(✰) message posté Lun 22 Mai 2017 - 21:27 par Rachel-Mary Parker-Davis
Les retrouvailles sont des phénomènes si complexes qu'on ne devrait les effectuer qu'après un long apprentissage ou bien tout simplement les interdire.La loi des cinq, c’était ce qu’avait dit un interne lorsque le Dr Davis avait annoncé qu’elle en aurait pour cinq heures à rafistoler les cinq fractures de cette fillette de cinq ans. Evidemment, l’interne en question avait été immédiatement jeté hors du bloc. Tant mieux, elle n’avait plus la patience pour ces idiots. Cinq fractures ! Révoltée, Rachel avait commencé par le plus urgent, checker la radio complète du corps et avait constaté avec effroi la présence de nombreuses anciennes fractures à différents endroits, datant de différentes époques. Amy n’avait que cinq ! C’était une enfant battue. Elle présentait là un léger (heureusement) traumatisme crânien, une fracture du nez, d’une côté qui par chance n’avait pas perforé le poumon, le cinquième métacarpe et le radius droit cassés ainsi qu’une luxation de l’épaule. La fillette en aurait pour des semaines de plâtre et de rééducation. Il y avait également quelques ecchymoses sur le reste de son corps et la chirurgienne s’assura qu’il n’y avait aucune hémorragie interne. Le silence régnait dans le bloc, depuis deux mois qu’elle avait pris ses fonctions de chirurgien pédiatrique à l’hôpital de Londres, tout un chacun savait que le Dr Davis ne supportait pas qu’on l’assaille de questions pendant qu’elle opérait. Elle avait besoin de concentration, elle voulait se consacrer à ses petits patients. Les adultes, eux, pouvaient attendre. Seul le son de sa voix ordonnant différents instruments ou aspirations, et le bruit du moniteur cardiaque et l’appareil sur lequel la petite Amy était branchée pour respirer interrompait le silence glacial qui régnait.
Malgré le serment d’Hippocrate, Rachel n’avait qu’une envie, planter une lame de dix dans l’œil du responsable de ce massacre. Heureusement, elle était une pointure dans son domaine, et elle prit le plus grand soin d’achever elle-même le moindre pansement. Enfin, c’était fini. Le personnel infirmier emmena l’enfant en salle de réveil, et Rachel posa son regard sur la pendule, retirant son masque de chirurgie, ses gants et sa charlotte. Il était vingt-trois heures passé. Maxwell allait hurler. Il détestait qu’elle rentre tard, même s’il était un peu moins possessif depuis qu’ils étaient à Londres. A croire que les anglais représentaient moins une menace que les américains ? Elle s’apprêtait à partir à 18h lorsque cette petite avait débarqué aux urgences sur un brancard, et voyant la gravité de son état, le Dr Davis n’avait pas le cœur de la laisser à son collègue de relève qu’elle jugeait bien moins compétent. N’allez pas y voir de la prétention, loin de là.
Epuisée, elle arracha la blouse jetable d’une couleur douteuse (les anglais avaient vraiment des gouts de chiotte sur tout…) qu’elle laissa choir au sol avant de sortir du bloc. A peine eut-elle fait un pas que l’administrateur de garde la harponna pour lui dire qu’un policier l’attendait dans la chambre attribuée à la petite Amy, qu’il avait besoin de lui poser des questions étant donné qu’il ne pouvait pas le faire dans l’immédiat avec la victime.
-Sérieusement ?! Vous avez vu l’heure ? Il ne peut pas attendre demain ?
Ces anglais n’avaient aucun respect, c’était indéniable. L’enfant n’allait pas s’envoler et vu la dose de calmant qu’elle lui avait injecté, Amy ne se réveillerait pas avant le lendemain très tard. Rachel soupira.
-Je récupère les radios, je fais un compte rendu et j’y vais.
Tout en se dirigeant vers son bureau, elle sortit son téléphone portable de sa poche. Sept appels en absence, tous émanant du même sombre idiot. Soupirant de nouveau tout en fermant la porte du bureau, elle se laissa tomber dans son fauteuil en cuir avant d’ouvrir son ordinateur portable et de commencer à écrire les différents points qu’elle avait traité. En même temps, elle appuya sur la touche rappel et mit son oreillette bluetooth.
-Maxwell, je t’ai dit des milliers de fois de ne pas m’appeler quand je suis au bloc ! Tu peux quand même comprendre, avec le QI que tu as, que je ne peux pas te répondre ! …. Ecoute c’était un cas urgent, OK ? …. Je tape le compte-rendu post-op…. Non c’est pas la peine de m’envoyer ton chauffeur, je prendrai un taxi…. Eh bien parce que je ne sais pas quand j’aurais fini ! Je dois encore répondre aux questions d’un flic…. Parce que c’est une mineure, Maxwell, et que quand les mineures se font passer à tabac les flics s’en mêlent ! Allez, va donc te coucher, il est tard ! Tu me prendras la tête demain !
Elle s’était arrêté de taper à l’ordinateur pour saisir l’un des crayons présents dans un pot en cristal et le faisait tournoyer frénétiquement entre son pouce et son index. Son mari continuait à l’enguirlander au bout du fil, comme à chaque fois qu’elle rentrait plus tard que ce qu’il voulait. Elle n’arrivait pas à comprendre ce besoin qu’il avait de l’emmerder à ce point. Au bout d’un moment, elle contracta ses doigts si fort autour du crayon que le bois finit par se casser en deux.
-C’est ça, bonne nuit !
Elle raccrocha, lâcha l’oreillette sur le bureau et le crayon brisé dans sa corbeille à papier avant d’appuyer sur le bouton imprimer. Elle prit ensuite la feuille qu’elle glissa dans le dossier des radios d’Amy et après avoir remis son téléphone dans sa poche, elle ressortit de son bureau, le verrouilla et se dirigea vers la salle où devait l’attendre l’inspecteur Turner. Ce nom lui était étrangement familier à force de le répéter dans sa tête, mais elle ne parvenait pas encore à déterminer pourquoi. Après avoir arpenté les couloirs quasi déserts de l’hôpital et monté un étage, elle arriva finalement à la chambre où l’attendait le flic. Elle entra et se retourna pour fermer la porte tout en parlant.
-Inspecteur Turner, je suis le Dr Davis, c’est moi qui ai opéré Amy.
Lorsqu’elle se retourna, la sonorité familière du nom « Turner » prit tout son sens. Bouche bée, elle manqua de lâcher le dossier contenant les radios de la jeune patiente. La feuille volante glissa néanmoins, et se baisser pour la ramasser lui permit de ne pas ressembler à une carpe, bouche bée face à Frank qui avait considérablement changé en quasiment vingt ans. Se relevant tout en glissant la feuille sous la couverture cartonnée, elle lissa de sa main libre sa blouse blanche, reportant son regard sur son ami du début lycée.
-Inspecteur Turner, comme dans Frank Turner ! Mon dieu, comment est-ce possible ? Qu’est-ce que tu fais ici ? demanda-t-elle d’un ton étonné et bien plus doux que celui avec lequel elle s’était adressé à la plupart des adultes au cours de cette journée.
Elle ne put s’empêcher de le regarder de la tête aux pieds. Il avait tellement changé, il avait au moins pris son poids en muscles, c’était assez incroyable comme métamorphose. Mais son visage, elle le reconnaissait parfaitement, le bleu de ses yeux…
(✰) message posté Lun 22 Mai 2017 - 23:15 par Frank Turner
Les retrouvailles sont des phénomènes si complexes qu'on ne devrait les effectuer qu'après un long apprentissage ou bien tout simplement les interdire.
La journée fut longue presque autant que les autres. Par chance, si l'on peut appeler ça une chance, Frank s'y été accommodé. Il faut dire que dans l'unité, il fait presque figure d'ancêtre avec ses dix années de service au sein de cette unité elle-même âgée d'une dizaine d'années. Un service qu'il ne connaissait que trop bien, pour cause, il en fut le directeur avant de s'envoler pour NY pour mener une opération sous-marine. Depuis deux années s'étaient écoulées et une autre personne posait son fessier sur l'inconfortable siège du « commissioner » chaque matin alors que lui était redevenu un inspecteur parmi les inspecteurs. Un grade qui l'obligeait à partager son bureau avec d'autres collègues du service, une torture pour l'associable qu'il est. Mais que voulez-vous, nous faisons des choix que tôt ou tard, nous devons assumer. Le succès de l'opération menée à New-York avec la SVU avait, par chance, contribué à amoindrir l'amertume de Turner qui malgré la régression continuait à exercer son métier avec passion.
Poussant un long soupire, il se délesta de sa veste qu'il balança sur le porte-manteau prévu à cet effet. « Dure journée ?! » demanda l'un de ses collègues disposait face à lui. « -A ton avis ? » renchérit l'inspecteur Turner, mais il en fallait plus pour ébranler le collègue coutumier des sauts d'humeur de son camarade « -Je vois. Je préfère te prévenir la machine à café est out ce soir ! »
« - Vu le jus de chaussette qu'elle nous sert, on peut s'estimer heureux qu'elle soit en panne. » Il s'assit ensuite derrière son bureau, un peu en désordre comme d'habitude. Le portrait de son fils, trônait près du clavier de son ordinateur qu'il déverrouilla aussitôt pour consulter ses mails. À l'autre bout du bureau, l'on pouvait également apercevoir dans un cadre format portrait une photo de lui avec son petit frère et leur mère Jude emportée par un cancer trois ans auparavant. Son collègue, qui avait appris à le connaître, cessa de lui parler, car il savait pertinemment que l'inspecteur Turner n'était pas du genre pipelette. Effectivement, Frank n'était pas de ceux qui s'épanchent inutilement sur des conversations tout aussi futiles. Lui se contenait d'aller à l'essentiel dans ses interactions et lui arracher une dizaine de mots relevait déjà du miracle. « -On a des nouvelles du type en cavale qui a cogné sa femme devant son petit ? » demanda Frank tout en supprimant plusieurs mails publicitaires de sa boîte mail. Le collègue d'en face attrapa une fiche et la tendit à l'Américain qui se leva pour la récupérer et s'enquérir des informations dont il disposait à présent.
« -Attends c'est quoi ce bordel ! Il a appelé ? Sérieusement !? »
« -Ouais ! Il a dit qu'il s'excusait, qu'il était dans un état second, tu connais le refrain ! »
« - Ouais la complainte du mari indigne. Le rapport du toubib ne va pas dans le sens de ce trou du cul et les lésions présentes sur le corps de sa chère femme sont datées. Preuve que ce n'est pas la première fois qu'il cogne. Et le petit ? Je vois que tu as écrit « à consulter » sur le papier. »
« - Ouais ! C'est ce que tu craignais ! » Frank souffla, un souffle qui ressemblait presque à un grognement venant de lui. Puis il serra la mâchoire et le poing gauche, tout en observant les notes transmises par le collègue. « -Le petit a parlé ? »
« -Ouais, on lui a envoyé un psy. Tu connais la procédure. C'est dans le dossier, comme tu es chargé de l'enquête, tu peux demander à le consulter. Mais d'après ce que j'ai entendu ce n'est pas jojo. »
« -Putain je lui casserais bien la gueule à ce fils de pute si je n'étais pas encore sous le coup d'un blâme. »
« -Tu devrais faire gaffe, tu sais que l'autre abrutit ne plaisante pas avec ça »
« -Arrête de jouer les Jiminy Cricket tu veux ? Ce type est un trou du cul qui n'est là que parce qu'il a les bonnes relations. S'il était compétent ça se saurait. En tout cas, ce n'est pas avec son costard Jonas & Cie qu'il me fera croire le contraire. » La conversation prit alors fin. Avait-elle besoin d'être davantage développée ? Frank passa rapidement en revue les notes du collègue et reporta son attention sur l'écran de son ordinateur et plus particulièrement sur le mail en provenance de la clinique privée où il avait fait interner son frère Dylan quelques jours auparavant. S'assurant que personne ne l'observait, il entreprit d'ouvrir le mail. Personne n'était au courant des quelques problèmes du jeune garçon et encore moins du fait que son père, Victor Turner, avait repris contact. Malheureusement pour l'inspecteur, sa lecture fut interrompue par la sonnerie de sa ligne fixe. Il laissa échapper un petit « -Fais chier » et décrocha sous le regard de son plus proche collègue.
« -Turner j'écoute ! Ouais…. Quoi ? Attendez » Il coinça le combiné entre son épaule et sa joue puis attrapa un crayon et son bloc-note. « -C'est bon je vous écoute. » Le crayon commença à glisser sur le papier jaune. « -Fillette de cinq ans. Trauma crânien, fracture du nez et d'une côte. Elle est à quel hôpital ? Ok c'est noté. Elle est sorti du bloc là ? Ouais et les parents ? Bah la mère pour commencer. Comment ça vous ne savez pas ? » Il se gratta la tempe, se passa une main dans les cheveux puis récupéra son stylo afin d'écrire à nouveau sur son bloc-notes. « - La petite n'est pas en état de répondre je suppose ? Ok, je vais converser avec son toubib alors en espérant qu'il soit plus compétant que vous ! » Il fut le premier à mettre un terme à l'appel, puis il ramassa son calepin, le stylo et se dirigea vers le porte-manteau pour récupérer sa veste. « - Bon bah je retourne au front. Si l'autre trou duc me demande, dis-lui que je fais mon travail consciencieusement comme d'hab »
« -Je n'y manquerais pas Turner ! » lança-t-il en enfila sa veste et en récupérant les clés qui se trouvaient dans la poche extérieure. Sans conviction, il retrouva sa vieille Ford et prit la direction du GOSH, un hôpital qu'il ne connaissait malheureusement que trop bien. Il en profita dès lors pour s'allumer une cigarette, lança sans surprise un cd de David Bowie et c'est Space Oddity qu'il fit son arrivée au GREAT ORMOND STREET HOSPITAL. À l'accueil, il dégaina aussitôt sa plaque faisant savoir à la jeune femme qui lui faisait face qu'il devait voir le médecin en charge de la petite Amy. Mais au préalable, il demanda où se trouvait la jeune patiente. Pour dire vrai, l'identité du toubib lui passa au-dessus, seul comptait la petite Amy qu'il voulait voir avant de converser avec le médecin en charge de son suivi. Il prit donc l'ascenseur, longea un long couloir blanc aseptisé et presque sans vie avant de se retrouver face à la porte de la chambre de cette nouvelle victime dont il avait la charge. Le cœur lourd, il observa la petite princesse endormie et branchée de partout. La porte s'ouvrit alors sur un interne tout penaud qui lui indiqua le lieu où il devait attendre le médecin. Le regard noir et sans un mot, il accepta de suivre le jeune interne jusque dans une chambre déserte.
(✰) message posté Mar 23 Mai 2017 - 1:02 par Rachel-Mary Parker-Davis
Les retrouvailles sont des phénomènes si complexes qu'on ne devrait les effectuer qu'après un long apprentissage ou bien tout simplement les interdire.
Il se passe parfois dans la vie des choses incroyables, des choses que l’on n’aurait jamais pensées possibles, des choses qu’on n’aurait pas espérées. Revoir Frank Turner faisait partie de l’incroyable, le revoir à l’autre bout du monde en Angleterre aurait paru impossible à Rachel, et voir un tel changement physique, en beaucoup mieux, semblait inespéré au vu du gabarit de crevette qu’il avait au lycée. Passé l’effet de surprise, le Dr Davis se reprit en se raclant la gorge, réalisant que sa réaction était peut-être un peu inconvenante. D’ailleurs, Frank fit preuve d’une extrême froideur à son égard. Elle haussa un sourcil à sa remarque. Pourquoi aurait-elle oublié son prénom ? Ah oui, vingt ans s’étaient écoulés tout de même, mais malgré tout, n’avaient-ils pas été les meilleurs amis du monde pendant quelques mois ? Cette période avait beaucoup compté pour Rachel, même si leurs chemins avaient fini par se séparer un peu trop rapidement.
La suite de sa réplique fut tout aussi froide, à tel point que Rachel écarquilla les yeux en ayant un mouvement de recul.
-Euh, OK…
Elle avança dans la pièce et lui plaqua contre le torse le compte-rendu de l’intervention de cinq heures qu’elle venait de pratiquer sur la fillette, sans pour autant interrompre sa marche jusqu’au tableau qu’elle éclaira avant de positionner d’un geste vif les radios qu’elle venait à présent de sortir de la grande enveloppe cartonnée.
-Amy Thompson, 5 ans. Multiples fractures, et qui ne datent pas que de ce soir. Rassure-toi, j’ai tout arrangé moi-même, de la luxation de l’épaule à la moindre égratignure. Son nez ne devrait pas avoir de problème après retrait du plâtre, mais je veux qu’elle voit un ORL au cas où. Son bras est totalement immobilisé, le radius présentait une fracture nette, comme tu peux voir là avant réduction, et également une fissure qui doit être le résultat d’un véritable acharnement. Pour faire simple, les os des enfants sont différents de ceux des adultes, l’enveloppe externe est élastique, en quelques sortes, et par conséquent, il est possible de tordre sans casser, ou parfois de casser de l’intérieur sans que la fracture soit nette, et c’est beaucoup plus difficile à voir à l’œil nu. C’est ce qui a dû arriver ici.
Elle désigna de la pointe de son stylo de grande marque le plateau tibial gauche de l’enfant.
-En examinant ses radios, on peut constater d’anciennes fractures. Certaines ne sont presque plus visibles parce qu’étant en pleine croissance, certaines traces disparaissent. Mais je peux t’assurer que cette enfant n’est pas juste tombée dans les escaliers. D’ailleurs je n’ai pas vu ses parents. Où sont-ils, ces chiens ? J’espère que tu vas les faire arrêter si ce n’est pas déjà fait.
Voir des enfants battus la rendait folle de rage. Rachel bénissait chaque jour le fait de ne pas avoir d’enfant avec son mari. A quoi bon avoir des enfants si ce n’était pas pour les rendre heureux ? Pourquoi les parents agissaient-ils de la sorte ? L’être humain était une espèce vraiment dégoutante parfois.
-Amy va sûrement dormir d’une traite jusqu’à demain matin, je me chargerai personnelle de lui faire passer des radios de contrôle. J’ai demandé à l’un de mes internes, le moins débileplus doué de veiller sur elle cette nuit au cas où elle se réveillerait. Une infirmière passe toutes les deux heures pour s’assurer que les calmants passent bien. Elle ne devrait pas souffrir, je m’en suis assurée.
Après avoir passé en revue les radios, elle éteignit l’écran et les rangea dans l’enveloppe.
-Est-ce que tu as des questions ? demanda-t-elle en plongeant son regard dans le sien.
Durant toutes ses prises de parole, son ton était resté professionnel et posé. Frank était visiblement énervé, peut-être même après elle, et elle avait vraiment envie de crever l'abcès, mais pour l'heure, le sujet Amy était le plus important.
(✰) message posté Mer 24 Mai 2017 - 0:22 par Frank Turner
Les retrouvailles sont des phénomènes si complexes qu'on ne devrait les effectuer qu'après un long apprentissage ou bien tout simplement les interdire.
La surprise de ses retrouvailles inattendues fut si grande, que le flic eut un moment de recul. Elle n'avait presque pas changé en vingt ans contrairement à lui qui sans le patronyme aurait pût, imaginait-il naïvement, passer outre ses retrouvailles loin d'être chaleureuses. En fait, tout n'est qu'une question de point de vue et de toute évidence celle qui avait, à n'en pas douter, porter la couronne de reine du lycée lors de la dernière année, semblait en totale divergence avec l'Américain. Passé les quelques secondes suspendues, Frank reprit sa froideur habituelle. Il avait une enquête à mener après tout et en de telles circonstances, chaque minute, chaque détail, étaient cruciaux. L'inspecteur mit donc le passé de côté, sans omettre malgré ça, de conserver sa froideur naturelle. « -On n'est pas là pour parler du passé alors garde tes petits sourires espiègles pour toi ! » Bam, la première pique n'avait pas traîné, mais nul doute, au vu de son caractère déjà bien trempé jadis, que le médecin saurait répondre en conséquence.
Armé de son fidèle calepin et d'un crayon gris « hp » à la mine grasse, l'inspecteur se prépara à prendre quelques notes histoire de commencer à compléter le dossier dès son retour de l'hôpital. Rachel, visiblement prise au dépourvu par l'attitude de celui qui fut autrefois « un ami » fit montre malgré tout, d'un professionnalisme à toute épreuve. D'un geste sûr, elle plaça les radios de la petite Amy sur le tableau qu'elle alluma ensuite pour mieux mettre en valeur l'ampleur des dégâts. S'en suivit une série d'explications sur un ton froid en adéquation avec celui adopté par Frank. « - Multiples fractures. Luxation épaule, nez cassé, fracture du radius… Ok » marmona-t-il tout en prenant des notes sans dénier regarder Rachel. « -Merci pour le cours d'anatomie sur les os, mais c'est inutile. Je suis au courant » Il tourna une page de son bloc-notes, qu'il griffonna à nouveau avant d'enfin relever le regard pour observer ce que la pointe du stylo de Rachel désignait. « -C'est commun chez les enfants battus tu sais ! » Il se gratta la tempe avec la mine de son crayon gris avant de reprendre. « - Quant au reste, contente -toi de faire de ton job et je ferais le mien. L'enquête vient tout juste de m'être confié, alors à moins de claquer des doigts ça va être difficile de coller les coupables au trou dans la minute. Je vais devoir lui poser des questions. Est-ce que demain en début d'après-midi, c'est envisageable ? »
(✰) message posté Mer 24 Mai 2017 - 1:16 par Rachel-Mary Parker-Davis
Les retrouvailles sont des phénomènes si complexes qu'on ne devrait les effectuer qu'après un long apprentissage ou bien tout simplement les interdire.
Rachel avait du mal à comprendre l’attitude de Frank. A peine l’avait-il reconnue qu’il avait été agressif, c’était extrêmement désagréable et elle avait assez d’un exemplaire à la maison.
-Tu peux te détendre deux minutes s’il te plait ? Et je n’ai pas souri alors ne commence pas à me prêter des actions que je n’ai pas faites, tu seras gentil !
Puis, sans attendre, elle se livra aux explications d’usage, ne comprenant pas vraiment quelle mouche avait pu piquer l’inspecteur Turner. Elle le regarda griffonner dans son carnet à mesure qu’elle évoquait le cas de la petite Amy. Il avait l’air très impliqué dans son travail. Et il semblait déjà connaître les informations qu’elle lui donnait sur les généralités des os des enfants, précisant que ce genre de blessures était commun chez les enfants battus.
-Je sais ! rétorqua-t-elle sur le même ton qu’il lui avait servi.
Il n’avait visiblement pas apprécié qu’elle lui demande de coffrer les parents sous le coup de l’indignation de voir une enfant si jeune en si mauvais état. Elle soupira, n’appréciant pas les mots qui sortaient de sa bouche. Est-ce que tous les hommes étaient de gros rustres ? La chirurgienne hocha la tête à la question de Frank.
-Oui, ça devrait être bon. Passe plutôt à 16h, je m’arrangerai pour être là, je ne veux pas qu’elle soit trop surmenée, et elle aura des examens à passer plus tôt. Ça lui permettra de se reposer un peu. Elle va être épuisée après cette nuit, et elle sera surement effrayée. J’ai donné des instructions pour qu’elle ne soit jamais seule.
Les radios récupérées, Frank enchaîna pour savoir où étaient les affaires de la petite.
-Tout ce qui était avec elle a été déposé dans sa chambre. Viens, je t’y emmène, Amy doit de toute façon encore être en salle de réveil, on les surveille au moins deux heures après une opération avant de les remonter en chambre.
Sans attendre, elle l’incita du regard à la suivre et quitta la pièce pour l’emmener dans la chambre attribuée à la fillette. Le Dr Davis actionna l’interrupteur. Un petit sac à dos rose était déposé sur la table de nuit. Rachel posa l’enveloppe sur la table et attrapa le sac qu’elle tendit à Frank après avoir ouvert la fermeture éclair.
-Qu’est-ce qu’on cherche ? Quel genre d’indices ?
Rachel doutait fort que ce petit sac puisse les mener quelque part. En général, les enfants trimballaient dans ce genre de bagage un livre de coloriage avec des feutres ou crayons de couleurs, une peluche, un gouter, mais rarement de quoi incriminer les coupables de leurs malheurs.
-Assieds-toi, lança-t-elle gentiment en désignant le fauteuil juste derrière lui. Tu seras peut-être mieux installé.
Elle remarqua de son côté visible du sac à dos une étiquette avec une adresse, probablement la sienne.
-Tiens, il y a son adresse là-dessus, est-ce que tu l’avais ?
(✰) message posté Jeu 25 Mai 2017 - 0:33 par Frank Turner
Les retrouvailles sont des phénomènes si complexes qu'on ne devrait les effectuer qu'après un long apprentissage ou bien tout simplement les interdire.
Avait-il envie d'être là ? Non. Voulait-il s'éterniser ? Non-non et encore non. Voyez-vous lorsque vous êtes confronté à de telles affaires, vous n'êtes que très peu concilient avec les coupables et c'est d'autant plus difficile à gérer lorsque la victime à l'âge de votre fils. Bien sûr, la sincérité de l'inspecteur n'était pas à remettre en question, mais plus que l'enquête, c'est aussi la présence de Rachel qui le mettait mal à l'aise, pire encore, sans même s'en rendre compte, exacerbait sa colère. La moindre remarque, comme s'il eut s'agis d'un être lambda (des êtres qu'il n'affectionne que trop peu) pourrait le faire exploser, il faut dire qu'il n'est pas du genre patient. Carnet en main et écoutant les dires du médecin d'une oreille attentive, preuve qu'il pouvait encore faire preuve de professionnalisme, Frank commençait à préparer sa petite enquête en essayant de prendre du recul par rapport à la victime qu'il ne pouvait pas interroger pour le moment. L'échange entre Rachel et Frank bien que le professionnalisme soit de rigueur, n'en demeurait pas moins d'une extrême froideur. Ils n'étaient plus rien l'un pour l'autre, sinon deux étrangers que le temps n'avait eus de cesse d'éloigner.
« - Je suppose que nous serons amenés à nous croiser à nouveau. J'aimerais donc, qu'à l'avenir, nous nous en tenions au strict minimum toi et moi. Je fais mon boulot, tu fais le tien. J'espère que c'est clair ? » dit-il en rangeant son calepin dans la poche extérieure de sa veste. Quelques regards, par-ci par-là, se croisèrent, mais l'action semblait trop furtive pour qu'une possible lecture soit établie. En avait-il vraiment envie ? Voulait-il essayer de la comprendre, de s'adresser à elle comme si rien ne, c'était passé entre eux, comme s'ils étaient encore ces deux adolescents que l'été avait uni… Non, c'était impossible, autant que le fait de revenir en arrière. Rachel était un chapitre inachevé certes, mais un chapitre appartenant à un passé qu'il préférait oublier. « -Demain 16 h ! Je serais à l'heure, fais en autant ! Tu dois comprendre, que pour le bien de la petite, je dois l'interroger au plus vite ! À cet âge, les détails s'estompent vite et nous avons besoin de détails. Je laisserais mon numéro à la personne qui sera à son chevet cette nuit. Si quelque chose se passe, je dois être le premier averti. C'est clair ?! » Oui, le ton était froid, voir menaçant, une attitude qui déplaisait à la plupart des personnes qui rencontraient Frank pour la toute première fois. Il faut dire que l'Américain ne faisait que très peu d'efforts pour se rendre aimable, si ce n'est avec les victimes. Aux contacts des enfants, il arborait un tout autre visage. Même ses collègues qui travaillaient avec lui depuis plusieurs années, s'étonnaient encore de le voir si doux avec des êtres humains miniatures.
Bien décidé à rapidement conclure l'échange, l'inspecteur Turner, qui regardait à peine celle pour qui il aurait, des années auparavant accomplies l'impossible si elle le lui avait demandé, s'enquit des possessions de la jeune victime. D'après l'Américaine, tout se trouvait dans la chambre d'Amy. Elle se proposa d'ailleurs de l'y conduire. Faute d'autre alternative, il accepta sans conviction de la suivre jusqu'à la chambre dans laquelle se trouvait les affaires de la jeune victime alors que cette dernière restait en salle d'éveil. Les deux anciens amis pénétrèrent donc les lieux, Rachel pressa l'interrupteur et sortit la pièce des ténèbres et s'en alla récupérer le petit sac rose laissé au préalable sur la table de nuit. Elle le tendit à Frank qui s'en saisit sans même la remercier. Il profita ensuite de la fermeture éclaire ouverte pour farfouiller l'intérieur du sac. « -Je n'en suis pas encore au stade de la collecte d'indice. Certains parents un tant soit peu malin, laissent de quoi identifier les enfants en cas de besoin. J'ose espérer qu'elle n'est pas l'exemple qui confirme la règle. » Elle lui proposa de s'asseoir, il répondit par la négative sans même la regarder. « -Je n'ai pas le temps de bien m'installer ! » La fouille ne donnait rien. Seuls quelques crayons feutres et un carnet de coloriage semblaient avoir élu domicile à l'intérieur du sac rose.
« -Merde ! » Il s'apprêtait d'ailleurs à lancer le sac, c'était sans compter sur Rachel qui venait de remarquer un détail loin d'être anodin. Aussitôt, le flic retourna le sac et vit dans une étiquette plastifiée, une adresse, probablement celle du bout de chou. Sans rien répondre Rachel, il dégaina son mobile et contacta le numéro d'un collègue. « - Ouais c'est Turner ! Tu es encore devant ton bureau à glander ? Oui, c'est ça, évite de me raconter ta vie, tu veux ! Écoute, j'ai besoin d'une recherche à partir d'une adresse. Oui, la totale abrutit !» Il lui confia donc la dite adresse tout en lui prodiguant quelques conseils. « - Creuse et trouve-moi tout ce que tu peux trouver. Non pour la saint glinglin. Tu en as d'autres des questions débiles ?! Oui, c'est pour une nouvelle enquête. Elle s'appelle Amy, cinq ans.» Son regard croisa celui de Rachel avant de retrouver le vide. « -Ouais ! Donc ils sont trois à vivre là-bas ?! Mais dis-moi, c'est un quartier populaire ça non ? Ouais, c'est ce que je me disais. Il a des antécédents ? Bah une plainte, un casier, quelque chose ! Bon, je te laisse continuer à fouiller alors. Non, je suis à l'hôpital-là ! Ok. » Il raccrocha sans rien ajouter, pas même un merci. Le collègue étant coutumier, il ne s'en offusquait plus. Il reporta dès lors son attention sur Rachel.
(✰) message posté Jeu 25 Mai 2017 - 13:48 par Rachel-Mary Parker-Davis
Les retrouvailles sont des phénomènes si complexes qu'on ne devrait les effectuer qu'après un long apprentissage ou bien tout simplement les interdire.
Là, c’en était trop. Frank prenait un peu de liberté quant aux propos qu’il tenait et cela commençait à agacer passablement Rachel qui était épuisée après cette longue journée aux heures doublées.
-Je n’ai pas d’ordres à recevoir de toi, inspecteur, alors tu vas me faire le plaisir de redescendre s’il te pait ! Jusqu’à présent, il me semble que j’ai toujours fait mon boulot et ce n’est certainement pas toi qui vas me dire quoi faire et comment le faire !
Cela ne l’empêchait pas de continuer à s’adresser à elle comme à un sous-fifre, et ça, la chirurgienne n’était pas prête à l’accepter.
-S’il se passe quelque chose, JE serai prévenue, parce que je doute que si elle fait une embolie, tu saches quoi faire ! Tu seras évidemment averti, cesse donc de jouer les coqs, c’est très agaçant.
Quelle mouche l’avait piqué ? En fouillant dans sa mémoire, Rachel n’avait pas le souvenir d’un Frank aussi aigri. Pourquoi se montrait-il aussi agressif avec elle ? N’avaient-ils pas été amis à un moment e leur vie ? Pourquoi agir ainsi ? Les amis se séparaient parfois, c’était ainsi qu’allait la vie. Cela faisait vingt ans ou presque ! Bon, ils se reverraient le lendemain à 16h pour qu’il puisse interroger la petite Amy. Le Dr Davis espérait que la fillette serait en forme. En tout cas, elle s’était assurée de tout pour qu’elle ne souffre pas et elle ferait le nécessaire dès le lendemain matin pour qu’elle soit rassurée.
Ils se rendirent ensuite dans la chambre que la petite patiente occuperait d’ici probablement une heure, afin d’inspecter les effets personnels de l’enfant qui se résumaient à un sac à dos rose à l’effigie d’une princesse Disney. Le contenu du petit bagage ne suffit pas à constituer une piste à suivre pour l’inspecteur Turner, mais Rachel avait remarqué l’étiquette avec une adresse, probablement celle de la famille d’Amy. Aussitôt, Frank appela l’un de ses collègues, et l’américaine le regarda pendant l’échange téléphonique. La manière dont il parlait à son collègue n’était pas sans lui rappeler sa propre attitude envers les siens, et elle commençait à se dire qu’elle était peut-être parfois un peu dure avec eux… Non, c’était la fatigue qui la faisait divaguer. Elle ne pouvait de toute façon pas se permettre d’être trop sympa avec eux. Si on l’appréciait de trop et que ça remontait aux oreilles de Maxwell, ça ferait encore des histoires, et elle était lasse de se disputer à longueur de journée avec cet abruti.
Le regard de Frank croisa brièvement celui de Rachel. Malgré ce caractère nouveau qu’elle lui découvrait et qui était détestable au possible, elle ne pouvait qu’être admirative de la dévotion qu’il mettait dans son travail. Elle pouvait voir à l’air que traduisait son regard qu’il était réellement concerné par ce qu’il faisait, et c’était probablement le seul point qui pouvait les faire se comprendre. Frank raccrocha et exposa ce qu’il venait d’apprendre à son ancienne amie, qui écoutait attentivement.
-Dans ce genre de cas, en effet c’est souvent le parent qui a des problèmes d’alcool qui est l’auteur des maltraitances.
Rachel en avait vu des gamins battus dans le cadre de son travail et c’était probablement ce qui était le plus triste. Heureusement, les enfants se remettaient bien plus vite des blessures physiques que les adultes. Par contre, en ce qui concernait le psychique, c’était propre à chacun, et elle espérait vraiment que la petite Amy pourrait passer par-dessus ça. Elle s’emploierait à l’aider au maximum, elle la confierait à ses collègues les plus compétents en psychiatrie et psychologie. Frank lui posa ensuite des questions.
-Je n’ai aucune idée de qui ni où peut être la mère. Elle a été emmenée en ambulance, je m’apprêtais à partir quand elle est arrivée aux urgences, j’ai donc immédiatement pris son cas. Et crois-moi, ça valait mieux pour elle, si tu voyais mon collègue de nuit et ses méthodes… Il serait encore dessus à l’heure qu’il est.
Un vieux chirurgien qui sans doute avait été très compétent en son temps, mais qui refusait d’évoluer et d’utiliser les méthodes modernes. Aussi, pour des cas vraiment graves, comme celui d’Amy avec de multiples fractures et coups, elle préférait prendre les devants, quitte à doubler ses heures. Et au final ça l’arrangeait, ça lui permettait de passer moins de temps chez elle.
-En général, les mamans qui n’arrivent pas en même temps que l’ambulance font le tour des hôpitaux pour retrouver leur enfant. J’espère vraiment qu’elle n’est pas complice.
C’était tout aussi courant, hélas.
-Si tu veux espérer la voir, mieux vaut attendre ici dès demain matin, ajouta-t-elle en croisant les bras.
(✰) message posté Ven 26 Mai 2017 - 0:11 par Frank Turner
Les retrouvailles sont des phénomènes si complexes qu'on ne devrait les effectuer qu'après un long apprentissage ou bien tout simplement les interdire.
La veine sur la tempe gauche de Frank devenait de plus en plus saillante à mesure que l'échange se prolongeait. Amer, il était et il ne faisait aucun effort pour épargner Rachel loin de se douter pourquoi celui qui fut jadis l'un de ses plus fidèles amis, en était arrivé à de telles extrémités. L'échange qui semblait jusqu'alors professionnel vira au règlement de comptes puisque le Docteur Davis pourvue d'un caractère tout aussi volcanique, n'accepta qu'on lui parle de la sorte et n'hésitât pas à le faire savoir haut et fort. « - Que je redescende ? OK je ne vais pas épiloguer là-dessus ça n'en vaut pas la peine. Quant au reste, excuse-moi, on n'a pas tous fait médecine, c'est sûr, mais là, c'est toi qui joues la poule. Enfin bref, ce n'est pas la question. » Échaudé, il poussa un léger soupir. Décidément, Rachel excellait dans l'art d'exaspérer un interlocuteur déjà bien à cran. Mais, car il subsiste un « mais » bien enfouis sous toute cette amertume, Frank ne pouvait nier que la femme qui se trouvait face à lui, celle qui des années auparavant lui avait brisé le cœur, continuait encore à susciter, hormis la rancœur, quelques sentiments un peu plus positifs. Elle était belle et le demeurait encore si ce n'est plus qu'avant. Turner se surprit même à la comparer à du bon vin, dont les qualités n'ont de cesse de s'accroître avec les années. Et alors qu'il continuait à filer la métaphore dans sa tête, le médecin le fit sortir de ses pensées pour le ramener à la réalité de l'enquête. La petite ne pouvait s'exprimer et elle ne le pourrait pas avant demain après avoir passé une batterie de tests. Une perspective qui embêtait l'inspecteur qui par expérience, savait qu'après plusieurs heures écoulées, les victimes peinaient à réunir leurs souvenirs et faire preuve de cohérence, surtout à cet âge. Il fallait battre le fer tant qu'il est encore chaud, mais en de telles circonstances, la patience était la seule alternative. Tant pis ! La sécurité et la santé de la petite prédominaient sur tout le reste, et même si ça l'emmerdait d'attendre, il accepta de s'y plier pour Amy.
Nos deux protagonistes rejoignirent donc la chambre qu'Amy, du moins celle qu'elle occupera lorsque l'on consentira enfin à lui faire quitter la salle de réveil. Pour l'heure, il fallait réunir les informations récoltées au compte goûte. La gamine possédait un sac rose qui de prime abord ne semblait contenir qu'un carnet de coloriage et des feutres. En somme, rien de transcendant pour permettre à l'enquête d'avancer, mais c'était sans compter sur Rachel qui venait de remarquer, dans une petite étiquette en plastique, sur le côté du sac, une adresse. Frank en prit connaissance et passa un coup de fil à un collègue pour que ce dernier fasse quelques recherches. L'inspecteur ne prit aucune pincette comme à l'accoutumer puis il reporta son attention sur son ancienne amie qui commençait à avancer des hypothèses. « - Parfois un parent n'a pas besoin d'être un alcoolique notoire pour battre ses enfants ! » lança-t-il avant de se rendre compte, bien malgré lui qu'il venait d'évoquer son propre passé par le biais de cette réplique anodine en apparence. « - Ce que je veux dire c'est que nous n'avons pas assez d'éléments pour accabler le père bien que de toi à moi et au vu des blessures de la gamine, j'ai de sérieux doutes sur son innocence. Ça fait chier, mais c'est comme ça, ce type a le droit à la présomption d'innocence. On doit s'y tenir et faire les choses bien… Enfin, "je" dois faire les choses « bien ». Mon supérieur me colle au train et serait ravi de me coller un nouveau blâme à la moindre incartade. Enfin bref ! » Il était lasse de cet affrontement, de l'incompétence de « ce jeune loup » qui lui avait pris sa place et qui n'était là que grâce à quelques bonnes relations. Qu'est-ce qu'il en savait lui du travail menait en amont sur le terrain ? Des jeunes mineurs en détresse dont l'unité s'occupait depuis plus de dix ans à présent ? Rien, il ne savait rien de tout ça et se contentait de gérer son équipe comme l'on manage le staff d'une grande entreprise, avec les costumes et le cynisme qui va avec.
(✰) message posté Ven 26 Mai 2017 - 21:35 par Rachel-Mary Parker-Davis
Les retrouvailles sont des phénomènes si complexes qu'on ne devrait les effectuer qu'après un long apprentissage ou bien tout simplement les interdire.
Dès le départ, ça avait été tendu. Pourtant, lors de leur rencontre, dès le départ, ça avait été l’entente absolue. Pourquoi à vingt ans d’intervalle les choses devaient être si différentes ? Rachel décida de laisser râler Frank, ce Frank qu’elle ne connaissait plus, même si la manière dont il lui parlait l’agaçait fortement. Il fallait qu’ils avancent. Elle avait donc exposé l’état de la petite Amy Thompson, il avait pris des notes, puis ils avaient migré vers la chambre qu’elle occuperait sous peu pour checker ses affaires qui se résumaient à un petit sac à dos de fillette. L’inspecteur Turner releva l’adresse qu’il donna à son collègue par le biais d’un appel téléphonique, puis la conversation put reprendre son cours. Ils parlèrent des parents, du père aux problèmes d’alcool qui était probablement coupable pour les blessures de sa fille. Là, la réaction de Frank fut étrange, argumentant qu’un parent n’avait pas forcément besoin d’avoir des problèmes d’alcool pour frapper ses enfants. Rachel cligna des yeux, surprise par son commentaire.
-Euh, oui je sais… enfin ce que je veux dire c’est qu’ici, c’est le cas alors… je veux dire, c’est assez courant malheureusement, c’est le schéma standard… Enfin je ne t’apprends rien, évidemment. Excuse-moi si j’ai dit une bêtise…
Elle apprit par le reste de sa tirade que son supérieur l’avait dans le collimateur, une histoire de blâmes à répétitions. La chirurgienne ne put réprimer un petit sourire, elle n’était pas vraiment surprise, au vu du caractère qu’il avait l’air d’avoir développé, qu’il se coltine des blâmes dans son dossier.
-Ce n’est pas toujours facile de composer avec des collègues, peut-être que tu devrais mettre un peu d’eau dans ton vin pour t’éviter les ennuis ? Tu as l’air très compétent dans ton travail en tout cas, c’est dommage de ternir sa carrière avec ce genre de choses. Enfin je dis ça, ça ne me regarde pas.
Il lui demanda ensuite, en inspecteur consciencieux, si elle avait vu la mère, mais hélas, Rachel n’avait vu que les brancardiers, et il sembla mécontent. Qu’y pouvait-elle si la mère n’était pas là ? Son boulot, c’était de réparer les enfants, pas de baby-sitter les parents ! Elle fronça légèrement les sourcils à sa remarque et le regarda passer son nouvel appel non sans soupirer. A son tour, elle prit son portable et constata quelques SMS incendiaires dont l’aperçu lui suffit à décider de l’éteindre. Elle le reglissa dans la poche de sa blouse avant de croiser les bras. Frank venait de raccrocher et lui expliqua que son collègue irait voir sur place sous peur.
-OK. J’espère que ça ira. Je ne vais pas partir tout de suite, maintenant que je suis là, je vais attendre qu’Amy regagne sa chambre et m’assurer que mon interne n’est pas une larve finie et qu’elle a bien mon numéro de biper au cas où. Tu veux sortir ? Si tu veux je t’emmène sur le toit, c’est là que vont fumer mes collègues, pour le peu qui vont encore à l’encontre de ce qu’ils disent aux patients. Viens.
Elle ouvrit la marche en direction de la porte et éteignit l’interrupteur. Le couloir était désert, hormis une aide-soignante et une infirmière de nuit qui préparaient leur chariot. Rachel alla jusqu’à l’ascenseur et appuya sur l’interrupteur pour l’appeler. Un peu d’air frais ne ferait pas de mal, effectivement, cela faisait dix-sept heures qu’elle était sur place et la fatigue commençait à se faire ressentir. Les lourdes portes métalliques s’ouvrirent et le Dr Davis s’y engouffra avec son ancien ami d’enfance. Elle sortit un pas de sa poche et le fit glisser dans le lecteur. Le bouton du toit s’alluma alors et les portes se refermèrent tandis que la cage d’ascenseur montait jusqu’au sommet. Quand les portes s’ouvrirent, la vue de tous les bâtiments de Londres éclairés par des lumières tels des étoiles donnait un air féérique au lieu, bien que Rachel n’y prêta pas plus attention que cela en sortant. Elle s’assit sur un petit muret et regarda Frank la rejoindre. Il était devenu bel homme. Il avait déjà du charme, adolescent, mais le fait qu’il ait gagné en carrure ne faisait qu’accentuer cette allure naturelle qu’il avait toujours eue.
-Tu ne m’avais jamais dit que vous voulais être flic, lâcha-t-elle gentiment.
(✰) message posté Ven 26 Mai 2017 - 23:07 par Frank Turner
Les retrouvailles sont des phénomènes si complexes qu'on ne devrait les effectuer qu'après un long apprentissage ou bien tout simplement les interdire.
Être un connard n'est jamais facile, mais nécessaire. Avec le temps, le regard des autres avait fini par lui passer au-dessus. Au diable leurs commentaires, Frank le savait mieux que quiconque, il n'était pas là pour se faire des amis, mais bel et bien pour résoudre les affaires qu'on lui confiait. Pour se faire, mieux valait prendre de la distance avec les éléments extérieurs et se focaliser sur les victimes. Étant un ancien enfant battu, il parvenait sans mal à s'identifier aux jeunes victimes. De ce fait, il était facile pour lui de savoir ce qu'il leur fallait, et ce, dont elles n'avaient besoin. A contrario, avec les autres, les adultes, le contraste était saisissant, il arborait un tout autre visage. Froid, violent, incapable de faire preuve de sociabilité et se foutant royalement des « quand dira-t-on ? » Il n'était de ce fait, pas la personnalité la plus appréciée du service. Mais être un connard, avec une personne qui jadis, vous connaissez mieux que quiconque, est, en revanche, plus difficile et fatiguant. Il ne faut jamais baisser sa garde et ne pas céder aux sirènes du pardon. Car oui, Frank luttait en silence pour ne pas envisager ce cas de figure. Pour se faire, il se raccrochait à l'enquête espérant que cela suffise à lui faire oublier ce désir fou de mettre les choses au clair, car de toute évidence Rachel nageait en pleine incompréhension et ne se doutait pas le moins du monde du « pourquoi du comment » de cette véhémence à son égard.
« - Les problèmes d'alcool sont un facteur qui amène la violence. Il existe autant de facteurs engendrant la violence qu'il y a de famille pour la subir. Bref, je ne suis pas là pour te donner un cours de psycho-criminelle. » Le ton restait austère, mais la froideur l'était un peu moins, laissant entrevoir une légère décrispation de la part de l'inspecteur qui évoquait à présent son supérieur qu'il ne portait certainement pas dans son cœur. Le petit sourire de Rachel aussi furtif soit-il fit écho auprès de l'inspecteur qui ne put réprimer la naissance d'un sourire qu'il tâcha d'amoindrir aussitôt. « -Je n'ai pas besoin de composer, j'écris moi-même ma partition et le plus souvent j'emmerde les autres. Je suis compétent, ça leur suffit et puis je ne suis pas là pour « copiner », je me contente de faire mon travail. » Mâchoire serrée, il acheva sa réplique en poussant un soupire. « -Ce que je veux dire… » commença-t-il plus neutre « -C'est que parfois, c'est plus simple de faire cavalier seul. » Passé ce petit intermède, l'inspecteur Turner refit son apparition et toujours aussi consciencieux, il s'enquit de détails qui n'étaient pas en possession de Rachel qui consulta une dernière fois son portable avant de l'éteindre.