"Fermeture" de London Calling
Après cinq années sur la toile, London Calling ferme ses portes. Toutes les infos par ici Still she gives you everything you need… Is it enough ? _ Pv Isolde - Page 5 2979874845 Still she gives you everything you need… Is it enough ? _ Pv Isolde - Page 5 1973890357
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Still she gives you everything you need… Is it enough ? _ Pv Isolde

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James M. Wilde
James M. Wilde
MEMBRE
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() message posté Dim 8 Jan 2017 - 23:00 par James M. Wilde
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As it grows in your eye
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Isolde
& James




Il s’entend dans sa voix… Cette façon de se moquer tout en encourageant le récit délié qui sort de ses lèvres qui ne sont plus exsangues de s’être posées sur sa peau. Il y a quelques soupçons de détachement dans sa façon de parler, l’envie déraisonnable de s’arracher à la pesanteur de ce passé par trop récent, le besoin de se mouvoir avec langueur à ses côtés, pour ne rien déranger de l’équilibre trop fragile qu’ils ont su par miracle dessiner, en quelques infimes heures de sommeil à se tenir la main. Leurs esprits ont accordé leur musique, ont fait taire la frénésie nocturne pour s’arrêter dans les silences peuplés de douceur. Une douceur qu’il ne reconnaît guère, rien n’est doux dans sa vie, ses mots sont rugueux, ses gestes sont vifs, sa prose est assassine et sa voix crisse des aigus qui semblent inatteignables. Mais une douceur encore, jusqu’à ce qu’il la perde dans la cage d’escalier, à sonder ses pensées qui ont dénivelé des marches jusqu’à se fracasser au sol. Leur ombre a envahi l’oeil de Phil, et il a lu l’effroyable pitié au creux de ses prunelles, cette inquiétude morose teintée par le gris de l’hiver, ce plissement de la bouche qui n’ose pas dire l’inquiétude qu’on voit pourtant dans la retenue des gestes. Il s’est retrouvé confronté à l’image qu’il a oubliée, les nuits de vice sur sa gueule, la course au souffle rougeoyant du sang qui pulsait dans ses veines, trop vite, trop vite, bien trop vite, l’écume amère, ravalée comme de la bile, la déglutition fut difficile, même aidée par le feu de la clope. Il est revenu moins doux, il est retourné dans le salon avec l’âpreté de l’angoisse, alors il a cherché sa main pour renouer l’entente tacite, pour la renouer très vite avant qu’elle ne se dissolve dans ses fourbes pensées… L’inquiétude faussement murmurée sur le dos rond de Sylvestre est depuis longtemps balancée aux troubles d’une peur bien plus dense qui grandit dans ses iris. Il rit légèrement de la double réponse qu’il se voit offrir quant à l’action qu’il a manquée, mais il y a quelque chose qui sonne faux, comme le pressentiment d’un doute grandissant. Il ne doit pas s’y fier, c’est l’appel de l’héroïne qui parle, plus ténu que cette nuit mais avec tout autant de noirceurs qui l’étranglent. Il parvient à répondre d’une voix trop enrouée :
_ Bugs est toujours un chaud lapin, c’est dans sa nature…
La nature, on ne l’efface jamais, n’est-ce pas ? La nature c’est la peste, la nature peut se tordre mais à la moindre incartade elle se voit redressée sur des ergots saillants, elle plante son instinct dans la chair qui la meut jusqu’à satiété. Mais la nature n’est jamais comblée, jamais. Est-ce sa nature qui change au gré du dénuement de ses pensées, ou ne sont-ce que les morsures de dizaines d’aiguilles qui se rappellent à sa peau qui frissonne déjà ? Il inspire profondément, pour rappeler l’odeur de propreté qui se niche dans les mèches d’Isolde, car il se sent sale, il se sent décalé dans le foyer trop accueillant qui l’héberge à présent. Les vagues deviennent trop présentes mais il les repousse toutes, en soufflant avec lenteur, avec minutie, sur le rythme de sa liste toujours plus nourrie, des objectifs qui deviennent presque illusoires, qui ne seront jamais atteints. Il se dit même qu’il lui faut appeler Ella… Il pense à la programmation du Viper, se demande s’il ne faudrait pas vérifier les dires de son régisseur, directement sur le site web, pour être certain qu’ils n’en ont pas profité pour programmer de la pop. Où est son téléphone ? La batterie est trop déchargée pour regarder une page web. Sa main dans la sienne, il serre pour chasser le froid, il serre pour la rappeler à lui alors que c’est lui qui veut revenir à elle. Il pense encore, il pense bien trop, trop vite aussi. Son pull sent la lessive, est-ce que Maria est venue déambuler dans la solitude du penthouse ? Est-ce qu’elle s’est inquiétée de ne jamais le croiser ? Et si elle était allée jusqu’à téléphoner à Gladia… à sa mère, formule-t-il avec un pli amer sur la bouche qui se tord sur le mot qui n’est pas coutumier. Il faut qu’il se calme… Il sent l’appel de sa douceur, la délicatesse de ses gestes qui viennent presque modeler les os, il a moins mal soudain, beaucoup moins mal car elle est là. Elle n’est pas partie, elle n’est pas partie lorsqu’il l’a appelée, elle n’a pas fui lorsqu’elle l’a confronté dans cette maison miséreuse où gisent tous ses rêves brisés, elle ne l’a pas rejetée cette nuit, ni chassée au matin dans le froid gelé de l’hiver. Elle l’a gardée auprès d’elle et elle le garde encore. Il ressent un sursaut de chaleur qui se diffuse dans tout son corps, qui dispute les failles et les referme superficiellement. Son corps raidi par l’angoisse se détend peu à peu et la télé reparaît dans son champ de vision. Il voit ce foutu lapin qui bouffe comme toujours une carotte, il voit le sourire de la petite lorsqu’il se penche pour l’observer, puis il voit le profil d’Isolde et son regard perdu dans le néant de la pièce. Et dans son isolement il la rejoint, sa tête rencontre presque la sienne, à chercher les méandres de la nuit avortée. Le sommeil pèse sur eux avec une douceur recouvrée…

Comme un amant infidèle, le sommeil se refuse, les délaisse lorsque la sonnerie fracture l’instant. James sursaute presque, renvoyé à sa nervosité et il la laisse partir, n’a même pas la décence de proposer son aide, l’action se déroule bien trop vite pour sa tête qui se trouvait de nouveau embrumée. Il ne comprend pas comment on en est arrivé là, Daffy Duck en train de saucissonner Bugs sur une fusée géante, il a dû louper un épisode voire plusieurs. Il essaye de raccrocher un peu avec la très grande complexité de l’intrigue mais se voit distrait par cette place laissée vide par Isolde, et la banalité du départ devient une sorte de manque plus conséquent encore que celui dicté par la drogue. Sa jambe se met à remuer, son pied toujours chaussé tape au sol, faisant bientôt vibrer le canapé, sans qu’il ne s’aperçoive de ce tic qui s’installe aussitôt qu’il vagabonde le long d’une attente qui lui paraît interminable. Alors il tend l’oreille, maudit intérieurement le bruit de la télé sans pour autant baisser le son pour ne pas inquiéter la gosse par son attitude ridicule. Les quelques bribes qui parviennent jusqu’à eux semblent classiques, il s’agit bien d’un livreur… Cependant, le ton change perceptiblement sans qu’il n’ait compris la raison d’un tel modulo dans la voix d’Isolde. James se tend, partageant à distance ce qui lui apparaît comme une sorte de stupeur, il hésite fortement à se lever pour la rejoindre tout de suite, il hésite mais se paralyse à l’idée d’apparaître encore plus déviant qu’il n’est déjà apparu à bien des moments. De trop nombreux moments. Alors il écoute encore. C’est trop long pour une livraison… On dirait qu’elle s’adresse à quelqu’un qu’elle connaît. Peut-être un ami après tout, ce n’est pas comme s’il connaissait véritablement sa vie sociale. Mais alors pourquoi ce temps d’arrêt, cette crispation dans certaines syllabes qu’il ne parvient pas à comprendre avec exactitude ? Les gens sont comme une musique, ils diffusent des tons, des mesures, des silences et autant de crescendo que leurs émotions filtrent par leur corps, James y est extrêmement sensible, voilà pourquoi il se garde bien souvent de les fréquenter. Ou bien les fréquentent-il sur des temps plutôt courts, pour nourrir ses inspirations avant de se renfermer de nouveau en lui-même pour cracher sur le papier ce qu’ils en conçoit. Souvent une piètre opinion des autres et de lui… Les soirées à se frayer un chemin dans leurs inconsciences, devenant inconscient lui-même, dans les rires faux, la démonstration de force à longues gorgées d’alcool pour voir qui demeurera debout, n’épargnent pas les sentiments déformés par le vitriol de son ironie. A-t-elle demandé qui il était ? Lui il ne l’entend pas bien, mais il comprend que ce type n’est pas le bienvenu ici, surtout lorsqu’elle se rend sur le pallier et referme derrière elle. Ce n’est définitivement pas un livreur et à présent il ne peut pas pousser l’outrecuidance jusqu’à ouvrir cette porte presque fermement claquée pour se mêler de ce qui, au fond, ne le regarde absolument pas. Bugs Bunny disparaît, il ne fait qu’essayer d’écouter mais il n’entend plus rien de la conversation, et la frustration grandit, aussi déraisonnable que le manque qu’il a de sa présence. Le temps lui paraît encore plus long maintenant qu’il a la sensation que quelque chose dénote, et s’accélère subitement lorsqu’elle reparaît, clairement livide, presque tremblante. L’atmosphère change, la nervosité de James grimpe d’un cran lorsqu’elle ment. Il lui faut une grande maîtrise pour ne pas immédiatement éructer pour exiger une quelconque vérité, il ne comprend pas pourquoi le sujet devient soudain si épineux, pourquoi il lui faut savoir, investir cette existence jusque dans des secrets dérobés. Si elle ne dit pas la vérité, elle doit avoir de solides raisons mais quelque chose se fendille en lui, l’impuissance reparaît, elle n’est cependant pas tournée sur lui cette fois-ci, elle est subie et ressentie envers la détresse qui dessine son souffle dans l’air. Il l’observe avec une patience pleine de violence, qui agrandit ses prunelles lorsqu’elles se posent sur elle, la détaillant de la tête aux pieds comme pour confirmer ce qui ne saurait être remis en question. Livreur, bien sûr… La détresse d’Isolde est une blessure supplémentaire, il se sent démuni de la vivre d’une intensité si farouche alors il choisit la fuite. Il s’excuse, s’évade, retourne à cette chambre dans laquelle il n’a pas franchement élu domicile en lançant :
_ J’ai oublié un truc…

Il se lève vivement du canapé et fonce vers le théâtre de leur épopée nocturne. Cette foutue salle de bain d'abord. Il s’appuie sur le rebord du lavabo et interroge son visage trop émacié, ses yeux dénotent encore cette étincelle brûlante nichée dans les iris, cette même étincelle qui a peint l’inquiétude sur la face de Lune de Phil. Il s’interroge longuement, à s’envisager comme son propre ennemi. Il n’a rien à savoir, tout ça ne le concerne pas, ne le concernera jamais. Alors pourquoi le besoin de savoir le malmène-t-il sans discontinuer ? Pourquoi l’air arboré sur son visage diaphane l’a-t-il ainsi bouleversé ? Il n’est pas dans son état normal, c’est pour ça, c’est ce putain d’endroit, c’est la honte, c’est la peine, c’est la hantise de sortir et la peur de rester. Ses mains se serrent autour de la céramique, il fait ton sur ton. Son coeur bat, se précipite contre sa cage thoracique, de ce besoin de savoir, de ce besoin d’aider, de soulager ce tourment qui a empreint ses traits. Il tourne, l’impatience noue ses tripes, puis il s’élance vers la chambre et se donne à l’envie d’arracher plus à cette vie qu’il pénètre, se dérobe à l’armure qui se reforme autour de son être. Bien sûr qu’il a besoin de savoir, bien sûr. C’est normal, il ne peut plus se détacher, c’est comme ça connard, t’es juste foutu alors assume. La manière est torve, il ne se pardonne guère d’user de ce stratagème. Sa voix s’élève depuis la chambre, il lance :
_ Isolde ? Tu la désactives comment la fichue sécurité des prises dans la chambre ? Je veux brancher mon téléphone.
C’est l’excuse la plus pourrie du siècle, sachant qu’il connaît parfaitement ce genre de sécurités, il a les mêmes dans son palais high-tech. Un modèle identique, dont il vient de percer la mécanique sans soucis, alors que la fiche s’enfonce dans la prise et qu’il branche effectivement son smartphone, avant de l’attendre, bras croisés, appuyé au meuble derrière lui, l’air désinvolte alors que son cerveau carbure à le rendre dingue. Il sait qu’il outrepasse tous ses droits au moment où elle apparaît et qu’il assène, sans masquer la véritable raison de son appel au secours :
_ Il s’est passé quoi ? C’était pas un livreur.
L’affirmation tranche l’air, mais n’est pas virulente, sa voix est plus calme que ne le sont les dizaines de ressentis qui s’entremêlent à l’intérieur de son corps. Il l’observe toujours, se demande ce qu’il verra sur son visage, l’irrémédiable rejet de tout empiètement sur un terrain qu’elle garde jalousement ou bien un indice quelconque qu’il peut poursuivre. Il ne joue guère, l’intention de savoir dispute au malsain l’étrange attachement viscéral de revoir son visage s’éclairer plutôt que de se scléroser aux ombres dont il n’est, pour une fois, guère l’architecte.
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() message posté Lun 9 Jan 2017 - 12:21 par Invité

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Le quotidien se suspend, devient plus étrange encore qu’il ne l’était déjà. Sa silhouette cesse de se mouvoir pour demeurer interdite, à l’orée du divan sur lequel elle ne parvient plus à s’asseoir pour y goûter un semblant de quiétude. L’immobilisme de son corps, arrêté au milieu d’une pièce à aucun endroit précis et dans aucun but particulier, jure avec l’harmonie ambiante. Elle se voyait de loin se détacher de son propre corps, aller se pencher contre la fenêtre close qui donne sur la rue pour vérifier qu’il était partit, qu’il n’était pas encore là, à attendre qu’elle daigne mettre le nez dehors avec Leela au bout du bras.  Son souffle tremble d’avoir été ainsi prise au dépourvue. Elle n’a pas revu John Swanson depuis des années, se souvient à peine des ridules qui modelaient autrefois ses traits et qui devaient s’être creusées encore sur son visage émacié. Il est de ces âmes aux infinies noirceurs qu’il vaut mieux ne pas caresser trop longtemps au risque de gangréner ce qu’il vous reste de candeur. Et pendant une fraction de secondes des impressions lui reviennent, sont des mélodies criantes dans son esprit torturé par le souvenir. Elle a encore la tension de ses traits d’adolescents qui s’imprime contre sa paume. Les tremblements de ses muscles, nimbés des colères terrifiées qui animent les corps malmenés par la haine et la brutalité, se rappellent à elle dans chaque menus détails, s’injurient d’avoir été ainsi oubliés, jetés dans l’opprobre au profit d’une existence plus douce dans laquelle John n’avait eu aucune place.  Les images se réverbèrent contre le noir de la rétine avec une précision troublante, comme dans ces rêves qui ponctuent ses nuits jusqu’à lui faire parfois frôler la déraison. John est un parasite. Un parasite grouillant que l’on ne peut jamais écraser, car il trouve toujours le moyen de remonter le long de la jambe. Il gratte, vous procure une sensation poisseuse sous l’épiderme lorsque vous restez à son contact trop longtemps. Autrefois il sentait toujours les clopes et le whisky bon marché à plein nez, à toujours s’exprimer d’une voix éraillée par l’alcool trop longtemps consommé, rendu violent et détestable de s’être laissé dériver trop longtemps sur ces sentiers perclus de haine dont on ne revient jamais tout entier. S’en est étrange de constater que la perte de son unique fils a peut-être été l’élément qui enclenche la volonté de repentir. Mais avec John, la rédemption ne dure jamais bien longtemps. Chaque fois elle n’est qu’illusoire, et dès lors qu’il retombe, cela n’en est que plus terrible. C’est lui qui l’a initié en premier à la crise violente de manque. Le seul d’ailleurs, jusqu’à ce que James s’en mêle. Avec Peter, ils étaient des gamins à l’époque, ils se connaissaient tout juste. Il en avait marre de se prendre des raclés lorsque son père rentrait complètement bourré, il l’avait enfermé dans la chambre à coucher, le privant de ses liqueurs du désespoir pendant un temps trop long. Les heures s’étaient égrenées, sa rage s’était décuplée, enhardie par le manque criant dans ses veines. Évidemment il avait fini par réussir à sortir, bourru qu’il pouvait être, en enfonçant la porte en bois de tout son poids. Et la punition avait été plus rude que d’habitude. Peter n’avait rien voulut dire. On l’aurait placé dans un foyer, on l’aurait emmené loin de tout ce qu’il connaissait. Alors elle avait menti lorsqu’on l’avait soigné, avait prétexté que c’était un jeu qui avait mal tourné. Et plus jamais il n’avait essayé de l’enfermer, de sauver cette âme dont il n’y avait déjà, alors, plus rien à espérer. Est-ce possible aujourd’hui qu’il ait évolué ? Non. Elle ne peut y croire. Chaque entrevue avec lui a toujours frôlé le désastre. Pourquoi en serait-il autrement aujourd’hui ?

« Hmm … Pardon ? » murmure-t-elle contre du vide, car elle n’a absolument pas entendu ce qu’il vient de dire. D’ailleurs, il a déjà disparu depuis un moment dans la chambre, et elle répond avec un temps de retard, la lenteur infinie de ses réactions trahissant les tourments naissants dans son esprit fatigué. Il la questionne enfin, même si elle flaire d’emblée un prétexte pour l’isoler. Un musicien tel que lui, habitué à la complexité des branchements électriques, qui lui demande comment outrepasser une petite sécurité ? Elle paraît un instant plus tard dans l’encadrement de la porte, hausse un sourcil interrogateur. « Qu’est-ce qui se passe ? » sa voix marque un temps de pause. Ses sourcils s’arquent davantage en constatant qu’en effet, il n’a pas eu besoin de son aide pour trouver la solution. « Ben tu vois, tu n’as pas besoin de …- » sa phrase demeure en suspens, interrompue par cette autre qui fend l’air, dénote à son oreille comme un sifflement. Son corps déjà raide se tend davantage et son visage se fend d’une expression qui traduit l’enfermement absolu dans lequel elle se dissimule. L’impression d’être un fuyard que l’on vient débusquer la cisaille. En réalité elle le trouve impertinent de se permettre sous-entendus et interrogations après la nuit aux milles terreurs qu’il vient de lui faire vivre. A croire que le James qu’ils connaissent tous est bel et bien revenu des enfers, et qu’il compte le faire savoir à qui veut bien l’entendre. « Rien d’important. » Sa phrase fendille l’air à son tour dans l’autre direction, n’est guère violente mais apparaît quand même plus incisive que la sienne. Elle n’est pas certaine d’avoir envie d’emprunter ce terrain-là avec lui maintenant. La confidence n’a jamais fait partie de sa nature, et sa tendance à la dissimulation et à l’introspection a toujours été une nuance de son caractère. Lui en parler n’a aucun sens. C’est l’inclure dans quelque chose, c’est lui dévoiler des bribes d’un passé qu’elle-même n’apprivoise pas encore. Alors elle hésite. Sait que la moindre réponse peut susciter des questions plus précises et intrusives encore. Et ce n’est pas comme si elle affrontait une âme docile. Avec lui, les accents et barrières doivent être imposés d’emblée, tout en sachant qu’il tentera quand même de surpasser les interdits. Elle l’a bien comprit maintenant. James est un esprit particulièrement vindicatif. Elle impose donc. Ferme violemment la parenthèse qui ne doit pas atteindre les oreilles juvéniles de Leela, qui ignore complètement l’existence de ce « grand-père ». « Non ce n’était pas un livreur. » Elle confirme son hypothèse. A quoi bon mentir de toute façon ? « Et je n’ai pas envie d’en parler. » Là non plus, elle ne ment pas, et sa tonalité frôle l’intransigeance. Une intransigeance qui n’accepte aucune contrainte. Pourtant, malgré la détermination employée à s’éloigner de la pente glissante, elle ne peut s’empêcher de trembler un peu encore, l’émotion pulsant dans sa chair avec une frénésie troublante, la fragilité de son âme rendue à des instincts primaires. « C’était juste pour ça que tu m’avais appelé ? » A présent le ton se détache, s’effeuille, s’éloigne. Il y a des notes évasives dans son timbre qui frôlent des accents incisifs, voire, agacés. Ses bras se croisent devant sa poitrine. Isolde attend, au moins de pouvoir s’en aller. Il y a toujours cette inquiétude latente de le laisser trop longtemps seul. La confiance déjà fragile a été rudement malmenée, et elle souffre encore des injures qu’on lui a faites. Des injures dont les réminiscences se décuplent, deviennent des amertumes qui, si elles étaient jusqu’alors tapies sous la douceur illusoire des instants partagés, remontent pour venir défier les intrusions mal avisées. Son intérêt naissant pour l’intermède qui vient de se dérouler la touche. Il la touche jusqu’à ce qu’elle pressente que cet intérêt est davantage guidé par la curiosité et le besoin impérieux de savoir qu’autre chose. Ce n’est pas de l’inquiétude qu’il ressent. C’est autre chose. C’est de la convoitise pour ce qu’elle se refuse encore à lui montrer.







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Isolde
& James




Leur valse est devenue étrange. De décalée, elle passe à contre-temps, l'un ne demeurant pas plus de quelques minutes dans une pièce où se trouve l'autre, pour aussitôt vaquer aux appels qui fissurent dangereusement leurs défenses et les rendent à leurs anciennes moeurs, plus sûrement que tout autre stratagème du destin. Malgré la fatigue, l'esprit de James est rendu à sa vivacité habituelle, il fuse partout à la fois, s'accroche à des sensations avec une avidité renouvelée, comme pour dévorer les affects qu'il a tant fui ces derniers jours. Le miroir lui rappelle la fracture de son présent, serrer les mains sur le bord de la vasque fait jouer les blessures sur ses mains qui se sont érodées dans l'eau glacée du bain, mais qui ne sont pas moins douloureuses. Il lève sa main droite à hauteur de ses yeux, articule les longs doigts pour être certain de cette mobilité qui parvient à ne plus trembloter, il reprend ascendant sur son corps, et si ses pensées caracolent, le manque disparaît dans la certitude qui se grave lentement. La certitude de s'inquiéter pour elle, de ne plus jamais pouvoir sortir tel qu'il est entré dans sa vie. Il vient d'évoluer et l'évolution lui fout les jetons, l'évolution le menace aussi sûrement que le carcan de la stagnation des dernières années. Lorsqu'on évolue, on ne sait jamais ce que l'on abandonne véritablement le long du chemin, ce que l'on oublie, ce qu'on l'on troque au profit d'un avenir incertain. Il serre le poing, il ne s'est définitivement rien cassé là-bas, à frapper son reflet, le soulagement renaît, c'eut été insupportable que de se confronter à la perte de ce qui l'identifie dans le marasme ambiant. Le soulagement n'est que de brève durée, l'envie de la redessiner dans une paix illusoire semble invincible. Il souffle, un air brûlant qui siffle entre ses dents. L'existence était tellement plus simple avant. Avant elle, il aurait noté le changement d'humeur mais ne s'en serait guère soucié. Avant, déjà, il eut été improbable qu'il s'attarde auprès d'une femme dans son quotidien. Il s'imagine traîner dans l'appartement bien rangé de... Comment s'appelait-elle déjà ? Impossible de s'en rappeler, mais elle était blonde. Peut-être. Bref, son appartement semblait millimétré, au point qu'il avait eu envie de tout bousculer pour la faire réagir, mais il n'en avait rien fait. Pour bousculer quelqu'un, encore faut-il s'y intéresser. Britanny ? Si c'était ça, c'était vraiment un prénom de merde. Bref encore. Ça aurait été plus simple, car la contrariété de Britanny ou de Diane ou encore de Charlenne, glisserait sur lui sans l'atteindre, les raisons ou les conséquences seraient extérieures à sa vie et la conversation n'aurait pas lieu d'être. Encore moins les pièges fumeux qui consisteraient à les attirer dans la même pièce que lui pour les confronter. Alors que fait-il ? Le constat l'agace. Un peu seulement, pas suffisamment pour gommer cette angoisse partagée, pas suffisamment pour qu'il joue à l'idiot lorsqu'elle vient jusqu'à lui. Il ne prétend plus, il dit ce qui est pour la faire réagir, encadrée qu'elle est par la porte, telle une figure peinte et blême, presque religieuse... Mais d'une religion païenne, avec tous ses cheveux roux, et son sourcil arqué. Qu'est-ce qui se passe ? Justement, c'est exactement ce qu'il se demandait. Que se passe-t-il dans sa tête pour qu'il entame, de lui-même, une conversation aux bordures de l'intime ? Il observe tout, son corps se rigidifier de l'intrusion, son visage qui se cloisonne loin de lui, la proie se tapit aussitôt et comme toujours il déteste cette sensation de rejet. A chaque fois qu'elle le repousse, depuis la première heure où ils se sont croisés, il a envie de tirailler plus encore les limites pour les voir céder. Appelez ça de l'instinct, il voit cela comme une fatalité. Il préfèrerait ne pas être autant tiraillé lui aussi. Il ne regrette pas d'avoir parlé, il use rarement du mensonge, lui préférant les demies vérités, qui sont encore plus fourbes. Ses bras se serrent dans une posture plus implacable encore, le miroir de l'entêtement qu'il oppose est foudroyant, même s'il laisse tomber un très faux et conciliant :
_ D'accord.
Mais la brusquerie de sa pique a réveillé l'ironie qui perce dans chaque syllabe. Il n'attaque pas d'emblée dans le seul but de ne pas la faire fuir aussitôt, parce que l'énergie de la guerre lui manque encore, la fatigue est trop prégnante dans tout son corps. Mais le désaveu glace ses yeux, il nourrit son humeur qui devient massacrante à cette hésitation à lui dire ce qu'il veut entendre. Il se brûle à l'idée rougeoyante qui s'imprime dans son esprit. Après tout ce qu'il lui a dit, n'a-t-il pas gagné le droit de savoir ce qu'il exige ? La mauvaise foi peint une expression butée sur son visage qui se ferme également, et son souffle frôle ses lèvres entrouvertes. Il lui accorde une pause par décence, le creux nécessaire pour que le mensonge se délie avant qu'il ne le déchire. Il attend. Il attend encore et la confirmation ne l'apaise pas, bien au contraire, la suite qu'il pressent le brusque, sa respiration se stoppe. Il n'a le droit de rien, c'est cela la réalité, il n'a rien gagné à l'entretien nocturne car il ne s'est pas agi d'une confession ordinaire, la confession a dû lui être arrachée dans la violence et la peur, la douleur aussi. La confiance ne peut se nouer dans les moments les plus meurtriers. A-t-il confiance d'ailleurs, quant à lui ? Pas totalement... Il pourrait baisser les bras, arrêter le tir dès à présent, prétendre qu'il s'en fiche pour se défaire de la sensation de devoir la secourir. Si elle ne veut pas lui parler, grand bien lui fasse, son esprit est déjà bien assez encombré comme cela, qu'elle aille au diable, qu'elle lui foute la paix à la fin, oh qu'elle disparaisse. Il s'entend statuer, dans un calme olympien qui détonne avec ses idées :
_ C'est ton droit.

Ah oui ? Et maintenant on va tous se donner la main et passer au tour de parole suivant, en chantant en choeur ? Putain de bordel. Son droit, le sien, le leur, rien à carrer, il veut savoir car elle tremble encore et que cela l'atteint, le fait trembler à son tour, comme s'il continuait de communier avec elle, même à distance. Qu'elle sorte de sa peau, elle n'aurait jamais dû s'y insérer. Il se prend de plein fouet la rebuffade, serre la mâchoire et se contient avec de plus en plus de difficultés. Sa présence assombrie par la dichotomie de ses mots et de ses ressentis transpire d'une opacité prégnante dans la chambre qui semble rapetisser. Il la fusille du regard lorsqu'il renchérit sur sa dernière question, toutes griffes dehors, la mauvaise foi en étendard et les accents vindicatifs qui dessinent les mots :
_ Non. Je ne t'ai pas appelée "juste" pour ça. Je t'ai appelée pour que tu confirmes que tu étais bouleversée. Je me fous que tu n'aies pas envie d'en parler, j'ai envie de l'entendre. Je veux savoir qui peut te faire trembler, qui t'ôte les couleurs sur tes joues, qui perd ton regard encore plus qu'il ne l'est déjà. Je me tape de ne pas être concerné, que ça ne soit pas cohérent. La cohérence c'est pour ceux qui suivent les lignes, et depuis le départ on ne fait que des foutus détours. Tu ne peux pas bousiller toutes mes barrières et rétablir les tiennes. Désolé. Fais avec.
Il ne s'est pas détaché du meuble, mais tous ses muscles se sont raidis le long de ce petit discours qui ressemble à une mise à l'épreuve. Mine de rien il la teste, il exige une offrande pour tout ce qu'il a déposé à ses pieds, il ressent une colère certaine à avoir presque entièrement abdiqué jusqu'alors, le vent de la rébellion souffle sur son visage renfrogné. Il aurait dû être compréhensif, sans doute, c'est ce que font les hommes bien comme il faut, ils disent oui oui, bien sûr, si tu ne veux pas parler, alors n'en parlons pas, je ne veux pas te faire encore plus de mal que tu n'en as déjà. Mais il n'est pas un homme bien comme il faut, et quoique le monde prétende, elle n'est vraiment pas une femme bien comme il faut non plus. Doit-il lui rappeler la marque de ses ongles sur ses épaules, la dureté de ses mots, le feu de ses imprécations ? Ça marche dans les deux sens, la compréhension n'a qu'à aller se refaire une beauté loin de lui, il n'est jamais compréhensif dès lors que quelqu'un qui lui est cher refuse de partager sa souffrance ou les atermoiements de son monde. Les barrières il les couche, les retraites, il les profane. La paix n'équivaut qu'à la doucereuse morsure de l'apathie.
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() message posté Lun 9 Jan 2017 - 18:54 par Invité

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Il y a quelque chose de malsain qui s’installe entre eux dès lors que la porte est franchie. Lui, à trop vouloir comprendre, à quérir trop vite ce qu’elle ne peut pour l’instant lui offrir ; elle, à protéger farouchement ce qui pourtant n’a pas une importance capitale. C’est un pan de sa vie comme un autre, une bribe d’un passé qui lui appartient et dont elle n’a pas à avoir honte au point d’en dissimuler les intrigues. Mais il est sien justement, il n’est pas le leur. Et Isolde n’est pas encore sure de vouloir partager avec lui ce qui la constitue, surtout pas parce qu’il l’a laissée faire sauter ses barrières les unes après les autres. Elle peine à supporter l’idée qu’il dépeint sans s’en rendre compte, avec cette tonalité détestable qu’il peut avoir parfois quand la ténacité de son caractère prend le pas sur tout le reste. Elle estime ne rien lui devoir, voire même, avoir acquis le droit de choisir ce qu’elle veut ou non lui montrer, et quel rythme il lui convient d’emprunter. Si cela ne lui correspond pas, qu’il parte alors. Elle ne le retient pas. Mais il ne peut pas exiger d’elle la confidence, l’épanchement de ses tourments naissants, sous prétexte qu’elle l’a vu démuni, rendu fragile par une chute que lui-même a provoqué en terrant chagrins et colères assassines dans l’héroïne. Farouche jusqu’à la pointe des cils, Isolde a tendance à protéger ce qui la constitue avec une volonté impérieuse. Refuser de parler de prime abord, elle l’a toujours fait, incapable qu’elle est d’en arriver elle-même à l’aveu sans être poussée à le faire, quitte à ce que l’échange qui précède la confidence soit violent. C’est malsain de tout garder en elle, elle le sait. Cela ne l’empêche pourtant pas de se refermer comme une huître, de commencer à chercher de faux prétextes pour se dérober à ses questions trop oppressantes. Il y a des terrains qu’elle n’empreinte volontairement plus depuis longtemps parce qu’ils sont ponctués de souvenirs. Des souvenirs qui, s’ils lui reviennent au visage comme des gifles, risqueraient de la faire chavirer toute entière. John appartient au territoire de l’intime, à une enfance troublée, et troublante. Il est une entité qui a contribué parmi d’autres à forger son âme d’enfant. Il est cette présence néfaste et dissolue qui a détruit une partie de celui auprès duquel elle a appris à grandir, à devenir une femme, une mère, une épouse, une entité à part et sans égale. Il fait partie de ces souvenirs qui forgent l’identité profonde, l’essence qui vous suit en filigrane durant toute votre vie, trame sous-jacente d’une existence parfois incertaine et incomprise. Et au fond d’elle, même si elle distingue les accents résolus de James à obtenir une réponse, elle n’est pas sure qu’il soit prêt à tout entendre. Ensemble ils ont bravé beaucoup d’interdits. Beaucoup trop d’ailleurs pour commencer à peindre une relation aux contours solides. Mais cette relation est la leur, et si imparfaite soit-elle pour l’instant, elle correspond à toutes les erreurs, les fatuités et les souffrances qui forgent leur caractère. Leurs peurs sont trop grandes, leurs incertitudes trop poignantes, et leurs douleurs trop intenses pour qu’ils puissent emprunter le même chemin que tous les autres. Il leur faut dériver, louvoyer pour arriver à l’harmonie fragile qu’ils convoitent tant. Ils la touchent parfois, mais elle est si illusoire. Chaque fois que l’étreinte permet la douceur fugace, la chute qui suit n’en est que pire encore. Comme s’ils ne méritaient pas d’être des amants paisibles, de s’arrimer l’un à l’autre avec la conviction résolue de n’appartenir qu’à eux, et eux seuls. Pourquoi n’y arrivent-ils pas ? Peut-être parce que justement, ils ne peuvent s’appartenir tout à fait. Du moins, pas encore. James a fait un parcours considérable en lui avouant ses fautes, et Isolde sait que même si l’étape à franchir fut rude, il l’a passée malgré tout, et peut ainsi prétendre évoluer. Elle, elle semble demeurer en arrière, cloisonnée dans des incertitudes inavouables  et la crainte d’avancer,  d’amorcer l’oubli de cet hier dont elle n’est pas prête à accepter l’inexistence. Car il n’y a plus rien derrière elle. Il n’y a que des ombres évanescentes qui ne viendront plus la tourmenter pour la faire parler, faire vibrer son âme, caresser ses craintes ou malmener ses certitudes, hormis dans l’espace onirique aux illusions sordides.

Isolde tente alors de tempérer son caractère, de modeler ses traits pour les rendre moins incisifs. Elle y arrive presque, mais c’est une forme de lassitude incertaine qui prend place. Une lassitude enhardie par la fatigue qui la tiraille, et rend encore tous ses muscles douloureux. « Ce n’est pas parce que je t’ai suivi sur des chemins tortueux, que tu m’as montré ce que tu pouvais avoir de plus cru, brutal et fragile à la fois que je te dois forcément quelque chose en échange James. » Elle ne rétablit pas ses barrières. Elle maintient simplement celles qu’il n’a pas encore réussi à faire tomber, et auxquelles elle ne lui permet pas de toucher pour l’instant. Il ne peut pas lui balancer au visage un « Désolé. Fais avec. » avec une telle désinvolture, quand cela n’est en réalité pas si simple. Ou est-ce elle qui a une manie détestable de toujours tout compliquer avec des interdits inutiles ? Peut-être bien. Le fait est que les tournures de ses phrases l’agacent. Mieux, elles l’irritent. Il est plus têtu qu’une mule enragée et elle n’est sans doute guère mieux, mais aujourd’hui elle n’a guère envie de lutter. Aussi lâche-t-elle finalement à contrecœur, avec un soupire las qui ne dissimule même pas son épuisement moral : « C’était mon beau père. Il n’y a rien à ajouter. » Ah si, peut-être une chose : elle ne veut pas en parler maintenant. Elle ne veut pas avoir à hausser le ton pour le convaincre qu’il est inutile de remuer le couteau dans la plaie. Et par-dessus tout, elle veut que Leela demeure dans l’ignorance tant qu’elle l’aura décidé. Ce n’est certainement pas leurs discussions animées qui vont endormir ses interrogations s’ils se mettent à devenir plus offensif l’un envers l’autre.  Mais elle commence à connaître James, et ses entêtements n’ont d’égal que sa colère. Elle sait que pour qu’il cesse d’insister, elle doit le contenter. Juste assez. Juste un peu. Elle n’a pas le cœur de l’envoyer totalement sur les roses après toutes les violences qu’il a subit cette nuit. La tendresse qu’elle peut avoir pour lui refuse cette dernière violence. Non, elle ne veut pas effleurer l’idée de le perdre encore une fois. C’est trop. « Je ne l’avais pas revu depuis des années. C’est pour ça que j’étais bouleversée. Il voulait voir Leela, j’ai refusé. Il n’aurait jamais dû venir, et il le savait. C’est tout. Je ne veux pas qu’il fasse partie de sa vie. Il … Peter ne le souhaitait pas non plus. Maintenant, n’en parlons plus, tu veux bien ? C’est un terrain que je n’ai pas envie d’emprunter tout de suite. » Plus tard, peut-être, mais pas maintenant. Elle n’a pas la force de convoquer les souvenirs rattachés à John pour les lui expliquer. Il lui en voudra peut-être. Tant pis pour lui. Elle ne peut rien lui donner d’autre, lui a déjà concédé des informations que son caractère lui refusait au départ.

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James M. Wilde
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Still she gives you everything you need… Is it enough ? _ Pv Isolde - Page 5 1542551230-4a9998b1-5fa5-40c1-8b4f-d1c7d8df2f56
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() message posté Mar 10 Jan 2017 - 11:48 par James M. Wilde
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And it's coming my way
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You're running out of time
As it grows in your eye
You'll feel
Broken inside, you'll feel »

Isolde
& James




Le déséquilibre prévaut, étend sa gangue tout autour, l’interpelle autant qu'il cherche à le pourfendre. Il manie des codes qu'il ne connaît pas, il veut apaiser ce qu'il ne lui appartient pas de délivrer et il se retrouve au bord d'un gouffre étranger. Ce ne sont pas ses propres abysses qu'il contemple, ce sont les siennes, celles qu'elle garde farouchement depuis trop longtemps, celles qui l'attirent irrésistiblement. Lorsqu'on se baigne dans le chaos, on s'aimante automatiquement à celui des autres. Et elle n'est pas juste une autre, elle est le vestige qu'il convoite, celui qu'il aimerait tant hanter à son tour, dans le vain espoir de rendre la splendeur qu'il devine aux émotions taries, dérobées. La splendeur il la contemple au point qu'elle l'aveugle, il la devine et il tremble, tremble de la voir à deux doigts d'échapper irrémédiablement à cause d'une phrase, d'un mot, d'un instinct. Et il est perclus d'instincts contraires, débordants, il n'a jamais su véritablement les fixer, pas les instincts altiers tout du moins, il s'est contenté jadis de noyer celle qu'il avait élue dans des tombereaux de noirceur. Et l'on sait comment ça s'est terminé. A-t-il élu Isolde, doit-il continuer de l'entourer de cette avidité qui déguise les sentiments qu'il est incapable de confier ? Ou n'est-ce qu'un mirage de cette nuit trop dense, de confessions échappées, de cette fragilité qu'il a exhalée dans les cris et les murmures dénaturés par l'héroïne ? Il ne s'entend pas exiger ce qu'il estime pourtant être une sorte de récompense malsaine à ses dévoilements, il y a de l'aigreur qui se masque derrière cette attaque-là. L'aigreur de lui devoir bien trop, la peur que ce ne soit jamais assez. Il est tellement persuadé que les relations humaines fonctionnent ainsi, qu'il ne s'agit que de cette tractation permanente, de savoir qui tiendra le pouvoir sur l'autre et encore combien de temps. Et elle a bien trop de pouvoir à son goût, trop sur lui, trop sur sa vie, depuis combien de jour le lui a-t-il abandonné ? Et si c'est si handicapant que de céder la main, alors pourquoi l'a-t-il fait avec l'envie de la rendre unique vecteur de tous ses troubles ? Ses pensées se complexifient, il sait que quelque chose dans sa requête sonne faux, ce n'est pas ainsi qu'il aurait fallu la formuler... Il aimerait qu'elle comprenne que derrière l'exigence, il y a son envie de la rejoindre, il y a tout ce qu'elle lui inspire de beau, il y a ce qu'il a écrit, tous les coups qu'il veut prendre pour elle, toutes les failles qu'il veut absorber pour qu'elles ne la navrent plus, qu'il veut être abîmé plutôt qu'elle, qu'il veut envahir son existence non pas pour la scléroser mais pour lui faire goûter la liberté qu'il ne peut tracer qu'avec ses propres chaînes. Si seulement il pouvait lui dire tout cela, le lui dire d'une façon intelligible, plutôt que cette posture adoptée en retour de la sienne, la mine fermée face à la protection, la colère au joug du soupçon. Ça ne sera donc jamais simple hein ? Ça ne pourra jamais se dénouer dans la facilité ? L'idée même est horreur dans sa tête, pourquoi la simplicité lorsque l'on peut ressentir ainsi toutes les subtilités tempétueuses de leur caractère ? La simplicité, c'est pour les faibles... Elle statue d'un ton las sur l'invalidité de la demande et, s'il est possible de le faire encore plus, il se renfrogne, presque vexé de se voir sermonné. Beaucoup de phrases se précipitent au bord de ses lèvres, elles cherchent toutes à sortir en même temps, dans un brouhaha trop prégnant pour qu'il sache encore ce qu'il pourrait prétendre. Ce n'est pas ce que j'ai voulu dire. Bien sûr que si ! Mais bordel, parle plutôt que de me dire ce que je dois attendre ou non. Il se tait et la considère. Il pousse même le vice jusqu'à considérer ce qu'elle avance, le goûter légèrement comme un met inconnu, la perplexité vient empreindre ses traits, ses iris s'adoucissent, mais borné depuis toujours, l'appel de toutes les guerres faisant pulser son sang, il plaque ces phrases, sombrement :
_ Parce que tu crois que ce sera aussi simple ? Que l'un ou l'autre pourra décréter qu'il y a des limites à ne pas franchir quand ça nous arrangera ? Ce ne sera jamais comme ça, il n'y a pas de temps mort, il n'y a pas de conversation futile, ce sont des leurres. Il n'y que des murmures tus, trop nombreux, que je te jure que j'irai chercher, comme tu viendras chercher les miens, encore et encore. C'est désagréable, je sais. Je ne le sais que trop.
Il refuse ce compromis-là, l'envie sera toujours gravée entre eux, de s'approprier ce qu'ils sont, pour chercher à mieux frôler l'intimité qui les caractérise. Même si c'est douloureux, car leurs fantômes les trainent en arrière, les repoussent au loin, démunis. Il tend la main mais ne la referme que sur du vide, il n'a pas gagné le droit de ce qu'il souhaite.

Il demeure interdit, le constat ne l'aide guère, il le laisse fatigué, le combat qu'il dessine est trop rude en cette journée. Il le conçoit et son coeur bat de s'en apercevoir, le discours lui a déjà trop coûté, alors il se renferme un instant, n'attendant que le non qui suivra, qui doit suivre, c'est logique. Chacun campant sur ses positions, il ne poursuivra pas l'ire malvenue, il la laissera s'ensommeiller de nouveau, tant pis pour la frustration. Plus tard, c'est bien aussi. La sagesse le nargue presque au moment où il l'entend soupirer. Il ne comprend pas au départ qu'elle abdique une partie de ce qu'elle contenait, comme pour lui délaisser un os qu'il rongera. Il ne se sent même pas insulté par la concession, car elle ressemble à une considération qu'il n'attendait même plus. Il allait marmonner un "laisse tomber" amer mais il se retrouve désarçonné par cette tournure, n'ose rien ajouter, se contente de secouer la tête, cherchant déjà à comprendre pourquoi cela l'a mise dans cet état. Le besoin de la lire ne partira donc jamais, pas l'Enfer ! Toutefois il ne dit rien pour renchérir immédiatement, il a l'impression que c'est déjà beaucoup, déjà beaucoup trop quand les rouages se mettent en place et que les fantômes se montrent implacables. Beau-père, belle-famille... Il déglutit lentement, il a voulu savoir et la suite découle de cet atermoiement de ses sens. Il manque de dire quelque chose de neutre comme pour encourager ce qui vient le gifler de plein fouet. Il comprend le fond, le fond du problème bien sûr, le prénom ainsi glissé entre les soucis familiaux, plus classiques au demeurant. Il s'appelle Peter. Peter. S'appelait. L'autre, l'époux décédé, la figure tutélaire, celui qu'il n'évoque jamais et à qui il évite soigneusement de penser pour ne pas se voir déstabilisé par un modèle qu'il n'atteindra jamais. Qu'il ne veut pas atteindre, il ne supporte pas l'idée même d'être comparé. Peter. Il ne peut plus ignorer cette matérialité brutale qui s'ébat dans la pièce tout autour d'eux, il entend presque un ricanement mortifère en même temps, les griffes de son propre fantôme s'enfoncent dans sa chair. Ils appartiennent aux morts... Depuis trop longtemps. Trop longtemps. Il a demandé. Il sait. Il baisse la tête et regarde ses pieds, avant de marcher doucement jusqu'à elle, et de frôler sa joue de ses doigts glacés :
_ Je comprends tu sais...
Tout d'un bloc. Qu'elle ne veuille pas en parler, car ils ont traîné bien trop dans les cimetières pour s'improviser de nouveau fossoyeurs de leur passé. Qu'elle ne veuille pas que cet homme revienne dans l'existence de la petite, car il y a visiblement des raisons identifiées. Il s'appelle Peter. Ça aussi il comprend, il ne le comprend que trop bien. Son geste se fractionne, retombe. Jusqu'à lui prendre la main et la raccompagner hors de la chambre pour entériner la fin d'une toute petite bataille, l'aube d'une autre guerre qu'ils désertent, d'un commun accord. Il serre sa main un peu plus fort, pour la remercier d'avoir parlé, de lui avoir fait mal aussi, sans le vouloir sans doute. Les maux partagés sont les pires. Il n'est pas prêt à les disséquer, ça voudrait dire leur donner un autre visage, ça signifierait qu'ils sont côte à côte pour une sorte de futur conjugué, et s'ils l'esquissent, ils en sont encore bien trop incertains pour l'affirmer.

Le salon reparaît, Leela est toujours sur le canapé, James reprend sa place mais se penche sur l'accoudoir pour récupérer l'étui de sa guitare et l'ouvrir. Il les laisse dans leur monde quelques instants, pour se plonger dans le sien, ses doigts redécouvrent la Gibson avec une sorte d'appréhension palpitante, il suit les incises du bois, caresse les cordes sans les faire sonner, la regarde longuement comme s'il lui fallait l'apprivoiser de nouveau. L'infidélité fut trop longue, il ne reste jamais loin d'un instrument plus d'une ou deux journées, c'est un amour dévorant, charnel, une passion consommée et jamais entièrement consumée pour autant. La première corde se pince, il les accorde une à une après ça. Il s'appelle Peter, le son vrille, désagréable et sec, il repousse le fantôme, le lui laisse pour l'heure. Il ne peut pas le porter encore, il n'en a pas gagné le droit.
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() message posté Mer 11 Jan 2017 - 15:33 par Invité

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Il emploie le futur. Comme s’il y avait un avenir possible, un après qu’il entrevoit déjà et qu’elle ne fait que distinguer au loin comme une possibilité étrange, incongrue. Elle comprend alors que le lien est là, et qu’il rit d’eux. Il les regarde, les nargue, leur fait comprendre qu’il est trop tard. Ils ne peuvent plus prétendre s’ignorer et chercher à découper soigneusement le fil qui les relie l’un à l’autre. Ce fil-là est devenu d’une matière étrange dès lors qu’elle l’a rejoint dans cette maison des horreurs, dès lors qu’elle l’a suivi dans les retranchements brisés de son âme. Isolde déglutit alors, tente de ravaler toutes les craintes qui dansent à l’orée de ses lèvres. Elle essaie de se raccrocher à ses mots comme aux promesses d’un avenir certain mais n’y parvient pas tout à fait. La confiance se sclérose, devient un être à la face ignoble qui n’a guère le courage de regarder dans les yeux toutes les évidences monstrueuses de sa nature. Ses yeux s’agrandissent face à la perspective de ce qu’il tente de dépeindre, mais elle n’est pour l’heure pas entièrement d’accord avec lui. Il y a toujours des limites à ne pas franchir. Lui le sait, s’emploie d’ailleurs à outrepasser ces limites chaque fois que l’occasion se présente. Et si elle devine les intentions sous les formulations peut-être trop incisives, elle ne sait pas encore si elle peut tout lui concéder. S’arrimer à lui, le harponner à elle. Lui laisser prendre les coups, encaisser ceux qui pourraient l’affaiblir. Cela signifie abandonner une partie des souffrances pour les lui confier, afin qu’il l’en préserve, qu’il en subisse les effluves à sa place. Mais si elle cède ces souffrances, qui est-elle ? Y-a-t-il encore suffisamment de matière pour la maintenir debout si elle se détache de tout ce qui la caractérise désormais ? Si elle oublie tous les fragments brisés de son âme ? La souffrance, gardée farouchement au creux de sa chair fragile, est devenue une compagne dont elle ne peut plus ignorer l’importance. Elle est là, elle lui rappelle souvent pourquoi elle est en vie, pourquoi elle doit l’être encore. Elle donne un sens à tout ce qui n’en a plus, est un moteur terrible dont elle a fini par apprécier le joug. Il y a dans les quelques certitudes de James quelque chose qui l’intrigue. S’intéresse-t-il tout à coup par réel besoin de savoir, ou est-ce un quelconque sentiment de redevabilité qui l’anime, le pousse à des attitudes qu’elle ne lui connaissait pas jusqu’alors ? Il ne lui doit rien pourtant. Elle aimerait qu’il le comprenne, qu’il le sache. C’est lui qu’elle a rejoint dans les ténèbres, c’est vrai. Mais si elle l’a fait avec autant d’ardeur, c’est aussi par peur de le perdre, d’ajouter une souffrance de plus à celles qui pourrissent déjà au fond de son cœur. Elle l’a fait pour lui, mais pour elle aussi, dans un élan égoïste, animée par l’envie de trouver un prétexte pour déchaîner sa colère, et en même temps de celle de le « sauver », dans le seul but de s’épargner elle-même. S’en est presque honteux. Elle le sait. Et sans doute se trompe-t-elle un peu, en se prêtant des traits beaucoup plus sombres qu’ils ne le sont en réalité. Mais le fait est que l’aigreur de cette nuit passée ne tarissait pas. Elle lui en veut toujours terriblement. Aimerait pouvoir lui faire comprendre que s’il recommence, elle ne le supportera pas, elle le laissera pourrir, seul, sans honte. Elle aimerait qu’il comprenne toutes les noirceurs de l’âme qu’il a cru bon de vouloir convoquer dans les abîmes, mais elle n’y parvient pas pour l’instant. Tout se referme, tout se tapisse. Et l’aigreur grandit, se fait rejet de tout ce qui devrait pourtant être embrassé comme une perspective. Toutes les étreintes sont glacées et les contacts rugueux. Tout est hostile à présent, tout est insensé. « Non, bien sûr que non. Mais pour aujourd’hui j’estime avoir acquis le droit que tu me concèdes cet espace-là. » La réponse ne s’est pas faite attendre, et en elle transparaissent les indécisions et les aigreurs de sa volonté égarée. Elle joue un peu sur le sentiment de redevabilité qu’elle distingue chez lui depuis quelques heures déjà. Il ne fait pas preuve de tant de précautions d’habitude. Ce n’est pas bien de jouer cette carte-là, elle le sait. Elle le fait pourtant. Et elle n’en a presque pas honte.

Les bribes sont offertes pour satisfaire une volonté trop entière, contre laquelle Isolde n’a pas la force de lutter aujourd’hui. Dès lors que la fin de sa phrase s’étiole, elle comprend. Elle comprend que ce terrain-là il n’est pas prêt à l’emprunter. Il ne la questionne jamais sur son passé, il n’ose pas lui rendre sa matérialité. Et il a bien raison de s’en préserver, car contre lui, il ne peut guère lutter. Verbaliser son prénom vient adoucir sa langue jusqu’alors revêche. Les instants où elle le convoque explicitement, lui, et ses volontés oubliées, se comptent sur les doigts d’une main. Comme si l’appeler ainsi, c’était le convoquer auprès d’elle, ne plus pouvoir se départir de son ombre qui se lovait contre les siennes jusqu’à en envelopper totalement les contours. L’effleurement de ses doigts plus frais que d’habitude, sur sa joue creusée par la fatigue, la rappelle à des réalités qu’elle s’apprêtait à délaisser au profit de pensées taciturnes. Son menton se relève, tout doucement. Ses paupières balbutient. Isolde frotte ses bras de ses mains. Elle a froid encore. Elle a toujours froid ces temps-ci. Une vérité, un peu trop crue peut-être, qu’il n’est sans doute pas prêt à entendre, glisse entre ses lèvres dans un murmure :  « Non … Tu ne peux pas. » Il dit comprendre, il croit entrevoir. La vérité c’est qu’il ne sait rien. Même s’il a connu la souffrance de la perte de l’être aimé, même s’il en a précipité la chute et que la culpabilité ne faiblira jamais, leurs histoires se ressemblent de loin sans jamais se toucher. Peter n’est pas Rebecca. Rebecca n’est pas Peter. Leurs deux fantômes ne peuvent être mis en parallèle, ou alors, dans un parallèle éloigné qui n’a aucun sens. Il ne comprend pas l’enfermement qui est sien. Il l’entrevoit, le distingue, l’imagine. Mais il est différent de celui dans lequel il s’est calfeutré. Car l’enfermement de son existence, lui, il peut un jour décider de s’en affranchir. Il peut faire le choix impérieux d’agir, d’être autrement, d’être meilleur. Il peut décider de faire sauter les barrières qui le tiennent. Elle, elle ne peut pas. La condamnation est entière, incisive. Et dans son monde à elle, le libre-arbitre n’existe pas. Il n’y a que l’horreur de la fatalité, et l’espoir infime de réussir à avancer dans le revêtement gluant et poisseux de l’obscure nature. Il n’y a que les souvenirs de ce qui n’est plus, et l’agression oppressante de ce qui sera, de ce qui viendra brûler les corps, tirailler les veines et faire saigner les oreilles.

Ils sont retournés dans le salon comme deux âmes en peine, et Isolde n’a pu rejoindre le divan comme avant. Elle s’est dirigée vers son bureau, s’est enterrée dans une paperasse qui s’amoncelle et qu’elle n’avait jusqu’alors pas pris le temps de traiter. Leela finit quant à elle par perdre patience devant les dessins animés, décide d’éteindre le poste de télévision dès lors que James s’attèle à une activité qui l’intéresse davantage. Sans mot dire, son lapin sous le bras, elle s’assied en tailleur devant lui, le regarde avec de grands yeux curieux. « Qu’est-ce que tu fais ? » lui demande-t-elle lorsqu’il accorde sa guitare. Elle participe du regard, ne demande pas à essayer, se contente de détailler ses mains qui se déplacent sur l’instrument avec une fascination grandissante sans jamais envahir son espace. Observer lui suffit pour l’heure, c’est une distraction absolue qui nourrit à elle seule sa curiosité enfantine. Et les minutes défilent ainsi. Peut-être même les heures, jusqu’à ce que Leela ne perde patience encore, et ne rejoigne sa chambre pour aller jouer avec ses petites voitures (oui, elle préférait parfois les petites voitures aux poupées). Au loin, filtrant dans l’atmosphère calme de l’appartement, on perçoit des bruitages singuliers, des bruits gutturaux, lorsque Leela mime entre ses lèvres le vrombissement de la voiture, ou la lutte acharnée de deux poupées qui se battent en duel (oui oui oui, les poupées se battent en duel). Arrimée à son ordinateur plutôt causant, Isolde répond à des courriers à l’aide de son clavier en braye, se fatigue vite de toute cette administration sans queue ni tête à contenter. L’après-midi défile malgré tout sans qu’elle ne s’en rende tout à fait compte. Elle laisse James vaquer à ses occupations, n’intervient pas ou peu, pour le laisser se reposer et apprécier le calme comme il en a envie. Elle-même est soulagée de ne pas avoir à trop parler, se complaît dans un silence éternellement soucieux jusqu’à ce que la soirée n’entame enfin sa lente ascension. Isolde sort enfin alors de sa léthargie studieuse, s’étire en se levant, les lombaires fragilisés par la position assise trop longtemps gardée. « Oh bon sang … Quelle heure est-il ? » Elle n’attend guère la réponse, ne sait de toute façon pas où se trouve James, se dirige pensivement vers la chambre de Leela qui a visiblement décidé de faire un remake de la Seconde guerre mondiale sur la moquette. « Hmm … Bah dis donc. J’ai l’impression qu’il y en a partout, par ici. Ce serait bien que tu ailles te laver, avant de manger. »

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James M. Wilde
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Isolde
& James




James s'oublie à distiller ses fantasmes dans ses mots, le futur est affirmatif et presque volontaire, il y a des après qui se peignent dans sa tête, des envies qu'il ne peut pas taire tout à fait tant Isolde s'inscrit dans ces lendemains qu'il ne veut plus affronter. Pas sans elle en tout cas. C'est flou, mais à la fois très trivial, cela s'impose comme une réalité qu'il faut subir, qui lui murmure autant de délicatesses alanguies à l'oreille qu'elle ne lui grave d'autres douleurs dans l'estomac. Le revers d'une histoire partagée est difficile à appréhender. Il n'a jamais partagé aucune histoire ces dernières années, il les a toutes rejetées. Ce n'est pas que l'occasion ne s'est pas présentée, au milieu de toutes les caricatures qu'il se plaît à tracer de ces filles sans identité, il y en a eu quelques unes qui auraient pu compter, des personnalités affirmées, sensuelles ou troublantes, qu'il a rapidement détruites pour qu'elles ne puissent pas l'accrocher. Greg pourrait en témoigner, il doit se souvenir de celles qui ont trouvé le courage de s'attarder, et qui n'ont pas pu perdurer parce que James a tout fait pour qu'elles ne puissent rien concrétiser et que l'avenir s'inscrive sans elles. La peur de construire est viscérale, quand on subodore que tout va s'écrouler, alors on préfère l'écroulement avant même d'avoir posé la première pierre de la fondation, tels ces enfants qui filent des coups de pieds dans les châteaux de sable à peine esquissés. Si jamais ils s'étaient avérés de toute beauté, dans leur caractère trop éphémères, ils n'auraient pu le supporter. Mais il la regarde, il la regarde encore, la cherche lorsqu'elle n'est pas là, et depuis qu'elle l'a sauvegardé de ses démons, il la vénère presque. Impossible de continuer à ignorer l'appel qu'il s'est mis à crier. Alors il essaye de le regarder lui aussi, l'avenir. Sans y voir les flammes, sans y narrer les fourberies du caractère qui le possède, sans y trouver les monstres qu'ils cachent en leur sein, il la voit faire de même et ils finissent donc par se regarder, se deviner dans les ombres opaques qui aveuglent Isolde. Subrepticement il est là... Mais elle le rejette aussitôt, il le sent dans tout son corps, son âme vibre de l'éloignement, ils ne peuvent se trouver tout à fait. Trop de limites encore, pas de forces suffisantes pour les outrepasser, elle ne le laissera pas opérer sans qu'il ne détruise ce qu'ils ont très aléatoirement su poser dans cette nuit sans fin, alors il recule, il concède cette victoire qui sonne comme une immense défaite, surtout lorsqu'elle retourne l'argument qu'il ressent mais qu'il ne clame pas. Il se rembrunit, retourne dans ses noirceurs abyssales une très longue seconde de se voir opposer ce qu'il craint de devoir. Le penser est une chose déjà complexe à subir, l'entendre dire est presque insupportable. Il se mord la langue pour ne pas répliquer, cette morsure-là serait trop vive à ne pas être soigneusement pensée. La pensée tournoie et le brûle, il lui est très délicat de la maîtriser, sa colère le ronge, il en faut de peu pour qu'il ne lui fausse compagnie dans cette chambre ou qu'il revienne sur sa décision de ne pas l'affronter. Son absence de réponse est presque aussi éloquente que la remarque assassine qu'il tait.

Il remâche la suite, elle apaise la colère mais agrandit la plaie suppurante de l'angoisse, le spectre de l'époux le déstabilise dans la douleur qu'il en conçoit, et qu'il voit déguisée sous la lassitude extraordinaire sur ses traits. Si elle s'adoucit dans le souvenir, le changement le renvoie à l'impossibilité de demeurer dans des lieux déjà habités, il lutte contre la sensation en cherchant à la rejoindre une toute dernière fois dans une conversation qu'il n'aurait pas dû aborder. Ils sont trop blessés par les souvenirs des horreurs passées, il le sait pourtant, il ne devrait pas être surpris une fois encore de l'entendre le repousser. Elle apparaît si lointaine soudain, leurs douleurs se scindent, leurs survies se jaugent car elles ne se ressemblent plus. Dans sa tête sonne le glas d'une perspective qu'il ne peut pas accepter, car elle est à l'opposée même de sa nature revêche. Tout est affaire de choix bien évidemment. Il a choisi le cloisonnement détestable qui le tue peu à peu, avec un masochisme certain. Elle n'a rien choisi de la cécité qui l'enferme, et s'ils n'ont jamais évoqué le drame, il l'imagine lié au fantôme, il y a comme une once de tragédie dans tout cela. Plus qu'une once. Mais James n'accepte pas l'aspect funeste de ce qu'il ne peut qu'entrevoir de l'extérieur, il n'accepte pas qu'elle le subisse sans se donner à la rage qu'elle ressent, qu'il a lui-même découverte dans cette foutue maison alors qu'il n'avait fait que la rêver. Il n'accepte pas l'apathie, sa prison a deux murs et il la forcera à abattre le plus haut d'entre eux, celui qu'elle a bâti pour se planquer derrière, elle est plus que l'aveuglement qui la retient, plus que son passé ou les ombres, plus tout court. Il le faut sinon il n'est plus rien lui-même. La retraite est trop simple, il ne tardera guère à venir la déranger, mais pas pour l'instant. Sa langue serpentine la tance :
_ Tu préfères le croire. La fracture demeure, à jamais, si c'est le cas. Je te laisse dans ton espace glacé, qui suis-je pour te renier le droit que tu as si vaillamment acquis ?
Il appuie sur le mot "droit" qu'elle a invoqué, l'ironie rend friable la caresse, durcit ses traits, la colère lui donne un dernier baiser aux atours de griffure, il l'emmène mais lâche sa main sans se retourner et s'empresse d'aller panser ses plaies dans le canapé auprès de sa guitare. Il n'a pu totalement se taire finalement, le calme ne lui ressemble jamais, sous la surface gît toute cette force qui se reconstruit dans la souffrance d'avoir survécu. Échec cuisant, demie-concession, une attente de plus pour un esprit par trop aventureux, attendre nourrit d'autres pensées au son du prénom de l'époux avec lequel il ne peut pas lutter. Abandonner la guerre lui a rendu son arrogance et s'il a su distiller un soupçon de douceur au-dessus du masque, pour lui faire comprendre qu'il n'était pas vexé, il recouvre sa posture de représentation, s'enveloppe dans l'armure ébréchée, bientôt inaccessible dans les quelques notes données à l'espace qui l'étouffe. Il tente de tout oublier, la laisse vagabonder à des tâches auxquelles il ne s'intéresse guère, plus par décence et froideur que par hantise de la paperasse d'ailleurs. Quoique... L'atmosphère lui paraît lourde, infiniment plus difficile à porter qu'au matin et il ne croit plus en son objectivité alors que ses nerfs sont parcourus par le feu de pensées trop irrépressibles pour être naturelles. Il met un temps conséquent à accorder la Gibson, il s'agit d'une tâche presque titanesque au début, se concentrer est délicat, presque impossible en réalité. Et comme si Leela l'avait senti quelque part, elle se détache de la télévision pour lui revenir, cette présence toujours si curieuse, si sensible, qui érode son malêtre avec des questions muettes dans les yeux. Bientôt elles fusent, sa nature porterait à la repousser en raillant que c'est quand même évident, ce qu'il est en train de faire, mais il s'entend répondre doucement :
_ Je l'accorde pour que le son soit juste. Tu vois, en fonction de la tension de la corde, le son est différent. Là ce n'est pas harmonieux. Mais si j'ajuste, ici, écoute...
Avec lenteur, il se recentre sur sa tâche, son public tout trouvé, qui ne lui met aucune pression désagréable, le rend très pédagogue. Il a toujours aimé expliquer ce qui pour lui est un état de nature, cela rend son monde moins mystique, encore plus palpable pour lui d'ailleurs. Il plaque un accord, pour illustrer ce qu'il lui démontre peu à peu, et à coup de mots légers et de notes qui forment bientôt une musique complète, il continue, dans certains silences seulement emplis par le son qu'il joue, de lui transmettre ce qu'il peut. Et de la garder presque jalousement de la colère qu'il pourfend grâce à son secours inespéré. Le temps s'écoule sans qu'il ne le compte, le poids s'étiole, et ses gestes d'abord tâtonnant reprennent les joliesses de l'instinct. Des morceaux qu'il connaît, qui sont de lui, d'autres plus improvisés, les bercent, le temps qu'il apprivoise ses sens. Avant qu'elle ne se désintéresse de la lenteur et du monde dans lequel il s'enferme pour se rassurer, il lui fait gratter quelques cordes en lui tendant le médiator. Elle est trop petite pour la taille de la guitare, alors il la laisse juste appréhender le toucher, et ne peut se garder d'un commentaire persifleur :
_ Il faut bien te montrer un vrai instrument, c'est quand même mieux que des boîtes sur lesquelles on se contente de taper non ? C'est tellement plus raffiné...
Il espère bien qu'elle n'oubliera pas de le répéter à Greg dès qu'elle le croisera la prochaine fois.

Il est allé se reposer, et se doucher aussi. Il en sort, la peau encore humide, mal séchée, puis il s'attarde dans la chambre, se laissant dériver dans un calme auquel il s'astreint pour ne pas dégénérer. Les heures passent et l'appel est plus prégnant. Certaines longues secondes, il semble invincible. Mais il tient, il a recouvré une terrible volonté, ce caractère très borné qu'il peut avoir, envers tous les autres et envers lui-même, lorsqu'il a décidé quelque chose. Il n'est pas allée la chercher, il lui laisse la retraite promise, il essaye de ne pas l'imaginer, histoire que même ses pensées ne viennent pas lui courir sur la peau. Il commence à régler certaines envies soulevées par la liste placardée dans ses méninges. Il est allé vérifier la programmation du Viper et elle ne lui convient pas (ce qui n'est guère surprenant, connaissant son troublant perfectionnisme sur certains sujets), il note les arrangements qu'il aimerait, repousse le coup de fil qu'il veut passer à Phil, pour se laisser encore le temps de reprendre toutes ses facultés. Il passe presque une heure sur les réseaux sociaux, à interroger les mots-clefs qui lui permettent de confirmer ses craintes. Les fans attendent ce putain de bouquin, son nom jeté en pâture sur la quatrième de couverture n'a échappé à personne. Il se plaisait à faire mine de rire de ce coup du sort mais son humour se meurt à l'idée du déchaînement qu'il va falloir convoquer. Qu'ils aillent tous se faire foutre par avance, il ne demandera pas pardon. Que Moira n'espère même pas une déclaration, si jamais ça tourne mal, car il est bien capable de dire que bien au contraire, il ne regrette rien. Il balance son smartphone sur le lit au moment même où il se met à vibrer. Le nom de sa soeur ainsi que sa photo le font sourire, et vu qu'il a déjà pensé à elle dans la journée, une fois n'est pas coutume, il répond :
_ Mademoiselle Wilde.
"Monsieur James. J'ai failli croire que ce n'était pas toi, c'est rare que je ne rencontre pas le ton austère de ta messagerie."
_ J'aime bien surprendre, c'est comme ça.
"Tu as une voix fatiguée..."
_ Ce n'est pas ma voix de tous les jours ?
"Bien, tu ne veux pas en parler. Je m'en fiche un peu, je n'appelais pas pour savoir comment tu allais en fait, je me demandais pourquoi le nom de mon frère était placardé sur des affiches près d'un livre vraiment pourri."
Soupir. Il botte en touche :
_ Si on te demande, tu diras que c'est ma mégalomanie galopante. J'exige maintenant d'apparaître sur toutes les affiches dans Londres, c'est une nouvelle technique de comm'...
La conversation se poursuit sans qu'il ne dise rien sur lui, et qu'il obtienne tout sur elle, sur ses projets, les lieux où elle traine, même qui elle fréquente car mine de rien il surveille. Comme à l'accoutumée. Il sort dans le couloir au moment même où il entend le mot fatidique et s'écrie :
_ Manger ? Ça c'est une bonne idée. Ella, ma soeur, vous dit bonjour. Je me débarrasse de cette phrase car elle me brûle déjà les lèvres. Bientôt on va s'envoyer des cartes de voeux...
Il secoue la tête, l'air faussement démoralisé. Il va mieux, cette pause nécessaire a apaisé sa tête, la douche a achevé d'en faire quelqu'un de neuf. Il n'arrive pas à croire que non seulement, Ella se souvient suffisamment d'Isolde pour qu'elle demande de ses nouvelles et qu'elle ajoute "quand tu la croiseras, dis-lui bonjour de ma part", mais pire encore, qu'il s'en soit souvenu à son tour pour le dire à voix haute. La peste soit des manières de cette petite soeur, à trop la fréquenter, il finira par sourire et dire bonjour. L'horreur.
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Anonymous
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() message posté Lun 16 Jan 2017 - 12:47 par Invité

«  Still she gives you everything you need… Is it enough ? »
james & isolde




Ses aigreurs ne l’atteignent pas. Elles glissent, gouttes d’eau acides ruisselant contre l’imperméable solitude derrière laquelle elle se range. La beauté de ce qui a pu être, les souvenirs évanescents des douceurs partagées n’existent plus. Ils sont gangrénés par la morsure de l’héroïne eux-aussi, ils ont été réduits à néant lorsqu’il a décidé d’aller trop loin dans le deuil, dans la destruction, dans la haine de lui-même et des autres. Isolde ne sait pas encore comment se départir de ces pensées-là, de cette nuit aux auspices funestes. Elle l’a elle aussi tant vécu dans sa chair et dans son âme qu’elle ne peut ignorer les conséquences naturelles que cette nuit aura sur eux. Il lui faudra du temps, beaucoup de temps. Car à force d’être entaillée de blessures, celles-ci finissent par mettre plus de temps à se ressouder. Les particules perdent de leur énergie à se panser d’elles-mêmes. Et parfois, les cicatrices demeurent entrouvertes, ne peuvent plus être refermées entièrement. Est-ce leur cas ? Cette nuit a-t-elle sonné le glas anticipé de leur relation, pour ne laisser qu’une plaie béante ? Mais quelle relation d’ailleurs ? Lui donner un nom revient à accepter ce qu’elle représente, à l’ancrer dans une temporalité réaliste. Et cela, Isolde en a peur, une peur terrible. Car elle est loin d’avoir fait son deuil, et toute relation deviendrait une injure. Elle ne serait nourrie que par la culpabilité, ployant sous le joug de cet autre dont elle voudrait pouvoir oublier l’image gravée contre sa rétine. La dernière fois qu’elle avait vu, c’était sur son visage que ses prunelles s’étaient posées. C’était sur son absence, sur lui encore, dans tout ce qu’il a pu représenter, même dans la mort. Sa présence est impérieuse en filigrane parce qu’elle a fini par accepter qu’il faisait partie d’elle. Les affres de l’existence, tortueux, malins et perfides avaient réussi à les éloigner pendant des années pour mieux qu’ils se retrouvent encore. Mais tout avait changé. La mort l’avait placé sur un chemin inaccessible, ou du moins, sur une voie qu’elle ne pouvait emprunter pour l’heure. Elle aurait dû partir avec lui cette nuit-là. Il aurait été plus juste qu’elle l’accompagne. Quelque chose l’avait maintenue pourtant. Cela n’avait aucun sens. Et si elle croyait en une entité supérieure, en une destinée implacable, elle aurait tendance à dire qu’elle se fout de sa gueule, et que c’est elle qu’on devrait agonir à sa place.

L’ironie dérangeante dont il fait preuve, à mettre en exergue ce droit qu’elle a acquis, qu’elle invoque, et dont elle joue presque sans honte la cueille sans pourtant parvenir à arracher ses racines. Isolde est trop loin. L’apparition de John a parachevé l’œuvre d’enfermement. Et plus les minutes s’égrainent, plus elle s’enterre dans un univers opaque qui ne dévoile aucune brèche. Cette opacité-là est différente de celle qu’elle revêt pour se protéger du monde, de celle que James connaît. Elle est d’une épaisseur et d’une rigidité qui frôle celle d’un métal glacé. C’est une armure étrange, forgée dans le désespoir, façonnée par des mains d’une habileté troublante. Il n’y a pas d’erreur dans cette armure, pas de déchirure, car les faiblesses sont si bien protégées qu’elles en demeurent introuvables. Et les griffures ne marquent pas sa surface. Elles ne sont pas assez incisives pour cela. S’il essayait de se jeter contre cette armure-là, Isolde le briserait. Du libérateur, elle serait le bourreau qui l’écrase, qui l’étreint jusqu’à faire craquer sa frêle ossature. Il subirait ce qu’il avait su révéler d’abord, déployer ensuite. Cette haine farouche née de la frustration, du sentiment trivial d’injustice, elle avait toujours réussie à maintenir la bride autour d’elle. Jusqu’à cette nuit-là. Jusqu’à ce que la haine trouve l’objet de ses désirs, jusqu’à ce qu’elle se saisisse de l’opportunité de se déchaîner sur cette idéale victime. L’onde glacée de l’amertume se répand dans le sang chaud d’Isolde jusqu’à en cristalliser l’essence. Elle préfère se murer dans une colère aigrie que dans une tristesse pathétique. La tristesse, elle l’injure, elle ne lui laisse aucune prise. C’est un atermoiement ridicule que son caractère lui refuse, et peut-être est-ce pour cela qu’elle demeure figée, à ne plus pouvoir avancer ni reculer. Car la tristesse fait partie du deuil. Elle est un cheminement qu’il faut apprivoiser pour pouvoir dessiner ensuite d’autres contours. La lourdeur de l’atmosphère naissante vient se fracasser elle-aussi contre l’armure dont elle revêt les atours. L’indifférence est là, entière. Elle se meut dans l’appartement sans bruit, vaque à des occupations sans intérêt qui au final, ne font que poser les dernières pierres de l’édifice infernal qui cherche à la couper de lui tout à fait.

Leela, quant à elle, ne connaît pas encore les enfermements que subissent les adultes. Pas tout à fait du moins, bien qu’elle ait une notion de ce qu’ils représentent, en regardant sa mère se mouvoir dans un quotidien qui ne lui appartient plus. La curiosité avide la rend d’une ouverture absolue, réconcilie parfois les âmes qui ont perdu leur candeur d’antan. Chaque geste qu’il esquisse sur cette guitare est un geste dont elle se repaît, dont elle mémorise le sens et la nature. Elle l’écoute avec cette attention que l’on accorde au maître que l’on admire, que l’on aimerait pouvoir surpasser un jour. Bien sûr elle est trop jeune pour avoir cette ambition-là, mais son regard brille de cette envie d’apprivoiser l’inconnu pour le posséder. Elle tend l’oreille quand il pince les cordes, sourit en percevant la différence, en comprenant la disharmonie du premier son au profit du second, beaucoup plus harmonieux tout d’un coup. Et quand il lui permet de toucher, Leela qui est infiniment tactile, ne peut pas rêver mieux. Elle se lève, ses petites mains s’aventurent avec prudence, son regard suit les courbes de l’instrument, le cajole presque. « Elle est belle … » murmure-t-elle en remontant le long d’une corde tendue, avant de se rasseoir, de l’écouter un peu, puis d’aller vaquer à d’autres occupations.

Quand Isolde reparaît dans le quotidien qui est, pour aujourd’hui au moins, le leur, ses traits sont statufiés dans une drôle d’expression. Elle ne sourit pas, ne semble pas triste non plus, ni atterrée. Elle est dénuée de tout, incarne ce rien abyssal dont elle gratifie le monde qui cherche à la malmener. Son expression ressemble presque à celle dont elle l’a gratifié, la première fois qu’ils se sont rencontrés, dans les premières secondes de cet échange au Viper. Sauf qu’il y a quelque chose de plus lointain. Il n’y a plus cette lueur dans l’interstice des lèvres, qui s’ourlent parfois par curiosité, lorsque l’on rencontre une personnalité nouvelle, que l’on ne sait pas encore comment l’apprivoiser. Il n’y a plus rien à apprivoiser ce soir. Il n’y a que les stigmates des destructions, dont elle commence à prendre la mesure avec une infinie conscience. Une conscience qui demeurait endormie jusqu’alors, et qui commence à présent à se rappeler à son bon souvenir. Elle entend au loin ce qui ressemble à un échange téléphonique, s’interroge à peine sur sa teneur. La curiosité meurt, subissant le poids de la fatigue. Leela s’enthousiasme à l’idée de manger un morceau. Contre toute attente, James aussi. Isolde elle, n’a pour une fois pas du tout faim. L’appétit insatiable est malmené par le froid qui l’habite et la laisse presque nauséeuse. Dans le couloir elle répond un vague : « Oh, comment va-t-elle ? » d’une politesse étrange, alors que Leela la rejoint dans la cuisine. Le frigo recèle de restes de pâtes qui feront l’affaire pour ce soir. Précautionneusement elle en place deux portions, dans deux assiettes distinctes pour les réchauffer l’une après l’autre dans le micro-onde. La petite s’est installée sur sa chaise : une fesse dehors, comme d’habitude, et fait tourner sa petite cuillère sur la surface boisée de la table. « Tu crois que Jimmy va encore être méchant, demain, à l’école ? » Visiblement le petit intermède de la veille n’a pas été oublié si aisément. « Il n’a pas intérêt. Sinon j’appelle sa mère, pour lui expliquer que son fils est un petit tyran avec un cartable ridicule. » - « C’est vrai qu’il est moche, son cartable ! » Statut finalement Leela en riant, avalant le contenu de son assiette en deux deux. « Va te brosser les dents, et puis, au lit. On se lève tôt demain matin. » Pour une fois, la petite ne cherche même pas à lutter, ni même à contredire. Elle pousse un soupir, glisse hors de sa chaise, dodeline de la tête jusqu’à la salle de bain où elle enfile son pyjama, avant de commencer à se brosser mollement les dents. Isolde la rejoint, s’accroupit à sa hauteur, caresse ses bouclettes au passage. « C’est pas très énergique tout ça. Fais voir. » En réponse, Leela trépigne un peu, puis souffle dans ses narines. Il faut dire qu’elle a la fâcheuse habitude, soit de mettre dix fois trop de dentifrice, soit de ne pas en mettre du tout. Ce soir-là c’est un jour d’excès, et on peut d’ores et déjà distinguer des moustaches blanches se former aux commissures de ses lèvres. « Parfait. Au lit maintenant. » - « Attends j’ai pas dit bonne nuit à James ! » Isolde n’a guère le temps de riposter, Leela est déjà repartie comme une furie dans la cuisine. Elle pousse un soupir alors, se frotte le front, patiente. Leela sautille jusqu’à la silhouette du guitariste, le tire par la manche. Naturellement et avec une spontanéité difficile à réfréner, ses petites mains viennent encadrer les angles de son visage trop blême, elle le regarde avec de grands yeux dans lesquels dansent des lueurs amusées. « Bonne nuit monsieur farfadet ! » prononce-t-elle enfin en déposant un baiser sur sa joue, grimaçant légèrement en en frottant la surface avec sa paume minuscule : « Bah dis donc, ça pique comme un cailloux par ici ! » Puis elle s’en va, avec le même entrain, rejoignant sa chambre où Isolde l’attend sagement. « C’est bon ? Aller, hop. Bonne nuit Leannan, fais de beaux rêves. » Fait-elle en la bordant dans son lit, déposant un baiser sur son front, lui laissant le soin d’éteindre la lumière. Elle ne pensait même plus à ces détails-là.

Elle aurait pu y retourner. Dans cette cuisine, l’affronter encore, prendre le risque qu’ils s’enflamment. Elle aurait pu, mais elle n’en fit rien. Âme errante qui ne cherche même plus à entrer en collision, elle alla se passer de l’eau sur le visage, dériva d’un pas feutré jusqu’à l’antre de sa chambre. Immobile devant sa commode, chaque geste pour se délester de ses vêtements du jour lui paraissait d’une lenteur infinie. Ils en étaient presque douloureux, alors que ses membres criaient encore, surtout son dos, qui n’appréciait guère d’être ainsi malmené. La soie claire de sa nuisette, qui vint recouvrir sa nudité naissante la fit presque frissonner. Le tissus était trop doux, trop fin, trop gracile. Il jurait avec la raideur de sa peau meurtrie, douce en réalité, mais rendue revêche à cause des instants passés dans les affres du tourment. La pulpe de ses doigts effleura la texture de la bretelle pour l’ajuster sur son épaule. Elle demeura quelques instants interdite à se demander si elle devait vraiment se confondre dans d’autres civilités avec lui. Peut-être pas, finalement. Elle n’était pas certaine d’en avoir envie.






© ACIDBRAIN
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James M. Wilde
James M. Wilde
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() message posté Lun 16 Jan 2017 - 20:33 par James M. Wilde
​​​​​


« Sigh, static moans
A storm growing strong
And it's coming my way
Still she gives you
Everything you need
Is it enough ?
You're running out of time
As it grows in your eye
You'll feel
Broken inside, you'll feel »

Isolde
& James




Il y a quelque chose chez James qui se fractionne lentement, quelque part dans le frottement des cordes, sa candeur arrachée à la matinée s'amenuise et il se retrouve enfermé dans ses allures austères et bravaches aussi sûrement que s'il ne les avait jamais quittées. Les mots de Leela sont une musique douce, ses petits doigts qui apprivoisent un objet qu'elle ne connaît pas forment des motifs qui lui semblent d'étranges signes langagiers, il les emportera avec lui encore longtemps, cette gamine a quelque chose de fascinant. Il se perd dans cette fin d'après-midi qui se transforme en soir, la conversation avec sa soeur sait le distraire mais il n'y a rien qui ne puisse lui ôter la sensation d'insécurité qui s'est glissée lorsque le visage vide d'Isolde a répondu à ses instincts de fourberie. S'il y a bien une chose qu'il ne supporte guère, c'est la sensation de ne pas compter, d'être une sorte de quantité négligeable apportée par l'éther, bientôt emportée par le caprice d'une destinée, sans qu'il n'y ait de marque ou de cri, sans qu'il n'y ait d'appel ou de chant, ne laissant que le néant. Il peut s'appuyer sur la colère, il peut se relever de la haine. Il peut maudire la gentillesse, et moquer le bonheur. Il peut craindre les passions et s'y précipiter pour les tarir. Mais il ne peut rien contre l'opacité du vide. Cette opacité implacable dans laquelle elle se musèle, il ne peut que la gratter à s'y arracher les ongles. L'idée même de ce masque pire que toutes les hostilités sont des échardes plantées dans l'âme qui renaît difficile sous le décharnement de sa cage thoracique. Il s'oublie à penser qu'il pourrait pourfendre son rejet, il s'ensorcèle à imaginer l'horreur d'une réaction convoquée dans le sommet de la haine, il se voit même serrer cette gorge exsangue, blanche de ne plus parler, pour qu'au moins elle exhale un cri étouffé plutôt que de taire tout ce qu'elle pense. Pense-t-elle d'ailleurs quelque chose sous cette morosité crachée en pleine gueule ? La colère bouillonne, sourdement, mais il tente de se passionner pour le dîner, tente d'opposer une légèreté empruntée à la lourdeur qui opprime son coeur, qui l'empêche presque de respirer comme il le doit. Lorsqu'elle s'enquiert de façon très absente de sa soeur, il ne condescend pas à véritablement répondre, sa phrase n'est pas sèche, il n'est même pas vexé, il ne gâche simplement pas sa salive à la rejoindre sur les chemins désertiques où elle court loin de lui. Impossible de l'atteindre, parler dans l'écho des flammes de ses déraisons dorénavant éteintes serait plus douloureux encore que de se contenter de :
_ Bien j'imagine...
Son regard pèse sur son profil, cherche à gifler le masque glacé de sa brûlure mais il n'obtient aucune réaction quelle que soit la colère qu'il convoque. Il est incapable de la hurler, incapable de la silencer tout à fait. Il se sent presque sonné par la contradiction, enfermé malgré lui dans un appartement qui lui semble de plus en plus petit, rendu minuscule par les attraits envolés d'une vie qu'il ne fait que souiller. La guitare a rejoint son écrin, elle ne fera plus entendre une complainte qui devenait aussi sombre que ses pensées muettes, les notes déchiraient l'espace, le rendait plus oppressant encore sur la fin, il a fallu abandonner là la réconciliation avec la musique même, préférer la collection des moments vides et des épouvantes à venir. Il songe à Moira, se demande si elle l'a chassé de l'univers qu'il a tenté d'effondrer, se demande s'il lui reste encore une place au milieu de toutes les ruines. La certitude de ne pas avoir sa place, ici, entre elles deux, reparaît, assassine. Le bruit des assiettes que l'on dispose devient presque désagréable. Il participe mollement, sondant souvent entre deux mouvements incertains les horizons ténébreux du dehors qui semblent l'appeler sans discontinuer. Il a envie de rentrer. Il aimerait avoir l'envie de rester encore, mais se rencogne dans des pensées plus noires lorsque d'aventure il pose ses prunelles sur son inexpression. Le son des os qui craquent résonnent dans sa tête, il a des envies terribles dans les brûlures de son sang, des élans qui le rapprochent d'elle sans qu'il ne puisse l'atteindre. Parle. Parle. Dis quelque chose plutôt que des platitudes. Mais même lui se tait, même lui abandonne sur le seuil de la fureur l'esquisse des gestes ou des cris. Il n'y a que ses mains qui parfois se serrent à blêmir des envies de la secouer, avec la violence dont elle fit preuve envers lui. L'envie crève sous l'assaut des politesses proprettes, il se sclérose dans le vide, demeure sur son Olympe lointaine, inatteignable dans ses silences implacables. A table, il ne pose pas de questions quant à la présence de deux assiettes pleines seulement, il se force à manger avec un automatisme confondant, sort de sa transe lorsque la gamine évoque le prénom d'un petit connard qui visiblement l'a offensée. Il ne sourit pas, il ressent un pincement dérangeant à la seule idée que quelqu'un s'en prenne à elle, qu'il soit aussi ridiculement petit qu'elle ou non, qu'importe, il a soudain ce sursaut maladif de la protéger. Il demande, ponctuant un coup de fourchette d'un ton faussement placide, prêt à retenir tout ce qu'elle lui délivrera, sans commenter derrière. Sait-on jamais, si Jimmy apparaissait sur sa route... ou s'il avait l'idée de se placer sur la sienne.
_ Qu'est-ce qu'il t'a fait Jimmy ?
C'est étrange comme les ennemis provoquent des familiarités déplacées, on les nomme comme si on les connaissait intimement, car ils atteignent des zones d'inconfort telles qu'ils deviennent palpables dans la cruauté qu'ils savent déployer. C'est un membre déviant de la famille à éliminer, un ennemi. C'est un frère qu'on finit par égarer au fond du précipice. Du moins lorsque la rancune est terrible, comme celle que peut déployer James.

La valse du quotidien reparaît et il pianote sur la table, d'une nervosité qui envahit tout l'espace. Il fait en sorte de ne pas la regarder. Cela fait des heures entières qu'il cherche à ne plus croiser l'image qu'elle lui oppose pour ne pas exploser. Ou seulement des minutes, il ne sait plus exactement. Il la laisse, l'abandonne à cet éloignement qu'il maudit mais qu'il a eu l'erreur de précipiter. Il le sait. Il le sent. Il paye ses forfaits et se sent crucifié par la froideur qu'il mérite. Mais il y a quelque chose de dérangeant à savoir qu'elle la lui donne dans une fuite insurmontable plutôt que dans l'idée de le faire souffrir. L'on considère ceux que l'on malmène, ils existent à subir les foudres, ils ne sont pas niés par cette absence presque létale. Il échappe un soupir et se rend compte de sa solitude alors qu'il a les deux mains dans la flotte, à improviser la vaisselle comme une sorte d'échappatoire. Elle lui évite de briser l'ensemble du service, ainsi que les meubles alentours. Ses yeux sondent le vide dans lequel elle s'est enfermée. Il ne voit strictement plus rien, aucune solution. Elle a su l'aveugler... Sa spécialité. Il regarde la porte... comprend qu'il ne reste qu'un seuil à franchir pour tenir la promesse de la laisser en paix. Elle ne revient pas. La vaisselle est depuis longtemps terminée. Il ne s'approche pas du couloir. Il ne l'appelle pas dans les abysses désertés de son crâne car il sait que ce soir elle ne le rejoindra guère. Elle l'a déjà fait hier, elle l'a relevé, elle l'a soigné, elle l'a empêché de disparaître. Il sent une douleur le traverser et froisser tous ses traits lorsqu'il imagine qu'elle l'a rejoint uniquement pour ne pas avoir sa mort sur la conscience. La certitude le frappe avec plus de violence qu'une balle, il demeure statufié dans la cuisine, une assiette à la main, qui sèchera entre ses doigts. La petite réapparaît, il sursaute, et se voit bientôt à sa hauteur, il s'est accroupi pour lui complaire. Lorsque ses deux petites mains encadrent son visage, il comprend qu'il a envie de pleurer. L'émotion est d'une intensité telle qu'il ne peut déserrer la mâchoire pour lui dire au revoir à son tour, il se contente d'esquisser un sourire peu convainquant, et de poser ses lèvres sur sa tempe, dans un baiser d'une douceur qui contraste avec la dureté de sa barbe qui repousse depuis des jours entiers. Un baiser qu'il ne donnera pas à Isolde. Il la regarde disparaître dans un détour, relâche un souffle tremblant, ravale l'émotion qui l'enrage plus encore. Combien d'heures, de minutes après cela ? Il ne les compte pas, il s'est assis sur le canapé et il dissèque Megalomania dans un réflexe de défense infernal. Les paroles ont changé, il sait qu'il ne chantera pas ce qu'il avait prévu sur cette musique outrancière, tout est devenu plus dur, abrupte dans le néant qui le traque avec avidité. Il aime le résultat et le déteste tout à la fois, la chanson lui rappellera toujours cet instant précis, abîmé au soufflet de ses trop nombreuses fautes. Le vide l'étreint, en dehors et au dedans, il ne l'a pas rejointe. Pour la toute première fois, il a choisi de ne pas s'imposer, il attend qu'elle s'endorme, il veut qu'elle oublie son existence dans le creux du sommeil, et la nuit profonde le berce alors dans son éveil enragé. Le vide peut-il palpiter dans son coeur ? Et s'il ne s'agit pas de vide, alors qu'est-ce que c'est ?

Sur le seuil de la chambre, il demeure, la porte est entrouverte sur la silhouette abandonnée dans le lit. Tout son corps hurle pour la rejoindre, il y a d'autres envies superposées à celles de l'étriper pour qu'elle le remarque, des désirs qui le tenaillent, lui bouffent l'estomac, saccadent ses souffles, mais il les étouffe tous, tour à tour. Il a rassemblé ses affaires près de l'entrée, mais il n'a pu disparaître sans la revoir une fois encore. Une fois encore avant la prochaine collision, qu'elle n'imagine même pas qu'il s'agisse de la dernière, c'est impossible, c'est même pire que cela, c'est insupportable. Les mots échouent dans l'opacité du silence :
_ Tu peux fuir et fuir encore. Je te traquerai. Tu peux te taire. Je te forcerai à parler. Tu peux m'oublier, je t'assure que tu te rappelleras. Je ne te laisserai pas faire. Je ne peux pas. Je ne peux plus...
La sentence tombe et il a déjà disparu, avec la vivacité de cette rage qui le caractérise si bien. Ses lunettes noires sur son nez, son manteau sur ses maigres épaules, il s'élance vers l'extérieur dans la nuit qu'il connaît. Il respire, alors que la panique dispute une terrible exaltation. La quitter est une pensée si infâme qu'il frissonne dans le silence d'une circulation inexistante, il est trop tard ou trop tôt pour que la vie vienne le gifler, il déambule encore un peu dans les stigmates abandonnés à la mort. Il aurait sans doute dû la forcer dès à présent, s'insinuer dans sa tête, s'insinuer dans son corps, la violenter pour qu'elle ne puisse plus jamais se soustraire à sa présence. Mais Isolde est de ces flammes bleutées, elles glacent la vue, et consument les chairs, l'on ne survit pas à elles, elles modèlent et consomment l'existence avant que de ne songer à s'éteindre. On ne dompte guère leur fureur rentrée, on se contente d'attendre qu'elles reparaissent, nourries par la solitude, attisées par l'absence et plus vives elles peuvent enfin être fascinées. Comme l'on enchante un fauve, il faut le laisser approcher, aller vers lui sans réfléchir, c'est se faire déchirer par les griffes de la folie furieuse. Et la folie a échu dans la nuit acide de l'héroïne. Le destin les a réunis dans l'horreur, dans les tourments et dans les plaisirs, dans d'autres sentiments plus interdits encore qu'ils déchiffrent à peine. Il frappera, c'est certain, même s'il doit lui forcer la main dès lors qu'il en aura l'occasion. Et si elle ne se présente pas, il créera l'altération de la flamme au risque de s'y brûler définitivement, qu'importe la mesure, il ne peut en être autrement. Mais il n'est pas encore l'heure... Pour eux il est encore trop tôt. Il refuse de croire qu'il est trop tard. Il s’y refuse au point qu'il ne se souviendra, que le lendemain, d'avoir oublié son écharpe sur le canapé. Rouge comme le feu qu'il recherche, rouge comme les serments abandonnés dans sa solitude endormie, rouge du fer de ce lien qu'elle ne peut lui faire oublier. Rouge sang, elle est là, sous sa peau, dans ses veines. He needs to give you... Everything you need... Is it enough ?

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