Aujourd'hui est une bonne journée. Le soleil n'est caché que par quelques nuages londoniens, les oiseaux du parc chantent, et j'ai même aperçu plusieurs écureuils sur la cime des arbres. Ce n'est pas à mon habitude, mais aujourd'hui je suis allée au musée à pied. D'ordinaire, je prends toujours le métro, où j'y lis le journal local inconfortablement assise sur un siège. Mais pas aujourd'hui.
Ce matin, j'ai enfilé un pantalon noir en tissu qui remonte jusqu'à ma taille, un petit pull en cachemire gris clair, un long gilet en grosse laine, et je me suis mise en tête que je marcherais jusqu'à mon lieu de travail. Tout en peignant consciencieusement ma chevelure ébène, j'imaginais le parcours que j'aillais entreprendre ; Je me suis alors dis que je passerais par le grand parc où je me rends souvent, parce qu'à cette heure il ne devrait pas y avoir beaucoup de monde, et que je pourrais observer silencieusement le printemps pointer le bout de son nez tout en fumant quelques cigarettes au passage. J'ai pris un petit déjeuner copieux, terminant sur un note caféiné et une première cigarette; parce qu'après tout ce sont deux choses qui vont si merveilleusement bien ensemble, n'est-ce pas ? Je me suis enfin lavée les dents, et j'ai attrapé d'une main ma besace en cuir avant de quitter mon petit appartement.
Le trajet a été bien plus long que d'habitude, mais je suis arrivée au British Musuem avec le sourire et la peau réchauffée par les rayons du soleil qui m'ont accompagné pendant ma promenade matinale. Mes collègues ont bien cru que ce n'était pas moi, mais une autre femme qui me ressemblait étrangement. La même que moi, mais avec un sourire. Mais non, c'était bien moi pourtant. Je les ai tous salué un par un, leur demandant même parfois des nouvelles. Ils ont été surpris, et j'ai rigolé à chaque fois qu'ils me servaient cet étrange air étonné. Oui, aujourd'hui est vraiment une belle journée.
La matinée s'est déroulée calmement. Le musée a reçu de nouvelles pièces très prestigieuses à exposer, alors j'ai dû les répertorier, puis choisir leur emplacement derrière les vitrines. J'ai fais une pause sur les coups de onze heures. Je suis sortie du musée et je me suis installée sur les escaliers pour fumer une autre cigarette. La tête levée vers le ciel, j'ai fermé les yeux, et j'ai souris. J'ai apprécié ce moment de bien-être, ma clope entre les doigts, le soleil caressant ma peau, et un léger courant d'air passant sur ma nuque exposée par un chignon bafoué. J'ai inspiré longuement, puis expiré, laissant un nuage de fumée s'échapper de ma bouche charnue. Et puis, le soleil a disparu, et je n'ai senti plus que l'ombre froide sur mon visage. J'ai rouvert les yeux avant de m'apercevoir que quelqu'un s'était placé devant moi. Délibérément ou pas, j'allais rapidement le savoir. Mes vieux démons ont resurgit, peut-être aussi vite que ma bonne humeur s'est dissipée. «
Hey, vous voyez pas que vous me cachez le soleil là ? » Dis-je sans vergogne et d'un ton plutôt agressif. Mes yeux ont du mal à s'habituer à l'obscurité dans laquelle ils sont à présent partiellement plongés, alors je plisse les yeux, cherchant à distinguer cette silhouette qui m'importune. Jusqu'à ce que je reconnaisse des formes les plus grossières jusqu'au détails les plus fins. «
Ethan ! Tu es déjà là ? Je croyais qu'on ne devait se voir qu'en début d'après midi ! » Mon timbre de voix a soudainement changé, il est radicalement plus doux et plus amical. Rien à voir avec celui employé quelques secondes plus tôt, en somme. Je me lève rapidement pour être à sa hauteur et je lui adresse un sourire radieux. Je regarde soudainement mon portable, et je me rends compte que j'ai reçu un message. «
Mon rendez-vous m'a planté, je vais venir plus tôt du coup si ça ne te dérange pas... Mais je sais que ça ne te dérangera pas de toute façon. Ethan. » Moi et la technologie n'est-ce pas... Je dois regarder mon portable deux fois par jour à tout casser. Parce que pour lire l'heure, j'ai une jolie montre à mon poignet, et je ne vais jamais sur les réseaux sociaux alors bon, voilà. Je n'ai pas le réflexe de jeter un œil à mon portable toutes les cinq minutes.
Je vois qu'Ethan est en train de formuler une réponse à ma question, puisque ses lèvres s'entre-ouvrent et qu'il prend une inspiration. Mais je ne lui laisse pas le temps de me répondre de suite. En fait, je l'entraîne avec moi vers l'intérieur du British Museum, passant mon bras autour du sien. «
Alors raconte-moi tout Ethan, tu avais vraiment hâte de me voir hein, je te manquais trop c'est ça ? » Question posée sur le ton de l'humour et de la taquinerie, mon accent nordique raisonnant dans le grand hall. On marche tranquillement l'un à côté de l'autre, on passe les portillons de sécurité sans même offrir un regard aux gardes, parce qu'après tout je travaille ici depuis assez longtemps pour qu'on ne prenne plus vraiment la peine de me contrôler à chaque passage. On discute plutôt tranquillement, mon regard ancré dans celui de mon ami. Et puis, mes yeux divergent vers le fond de la salle, et j'aperçois une silhouette familière. Je lui adresse un sourire radieux, et un grand geste de la main. «
Oh Kintaro ! » Décidément, j'en ai des surprises aujourd'hui. Ça aurait pu me déranger, mais il s'agit de mes amis, et ça fait toujours plaisir de voir ses amis. Je lui fais signe de s'approcher de nous, et je compte le présenter à Ethan. Mais je remarque rapidement que le faciès de mon ami de lecture change radicalement en croisant le regard de mon psychologue. J'avoue que je ne saisis pas du tout ce qu'il se passe sur le moment. Mais je comprends très vite que ces deux là n'en sont pas à leur première entrevue. Surtout qu'au final, Kintarô s'exclame d'un «
On s'est déjà vus quelque part, non ? » qui ne confirme rien de plus que ce que je pensais. Bien que j'ai l'impression que l'environnement est devenue très lourd d'une seconde à l'autre, je tente de détendre l'atmosphère et de comprendre ce qu'il se trâme entre mes deux amis par la même occasion. «
Oh ! Vous vous êtes déjà rencontrés alors ? Comme c'est rigolo ça ! » Je laisse un rire léger s'échapper de ma bouche, alors que je me range aux côtés de Kintarô. «
Kintarô et moi nous sommes au même club de lecture ! Tu sais Ethan, je t'en avais parlé de ce club ! » Puis je m'adresse à présent à Kintarô. Je pose une main sur son épaule et je souris à pleine dent à mon deuxième ami. «
Parce qu'Ethan est mon psychologue. Enfin, à la base du moins. » Mon regard ancré dans celui d'Ethan est complice. Je finis par tourner la tête en direction de Kintarô, baissant les yeux très légèrement puisque ce dernier est plus petit que moi. «
On devait se retrouver tous les deux au musée aujourd'hui avec Ethan, mais j'imagine que ça ne pose pas de problème si tu restes avec nous n'est-ce pas ? » Je fais une pause pour regarder Ethan et obtenir son consentement, chose qu'étrangement, je n'arrive pas à obtenir. Mais j'essaye de ne pas en tenir compte, et je poursuis. «
Et puis moi ça me ferait vraiment plaisir que tu restes, tu pourras m'expliquer plus en détail comment vous vous êtes connus Ethan et toi. » Mes paroles sont sincères, aussi sincères que mon sourire est grand. Oui, maintenant j'en suis certaine, aujourd'hui est une sacrément bonne journée. Enfin du moins ça c'est ce que je crois.