(Spencer) Let's get this party started

Bloombury était un quartier étudiant. Je connaissais beaucoup de gens qui y habitaient. Certains étaient encore étudiants. Moi, je ne l'étais plus, me concentrant sur la musique et mon boulot de DJ . Mais cela ne m'empêchait pas de me plaire ici parmi eux. Et je répondais souvent présent aux fêtes organisés. Après tout, à 23 ans, on sait encore s'amuser! Et souvent, bien plus intelligemment que des jeunes de dix-huit ans, mais bon, là n'était pas la question. J'avais envoyé un message à mon meilleur ami, Spencer, un jeune homme que je connaissais depuis le secondaire. Malgré son caractère introverti, il avait toujours été là pour moi et ce, dans les moments les plus difficiles de ma vie, comme les meilleurs. C'était lui qui m'avait ramassé à la petite cuillère lorsque Hayley, ma petite amie de l'époque était partie dans un autre pays pour suivre un traitement expérimental pour sa maladie, la fibrose kystique. Il avait été d'un grand soutien et maintenant, j'essayais de lui rendre la pareille. Il ne semblait pas avoir beaucoup de gens dans sa vie à part moi, alors j'essayais de le faire sortir le plus souvent possible de chez lui. En espérant qu'il réponde présent. Je lui avais demandé de me rejoindre vers 21h30 devant la maison où se déroulait la fête. J'entendais la musique au travers des murs et beaucoup de gens étaient dehors en train de boire et de discuter. Pour l'instant, je ne voyais personne que je connaissais, mais bon, c'était le moment idéal de faire de nouvelles rencontres. Qui sait? Je pourrais peut-être trouver une fille intéressante? Mais bon, il ne fallait pas se faire d'illusion. À chaque fois qu'il y avait une fille qui m'intéressait un tant soit peu, je finissais toujours par la repousser. Personne n'était aussi bien que Hayley. Jamais. J'essayais tout de même de me convaincre qu'il fallait que j'en revienne, qu'il me faudrait un jour trouver quelqu'un d'autre, que la belle ne me reviendrait jamais. Chaque jour était un pas de plus vers l'avant, mais je me sentais toujours régressé un peu à chaque fois tout de même. Je me morfondais et ce n'était pas normal, pas après quatre ans.

Bref, je crus voir au coin de la rue Spencer s'approcher. Lorsqu'il fut à ma hauteur, je lui fis un immense sourire. « Hey mec! Ça va?» lui demandais-je, toujours le sourire aux lèvres. « Prêt à avoir du plaisir! » lui demandais-je. Lorsque je parlais de plaisir, cela ne se voulait pas une allusion sexuelle, il fallait bien préciser. Je n'avais jamais été du genre à faire des one night stand. J'étais beaucoup trop respectueux envers la gente féminine. « Je crois que la petite fête est déjà bien entamée! » rajoutais-je en voyant des gens sortir de la maison en riant comme des forcenés. Visiblement, ils avaient déjà bu beaucoup d'alcool!!

Je venais d'entamer ma troisième sieste de l'après midi quand je sentis mon téléphone vibrer dans ma poche droite. Affalé sur mon lit, sur le ventre tel la grâce d'un phoque, je poussais un grognement de mécontentement exprimant mon agacement. Tel un ogre, je n'aimais pas être dérangé dans mon sommeil, même si je somnolais plus que je ne dormais vu l'heure à laquelle nous étions.
La voix de Jarvis Cocker chantait encore à travers ma chaine Hi Fi et ma tasse de thé n'avait pas bougé depuis deux heures.  Je finis par relever la tête en poussant un soupir, bougeant mon corps comme si j'étais coincé dans un tube en caoutchouc, afin de pouvoir dégager mes mains et sortir de ma position très étrange. Je plongeai la main dans la poche pour y ressortir l'appareil et finit par lire le message que m'avait envoyé Jonah, mon meilleur ami. Ce dernier me proposait de sortir ce soir pour participer à une fête organisée chez des potes et m'avait demandé de le rejoindre à vingt-et-une heure trente précise devant l'adresse indiquée.
Je regardais l'écran du téléphone avec une certaine hésitation. La dernière fête à laquelle j'avais participé s'était plutôt mal terminée : je m'étais retrouvé dans le même lit qu'une inconnue, à présent connue sous Lorella et ni elle ni moi avions été capable de savoir ce qui avait pu se passer avant de s'endormir. Et puis, je n'avais pas spécialement tenté pour bouger ce soir. Rien que l'idée de devoir me lever ne me donnait pas envie, alors traverser la ville en métro encore moins.
Je laissais mon téléphone sur le côté en regardant devant moi tout en réfléchissant sur le dilemme qui s'imposait à moi. Ce fut Anushka qui précipita les chose. Cette tornade humaine déboula dans ma chambre comme elle savait tant bien le faire en me demandant où était mon Beats afin de pouvoir me l'emprunter pour une durée indéterminée (souvent longue). Je me levai avec précipitation quand je vis qu'elle l'avait remarquée et interférais dans son chemin entre elle et le casque.
"Hop hop hop, tu comptes faire quoi avec ça?"
"Écouter de la musique, ça parait logique non?"
Effectivement, ça avait été une question plutôt stupide.
"Il s'appelle Reviens."
"Ouais ouais!"
Et je la vis partir avec mon bien sans être convaincu que je le retrouverais un jour. Je soupirais et repris mon téléphone pour répondre à Jonah que je serais bien présent au rendez vous et ce, sans être franchement enthousiaste. Mais je n'avais pas envie de moisir ici ce soir et sortir ne me ferait aucun mal surtout en bonne compagnie.

Arrivé dans la rue, je vis qu'il m'attendait. Je n'aimais pourtant pas être en retard et habituellement, j'arrivais toujours entre dix et cinq minutes à l'avance. Sauf que comme je n'avais pas une très grande motivation, j'avais pris mon temps pour arriver. L'important était que je ne dépasse pas l'heure. Je détestais être en retard, même pour des choses que je ne voulais pas faire.
« Hey mec! Ça va?» demanda-t-il une fois que je fus assez proche pour que je puisse l'entendre. « Prêt à avoir du plaisir! »
Mon regard passa tout d'abord de la méfiance à de l'enthousiasme. J'avais cette idée paranoïaque que rien ne se faisait au hasard, sans doute parce que j'étais moi même très calculateur et que j'agissais souvent avec une idée précise en tête. Mais à présent, rien du tout. Juste, faire la fête.
"Geronimo!" fis-je pour toute réponse, essayant de montrer un peu plus d'entrain que lorsque j'avais quitté la maison. La fatigue jouait pour beaucoup, aussi.
« Je crois que la petite fête est déjà bien entamée! » poursuivit Jonah et ces paroles me fit prendre conscience de l'endroit et de l'ambiance où je me trouvais. Effectivement, on pouvait déjà entendre de la musique et un brouahaha humain avec des rires, des cris et compagnie. "Ouais! Ca promet!" dis-je sans savoir moi même si j'avais été ironique ou vraiment sérieux.
Tout en se dirigeant vers l'entrée, je sortis de ma poche deux clopes, une que je portai à la bouche et une autre que je tendis à Jonah : "T'en veux une?"  

Je savais pertinemment que Spencer n'était pas friand de ce genre de fête, parce qu'il était plutôt du genre solitaire, à passer ses journées chez lui à ne pas voir qui que ce soit. Mais personnellement, je n'étais pas fan de son train de vie, parce que d'une part, ce n'était pas sain de ne jamais voir personne et aussi, parce que j'étais terriblement différent de lui. Mais j'aimais le faire sortir de sa coquille et comme il me disait oui lorsque je lui demandais de venir à tel ou tel endroit, je me disais qu'au final, le jeune homme ne détestait pas cela autant qu'il semblait le laisser croire. Bref, lorsqu'il fut à mes côtés, je le saluai chaleureusement comme j'étais dans l'habitude de le faire. Au départ, Spencer ne me parut pas du tout enthousiaste, mais cela ne défit en rien ma bonne humeur. Cette dernière était visiblement contagieuse, puisque ce dernier sembla devenir de plus en plus excité par la soirée qui nous attendait! « Geronimo! » me dit-il, comme toute réponse. Je fronçai un sourcil, ne comprenant pas trop, mais je passai à autre chose rapidement en voyant des gens sortir de la maison. Je fis comme commentaire que la fête devait être déjà bien entamée!  « Ouais! Ça promet! » me répondit-il. Je fis abstraction du ton sur laquelle il avait dit sa dernière phrase. Je comptais bien lui prouver que ce genre de fête pouvait être intéressante! Alors que j'allais lui demander s'il voulait y aller tout de suite, il sortit de sa poche deux clopes. « T'en veux une? » me demanda-t-il en m'en tendant une. Je lui fis non de la tête. « Merci quand même! » lui dis-je, mais je ne comprenais pas pourquoi il m'avait demandait si j'en voulais une. Je n'avais jamais fumé de toute ma vie et ce n'était pas aujourd'hui que j'allais commencer.

« Tu finis ta clope et on y va? » lui demandais-je, mais en fait, la vérité, c'était que je ne lui laissais pas vraiment le choix. Je me sentais un peu démoniaque lorsque je faisais cela, mais j'avais tellement peur que des fois il parte en courant que je ne me voyais pas faire autrement. Parce que je voyais bien qu'il s'agissait d'un stratagème pour retarder le tout. « Probablement qu'il va y avoir d'autres personnes que tu connais ici...J'espère en tout cas, sinon je te présenterai des gens de ma connaissance. Tu vas voir, ils sont super gentils! » lui dis-je, toujours un immense sourire sur les lèvres. «  Tu es prêt? » lui demandais-je. Mais il s'agissait là plutôt d'une question rhétorique.  « C'est parti! » ajoutais-je quelques secondes après, me dirigeant vers la maison sans lui demander son avis.

Jonah était un très bon ami, différent de Nate, certes, mais il était là pour moi et j'étais là pour lui. Il y avait peut être quelques points que nous ignorions encore l'un sur l'autre et cela pouvait donner des situations assez comiques, mais qu'importe, je passais toujours de bons moments en sa compagnie, ce qui avait fait de lui un très très bon ami.
C'était cette même raison qui m'avait fait sortir de chez mes parents pour venir le rejoindre et aller à la fête qu'il avait proposé d'aller. Je ne savais pas vraiment quoi y penser. En fait, quand je voyais Jonah, je me posais beaucoup de questions à son sujet. A des moments, je me demandais s'il allait réellement bien et s'il ne cachait pas ses réels sentiments en faisant mine que tout allait. Je ne pouvais pas vraiment lui jeter la pierre si c'était le cas, j'étais moi même un pro dans le genre. Mais c'était quelqu'un de vraiment cool et ce, même s'il persistait à penser que j'étais un être asocial et qui avait du mal à parler aux êtres humains. J'étais timide aux premiers abords, c'était vrai, et venir vers les gens n'était pas toujours très simple, mais une fois cela fait, je n'étais plus le même. Un peu comme ce soir, probablement.
Des gens sortirent de la maison pour fumer et cela me fit prendre conscience que ça devait faire une heure au moins que je ne m'étais allumé de cigarette et que la simple pensée de le faire m'y donna envie. J'en sortis une première, puis une seconde, tout la proposant à mon ami. Ce dernier hocha la tête d'un geste négatif et me remercia tout de même pour lui avoir proposé. Je haussai les épaules d'un air indifférent. J'avais tellement pour habitude de donner des clopes aux gens lors des fêtes que j'en avais oublié qu'il ne fumait pas.
« Bah... on sait jamais » finis-je par dire, la cigarette entre mes lèvres, tâtant mes poches pour trouver du feu.
« Tu finis ta clope et on y va? »  
- Heu.. ouais, mais t'aurais pas du feu mec ?
Non bien sur, je m'attendais à la réponse, mais c'était plus par désespoir que je le lui avais demandé, me rendant compte, impuissant, que j'avais oublié mon briquet sur mon lit en sortant de la chambre. Fort heureusement, je me trouvais dans un endroit où d'autres personnes fumaient elles aussi et je n'aurais probablement pas à chercher longtemps avant de trouver ce que je cherchais. Même si ma première impression risquait d'être un peu gâchée.
« Probablement qu'il va y avoir d'autres personnes que tu connais ici...J'espère en tout cas, sinon je te présenterai des gens de ma connaissance. Tu vas voir, ils sont super gentils! »
A ces mots, je me demandais s'il m'avait invité à une soirée étudiante ou quoi. En revanche, la manière dont il m'avait dit ça me donnait envie de rire intérieurement parlant. Il était vraiment mignon quand il disait ce genre de chose et ça me donnait presque envie de lui faire un câlin.
- C'est vrai ? Il va pas y avoir de gens méchants ? ironisai-je gentiment, lui ébouriffant les cheveux pour lui montrer que je n'étais pas sérieux et que oui, je n'avais pas de doute sur le fait que les gens dans cette maison pouvaient être adorable. Quoique, c'était tout de même sympa de le préciser, on pouvait tomber sur des personnes plutôt étranges quelques fois. Je ne voudrais même pas me rencontrer moi même.
«  Tu es prêt? C'est parti ! »
« Géronimo ! » renchéris-je à nouveau de façon enthousiaste, le suivant derrière ces pas jusqu'à ce que l'on soit rentré à l'intérieur.
Premier objectif : trouver du feu. J'observai d'un air attentif les gens déjà présents et il ne me fallut par longtemps avant de trouver ce que je voulais. Un petit comité était déjà présent dans le salon, dont la moitié, un clope au bec, qui s'était retourné à notre arrivée, pour nous accueillir. L'odeur de tabac encombrait déjà la maison et le brouahaha général n'avait pas cessé depuis que nous étions entré.
J'esquissai un grand sourire, ravi.

« Bonsoir ! » fis-je à toute l'assemblée, mimant un salut Césarien du geste de la main. « Vous n'auriez pas du feu par hasard ? »