais peut-être m’accompagner si le cœur t’en dit … » Je ne peux m’empêcher de l’interrompre doucement en inclinant légèrement la tête. « Un certain temps ? » Mais c’est à peine s’il m’entend et je le laisse continuer, ne trouvant pas la force sur le moment de le rappeler à la réalité. Je ne pouvais pas voyager, je ne le pourrais sans doute pas avant un certain temps, à moins de trouver un centre de dialyse sur place, véritable calvaire à en croire mon néphrologue qui ne cessait de me rappeler la tonne de soucis administratifs et financiers que cela pouvait bien representer. Je n’étais, de plus, pas une patiente modèle et n’inspirais en rien la confiance quant à ce que je serais capable de faire en dehors de ma ville de résidence. « Mais nous aurons l’occasion d’en reparler. Je ne te demande pas comment s’est passée ta journée … Sauf si tu souhaites en parler ou bien me révéler qui le père de l’enfant de Nicole. » Sa remarque me tire un sourire tandis que le contact de sa main sur la mienne me brûle soudain la peau. Il était doux, élégant, insoumis. « Le concierge. » répondis-je, une lueur espiègle et pétillante s’emparant soudain de mon regard. « Je sais. Ne m’en parle pas, je ne m’en suis toujours pas remise, ça n’a aucun sens. » rajoutais-je sur un ton théâtral. Doux, élégant, insoumis et capable me percer à jour. Je pouvais lui répondre maintenant. Ma journée n’avait pas été ponctuée de choses passionnantes et je pouvais le lui dire, ne ressentant pas l’embarras coutumier suite à ce genre de questions. « Excuse-moi ma puce mais, finalement je pense que nous devrions diner ailleurs. Il fait… bien trop chaud ici. Et j’ai entendu des clients se plaindre de la qualité du service juste avant ton arrivée alors… » Je retiens les mots, les empêche de franchir la barrière de mes lèvres au dernier moment, tandis que j’observe le visage de James s’assombrir soudainement. Je serre doucement sa main en regardant rapidement autour de nous, sans oser cependant me retourner vers la source évidente de son embarras. « Se plaindre ? Tu m’avais dit connaître ce restaurant. Qu’est-ce qu’il se passe ? » Je prends une légère inspiration, en plongeant mon regard dans celui, soucieux, de James. « Excuse-moi, allons-y maintenant si tu veux. » Je l’interroge du regard, certainement intriguée de ce qui se tramait mais prête à le suivre sans une hésitation s’il se décidait réellement à se lever et à s’en aller.
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(✰) message posté Mer 5 Nov 2014 - 21:31 par Invité
You are my world Lexie & James
« Le concierge ?? Noooon !! Il a osé ? » A son tour, James afficha une mine hilarante tandis qu’il simulait ouvertement son intérêt pour un soap dont il n’avait jamais vu le moindre épisode. Mais quelle importance ? « Je sais. Ne m’en parle pas, je ne m’en suis toujours pas remise, ça n’a aucun sens. » Durant un instant, James se focalisa sur son sourire éblouissant. Il aimait la voir ainsi ; lumineuse pour ne pas dire radieuse. Bien sur qu’elle était magnifique … Avec ou sans artifice, Lexie n’en demeurait pas moins somptueuse même si bien souvent, elle préférait imaginer le contraire. «Parfois il est inutile de chercher à donner un sens aux évènements. Les sentiments n’ont rien de rationnel. Même si c’est efrrayant de s’y lancer tête baissée, ça en vaut la peine parfois.» James caressa doucement la main de Lexie. Pas sûr qu’il soit encore en train de faire allusion au concierge et à cette fameuse Nicole. Vraiment, cela faisait une éternité que James ne s’était pas senti aussi bien, heureux et détendu. Cette soirée s’annonçait parfaite à bien des égards et une fois encore, l’éditeur aurait aimé pouvoir suspendre le cours du temps. Mais c’était sans compter sur une présence inattendue… Une présence dont James se serait bien passée et qui l’incita à changer de comportement avec une étrangeté que Lexie ne manqua sans doute pas de constater. Il avait la ferme intention de lui expliquer la raison de son soudain mal être mais pas maintenant. Pas ici. Pas devant lui. « Excuse-moi, allons-y maintenant si tu veux. » C’est alors que James remarqua que son père venait tout juste de se lever. « Trop tard.»
Un homme vêtu d’un costume sombre, parfaitement taillé, les cheveux grisonnants mais n’en demeurant pas moins extrêmement élégant et charismatique ne tarda pas à se matérialiser près de leur table. Aussitôt, le sourire et la décontraction de James ne furent plus qu’un vague souvenir et la tension dont il faisait désormais preuve était palpable à des lieues à la ronde. Durant quelques secondes, l’homme et l’éditeur se jaugèrent en silence. Le premier afficha un sourire narquois, passablement navré de constater que son fils se trouvait une fois encore sur son chemin. William Taylor Westlake. Soit une version plus âgée de James. C’est une chose qui aurait pu sauter aux yeux de n’importe qui ; même regard, mêmes expressions, même allure et un visage des plus ressemblants. La similarité entre les deux hommes était frappante. Troublante. Evidente. Un fardeau pour James qui avait passé toute son enfance et son adolescence à supporter les frasques de cet homme politique avide de pouvoir. William était doté d’une assurance incroyable et de nerfs d’acier capables de résister à toute épreuve. De ce point de vue là James lui ressemblait beaucoup mais c’était probablement la seule chose que ces deux hommes puissent avoir en commun. Jamais il n’aurait cru recroiser la route de cet homme qu’il avait toujours détesté du plus profond de son âme. C’était quelqu’un d’arrogant, détestable et manipulateur. James connaissait parfaitement la véritable nature de ce politicien corrompu jusqu’à la moelle. Si on lui avait dit qu’au cours de cette soirée il allait devoir se heurter à son paternel en personne, il aurait refusé d’y croire. « Il me semble que le sens des convenances t’échappe mon garçon. La bienséance voudrait que tu daignes faire preuve de moins d’arrogance et te décide enfin me saluer. N’est-ce pas la base de toute éducation ? N’as-tu jamais lu ça dans tes livres ? » C’était exaspérant. Cette manie qu’il avait de lui parler comme s’il avait encore dix ans. A son tour, James afficha un léger rictus et son regard passa automatiquement de William à Lexie et inversement. « Effectivement ; les livres m’ont enseigné bon nombre de préceptes d’ordinaire inculqués par les parents. » Si James lui lançait un regard de défi, le visage de William était redevenu détestablement impassible. « Chose que j’imagine, tu t’emploies soigneusement à faire avec Adam. Oh … mais c’est vrai, où diable avais-je la tête ?» Aussitôt, les mâchoires du jeune homme se crispèrent et son poing se serra sans même qu’il s’en aperçoive. Il en mourrait d’envie… mais non. Non !! Il refusait de céder à la tentation et de lui donner pareille satisfaction. Pas comme ça. James tenta de prendre sur lui, il prit une profonde inspiration et comme toujours, eut l’art et la manière de camoufler ses émotions. Croisant de nouveau le regard de sa bien aimée, il reprit la parole. « Lexie, chérie, je te présente William Westlake. Sénateur New Yorkais et accessoirement, l’homme qui m’a transmis son patrimoine génétique à défaut d’autre chose. C’est une formule beaucoup plus simple que de dire qu’il est mon père car dans le fond … »
« L’impertinence ne te sied guère. Cette demoiselle n’est pas obligée de se retrouver au beau milieu d’un conflit familial alors faisons les présentations et finissons-en. Je suis certain que tu ne souhaites pas que tous les regards soient soudainement braqués sur nous. Je suis un anonyme ici. Toi, en revanche, tu sembles être doté d’une certaine notoriété. Il serait dommage que le nom de Westlake, déjà lamentablement associé à de vieux bouquins, soit également pointé du doigt. Je devine que Ramble Editions en prendrait un sacré coup.» Et connaissant William, il y avait fort à parier qu’il se ferait un plaisir de tout foutre en l’air. Cet homme était un con. Un vrai de vrai. James agita doucement la tête de droite à gauche en signe de scepticisme évident puis se prêta au jeu, non sans une certaine réticence.« Très bien, puisqu’il faut donner le change allons-y. Je te présente Alexandra, l’incroyable et merveilleuse femme qui partage ma vie. » William sembla soudainement dubitatif et ne s’en cachait pas. A vrai dire, entendre James parler d’une femme partageant sa vie était plus qu’étonnant. N’était-il pas un adepte des conquêtes d’un soir ? « Intéressant… Emma a donc fini par comprendre. » Oui. Sauf que Lexie n’était pas Emma. Et qu’Emma était son passé tandis que Lexie représentait son présent et son avenir… « Ravi de faire votre connaissance, mademoiselle.» Un instant, William dévisagea attentivement Lexie avant de se détourner vers James. « La prochaine fois, essaie la sortie des lycées.» L’éditeur s’apprêtait à répliquer quelque chose de grossier et de particulièrement cinglant lorsque l’un des hommes dinant à la table de William lui fit signe de venir. Ce dernier s’excusa un instant puis s’éloigna vers ses comparses. James le suivit du regard, partagé entre son envie de lui rentrer dans le lard et celle de ne pas gâcher sa soirée avec Lexie. Finalement, il tenta de se raisonner et il n’était pas question de foutre en l’air la moindre seconde passée ensemble. « Navré de commencer par ce qu’il y a de pire dans la famille Westlake. Tu l’auras sans doute compris, mon père est de loin la personne la plus détestable qui puisse exister sur cette planète et je t’aurais bien volontiers épargné sa présence. On pourrait terminer la soirée ailleurs, qu’en dis-tu ? »
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(✰) message posté Jeu 6 Nov 2014 - 21:18 par Invité
Il apparaît, à mes côtés, toute son attention rivée sur James. Il ne me fallut qu’un regard pour le reconnaître, frappée par leur ressemblance. Les deux hommes s’affrontent sans un mot durant quelques secondes. Quelques secondes qui me parurent soudain être des heures tant le silence installé était dense, étouffant. Autour de nous, les couverts tintent, les conversations continuent, nul ne paraît prêter attention à l’air semblant pourtant vibrer sous la tension instaurée. « Il me semble que le sens des convenances t’échappe mon garçon. La bienséance voudrait que tu daignes faire preuve de moins d’arrogance et te décide enfin me saluer. N’est-ce pas la base de toute éducation ? N’as-tu jamais lu ça dans tes livres ? » Je n’ai de yeux que pour James, qui me confirme à demi-mots ce que j’avais déjà compris. Cet homme était son père. Si quiconque dans cette salle pouvait le deviner au moindre coup d’œil, cette qualification faisait remonter en moi bien plus de détails que je ne l’aurais cru. Je ne connaissais leur relation qu’à travers les récits de James. Jamais encore il ne m’avait été donné de poser un visage sur cet individu, des traits aux vices personnifiés. « Lexie, chérie, je te présente William Westlake. Sénateur New Yorkais et accessoirement, l’homme qui m’a transmis son patrimoine génétique à défaut d’autre chose. C’est une formule beaucoup plus simple que de dire qu’il est mon père car dans le fond … » William Westlake le coupe à nouveau et se lance dans une tirade dont je refusais instantanément d’entendre le moindre mot. Je me mords l'intérieur de la joue, attristée de le voir coincé dans cette situation que son père ne semblait pas prêt à abréger, attristée d’assister pour la première fois aux coups bas de cet homme en action, attristée de ne pas pouvoir lui faire tout oublier, d’alléger ses maux. Je ne pouvais que réfréner ce besoin de le protéger, se faisant de plus en plus ardent au creux de ma poitrine. J’essaie à la place de l’apaiser d’un regard, le dissuader de lui donner raison en s’enflammant à son tour. Rassurée de l’entendre me présenter calmement, touchée que cela soit en ces termes, je ne pus cependant qu’assister au flottement que cela provoqua chez son père. « Ravi de faire votre connaissance, mademoiselle. », me répondit-il alors. Je regrette un instant de devoir renoncer à mon indifférence, en l’entendant s’adresser à moi. J’aurais, en effet, tout aussi bien pu être invisible durant leur échange que cela n’aurait changé. « J’aurais été heureuse de pouvoir en dire autant. Mais je tente encore, tant bien que mal, de préserver mon honnêteté. » répondis-je sobrement en relevant les yeux dans les siens, lui accordant ainsi mon premier regard. Je l’aurais été, en effet, heureuse. Heureuse de pouvoir m’enchanter de tomber fortuitement sur le père de James, heureuse de pouvoir être témoin du merveilleux esprit de famille qui unissait les deux hommes, heureuse de pouvoir regarder James à présent et de ne pas me heurter à ses traits durcis et son regard sombre et empreint d’un manque qu’il ne pouvait pas me cacher. Les yeux de William Westlake balaient grossièrement mon visage et semblent sonder mon âme. Je ne détourne pas les yeux. Il aurait été aisé de perdre toute contenance face à son insistance, aisé de laisser son estomac se retourner face au charisme du sénateur, se laisser envahir par une gêne sans pareille, par cette impression de ne pas être à la hauteur. Il me jaugeait en effet, donnant l’impression de pouvoir me croquer à tout moment pour avoir oser lui répondre de la sorte. Mais je m’en moquais bien. Je n’avais jamais été intimidée par qui que ce soit. Je ne le serais certainement pas face à cet homme méprisable, dont je ne parvenais pas à me souvenir une seule belle anecdote que James aurait pu me raconter à son sujet. J’hésitais, ne sachant pas réellement s’il était conseillé d’ouvrir les hostilités plus qu’elles ne l’étaient déjà. Mon insubordination naturelle me laissait comprendre au plus profond de mon être qu’elle n’attendait qu’une faille de ma part pour se déverser avec fougue. Mais il ne s’agissait pas de moi et je ne connaissais que trop bien James, son aversion pour les scènes et son flegme sans pareil, pour me mordre la langue. « La prochaine fois, essaie la sortie des lycées. » Un sourire las se dessine sur mes lèvres, guère touchée par la facilité et la bassesse de son attaque, et je le laisse s’éloigner de notre table sans lui accorder le moindre regard. Je me moquais bien de l’avis et des piques cinglantes de cet homme. Pour dire vrai, je me serais d’ailleurs attendu à pire, bien pire, prête à encaisser son venin et à nettement moins d’affabilité simulée. Je ne recherchais pas son appréciation, encore moins sa bénédiction sachant à quel point celle-ci pouvait être minime et dénuée d’importance pour James. Mon attention est entièrement dirigée vers lui. Si mon cœur bat de manière irrégulière, c’est uniquement pour lui. Si j’avais senti mes joues s’échauffer durant leur échange, c’était uniquement pour lui. Si je ressens à présent cette envie de me lever et de l’emmener loin, c’était uniquement pour lui. Tout était pour lui. Je secoue légèrement la tête en l’entendant s’excuser. Ma main glisse au dessus de la table, s’emparant de la sienne dans une caresse, geste réprimé tout au long de leur échange, qui me brûlait à présent. « Je suis démasquée, moi qui pensais pouvoir te cacher mon âge encore quelques semaines. » murmurais-je avec une esquisse de sourire complice, ayant comme unique souhait de désamorcer la fulmination émanant de James quelques secondes auparavant. « Je suis désolée … Désolée que ton père mesure si peu, si mal, l’homme que tu es. Il en a assez dit en quelques minutes pour comprendre qu’il est bien pire que tout ce que tu avais pu me décrire. » continuais-je en plongeant mon regard dans le sien. « On peut partir, si tu le veux. Ça n’a rien d’un jeu, inutile de rentrer dans le sien. Est-ce que ça va ? » me laissais-je enfin aller à poser la question qui m’importait le plus. James avait ce don d’agir dans l’immédiat, laissant de côté ce qui pouvait l’atteindre, instinct que je comprenais mieux que personne, mais qui me rendait soucieuse en ce moment.
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(✰) message posté Jeu 6 Nov 2014 - 23:46 par Invité
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Les pensées de l’éditeur se mélangeaient toutes les unes aux autres et il se trouvait dans l’incapacité totale de se fixer sur une idée en particulier. L’amertume, la rancœur, la colère … soit autant de sentiments qui l’animaient tandis qu’il tâchait de demeurer flegmatique face à son géniteur. Revoir William à froid, sans préparation, était un véritable choc pour lui. Bien sur, James se doutait depuis longtemps qu’un tel moment finirait par arriver, que l’implacable sénateur allait finir par ressurgir dans sa vie … mais James aurait voulu être prévenu. Histoire de se préparer psychologiquement. Il serra un peu plus les mâchoires tandis qu’il assistait à l’échange entre son père et Lexie. Un mot de trop et ce serait toute la fureur de James qui s’abattrait sur lui. Autant dire qu’en l’état actuel des choses, la situation était tout aussi pesante pour Lexie qu’elle ne l’était pour l’éditeur. En réalité, il ne pouvait qu’imaginer ce qu’elle ressentait et dieu sait qu’il aurait aimé lui épargner cette lamentable épreuve. D’un côté, James était possédé par une colère incontrôlable, et de l’autre, il était tenté de faire comme d’habitude, en demeurant impassible et en attendant que l’orage ne passe. Il était passé maître dans l’art exigeant de ne rien laisser paraître. Sans compter que William n’était pas homme à éprouver des remords. Alors quelle que soit la réaction de son fils, il ne serait jamais atteint. Fallait-il avoir un sacré sang-froid pour consacrer sa vie entière à la politique et à d’ambitieux projets. William Westlake était un enfoiré de première catégorie mais il était tout de même passé à deux doigts de la présidence américaine quelques années plus tôt. Grand merci pour l’Amérique, il avait loupé son coup suite à quelques scandales liés à une aventure passagère. Cet homme se relevait toujours. Il avait toujours des ressources, de l’ambition et une effroyable capacité à anéantir tous ceux qui se trouvaient en travers de son chemin. D’ailleurs, il n’hésita pas à se montrer aussi peu courtois avec Lexie qu’il ne l’était avec le reste du monde. Ce qu’il ignorait toutefois, c’est que Lexie n’était pas une jeune femme à qui l’on balançait des saloperies pour mieux fuir la seconde d’après. Elle était aussi imprévisible qu’un feu de forêt, et aussi dangereuse que celui-ci quand elle s’y mettait. Ainsi, la réplique et le regard cinglant qu’elle osa lancer à William semblèrent le surprendre et le déstabiliser. En temps normal, personne n’osait le défier de la sorte. Il oubliait sans doute qu’on était en Angleterre et qu’ici, il n’était qu’un inconnu parmi tant d’autres. Au grand plaisir de James, le sénateur s’éloigna un instant. Il était certainement en plein diner professionnel et il n’était pas question pour lui de manquer le plus important. « Je suis désolée … Désolée que ton père mesure si peu, si mal, l’homme que tu es. Il en a assez dit en quelques minutes pour comprendre qu’il est bien pire que tout ce que tu avais pu me décrire. » C’est incroyable comme un simple geste, un simple contact était en mesure de l’apaiser immédiatement. Caressant à son tour la main de Lexie, James lança un regard froid en direction de la tablée d’en face avant de reprendre la parole. « Oh, tu n’as encore rien vu. Je suis certain qu’il ne s’agissait que d’un échauffement. » William était de loin l’homme le plus odieux de la planète. James n’avait d’ailleurs jamais compris comment sa mère avait pu passer la moitié de son existence à se coltiner cet abruti fini. Ils étaient tellement différents l’un de l’autre… « On peut partir, si tu le veux. Ça n’a rien d’un jeu, inutile de rentrer dans le sien. Est-ce que ça va ? » James poussa un soupir d’agacement tandis qu’il observait encore son père. La question de Lexie le ramena à la réalité. Il plongea alors son regard dans celui de la jeune femme et se força à esquisser un sourire n’ayant rien de naturel. C’était toujours très compliqué pour James de se retrouver face à son père. Ils avaient un passé commun qui était loin d’être glorieux et l’éditeur éprouvait une véritable aversion envers sa famille de manière générale. « Je ne sais pas trop. Je devrais être habitué depuis le temps mais son arrogance me surprendra toujours. Il estime sans doute que notre relation n’est pas suffisamment conflictuelle comme ça. Il faut toujours qu’il en rajoute et prenne plaisir à frapper là où ça fait mal. Je sais parfaitement qu’il voudrait me faire courber à la fois l’échine et l’âme. Il a toujours voulu que je sois l’un de ses pions, taillable et corvéable à sa merci. Mais on ne m’a jamais contrôlé, moi. Vraiment, je suis navré que tu aies dû assister à cet affligeant spectacle. Ce n’est pas comme ça que j’imaginais cette soirée. » Pour ne rien cacher James n’avait jamais envisagé de présenter sa famille à Lexie, tout simplement car à ses yeux, ces gens n’étaient que des ombres de son passé. Son père, tout particulièrement. L’éditeur ne conservait que de vagues souvenirs d’enfance en présence de William. Et la plupart du temps, ils n’avaient rien d’adorables. Au contraire … James se souvenait de la brutalité de son père. Au sens propre comme au figuré. L’humiliation et les corrections avaient été son lot quotidien durant de nombreuses années. Une part d’ombre dont les électeurs de William n’avaient jamais eu vent, cela va sans dire. Le parfait représentant du peuple américain, père de famille respectable et mari modèle était en réalité une créature de la pire espèce et un homme politique corrompu. Il trompait sa femme, maltraitait son fils, ignorait sa fille … bref, une belle saloperie. « J’ai passé toute mon enfance à me dire que je ne deviendrai jamais comme lui. Il n’a jamais été un modèle pour moi. Il était plutôt l’archétype même de ce qu’il ne fallait jamais imiter. » Hélas, James avait tout de même pas mal de similitudes avec son père. Notamment ce côté froid, distant et insensible. Parfois, l’éditeur se demandait même s’il était capable d’éprouver des émotions. C’est sans doute pour s’en assurer qu’il prenait bien souvent de nombreux risques inconsidérés. Histoire de s’auto-procurer une bonne dose d’adrénaline et s’assurer qu’il était capable d’éprouver autre chose que de l’indifférence face aux choses. N’était-ce pas pour cette raison qu’il avait appris à piloter ? Pour pouvoir avoir son lot de sensations fortes chaque fois qu’il le désirait ? James avait longtemps été persuadé qu’il ne pouvait rien éprouver de positif. C’est grâce à Lexie qu’il avait compris le contraire … que lui aussi était doté d’un cœur, capable d’aimer. Le doute, la partie sombre de son âme, il la devait uniquement à son père. « Mon père voulait un successeur. Comme je suis l’ainé, il m’a toujours poussé pour que je reprenne le flambeau en politique. Il n’a jamais compris mon intérêt pour les livres. Ma passion a débuté … je n’en sais rien … dès que j’ai été en âge de tourner les pages d’un bouquin en fait. Il n’a jamais compris ça. Du coup, je me suis toujours attiré ses foudres. Mais je m’en foutais. Je ne voulais pas lui ressembler. Plus je m’éloignais de lui et plus il m’en faisait baver. Enfin bref … si je ne m’attache pas aux autres et si je n’ai jamais eu peur de tout gérer seul, c’est parce que ça ne me dérange pas. J’aime avoir le contrôle sur les choses, ça me rassure. Je ne veux pas être manipulé comme il a essayé de le faire avec moi. La solitude, j’ai toujours connu ça, en fait. Moi, on ne me demandait jamais comment ça allait, on ne me tendait jamais la main non plus parce qu’on partait du principe que je pouvais tout faire en solitaire. Les grandes amitiés, l’attachement, ce genre de choses ne me sont pas totalement inconnues mais presque. C’est pour ça que j’en viens souvent à me demander pourquoi tu es encore là … Tu es tellement … différente de ce que je suis. » C’était un mystère qu’il ne parviendrait jamais à élucider. James avait toujours trouvé que Lexie et lui étaient deux parfaits opposés. Elle était la lumière, il représentait les ténèbres. Mais naturellement, l’un ne peut pas exister sans l’autre… « En fait, il m’a coupé l’appétit. Je crois que j’ai surtout besoin de prendre un peu l’air. Et comme je n’ai pas envie de passer la soirée à remuer le couteau dans la plaie, je préfère que l’on reprenne depuis le début. Qu’on oublie cet incident et qu’on ne pense qu’à nous deux. » James lança un nouveau regard en direction de son père qui semblait reparti dans une conversation animée. Tant mieux. Mais quelque chose laissait entendre à l’éditeur qu’il le reverrait bien plus tôt que prévu …
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(✰) message posté Ven 7 Nov 2014 - 23:18 par Invité
Une enfance malmenée, la solitude imposée, laissent en nous une empreinte que rien ne pourrait jamais venir effacer. Je pouvais en être témoin, le certifier, même si je m’employais à ne jamais m’en plaindre ouvertement. Pour Sam, pour ma sœur à qui je devais tout et qui avait vécu bien pire. Mais elle ne s’efface pas. Elle creuse un trou plutôt qui dévaste et marque même les plus vaillants d’entre nous. Je pouvais le lire dans les yeux de James. Dans l’ombre de la table, ma main se crispe une seconde sur ma cuisse, soudainement prise d’une violente crampe, tiraillant ma jambe gauche de part et d’autre. Ça n’avait rien d’inhabituel, et je réussis à contrôler mon expression, simplement saisie pour ne pas l’avoir sentie venir. « Je sais parfaitement qu’il voudrait me faire courber à la fois l’échine et l’âme. Il a toujours voulu que je sois l’un de ses pions, taillable et corvéable à sa merci. Mais on ne m’a jamais contrôlé, moi. Vraiment, je suis navré que tu aies dû assister à cet affligeant spectacle. Ce n’est pas comme ça que j’imaginais cette soirée. » Je prends une légère inspiration, me redressant sur la chaise et m’empêchant de me retourner pour vérifier que le père de James était bel et bien de retour à sa table. « Arrête de t’excuser, tu n’y es pour rien, seulement ton père … Au contraire, tu as gardé ton sang-froid d’une manière que je ne comprendrais sans doute jamais. » lui répondis-je avec regard entendu. Je ne pouvais qu’admirer sa capacité à garder son contrôle en toute situation. Ce n’était malheureusement pas mon cas et l’on me faisait ainsi régulièrement grief de mon insubordination, mon sarcasme et mon inaptitude à cacher mon aversion pour quelqu’un. « J’ai passé toute mon enfance à me dire que je ne deviendrai jamais comme lui. Il n’a jamais été un modèle pour moi. Il était plutôt l’archétype même de ce qu’il ne fallait jamais imiter. » Je plisse les yeux, partagée face à cette blessure que je ne découvrais pas pour la première fois et qui semblait ancrée en lui. « Je sais tout ça. Il ne s’agit pas de savoir ce que vous pourriez avoir en commun de toute façon. Mais bien plus de savoir ce que vous en avez, chacun, fait. Et tu n’as pas à t’inquiéter, tu ne lui ressembles en rien, tu peux être fier de l’homme que tu es … Si tu ne l’es pas, je le suis. » murmurais-je tandis qu’un léger sourire complice se dessinait sur mes lèvres. J’ignore quoi lui dire pour soulager sa peine. Je ne sais pas si il y a quelque chose à dire, un commentaire justifié ou un mot magique qui permettrait de tout effacer. Il s’agit de ses regrets à lui, je ne m’en rends que plus compte en l’entendant continuer, me raconter son histoire. Il s’agit de ses regrets, oui, et je reste persuadée que je n’y pouvais pas grand chose, autre que rester à ses côtés. C’était un sacré trou dans sa vie et, en réalité, il n’y avait que cet homme là, qui aurait pu le combler s’il l’avait voulu. Ses maux me renvoyaient aux miens, avec brutalité. Il n’y avait pourtant aucune similitude. Face à mon père, je n’avais pas été victime de la même manière, pas de la façon dont James semblait l’avoir été. Tout n’avait été qu’éclats de voix, rage déversée, bouteilles renversées et portes fracassées pour moi et Sam. L’opposé de la guerre froide qui semblait sévir entre les deux hommes. Le mien me paraissait soudain plus excusable. Les considérations n’avaient pas eu d’utilité dans son cas. Puisqu’il s’était enfui. Parti sans se retourner, décidé à sortir de nos vies et à ne plus s’inquiéter des deux fillettes abandonnées dans son sillage. Pouvant se laisser sombrer et nous entraîner dans sa chute, conscient qu’il n’aurait alors jamais l’occasion de mesurer sur nous les ravages qu’il avait causé. Ce n’était pas le cas du père de James qui restait dans les parages, qui n’avait jamais quitté sa vie et qui semblait s’amuser d’être à présent une ombre menaçante au dessus de l’existence de son fils. « Les grandes amitiés, l’attachement, ce genre de choses ne me sont pas totalement inconnues mais presque. C’est pour ça que j’en viens souvent à me demander pourquoi tu es encore là … Tu es tellement … différente de ce que je suis. » Je replace délicatement une mèche de cheveux derrière mon oreille, ne souhaitant rien rater de ce que James me confiait, mais détournant le regard sans m’en apercevoir. Que pouvais-je bien répondre à cela ? J’avais l’impression de jamais pouvoir prendre conscience de ce que James percevait de moi. Il me regardait et semblait voir quelque chose dont je ne savais rien. C’était troublant, effrayant et ensorcelant. Je craignais, cependant, de ne jamais me hisser à la hauteur de ses attentes. Je crois en lui comme dans un rêve. Mais je suis consciente des démons qui le hantent. Etait-il conscient de ceux qui me tourmentaient ? Etait-il conscient que, pire, je m’y accrochais depuis des années à présent ? Il y avait en moi une sombre fidélité à laquelle je n’avais pas voulu renoncer lorsqu’il en était encore temps, à laquelle j’étais condamnée à présent, même dans la fulgurance évidente du lien qui nous unissait. L’expérience d’avoir souffert était sans usage. « En fait, il m’a coupé l’appétit. Je crois que j’ai surtout besoin de prendre un peu l’air. Et comme je n’ai pas envie de passer la soirée à remuer le couteau dans la plaie, je préfère que l’on reprenne depuis le début. Qu’on oublie cet incident et qu’on ne pense qu’à nous deux. » Je reviens vers lui, acquiesce d’un hochement de tête, tentant de retenir l’attention de James qui semblait dériver une nouvelle fois vers la table derrière nous. « Commençons par sortir d’ici, alors. Mettre le plus de distance possible entre lui et nous. » lui dis-je en me levant, attendant qu’il me suive. Nous ne pouvons pas faire autrement que passer près de la table du sénateur, j’ignore d’ailleurs si celui-ci remarque notre départ, ne lui adressant pas le moindre regard. Mon regard se lève sur le ciel noir et dénué d’étoiles de Londres, une fois dehors. Je croise mes bras, au devant du restaurant, refermant ainsi les pans de mon long manteau, prise de frissons dans l’air frais de la soirée déjà bien entamée. « Je ne voulais pas que ça se passe comme ça … Je n’aime pas ce que je lis dans tes yeux maintenant, dis-moi quoi faire pour te faire penser à autre chose. » murmurais-je alors en me tournant vers James derrière moi. Mes mains nues viennent se glisser dans les poches de son manteau, rejoignant les siennes. Je souris de notre proximité. « J’aime l’hiver pour ça. » déclarais-je avec malice, comme s’il s’agissait d’une information de la plus haute importance.
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(✰) message posté Mer 12 Nov 2014 - 16:29 par Invité
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Hélas, James ne comprenait pas non plus comment il parvenait à demeurer impassible face aux attaques incessantes de son père. Il avait l’impression de ne pas être capable d’éprouver la moindre émotion. Quand bien même lui resterait-il une once d’humanité, autant dire qu’elle disparaissait inévitablement face à William. A croire que James s’enfonçait dans les méandres d’une indifférence qui ne semblait plus avoir de fin. Et bizarrement, il n’éprouvait ni remord, ni culpabilité à réagir ainsi. Seulement de l’inquiétude. Etait-ce normal de ne jamais être en mesure de ressentir quoi que ce soit ? Diable, il ferait mieux d’éviter d’aborder le sujet avec un psy, au risque de passer pour un véritable sociopathe dénué de toute forme de sensibilité. En était-il un ? James secoua légèrement la tête pour faire disparaître cette angoissante perspective de son esprit. « Je ne voulais pas que ça se passe comme ça … Je n’aime pas ce que je lis dans tes yeux maintenant, dis-moi quoi faire pour te faire penser à autre chose. » Sincèrement, James était navré de lui donner cette impression. Il aurait aimé chasser les derniers évènements d’un simple revers de main mais manifestement, la soudaine noirceur de son regard trahissait ses pensées les plus intimes. Avant de prendre la peine de répondre, il serra doucement les mains de Lexie, plaqua son front tout contre le sien puis ferma les yeux un instant. « Tout ce que je veux, c’est toi. Je n’aurais jamais besoin de quoi que ce soit d’autre.» Enfin de compte, c'était ça le plus important à ses yeux. La simple présence de Lexie l'aidait à se recentrer et à mettre un terme à ses doutes. «Hum… c’est presque romantique ce que je viens de dire.» énonça-t-il dans un petit rire, se retenant de justesse d’ajouter que c’était étrange qu’il soit devenu ainsi, et tout à fait surprenant de sa part. Jusqu’à ce que Lexie fasse irruption dans sa vie, ce n’était pas vraiment son genre d’être expansif sur ce genre de choses. Mais au lieu de ça, comme pour ponctuer ses propos, il vint délicatement loger ses lèvres contre celles de la jeune femme afin d’y déposer un baiser doux et délicat. Ce qu’elle lisait dans ses yeux … très précisément ce qu’il ne souhaitait pas qu’elle voie. James ne souhaitait pas qu’elle garde cette image de lui : celle d’un homme froid, distant et désagréable. Il ne voulait pas être comme ça avec elle. Mettant un terme à leur baiser, il demeura néanmoins à quelques millimètres seulement de Lexie et demanda doucement : « Pas trop effrayée à l’idée de fréquenter un Westlake ? » Malgré tout, James esquissa un sourire amusé, préférant tourner en dérision l’effroyable et laborieuse rencontre entre Lexie et son père. Inutile de préciser que l’éditeur aurait apprécié que les choses se déroulent autrement. Tout aurait été plus simple. Mais faire dans la normalité ne semblait pas la chose la plus évidente qui soit dans sa famille. « J’ai toujours considéré la vie comme une succession de pièces. On se rencontre dans celles-ci et on fait le tri avant de se revoir dans d’autres… Il y a les gens qui comptent, qui marquent, ceux que l’on place dans celles à oublier et il y a cette toute petite pièce en or, celle que l’on a peur d’ouvrir tant elle chamboule. Je pourrais te surprendre en te disant que tu es depuis très, très longtemps dans cette pièce là … mais ce n’est pas le propos. Dans cette vision des choses un peu abstraite, mon père serait dans celle que l’on verrouille à double tour avant de jeter la clé au fond d’un coffre, lequel serait enterré dans un endroit inaccessible. Et par pitié, ne donne pas trop d’importance à mes niaiseries, je semble plutôt en forme de ce côté là ce soir, j’en aurais presque honte. » James esquissa un nouveau sourire, manifestement beaucoup plus détendu que lorsqu’ils étaient sortis du restaurant. Ses mains n’avaient pas lâché celles de Lexie, les serrant doucement et délicatement afin de l’aider à ses réchauffer. Il exerçait de légères caresses sur sa peau, se demandant comment il avait pu vivre aussi longtemps sans ce simple contact. Cette fois-ci, il préféra s’abstenir de le lui faire remarquer au risque de devoir ajouter une fadaise de plus à son palmarès. Au lieu de ça, il préféra s’emparer de ses lèvres une nouvelle fois, ceci dit avec plus de fougue et de passion que précédemment. C’est à cet instant précis que James sentit un minuscule et glacial petit point contre son front… puis un autre contre sa joue… et encore un autre… lorsque le baiser prit fin, il ne pu que constater la féérie de l’instant : il neigeait tout autour d’eux. Ils étaient seuls au beau milieu de cette rue, à s’embrasser sous un millier de flocons de neige qui n’avaient rien d’étonnant à Londres en cette raison. Un sourire ponctua les lèvres de James et il replongea son regard dans celui de Lexie. « Et moi j’aime l’hiver pour cette raison là. . » Sortant ses mains des poches de son manteau, il s’empara doucement du visage de Lexie et l’embrassa de nouveau.
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(✰) message posté Jeu 13 Nov 2014 - 15:45 par Invité
Je finirais par haïr cet instinct de conservation qui m’avait détourné de lui pendant si longtemps. Je pourrais finir par y croire, par croire en cette idéologie jusqu’ici perçue comme inconsciente et stupide, selon laquelle il valait mieux essayer de souffrir plutôt que d’éviter, éviter tout, pour se protéger, se préserver. Je pourrais remettre en cause tant de choses à ses côtés. « Tout ce que je veux, c’est toi. Je n’aurais jamais besoin de quoi que ce soit d’autre. » Ses doigts viennent s’apposer sur mes mains, semblant redevenir miraculeusement lisses sous les siennes. J’éprouve des picotements au contact de son front contre le mien, et je reste immobile, craignant de perturber cet instant tremblé, cette douceur froide nous encerclant sans prévenir. « Hum… c’est presque romantique ce que je viens de dire. » laissa-t-il échapper dans un rire venant effleurer mes oreilles. « Tu es un grand romantique, James Westlake. Ne cherche plus à le cacher. » le taquinais-je en plissant les yeux. Il pouvait en douter, il pouvait le réfréner. Il pouvait se renfermer certaines fois et réinstaller cette distance dont il semblait avoir besoin. Il parvenait cependant à me dire ce que personne d’autre ne m’avait jamais avoué, ce que personne d’autre n’avait sûrement jamais ressenti, ce que je n’aurais jamais cru que quelqu’un puisse ressentir pour moi. « Pas trop effrayée à l’idée de fréquenter un Westlake ? » me demanda-t-il avec un léger sourire aux lèvres. Je resserre mes mains dans les siennes, à la recherche d’un sens perdu, d’un sens caché au sein de ses mots. Rien ne me bousculait plus que ce que nous vivions tous les deux. Rien ne m’avait préparé à faire face à ces sensations envahissant mon être à chaque contact de sa peau contre la mienne, à ces idées et autres chimères qui percutaient mon esprit à chaque regard échangé. Rien ne me tourmentait plus que d’être prise à mon jeu, retenue pour avoir oser essayé. Prise de cette sensation d’être dépareillée, incomplète, insuffisante désormais, lorsque je n’étais pas avec lui. Je crains de ne plus savoir être le singulier de notre pluriel d’aujourd’hui. Je crains de désirer sa présence à l’extrême, d’avoir besoin de lui, d’avoir besoin d’être deux pour prendre une consistance. Je crains de ne plus être capable de gérer son absence, alors que celle-ci m’avait fait défaut pendant si longtemps. Voilà de quoi j’étais effrayée, constamment sur mes gardes, attendant de voir ce que le destin me réservait pour me le reprendre, sous quel déguisement, de quelle manière. La seule certitude que j’avais était cette évidence, cette évidence que ça ne pouvait être que lui. Cette évidence que je ne pouvais m’accommoder de cette appréhension seulement qu'avec lui. « J’ai toujours eu du mal avec les choix de facilité. Aucune surprise dans le fait que tu n’en sois pas un, j’assumerais jusqu’au bout. » répliquais-je en inclinant doucement la tête, une lueur amusée dans le regard. Je l’écoute reprendre la parole. Son nez à quelques millimètres du mien chatouille mon épiderme. Les frissons s’emparant quelques fois de mon être tout entier étaient aussitôt apaisés par la chaleur de ses mains contre les miennes. Il ne les avait pas lâchés. J’aurais aimé savoir, tout de suite, sans plus attendre, qu’il ne le ferait jamais. C’était ridicule, cette angoisse permanente de perdre ce qui m’était donné, cette acceptation que je devrais ressentir si jamais cela arrivait, reconnaissante déjà de l’avoir eu, de l’avoir connu, d’avoir été comblée quelques minutes, contre lui. « Et par pitié, ne donne pas trop d’importance à mes niaiseries, je semble plutôt en forme de ce côté là ce soir, j’en aurais presque honte. » Je souris vaguement à sa conclusion. Nous n’étions pas seuls, et j’avais pourtant cette impression, cette envie de nous retrouver à l’écart de l’agitation de la ville. De prolonger cet état, cet instant dans lequel je trouvais un repos pour mes tourments, une mesure de notre félicité. Mais ses paroles réveillent en moi des souvenirs que je voulais éteindre, des sentiments qui n’avaient pas leur place. Si James semblait penser ne rien ressentir, ne rien dégager que de l’indifférence, ce n’était pas ce que j’avais voulu dire. Il s’agissait même de tout l’inverse. Il m’avait semblé bouillonner, affecté, blessé par sa simple présence. Moi, la fille d’un couple inexistant et déchu, la fille d’un père damné, qui avait démissionné de lui même, abandonnant le combat, nous abandonnant moi et Sam, sans un regard en arrière. Comment pourrais-je connaître ce sentiment ? Comment pourrais-je le lui enlever, l’apaiser ? Ses lèvres retrouvant les miennes ne me laissent guère l’occasion d’y penser clairement. Je frissonne, raffermissant ma prise contre sa taille pour me protéger de la bruine de neige apparaissante. Je pouvais l’embrasser ainsi des heures durant, contre vents et marées. Je pouvais me satisfaire de ce moment, ce moment de rien mais qui semblait sur l’instant contenir toute la vie. « Et moi j’aime l’hiver pour cette raison là. » Je sors les mains de ses poches, les passe sous les pans de son manteau entrouvert, retrouvant sa chemise, la froissant sous mes doigts une demi-seconde pour l’attirer contre moi. Mes lèvres effleurent doucement les siennes, avec une douceur qui ne se révélait qu’en sa présence, que je n’avais jamais connue. Quelques secondes avant de m’en détourner dans une inspiration contenue. Je tourne, me retrouve à ses côtés, perdant mon regard dans le ciel noir déchiré par des nuages blancs. « Je ne pense pas que ta vision de la vie soit niaise. Je la trouve délicate et astucieuse, étonnamment mystique venant de toi … Et je serais curieuse de savoir ce qu’il advient de cette petite pièce dorée. » reprenais-je après quelques secondes, un léger sourire se dessinant sur mes lèvres. Mon regard se perd de nouveau de l’autre côté de la rue, agitée et grouillante malgré la nuit tombée. « Tu n’as pas faim ? » demandais-je en lui désignant un food truck à quelques mètres en face de nous. Je me moque de ce qu’ils peuvent bien vendre, étant trop loin pour m’en faire une idée. Je ne veux pas rentrer, simplement prolonger ce moment.
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(✰) message posté Jeu 13 Nov 2014 - 19:15 par Invité
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James avait beau être un cartésien de la première heure, il n’en demeurait pas moins sensible aux habiles œillades du destin. Que sa route croise un beau jour celle de Lexie n’était pas un hasard, il en était convaincu. Elle était la seule à savoir déchiffrer ses émotions et lire dans son âme avec tant d’aisance. Et pour sa part, il pouvait affirmer sans l’ombre d’une incertitude qu’elle était cette moitié dont il avait toujours déploré l’absence. Sa confidente, son amie, sa meilleure amie même, sa complice, sa maitresse… Tout ce qui émanait d’elle semblait lui insuffler un bonheur à la fois vertigineux et incomparable. Il n’avait pas honte de le lui faire savoir, ce qui ne l’empêchait pas pour autant de se montrer craintifs face à ses réactions. Lexie semblait toujours s’accommoder de cette barrière érigée entre eux, et James tenait véritablement à avancer à son rythme. Qu’importe le temps que cela prendrait, il voulait juste qu’elle lui fasse suffisamment confiance pour laisser ses craintes sur le banc de touche. Exactement comme elle le fit durant ces trop courtes secondes durant lesquels ils échangèrent un nouveau baiser. Chaque effleurement de sa part était semblable à un effroyable supplice. Il suffisait d’un rien pour qu’il la désire plus que jamais. Pour preuve, il répondit à son baiser avec la même douceur mêlée à cette passion dévorante qui existait entre eux. Il ne résista pas à la pression qu’elle exerça sur sa chemise et se retrouva contre elle, glissant ses deux mains dans ses cheveux recouverts de minuscules flocons de neige. Se blottir dans sa chaleur était devenu sa raison de vivre, sa véritable étincelle. Il ne pu donc s’empêcher de rester un moment blotti contre elle, à faire glisser ses mains dans son dos et à détester la moindre seconde durant laquelle il ne la touchait pas. Elle était son addiction et cette impression n’irait qu’en empirant, c’était délicieusement certain.Rien ne semblait plus avoir la moindre importance en sa présence, un peu comme s’ils étaient seuls au monde. Il ne savait pas trop comment elle s’y prenait pour lui faire perdre à ce point toute capacité de réflexion. Mais le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle y parvenait avec une facilité incongrue. Quoi qu’il en soit, James n’était vraiment pas armer pour faire face, pour tenter de lui résister. Il n’en avait pas l’intention non plus. Avec tout ça, l’éditeur aurait voulu ne jamais avoir à se détacher d’elle et combler le reste de sa vie d’instants aussi magiques et intenses que celui-ci. Mais l’heure tournait et les rattrapait une fois encore. Pour sa part, James eut besoin de quelques secondes supplémentaires avant de retrouver pleinement ses esprits. Il tourna la tête du côté opposé et expira d’un coup pour faire retomber la pression. « Je ne pense pas que ta vision de la vie soit niaise. Je la trouve délicate et astucieuse, étonnamment mystique venant de toi … Et je serais curieuse de savoir ce qu’il advient de cette petite pièce dorée. » Mystique ? Non, simplement imagée. James avait cette capacité farouche de pouvoir jongler avec les images et les mots. Une singularité qu’il partageait avec ses auteurs et qui le rendait tellement accro à ses lectures. La dernière remarque de Lexie le fit sourire. Toutefois, il n’avait aucune réponse appropriée à lui fournir pour la simple et bonne raison qu’il ne tarda pas à énoncer. « Tu en détiens la clé, c’est donc à toi de me le dire… » Cela paraissait logique, en effet. James ne faisait que suivre le rythme qu’elle lui imposait. Pour sa part, il savait parfaitement ce qu’il souhaitait vivre et partager avec elle. La réciprocité de ces envies n’étant pas évidente à saisir, il préférait s’abstenir de faire le moindre commentaire à ce sujet. Par peur de l’effrayer. Ou de s’effrayer lui-même en osant énoncer à voix haute ce que seules ses pensées avaient l’audace de trahir dans l’intimité de son esprit. « Tu n’as pas faim ? » Faim ? Bon sang, avec tout ça, il avait presque oublié la raison de leur rendez-vous !! Si William avait eu le don de lui couper l’appétit, ce n’était pas une raison pour le laisser gâcher leur soirée. Surtout maintenant qu’il ne se trouvait plus dans les parages. Regardant dans la même direction que sa belle Lexie, l’éditeur acquiesça, gageant immédiatement que Jeffrey avait raison : les choses les plus simples sont encore les meilleures. « Pour ne rien te cacher, j’étais affamé avant l’arrivée fracassante de William. Et j’imagine que tu n’as rien avalé de la journée alors allons-y.» Sa main glissa de nouveau dans celle de Lexie tandis qu’ils commençaient à parcourir la distance les séparant de leur festin. James regarda autour d’eux les flocons de neige qui tombaient à un rythme lent et irrégulier. Il y avait cette lueur dans son regard, celle d’un gamin qui se régalait face à un tel spectacle. « Tu trouves vraiment ma vision des choses « mystique » ? Au risque de te décevoir, le concept des portes et des pièces ne vient pas de moi. Je l’ai emprunté à un certain Theodore Landford. Un type que j’ai rencontré quand j’étais gamin. Un homme remarquable mais fortement porté sur la boisson malheureusement. Il écrivait. Des poèmes. Quelques librairies vendent encore de temps à autres un de ses recueils aux amateurs qui savent reconnaître un talent. Hélas, cet homme n’est pas encore une étoile permanente dans le ciel artistique. Pour dire les choses de façon très crue, son potentiel sera plus grand s’il boit à en mourir. Les poètes morts ont toujours eu la côté auprès du grand public. Ce n’est pas du cynisme, c’est juste que je suis révolté de voir quelqu’un avec autant de talent le gaspiller pour la bouteille. Et encore ! Il était retombé dans l’anonymat le plus total jusqu’à ce qu’un éditeur bien luné accepte de le publier en dépit des risques.» Inutile de préciser qu’il était l’éditeur en question. James avait recroisé la route de Theodore quelques mois plus tôt et lui avait mis un sacré coup de pied au cul pour tenter de le remettre dans le droit chemin. Il ne supportait pas de voir un homme aussi talentueux s’amuser à tout foutre en l’air de la sorte. D’autant que Theodore était celui qui avait accentué le goût de James pour la lecture et l’écriture. Il lui avait permis de comprendre à quel point la littérature était fascinante. James considérait donc que ce n’était qu’un juste retour des choses. « C’est justement pour lui que je me suis démené toute la journée. Certains collaborateurs refusent de signer avec lui en raison des risques. Il n’est pas sérieux, peut disparaître dans la nature du jour au lendemain ou ne pas honorer notre contrat. Mais je m’en fiche, il a du talent. J’ai envie de croire en lui et je sais que je ne m’y tromperai pas. Quand on croit en quelque chose, n’est-il pas juste de se battre jusqu’au bout ? » Il lança une nouvelle œillade à Lexie, faisant clairement allusion à eux. Parce que fondamentalement et du plus profond de son âme, James croyait en eux et en leur avenir. Encore une fois, qu’importe s’il était le seul à y croire. « Est-ce que … est-ce que tu crois que j’aurai un jour l’occasion d’entrouvrir la porte de cette petite pièce dorée ? J’aimerais en percer les secrets. M’y enfermer avec toi…»