A friend may be waiting behind a stranger's face - Adriel

Le grand lustre de cristal éclairait la salle principale bondée d’invités. L’ambiance était plus que jamais présente, on parlait, on riait, tout le monde était d’excellente humeur et pour cause, ce soir, ils fêtaient la naissance d’un nouveau-né. Les parents très fiers avaient organisé ce rassemblement pour montrer à tous leur bébé et avait vu les choses en très grand. Il était difficile de circuler sans avoir à bousculer quelqu’un ou d’entendre plus loin que son voisin. Un somptueux buffet accueillait les plus affamés tandis que des serveurs leur apportaient une collation. Cela changeait des soirées calmes et presque ennuyeuses dont elle était habituée. Cependant, elle persistait à plaindre ce pauvre bébé, il y avait un bruit monstre et tout le monde cherchait à le porter à tour de rôle. Il se retrouvait ballonné d’invité à invité, comme un trophée fraîchement décroché. Lorsqu’elle était allée le voir, pour suivre l’étique de la soirée, on le lui avait carrément jeté le bébé dans les bras, il fallait qu’elle “essaye”. Elle avait alors caché son agacement, elle ne voulait pas faire comme les autres et pourtant, elle s’y voyait contrainte. Mais elle devait le leur accorder, il était adorable, ses petites mains la faisaient craquer.

Par contre, les dizaines d’enfants qui courraient à travers la salle l’étaient beaucoup moins. Car oui, les autres parents avaient eu la bonne idée de les amener puisqu’on fêtait une naissance. Aucun rapport, d’ailleurs elle en avait fait la remarque qui était passée inaperçue avec tout ce bruit. Ils étaient insupportables ! Il était déjà dur d’aller à un endroit à un autre, ils ne facilitaient pas la tâche en poussant tout le monde avec leur jeu de loup. On entendait de temps à autre le cri d’une pauvre victime qui s’était renversée du champagne à cause d’un chenapan. Elle s’était complètement arrêtée au milieu d’une phrase en voyant leur bande courir jusqu’au buffet, et aucun parent ne faisait rien ! D’un regard noir, elle les observait s’agiter. En plus d’hurler et courir, ils sautaient en agitant les bras, mais qu’est-ce qu’ils avaient dans leur tête ? Soudain, l’un des enfants percuta une serveuse avec une telle violence que son plateau se renversa sur le sol. Le bruit des flûtes cassées avait attiré plusieurs regards alarmés puis constatant que ce n’était que “l’erreur” d’une employée, ils étaient retournés à leur préoccupation. Le gamin criait et accusait la pauvre jeune femme, c’en était trop ! D’un pas assuré, elle se fraya un chemin jusqu’à la scène et s’adressa au garçon d’une voix menaçante tout en arborant un sourire.

“Va t’excuser ou crois-moi, j’informerai personnellement tes parents.”

Le regard qu’il lui lança eu presque raison de son self contrôle, elle avait bien envie de le gifler pour lui apprendre le respect mais à ce genre de soirée, il valait mieux éviter. Néanmoins, elle attrapa avec force son bras pour le tourner de force vers la serveuse, il chouina avant de présenter ses excuses, bien légères mais c’était au moins ça. Sa prise relâchée, elle se pencha pour aider à ramasser les bouts de verres.

“Tu dois détester travailler pour nous, je regrette pour ce fâcheux incident.” dit-elle à la jeune femme tout en prenant soin de ne pas se couper bêtement.

Son monde ne montrait jamais la bonne partie du décor, c’était dommage. Comment s’étonner d’être détesté lorsqu’il y a ce genre de comportement ?

Voir leur petit camarade se faire remonter les bretelles avait fait fuir les autres, si elle avait su, elle l’aurait fait plus tôt. La salle était déjà tellement pleine, la place d’une dizaine d’enfants n’était pas à négliger, ils étaient sans doute dans le jardin à présent à l’insulter. Cependant cette idée lui importait peu, elle se concentrait davantage à ramasser les bouts de verre, éparpillés un peu partout. Il fallait faire attention, les morceaux ne ressemblaient plus qu’à des miettes et avec le sol clair, il était moins évident d’y voir correctement. La jeune femme s’était malencontreusement coupée, un filet de sang sillonnait sa main, provoquant en elle un léger malaise. Elle avait quelques difficultés à supporter la vue du liquide rouge mais elle se ressaisit rapidement, ce n’était qu’une coupure, rien de quoi faire un évanouissement !

“Vous vous êtes coupée, attendez un instant !” s’exclama-t-elle avant d’attraper une serviette sur le buffet. “Tenez, prenez ça, vous devriez aller vous rincer le doigt. Laissez ça, quelqu’un d’autre s’en chargera.” lui intima-t-elle gentiment.

Elle semblait complètement déboussolée, et paniquée. Athénaïs ne pouvait qu’être attendrie. Elle ne semblait même pas énervée. A sa place, elle aurait maudit ces enfants.

« Je … Je … non j'aime bien observer et c'est toujours mieux que ce que je faisais avant, mais je crois que, que je ne pourrais pas revenir après ça.»

Sa voix était douce, pleine d’innocence. Ses joues avaient rosi et elle n’osait pas soutenir son regard. Sa personnalité étonnait la jeune héritière, elle avait tant l’habitude de ces employés au ton froid et rigide, appliquant le protocole tout en détestant leurs employeurs. Mais elle semblait différente, son trouble était réel, elle ne pouvait croire qu’en sa sincérité. En plus, ce travail avait l’air de lui être essentiel, sans doute enchainait-elle les pires jobs. Tout ceci n’était que des suppositions, peut-être qu’elle se trompait après tout.

“Ce n’était pas de votre faute, je toucherai un mot à votre supérieur, ne vous en faites pas.”

Elle essayait de la calmer, il était hors de question qu’elle perde son travail à cause de ce gamin mais elle ne semblait pas rassurée. Il devait y tenir pour réagir ainsi. Doucement, elle la releva puis demanda à un autre serveur de nettoyer le reste avant de l’emmener dans un coin pour qu’elle puisse se remettre de ses émotions, assise sur une chaise. Elle lui fit amener un verre d’eau.

“Détendez-vous, vous pouvez considérer cet incident comme oublié.” lui dit-elle en souriant.

S’éloigner de la foule faisait du bien, une petite pause était de rigueur.

Malencontreusement, la jeune femme s'était coupée, le sang avait vite fait son apparition. Elle espérait pour elle que ce n'était qu'une petite blessure car elle savait que derrière de légers incidents comme celui-ci, il fallait parfois aller se faire recoudre. Rien qu'en y pensant, elle en avait la nausée. Le sang, tout ce qui touchait à la médecine, la rendaient pâle à trop y penser. Elle ignorait d'où lui venait ces peurs, une fois, elle en avait parlé à une amie, celle-ci lui avait tout simplement dit qu'elle en avait la phobie, c'était évident d'après elle. Sauf que pour l'héritière, c'était impensable, elle n'aimait pas les personnes qui à la moindre peur s'inventait une phobie. En fait, à une convention sur le don du sang, elle était devenue si blanche, si tremblante qu'elle s'était faite à l'idée, peut-être souffrait-elle réellement de cette phobie.

« Oh j'ai l'habitude ne vous inquiétez pas, je vais avoir un abonnement aux urgences à force.»

Elle disait ça sur un ton tellement naturel, se blesser semblait être une banalité à ses yeux. Elle l'observa presque avec émerveillement. Derrière ce côté timide, elle trouvait que cette jeune serveuse cachait un côté fort. Aller aux urgences la mettrait dans un tel état alors que de son côté, elle ne montrait aucune appréhension.

"J'espère que ça n'ira pas jusqu'à là." dit-elle d'une voix douce. "Se faire recoudre..." commença-t-elle. "Ah ça me donne la nausée rien que d'y penser." lâcha-t-elle en riant. "Je ne sais pas comment vous faites pour avoir l'air si calme en songeant à la probabilité d'aller à l'hôpital."

Certes, elle était une habituée mais tout de même. C'était une découverte de rencontrer une casse-cou dans le corps frêle de cette jeune femme.

« Sans vouloir vous offenser mademoiselle, je ne crois pas que vous arriviez à me tirer d'affaire et puis c'est moi qui ai fait la bêtises, je dois me débrouiller toute seule, même si vôtre aide aurait été la bienvenue. Je dois dire que ce travail me plaisait. J'avais l'impression de faire de ne pas être trop inutile.»

La façon dont elle lui parlait était extrêmement respectueux, mais sa douceur et son hônneté la différenciait des autres serveurs. Elle n'avait jamais entendu l'un d'eux prononcer plus de cinq mots dans la même phrase, ils étaient tellement froids et distants ! Comment lui expliquer qu'elle était une princesse et que son statut était assez élevé pour la tirer d'affaire ? Oh, elle détestait se présenter comme telle, elle avait l'impression de se vanter, chose qu'elle ne voulait absolument pas faire. Elle désirait qu'on la différencie de ces stéréotypes de dessin-animé ou de film où la princesse se comporte comme une enfant gâtée, totalement insupportable.

"Faites-moi confiance. Je viens souvent ici, je connais votre supérieur." se contenta-t-elle de dire.

Dans ce coin plus calme, elle semblait encore plus vulnérable. Les invités avaient des allures de prédateurs sans pitié à côté d'elle.

« Je m'appelle Adriel en tout cas, je suis enchantée de faire vôtre connaissance mademoiselle. Si jamais un jour on se recroise, vous saurez au moins mon prénom.»

Elle sourit, elle l'appelait toujours mademoiselle, c'était mignon. "Enchantée Adriel, je m'appelle Athénaïs. On peut se tutoyer si ça ne te dérange pas ?"

Adriel était jeune, tout comme elle. Elle préférait de loin lui parler comme son égal et avec moins de cérémonie. Elle était presque prête à partir lorsque ce prénom retentit plusieurs fois dans sa tête, elle l'avait déjà entendue, ce n'était pas commun ! Son cerveau commença alors à fonctionner à toute allure, cherchant dans les moindres recoins de sa mémoire pour mettre la main sur ce qu'elle recherchait. Soudain, elle s'exclama.

"Est-ce que tu ne serais pas une amie de Spencer, par hasard ?"