"Fermeture" de London Calling
Après cinq années sur la toile, London Calling ferme ses portes. Toutes les infos par ici Still she gives you everything you need… Is it enough ? _ Pv Isolde - Page 3 2979874845 Still she gives you everything you need… Is it enough ? _ Pv Isolde - Page 3 1973890357


Still she gives you everything you need… Is it enough ? _ Pv Isolde

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James M. Wilde
James M. Wilde
MEMBRE
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« Sigh, static moans
A storm growing strong
And it's coming my way
Still she gives you
Everything you need
Is it enough ?
You're running out of time
As it grows in your eye
You'll feel
Broken inside, you'll feel »

Isolde
& James




Et ce foutu compte à rebours, il le sent dans ses veines, il le devine dans ses muscles qui se nouent sans qu'il n'ait à convoquer aucune impulsion, dans sa chair qui le brûle, dans sa peau qui se soulève de frissons incontrôlables, qui lui rappellent ceux que l'on ressent lorsque l'on se baigne trop longtemps en pleine mer et que les courants froids deviennent des compagnons trop exigeants, le corps s'engourdit à leur contact, et l'on veut s'en défaire, s'en défaire mais on ne peut pas car on ne peut plus bouger. C'est la panique, potentiellement la noyade. Et il se noie, oui il se noie, à l'intérieur de lui, avec une constance effroyable, il se noie, il se perd, et il n'a même plus l'instinct de se débattre, impossible de trouver la force quand les heures s'allongent à vos côtés, que les minutes murmurent des incohérences, et que les secondes s'alourdissent sur vos épaules. Chaque seconde... Chaque putain de seconde, il a l'impression de toutes les connaître sans leur avoir demandé tant de constance dans leur amitié. Ses yeux ont-ils encore croisé l'affichage implacable d'un réveil ? 4h55. 4h55 depuis la dernière morsure, depuis la dernière fois qu'il a senti la vague, se laisser porter sur un plaisir construit par son cerveau stimulé, un plaisir trop court, bien trop court. C'est le principe de ce joug, les premières étreintes sont d'une extase absolue, toutes les autres ne sont que l'arrière goût de ce qu'on a irrémédiablement perdu et que l'on s'obstine à chercher, encore, et encore, jusqu'à se perdre soi-même. Il sait qu'il commence à caresser la pire intensité, il ne faudra pas une heure pour que l'envie soit irrépressible, et qu'il emploie toutes les armes pour obtenir ce que son esprit et son corps réclameront de concert. L'idée qu'elle soit là pour entendre tout ce qu'il pourrait dire alors, toutes les blessures, toutes les douceurs, toutes les pensées perverties, prolonge son effroi et le statufie au bout du lit. Le piège se referme lentement... Lorsqu'il l'a appelée, le babillage incessant de ses délires était encore construit par la perspective de l'oubli. Celle de la souffrance avide donne des mots plus durs, plus doux, plus torves, il sait très bien ce qu'il peut être lorsqu'une idée lui trotte dans la tête, même lorsque celle-ci n'est pas inféodée au manque. Alors sous le supplice, il est capable de n'importe quelle vileté... Le pli soucieux imprimé sur le front de Greg lui revient en mémoire, celui qu'il a aperçu lorsqu'il a rouvert les yeux sur un monde évidé de ses cris et de ses vomissements, quelques jours après son tout premier sevrage. Il se souvient de cette ridule qui venait briser la ligne de son front, cette jeunesse abîmée par la peine et aussi par la peur. Le premier sevrage a été le plus long... Il faut dire que James venait tout juste de goûter à la combinaison la plus impérieuse qui fut appliquée à son mental brisé par le chagrin. Jamais aucune envolée n'aura égalée la première injection, jamais. Ce n'est pas que son esprit effaçait les souvenirs qui lui pesaient mais plutôt qu'il les triait, les remodelait pour les embellir, ils n'avaient plus la même texture, plus aucune emprise, ils n'étaient plus véritablement et lui était tout. Les souffles et les battements, chaque courbe de la musique dans sa tête, chaque embrassade des accords, une vie qui n'était plus amputée car elle était tout autour de lui, et ancrée à sa chair qui n'obéissait plus aux entraves du pragmatisme. Puis les fois d'après, lorsque cette matérialité implacable revenait le navrer, ça n'avait plus été la même chose, une envolée mais qui ne frôlait plus les nues, une délivrance à peine achevée. Au fil des semaines, tout s'était peu à peu écroulé, l'esprit fantasque devenait corrompu aux angoisses d'une existence qui n'était plus tout à fait la sienne, et le corps s'effondrait sur lui-même d'une privation fantasmée. Il avait fini par ne plus composer, alors qu'il le faisait sans discontinuer, par ne plus du tout manger, par ne plus du tout sortir car même les caresses de l'air rendaient la sensation frustrante. Le monde autour continuait, sauf les condamnés qui l'avaient suivi jusque là dans l'idée de s'affranchir : Greg regardait James dépérir, Ellis regardait Gregory s'inquiéter et James... James ne regardait rien ni personne, les yeux toujours dans le vide. Il avait fallu tout stopper, le second album avait failli crever à peine imaginé, annuler les concerts dans des petites salles déjà difficilement négociées, voir mourir le rêve en plus de celui qui l'avait créé. Wells ne s'y était pas résolu, et il avait posé des conditions dures, violentes, il avait sauvé Wilde, en endurant ses journées d'enfermement à souffrir le manque, il avait toléré toutes les injures, tous les pleurs, tous les cris. Puis ça avait cessé... Il avait fallu tolérer les écarts récréatifs qui permettait à un corps intoxiqué de se remettre, en croisant les doigts pour qu'ils ne redeviennent pas des chutes libres.

Pendant des années, James s'était maîtrisé. La deuxième crise l'avait cueilli un soir, peu après être rentré en Angleterre, un soir d'orage, il s'en souvient encore avec une précision terrible. Il a préféré ne pas faire porter de nouveaux plis soucieux au front de son frère, il a choisi de s'enfermer tout seul cette fois-là. Ce sevrage a été aussi court que sauvage, une souffrance sans doute jamais égalée, à devenir dingue, à appeler à l'aide des fantômes qui ricanaient et lorsqu'il est reparu tel un cadavre, chacun a fait mine de ne rien remarquer. Il aurait voulu pouvoir faire exactement la même chose ce soir. Il aurait dû s'en donner la volonté, plutôt que de prendre peur à la perspective de revivre la solitude de la souffrance, et continuer de la faire porter par d'autres, dessiner des compagnons de route pour son monde tortueux... N'est-ce pas ce qu'il fait, sans cesse ? Mais avec Isolde c'est différent, il ne parvient pas à concéder le pouvoir qu'il lui donne pourtant avec l'impression de le devoir à quelque caprice de sa tête bouffée par la folie. Le destin s'est déjà chargé de les faire se croiser, ses deux invitations ont continué la valse déjà bien entamée. Il a encore, dans les coins tordus de ses pensées, l'intuition de lui échapper, de ne pas continuer de modeler ses envies aux siennes, à moins que ce ne soit l'inverse. Mais l'intuition se brise à chaque fois qu'il cherche à la suivre, leurs doigts entrelacés tracent des évidences, l'irréversible se balance au rythme de ses respirations... Et les cacher derrière la furie pulsée par le manque ne leur donne pas moins de réalité.

Sa voix paraît si fatiguée qu'il a envie de l'embrasser pour l'intimer à retrouver le chemin du sommeil. Il n'en fait rien, il est incapable de bouger, les contractures donnent à sa peau des allures de marbre veiné. Il observe sa question, la laisse retomber dans ses souffles qui sont à peine esquissés, il les a abandonnés à son intrusion qui n'avait pas été préméditée. Non ça ne va pas, ça ne va pas d'être dans un état déplorable, ça ne va pas de le montrer, ça ne va pas de le projeter sur elle, ça ne va pas d'être ici, ça ne va pas de croire qu'il le faut pourtant absolument. Elle glisse vers lui comme dans un songe, il reçoit le contact de ses doigts avec un frisson qui ne le fait pas se mouvoir et il s'entend murmurer, à contre-temps :
_ J'ai rêvé. Tu étais là... Je voulais vérifier.
Les mots s'oublient aussitôt qu'ils sont prononcés, toutes les notions se chamaillent entre elles, hormis la temporalité du vice, qui sursaute sous le feu de sa jugulaire. Sa seconde question le fait esquisser un souffle ironique, qui trahit l'impuissance devant un spectacle que l'on est contraint de regarder. 4h59. La douceur qu'elle lui offre le fait s'étioler, il n'y est vraiment pas habitué, et il ne sait pas trop quoi en faire si ce n'est l'accepter. Accepter est plus difficile qu'on peut l'imaginer. Les idées se bousculent, il sait qu'il doit lui dire quelque chose avant que tout ne déraille. La fuir c'est bien trop tard, une fêlure dégoulinante de pessimisme conçoit qu'il eut fallu, pour cela, enfoncer cette dernière aiguille. La même qu'il ne tardera pas à quémander. La certitude lui rend soudain sa froideur et sa brutalité, le murmure grince :
_ J'ai déjà suffisamment exigé. Tu en as suffisamment fait.
Le point de rupture est plus proche qu'il ne le croit, merde... Sa respiration s'intensifie à écouter ce qu'il dit, aussitôt sa main se love en tremblant dans le tissu de sa chemise de nuit, dans son dos, inconsciemment il suit les cicatrices qu'il connaît. Il balbutie :
_ Pardon... Je n'ai pas voulu...
Il baisse les yeux, tout cela va être plus compliqué encore qu'il ne l'aurait prévu, même si l'idée saugrenue de vivre une crise comme celle-ci à ses côtés l'aurait fait partir d'un rire hystérique si on la lui avait suggérée il y a encore quelques jours. A présent qu'il ne peut plus réellement reculer, il lui faut tout prévoir, d'un ton effroyablement mesuré :
_ Les prochaines heures seront les pires, je n'aurai aucun contrôle sur ce que je pourrais dire, chaque mot sera dicté par mon envie de te faire céder pour obtenir n'importe quoi qui pourra m'apaiser. Tu peux encore me virer en appelant Greg, tu sais... pour pas... tout ça, ça n'est pas vraiment l'idée que j'avais quand je me disais que je te retrouverai...
Il s'interrompt, secoue la tête ce qui est plutôt une mauvaise idée, sa nuque est si nouée qu'il a l'impression qu'elle ne soutiendra plus longtemps sa tête et encore moins le brouhaha qui y habite. Etait-il en train de parler ? Il cherche à la voir dans la pénombre de la chambre, sa main remonte doucement la colonne abîmée, dessine quasiment chaque vertèbre, les doigts échouent sur la fraîcheur de la nuque, sous ses cheveux. Tout lui paraît glacé, la fièvre déforme le touché, lui donne des tournures oniriques. Sa voix est comme un songe qu'il lui faut raconter :
_ Dès que j'aurai retrouvé comment marcher, je retournerai à la chambre. Je veux que tu m'enfermes, sans réfléchir, sans songer à la réaction que je pourrais avoir, je crois que tu as compris que je n'aime pas me retrouver cloisonné. Je vais te donner mon téléphone et mes clefs... Et tu feras en sorte de m'oublier, avec un peu de chance, je finirai par m'écrouler. Il y aura d'abord l'angoisse d'être là-dedans, la peur, puis l'envie et je ne veux pas que tu y sois confrontée. Après le corps cèdera car je n'aurai personne à solliciter, aucune échappatoire. Je ne veux pas de traitement de faveur.
Il fatigue, convoquer tous les mots les uns derrière les autres accélère la descente qui se fait de plus en plus prégnante. Il retire brusquement les doigts qui tremblent contre la finesse de sa nuque, et déglutit. 5h09. La manière forte, la pire mais la plus rapide, la moins intrusive, ça lui paraît être aussi inconsidéré que pragmatique. Il ajoute avec lenteur :
_ Tu veux bien me promettre... me promettre de ne pas entrer dans cette chambre ?
Un vif tremblement le secoue à présent et lui rappelle la présence de muscles qu'il avait depuis longtemps ignorés. 5h12. Si seulement, si seulement il pouvait, il pouvait... Juste, juste... Juste un peu. Il ferme les yeux, cherche à échapper à ces mots qui frôlent déjà ses lèvres, ça va bien trop vite et il ne peut toujours pas se lever, putain de bordel. Il enrage sans pouvoir enrager, la prison de chair est sans doute la pire de toutes. Des secondes paniquent à encore compter les heures écoulées, à toute vitesse, comme lorsqu'il parle dans un flot ininterrompu, logorrhée temporelle à défaut de celle des phrases et déjà son esprit se replie à vouloir négocier, il n'y a rien de plus perverti qu'une descente chevauchée dans l'écrin de la nuit. Sa main vient frôler la pommette d'Isolde, y brûle une peau qui paraît fondre sous son geste, la réalité est en train de se pâmer :
_ Je veux rester encore un peu, juste un peu... Juste... Toi tu sais m'apaiser, c'est vrai... J'aimerais juste m'allonger.
Des mots adoucis déjà trompeurs, le manque lui fait dire des vérités déguisées en mensonge, voilà pourquoi il ne souhaite pas qu'elle soit le témoin patient de l'avilissement d'un ton trop apprêté, des colères parachevées quand le besoin sera brimé.
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() message posté Jeu 22 Déc 2016 - 19:36 par Invité

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james & isolde




L’incertitude devient une toile de fond tissée en nuances de gris et de noir sans contrastes. Quelle heure peut-il bien être cette fois-ci ? Cette nuit ne finira-t-elle donc jamais ? Sa conscience se ranime au fil des secondes, cherche à se départir d’un sommeil trop vite abandonné et dont la durée restreinte ne lui a pas permis de recouvrer toutes ses facultés. Ses membres tremblent de la frustration qu’ils en ressentent, son estomac se noue doucement. Plus la nuit avance, plus elle lui semble revêtir des tournures inconnues qu’elle n’avait jamais envisagé auparavant, qu’elle n’avait pas prévu d’avoir à affronter, folle qu’elle avait été de le laisser entrer. A l’orée du sommeil elle se rendait compte à présent. Elle se rendait compte de l’immensité du mal qui le rongeait, tout en sachant son impuissance à le soulager. Et une part d’elle n’en avait pas envie. Cette même facette qui avait goûté au plaisir de griffer sa chair rendue à une lividité désincarnée à cause de l’héroïne, de la violenter jusqu’à en rompre les artères avides. Isolde avait l’impression de se dissocier. Son corps se rapprochait furtivement du sien, glissait à ses côtés le long de ce lit d’une douceur tout à coup étrange. Sa main cherchait à lui insuffler un apaisement, une douceur, que cette autre partie elle estimait qu’il ne méritait pas. Elle était d’ailleurs là, cette ombre d’elle-même, juste derrière, modelée aux ombres opaques de la chambre close. Elle les observait avec un rictus moqueur. Naïve que tu es, petite fille trop gâtée, de croire qu’il est là pour toi, et non pour ce que tu peux lui apporter. Le rire devenait strident, moqueur. Il venait putréfier l’intention de chaque geste, rendait à la douceur offerte un goût d’empathie étouffante. Il s’étendait comme une onde au fond de son cœur fébrile, lui rappelait que cet état dans lequel il se trouvait, lui seul s’y était précipité. Ce constat terrible se réverbéra au fond d’elle, y sonna le glas. L’ombre lui murmurait des choses qu’elle entendait sans les comprendre. Pourquoi laisses-tu ton cœur souffrir pour lui ? répétait-elle comme un leitmotiv. Pourquoi l’accompagnes-tu, alors que ce chemin des horreurs, c’est lui, et lui seul qui a décidé de l’emprunter ? Laisse-le dériver. Laisse-le déferler contre la pente, laisse le s’enterrer dans cette cage qu’il a lui-même construite. Laisse-le parce qu’il l’a mérité, égoïste qu’il est, de prétendre pouvoir t’entraîner avec lui, quand tu n’es pas sure de pouvoir t’en relever. La voix devient si forte, presque un bruit strident qui sonne dans son oreille interne comme les vibrations d’un d’acouphène. Ses paupières s’abaissent un instant, font le vide sur la confusion bourdonnante de son esprit. Elle rejette l’ombre contre les parois de la chambre, fait taire sa voix qu’elle ne veut plus entendre. Il est des vérités qu’il vaut mieux ignorer si l’on ne veut pas se laisser scléroser par elles. Alors, elle se concentre. Sur les palpitations de son sang qui pulse à un rythme saccadé contre ses tempes, sur la moiteur de cette peau qui rend à la pulpe de ses doigts une sensation étrange. « Je suis là … Je suis là … » répète-t-elle, sans avoir la certitude de pouvoir se convaincre elle-même. Mais elle espère pouvoir le rassurer lui, si elle n’y parvient pas tout à fait. Le constat qui qui filtre dans sa mâchoire crispée fait trembler un court instant le geste qu’elle opérait jusqu’alors sur sa peau. La caresse s’immobilise, s’arrête contre son épaule. L’ombre a un hoquet derrière elle, rit à présent à gorge déployée. C’est que dans sa bienveillance, il se permet de l’admettre enfin. Quelle ironie. Quel drame. Elle la fait taire encore, ses doigts venant légèrement chiffonner sur son tee-shirt en se refermant imperceptiblement sur lui. Son corps tressaille de ce contact à la fois honni et désiré. Il trace des sillages connu, des sillages qui se réveillent, se rappellent avec elle en des vagues de picotements régulières. Son menton s’abaisse légèrement, l’affaissement répondant à ce « pardon » qu’elle comprend sans comprendre. Elle ne l’accepte pas encore. Elle le garde pour plus tard, quand il sera motivé par autre chose qu’une culpabilité morbide de savoir ce qui adviendra dans les minutes qui suivent, quand elle-même l’ignore. Cette fois-ci elle ne cherche pas à soulager sa conscience, en lui murmurant un « Ce n’est pas grave » qu’elle n’aurait pas un seul instant pensé. Elle préfère se taire, se murer dans le silence pour oublier les sentiments qui se chamaillent, entre l’envie de le gifler pour tous ses affronts, et celui de l’étreindre pour qu’il les lui inflige encore.


Le débit des paroles qui filtre entre ses lèvres devient presque difficile à suivre. Alors elle se concentre, en suit le cours, boit chaque ponctuation comme une information vitale, une clef qui lui permettra d’affronter l’obscurité sans s’y perdre tout à fait. Sa prise se resserre légèrement autour de son vêtement, l’incite à poursuivre lorsqu’il suggère encore qu’elle en appelle à Gregory. Il est trop tard pour cela. Il le sait, et elle aussi. Elle déglutit doucement, boit la énième parole qui tombe. Au début elle ne veut pas les entendre, peine à concevoir tout ce qu’il lui dépeint sans craindre déjà d’en apercevoir les concrétisations. Ce n’est pas l’horreur qu’il lui dépeint, c’est pire que cela. Et elle n’est pas sure de pouvoir le laisser là, cloisonné dans cette chambre sans jamais intervenir. Ses doigts tremblent un instant contre sa chair, ses paupières se ferment pour se rouvrir sur cette promesse qu’il lui demande de faire. Une promesse qu’elle n’est pas sure de pouvoir tenir. Mais que peut-elle faire ? Lui refuser ce qu’il lui demande comme un besoin plus que comme une envie ? L’injurier de lui demander l’impossible ? Elle déglutit de nouveau, sa peau frissonnant contre la légèreté du tissu de sa chemise. « Je … Je te promets … De faire de mon mieux. » Un juste compromis, pour se dérober à l’insondable promesse, à celle qu’elle aurait regretté d’avoir proféré. En réponse, elle sent son corps qui tremble sous sa paume, en tremble presque avec lui. Elle se sent si désarmée et interdite que son souffle ne sait plus comment s’insinuer dans ses poumons. Tout est oppressant. Cette chambre, ce lit, même cette main qui vient frôler sa pommette. Ses prunelles s’agrandissent à son murmure, ses lèvres entre-ouvrent, constatent, se glacent enfin. La morsure de la remarque qui cherche à manipuler, en se déguisant sous une douceur délicate lui semble être une poigne qui se referme autour de son cœur, le presse, cherche à n’en extraire que l’essence corruptible. Elle ferme les yeux, se rappelle ses mots, ses avertissements. Sa paume presse sa main contre sa joue, cherche à se rappeler de ce contact dont il lui faut se départir, maintenant, avant qu’il ne soit trop tard. Elle avait deviné le vice caché dans la tournure de sa phrase. Le James qu’elle connaissait n’était pas si doucereux. Il ne cherchait pas à rendre docile avec des compliments apprêtés. Mais pour déjouer la fourberie de la monstrueuse héroïne, elle sut qu’elle devait jouer le jeu. Aller dans son sens, attirer la bête jusque dans le piège, le refermer sur lui enfin. « Reste … Si tu veux … Encore un peu … » Pour sceller l’accord, ses doigts se glissèrent avec douceur derrière sa nuque, ses bras finissant par l’étreindre tout entier avec force, l’enveloppant un instant de sa chaleur, alors qu’elle glissait avec calme à son oreille : « Attends-moi. Je reviens. Allonge-toi. » Mais elle mentait. Rien de tout cela n’était vrai, à part peut-être le baiser qu’elle posa contre sa joue avant de se dérober, se glissant avec un calme maîtrisé à l’extérieur de la chambre. Elle avait voulu se précipiter, mais cela l’aurait trahie, il aurait vu son intention. Sur le seuil, dans l’embrasure de la porte, elle murmura juste un « Pardonne-moi James. » peiné, refermant la porte brusquement sur sa silhouette. D’un geste agile, le bruit du loquet retentit, une fois, puis deux, le cloisonnant lui et ses démons dans sa chambre, puisqu’il n’aurait jamais pu consentir à regagner l’autre. C’était la seule issue qu’elle avait trouvé, de l’enfermer dans un espace sans ses effets qu’il aurait refusé de lui céder, et qu’il avait fort heureusement laissé dans l’autre chambre en s’aventurant sur son territoire. La respiration saccadée, Isolde demeura derrière la porte pendant un instant, ne pouvant ôter ses paumes de la surface boisée. Son front se posa contre elle. Elle tremblait si fort que ses jambes la lâchèrent de nouveau,  et elle se laissa glisser, réussissant à s’asseoir contre elle, appuyant son dos, puis l’arrière de sa tête. Comptant les secondes qui prenaient des goûts d’éternités.


© ACIDBRAIN
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James M. Wilde
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Il ne sait pas ce qu'il attend exactement. C'est comme se tenir sur un fil et ne pas savoir de quel côté l'on va choisir de basculer. Devant, tout est bien trop lointain, incertain, avalé par les ombres, ou bouffé par l'aveuglante lumière. Alors tomber... Mais vers quoi ou vers qui ? Il veut partir lorsque le tremblement secoue ses pensées à l'incapaciter. Il veut rester lorsqu'il sent son souffle tout près de son épaule, tout près. Il veut qu'elle adoucisse le mal pour qu'il puisse l'oublier. Puis il veut qu'elle déchire sa peau pour que la douleur soit pire encore, et qu'enfin toute la frustration puisse filtrer de son âme, de son corps rompu. Les tremblements sont des oscillations sur la peau blêmie par l'attente, les souffles des mots qui s'évident de leur substance pour perdurer dans l'air embaumé par sa présence. Les gestes qu'elle porte ne sont pas assez durs, ou ne sont pas assez doux, quelque chose dénote dans l'étreinte loupée d'une nouvelle nuit aux saveurs d'horreur, l'esprit de James se tord, ploie, cherche mais ne trouve pas. Le pourquoi demeure, rendu aux abysses où les échos se réverbèrent jusqu'à lui. Pourquoi... Impossible que ce soit vrai, impossible qu'elle soit venue et qu'elle soit encore là pour lui, ce ne doit être qu'un sursaut de la pire des pitiés. A carcasse pitoyable, exhumatrice éplorée. L'idée lui déplaît, il se rappelle que c'est Gregory qui a appelé, l'idée chassée revient donc tourner dans sa tête, et l'apaisement ne vient pas, même s'il le brandit dans ses paroles fourbes. Son corps souffre mais pas encore assez pour qu'une quelconque réaction l'imprègne et les pensées glissent dans sa chair, avec lenteur. Il la regarde tout à coup mais il n'est plus certain de ce qu'il doit voir. Les mains tendues sont les entraves désintéressées d'une autre cruauté, il y a toujours un revers à une aide que l'on donne, à celle que l'on sollicite ou qu'on reçoit. Relation de pouvoir élevée entre leurs deux déraisons, depuis le départ, c'est te suivre et plier, c'est me rejoindre et hurler. Les sentiments arrachés à cet aveu de tout lui donner, absolument tout ce qu'il est, ne sont-ils que déguisés en d'autres obsessions d'un esprit déviant ? Qu'est-ce qui est vrai, au métronome de ses tempes qui réclament avec avidité ces morsures qu'elle n'est peut-être pas capable de donner ? Le doute s'insinue, l'alter-ego est satisfait, il savait bien qu'on lui rendrait quelques hommages à un moment donné. Il ne veut pas écouter, non, par pitié, il ne peut pas défigurer ce qu'elle représente, qu'importe qu'elle appartienne à une vision fantasmée ou non. Il ne veut pas mais l'envie est présente... L'envie... Irrésistible. Elle lui dit qu'elle est là, il n'est pas sûr d'y croire mais il s'en persuade pourtant, il est trop loin de toute manière, trop loin pour la rejoindre complètement, trop près pour la repousser, ses mots tentent des blessures qui le griffent en retour. Pourquoi a-t-il dit cela ? Pour ne plus sentir au bout de ses doigts les relents nécrophages de la pitié qu'il ne veut pas lui inspirer ? Que restera-t-il d'une histoire, quand elle aura été tout à fait vitriolée par sa morgue ?

Elle semble réagir et il se surprend à attendre une violence qui ne vient pas, la frustration grandit, le manque est destructeur et il palpite de son besoin d'offrandes mortifères. Ne la caresse donc pas alors qu'elle ne veut pas de toi, regarde un peu ce que tu es. Ça sonne si faux et sur la fin si vrai, les vérités se déguisent donc au profit de la nuit éternelle, il se concentre sur des procédures aux élans de brutalité, la confronte à un rôle qu'elle se doit de tenir. Une violence de plus, en définitive, envers elle et envers lui. Salutaire ? Est-ce que les coups portés et consentis le sont toujours ? Ou abîment-t-ils irrémédiablement les secrets de cette peau qui se donne pour se voir marquée ? Son contact se fait plus prégnant, il s'y raccroche, balaye ce doute qui ne lui permettrait pas de terminer. S'il doit parachever une seule réussite en ce défilé de tous les échecs, c'est celui de la protéger, la protéger au mieux de ce qu'il pourrait dire ou faire. Tous les doutes ne peuvent pas effacer ce qui s'est peint dans les harmonies déjà clamées, partager tous les maux mais aux confins de la souffrance l'en garder. Il attend la promesse qui tarde à éclore sur ses lèvres, et qui se forme comme une demie-mesure qui le laisse sur son fil, au comble de la perplexité. Tomber. Vers quoi. Vers qui. Il n'a pas le temps de s'en contenter, de voir que tous les écarts sont encore affadis par des signes qui renient la pitié, il cherche ce qui est juste sous son nez, mais ses yeux sont embrumés par l'héroïne et le manque s'alanguit dans son ventre, il perd pied. Il perd ses repères à avouer des pensées qu'il n'aurait jamais pu formuler, pas ainsi, pas maintenant. Seul le but semble compter, les pupilles se dilatent au rythme perpétré de ses déviances, il veut la voir céder mais pas comme il l'a toujours imaginé... Pas dans la lutte, pas dans l'érosion de sa propre personnalité non. Il veut qu'elle soit suffisamment troublée pour distiller tous les poisons contre sa bouche, il veut qu'elle vienne dans la moiteur de ses bras pour fragiliser le frêle rempart encore concédé à la raison, et il se fait flouer. Il croit parvenir à ses fins lorsqu'elle vient toucher sa main, acceptant le contact dégoulinant de douceurs usurpées. Il se laisse envelopper, ferme les yeux en inspirant tous les parfums dont il se souvient, une dose d'un autre genre de plaisir qui vient se déployer au son de son murmure, dans le creux de l'oreille. Il n'a pas la force de la retenir, il en a pourtant l'instinct, ses doigts glissent sur sa peau parée par la chemise, tracent des chemins qui semblent inexplorés, se laisse convaincre de reposer contre les draps. Il s'allonge, la sent échapper lorsque ses lèvres se posent doucement contre sa joue, regarde sa démarche qui ne trahit rien du piège qu'il lui a pourtant indiqué, ses paupières voilent un monde où il est sûr qu'elle reviendra.

Se soulèvent brusquement au bruit du loquet, l'écho de ses rêves... Pire encore, de tous ses cauchemars. Le claquement fatidique résonne dans toute sa tête, l'angoisse renaît avec une force décuplée, et si ses pensées s'emmêlent entre elles, il parvient à se lever et à rejoindre le sillon du pardon qu'il n'a pas entendu mais qu'il a toutefois reçu en son être fragilisé. Sa main tremble sur le panneau de la porte, la peur chevauchée par l'angoisse lui ôte un instant la faculté de trouver la poignée, et lorsque sa main osseuse s'y referme, il tourne mais rien ne bouge. Ni même son souffle... Avant que ne s'échappe l'infamie de la panique dans tout son corps et par ses lèvres exsangues, des murmures qui sursautent de cette horreur viscérale. Le constat le frappe, le gifle, manque de l'assommer. Il ne peut pas sortir, elle vient de l'enfermer.
_ Non... Non. Non. Non. Non. T'as pas fait ça. Non. Ouvre. Ouvre s'il te plaît. Ouvre-moi Isolde, s'il te plaît. Tu vas ouvrir cette putain de porte, oui ? Je peux pas... Je peux pas rester là. Tu vas pas me laisser ici ? Je... Mais...
Il secoue la poignée, un geste d'une violence malingre, ses muscles lui obéissent mal et trop sollicités, ils semblent se veiner d'une douleur horrible qui le fait encore plus trembler. Son poing s'abat sur le bois, un bruit étouffé par sa force qui vacille, la peur la dévore. Quelque part, dans sa tête, il y a d'autres peurs encore, il ne faut pas faire de bruit, il ne faut pas. Il ne doit pas. Il ne sait plus exactement pourquoi mais il ne doit pas, pas ici. Alors l'angoisse scelle ses lèvres pour ne pas hurler, lorsque les mots s'y glissent, ils crissent entre les dents serrées, il ne parle qu'à elle, comme s'il voulait épargner la maisonnée. Son esprit n'a pas oublié Leela, même s'il ne saurait le lui formuler, alors il joute, avec elle uniquement, il devine sa présence derrière cette cloison ridicule :
_ Ouvre. Bordel. Ouvre. Je te préviens... Tu ne sais pas ce que tu fais. Je ne peux pas rester enfermé. Ne me force pas... Ne me fais pas ça ! Isolde... Si... Je te l'ai demandé. Oui. C'est vrai, c'est vrai. Je te l'ai demandé...
Son corps abdique devant l'amertume du constat et il s'affaisse lentement, retombant sur le sol, les ongles suivent des lignes imaginaires qui lui permettraient de griffer des ouvertures vers la liberté. Des secondes ? Des minutes ? Le silence broyé par un souffle indomptable, il regarde les murs et il a l'impression qu'ils ne lui laissent aucun espace, que l'air devient irrespirable, il est en train de subir la déferlante de la panique, les murmures la rythment, ils répètent sans cesser : Non. Non. Je ne peux pas rester là. Non. Les cauchemars se font éveillés, il plaque sa main contre sa bouche pour ne pas crier, redevient ce mutique garçon enfermé, il avait choisi le tombeau, sans un son, pas même sa propre voix. Il ne pourra jamais lui pardonner, il ne pourra jamais... Le manque vrille ses humeurs, les rendent assassines, l'angoisse appelle la colère en ultime bouclier, colère froide, glacée :
_ Mais qu'est-ce que tu crois ? Que je vais me laisser mener comme ça, tu sais qui je suis ? Hein ? Tu le sais ? Comment peux-tu te permettre de régenter ma putain de vie ? Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi es-tu venue, pourquoi est-ce que je suis là ? Tu es pareille que lui, tu ne fais que mentir, mentir et m'esquiver. Parce que tu as peur, tu as peur de moi... Et tu as peur de toi...
Au milieu des menaces, les intuitions qui se sont nouées dans la folie de leur combat. Il a aimé qu'elle le brutalise, il le sait, il a aimé qu'elle ait cette force là. Et il aime chaque coup qu'il lui porte, avec cette culpabilité malsaine de devoir les donner. Foutue nature rendue à la sauvagerie. Il enrage mais il ne bouge pas, se contente de la siffler sur un ton bas, tout cela n'appartient qu'à eux. Eux seuls. Eux. Certitude chevillée, il y a un eux qui existe quelque part. Eux c'est tout cela, c'est ce soir, c'est hier aussi, ce sera demain quand elle lui aura ouvert, cette tarée. Demain au son du tonnerre qui ne se brise pas des éclairs qui cisaillent sa vue. Donne-moi quelque chose, j'ai mal, j'ai mal. Son corps se tord plus encore, il veut obtenir l’élixir de sa perdition. Ses mains se referment en des poings, ses gémissements s'éteignent, ravalés, par sa force de caractère réveillée par ce qu'il envisage actuellement comme une trahison. Elle le paiera. Putain ! La colère devient serpent, pas de douceur non, la perversion sur les lèvres imprimées à ses dents :
_ Tu aimes ça hein ? Avoir ce pouvoir sur moi ? Tu aimes les échos de ma foutue souffrance, parce qu'elle parle à la tienne. Tu veux que je susurre à ta souffrance tout ce que j'aimerais faire ? Si tu le voulais, je noierais tes plaisirs dans l'infinité de nos douleurs enlacées, si tu avais le cran de m'affronter. Alors ouvre... Ouvre. Viens encore m'agonir, me dire que je n'ai pas le droit de prononcer tout cela, me dire que je ne te mérite pas, faire semblant d'y croire quand tu te brûleras contre moi.
Le manque oppresse tout son corps, incapable de bouger à présent, il tombera bientôt dans un état qui frôle le coma, mais ce manque d'héroïne ne parvient plus à totalement contrôler ses esprits, il ôte les barrières, analyse à l'ombre des vices une relation en nuances de pourpre, des sentiments corrompus à l'obsession, l'obsession qui nourrit les sentiments en miroir. Adouci à elle, et pourtant si fourbe parfois. L'élan du manque lui dicte de la détruire, mais au contraire il l'appelle encore, il la veut, il la sait confondue à lui, c'est certain. Il la veut impériale telle qu'elle sait si bien l'être, à dire non pour dire oui, à frapper pour quémander. Le doute se balade, atermoie, ne sait plus où s'accrocher, il n'y a que des certitudes dans la furie des ténèbres. Le vice se love dans sa chair pour l'apaiser quelques secondes, mais la douleur atteint un autre palier, c'est trop dur à présent, bien trop difficile de continuer. Murmures rauques, il ne la repousse pas, il la garde de lui :
_ Va-t-en Isolde... Je t'en prie, va-t-en. Ne reste pas près de moi. Ça va aller... ça va aller... Souviens-toi... de ta promesse.
Il cède, sa tête repose sur la porte, ballottée par des mots. Des notes ? Il semble murmurer un tissu étrange de sons qui le bercent légèrement, jusqu'à ce que les nuances de ses passions s'éteignent complètement, rendues au noir de l'enfermement. Il ne voit plus rien, il navigue dans les eaux troubles d'un faux sommeil qui ne reposera guère son corps qui continue de pulser d'une fièvre brûlante. Ça va aller... Ça ira forcément. Il s'est toujours relevé.
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() message posté Sam 24 Déc 2016 - 11:02 par Invité

«  Still she gives you everything you need… Is it enough ? »
james & isolde




La porte se referme sur les tourments qui ne lui appartiennent plus tout à fait. Elle le cloisonne dans l’espace calfeutré de ses craintes, sans comprendre encore pourquoi elle tremble, pourquoi son cœur se serre encore, se tord, crie enfin. Il ne s’est pas rendu compte, mais cela ne va pas tarder. Son esprit est ralenti par les effluves impérieux de l’héroïne qui le rendent moins hagard. Elle entend son pas dans la chambre, presque traînant, frôlant des allures de titubation. Et la complainte qui suit est telle qu’Isolde peine à contenir toute l’émotion qui l’envahit. Ce « Non. Non. Non. » qu’il répète avec une précipitation proche de la détresse lui cisaille le cœur. Tout d’un coup elle ne sait plus si elle a bien fait de l’écouter, de suivre ses instructions à la lettre. Cela la rend malade de le voir dans un tel état. C’est trop. Beaucoup trop par rapport à ce qu’elle peut tolérer. Son endurance se fendille encore, la carapace devient fragile, s’effrite, s’étiole dans la tonalité de son timbre qui se modèle pour devenir plus colère. L’affront de l’avoir écouté et qu’elle lui renvoie devient aussi impardonnable que tous les vices auquel il a décidé de succomber cette nuit, et dans lesquels il cherche à l’entraîner. Leurs fautes se réverbèrent en miroir, les consume un par un jusqu’à ce qu’il n’y ait plus rien de ce qu’ils auraient pu créer. Où était la douceur illusoire des instants partagés ? La tiédeur délicate de ses doigts contre sa peau ? Le rire des émotions tendres ? Où étaient-ils tous passés ? Il n’y avait plus rien dans la noirceur de cette chambre, de cette nuit. Il n’y avait plus rien à part la haine, la souffrance, la corruption. Et Isolde n’en pouvait plus. C’était trop dur. Le corps fourbu, tremblant, le dos collé à la surface de la porte qu’il malmène à présent sans parvenir à ouvrir une brèche pour s’y faufiler, elle ne bouge pas, replie ses genoux contre son ventre pour les entourer de ses bras glacés. Le repli en soi-même dans une position fœtale devient le seul rempart contre les paroles qui déferlent comme un poison pernicieux. Ne l’écoute pas se répète-t-elle, il ne sait pas ce qu’il dit, il ne sait plus, il est corrompu, il te l’a dit, il t’a prévenue. « Pardonne-moi … Tu me l’as demandé … Pardonne-moi … Tu l’as voulu … » répète-t-elle dans un leitmotiv qui touche une nervosité déraisonnable. Il ne l’a pas entendue, non, probablement pas. Elle ne parle qu’à elle-même, se basculant d’avant en arrière très légèrement. Elle cherche à bercer ce corps qui tremble, à apaiser cet esprit qui menace de basculer à son tour. Un sursaut la traverse quand il secoue la porte dans son dos, et plutôt que d’être apaisés les tremblements s’intensifient. Alors elle raffermit sa prise autour de son propre corps, convoque tout ce qu’elle est capable de raison pour tenir. Elle l’entend s’affaisser enfin, griffer cette porte qui s’est refermée sur lui comme une pierre tombale sur un cadavre encore chaud. Tu l’as voulu répète-t-elle toujours. Tu me l’as demandé. Mais ses convictions prennent des tournures amères, gagnent en incertitude à chaque seconde qui passe. L’abandonner à cet isolement au paroxysme du tourment allait à l’encontre de tous les élans de sa personnalité. Elle préférait la lutte. La lutte perpétuelle à l’abandon facile. Elle préférait aller s’écraser contre sa haine que le laisser y dériver sans fin. Mais il lui avait demandé. Il l’avait prévenue. Que pouvait-elle faire à part respecter cette volonté qu’il avait formulé lui-même dans un soubresaut de lucidité ?


« Tu me l’as demandé … Tu l’as voulu … » répond-elle à chaque fois, à chaque attaque, à chaque déferlante de sa haine qui semble devenir plus farouche. Il avait raison. Le manque lui faisait atteindre une méchanceté destructrice. Une violence qui l’atteignait de plein fouet, gifle puissante à laquelle son corps peinait à résister. Ses mains se referment autour de ses tempes, les pressent, se plaquent contre ses oreilles pour ne pas l’entendre. Elle ne peut se résoudre à se lever et à s’éloigner de cette porte, alors elle fait taire toutes les paroles assassines. Il la poignarde mais elle ne veut rien sentir. Elle se raccroche à l’idée que tant qu’il parle, il existe toujours. Tant qu’il parle, c’est que l’héroïne n’a pas encore réussi à menacer ses résistances physiques, qu’il est toujours là, quelque part, qu’il reviendra. Tant qu’il parle, il y a quelque chose à quoi se raccrocher. De qui parle-t-il à présent ? Qui est ce « lui » menteur ? Ce « lui » traître ? Parle-t-il de Gregory ? D’un membre de sa famille ? De ce père qu’il a convoqué dans la confessions et dont elle peine encore à dessiner les contours ? « Tu as peur de moi … Tu as peur de toi … » Ses paroles l’atteignent avec une précision chirurgicale. Comment peut-être l’atteindre ainsi alors qu’il délire, alors qu’il n’est plus aussi maître de lui qu’à l’ordinaire ? Ses tremblements s’interrompent le temps d’un soupire. L’index et le pouce viennent faire tourner l’anneau du serment et des promesses déchues. Elle s’y raccroche, se concentre sur la surface lisse externe du métal en espérant y trouver du réconfort. Un réconfort qui tarde, et qui finalement ne vient pas, bien au contraire. Et il continue encore. A croire que les tourments le rendent plus infernal, lui accordent une endurance qui vient à bout de toutes les résistances qui lui restaient encore. Il a raison. Au moins en partie, ce qu’il dit est vrai. Elle a aimé le voir souffrir, elle a aimé se saisir de cette souffrance, la rendre pire encore, sentir son joug, savoir qu’elle avait ce pouvoir de la rendre plus douce ou plus pernicieuse encore. Elle a aimé le sentiment malsain qui l’a envahie en malmenant son corps décharné par la drogue, ses travers lui ayant un instant permis de déferler une colère qui restait depuis trop longtemps tapie sous chacun de ses nerfs. Cette colère la consumait, était une compagne jusqu’alors docile qu’elle avait toujours réussi à contenir. Mais depuis qu’il lui avait donné l’occasion, et l’opportunité de se rebeller, elle était incontrôlable. Elle touchait des élans déraisonnables qu’Isolde ne souhaitait pas comprendre. Peu à peu elle comprend quel rôle malin il a joué, et joue encore. Elle comprend aussi qu’il ne sera ni la clef, ni la résolution de toutes ses souffrances, et de cette colère qui l’anime. Se heurter à la sienne lui a fait comprendre au moins une chose essentielle : pour recommencer à construire, il lui faudrait accepter cette colère, la laisser sortir de son corps pour faire place à autre chose. Mais jusqu’alors, jamais elle n’avait trouvé quelqu’un qui serait capable de brutaliser suffisamment sa colère pour la pousser à sortir de son nid. Alors si James lui apparaissait comme un fléau, peut-être incarnait-il aussi une solution. Une solution brutale, contre laquelle elle avait peur de se jeter. Mais une solution malgré tout.


Son flot de paroles ralentit derrière la porte. Elle ne l’entend presque plus à présent, et son timbre meurt sur cette dernière phrase qu’il prononce, avec une lucidité renaissante. Son corps s’apaise légèrement dans le silence renouvelé de la pièce, mais devient peu à peu angoissant. Ses muscles se détendent, son ouïe s’affine, s’interroge de ne plus rien entendre. « James ? … » Murmure-t-elle pour ne se heurter qu’à cette porte close, et à ce silence qui devient plus insupportable encore que toutes les injures qu’il a pu prononcer. L’appel devient alors une douleur aiguë qui pulse dans sa poitrine. Il t’a dit de ne pas ouvrir, sous aucun prétexte. De le laisser là, d’attendre. Mais la sonnette d’alarme en son cœur devient si forte, se conjugue à des peurs irrationnelles qui ne tardent pas à venir à bout de ses résistances. Elle en connaît suffisamment sur les crises de manque pour savoir que le délire et les injures n’est pas le signe du paroxysme. Elle a entendu de la fièvre, de la fièvre impérieuse qui cherche à chasser du corps les marques de la substance. Cette même fièvre qui fait s’emballer le cœur, trembler les membres, les malmènent au point que certains n’y survivent pas. La fièvre passée, le chemin le plus dur était parcouru, et si rien d’autre n’était consommé, la rédemption illusoire n’était pas loin. Mais il y avait cette étape à franchir. Réussir à parer le feu qui calcine. « James … Tu m’entends ? » demanda-t-elle de nouveau à la porte close qui ne lui fournit toujours pas la réponse qu’elle attendait. Alors elle rompit la promesse, ne put concevoir d’agir autrement. Avec une précipitation notable, le loquet se rouvrit, ses genoux s’affaissèrent, ses mains tâtonnèrent jusqu’à ce corps plongé dans une léthargie fiévreuse. Elle touche ses bras brûlants, sent les veines qui pulsent sous la chaire à un rythme erratique. Son pouls est trop rapide, beaucoup trop. Les pulsations deviennent un compte à rebours avant que le cœur lâche, consumé par la fièvre, affolé par ses élans destructeurs. « Oh bon sang … James … Tu m’entends ?! » Ses doigts encadrent son visage trempé de sueur, enlèvent des mèches de cheveux qui se sont collées contre son front. Elle doit faire baisser la température de son corps. Par n’importe quel moyen, maintenant, pour que le poult ralentisse. Elle libère son visage, jure entre ses dents serrées, se précipite dans le couloir, puis dans la salle de bain à côté. La seconde qui suit, elle a déjà une serviette entre les mains, elle place sous le robinet d’eau froide, sans l’essorer tout à fait. Le couloir est retraversé à une vitesse fulgurante, jusqu’à rejoindre ce corps dont l’état ne s’arrange guère. Elle place le linge frais contre ses tempes, ses bras, son cou. « James ?! Insulte-moi, vas-y ! Regarde, je n’ai pas tenu ma promesse ! Je suis une putain de menteuse ! Regarde-moi ! » Sous cette fièvre ahurissante, il est encore là, elle le sent. Alors elle le convoque, ne veut pas qu’il se laisse attirer dans des méandres où elle ne pourrait plus le convoquer. Le linge humide ne l’est déjà presque plus. Et il est à peine moins chaud. Cela ne suffit pas. Cela ne suffit plus. « Bordel ! » Il ne lui simplifiait jamais la tâche, non, jamais. Alors avec rapidité encore, elle parcourt de nouveau le chemin qu’elle vient de faire, ferme le siphon de la baignoire, ouvre la valve d’eau froide à plein régime, revient sur ce corps qui ne coopère toujours pas, plongé dans le coma qu’il est. Avec force, elle se saisit de son bras, le place autour de sa nuque, essaie de le hisser vers le haut. « Bordel ! Tu pourrais faire un effort quand même ! » Jure-t-elle entre ses dents, réussissant à le redresser un peu. Heureusement qu’il n’était pas très baraqué. Mais il pesait son poids, malgré tout, le bougre. Ses jambes manquent de ployer, convoquent des résistances qu’elle ne possède plus. Un mètre est parcouru, puis deux. Comment va-t-elle réussir à le hisser dans cette baignoire glacée ? C’est le seul moyen qu’elle a trouvé pourtant. Le seul qui puisse apaiser le feu, ralentir le rythme, lui donner une chance. Car même si elle appelle une ambulance dès maintenant, elle n’est pas sure qu’ils seront suffisamment rapides.




© ACIDBRAIN
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James M. Wilde
James M. Wilde
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Still she gives you everything you need… Is it enough ? _ Pv Isolde - Page 3 1542551230-4a9998b1-5fa5-40c1-8b4f-d1c7d8df2f56
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» Schizophrénie : Nope.
() message posté Dim 25 Déc 2016 - 18:50 par James M. Wilde



« Sigh, static moans
A storm growing strong
And it's coming my way
Still she gives you
Everything you need
Is it enough ?
You're running out of time
As it grows in your eye
You'll feel
Broken inside, you'll feel »

Isolde
& James




La fièvre. Brûlure aux creux de tous les soupirs, la peau qui se goûte, confiée à l’avidité des mains, griffée par les ongles, abîmée de morsures, brûle, brûle. Se retrouver en communion avec un autre, un autre qui soit le miroir des envies, des doutes, des peurs. Des envies surtout. Qui échappe, qui revient. Le choc des corps, le front en sueur. Des souffles entremêlés. La vue qui se brouille et l’âme qui bascule, qui fusionne parce que c’est trop violent, l’escalade est trop rude, la cage thoracique s’oppresse, le monde vire au flou. Enténébré. Non… Trop de lueurs, l’explosion des sens. Encore. Arrête. Ses parfums viciés par ses saveurs. Il l’embrasse, il s’opprime. Il se perd. Il la veut… La fièvre. Les spots dans les yeux et les visages qui hurlent. La masse se contorsionne, du rythme partout. Du rythme dans le sang, dans les muscles qui ont mal, l’adrénaline qui pulse. Encore. Oui encore. Jusqu’à crever. Les doigts qui deviennent chaque pensée reniée, les cordes qui les ouvrent. Le sang… Le sang sous la peau en ébullition, la gorge qui souffre. Et crier. Crier toujours. Tout ce que l’on doit, tout ce que l’on peut. Il vit pour elle, il vit pour ça. Il la connaît par coeur et il l’appelle… La fièvre. Courir. Courir pour s’échapper. Partir, oui partir loin. Partir et les battements qui suivent, qui survivent. Plus de respiration non, juste le fil de l’existence entre les lèvres. Mal. Mal partout. Les tempes martèlent les besoins jamais exsangues. La faim, cette faim jamais rassasiée. Il oublie, il croit qu’il n’en a pas assez. Jamais assez. Il la façonne lorsqu’elle se meurt… La fièvre. Recroquevillé, trop chaud. Non trop froid. Le mal qui s’étend, le corps qui déraisonne, la pensée qui vacille. Elle est là ? La douleur ? Non… Non. Celle qui la représente, il la reconnaît, pourquoi ne peut-il pas lui dire. Lui dire qu’elle devrait partir. Partir. Partir encore. Oh oui, fuir. Sa peau, ses parfums, le rythme, la musique, les peurs, l’étranglement, et cette putain de fièvre. Il vit pour brûler, il vit pour consumer ce qu’il est, et les autres avec lui. Leur balancer des vérités, alors que lui s’entoure de faux mensonges. Il vit pour ressentir, il vit pour ressentir jusqu’à mourir, il vit. Il vit encore. Il vit. C’est trop dur… Ça fait trop mal. Gémissement… Do mineur. C’est plutôt joli, il faudrait qu’il s’en rappelle. Rappeler. Rappeler quoi ? Et qui encore ? Il ne veut pas se lever, non. Il faut le laisser tranquille, il aspire à la paix, parce qu’elle surpasse toute l’angoisse, l’angoisse qui va avec la fièvre. Ses mains s’accrochent, du tissu, de la peau, l’air qui change, le monde qui bouge, l’écarquillement du monde, ce monde qui meurt. Sol majeur. Un verre qui se brise dans sa tête, de l’écho. De l’écho. Ou des mots. Il ne comprend plus rien, il n’a pas envie de comprendre. Vouloir, ou pouvoir, ce n’est plus la même chose. Il s’accroche, il marque, il marche aussi. Ou pas. La musique filtre de ses lèvres, la musique de la folie, peur viscérale, le monde tout gris, bientôt refermé sur lui. Grisaille perpétuelle à l’orée des pupilles dilatées. Comment fait-on pour respirer ? Respirer toute cette peur, l’atrocité de la haine de soi.
_ Ne me ramène pas là-bas… Ne me ramène pas là-bas… Je veux pas… pas… jamais… Y retourner…
Là-bas, là-bas le silence. Là-bas, l’institution où l'on parque la folie pour oublier qu'elle existe. Là-bas, l’oubli, la mort dans l’âme, le coeur qui vit pour battre uniquement, plus de musique. Là-bas, plus rien. Il ne la voit pas, il ne la voit plus, il ne voit que des détails de l’existence qui perce sa carnation blême. Elle est belle quand il la regarde entièrement. Elle est magnifique dans le détail tordu des sensations qu’elle doit boire, il la force à exhaler ses propres souffles. Il ne se porte plus, le monde l’écrase, sa tête est trop lourde. Trop lourde. Il parle encore, il parle toujours. Un sursaut. Le souffle qui brûle pour rétablir l’emprise qui cherche à se scléroser à ses pieds lorsqu’il le quitte. Que fait-elle ? Pourquoi est-il en mouvement alors que tout tangue déjà ? Il fallait le laisser, elle avait promis. Il ne l’a pas entendue jusqu’alors mais les paroles se déroulent au rythme de la mort qui s’annonce, elle veut le consumer pour que le feu soit l’ultime purification de ses vices. Mais le feu qu’il recherche n’est plus dans le néant de l’avidité de la lame… Vile faucheuse, casse-toi. Le feu qu’il recherche s’ancre sous ses doigts, et son emprise se resserre sur l’épaule, il s’appuie, l’aide enfin, à cheminer avant de retenir la marche inexorable. Non… Non. Elle a promis. Elle avait promis, bordel…
_ Tu mens… Tu mens si bien. J’ai menti moi aussi, j’ai menti dans ma tête pour te chasser. Je veux que tu partes. Laisse-moi… putain. Laisse-moi tranquille. Confiance en rien… En personne. Jamais...
Ses dents se serrent, l’éveil dans l’enfer de sa tête ne le fait qu’un peu plus déraisonner, et les envies se superposent jusqu’à devenir infâmes. Il n’avait jamais remarqué que le monde était si orangé, roux comme le feu, et rouge comme le sang, ce sang qui bat et bat encore. Il ne parvient plus à respirer, son diaphragme se bloque parfois, et il reprend une grande goulée d’air, sur les mots qu’il ne dit pas. Elle le tire, il tire aussi, heureusement pour elle, plus ou moins dans le bon sens, car désorienté, il ne sait plus où il veut s’enfuir, si ce n’est au creux de ses yeux aveugles, pour ne plus rien voir à son tour. Il entend de l’eau, de l’eau, et en vérité il a soif, mais il ne sait plus comment boire, les mirages de son désert décoré aux fureurs des opiacés ne lui donnent plus les clefs de l’existence. Les mondes sont dissociés. Puis… Un pic. Une violence telle qu’il manque de tomber, le peu de forces qu’il a mise dans ces tribulations maladives l’abandonnent, il ne veut pas meurtrir son guide, il se retient à la commode de la chambre. L’envie vient de mordre son estomac, le roulis des avidités rend le paysage cauchemardesque, les sons qui sortent de sa bouche frôlent la bestialité, à l’image de ceux qui se jettent sur la nourriture après qu’on les en ait privés pendant des jours et des jours. Complainte sourde, la dernière pour ne pas avoir mal, l’eau filtre dans le fond, filtre les aménités pour ne laisser que les pulsations noirâtres, ses yeux ne sont plus bleus, ils sont noirs, et les tremblements redeviennent des gestes inconscients. Il se rétablit un instant, une main sur un avant-bras, la pitié avant le massacre :
_ Donne-moi quelque chose… Donne-moi n’importe quoi. N’importe quoi. N’importe… Un somnifère, un anti-douleur, un foutu sirop, n’importe quoi… Je t’en prie. S’il-te-plaît. S’il-te-plaît…

Tachycardie. Elle l’emmène toujours, il tire, ils dansent une drôle de symphonie entièrement syncopée, son coeur va lâcher. Souffles emmêlés au désir de mort, l’achèvement plutôt que la douleur, c’est tout ce qu’il vise à présent, son corps se désincarne, et l’eau coule toujours, sur sa peau, sur son front, dans la baignoire qu’il observe sans lui donner une raison concrète d’exister. Les atours cliniques de la salle de bain renforcent la panique, il tombe sur le rebord de la baignoire plus qu’il ne s’y assied. L’eau chante des notes de survie, il étreint la main d’Isolde dans la sienne, une étreinte qui quémande encore, mais qui quémande quoi ? La lame du bourreau ou la grâce de son ange vengeur ? Les mondes entrent de nouveau en collision, le cauchemar habite la réalité, il comprend où il se trouve et pourquoi ils sont là. La fièvre est toujours embrassée à sa peau, il n’en peut plus, il ne peut plus la subir, il ne peut plus parler, il s’enferme dans une chair qui s’érode à l’intérieur, le sang la noie. Il n’est plus que douleur et tout tangue putain, tout tangue encore, ses doigts s’abattent sur l’émail blafard, un geste, il ne manque qu’un geste pour qu’il étanche cette soif, cette fièvre, qu’il cesse de se consumer dans l’éther de la folie. Mezzo Forte. Le cerveau hurle, quémande à son tour, à défaut de morphine qu’on absolve ses fautes, qu’on freine enfin le staccato. Dans un souffle saccadé, il quitte les amarres de chair pour se donner aux flots glacés, l’instinct de perdurer est plus fort, ou peut-être qu’il y voit la perspective de la noyade gelée de ses émois. Que tout se taise. Que tout se taise enfin. L’envie, la peur, même les symphonies qui délirent dans la disharmonie la plus atroce. Il y entre dans une lenteur assassine pour sa peau encore vêtue, tant pis, la fièvre vient combattre le contact de toute cette flotte bien trop éloignée de ses enfers, sa peau se couvre entièrement de frissons qui tourmentent ses nerfs, et sans pouvoir se retenir il y plonge tout entier. Ses yeux ne se ferment pas quand il s’enferme dans ce cocon aquatique, il avale ses douleurs en même temps que l’eau qu’il respire, ses poumons se contractent, luttent contre l’intrusion et un très bref instant il ne se débat plus, l’âme soupèse les éternités de calme, plus aucun bruit sous l’eau. Plus rien. Noir absolu. Une seule pensée pourtant. Une seule. Contre-courant de toute sa hargne, la fièvre baisse dangereusement, tout dévale la pente, ses humeurs, ses besoins, ses doutes, il ne reste que l’aigreur. Elle avait promis, elle avait promis. Il reparaît. Le cheveux plaqué par ce bain à peine consenti, la sensation des ongles d’une traitresse sur sa chair encore présente. Il papillonne du regard, chasse l’eau, les tremblements demeurent, il claque des dents, mais la douleur reflue, elle s’engourdit à l’intérieur. Et il tousse. Tousse tant et plus pour parvenir à respirer, respirer encore. Cette envie de hurler qu’elle cesse de le torturer, qu’elle cesse enfin. Il regarde le halo de flammes de ses cheveux et l’angoisse sur ses traits, qu’il est parvenu à transmettre. Sous la rage retrouvée, il semble lui dire merci. Merci à sa façon :
_ Putain de bordel… Isolde. Je t’ai dit de ne pas venir dans cette foutue chambre, pas de venir me noyer !
Tout est très saccadé, il a si froid, même si l’eau se mélange à sa chaleur trop prégnante, devient un bain tiède où flotte toutes ses pensées. Il y en a trop, impossible de trier, il cherche à saisir la faïence, pour s’appuyer, il tombe sur sa peau, comme aimanté. Un touché glacé en guise de vie recouvrée. Il songe à se garder de la frôler mais il reste, il maintient le lien, le lien bat trop fort maintenant. Il ne peut jamais la fuir, même dans la mort. Sans doute qu’elle ne voulait pas qu’il crève sur son parquet… Sans doute. Des mensonges dans la tête, un dernier soupçon d’angoisse sur les lèvres, alors que ses genoux se replient contre lui, pour chasser ce froid qui l’enlace :
_ Leela… Leela… n’a rien… rien entendu hein ?
Il peut se voir damné par l’absence de ses regards qui savent tout, et le retrouvent toujours. Il peut subir sa peine, sa colère, ses jugements harassants. Cette envie qu’elle a de l’envahir sans pour autant assumer entièrement qu’elle le fasse. Mais pas de porter la peur fragile dans les yeux brillants de la gosse, non. L’enfermer dans un traumatisme, et porter cela encore, ça il ne peut pas, il ne veut pas. Il ne veut rendre les coups qu’à sa victime consentante.
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() message posté Lun 26 Déc 2016 - 13:31 par Invité

« Still she gives you everything you need… Is it enough ? »
james & isolde




Les forces convoquées sont récalcitrantes. Elles consentent à être malmenées mais ne supportent plus qu’on les pousse dans leurs derniers retranchements. La prise d’Isolde autour de la léthargie maladroite de ce corps brûlant se renforce, l’empoigne encore, chercher à trouver un équilibre précaire pour le mener là où elle a l’intention d’aller. Ses jambes tendues, ses jambes sont raides. Elles en ont marre de devoir le supporter, veulent elles aussi se reposer. Mais elle le leur interdit, les maintient tendues comme des arcs, fait un pas, puis deux, puis trois. Ils n’avancent pas assez vite. Il ne coopère pas assez, perdu qu’il est dans cette fièvre qui déraisonne, devient incontrôlable. Les battements de son cœur s’accélèrent, la montée d’adrénaline lui donne un regain d’énergie qui en revanche, lui noue l’estomac jusqu’à lui donner la nausée. Ses dents se serrent, quand elle le hisse contre elle à la force de ses bras, une complainte s’en échappe. Les muscles crient, refusent de porter trop longtemps ce poids qui se dérobe déjà et qui pourrait l’écraser si elle le lâchait dès à présent. Elle jure dans sa mâchoire serrée, une fois, puis deux, puis trois. A chaque pas qu’ils font en réalité, car a douleur dans son dos s’est réveillée. C’est une ritournelle lancinante, un picotement qui s’accentue, qui traverse l’échine et court le long de la colonne jusqu’à laisser les membres inférieurs totalement absents et indolores. Il délire. Elle ne répond pas, trop concentrée qu’elle est à tempérer sa propre douleur et à le guider vers une rédemption illusoire. Le combat mené contre cette fièvre harassante est rude. Plus rude qu’elle ne l’aurait songé au départ. C’est qu’il s’agit d’une adversaire plus fourbe qu’elle n’y paraît, qui fait une ascension discrète, puis tout d’un coup fulgurante. Et si l’on ne parvient pas à la stopper avant le paroxysme, elle gagne à tous les coups, redoutable qu’elle quand l’héroïne encourage ses élans. De quoi parle-t-il ? Là-bas ? Où ? Voilà encore des indices de sa folie qui se faufilent dans son esprit, s’y installent, patientent jusqu’au moment propice pour refaire surface. L’a-t-on un jour enfermé entre quatre murs trop blancs ? Est-ce de là qu’est née sa peur terrible de l’enfermement ? Un pas de plus. Un pas plus grand cette fois, vers les réponses qu’elle attend.

« Mais oui je te laisserai tranquille … Plus tard … » peste-t-elle entre ses dents lorsqu’il ne coopère pas encore autant qu’elle le voudrait. Le fait qu’il ait délaissé le silence de l’inconscience la rassure. Elle préfère qu’il parle, qu’il l’injure, qu’il peste plutôt qu’il s’abandonne à des silences intouchables. Elle ne l’écoute toujours pas cependant. Ou du moins, n’accorde aucun sens à ses complaintes qui se heurtent à ses résolutions, et retombent sur le sol sans avoir réussi à en rider la surface. Enfin il l’aide davantage, mais brusquement, son corps a un affaissement. Un affaissement qui lui fait l’enserrer plus encore de son bras qu’elle a placé autour de sa taille pour le soutenir. Ses genoux craquent, manquent de plier à leur tour et les laisser retomber tous deux au point de départ. Mais heureusement il se rattrape, lui donne l’occasion de se redresser et de faire quelques mètres supplémentaires jusqu’au lieu de prédilection. Leur déambulation traînante fait un tel raffut qu’elle se demande comment Leela peut dormir encore. Elle envie la profondeur de son sommeil, qui lui permet de mettre un voile sur des réalités trop crues. Espère intérieurement qu’ils n’auront pas troublé la paix du repos enfantin. La prise autour de son corps se relâche lorsqu’il s’assied sur le rebord de la baignoire. Elle le libère, le laisse presque retomber dans l’eau fraîche. Ses doigts à elle glissent le long de l’émail, retrouvent les robinets qu’elle coupe. Son sang pulse dans ses veines à un rythme toujours effréné, ses jambes s’affaissent enfin, et elle demeure assise sur le carrelage glacé de la salle de bain, l’avant-bras posé sur le rebord de la baignoire, ses doigts allant fureter avec l’eau dont la température change peu à peu. Elle se redresse, l’aide un peu à s’asseoir, le laisse s’ensevelir sans intervenir. Ses traits sont dévastés. Par la fatigue, par l’inquiétude. On dirait qu’à tout instant elle pourrait se rompre, déverser des larmes amères sur tout ce qui l’entoure. Mais ses joues restent sèches. Seuls les ridules d’inquiétudes sur son front paraissent se tordre, et pendant un instant, elle est si marquée qu’elle semble avoir vieilli prématurément. Le silence qui s'installe quand il décide de combattre la fièvre en la noyant toute entière la bouleverse. Isolde a l’impression d’être sur un fil tendu au-dessus d’un précipice. Avancer ? Reculer ? Interdite, elle ne sait pas. Alors elle attend, immobile, est en apnée elle aussi, à compter l’éternité des secondes qui s’accumulent. Elle sursaute quand il se redresse, vient placer une main dans son dos, le tapote mécaniquement quand il tousse, semble vouloir l’aider à chasser l’eau qu’il a dû avaler. La rage dont il l’affuble enfin la rassure. Enfin elle aperçoit l’aigreur du James qu’elle connaît. A la pensée que la lutte leur accorde une accalmie, ses nerfs se brisent, la corde tendue sous sa chair se rompt. Sa main droite retombe inerte à la surface de l’eau, l’autre se pose sur le rebord de la baignoire. Elle s’y appuie, plus rien ne semble la maintenir. Et elle n’en eut plus en réalité, non, elle n’en peut plus. Même ce reproche dont il l’affuble devient insupportable. « Tais-toi, sinon je recommence. » un murmure las à peine audible, alors que ses doigts se referment autour d’un gant, le trempent, remontent le long de son dos encore trop chaud pour lui mouiller la nuque. Sa paume rencontre le dessus de sa main, et contre toute attente, cela la rassure. Elle ne cherche pas à se dégager de ce lien retrouvé, commence à amorcer une réponse à la question qu’il vient de poser. Mais c’est une autre voix qui s’élève à la place de la sienne. Une voix endormie, qui oscille entre la conscience du réveil et la torpeur du sommeil retrouvé. « Maman il y a quelqu’un dans la maison … et du bruit …» Plantée sur le seuil de la porte ouverte, Leela se frotte un œil, cachant l’autre avec l’oreille de son lapin en peluche rapiécé. Elle dort encore à moitié en réalité. A été éveillée par le bruit, sans réellement pouvoir lui donner une signification. L’onirisme teinte encore ses paupières alourdies. Elle ne s’avance même pas dans la salle de bain, reste au-devant de la porte, alors qu’Isolde avance prudemment à sa rencontre. « Oh Leannan … Pardon de t’avoir réveillée. Viens … Tout va bien … Ce n’est rien. » Ses bras se referment autour de son corps menu, elle sent d’ores et déjà sa petite tête qui s’affaisse contre son épaule. Leela baille, émet un bruit de suçotement avec sa bouche, croise du regard la silhouette de James sans réellement le reconnaître. Elle murmure juste, à l’orée du sommeil un : « Maman … Il y a … Picot dans l’eau …» Sa paume retombe, elle s’est rendormie aussi vite qu’elle s’est éveillée. Isolde la ramène avec prudence dans son lit, l’y dépose, l’enveloppe dans sa couverture, embrasse son front enfin. Quand elle revient vers la salle de bain, le pas est traînant, le mental ne sait plus bien à qui, ou à quoi se raccrocher. Son cœur bat lentement dans sa cage thoracique, n’est plus qu’un bruissement indistinct qui lui rappelle qu’elle est en vie et que tous les affronts ne l’ont pas encore terrassée. Elle s’affaisse de nouveau sur le côté de la baignoire, reprend le gant entre ses doigts, le trempe, mouille sa nuque encore. « Elle a un sommeil profond, elle n’était pas assez éveillée pour comprendre. Je ... Je lui expliquerai demain. » ses gestes répètent le même refrain. L’eau est tiède à présent, mais son corps beaucoup moins brûlant. Même son poult semble s’être apaisé. « Comment tu te sens ? » murmure-t-elle avec un calme trop prégnant, n’étant plus capable d’aucun élan impérieux pour l’instant.




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James M. Wilde
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() message posté Mer 28 Déc 2016 - 12:10 par James M. Wilde



« Sigh, static moans
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And it's coming my way
Still she gives you
Everything you need
Is it enough ?
You're running out of time
As it grows in your eye
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Isolde
& James




S’abandonner à l’onde glacée stoppe un instant la fièvre ainsi que les pensées qui surnagent et finissent par se fracasser contre le rebord de la baignoire. Il n’est plus rien qui ne soit qu’automatismes pendant de longues minutes : tousser l’eau qui l’empêche de respirer, évacuer tous les troubles nerveux alors que la fièvre embrasse une dernière fois sa peau et devient un cocon vide, pulsant d’un abandon qui frôle l’amorphe. Il voit ces tons blanchâtres qui l’entourent, l’émail, le revêtement, sa peau, même celle d’Isolde qui a perdu toutes les teintes qui trahissaient la vie, et rien ne semble bouger si ce n’est le clapotis de la flotte tout autour. Mécaniquement encore, il se passe une main dans les cheveux, pour empêcher qu’ils lui dégoulinent sur la tronche, hérisse des humeurs qui se révèlent au détour d’une remarque qui provient du coeur. Cette vie qu’il fuyait, cette vie qu’il abhorre vient de lui revenir dans un corps fourbu, douloureux à l’extrême et ses pensées qui ressurgissent du flot noirâtre de ses aigreurs sont façonnées par le remords et la colère. Le remords d’avoir cherché à mourir. La colère d’être parvenu à survivre. La folie est partie elle aussi, elle ne demeure qu’une toile de fond indéchiffrable, il ne se souvient plus trop ce qu’il a pu dire ou faire depuis qu’il est entré dans cet appartement. Il sait qu’elle est là, avec lui, qu’elle a dû rester tout du long de cette ascension malsaine à ses côtés, et maintenant qu’il la jauge, elle paraît avoir subi autant dans les envolées de ses désespoirs, si ce n’est plus. Il sent sa main au travers du gant contre sa nuque et il se tait, parce qu’elle lui demande. L’on ne refuse rien à celle qui vient de vous absoudre dans un baptême salutaire. Il se tait de très mauvaise grâce cependant, l’on devine qu’un James presque pleinement conscient est un malade hautement pénible à entourer, à croire qu’il lui faut être impossible jusqu’à la tombe… Il contemple la surface du bain à présent tiède, s’y sent à la fois pathétique mais éminemment protégé, sans doute parce qu’il garde sa main sur la sienne et qu’elle continue de déjouer les dernières morsures du feu qui fait presque ployer sa nuque. Sa main étreint un peu plus la sienne lorsqu’il commence à cadrer la réalité avec les peurs encore diaphanes, et comme conviée dans le théâtre immonde des déraisons d’adulte, Leela apparaît, plutôt que de s’en garder. Et là il se tait complètement, il s’abîme dans un silence qui fait battre son coeur jusque dans cette main qui lui échappe, cherche à faire ton sur ton, blême sur blafard, tableau moderne des suicidés dans les baignoires, la coiffure rock en plus. Le surnom le frappe, et il pousse la composition jusqu’à étendre un léger sourire rassurant sur ses lèvres, quelques sursauts d’une normalité illusoire dans tout ce qui sort du cadre qu’il se plaît toujours à confronter. La petite n’a pas l’air traumatisé, juste arrachée trop tôt à ses songes, alors il fait comme si se trouver dans une baignoire, à des heures indues, tout habillé, appartenait à une lubie assumée plutôt qu’à un accident de parcours. Il regarde la vierge à l’enfant quitter les ambiances glauques de ses alentours, puis se confronte à quelques secondes de solitude qui le harcèlent. L’aigreur se renforce et reprend sa digne place dans son être écorché vif, il est surpris de constater qu’Isolde reparaît et reprend méthodiquement ses gestes d’apaisement. La main de James revient se poser sur la sienne aussitôt, et il s’entend murmurer dans la moiteur de la salle de bain :
_ Tu vas lui dire quoi ? Que les farfadets aiment bien parasiter les foyers et prendre des bains gelés parce que leur nature fourbe les rend fiévreux ? Pauvre gosse…
Il regarde son reflet qu’il finit par brouiller d’un geste agacé à la surface de l’eau et manque de grogner qu’il se sent vraiment comme un putain de connard. Il s’abstient cependant, il n’a pas l’énergie nécessaire pour s’énerver véritablement, même contre sa propre perdition. Il laisse passer des secondes qu’il confie à la contemplation du visage d’Isolde, où la fatigue a tant jouté avec la peur que la lutte a laissé des marques dans les traits qu’il connaît, les rendant bien plus figés, masquant une détresse que l’on devine en cherchant à les dénouer. Il répond à côté :
_ La fièvre est quasiment entièrement tombée.

Son soupir convoque les parcelles de forces qui n’ont pas entièrement été corrompues par l’héroïne et il s’extrait avec lenteur de son tombeau aquatique, le prophète des temps sombres plus ou moins ressuscité. Bizarrement, aucun chant céleste ne tinte à ses oreilles, ce serait plutôt toutes ces compositions les plus noires qui viennent l’accompagner. Il commence à se sentir ridicule dans ses vêtements mouillés, qui plus est dans un inconfort croissant dès lors que ses nerfs peuvent traduire d’autres sensations que la souffrance la plus rude. L’eau grommelle de sentir son fardeau s’élever vers les cieux et il la fait taire en la libérant d’un geste las. Lorsque ses pieds nus touchent le sol, il lui faut se concentrer pour ne pas s’écrouler. Il s’enroule dans la serviette qui fut déjà d’un secours quelconque plus d’une heure auparavant, après s’être débarrassé de ses frusques les plus encombrantes, puis vient doucement s’assoir derrière Isolde, silhouette désoeuvrée qu’il a su pousser dans ses retranchements les plus incertains. Si ses jambes viennent se placer à côté d’elle, il ne la touche pas avant d’avoir dit sur le ton d’un constat où se devine le regret :
_ Tu as mal…
Il n’effleure pas uniquement les maux physiques mais se trouve bien incapable d'apaiser ceux de ses pensées lorsqu’il pose ses lèvres sur le tissu de la chemise qui orne son épaule. Il a su l’accabler des blessures qui lui était uniquement destinées, ses songes vacillent, bien ou mal, pour James, tout cela est toujours très délicat à discerner. Il préfère ne pas chercher à statuer ce qui est déjà insinué dans leur relation trop compliquée. Sans dire un mot de plus, ses doigts dont l’agilité est amoindrie par la valse éreintante du manque viennent localiser en surface les points de rupture qui navrent sa chair. L’humidité de son propre corps vient révéler la peau sous le tissu devenu par endroit translucide, déguisement fantomatique du mal-être qui glisse sous la pulpe. Il frôle, joue de son corps, les articulations des essences charnelles sont comme une autre musique, il cherche à mater les douleurs les plus nouvelles, ne fait que caresser les plus anciennes, elles échappent à ses instincts tant qu’elles n’ont pas été narrées. Il les suit comme pour les reconnaître, puis s’intéresse surtout à celles qui contractent les muscles, remontant des lombaires jusqu’à sa nuque. Oui… Elle a mal. Ses lèvres reviennent se poser sur son épaule :
_ Viens dormir. Au moins quelques minutes.
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() message posté Jeu 29 Déc 2016 - 10:42 par Invité

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james & isolde




Tout avance à un rythme engourdi par le goudron épais du désespoir. Ses mains s’animent, mais elle ne sait plus pourquoi à la fin. C’est un mécanisme. A croire que prendre la mesure d’un geste la rassure, berce cette obscurité qui lui cisaille l’esprit de part en part. A l’orée de sa peau encore tiède, ses doigts se pressent autour du gant trempé, plongent encore, remontent. Elle aurait pu continuer ainsi pendant des heures, à se concentrer tant sur ce simple geste que son esprit s’en trouvait désespérément vide. Mais le vide était salvateur, avait l’effet d’un baume qui lui permettait d’oublier la tension nerveuse qui la rongeait toute entière. Isolde ne cherchait plus à rendre au temps sa réalité, ni à savoir quelle heure il pouvait bien être. Cette nuit avait été de toute façon bien trop longue quoiqu’il arrive, et elle devinait déjà que le jour ne parviendrait sans doutes pas à en effacer toutes les traces. Au fil des secondes, la cécité devient un rempart derrière lequel elle se calfeutre. Les pensées se tapissent, les impressions se dissimulent. Ses sourcils se froncent légèrement alors qu’elle se concentre sur ce geste simple et répétitif. Il nettoie les blessures, il nettoie les injures, les peurs aussi qui étaient beaucoup trop impérieuses ce soir. Mais elle n’oublie rien, non, elle ne peut pas. Son corps se tend d’une crainte nouvelle : celle qu’il recommence, que ce périple-là arrive encore. Tel qu’elle le connaît, elle se doute que les démons resurgiront tôt ou tard. La question qui la taraude est de savoir si elle sera là à ce moment pour les affronter encore, ou si elle estime ne pas pouvoir endosser ce rôle. Partir, lui tourner le dos, refuser d’être malmenée dans sa chair, était-ce si lâche de sa part ? Le prix à payer pour cet attachement devait-il être si brutal ? Isolde se posait tant et tant de questions qu’elle avait à peine entendu la sienne, au sujet de Leela. Ses paupières battirent la mesure du vide étrange qui l’entourait, son geste s’interrompit un instant. Elle ne savait pas encore ce qu’elle lui dirait. Une vérité déguisée sans doute. « Je ne sais pas encore. Laisse-moi juge de ce que je lui dirais, d’accord ? » un murmure sans vie, un murmure las qui se détachait de lui. Il trahissait l’enfermement lointain dans lequel elle se trouvait, semblait avoir été convoqué depuis une distance infinie. Ses prunelles s’égaraient dans un espace sans forme, n’avaient jamais semblé si vides qu’elles ne l’étaient en cet instant. Elles l’étaient aussi d’habitude pourtant, mais traversées des lueurs fugaces de ses humeurs, elles semblaient se mouvoir un peu, se colorer au gré de ses ressentis. Là, il n’y avait qu’une vérité crue, une surface sans profondeur qui ne reflétait rien des lumières de la pièce. Elles ne renvoyaient que du vide. Un vide qui ne fut ni comblé, ni rassuré lorsqu’il lui annonça que la fièvre était presque entièrement tombée.

Isolde laissa retomber le gant au fond de l’eau lorsqu’il jugea bon de s’en extraire. Elle ne bougea pas, demeurant assise, accoudée de moitié contre cette baignoire, la pulpe des doigts de sa main vacante venant fureter avec les aspérités du tapis de bain sous ses fesses. « Il y a des serviettes … Sur le radiateur … Je crois. » Même parler devient difficile, convoque des forces qu’elle ne détient plus depuis longtemps. Son sang pulse dans chaque partie douloureuse de son corps, accélère le poult, le rend entêtant contre ses tempes. L’épuisement devient un ennemi malin contre lequel il lui est difficile de lutter. Sa silhouette demeure interdite quelques instants. Sans doute aurait-elle dû se lever, l’aider à se sécher, ou à ôter au moins en partie ses vêtements trempés pour les placer contre le radiateur. Mais elle n’en fit rien. Seul son souffle s’interrompit quelques instants en sentant sa présence d’une tiédeur humide dans son dos. Une fois encore elle ne répondit rien, son corps s’en chargeant à sa place en étant secoué de légers tremblements nerveux. Lorsque ses lèvres entrèrent en contact avec sa peau à vif, un tressaillement la parcourut de part en part, contractant les muscles davantage. Des muscles craintifs, qui rejetaient les éléments extérieurs et les contacts délicats par instinct primaire de sauvegarde. Sa colonne se dresse, se tend davantage. Chaque caresse est un affront qui froisse la surface fragile de ses chairs meurtries. Mais au gré de leur parcours, à défaut de se détendre, elle s’affaisse légèrement. Le dos se courbe, ploie, les épaules tombent légèrement, ses bras trouvent un moment le réconfort de l’étreinte autour de ses propres genoux. Un tremblement plus long se répand comme une onde glacée contre l’échine, déferle jusque dans les jambes en des fourmillements désagréables. Son pied droit ne répond plus à l’appel pendant quelques secondes, mais cela va revenir.  « Oui … Je suis fatiguée. » Un constat évident. En vérité elle ne parvenait plus à s’encombrer des civilités qui se complaisent en des phrases trop longues et inutiles. Sa paume tâtonne sur le côté, se referme autour du rebord, s’y appuie enfin pour l’élever. Sa jambe se rappelle à son bon souvenir en lui intimant qu’elle est restée assise dans une position inconfortable pendant trop longtemps, alors elle claudique légèrement jusqu’à l’embrasure de la porte. « Tu peux … Laisser sécher certaines de tes affaires sur les radiateurs si tu veux. » Son index trace un sillage le long du mur, remonte le couloir jusqu’à sa chambre. Un pas, deux pas, trois pas, au quatrième elle peut enfin rencontrer le bout du lit.  « James ? » interroge-t-elle l’obscurité avec une crainte latente non dissimulée. Lorsque le bruit de son souffle lui répond dans la pénombre, elle poursuit sa requête : « Viens ... Viens avec moi s'il te plaît ... » Elle a peur de le laisser tout seul en réalité, de ne plus savoir, de ne plus contrôler. Elle préfère le savoir à ses côtés que d’ignorer ce qu’il pourrait faire, calfeutré dans les affres d’une chambre trop éloignée. Elle n’a plus confiance ce soir, ne peut plus supporter de craindre, d’appréhender, quand la tension dans son corps est déjà bien trop prégnante pour être supportée.





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James M. Wilde
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() message posté Jeu 29 Déc 2016 - 19:09 par James M. Wilde



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Isolde
& James




Les questions fusent mais ne parviennent plus à s’accrocher suffisamment à son esprit alangui pour qu’il ne les soupèse. James les trouve toutes informes, inutiles voire impropres. S’il se demandait lorsqu’il a pénétré dans cette demeure tout à l’heure comment en sortir au plus vite pour ne rien y briser, à présent qu’Isolde est au sol, dans des plaines affadies et lointaines qui semblent à mille lieues de celles qu’il foule, il lui semble ne plus pouvoir jamais partir d’ici. Et ce n’est guère l’enfermement qui sonne l’horreur dans sa tête, c’est le pas lourd de la fatalité, un, deux, trois. Tel une valse inéluctable. Un. Deux. Trois. Tu dois rester là. Un. Deux. Trois. Tu ne partiras pas. Et à vrai dire, vu l’état dans lequel il arrive encore à vivre, c’est tant mieux car aucun doute qu’il n’eut effrayé les âmes matinales en se montrant ainsi, aux lueurs crues de l’hiver qui s’éveille soudain. Alors non, la fatalité et s’y ranger sans grognement qui viendrait la perturber. Ses lèvres se posent sur sa peau mais ce n’est pas un baiser, c’est un constat de l’inéluctable attraction de la fatigue et de la panique assassinée. Elles furètent toutes deux sur sa peau et il souhaite dormir, dormir enfin, pour croire sans doute que rien de tout cela ne s’est déroulé sous leurs prunelles navrées et impuissantes. Il conçoit qu’elle veuille donner une version enjolivée à Leela, lui-même ne saurait vraiment que dire qui s’approche de la vérité sans qu’elle ne soit pleine d’effroi si bien qu’il a opiné, en glissant un son d’assentiment entre ses lèvres closes, il lui laisse son devoir, il ne cherche pas à s’y immiscer. Être là, dans un état terrible, c’est déjà trop pour l’intrusion, il ne peut pas improviser un rôle d’adulte quand il a fui la majorité de ses responsabilités ces quatre derniers jours. Il ferme les yeux, il ne veut pas penser à ceux qu’il a abandonnés, surtout qu’à la faveur des idées déjà ensommeillées ressurgissent des visages et des mots. Ces mots qu’il a jetés avant de s’enfuir, ces visages qu’il a agoni en pensée avant de disparaître. Où sont-ils, que croient-ils donc, la vie a-t-elle attendu qu’il reparaisse ou s’est-elle contentée de l’absence pour finir par lui donner des atours d’inconséquence ? Des questions qui gisent bientôt à ses pieds, à ne pas vouloir les considérer. Il la sent se tendre, échapper sans pour autant réussir à totalement le repousser, le corps ne fait que ployer pour se soustraire au contact alors le contact cesse, il se retire. Il se lève, lui donne une main pour qu’elle s’appuie puis la retire aussitôt, ils reprennent cette danse où chacun ne sait plus quelle est sa place. Surtout lui… A priori, sa place n’est pas ici, elle ne devrait pas l’être, quelque chose le lui dit mais il ne sait encore s’il lui faut y croire. Peser alors que tout vous glisse des mains, les souvenirs et la détermination, n’est pas chose aisée, mieux vaut subir encore. Encore un peu. Sa voix ténue le rappelle à des automatismes qu’il venait déjà de perdre, dans quelques temps balancés au silence, et il secoue sa tête, ramasse ses fringues détrempées à défaut de ses pensées opaques, les essore au-dessus de la baignoire, les dispose soigneusement sur la chaleur qui saura les lui rendre un jour, débarrassés de leurs stigmates. Quand lui les portera toujours. Il ne se souvient pas d’avoir choisi ce t-shirt jusqu’alors, il lui apparaît étranger et étrange à présent que c’est le radiateur qui l’arbore…

Il la suit, à une distance respectueuse, peine un peu à rassembler les facultés qui le font toujours se mouvoir avec aisance, le félin s’est cassé au bout du second sursaut de la fièvre il faut croire, il ne demeure que la trace de ses pas au sol et… James marche, suivant les traces, mais ne recompose guère les mouvements, il en est incapable. Il regarde alentour, le lit est toujours là, d’autres empreintes portent la trace de son passage, sans doute devrait-il se laisser tomber ici, la regarder échapper pour de bon, mais il marche, il la suit, un magnétisme arrimé à la fatigue, cette fatigue immense qui encombre ses respirations. Il perd bientôt trace de sa silhouette, même s’il la devine encore dans le décor de cette chambre qui fut le théâtre de ses dernières angoisses, son prénom en surgit, il demeure interdit sur le seuil de sa propre porte. Un couloir pour fossé, il oscille encore, à attendre le bout de cette interminable route, chemin d’une croix qu’il a lui-même sculptée, puis brûlée. Sa respiration lui répond, lui répond même doucement, chaque souffle s’envole vers elle, pour attendre la suite, qui ne tarde guère à l’atteindre. Il scrute les ténèbres qu’elle habite, revêt les siens, hésite un très bref instant comme si la rejoindre sous tendait d’autres épreuves à surpasser. La solitude du sommeil lui fait peur, mais ne plus jamais pouvoir y faire face l’angoisse plus encore. Il considère le lit qui a su le retenir à peine une heure, recouvre les cauchemars qui furent tous transcendés par la présence d’Isolde, soupire. Quitte à ce qu’elle soit dans ses pensées, autant qu’elle soit tout à côté, il reconstruira les heures solitaires plus tard, quand il sera parti. La nécessité ne pourra guère être contournée, mais elle n’a pas à être subie dès à présent. Sans dire oui il passe le couloir, entre dans son domaine les épaules basses. Y être invité ne le rassure pas plus que lorsqu’il a souhaité la rejoindre dans les sursauts de la panique. Il referme la porte avec douceur, frôle du bout des doigts le loquet qui constitua la barrière à sa lutte, il cesse comme s’il s’était brûlé, son souffle s’interdit de bloquer une respiration qui devient de plus en plus nécessaire à présent qu’il faut se battre contre le sommeil. Il la regarde, la rejoint. Sa silhouette dans les ombres font d’elle un fantôme, et il revoit les traits confiés au blâme de sa nature affreuse, en ressent un frisson, alors que la serviette ceint toujours sa taille. Ils forment de parfaites figures antiques dans les lueurs glacées d’un jour qui atermoie encore, l’aube est trop délicate pour s’élancer dans une vivacité feinte, il lui faut égrainer la peine de se dévoiler. Il n’ose pas la toucher, il ne sait pas pourquoi. La froideur serpentine qu’il a devinée tout à l’heure l’a atteint sans qu’il ne puisse réellement l’isoler. Il attend qu’elle se glisse entre les draps, puis se love de l’autre côté, derrière elle, leurs chaleurs se goûtent mais leurs corps ne se touchent guère. La tête sur l’oreiller, il a les réminiscences de l’étreinte qu’elle lui fit avant de l’enfermer, l’ignominie de lui en vouloir une trop longue seconde. Cette injustice de son caractère le navre, il a conscience qu’elle a également su le délivrer, et ce par deux fois répétées. Il respire ses cheveux, cherche à apaiser cette fatigue qui pèse tant qu’il lui semble ne pas pouvoir y céder sans abandonner le peu qui lui reste de lui, alors il garde les yeux ouverts, cherche à écouter le souffle d’Isolde, comme pour accorder la mécanique broyée de son corps à la sienne. Il y a trop de silence, il y laisse tomber un murmure, un seul :
_ Rien ne sera plus pareil.
Et il sait pertinemment que cette vérité là a deux faces tout aussi effroyables. L’évolution nécessaire pour faire perdurer ce qui a su se lier un soir d’orage, ou la chute fatale qui pourra blesser la ligne et la rompre enfin. Dans tous les cas, rien ne sera plus jamais pareil sans doute. Voilà pourquoi il ne veut pas refermer cette nuit, car il ne sait ce qu’il saura trouver à son réveil. Son soupir vient orner la nuit dans son agonie, le jour bataille au dehors, il est trop tôt et bien trop tard pour tout inverser. Il dessine un geste, caresse l’air pour se souvenir de ce qu’elle est, de ce qu’elle sait représenter, quoiqu’il arrive il aimerait s’en rappeler… Il souffle :
_ Dors à présent, dors, Isolde. Je vais rester là, je ne m’en irai pas.
Pas encore, pas maintenant, dit la terminaison de la phrase qui s’éteint dans la chambre. Et James garde les yeux ouverts sur l’absence de ce sommeil qu’il se refuse encore. Il veut entendre Morphée étreindre Isolde, l’emporter loin de lui, il songe presque qu’il lui faudrait l’entendre rêver, et ses pensées confiées au roulis des prémices de l’endormissement l’emportent vers d’autres notes, d’autres mots, il aimait tant ce poème. Il l’aime encore, il l’aime sans doute plus car il a l’impression qu’il la représente quelque part. Les vers filtrent de ses lèvres, lorsqu’il croit qu’elle dort, comme pour l’accompagner dans des contrées qui lui seront à jamais étrangères. Déjà qu’il envahit sa vie, il ne peut pas imaginer habiter dans ses songes :
« Mais moi qui suis pauvre et n'ai que mes rêves,
Sous tes pas je les ai déroulés.
... Marche doucement car tu marches sur mes rêves. »

Et il s’en va marcher à son tour, retrouver les pays symphoniques et chimériques, ses yeux se ferment. Se ferment… Vers ces lendemains, ces ailleurs qu’il ne connaît pas encore.
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Anonymous
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() message posté Ven 30 Déc 2016 - 10:41 par Invité

«  Still she gives you everything you need… Is it enough ? »
james & isolde




La texture soyeuse des draps n’est plus aussi sécurisante qu’elle ne l’était auparavant. Toutes ses pensées s’affaissent, s’affadissent. Elle est blême de constater que l’horreur a laissé des traces. Des traces qui s’imprègnent dans sa chair, sous chaque épine douloureuse de l’épiderme. Ce ne sont pas des images qui se rappellent à son bon souvenir, ce sont des sensations. Sa peau poisseuse, tremblante, brûlante et glacée à la fois. La tonalité de sa voix dans les cris éraillés par la haine et la douleur. La douleur, elle est partout. Elle la touche presque à l’orée des songes, les doigts tremblants de convoquer un instant la réminiscence de cet appel désolé qui les ont précipité dans un endroit étrange, qu’ils ne connaissent pas encore. Déjà elle comprend que ce qu’ils étaient n’existe plus. Que s’ils sont amenés à parcourir le même chemin encore, il leur faudra créer un autre parcours pour arriver à la destination qu’ils convoitent. Mais son esprit lui rappelle ses erreurs. S’arrimer à lui, se plonger dans son univers, c’est une erreur, elle le sait. Pourquoi la faire dans ce cas ? Pourquoi prendre le risque ? Si elle entrevoyait des réponses à ces questions, aujourd’hui tout en brouillé, tout est enlisé dans un goudron épais. Le savoir à ses côtés la rassure, a su fait naître des apaisements aussi intenses que les tourments qui ont suivi. Etait-ce le prix à payer pour côtoyer James ? Subir les tourments de l’âme en compensation des instants trop paisibles qu’il est capable d’offrir ? Se laisser pourfendre par sa haine autodestructrice pour apercevoir encore l’intensité de ses réactions ? Sa tête la fait souffrir, l’étouffement est proche. Le noir devient une arme qui se retourne contre elle et attend, patiemment au-dessus de sa tête, épée de Damoclès qui n’hésitera pas à fendre le crâne en deux à la moindre occasion. Elle se masse le front d’une main, se glisse dans les draps comme un automate rouillé qui pourrait grincer à chaque mouvement. Quand enfin sa nuque repose contre le moelleux de l’oreiller, elle la sent encore raide. Elle ne veut pas ployer dans la douceur, ne parvient à s’apaiser qu’après un temps trop long. Il semble hésiter à la rejoindre, et elle ne l’incite plus à venir, le laisse seul juge, sent déjà que son dos la remercie de s’être ainsi allongée. Tout cela, s’était trop. Pas tant pour son esprit, qui semblait pouvoir parer à n’importe quoi, mais pour son corps. Ce corps fragile qu’elle sollicitait trop par rapport à ce qu’il était capable de concéder. Ce corps qui du jour a lendemain pourrait décider de s’affaisser pour ne plus jamais se relever. Elle oubliait parfois que les os brisés se rappelaient. Qu’eux aussi avaient une mémoire, et n’hésitaient pas à se venger lorsqu’on les injuriait un peu trop. Le constat qu’il émet après s’être lové à ses côtés se reflète dans les pensées qui l’assaillaient déjà. Le silence qui lui répond, ponctué d’un soupire, en dit plus long que n’importe quelle phrase. Oui, rien ne sera plus jamais comme avant. La douceur des premières impressions, la passion de la rencontre se sclérosait. Et elle était incapable de dire ce qui pourrait prendre la place. Elle lui en voulait, terriblement. Beaucoup trop pour lui pardonner l’horreur de cette soirée. Tout était trop frais encore, trop ressenti. Il lui fallait prendre du recul, se soustraire à sa présence pour comprendre si elle pouvait s’en passer, ou s’il était déjà trop tard. Le murmure qui suit la rassure et l’effraie tout en même temps. Qu’il reste l’apaisait, qu’il reste la terrifiait. Que pourrait-il faire encore, qui les plongerait dans la monstruosité du chaos ? Lui accordait-il un réel répit ou n’était-ce qu’une feinte pour la pousser dans ses pires retranchements encore ? Isolde déglutit, presse ses doigts autour des draps qu’elle finit par remonter sur ses épaules pour s’y dérober. Le silence la tient encore. Les mots sont trop difficiles à prononcer. Ses lèvres sont figées, arrimées l’une contre l’autre, ne laissent filtrer qu’un souffle régulier parfois entrecoupé de soubresauts légers. Et ses vers la cueillent. La cueillent quand elle pensait simplement lui tourner le dos et dormir. Lui tourner le dos pour ne plus jamais avoir à le regarder vraiment, pour se détacher de cet être qui avait été le seul à lui faire franchir de telles limites. Yeats. Elle s’en rappelait, avec une douceur délicate qui rendit aux songes naissants des couleurs moins ternes. Son corps se détendit un peu, ses doigts furetèrent le long des draps jusqu’à trouver les siens, se refermer fébrilement autour d’eux, s’abandonner enfin à l’onde du sommeil. Et elle dormait déjà. Elle dormait d’un sommeil si profond qu’il n’y avait rien, à part l’obscurité, un noir épais qui la plongeait dans une inconscience absolue et réparatrice. Les premiers rayons du soleil, qui filtrèrent rapidement à travers la brume de l’hiver contre les vitres closes n’eurent pas de prise sur elle. L’obscurité lui faisait oublier la temporalité, rendait les jours plus longs et les nuits plus courtes. Et dans les bras de Morphée (ou était-ce quelqu’un d’autre ?) elle oubliait tout. Elle oubliait qui elle était, elle oubliait la douleur, elle oubliait la présence de James, elle oubliait les pleurs de Leela. Plus rien n’existait. Même elle, elle n’existait plus.

Il devait être aux alentours de huit heures lorsque Leela s’éveilla, la mine encore déconfite. Elle avait trop pleuré la veille, et ses petits yeux endormis étaient encore rouges. Mais son teint était frais, réconcilié. Le sommeil avait eu cet effet réparateur qu’il a souvent sur les enfants. Il leur rend leur innocence, apaise leurs chagrins, les rend lointains et indistincts.  Elle se frotta les yeux, s’extirpa de son lit en gardant lové sous son bras son lapin en peluche. Elle avait école, normalement, aujourd’hui. Mais elle n’avait pas envie d’y aller. Elle ne voulait pas se confronter au théâtre de ses chagrins d’hier. Etait-ce pour cela que sa mère ne l’avait pas réveillée à temps ? Pour lui épargner ce moment où il faut retourner affronter les injures ? Son esprit enfantin ne comprenait pas encore, engourdi qu’il était par le sommeil. Comme les dimanches matins lorsqu’elle se réveillait avant sa mère, Leela se dirigea mécaniquement vers la porte en face de la sienne, fit un détour par la salle de bain et les toilettes avant, s’étonna à peine de voir des vêtements inconnus sur les radiateurs. Quand enfin elle pénétra dans la chambre, son esprit avançait à un rythme aussi penaud que ses pieds nu. Elle avait toujours eu l’habitude de trouver sa mère seule. C’était la première fois que quelqu’un était avec elle, dans son lit. Surtout un homme. Cela en appelait pour elle à aucun référent connu. Et elle ne comprenait pas. L’innocence de son esprit ne lui permettait pas encore de tirer des conclusions. Elle pouvait simplement prendre l’image telle qu’elle était, s’avancer, en faire partie. Leela s’arrêta à côté de la silhouette de sa mère, effleura sa joue. Allongée sur le ventre, les bras repliés sous l’oreiller, elle dormait si profondément qu’elle ne réagit même pas. Aussi, la petite fille contourna le lit en silence, d’un pas feutré, s’arrêta au niveau de cette silhouette qu’elle connaissait sans connaître. Il ne devrait pas être là normalement. Sa présence dénotait dans le décor, changeait les référents qu’elle connaissait. Ses yeux devinrent ronds à l’observer dormir. Comme si c’était étrange de le voir là. Elle ne comprenait pas. Élevée par Isolde qui était aveugle, Leela était une petite fille infiniment tactile. Pour comprendre, pour donner réalité à ce qui l’entourait, elle avait besoin de toucher, d’effleurer même les émotions qui traversaient ceux qui l’entouraient. C’était pour cela qu’elle touchait souvent les joues de sa mère. Une habitude. Et sa petite main fraîche se posa naturellement sur celle de James, y imprima une pression légère qui lui rendit sa matérialité, et sa réalité. Le fait de sentir son sang pulser sous sa chair, et contre sa paume la fit sourire légèrement. Elle l’avait réveillé bien sûr. Quand ses paupières semblèrent vouloir répondre à son appel, elle murmura d’une petite voix étouffée, les yeux toujours ronds, son visage à hauteur du sien parce qu’elle venait de s’agenouiller au sol près du lit. « T’es tout chaud, comme un p’tit escargot. » Petite comptine apprise à l’école, dont elle avait repris les paroles. Elle avait retiré sa main, pressant à présent entre ses mains sa peluche dont ses doigts trituraient les oreilles duveteuses. « Pourquoi t’es là ? » chuchota-t-elle, jetant un coup d’œil par-dessus la silhouette de James, vers sa mère, qui dormait vraiment trop pour que ce soit normal. D’habitude, elle se réveillait presque aussitôt quand elle venait la voir le matin. « Maman elle fait dodo. J’crois que pour l’école, c’est raté. » Chuchota-t-elle, dodelinant de la tête en poussant un soupire.






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