"Fermeture" de London Calling
Après cinq années sur la toile, London Calling ferme ses portes. Toutes les infos par ici Still she gives you everything you need… Is it enough ? _ Pv Isolde - Page 4 2979874845 Still she gives you everything you need… Is it enough ? _ Pv Isolde - Page 4 1973890357
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Still she gives you everything you need… Is it enough ? _ Pv Isolde

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James M. Wilde
James M. Wilde
MEMBRE
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() message posté Ven 30 Déc 2016 - 20:22 par James M. Wilde



« Sigh, static moans
A storm growing strong
And it's coming my way
Still she gives you
Everything you need
Is it enough ?
You're running out of time
As it grows in your eye
You'll feel
Broken inside, you'll feel »

Isolde
& James




À l’orée du sommeil, cette trop duveteuse somnolence qui essaye de le traîner dans des ombres qu’il ne souhaite pas rejoindre encore, il analyse chaque souffle et chaque geste. Il les imagine sans véritablement les voir ou les deviner, la lumière du jour est dans son dos, filtre par les ouvertures sans pour autant orner les contours d’Isolde qui se déguisent encore des couleurs de la nuit. Il n’y a qu’une mèche de cheveux qui se trouve frappée par le soleil naissant (à moins que ce ne soit l'éclairage artificiel, les notions du vrai et du faux deviennent floues) et qui brille comme du cuivre, le regard de James s’y accroche, il caresse des yeux les harmonies des différentes teintes qu’il pourrait peindre de mémoire, s’il savait manier les couleurs. Il préfère les imaginer toutes sous forme de notes, posées là, côte à côte, pour l’accompagner dans le silence de sa tête. Par deux fois il esquisse un rapprochement qu’il ne complète guère, il ne veut pas troubler les secrets confiés aux portes de l’onirisme, il faut les lui laisser franchir seule, ne faire qu’observer la disparition dans le lointain du sommeil, contempler le vide abandonné avant de s’en détourner. Il a en mémoire les murmures de douleur qui furent chantés à son oreille lors du délire, il ne sait si la souffrance fut sienne ou usurpée, voire conjuguée, et malgré son amour immodéré pour les ressentis les plus purs dans leur dureté, il n’a jamais été question de chercher à la briser. Devine-t-il des forces chez elle qui ne sont en fait que des leurres pour attirer les coups, ces coups qui finiront par la séparer irrémédiablement de lui ? Serait-ce une horreur qu’elle s’éloigne enfin ? Tout son corps se tend à l’idée qui se fait plus claire que toutes les pensées aux traines de brume, cette pensée-là il la détoure dans son ensemble et la rejette en bloc. L’erreur de s’unir, la pragmatique de se dire que c’est inhérent à la rencontre. S’il part bientôt, il sait déjà qu’il reviendra, même si elle le repousse. Comment pourrait-il abandonner celle qui vint le chercher dans les turpitudes d’un passé que lui-même ne pouvait plus formuler ? Voilà pourquoi ces vers, voilà pourquoi Yeats quitte ses lèvres pour s’enrouler autour des épaules d’Isolde qui sont déjà parées d’un drap protecteur, ce cocon qu’il ne cherche pas à s’approprier. Rester à côté, se dire qu’il faut dormir dans un lit occupé, qui n’est même pas le sien… Cette situation est tellement inédite que le sommeil reflue un instant, le laisse aux prises avec des songes trop réels pour qu’il se donne à la pente alanguie des rêves. Bientôt, ses doigts sur les siens, et ses paupières s’alourdissent de se sentir enfin protégé, la peur se tait, l’angoisse défaille, son souffle suit l’onde qui pousse celui d’Isolde, l’onde devient unique, il serre sa main avant que le sommeil ne les enlève l’un à l’autre… Ou tout du moins pas totalement. Les rêves sont débridés, impossibles à déchiffrer, trop nombreux et informes pour se lire, et dans la course des minutes arrachées à la trivialité de l’existence, il rapproche inconsciemment son corps du sien, étreint sa taille, l’une de ses mains sur la chaleur de son ventre, la tête bercée dans les vagues de ses cheveux. Il se cache tout contre elle, le lien ne se distend pas dans la candeur des songes, au contraire il se tisse encore dans les chemins tortueux de l’oubli de quelques heures.

Le jour. Le jour est une certitude à présent, il toise son visage encore marqué par l’innocence des tourments enfin échappés. Il paraît beaucoup plus jeune, bien moins fermé à ce monde dont il n’a pourtant plus conscience, sa respiration frôle le tissu de l’oreiller, un mouvement a dû le faire se tourner vers l’extérieur du lit, mouvement qui cherche la fraîcheur alors que son corps brûle encore trop pour qu’il ne s’agisse uniquement de ce feu habituel. Une jambe passée par dessus le drap trahit ce besoin de se décarcanter pour respirer loin des entraves de la fièvre, mais l’un de ses bras repose encore sur la taille d’Isolde, James n’a su opter pour la distance salutaire, même au creux du sommeil. Il y a une main sur sa joue, une toute petite main sur cette joue qui pique de n’avoir connu les soins du rasage depuis un bout de temps, et son esprit ressuscite avec lenteur. Les paupières plissent, puis s’ouvrent sur l’océan apaisé par cette nuit factice, l’onde d’abord vague, bientôt plus irisée lorsqu’il réalise qu’il regarde Leela, en gros plan. Macrocosme qui ne lui est guère désagréable, son premier réflexe est de sourire légèrement à sa remarque, puis de vérifier ses dires en frôlant lui même son front. Il a chaud en effet, mais rien de trop dramatique encore. La gamine s’écarte un peu, la question inéluctable fuse, et il ouvre la bouche, la referme, ne sait trop que dire pour justifier sa présence dans le lit de sa mère et tout défile à toute vitesse dans sa tête. Il opte pour une demie vérité, renâclant à lui mentir, évitant la cruauté d’une réalité qu’elle ne comprendrait pas :
_ J’ai été malade. Ça va un peu mieux. Ta mère s’inquiétait.
Ce n’est pas totalement faux, son murmure rauque s’éclaircit en fin de phrase dès lors qu’il se réveille tout à fait. Il se glisse hors des draps, avec une discrétion de panthère, les réflexes sont rouillés mais bel et bien là, il y a quelque chose de follement rassurant à se sentir de nouveau soi. La position assise lui fait un instant tourner la tête, il se frotte les cheveux, qui ressemblent à ceux d’un ado qui persiste à croire que le grand n’importe quoi est le comble de la mode : le séchage sur l’oreiller ne pardonne jamais… Il remercie le ciel de ne pas être dans son plus simple appareil, devant la petite, très peu habitué à se faire tirer du lit par des yeux innocents, cela fait bien longtemps qu’il ne parvient plus à effaroucher Greg lorsque ses intrusions se font à la faveur de l’inquiétude. Il drape son absence de dignité dans la serviette abandonnée, le style avant tout madame, caleçon et drap de bain, le comble du must-have des lendemains brumeux et il opine doucement en se levant, le concept de l’école bien éloigné de son quotidien. Quel jour est-on d’ailleurs, il a déjà oublié. Il dit doucement :
_ C’est pas grave, on va laisser maman dormir, elle en a besoin. Tu viens déjeuner mini-pouce ?
Sans s’en apercevoir, il glisse un geste tendre sur la chevelure de la petite, comme pour l’ébouriffer, cette chevelure si semblable à celle de sa mère et après un passage à la salle de bain, qui lui permet de compléter sa panoplie du parfait décadent, son t-shirt sec et froissé réchauffant son torse blafard, il part en direction de la cuisine, rejoignant Leela. Tel un chat, il observe d’abord son environnement, comme pour se rappeler de la disposition de chaque chose, vérifiant ainsi que rien ne fut bouleversé pendant cette nuit cauchemardesque, si ce n’est l’image qu’ils entretiennent d’eux-même. Ils sont tous les deux près du plan de travail, à se toiser dans un silence qui n’a rien d’agressif : le bleu brille d’une idée sous-jacente, se plisse en deux fentes interrogatives. Il se rappelle de la recette, Wells lui a appris après que sa casse-bonbon de soeur très adorée pourtant, Ella, n’eut exigé qu’il lui cuisine quelque chose. Le passé ayant confirmé qu’il fallait à tout prix que la jeune femme se tienne éloignée de tout objet contondant ayant trait à la cuisine, James a retenu deux trois choses, qui à bien y réfléchir conviennent majoritairement aux enfants. Hmm… Bref, laissons-cela, après tout, aux dernières nouvelles, Leela en est une, ça tombe bien ! La question tombe :
_ Tu aimes ça les pancakes, hein, miniature ? Je peux t’en faire, mais sans forme à la c… enfin sans forme bizarre, déjà s’ils sont ronds faudra pas te plaindre.
Tout en parlant, se doutant peu ou prou de la réponse, il cherche ce dont il a besoin, une poêle déjà, c’est un bon départ, un saladier qui servira de récipient puis… Puis… Il a la tête dans les placards, mais cherchant comme un homme il est certain qu’il ne trouve presque rien, ses yeux reviennent à la môme avec régularité, pour qu’elle le guide, se confiant à son intelligence qui n’est plus à prouver. Il aime bien qu’elle soit dégourdie, il ne pourrait pas la supporter trois secondes si ce n’était pas le cas. Bon an mal an, ils réussissent à fomenter ensemble leur petit-déjeuner. Les mesures reviennent difficilement, son cerveau est si lent qu’il pourrait composer uniquement une marche mortuaire. Quelques notes alourdies plus tard, il touille avec un fouet ce qui a visiblement la couleur et la texture attendue :
_ T’en penses quoi ? Si je t’empoisonne tu comprends, je ne pense pas qu’on me redonnera une petite fille toute neuve au magasin, en échange…
Il va mieux, même mieux qu’attendu dès lors que son esprit s’est fixé, dès les premières secondes, qui ne furent ainsi pas confiées à l’angoisse, sur cette petite qui est venue le cueillir au réveil. Il est blême mais tient debout, le manque ne s’est pas encore manifesté à présent qu’il s’occupe. Il penche la tête sur le côté, parlant bas en lui montrant le contenu du saladier alors que la poêle chauffe tranquillement.
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() message posté Sam 31 Déc 2016 - 10:08 par Invité

«  Still she gives you everything you need… Is it enough ? »
james & isolde




« D’accord … » Leela se contente de la réponse qu’il lui offre sans chercher à le contredire ou à l’interroger davantage. Pour elle, sa présence dans ce lit ne correspond à rien de réellement connu. Il n’y a jamais eu d’hommes dans cette chambre, ni dans leur vie. Jamais avant aujourd’hui. Oh bien sûr elles ont eu des locataires masculins, qui dormaient dans la chambre d’en face, celle aménagée. Mais jamais aucun d’entre eux ne s’étaient aventuré sur le territoire proscrit de la chambre d’Isolde. La petite s’interrogeait malgré tout. Pourquoi n’était-il pas dans la chambre d’en face comme tous les autres ? Parce qu’il avait déjà son chez lui ? Mais s’il avait son chez lui, pourquoi était-il chez elles ? Elle ne comprenait pas. Commençait tout juste à s’interroger alors que ses prunelles bleues foncées, rondes comme des billes, l’observaient avec attention. Elle haussa machinalement les épaules. Non, tout cela ne voulait rien dire. Et même si parfois elle trouvait James grognon, elle l’aimait bien quand même. Elle le trouvait drôle, avec sa mine souvent mécontente. Il lui faisait réellement penser à ce personnage qu’elle avait croisé dans son livre illustré. Et puis Leela était une nature joviale par essence, conciliante aussi. Son innocence absolue lui faisait apprécier le monde sans filtre et sans aucuns préjugés. C’était pour cela qu’elle parlait à n’importe qui, avait une aisance désarmante à se lier aux gens que ne faisaient pourtant pas partie de son quotidien. Appelez-ça de l’inconscience. Isolde, elle, préférait considérer qu’il s’agissait d’une fibre bienveillante. « T’es vraiment trop rigolo toi. » murmure la petite en étouffant un rire derrière la tête rapiécée de son lapin en peluche totalement informe. Ses yeux se font rieurs, elle toise ses cheveux dressés sur sa tête dans une symétrie inexistante, trouve cela visiblement amusant. « On dirait que t’as pris un orage comme ça et boom ! » Ses petits doigts miment l’élévation capillaire due à un éclair avec ses propres bouclettes, puis elle se hisse sur ses jambes, se grattant machinalement la fesse droite par-dessus son pyjama. Elle cale son lapin sous son aisselle, vient saisir deux doigts de la main de jambes dans la sienne lorsqu’il propose d’aller déjeuner. Oui, elle a faim. Elle a toujours faim de toute façon. « Oui, c’est par là. »

Leela devient un guide jusqu’à la cuisine, territoire qui lui est autorisé d’habitude, mais que dans certaines mesures. Par exemple, elle n’a pas le droit d’utiliser seule les plaques à induction, ni le micro-onde parlant, la bouilloire ou les couteaux. Tout est parlant d’ailleurs dans cette cuisine, ou surmonté de petits gadgets électroniques. Et tous les pots sont affublés d’étiquettes en braille. Pour Leela, c’est naturel, elle a l’habitude de voir sa mère se mouvoir là-dedans avec plus ou moins d’aisance. Mais elle est toujours un peu surprise en allant chez des amies par exemple, de constater que les mamans n’ont pas cela normalement. Ça lui est égal. Elle, elle a une cuisine futuriste qui répond quand on lui parle. Les autres, ils n’ont que des cuisines suréquipées sans intérêt. « Oh oui ! C’est trop bon les pancakes ! En plus on a du sirop je crois ! » Machinalement, elle pose son lapin sur le comptoir en position assise, comme s’il pouvait les observer. Mais monsieur est tellement disloqué qu’il fait de la rébellion au départ en retombant lamentablement sur le côté. Leela fronce les sourcils, le redresse, le gronde presque d’une petite voix : « Reste comme ça toi ! » Enfin il abdique, semble tenir en place. Elle rejoint James d’un pas sautillant en le regardant faire. « Tiens des œufs, et du lait ! » répondit Leela aux regards interrogateurs de James, qui farfouillait ici et là dans les placards. Elle-même s’était enfoncée tête la première dans le réfrigérateur pour y dégoter la boîte d’œufs, et la bouteille de lait. Plusieurs fois elle avait fait des pancakes avec sa mère, et elle se souvenait à peu près des étapes à suivre de la recette. « Je peux casser les coquilles ? » demanda-t-elle en trépignant d’un pied sur l’autre, regardant la farine dans le saladier avec délice, un œuf entier dans chaque main. Elle était trop petite pour pouvoir surplomber le dit saladier dignement, alors elle levait les bras, le cassage d’œuf devenant une épreuve pour elle. Mais elle restait concentrée, se hissait sur la pointe pour vérifier qu’elle n’avait pas laissé tomber de coquilles, son petit bout de langue filtrant entre ses lèvres à cause de la concentration. « C’est tout gluant … » elle secoua ses doigts en allant jeter les coquilles, les rinça sous le robinet, poussa finalement une chaise jusqu’à la plaque chauffante pour pouvoir se hisser à la bonne hauteur. « Hmm … » elle plongea son index dans la pâte encore crue, le fourra dans sa bouche avant de le lever en l’air, visiblement satisfaite. « C’est bon c’est pas du poison ! » Elle regarde à présent le premier pancake crépiter au fond de la poêle, rit un peu, se moque déjà de la forme qu’il est en train de prendre. « Ça ressemble à une patate ton truc ! » l’atmosphère devient presque étrange, si on considère le chaos de la nuit. « Je peux essayer d’en retourner un s’il te plaît ? » demande-t-elle en se dandinant sur sa chaise. Elle avait déjà oublié l’école, et tout le reste. En même temps, il avait su directement comment toucher la corde sensible. Surtout Leela, qui était gourmande comme tout, des pancakes, elle n’aurait pas pu rêver mieux. Pourtant, loin d’oublier l’étrangeté de le savoir ici, elle se rappelait aussi de ce qu’elle avait pu voir quelques heures plus tôt. Il était dans leur baignoire cette nuit, elle s’en souvenait à présent. Et ça aussi, elle trouvait cela bizarre. Aussi pendant qu’un autre pancake cuisait, elle se permit de demander d’une voix plus calme : « C’est parce que tu étais malade que tu étais dans la baignoire cette nuit ? Maman elle me fait ça aussi quand je suis malade, et que j’ai trop trop chaud. » Elle regarda tour à tour le profil de James, puis le contenu de la poêle, avant que ses prunelles de dérivent sur ses bras nus. Ils avaient une couleur un peu bizarre, et il avait comme des … bleus ? Ça aussi, pour elle, ça ne correspondait à aucune blessure connue. « Ça te fait mal ? Tes p’tits bobos sur les bras ? » Elle n’avait pas demandé comment s’était arrivé, simplement parce que pour elle, s’il était patraque, c’était lié à ces petits bobos. Il n’y avait pas besoin de chercher midi à quatorze heures. La relation de cause à effet était évidente.

Filtrant à travers la torpeur du sommeil, les rayons hivernaux lui réchauffaient le visage, étaient comme une caresse délicate sur ses traits encore atterrés par la fatigue. Pourtant le réveil n’était guère loin, la ramenait tout doucement à une conscience du réel qu’elle s’était permise d’abandonner pendant quelques heures. D’avoir été trop sollicités et trop tendus, ses muscles étaient comme courbaturés, rappelaient à son bon souvenir qu’ils avaient besoin d’être laissés un peu tranquille. Les paupières d’Isolde balbutièrent, ne tombèrent que sur du vide. Dans un réflexe instinctif, sa paume avait fureté sur le côté, y cherchant une chaleur qui n’était pas la sienne. Elle ne trouva rien. Seul un tintement, mêlé à des voix indistinctes venant de la cuisine lui répondit. Elle demeura interdite pendant quelques secondes, contemplant le mur invisible au-dessus de sa tête. Quelle heure était-il ? En appuyant sur le bouton central de son réveil, la voix électronique lui indiqua qu’il était neuf heures passé. Bon sang. Leela. L’école. Tant pis pour aujourd’hui. Elle trouverait bien une excuse. Ce n’était pas un jour de moins passé en maternelle qui allait tout changer à son éducation. Et James, était-il debout depuis longtemps ? Avait-il dormi au moins ? Elle se souvenait à peine de l’instant où Morphée avait repris sur elle le contrôle, lui faisant oublier tout pendant un instant, même le pire. Il n’avait laissé que des impressions. Des impressions qui la rendaient fourbues, étrangement silencieuse, statufiée dans une attitude incertaine qui trahissait sa fatigue latente. Avec précaution elle se hissa sur ses jambes, ses doigts de pieds furetèrent avec la moquette. Elle tremblait toujours un peu, son genoux la lançait toujours, mais beaucoup moins que la veille. C’était largement supportable. Isolde se frotta le front, ne prit même pas la même d’arranger ses cheveux hirsutes, glissa un gros pull en maille beige sur ses épaules. Les pieds nus, elle se dirigea d’un pas feutré jusqu’à la cuisine, sans bruit. Elle écouta un instant leur échange sans intervenir, se surprit même à sourire légèrement avant d’amorcer un souffle pour annoncer sa présence sans les perturber. « Bonjour. Ça sent bon par ici. Qu’est-ce que vous préparez ? » elle fit un pas, puis deux. Leela s’était déjà retournée avec entrain, souriant de toutes ses dents. « On fait des patapancakes ! » - « Des quoi ? » - « Des patapancakes ! C’est des pancakes en forme de patates ! » elle s’était avancée prudemment, glissant sa main sur le dessus de la tête de la petite, déposant un baiser sur son front en souriant fébrilement. « Je vois … ça a l’air d’aller mieux toi, ce matin. » Leela hocha la tête. « Oui. Mais … je suis obligée d’aller à l’école tout à l’heure ? » Elle arbora une mine déconfite, Isolde lui répondit sans prendre longtemps le temps d’y réfléchir. « Non. On est tous un peu patraques aujourd’hui. On va rester là. Ça te va ? » - « Ouii ! Et James il reste avec nous ? » Elle pencha la tête sur le côté, manquant de tremper ses mèches de cheveux dans le saladier. « Ça, je te laisse négocier avec lui. » elle esquissa un sourire effacé en demi-lune, dépassa la silhouette de James en s’étant simplement contentée d’effleurer son dos avec le bout de ses doigts. Elle ne s’était pas permise davantage. C’était déjà si étrange de le savoir ici. Cela en appelait à des référents qu’elle ne connaissait plus depuis longtemps. Et puis le voir s’astreindre à un rôle si singulier, simple en réalité, mais appartenant aux stéréotypes qu’il rejetait d’habitude en bloc, cela la surprenait un peu. Une bonne surprise, qui contrastait largement avec les tourments de la nuit. Elle aurait eu du mal à supporter d’autres incartades dès le matin de toute façon. « James, je vais faire du thé, tu en veux ? » En même temps, ses mains glissent le long du plan de travail, cherchent à emprunter des territoires connus. Elle trouve la bouilloire, glisse ses doigts autour, la remplit en prenant soin de placer son index sur le rebord pour ne pas faire déborder quoique ce soit. Elle tâtonne encore jusqu’au socle, l’y dépose, suit une ligne jusqu’à un placard d’où elle sort des tasses. Sur le rebord de la première, elle clips un indicateur de niveau, qui lui permet de savoir jusqu’où elle verse du liquide sans avoir à se brûler les doigts. C’est presque étrange de la voir se mouvoir ainsi, son regard furetant avec un horizon lointain et suspendu, se prunelles ne s’abaissant jamais pour vérifier ce que ses mains sont en train de faire. Elle est beaucoup moins agile que d’autres bien sûr, n’apprivoisant la cécité que depuis trois ans tout au plus. Mais il y avait du progrès. Avant elle était incapable de se faire un thé sans en mettre partout à un moment donné. Et puis se concentrer sur ses gestes faisaient taire les tourments de son esprit. Et ce matin-là, elle en avait un besoin viscéral. S’occuper l’esprit, faire quelque chose. C’était le plus important.






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James M. Wilde
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Il s’aperçoit peu à peu que le dialogue avec la gamine n’a strictement rien d’harassant. Bien au contraire, il n’y a aucun faux semblant avec elle, aucun piège au détour d’une phrase qui pourrait se deviner assassine et James adopte une posture très différente, alors que les haillons du sommeil pèsent encore sur ses épaules. Il n’a pas peur de cette intrusion, il ne se sent absolument pas menacé, et par petites touches, se dévoilent des facettes déguisées sous son caractère peu amène, il semble plus jovial, plus enthousiaste aussi, débarrassé de l’aigreur de ses nuits abandonnées au doute. S’il se sent très minutieusement scruté par ces yeux bleus et pétillants, il sait aussi qu’il n’est pas disséqué par un jugement qui voudrait le contraindre, l’innocence qu’elle revêt réanime la sienne, et il n’a pas encore suffisamment de recul pour même le réaliser. C’est comme se dévoiler sans honte, l’heure matinale mordore le cheminement de ses pensées, elles sont pour le moment débarrassées de la hantise de se confronter à un avenir de plus en plus proche, aux conséquences de la lutte. En suivant sa petite silhouette rieuse, il fuit en avant, et c’est très bien comme ça. Il recouvre aussitôt une aisance dans une tâche qui, si elle est banale et quotidienne pour la plupart des gens, retourne de l’inédit pour lui, se nourrir soi est déjà hautement délicat alors songer à nourrir les autres. Il faut bien que ce petit machin lui rappelle la familiarité acquise avec Ella pour qu’il consente à se couler dans le rôle qu’il s’assigne tout seul. Si Greg voyait cela, il ne cesserait d’en entendre parler, et en parler encore, jusqu’à ce que l’histoire devienne une ritournelle agaçante. Heureusement, Wells ne sera jamais au courant de cette improvisation à coup de poêle à frire et ce n’est pas comme si la gosse était armée d’un smartphone pour immortaliser l’instant. Que soient bénis les enfants aussi petits. Il s’est amusé à mettre quelques libéralités de plus à sa coiffure en passant par la salle de bain, et plutôt que de la dompter, il l’a complètement hérissée de tous ses doigts, comme pour certaines scènes qui furent les plus virulentes de sa jeunesse, et ce simplement pour complaire à l’amusement de Leela. Il représente donc une parfaite antithèse, le rockeur plein de rébellion en train de mesurer des doses, de compter les oeufs, de se concentrer sur une tâche aussi peu artistique que celle-ci, et pourtant rien de tout cela ne l’encombre, les pensées demeurent vagues, lointaines, voire irréelles. Il ne peut guère encore avoir le loisir de les confronter, bien qu’une seule surnage au milieu du lot informe, celle qui lui dit de partir juste après ce petit-déjeuner improvisé. Cette pensée-là le démange jusque dans les creux meurtris de ses avant-bras, il y a quelques sonorités qui font qu’il ne tiendra bientôt plus du tout en place, mais pour l’heure encore, il mesure, se concentre, et parle avec la petite. Tout pour s’arracher à d’autres vérités qui sauraient l’atteindre de plein fouet.

Il faut dire que la cuisine qui ressemble à un vaisseau tout droit venu de cet espace qui fait fantasmer James est un univers enchanteur. Il regarde, tripote tout, avant de revenir à ses occupations culinaires, se demandant bien à quoi peut servir chaque objet qui ne comporte aucun affichage comme il en à l’habitude. L’innocence ponctionnée dans les cristallins scintillants de Leela vient faire briller ses prunelles, et il chantonne alors qu’il opine patiemment devant l’enthousiasme débordant qui lui est rendu quant à sa suggestion de manger des pancakes. Il jette un coup d’oeil par dessus son épaule squelettique pour apercevoir la gosse en grande discussion avec son lapin en peluche, l’autorité en miniature, il lance :
_ On fera de toi une femme de caractère, comme ta mère, c’est bien.
Ce « on » est impersonnel mais se teinte d’une drôle de saveur… Est-il quelque part dans les us du langage, caché dans le destin de cette petite rouquine, ou préfèrera-t-il toujours demeurer à la marge de tout, et donc n’appartenir à rien ? Ces considérations presque mystiques sont rapidement chassées par la pragmatique de la manoeuvre, surtout lorsqu’il confie un à un les oeufs à Leela, pour la faire participer à chaque étape de la recette, ne se gênant pas pour observer son air très concentré, et en profitant même pour lui mettre de la farine sur le bout du nez lorsqu’elle ne peut pas s’y attendre, ses deux petites mains occupées. Et là, il ne peut retenir ce sourire de gosse, qu’il arbore complètement, qui illumine l’espièglerie sur son visage, alors qu’un papillonnement d’oeil innocent vient parfaire le tableau :
_ Quoi ? J’ai fait quelque chose ?
Ils goûtent tour à tour, en s’accordant sur la saveur, et voilà qu’il verse d’un geste négligé la première louche de pâte dans la poêle qui se met à chanter doucement. Le premier pancake ressemble en effet à un ovoïde des plus grossiers, ce que lui fait aussitôt remarquer la gosse. Il tourne son visage faussement renfrogné, un sourcil relevé avant de dire :
_ Eh bien, c’est un rond un peu aplati, c’est beaucoup plus original qu’un rond tout court. C’est classique, banal même, ça n’a aucun intérêt. Je suis pour les pancakes en forme de patate. Parfaitement.
Il l’approche convenablement avec sa chaise pour qu’elle soit bien calée, puis lui confie la spatule tout en vérifiant qu’aucun drame ne se profile, pour qu’elle retourne les deux autres qu’il forme, tout aussi aplatis que le précédent, à escient ou bien parce que définitivement ses talents de cuisinier s’arrêtent à la conception et non au façonnage… Dans l’enthousiasme presque avide de Leela, il reconnaît la gourmandise qui anime le modèle adulte de la famille, et il a un instant un sourire plus rêveur, son esprit voyageant rapidement au travers du couloir pour rejoindre la couche abandonnée où sommeille peut-être encore Isolde. La question de la petite le désarçonne alors dans sa rêverie et il ne fait qu’acquiescer dans un silence soudain plus lourd, le pancake chante encore un peu, se voit rejoindre les autres dans l’assiette à côté de la plaque chauffante. Il fait mine de s’abîmer dans le nouveau pancake toujours définitivement ovale, sa mâchoire plus serrée indiquant qu’il s’attend presque à ce qui suit. Il compte. Deux secondes. Il inspire. Expire. Retourne d'un coup de spatule, avant de lui dire doucement, sans la regarder, mais d’une voix claire et débarrassée de l’angoisse qui commençait à naître au creux de son ventre au souvenir de toute cette nuit fantasmagorique :
_ Presque plus. Ça sera bientôt guéri et on ne verra plus rien.
Rien de ce qui fut, extérieurement tout du moins, rien de ce qui put être dit non plus. Rien à l’aune des injures, des peurs, et des oublis. Rien. Rien du tout hein ? Il secoue la tête avant d’étirer son long cou, la petite pile de pancakes devient bientôt une tour, penchée telle Pise, et il en fait déjà goûter plusieurs à Leela, avant de s’exclamer, quand il rate d’une façon plus flagrante encore l’une de ses créations :
_ Regarde, Miniature, c’est une patate lunaire !
Le croissant de Lune un peu trop bombé pour être honnête le fait rire, il se débarrasse de la torpeur poisseuse des interrogations précédentes et il ne réalise pas qu’ils sont dorénavant trois dans cet espace plutôt accueillant. Il tourne sa tête aussitôt vers Isolde au premier mot et quelque chose de l’innocence dans ses traits se sclérose et se cache, son bonjour en réponse est neutre, ni avenant ni froid, avant qu’il n'écoute Leela expliquer tous leurs exploits. Il laisse la conversation l’exclure, n’y intervient pas, préfère se ranger à la monotonie de gestes à présent complètement acquis, même s’il retient tout. L’effleurement le ranime, des couleurs reviennent se poser sur ses joues, et plutôt que de regarder Isolde qui passe dans son dos, il considère la petite et son attente, cette attente qu’ont tous les enfants lorsqu’ils veulent quelque chose, nichée au creux des iris, demandant sans encore formuler à voix haute ce qui tombe sous le sens. Ses résolutions de s’échapper s’étiolent devant l’espoir, quelques heures de plus, après tout, pourquoi pas, la liberté ne le taraude pas encore, l’extérieur semble à la fois tentant et hostile. L’envie de retrouver le Viper et son ambiance, de savoir ce que font exactement Greg et Ellis, et l’équipe surtout, de connaître la programmation du soir, d’appeler la production pour savoir si Moira a rompu tout lien avec eux, de frôler la corde d’une de ses guitares ou encore les touches de son piano, tout cela défile dans sa tête, à une vitesse folle, qui l’étourdit presque. Il considère sa main qui tremble légèrement sur le manche de la spatule, comment pourrait-il jouer alors qu’il est encore trop faible pour se concentrer totalement ? L’agacement combat l’évidence, et l’espoir toujours sur le visage de cette gamine à laquelle il s’attache sans s’en apercevoir lui fait répondre :
_ Oui. Oui. Pourquoi pas. Je peux rester encore un peu.

L’autre questionnement est d’une simplicité enfantine en comparaison, surtout dès lors que la décision est prise. Il tourne la tête vers Isolde, observe les gestes méticuleux qu’elle pose, oublie le pancake qui prend des allures de patate un peu trop exposée aux morsures du soleil, cesse de le torturer en le faisant rejoindre tous les autres :
_ Oui, si c’est du népalais doré ou bien du… (L’habitude de faire suer tout le monde dès lors qu’il s’agit du thé, du café ou encore de tous les goûts caractéristiques qu’il affiche et qui le font passer soit pour un snob soit pour un chieur, soit en général pour les deux, est bientôt freinée d’un rire un peu moqueur envers lui-même) … non non, enfin, n’importe quel thé, oui c’est très bien.
Sous la fatigue et sous les fantômes de cette douleur lovée dans son corps, James est visiblement reparu dans les quelques heures qui fermèrent sa conscience à l’univers. Chaque articulation le fait souffrir mais il y a dans sa voix ces tonalités rapides et amusantes qui se font entendre dès lors qu’il est de bonne composition, ce qui semble être le cas ce matin. Il termine les derniers pancakes en laissant la petite, rétablie à sa digne place, gérer le retourné acrobatique, en lui montrant comment faire, d’un geste du poignet avec la poêle :
_ Regarde, pas juste vers le haut hein ? Sinon ça va te retomber sur la tête… Tu glisses vers l’avant et tu soulèves d’un coup sec, comme ça…
Il lui fait exécuter le mouvement, sa main sur la sienne, essayant de ne pas réaliser la mise en garde en improvisant un couvre chef patate pour Leela puis alors que son sourire est revenu sur ses lèvres, il demande à Isolde :
_ Tu veux des pancakes toi aussi hein ? Ou alors on attend que ton estomac réveille tout le voisinage ?
Il se souvient du monstre dans son ventre, comment pourrait-il jamais l’oublier… Il plisse des yeux, puis s’aperçoit qu’il a véritablement faim à son tour, ne comptant plus les heures où il a oublié de se nourrir, qui sont devenues des jours ternis par d’autres excès. Alors il cherche les assiettes, puis les dispose avec un soin relatif, déjà attiré par la fenêtre, visiblement mené par une considération soudaine, et il essaye de scruter la rue. Il n’y a personne d’embusqué, personne qui reste à attendre, son souffle se libère. Personne ne sait qu’il est là, le connard de chauffeur de taxi ne l’a pas reconnu ou n’a rien dit et personne n’a encore fait le lien entre Isolde et lui. Ce genre de coups d’oeil, il les a répétés ces derniers temps, dès lors qu’il est venu passer quelques heures dans le sillage de sa libraire favorite, sachant que la tranquillité ne serait pas éternelle. Des semaines ou moins avant que les vautours ne comprennent et se jettent sur la nouveauté… Le fait qu’il soit au Viper la plupart du temps n’intéresse plus personne, c’est un fait connu, il y a son nom sur la porte, mais savoir qu’il fréquenterait quelqu’un avec assiduité, ça… Quelqu’un comme Isolde de surcroit, il imagine déjà très bien les diverses Unes et n’est pas pressé d’avoir à y parer. Il revient vers la table, sans expliquer son comportement de prime abord, puis demande :
_ Phil peut apporter quelques trucs en bas, si je reste encore ici ? J’aimerais changer de fringues puis récupérer deux trois choses aussi.
James demeure vague, il n’a pas encore bien décidé… Sa guitare sèche peut-être ? Même s’il tremble, il pourrait essayer, puis son manteau, son chargeur, bref tout ce qui lui permettrait de se réinsérer dans son quotidien, bien qu’il l’ait mis de côté. Cette situation est étrange, pire que ça encore, mais elle lui échappe à présent, il ne peut pas vraiment appeler Greg et lui montrer sa tête de cadavre, il va direct lui prendre un ticket gratuit pour la désintox. Il ajoute, comme une sorte de mantra, depuis qu’il est entré dans cet appartement :
_ Je ne vais pas rester longtemps, ne t’inquiète pas.
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() message posté Lun 2 Jan 2017 - 18:33 par Invité

«  Still she gives you everything you need… Is it enough ? »
james & isolde




Pour Leela, l’instant revêt des saveurs délicieuses et inédites. Elle ne partage jamais ce genre de moment-là d’habitude. Cela ne correspond à rien. Cela correspond à tout ce qu’elle n’a jamais pu connaître. Ça ressemble à ces images stéréotypées qu’elle voit parfois dans les livres, où les parents invitent leurs enfants à cuisiner avec eux pour partager un moment en famille. La famille. C’est une chose si évidente et si étrange à la fois. Elle n’est jamais entrée dans aucune case à l’école. Nulle part d’ailleurs. Ce n’est pas comme être élevée par une mère célibataire lambda. C’est être élevé dans un quotidien aux antipodes de celui que tous les autres connaissent. C’est devoir apprendre à avoir des gestes trop adultes dès le plus jeune âge, faire preuve d’attention et de prévenance quand les autres enfants n’en ont cure. Leela ne se rend pas compte de tout cela, pas encore, et c’est comme une évidence pour elle. Pourtant sa mère sait bien qu’une partie de son innocence sera toujours sacrifiée sur l’autel d’une réalité qui ne se soucie guère des plus fragiles. Une réalité qui aime à montrer la naïveté comme une faiblesse de plus. L’entité masculine dans son quotidien n’a pour elle aucun sens, et y goûter, même un instant, lui fait entrevoir des perspectives qu’elle n’osait pas imaginer auparavant. Quelle enfant qui n’a pas connu son père ne rêve pas d’en trouver un malgré tout ? D’avoir ce lien indescriptible avec quelqu’un, différent de celui que l’on entretient avec une mère, complémentaire, indispensable même ? Mais le changement est bien trop précoce et fragile pour être perçu en ce sens-là. James l’amuse. Lui aussi, il ne correspond à rien de ce qu’elle connaît déjà. Les pères de ses amies sont bien habillés, coiffés avec prudence et sagesse. Ils parlent de façon mesurée, d’une voix rassurante. Ils taquinent, plaisantent, mais toujours avec cette réserve qui consiste à placer l’enfant et l’adulte sur deux territoires distincts qui ne font que s’effleurer sans réellement se toucher. L’attitude de James frôle la camaraderie, et une quelconque marque d’autorité de sa part n’aurait aucune influence sur elle. Il ne l’impressionne pas, il l’interpelle. Et elle ne sait pas ce qu’il représente, ni pour elle, ni pour sa mère. Il est un électron libre qui gravite dans leur univers. Elle apprécie qu’il soit là, parce qu’elle a compris que même s’il la taquine bien trop, ses airs bougons l’amusent. Finalement, contre toute attente, Leela a plus d’interactivité avec James qu’elle ne peut en avoir avec d’autres adultes qui se contentent de l’ignorer parce qu’elle n’arrive pas à leur hauteur. Et cette interaction-là, peut-être ne se rend-il même pas compte qu’il la nourrie. Quoiqu’il en soit, occupée à casser les œufs au-dessus du saladier, le bout de sa langue touchait à présent presque son bout de nez à force de concentration. Elle renifla une fois, se frotta le front avec le revers de sa main pour en ôter une boucle hirsute qui s’y était égarée. Son petit nez se fronça lorsqu’il y déposa de la farine. Elle lui jeta un regard furibond en souriant avec espièglerie : « Maaais, t’as pas l’droit ! » bougonna-t-elle en riant avec la ferme intention de se venger. Pas maintenant, elle avait les mains prises. Et collantes. Mais pourquoi pas plus tard, qui sait ? « Tu peux essayer de lui faire des bras ? Pour faire un Monsieur patapancakes ? » La question semblait sérieuse. Elle ne sourcillait même pas, scrutant avec attention la pâte qui s’étendait doucement dans la poêle, sautillant de temps à autre sur sa chaise parce qu’elle était absolument incapable de rester totalement immobile pendant plus de quatre secondes et demi. La réponse à sa question la rassure finalement. « Oui et ça ira mieux après. » Elle opine de la tête, se concentre encore en prenant la spatule à deux mains, retourne le pancake enfin avec une expression de fierté non dissimulée. Ses yeux s’agrandissent enfin, ses lèvres forment un « o » parfait, un rire cristallin lui échappe. En effet, ce pancake-là ne ressemble à rien. Enfin, presque rien. « C’est une lune écrabouillée par une fusée ton truc oui ! » dit-elle en riant en montrant le tas informe au milieu de la poêle, jusqu’à être interrompue par la voix de sa mère.

Isolde observe la scène de loin sans pouvoir en faire partie, sans même pouvoir se repaître de ses détails à la dérobée. Elle doit se contenter de la légèreté des phrases et des rires. Ces seuls éléments la frustrent un peu, mais elle s’en satisfait. De toute façon, elle n’a guère le choix. Et même si elle ne peut le voir, elle sent que quelque chose dans l’attitude de James change dès l’instant où sa présence devient intrusive dans leur naissant binôme. Une partie d’elle, encore tendre, encore clémente, est rassurée de constater qu’il va mieux, et que la simplicité de l’instant peut lui montrer des perspectives moins sombres que celles auxquelles il s’est abandonné pendant la nuit. Mais il y a cette autre part. Cette part rancunière, cette part qui souffre, cette part qui ne peut oublier totalement ce qu’ils ont vécu et traversé. Ses paupières papillonnent un instant, elle se souvient de la froideur de cette maison mortuaire, de sa voix éraillée par la folie furieusement destructrice. Isolde déglutit doucement, ravale le souvenir qui vient se nicher au creux de son ventre, nourrissant une angoisse dont elle ne ressent pas encore totalement tous les stigmates. Elle se modèle alors, devient cette entité trop calme qui soupèse, avance, se complaît dans des gestes qui ne conviennent pas à l’impétuosité naturelle de son caractère. Elle a besoin de ces mécanismes pour retrouver un semblant d’équilibre, pour ne pas trop déranger le cocon sécurisant de Leela aussi. Leela qui d’ailleurs, semble ravie qu’il accepte de rester, sautillant sur sa chaise comme une petite puce de sable, entonnant un : « Oui ! Trop chouette ! » en glissant hors de la chaise, prenant avec précaution le plat de pancakes pour aller le poser sur la table, avant de revenir pour l’aider à terminer les derniers. « Je n’ai que du thé vert … Et des feuilles de menthe. » En même temps, les gestes deviennent d’une précision quasi chirurgicale. Elle place deux tasses l’une à côté de l’autre, les matérialise dans l’espace indistinct de ses pensées. Ses doigts cherchent la théière dans un placard, la disposent. Elle clips un détecteur de niveau autour, verse l’eau brûlante avec prudence jusqu’à entendre le tintement fatidique, arrache à présent quelques feuilles de menthe fraîche pour les jeter dans l’eau. Ses mains ouvrent la boîte métallique contenant le thé, elle en hume un instant les effluves pour être sure qu’elle ne se trompe pas. Tout cela est un rituel. Une banalité pour d’autres, un rituel pour elle, parce qu’elle ne sait jamais mettre les mêmes doses, parce qu’elle n’arrive toujours pas à s’habituer à l’omniprésence olfactive face à l’absence d’images. La voix de James se teinte d’une innocence qui la détend un peu, juste assez pour la laisser se complaire dans une légèreté factice. « Bien sûr que j’en veux. » Ses lèvres s’éclairent enfin d’un sourire mesuré, telle une équilibriste avec ses tasses et sa théière, elle se déplace jusqu’à la table, rencontre enfin l’assiette pleine. « Je dirais même que … En tant que maître dinosaure, je dois me nourrir avant tout le reste de la communauté. Question d’éthique. De principe. Voire … De priorité. » Elle s’était assise, ramenant le plat jalousement devant elle avec un sourire espiègle, affrontant déjà le ton indigné de Leela qui se glissait hors de sa chaise pour venir l’affronter. « Noooon ! Tu vas tout manger ! T’as pas le droit !! C’est nous qui les avons faaait ! » Elle sautille, cherche à atteindre le plat qui est déjà hors de portée. Placé sous sa paume, le bras levé au-dessus de sa tête, Isolde le rendait inaccessible à ses petits bras. « Non. Non. Non. Les bébés dinosaures n’ont pas besoin de patapancakes pour bien grandir. Ils ont besoin de verdure … » Leela trépignait à présent, mais sans chouiner, jouant de la plaisanterie. « Nan c’est pas bon l’herbe ! » Isolde lève le menton en riant, rabaisse le plat en haussant un sourcil. « Bon, comme je suis la meilleure maman dino’ du monde, je t’autorise à en prendre … Un demi. » - « Quoi ?! Mais c’est pas juuuste ! Hein James c’est pas juste ?! » - « Loi du plus fort. » elle hausse les sourcils encore, fait exprès d’en saisir un entre ses doigts, d’en détacher la moitié pour le la lui donner, et d’en manger l’autre partie. « Ils sont super bons en plus ces patapancakes. Dommage que tu ne puisses pas en manger davantage … » Ah, ça y’est, on frôle l’insurrection. Il est temps de calmer les ardeurs assassines. « Je plaisante. Tiens. Je ne voudrais pas que tu meurs de faim quand même. » Elle rapproche le plat de sa silhouette, Leela s’assied sur sa chaise sur une fesse, se jette sur les pancakes avec délice, mais sans réelle précipitation. A présent elle semble se concentrer sur la cuillère de Nutella qu’elle va mettre sur l’un d’entre eux. « Oui bien sûr. Dis-lui de passer par la porte d’entrée, sur la gauche, pas celle de la boutique. » Elle considère sa remarque suivante, en profite pour remplir prudemment les deux tasses de thé. La première tasse est remplie comme il faut, l’autre déborde un peu, mais sans que ce soit dramatique. « Je te l’ai dit … Tu peux rester tant que tu as besoin. » Et contre toute attente, malgré sa réserve naissante et les réminiscences de la nuit qu’ils ont passée, elle le pense toujours avec sincérité. Elle esquisse d’ailleurs un petit sourire penaud pour l’en convaincre, tâtonnant son assiette jusqu’à rencontrer un pancakes. « Tiens, le sirop. » fit Leela naturellement, en prenant soin de guider sa main jusqu’à la bouteille en question sans qu’elle ne l’ait demandée. Un réflexe naturel, presque étrange à observer. « Merci Leannan. » Elle sourit de nouveau, était parfois désarmée de ces gestes-là, trop prudents, trop prévenant de la part d’une enfant si jeune, qui était attentive à tous ses gestes, semblait vouloir les lui simplifier alors que ce n’était pas son rôle. Que pouvait-elle faire face à cela ? A part les accepter ? « Du coup on pourra chanter un passage de Sweeney Todd ? Pour la fête de l’école ? » Isolde sourcille un instant, son attention de nouveau accaparée par Leela. « Sweeney Tod ? Ce n’est pas … Le musical, avec le barbier … ? » Leela sourit de toutes ses dents. « Sii ! Et c’est trop rigolo ! Tu vois, James, bah dedans, y’a un barbier, il fait couic aux Monsieurs, et après la dame, bah elle les mets dans des fourtes à la viande ! » - « Des « tourtes » ». – « Ah oui, des tourtes ! » - « Où est-ce que tu as regardé ça ? » - « Chez Mia, l’autre jour ! Sa sœur elle regardait ça ! C’était trop cool ! » - « Bien bien bien … » - « Alooors, tu veux bien ?! » - « Heu … Je vais y réfléchir d’accord ? » Appeler les parents de Mia. Seconde résolution de la journée après celle consistant à accepter l’idée que sa progéniture adore voir des hommes se faire égorger puis transformés en tourtes à la viande. « C’est James, le connaisseur en matière de musique. Tu devrais peut-être lui demander s’il ne connaît pas quelque chose d’un registre moins … D’un autre registre ? » Quoi ? Comment ça elle a besoin d’aide ? Comment ça, elle s’attend déjà à ce qu’il l’enfonce dans son pétrin davantage plutôt qu’il lui offre une porte de sortie. Elle voyait déjà toutes les mamans de l’assemblée indignées. L'horreur.







© ACIDBRAIN
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James M. Wilde
James M. Wilde
MEMBRE
Still she gives you everything you need… Is it enough ? _ Pv Isolde - Page 4 1542551230-4a9998b1-5fa5-40c1-8b4f-d1c7d8df2f56
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() message posté Mar 3 Jan 2017 - 18:58 par James M. Wilde



« Sigh, static moans
A storm growing strong
And it's coming my way
Still she gives you
Everything you need
Is it enough ?
You're running out of time
As it grows in your eye
You'll feel
Broken inside, you'll feel »

Isolde
& James




Et pour James non plus, toute cette matinée ne correspond à rien d'habituel, encore moins d'expérimenté. La vie à plusieurs ne fut que celle de ses années d'études, si l'on peut nommer cela des études (études en débauche peut-être...), et le concept familial qui s'est un jour gravé dans sa tête ne ressemble guère aux liens si forts qui se tracent dans chaque geste qu'éxécutent Isolde ou Leela, tour à tour, dans une harmonie confondante. Il se sent apaisé par cette gangue très intime, protégé des codes dont il se garde furieusement, car leur quotidien n'appartient pas au commun. Leur quotidien a quelque chose d'unique, et sa farouche individualité se modèle aux usages qui n'obéissent à aucun a priori, il s'y fond, il s'y oublie même. Il a moins mal à l'intérieur, moins mal d'exister car il n'a pas besoin pour ces quelques heures de se battre, d'enfoncer les carcans, de se soustraire aux mépris à peine déguisés, de s'imposer pour respirer au-dessus de leur air vicié, cet air qui les étouffe tous très lentement. A la surface des eaux tumultueuses, à la marge de ses pérégrinations, elles sont là... Elles sont en définitives bien plus proches qu'il ne l'aurait cru jusqu'alors. Les rejoindre est simple, effroyablement simple. Ce constat lui fait peur, les entraves sont sans doute plus réelles encore qu'il ne les ressent. Mais pas ce matin, pas encore, pas tout de suite. Les justifications il faudra les donner, il le sait, garder la place qui est tout juste tolérée, savoir aussi s'il veut la conserver ou juste l'abandonner, car ce sera plus simple, plus séduisant encore que de savoir la mériter. Le problème du tumulte, c'est que souvent, il emporte James très loin, si loin. Comme cette nuit, crevée par les failles et les déshérences de sa vie. Il frissonne, mais cela sur le compte du t-shirt, se rappelle avec un sourire de la mine faussement furibarde de la petite lorsqu'il a osé lui faire un léger maquillage à base de farine, essaye de donner des bras aux derniers patapancakes, qui sont encore plus effrayants... On dirait qu'ils ont des moignons et qu'ils courent vers des ailleurs encore inconnus. Il les aime déjà. Il se souvient des petits-déjeuners. Tous pris avec Maria et sa soeur, quand il était encore à la maison. Le dernier, Ella devait avoir l'âge de Leela. Après cela, il n'y a plus eu vraiment de maison, il s'en est extrait dès qu'il a pu, il est parti presque sans rien, sans rien dire aussi. Il n'a pas vu la gorge serrée de sa mère, parce que ça faisait si longtemps qu'elle ne parvenait plus à lui parler. A-t-elle jamais été un matin avec lui au final ? Il ne se souvient pas, sa mère lui a toujours semblé froide. Quant à son père... Il n'était déjà que peu présent aux dîners alors ce n'est pas comme s'ils avaient partagé des blagues embrumées par les heures matinales. Voilà pourquoi James ne correspond à aucun référent masculin habituel, la seule référence qu'il conserve le débecte, il ne ressemblera jamais à cela. Il n'aura pas de costume pour aller travailler le matin, d'ailleurs il n'ira jamais travailler le matin. Il ne servira pas des mots encombrés de facilité à son épouse pour s'évader plus vite, d'ailleurs il n'aura jamais d'épouse. Il ne dira pas à ses enfants qu'il faut travailler pour réussir dans la vie, car il pense qu'il faut se passionner pour parvenir dans les lieux qui sont façonnés pour vous accueillir, le travail vient de surcroit, ça n'est pas une valeur ou encore une foutue preuve de réussite. D'ailleurs, il n'aura jamais d'enfant, quel père pourrait-il bien être de toute manière, le concept est presque ridicule. Son regard bleu et troublé tombe sur les boucles caramel de Leela, ces boucles en fouillis, les mêmes qu'Isolde et il se râcle la gorge avant de lui montrer :
_ Voilà. Des messieurs Patapancakes... d'Halloween. Parce que vu les bras qu'ils se payent, ils ont rencontré des ennuis en chemin.
Il se dit qu'elle a raison, que ça ira mieux après car ça ne peut pas véritablement être pire que cette nuit. Mais Isolde apparaît et il sait qu'il se trompe pour échapper au fer brûlant de la dette. Tout aurait pu être pire encore, bien pire, si elle n'avait pas été là. Alors qu'elles conversent, son regard glisse sur elle, longuement, sur l'ensemble de son corps, sur les secrets de ses traits. Il cherche les stigmates, il cherche les preuves, il prie pour ne pas les apercevoir afin que la culpabilité ne vienne pas l'accabler, mais lorsqu'il en constate un, puis deux, puis tant que la liste serait trop longue à former, il comprend que la culpabilité ne pointe même pas le bout de son nez. C'est autre chose... Les espérances déraisonnables au creux de sa bouche qui esquisse un sourire lointain. Leurs tumultes se frôlent, se frôlent seulement. Ils ne savent pas encore s'ils peuvent s'appartenir.

L'enthousiasme débordant de la môme brise la chute libre, il ressent tant de joie qu'elle l'accepte qu'il la masque soigneusement, en haussant les épaules. Mais ses yeux pétillent de ce fragment de bonheur qu'il usurpe dans cette intimité où il s'est immiscé. Il reste mutique car il ne sait pas ce que c'est que de tirer un plaisir autrement que sur une scène ou lorsqu'il parvient à achever un texte et une harmonie. L'harmonie il la crée, il la porte, il la transcende enfin mais jamais il n'en fait totalement partie. Sauf aujourd'hui. Il termine minutieusement les pancakes, le dernier se paye le luxe d'un chapeau... Enfin de ce qui pourrait ressembler à un chapeau à y regarder très rapidement. Le calme d'Isolde confronte le sien, ils sont dans deux rôles qui ne manquent pourtant pas de panache. Il aime la menthe, ça tombe bien. Mais il aurait sans doute avalé n'importe quel thé pour éviter de montrer de nouveau cette exigence brutale qui l'anime parfois, ce refus des concessions ou encore de tout compromis. Ce sont des heures de compromission, et il pourrait presque aimer cela. Presque s'y habituer. Il s'adosse au plan de travail et ne se gêne pas pour regarder chacun de ses gestes et comment elle les exécute, d'aucun se serait sans doute détourné pour ne pas la gêner, mais faire comme si son handicap n'existait pas lui apparaît comme une insulte. Il n'y a ni à le nier, ni à le mettre en exergue, il est là, c'est tout. La constitue telle qu'il l'a connue mais ne la définit par pour autant. Alors il regarde et sourit face à son enthousiasme, les voit déployer un jeu qui le fait même ricaner, dans son coin. Il commente, ponctuellement, quand Leela l'interpèle, sans arbitrer réellement :
_ Très injuste, Miniature, mais si elle ne mange pas elle fout carrément les jetons, donc dans un sens... Soit tu piques tout et tu cours très vite, soit tu te dis qu'un demi, c'est déjà bien.
Il sourit en coin, pour voir cette moue caractéristique se dessiner, qu'il reconnaît presque en vérité, tant cet air renfrogné peut être celui de sa mère parfois. Il observe l'une et l'autre avec l'attention d'un félin, se sert dans le plat dès lors qu'il est laissé à l'avidité du petit modèle tout aussi vorace, comme ces animaux qui profitent des rixes pour récupérer leur part. C'est vrai qu'ils ne sont pas mauvais, presque aussi bons que ceux de Greg. Dans ta face, métrosexuel (pense celui qui aime les fleurs et les paillettes hein...) ! Il a presque envie d'aller frimer auprès de son ami mais se souvient que cette arme est à double tranchant et qu'il vaut mieux un peu moins de frime pour éviter beaucoup de moquerie. Il mange son pancake avec les doigts, comme un mauvais garnement, petit morceau par petit morceau, ce qui avec son profil très hérissé, le fait définitivement ressembler à un oiseau, surtout le dos droit dans cette chaise dont il n'a pas l'habitude, pour parfaire le tableau. Son estomac accepte la pitance, il ne se rebelle pas et il oublie ainsi qu'il est dans une sorte de sursis vis à vis de son corps trop malmené. Il émet un léger son d'assentiment quant à Phil, qu'il ne tardera pas à appeler, du moins quand il aura mangé un nouveau pancake. Cependant, son geste se suspend un instant dans l'air, l'oiseau tend sa serre délicate mais n'écharpe rien. Il la croit, il la croit sans avoir même besoin de sonder son expression mais il ne s'en abstient pas. Il tourne doucement la tête, et dans un sourire laisse tomber un commentaire :
_ Fais attention à ce que tu dis, je pourrais prendre ça au pied de la lettre.
Il pourrait... Il pourrait se faire à cette retraite pour fuir encore mais il n'y consent pas totalement. S'il attend trop longtemps, il ne parviendra plus à faire face au rythme, au stress, aux humeurs qui forment ses cycles nébuleux. Troisième pancake, Sweeny Todd au menu, mais dans les yeux de James, le souvenir de ce sourire partagé, l'espoir encore. L'espoir, quelle mauvaise habitude... Il pique le sirop et continuant à manger avec les doigts, s'en fout allégrémment sur son t-shirt qui a de toute façon trop vécu. Il y a quoi sur celui-ci déjà ? Ah oui... Du texte qu'on ne lit même plus sur fond noir, c'est un vieux t-shirt, qu'il traine depuis son arrivée à Austin, acheté pour rien dans une boutique complètement pourrie. Il plisse des yeux à présent, il attend le commentaire qu'il devine, le commentaire qui demeure intérieur, ponctué par cette interrogation d'Isolde. Il écoute patiemment la petite, parce que l'écouter résumer le spectacle musical qu'il connaît bien est somme toute parfaitement divertissant. Il en rajoute même pour qu'elle soit encore plus prolixe, l'encourageant à distiller toute sa fantaisie dans ses mots :
_ Ah oui ? Nan ? ... C'est vrai ?
Il évite de regarder vers l'autorité maternelle à présent, chanter une histoire sanglante devant toute l'école, alors qu'on est en maternelle, mais quelle merveilleuse idée selon ses codes du genre rentrons-leur dedans avant qu'ils ne nous massacrent à coup de mépris. Il peine à dissimuler son amusement : une histoire de vengeance tout à fait gore où l'on se mange entre soi ? Comment ne pourrait-elle pas séduire quelqu'un comme lui ? Il fait mine de réfléchir, pour la mise en scène plus que parce qu'il réfléchit véritablement :
_ Hmmm... Attends voir... Quelque chose d'un autre registre tu dis ? Qui n'inclut ni le cannibalisme, ni le meurtre, ni la convoitise de jeunes pupilles ? Heu... Eh bien... Peut-être... Hmm... Non. Non. Je ne vois pas. Mais pas du tout ! Sweeney Todd me paraît être un choix tout à fait festif d'ailleurs, regarde, ça chante, c'est gai, ça plaît à la ménagère même, parce que ça parle de cuisine au final. Ca plaît aux papas comme il faut car il faut toujours être rasé de frais. En fait, je crois même que je n'aurais pas eu de meilleur conseil que celui-ci.
Et alors qu'il voit qu'Isolde ne s'attendait pas forcément à mieux de sa part, tout en espérant sans doute que ce ne serait pas aussi flagrant, il se met à chantonner, pour Leela, en prenant les tons et les expressions, alors qu'il lui propose d'autres pancakes comme s'il s'agissait de tourtes :
_ Try the friar, fried it's drier. No, the clergy is really too coarse and too mealy. Then actor, that's compacter ! Yes, and always arrives overdone... I'll come again when you have judge on the menu.
Il rit même sur la fin :
_ Non je ne vois vraiment pas ce que tu trouves à redire, regarde, on a déjà envie de danser ! Une kermesse magnifique. D'enfer je dirais même !
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() message posté Mer 4 Jan 2017 - 23:33 par Invité

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james & isolde




Les pensées parasites, tout doucement, s’égrainent. On dirait qu’il n’y a plus rien. Qu’il ne reste que cette simplicité sans fard, ce naturel presque incongru. Mais ce n’est qu’un leurre. Un leurre plus sournois encore que tous les autres, qui se joue d’eux et de ce qu’ils croient pouvoir entrevoir. Cet ensemble n’existe pas. Comment le pourrait-il après une nuit passée à étreindre l’horreur dans ce qu’elle a de plus indécent ? Pourtant le temps d’un balbutiement, l’espace indistinct d’un soupire, elle se plaît à y croire. A se dire qu’il serait possible de reconstruire encore ce qui a déjà été brisé. Car si Leela et James ne connaissent pas l’étrangeté simpliste de ce quotidien, Isolde, elle, le sait. Elle le sait dans sa chair, dans son sang, dans son âme. Elle le sait dans toutes les réminiscences qui demeurent de celle qu’elle était alors, ayant incarné en elle-seule tous les carcans que James rejette aujourd’hui en bloc comme par principe. Elle avait été la mère. Elle avait été l’épouse. Elle avait été l’enfant. Elle n’avait plus rien été ensuite. Et rien de ce qui avait été détruit ne pourrait être reconstruit avec la même harmonie. L’harmonie n’existait plus. Elle avait été jetée en pâture aux sbires morbides qui se repaissaient aujourd’hui de ses regrets, de ses remords. Son visage pris des teintes lointaines encore, à se confondre dans une expression en suspens. Le naturel qu’ils convoitent se peint sur ses traits comme une seconde nature, mais une nature proscrite, une nature qui ne lui appartient plus. C’est presque une injure en réalité, de se permettre de caresser l’idée qu’ils pourraient s’arrimer l’un à l’autre, construire. Il n’y avait pas de construction possible avec James, il le lui avait dit lui-même, il n’y avait que chaos et destruction dans ce qu’il entreprenait. L’idée n’avait aucun sens, esquissait des perspectives qui prêtaient à rire. Et elle le connaissait à peine. Si peu. Un savoir si ténu qu’il ne tenait à rien de plus qu’un fil. Pourtant elle aimait le savoir là et nulle part ailleurs. Elle aimait l’idée de l’initiative. Elle aimait se dire qu’il pourrait recommencer à faire des pancakes difformes avec Leela, et que cela pourrait être simple. Simple comme ce matin à l’équilibre précaire, mais à l’équilibre quand même. S’en est presque indécent pour Isolde d’y songer, si prude qu’elle peut-être lorsqu’il s’agit d’envisager l’avenir. Et puis il y a Peter. Peter qui se tait, Peter qui se cache. Peter qui n’est jamais bien loin pourtant, et qui se rappelle à elle chaque fois qu’elle fait un pas en avant pour s’éloigner de l’abîme qui le détiendra toujours. Peter encore, dont l’image idéalisée par la mort le rend intouchable, inégalable aussi. Comment peut-elle envisager de laisser James entrer dans leur quotidien ? Il injure. Il tourmente. Il pourfend. Il frôle constamment des travers interdits, s’arroge le droit de la tourmenter quand cela a toujours été proscrit. Mais contrairement à d’autres, il est là, lui. Il est là et il la regarde, il la touche, il la manipule. Sa présence est infinie, émet des vibrations jusqu’aux fibres de ses chairs oubliées, les réveille, les ranime. Il est imparfait, ce qu’il est ne correspond à rien de ce qu’elle espère ou pourrait attendre d’un homme. Elle le désire pourtant, dans toutes ses turpitudes, ses humeurs assassines, ses élans impérieux et ses intensités douloureuses. Elle le désire comme elle n’a pas désiré quelqu’un depuis très longtemps, et c’est peut-être pour cela qu’elle ne lui pardonne pas cette envie fugace qu’il a eu de vouloir disparaître. Il ne peut plus partir à présent. Il est allé trop loin. Elle aussi. Elle l’a suivi dans trop de replis, dans trop de retranchements pour s’éloigner désormais sans rien dire, ou même songer à le rejeter totalement. Il est trop tard. Il est trop tard et elle le sait. Et ce savoir-là lui fait peur. Il déchaîne des passions interdites, rend la culpabilité plus puissante. Il modèle tout, change tout ce qu’elle connaissait pour façonner autre chose. Une chose différente qu’elle ne distingue pas encore, mais dont elle se sait approcher à chaque instant davantage. L’intermède avec Leela la tire de ses pensées. Elle se prête au jeu bien sûr, car elle adore les tonalités que prennent la voix de la petite lorsqu’elle la taquine un peu. Certaines de ses expressions lui rappellent son père, surtout lorsqu’elle s’indigne. A moins que ce ne soit elle qui fronce légèrement le nez pour marquer le mécontentement. Parfois, elle ne sait plus bien. D’ailleurs, à la remarque de James, les lèvres d’Isolde s’entre-ouvrent, arborent un soubresaut d’indignation mêlée d’amusement. « Tu exagères ! J’ai seulement … Un estomac capricieux. C’est tout. » Répartie dépourvue de sens. Elle semble légèrement bougonne un instant mais cela ne dure que le temps que ses doigts tâtonnent jusqu’à un autre pancake, qu’elle roule comme s’il s’agissait d’un cigare. Elle mord dedans avec un soupçon de désinvolture, ses bouchées étant bien moins mesurées que les siennes lorsqu’il picore. L’appétit d’oiseau va sans doute avec le personnage. James dévore ses pancakes comme il dévore la vie : par petits morceaux, contre toute attente, avec une modération presque maladive. Il mange déjà, c’est une bonne chose. Elle ne va pas s’en plaindre. Sa remarque la cueille au moment où elle ne s’y attend pas forcément. Elle demeure interdite quelques instants, porte ses mains glacées autour de sa tasse fumante. « Ce n’est pas moi qui suis la plus inquiète à l’idée que tu puisses rester. » Sous-entendu, elle sait pertinemment qu’il ne se serait de toute façon pas éternisé indéfiniment. C’est trop loin de tout ce qu’il connaît, c’est trop de choses à la fois. Elle le comprend. Elle a peut-être justement proposé en connaissance de cause, parce qu’il est audacieux, mais peut-être pas au point de s’imposer trop longtemps dans cet univers-là. Pas s’il a conscience que cela pourrait modifier les codes de celui qu’il connaît déjà.

La question de la fête de l’école est mise sur la table et les pensées d’Isolde virevoltent vers cet horizon-là. Sweeney Todd. Bon sang. L’idée de chanter cela l’amuse. D’imaginer les airs indignés des mères prudes et stéréotypées la grise presque. Mais elle a conscience que cela pourrait avoir une incidence sur Leela. Elle ne voudrait pas qu’à cause d’un choix houleux, les mamans refusent de laisser leurs progénitures l’inviter à jouer chez elles, ou l’excluent des goûters d’anniversaire par exemple. Ce petit monde-là pouvait être si cruel parfois. « […]Ouii ! Et même que dedans, bah bah … Y’a une dame troop belle, et elle chante comme une fée ! Mais le méchant tout pas beau ben … Il lui a piqué son papa ! » Leela est concentrée à l’extrême, les yeux ronds comme des billes, à retranscrire ce qu’elle a pu voir et comprendre avec une certaine … approximation dirons-nous. Avec James qui l’encourage en plus, on ne l’arrête plus, et Isolde sait d’ores et déjà qu’elle va devoir y passer. Prévisible d’ailleurs, sa réponse ne l’aide absolument pas. Au contraire, il l’enfonce. Impossible de lui dire non à présent. Un petit air mécontent caresse ses traits, elle lui adresse une moue inquisitrice qui dit clairement : « ça mon p’tit père, tu me le paieras un jour », puis détourne de nouveau son attention sur Leela dont l’enthousiasme n’est plus à prouver. « C’est quoi le cannibalisme ? » articule-t-elle péniblement en déglutissant une bouchée de pancake. Isolde s’empresse de répondre, parce que pour le coup, tel qu’il est parti, James risque d’avoir une explication bien trop crue. « C’est quand quelqu’un aime manger de l’homme comme s'il s'agissait de ... De viande. » - « Comme si c’était … Un poulet ? » - « Hmm … Oui, voilà. Un poulet. Exactement. » - « Mais … Mais c’est dégoûtant ! » - « On peut le dire oui. » - « J’aimerais pas manger James. Il a pas beaucoup de viande. T’es pas assez mou toi ! » dit-elle en riant en pointant son index minuscule vers lui, pendant que la figure maternelle consentait en pouffant de rire derrière sa tasse de thé. « Toi en revanche, avec tous les pancakes que tu as mangé, je suis sure que tu serais délicieuse … Juteuse à souhait … » Elle dévoila ses dents, lui jette un sourire carnassier. « Noooooon ! Arrêêête ! je suis pas de la viaande ! » s’indigna Leela d’une même voix. L’échange se poursuit, James finit de renforcer la détermination de Leela en entonnant un air. La petite l’observe alors d’un air admiratif, avec de grands yeux, trépigne presque sur sa chaise. « Tu la connais toute par coooeur ?! » lui demande-t-elle lorsqu’il s’interrompt enfin, et qu’Isolde lui répond à son tour d’une même voix. « Mais c’est terrible enfin ! On ne peut pas chanter ça … » Elle pose sa paume contre son front, sait déjà que le combat est perdu d’avance. « Mais sii ! James il a dit que ça ferait d’enfer !! » - « Bon … Bon très bien. Mais pas question de chanter autre chose que celle que James vient de fredonner d’accord ? … » Elle baisse le ton, ajoute pour elle-même : « Ça reste l’une des plus soft … Et encore … » - « Ouii ! Trop cooool ! Mercii ! » D’un bond, elle se lève de sa chaise. « J’peux sortir de taaable ? » un peu tard pour demander vu que c’est déjà fait, mais soit. « Minute papillon. Ton bol, dans l’évier. Et puis ce n’est pas parce que tu ne vas pas à l’école aujourd’hui que ça te dispense d’aller te débarbouiller. Je suis certaine que tu as plein de chocolat sur la figure. » - « Même pas. » Mensonge éhonté, elle l’entend à sa petit voix trop innocente pour être crédible. « Aller, file. » Sa moue capitule, elle pousse un petit soupire en l’entendant filer comme une fusée on ne sait où. Sa chambre, probablement. Ou la salle de bain, si un miracle se produit. « Au moins il y en a une pour qui la nuit a été réparatrice. » L’ironie est mesurée, prononcée avec calme comme un constat plus qu’avec une intention incisive. Elle se lève à son tour, empile les assiettes vides, se complaît dans des gestes mécaniques jusqu’à placer la vaisselle sale dans l’évier. « Si elle se fait virer de l’école pour avoir interprété un mini barbier sanguinaire à bouclettes, tu seras un peu responsable tu sais. » Elle esquisse un sourire en demi-lune, tâtonne jusqu’à trouver le robinet d’eau chaude, ferme le siphon, retrousse les manches de son gilet, y met les mains enfin.








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James M. Wilde
James M. Wilde
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Still she gives you everything you need… Is it enough ? _ Pv Isolde - Page 4 1542551230-4a9998b1-5fa5-40c1-8b4f-d1c7d8df2f56
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() message posté Jeu 5 Jan 2017 - 21:01 par James M. Wilde



« Sigh, static moans
A storm growing strong
And it's coming my way
Still she gives you
Everything you need
Is it enough ?
You're running out of time
As it grows in your eye
You'll feel
Broken inside, you'll feel »

Isolde
& James




Il demeure au conditionnel, tout se peint dans sa tête aux douces couleurs des possibles et des probables. Il se projette dans un quotidien qui d'habitude le ferait fuir à toutes jambes, il s'identifie dans les mots et les tournures, il pose dans le décor qui semble l'adopter. Presque rien ne dénote, et la terreur, par vagues pernicieuses, vient lui rappeler les minutes oubliées de la nuit précédente. Des fausses notes dans sa partition de perfection, l'on ne peut s'improviser normal lorsque l'on s'est juré de toujours briser les attentes. L'on ne peut être attendu quelque part, comme dans ce foyer doucereux, quand on choisit de toujours choquer ceux qui comptent sur vous. Alors que reste-t-il ? De faux idéaux et des larmes séchées sur la douleur endormie, le ruisseau tari de l'acidité de cette fuite, cette fuite vers la mort. Mais l'acide quand même, dans son lit, l'acidité des mots qui ne pourront jamais être totalement effacés. Alors qu'il mange, son esprit reprend de l'allant, il se souvient de bribes éparses qui sonnent comme des hurlements. Et pourtant... Dès qu'il la regarde, il s'apaise imperceptiblement et malgré l'intransigeance de son caractère, les tempêtes qui le poussent toujours vers d'autres horizons, il ne parvient pas à s'imaginer autre part. Il n'aimerait pas être ailleurs, il veut continuer à la voir sourire avec sa gosse, il veut continuer à la découvrir dans l'assoupissement de la rage. Il ne veut pas la quitter, il a cette peur panique qu'elle puisse l'oublier, comme l'on finit toujours par gommer ce qui fait véritablement mal pour ne se souvenir que du désagrément, et jamais de ce qui était délectable dès que la douleur s'évanouissait. Il sourit en la regardant dévorer les pancakes, il sourit beaucoup trop ce matin mais il choisit de ne pas s'en faire, la parenthèse est trop agréable pour clore encore ce qui débuta dans le froid et l'horreur. Alors la projection dans un cadre qui ne l'étouffe pas, la projection dans une vie qu'il ne connaît guère et dont les obligations inhérentes finiraient sans doute par éroder l'élan de la nouveauté. Mais qu'en sait-il alors qu'il se surprend de tout ce qui se joue sous ses yeux fatigués ? De tous ces gestes esquissés tels d'aériens ballets, entre les hésitations de ne plus voir et l'incertitude d'un guide bien trop petit ? Il ne peut pas en vouloir à Leela de cette envie irrépressible d'accompagner Isolde dans l'opacité terrible qui est la sienne. N'a-t-il pas conçu cette envie le premier jour, alors qu'elle s'échappait trop vite du Viper, lui prendre son bras, envahir tous ses sens pour qu'elle se raccroche aux siens, imposer encore plus de vérité dans ses attitudes tapageuses, pour compenser ce qu'elle ne pourrait jamais deviner sur son visage ? Il y a des secrets qui filtrèrent entre eux dès les premiers instants, et il sait pertinemment que son intérêt grandissant (ne mentons guère, son intérêt viscéral, ce besoin déraisonnable de la posséder toute entière) provient de cet enfermement si semblable à celui qu'il nie être le sien. Il ne s'est pas écoulé une seule journée durant ces dernières semaines sans qu'il ne songe à elle, sans qu'il ne la relie à son existence maladive, cherchant à tisser ce qu'il arguait vouloir détruire dans sa tête. A-t-il voulu détruire la nuit dernière ? Ou prouver tout au contraire qu'il était incapable de se scinder désormais ? Tout demeure nébuleux, l'opacité d'Isolde déborde sur la sienne, elles se jouent l'une de l'autre, et les croyances sont tellement ancrées dans sa chair qu'il a très mal. Bien plus que cette simple douleur physique dessinée à chaque morsure des aiguilles, bien plus que la folie du repentir et des remords. Il a mal car depuis des semaines il sait que sa liberté crève, cette liberté chérie qui l'a pourtant plongé dans une quasi apathie est en train de choisir ses chaînes, et il a l'impression de tromper tous les idéaux qui se sont tatoués dans son âme depuis une éternité. Il a mal parce que le souhait formulé contre ses lèvres est plus fort encore que la peur, ce souhait est devenu une sorte de fureur. Il ne devine que des sentiments qu'il est incapable de lire encore, les espoirs et les doutes les masquent, mais ce matin il vit, il vit dans leurs silences, il vit dans la simplicité de l'échange, il vit et la douleur s'affadit à chaque fois que l'air se déplace pour leur laisser quelques bribes des infinis qui leur reste à parcourir ensemble. Il s'y mire et la voit, il ne peut plus regarder dans le trouble des lendemains sans la dessiner. Alors... ça le hante, ça le hante que de s'être oublié dans sa folie d'addiction venimeuse, ça le hante car il croit deviner, alors que les échos deviennent nombreux sous son crâne, et qu'il se masse la tempe, qu'il a voulu la traîner dans ses abysses pour lui faire payer cette fureur qu'elle déclenche, lui faire payer chaque entrave, lui rappeler des fautes dont elle n'est toutefois pas responsable. Et peut-être... peut-être aussi, lorsqu'il l'a appelée, mesurer la force du lien avant de s'y menotter. Elle est toujours là... Ses yeux la dévorent, il aimerait plonger sa langue dans son thé pour connaître ses pensées. La phrase plane, pleine de ces évidences qu'ils ne disent pas encore, et qu'il pose là, en tribut à ses pieds, sur un ton anodin :
_ Ils prétendent toujours que c'est partir qui est le plus difficile. Rester demande plus encore. Ça donne des inquiétudes et des espoirs, à ce que j'ai entendu dire.
Il sait qu'elle table sur sa frénésie du changement, il croit inéluctable son arrachement à l'invitation qui ne peut être que temporaire. Chacun doit comprendre ce que le joug de leurs attentes implique.

La kermesse remet la légèreté au-dessus de leurs têtes, James se prend au jeu du tentateur, impossible de dénigrer cette idée tordue et séduisante. Cela sort tant des sentiers battus qu'il ne peut que les rendre plus tortueux encore. Il sait à présent qu'Isolde n'a rien de conventionnel, quoiqu'elle cherche à prétendre pour demeurer dans les ombres qui forment son palais de froideur et de distance. Il n'y a que sa raison qui la retient d'encourager sa fille à chanter en choeur les idées torves du massacre. Il écoute attentivement chaque détail assez saugrenu que Leela s'évertue à peindre, Sweeney Todd paraît encore plus passionnant dans sa bouche. Il note la moue affichée face à ses encouragements, hausse un sourcil comme si elle était capable de distinguer cette arrogance qui trace les limites du challenge, et sans doute peut-elle le deviner dans son souffle plus court et le ton de sa voix d'ailleurs. Il ouvre la bouche, trop content d'enfoncer le clou en donnant sa propre définition du cannibalisme mais se voit coiffé au poteau par Isolde ce qui le fait sourire, le nez dans sa tasse. Il manque de s'étouffer quand la petite le désigne comme un piètre repas, fait semblant d'être outré avant de statuer, l'air le plus sérieux du monde sur le visage :
_ Vous ne savez pas ce qui est bon, c'est tout.
Une chansonnette plus tard, il opine pour confirmer que le répertoire de cette comédie musicale est entièrement gravé dans sa tête. Il oublie de préciser que Greg est fanatique de tout ce qui se chante en costumes, et que si lui préfère plutôt l'Opéra, ils ont passé des heures et des heures, lorsqu'ils étaient jeunes et fauchés, à épier les représentations pour s'y précipiter, histoire de faire plaisir au blondinet. James et Ellis ne l'avoueraient jamais, mais en vérité, ils aiment bien ça aussi. Il sourit de toutes ses dents quand enfin le débat semble gagné et il murmure, presque aussi ravi que Leela :
_ Superbe.
La gosse s'envole vers le fond de l'appartement, sa présence électrique met un petit moment à se dissiper et James sent l'atmosphère légèrement changer alors qu'ils se retrouvent tous les deux. Il fait mine d'être détendu, les deux mains derrière la nuque en observant le plafond mais il ne l'est plus tout à fait lorsque la remarque d'Isolde vient réveiller les pensées qui envahissent sa tête depuis que son corps s'extirpe des affres du sommeil et de la drogue. Il laisse un blanc, mais sa bonne humeur ne se voit pas totalement amenuisée, il ne prend pas ses mots pour des injures, mieux encore, il les accepte mais ne présente aucune excuse qui serait de toute façon déplacée dans leur équilibre précaire. Il dit doucement :
_ Elle s'inquiétait ce matin de tout ça, elle pose tellement de questions parfois. Je lui ai juste dit que j'avais été malade. C'est pas totalement faux...
Il lui avait promis de lui laisser l'occasion de donner sa propre version mais il n'avait guère prévu être ainsi cueilli au réveil par cette bouille enfantine. Il se lève précautionneusement, fait craquer ses articulations en s'étirant, apporte les dernières tasses qui traînent pour les glisser à côté du reste. Il s'adosse au plan de travail, à côté d'elle, non sans avoir profité de son manège pour se pencher au dessus de son épaule, jouer de nouveau avec cet espace qu'il ne consent jamais à lui laisser comme repli. Il rit légèrement à sa remarque, se mord la lèvre, ne se sentant pas véritablement coupable :
_ C'est quand d'ailleurs ?
Il laisse tomber le constat implicite à cette question, celui qu'il ne formule pas mais qui sonne comme « … que je puisse venir voir. » Il fronce légèrement des sourcils, surpris de sa propre phrase maintenant qu'elle s'est élancée dans la cuisine. Il demeure discret quelques secondes, puis tâtonne dans sa poche jusqu’à en extraire son portable, allant jusqu’au bout de sa pensée d’exploiter Phil pour se permettre de rester encore. Juste encore un peu. Il attend deux sonneries, ce qui l’agace d’emblée, pour entendre la voix chantante de son employé qui semble aller pour le mieux. Bientôt, la conversation se fait sur un rythme staccato, tandis que James essuie la vaisselle, mécaniquement, cette même mécanique dans laquelle Isolde se renferme, son portable coincé entre l’épaule et l’oreille :
_ Quand je reviens de vacances ? C’est donc la version officielle ça ? Tu m’en diras tant. (L’ironie dégouline sur cette phrase) Ouais… Ouais c’est ça. Moi aussi je suis vraiment ravi d’entendre que t’as toujours l’air simplet. Justement, je suis encore un peu en vacances, et faudrait que tu m’apportes des trucs. (Il passe un moment à énumérer par le menu ce qu’il veut, et l’on sent que c’est comme ça et pas autrement. Tout y passe, le manteau, le bonnet, la Gibson, ses clopes, un chargeur neuf… Il termine en lui donnant les instructions pour qu’il dépose le tout en bas, en s’adressant à la concierge, lui dit qu’il descendra quand il sera là. Puis, un changement soudain dans le volume sonore) Quoi ? Non mais je comprends rien à ce que tu dis, pourquoi tu baragouines ? (Il s’interrompt dans sa tâche, repose soigneusement l’assiette, bien trop soigneusement, semble se tendre. Sa voix perd toute sa légèreté) Putain, la semaine prochaine ? Arrête de faire comme si c’était la fin du monde, j’avais prévenu, ne viens pas pleurnicher. Dis à Véga… (Il soupire, se passe une main nerveuse dans les cheveux) Non mais écoute-moi. Phil. Phil. La ferme, voilà. (Le ton est de plus en plus tranchant) Dis à Véga de pas laisser ces connards approcher. Je veux pas rentrer et me retrouver assailli par les questions. Quoi ? Comment ça il est en congés ? Qui a décrété qu’il avait le droit à des congés ? Putain… Mais je me contrefous qu’il ait sa famille pour les fêtes ! Tu es en train de me dire que le service de sécurité est assuré par cette société de m… (Il grogne, secoue la tête, excédé à présent. Il s’est éloigné au fur et à mesure, retournant près de la fenêtre, comme s’il guettait l’arrivée imminente des journalistes évoqués par Phil. L’annonce de la sortie du bouquin vient de tomber) Bon. J’en ai déjà marre. Tu dis à Greg de gérer, tu lui dis que je reviens et que… dis-lui juste que je reviens. Oui bientôt. Et fais ce que je t’ai demandé.
Il raccroche, sans merci et sans au revoir, comme d’habitude, fourre de nouveau son smartphone dans sa poche avec un geste plutôt brusque et aussitôt, il traverse la cuisine en trois enjambées, vient complètement envahir celle qui devient le seul ancrage qui lui semble ne pas couver d’autres menaces, repousse au loin tout ce qu’il vient d’apprendre, scinde sa vie, se ré-enferme dans cette matinée qu’il n’aurait pas dû briser avec l’extérieur. Il enlace sa taille, pose son menton sur son épaule, entrave un peu ses mouvements alors qu’elle continue à faire la vaisselle. Il respire sa présence, violemment, l’apaisement se mâtine de sa fureur qui ne devient que passagère, son ton de voix s’excuse mais ses mains n’en font rien, elles se croisent pour la garder contre lui. L’intrusion de ce futur trop proche le laisse à bout de souffle, il a vraiment eu l’envie irrépressible de piler Phil sur place. Il frotte son nez dans son cou, comme il le fait parfois, avant de marmonner :
_ Que veux-tu faire cet après-midi ?
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() message posté Ven 6 Jan 2017 - 15:08 par Invité

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james & isolde




Son corps se tend de tout ce qu’il ne peut encore accepter. C’est trop tôt, bien trop tôt. Les douleurs de la nuit passée se diffusent encore dans ses muscles, raidissent les nerfs qui deviennent aussi fragiles que du cristal. A chaque gorgée de thé qui se déverse le long de sa gorge, qui embaume tout son palais des arômes subtils de menthe, elle boit les incertitudes, les laisse glisser jusqu’au creux de son ventre qui se noue, se tord, devient le réceptacle de l’insupportable. Toute cette normalité déroutante a quelque chose de trop étrange pour qu’elle parvienne à s’y sentir totalement à sa place. Tout prend des teintes qu’elle reconnaît, mais le paysage n’est pas tel qu’elle l’avait imaginé autrefois. Les protagonistes du conte ne sont pas les mêmes, ils n’ont rien à voir avec ceux qu’elle chérissait au temps jadis. Ils ne ressemblent à rien de ce qu’elle connaît, en revêtent toutefois les mêmes codes. Voir James se complaire, ne serait-ce qu’un instant, dans ce quotidien qu’elles ont eu tant de mal à créer ensemble la rassure, et la met mal à l’aise en même temps. L’ambivalence est délicate. Entre l’envie de pouvoir l’apaiser, vouloir lui offrir ce bonheur illusoire pour le tirer enfin de ses élans assassins, et celle de lui demander de partir, de ne pas briser l’équilibre précaire, parce que s’il reste, elle se doute qu’il le fera tôt ou tard. Elle a peur de ses élans. Elle n’a pas peur qu’il les retourne contre elle en particulier, mais qu’il le fasse contre leur binôme. Elle a peur de donner un nom à ce qu’ils représentent. Représentent-ils quelque chose d’ailleurs ? Oui. Depuis quelques temps déjà, elle sait qu’elle ne peut plus nier l’évidence. Mais leur histoire est tellement semée d’embûches, de difficultés et d’incertitudes depuis le début que jamais elle n’a pu se parer d’une étiquette. De toute façon, l’un comme l’autre, ils rejettent ces étiquettes-là. Isolde ne les accepte pas, elles ne lui conviennent plus. Mais le laisser entrer dans sa vie totalement, accepter qu’il l’envahisse, le vouloir d’une certaine façon, c’était céder la place. C’était décider de se consacrer à lui et à lui-seul. Mais le pouvait-elle ? Etait-elle vraiment prête à faire le deuil ? Non, elle ne l’était pas. La présence évanescente de Peter était encore beaucoup trop gravée dans sa chair. Il ne se passait pas un seul jour sans qu’elle n’y pense, sans qu’elle ne cherche ces bribes de lui perdues au creux des expressions de Leela. Leela lui ressemblait paraît-il d’une manière troublante. Elle avait ses expressions, la pâleur de son teint, l’indiscipline de ses cheveux roux, l’intempérance de son caractère. Mais elle n’avait pas ses yeux. Elle avait des yeux sombres, couleur ébène, comme son père. Et des lèvres charnues qu’elle n’avait pas non plus. Des lèvres qui s’ourlaient d’une manière très singulière lorsqu’elle riait, qui ne lui ressemblaient pas du tout. L’accumulation des détails, qu’elle était peut-être la seule à distinguer avec une infinie précision, rendait parfois l’oubli impossible. Et ses envies d’ailleurs, ses désirs impétueux d’avancer, de se complaire auprès d’une autre entité masculine se sclérosaient dès lors qu’elle posait un peu trop longtemps son « regard » sur Leela. S’accrocher à ces rêves perdus était malsain, elle le savait. Elle avait également conscience que jusqu’à ce qu’elle rencontre James, elle ne faisait qu’errer dans une existence sans véritablement en faire partie. Sa violence l’avait comme réveillée, avait malmené le carcan illusoire dans lequel elle s’était perdue pour la forcer à ressentir, à s’émouvoir, à s’insurger aussi. Choses qu’elle ne faisait presque plus jusqu’alors. Mais la renaissance était si intense parfois que s’en était presque trop. Cette nuit par exemple, ils avaient griffés des retranchements qu’il aurait mieux valu laisser en paix. Il est des espaces qu’il vaut mieux parfois ne jamais franchir. Ceux-là en faisaient partie.

Sa remarque se réverbère, devient un fond sonore. Il a raison. Rester inquiète. Rester fait espérer aussi. Ces deux sentiments se chamaillent actuellement en elle, et l’un n’arrive pas tout à fait à prendre le pas sur l’autre. Alors elle ne répond rien. Et qui ne dit mot consent paraît-il. Quant aux notes plus légères qui s’installent ensuite, Isolde essaie de les savourer, d’en faire partie sans honte, de s’impliquer aussi avec un naturel qui lui sied mais qui n’est pourtant pas entièrement naturel. Elle se complaît parfois dans des jeux pour faire plaisir à Leela. Elle aime l’entendre s’indigner, elle aime l’entendre rire, elle se délecte de cette énergie infinie qu’elle déploie et qui souvent l’épuise en réalité. Mais c’est un épuisement sain. L’épuisement que tout parent ressent face aux élans enfantins. Quand la petite file vers des occupations plus palpitantes, la remarque que James émet la laisse un instant songeuse. Elle n’a pas encore eu l’occasion d’en discuter avec Leela, ne le fera sans doutes pas si elle ne lui demande pas davantage d’explications. A quoi bon remuer le couteau dans la plaie ? Peut-être s’était contentée de ce que James avait pu lui dire. « Elle pose constamment des questions … » murmure-t-elle dans un petit sourire de dépit qui fait écho à ses paroles. « Tu as eu raison. Tu … Tu as bien fait de lui dire ça. C’est assez vrai pour le coup. » Elle marque un temps de pose. Ne cache pas la surprise qui l’anime de le voir s’interroger au sujet de cette kermesse. « C’est avant les vacances d’hiver il me semble … Celles de février. Pourquoi, ça t’intéresse ? » La question semble incisive sur le coup, elle ne l’est pas en réalité. Il serait peut-être déplacé de l’inviter, ou même qu’il songe à venir. Sa notoriété était renaissante depuis le concert au Viper. Elle avait beau ne pas suivre toute leur actualité, voire ne pas s’en mêler du tout, Judy n’avait pas pu s’empêcher de lui faire part de quelques bribes d’articles à la suite du concert. Bientôt il ne pourrait plus prétendre se balader tranquillement sans prendre le risque de croiser quelques ombres fanatiques. Terrifiant. Quoiqu’il en soit, elle trouverait dommage de le convier à cette fête, que quelques entités dans le public le reconnaissent, et que la vedette soit volée à des maternelles qui auraient donné toute leur énergie pour cette fête. Enfin … s’il y tenait vraiment, pourquoi pas. Mais avec une cagoule. Voire deux. Il ne voulait pas réellement venir de toute façon, si ? Isolde demeure mutique à la sonnerie de son téléphone, fronce les sourcils, se concentre sur l’éponge et la tiédeur de l’eau, ne peut s’empêcher d’écouter d’une oreille cependant. Il n’y a rien de très compréhensible dans l’échange qu’ils ont, et elle lève les yeux au ciel en esquissant un sourire amusé. Le James qu’elle connaît est bel et bien revenu, ça, il est impossible d’en douter. Et elle a d’ores et déjà de la peine pour ce pauvre Phil qui, s’il oubliait quelque chose sur la liste, risquait d’en prendre pour son grade. Le doucereux surnom de « connard » doit être celui attribué à de quelconques journalistes, cela lui semble l’explication la plus plausible. Quant au reste, franchement, elle ne comprend rien. A part peut-être que Phil semble contrarié, et qu’il se tramera quelque chose la semaine suivante. « Tout va bien ? » murmure-t-elle enfin sans se départir de sa tâche, ayant patienté que l’échange se termine. Un léger soubresaut la traverse de le sentir envahir son espace sensible une fois encore, comme si elle ne s’y attendait jamais. Il faut dire que son corps était si tendu que le moindre contact imprévu aurait pu la faire tressaillir. Ses doigts s’étaient crispés autour d’une tasse alors que son corps s’habituait à cette intrusion proscrite et espérée tout à la fois. Elle pousse un long soupire, sa cage thoracique s’élève, s’abaisse enfin doucement en même temps que sa nuque. « Rien de particulier… Je n’ai plus d’énergie aujourd’hui … » Ses épaules s’affaissent légèrement à leur tour, elle vide l’évier machinalement, laissent ses mains un instant inertes. « J’ai un peu de paperasse à traiter. » Difficile de se dérober totalement face au quotidien, et aux responsabilités. La librairie restera déjà fermée exceptionnellement aujourd’hui, cela risquait de susciter les interrogations de certains clients. Tant pis. Elle posa ses doigts légèrement humides sur ses avant-bras, tourna un instant la tête pour effleurer sa joue avec le bout de son nez. Un léger soupire lui échappa de nouveau.

« Maman Mamaan Mamaaaan ! » l’interpellation de Leela dans le couloir, ponctuant ses petits pas précipités sur le parquet la fit sursauter légèrement. Et dans un réflexe inconscient, juste avant qu’elle ne reparaisse dans la cuisine, elle avait repoussé la silhouette de James, s’en détachant avec une rapidité fulgurante pour mieux se frotter le front devant la petite, légèrement gênée. Comme si elle ne voulait pas qu’elle les voit trop proches. Pas tout de suite. Pas encore. Il y avait des questions auxquelles elle ne voulait pas encore répondre. « Qu’est-ce qu’il y a ? » - « Vous faites quooi ? » - « Rien. La vaisselle. Qu’est-ce qui t’arrive ? » Leela les observa tour à tour en penchant la tête, sembla suspicieuse un instant, puis sautilla sur place de nouveau. « J’peux regarder Titi et Rominet s’il te plaît ?! » - « Si tu veux. » Elle aurait pu ajouter un « mais » fatidique mais n’en fit rien, trop fatiguée qu’elle était pour lui refuser quoi que ce soit. De toute façon, aujourd’hui, à part lézarder, elle ne voyait pas ce qu’ils pourraient faire. Ne rien faire justement, parfois, pouvait s’avérer salvateur. « Tu veux regarder toi aussi ?! » lâcha Leela à l’intention de James, lui prenant déjà la main pour le tirer derrière elle. « Bah tu sais, le Rominet, bah, il est trop rigolo ! Et puis Bip Bip, il va trooop vite ! » Un léger rire amusé s’échappa des lèvres d’Isolde. Ah il avait voulu faire le malin en faisant des pancakes avec elle. Il lui avait sans s’en rendre compte ouvert une porte, et Leela s’engouffrait dedans tête  la première. Elle n’allait pas le lâcher. Isolde profita qu’il soit accaparé pour s’accorder un moment solitaire, murmurant un : « Bon ben pendant que vous êtes occupés, je vais prendre une douche moi … » avant de disparaître d’un pas feutré dans le couloir, puis dans la salle de bain.

La sensation de l’eau tiède sur son corps endolori fut plus que salvatrice. Elle tremblait presque au début, ses muscles se détendant grâce à la chaleur et la vapeur d’eau. Chaque goutte qui ruisselait sur sa peau semblait laver les tourments, les impressions, la sensation poisseuse et dégoulinante du désespoir aussi. Au bout d’un moment elle chantonnait presque, entonnant un petit air indistinct. Air indistinct qui ressemblait beaucoup au titre de Sweeney Todd que James avait amorcé un peu plus tôt dans la cuisine. Elle sortit enfin, enveloppa son corps dans une serviette tiède, fit de même avec ses cheveux trempés. Une vingtaine de minutes plus tard, après avoir passé un pantalon fluide et un pull, elle les rejoignait dans le salon, l’air revigoré par les bienfaits de la douche. « Alors, où est-ce qu’ils en sont ? il a réussi à l’attraper, ce canaris ? » Elle sourit, ses doigts glissent furtivement le long de l’épaule de James discrètement, elle s’assied enfin à côté de Leela, entre eux deux, repliant ses jambes. « Pousse donc tes petites fesses toi, tu prends toute la place ! » Leela fronce les sourcils, l’air furibond, raffermit sa prise autour de son lapin en peluche. Elle se mettait toujours pile au centre du canapé, au niveau de la rainure entre les deux coussins. Ainsi elle pouvait mettre ses petits pieds dans l’interstice. « Meeeh, c’est toi qui prends toute la place regarde ! » Elle s’insurge, se déplace enfin quand Isolde lui donne presque un coup de fesse, vient finalement se lover contre sa silhouette, accroupie sous un plaid.  « Tu veux que je mette la voix de la petite dame ? » L’audiodescription, pour transcrire. « Non, c’est pas la peine. Ne t’en fais pas. »








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James M. Wilde
James M. Wilde
MEMBRE
Still she gives you everything you need… Is it enough ? _ Pv Isolde - Page 4 1542551230-4a9998b1-5fa5-40c1-8b4f-d1c7d8df2f56
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() message posté Sam 7 Jan 2017 - 17:07 par James M. Wilde
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« Sigh, static moans
A storm growing strong
And it's coming my way
Still she gives you
Everything you need
Is it enough ?
You're running out of time
As it grows in your eye
You'll feel
Broken inside, you'll feel »

Isolde
& James




Inexorablement, les pensées s’insinuent, particulièrement après ce coup de fil qui le ramène au chaos qu’il s’efforce d’oublier. Il y a d’infimes morsures qui se rappellent à sa peau, cette peau qu’il réveille en y arrimant sa colère coutumière, qui se couvre un bref instant de frissons comme s’il avait approché les flammes après avoir été tenu à l’écart de toute chaleur. Il se perd dans le silence qui suit, se retrouve aussi dans l’agacement qui demeure à tourbillonner dans sa tête. Il est trop tôt pour se voir arraché à la retraite qu’il a déjà trop difficilement acceptée, trop tôt pour se jeter de nouveau dans l’arène et se retrouver contre tout le monde à la fois. Quelques jours et ce sera la frénésie, les phrases assassines, les remarques torves, les excès exposés en première page et l’idée même de ce combat le fatigue. Aujourd’hui il n’est pas encore prêt, il y a trop de dualité entre ce qu’il paraît être, dans cette cuisine avec Isolde et sa fille, et celui qu’il est réellement, qui peut suffisamment se perdre dans l’alcool ou la facilité pour dégoter une mineure dévergondée avec qui passer quelques heures qui traceront les traînées de souffre du scandale qu’il se prendra dans la gueule. Alors il se raccroche à son corps, qui fut le seul tuteur de sa nuit de manque, il se raccroche à l’idée qu’elle porte sans le savoir vraiment. Il sait que l’incertitude la malmène tout autant que lui, qu’elle ne tardera pas à former une entité opaque et malsaine, entre eux deux, quand ils se croiseront et que leurs rôles seront différents, à leur place, plutôt qu’assemblés par la folie d’un seul instant. L’incertitude, la foutue incertitude qui la rend plus mutique, qui fait qu’elle ne lui parle pas directement, qu’elle évite de ranimer l’horreur pour ne pas la revivre et s’y enfermer. L’incertitude de ce qu’il est, de ce qu’il représente, une seconde souriant et rieur, l’autre en train de courir après on ne sait quoi et qui ne la concerne guère. James en est conscient, la conscience est si vive qu’il resserre son étreinte autour d’elle comme pour l’empêcher de s’évanouir dans cet avenir qu’il n’aura sans doute pas le droit de fouler avec elle. Et pourtant l’envie est là, l’envie ne chante aucune trahison quant à sa constance, la seule constance des derniers temps, bien qu’incompréhensible pour lui, celle qui fait qu’il ne joue avec aucun autre corps, qu’il ne s’égare auprès d’aucune autre femme, qu’il n’en ressent même plus l’envie. Isolde ne peut être embrassée que seule, il y a la ferveur de l’exclusivité au bord de ses lèvres, la frénésie d’une appartenance totale au sel de sa peau. C’est si troublant qu’il ne répond pas immédiatement, parce que son esprit s’égare à entrer en communion avec elle, qu’il ressent ce foutu élan qui lui tenaille les entrailles et qu’il ne sait pas quoi faire lorsqu’il en est si sensiblement le vecteur. Il n’a su que dire d’intelligent, quelques minutes plus tôt, quand elle a semblé s’inquiéter de son intérêt soudain pour la fête de fin d’année. Il a aussitôt regretté la formulation à voix haute mais pas l’élan, ce même élan qui se pelotonne dans son ventre, mais il a balayé bien vite l’idée toutefois, marmonnant :
_ Rien, une idée comme ça…
Qu’irait-il bien glander à ce genre de festivités ? En qualité de quoi d’ailleurs ? Il n’est pas le père de Leela, il n’est qu’un mec de passage dans son existence, un passage forcé à coup de mots cinglants et d’attitudes déraisonnables, une collision étrange quoique presque nécessaire. Un mec qui en plus se paye le luxe de moins en moins pouvoir montrer sa tronche dans un lieu public sans se voir aussitôt emmerdé par une poignée de gens, particulièrement des filles qui ricanent comme des dindes. Ça aurait l’air de quoi entre deux chants mignonnets hein ? Puis… Il comprend que tout cela est une fausse excuse, que la peur ne provient pas de l’idée de faire jaser, il sait très bien passer inaperçu lorsqu’on ne l’attend pas à un endroit, et pourquoi irait-on s’attendre à ce qu’il vienne à la kermesse de l’école d’ailleurs ? Non. C’est autre chose. C’est l’inexorable attachement qui se noue, c’est l’angoisse de faire comme tout ces autres, de se passionner pour des moments qui n’ont rien de particulier en soi, des moments où la banalité l’étouffe, des moments qu’il a toujours fuis, dans lesquels il se sent déplacé au point d’avoir la sensation de devoir hurler. Pourquoi voudrait-il s’infliger un moment comme celui-ci pour aller les écouter chanter ? Pourquoi aurait-ce de l’importance ? Pourquoi ? Alors… Il secoue la tête et se perd dans cette conversation, mais n’oublie pas l’envie qui le taraude, l’envie d’envahir cette existence comme il a si bien commencé à le faire, l’envie de respirer sa peau, de rire avec sa gosse, de choquer son esprit pour qu’elle se fâche encore, de la pousser jusqu’à ce qu’elle le haïsse, parce que le haïr c’est encore prouver qu’il compte, qu’elle ne peut pas se débarrasser de lui, qu’il est dans sa tête comme elle sait être dans la sienne. Son souffle brûlant chatouille sa peau, la crispation qu’elle a esquissée s’est envolée et elle le laisse déposer un baiser sur son cou, il la sent se laisser aller tout contre lui. Il murmure quelque chose qui évite de livrer ce qui le contrarie :
_ Oui, à cette seconde précise, tout va bien. Le reste, on verra plus tard.

Il l’écoute esquisser un après-midi qui s’avèrera ralenti, un quotidien qui ne ressemble nullement au leur, à croire qu’ensemble ils dessinent d’autres voies qu’ils n’ont pas tant l’habitude d’explorer. Il hoche doucement la tête, il ne voit aucun inconvénient à rester ici, à ne strictement rien faire, il ne reste que peu d’énergie dans son corps, il se meut plus lentement, il pense également avec langueur, et même les problèmes ne tardent pas à se flouter aux bords de l’inconscience. La voir répondre à son étreinte le rassure à un point tel qu’il soupire également, mais d’aise. Il s’apprête à glisser ses lèvres sur les siennes au moment où la lilliputienne se rappelle à eux, et sursaute à son tour, peu habitué à être interrompu dans quoique ce soit par un être nanique comme peut l’être Leela. Il laisse Isolde échapper avec cette précipitation qui trahit qu’elle se sent prise en faute et un sourire en coin vient orner son visage, alors qu’il observe les signes de la gêne qu’elle peut ressentir. Ça c’est nouveau, il a l’impression d’être l’un de ces adolescents surpris sur le fait par ses parents, même si… il n’a jamais été ce genre d’adolescent, les fautes il les a toutes commises dans l’espoir de la confrontation. Il croise les bras, mais ne se départit pas de ce sourire, avant de confirmer sur un ton plus léger que celui d’Isolde :
_ Qu’est-ce qu’on pourrait faire d’autre de passionnant que la vaisselle, Miniature ?
Il hausse un sourcil, tandis qu’elle ne se prive pas de les observer tour à tour avant d’essayer de l’enlever en direction de la télévision. Il se laisse faire, sa toute petite main dans la sienne, puis il ne peut s’empêcher de ricaner, parce que tous les dessins animés qu’elle évoque, il les connaît, il ne compte pas les après-midis de lendemain de beuverie passés dans son canapé à regarder ce genre de programme qui vaut mieux que n’importe quel hallucinogène lorsqu’on est complètement crevé. Il s’est toujours demandé pourquoi on montrait aux enfants des personnages qui semblent tous vivre sous amphétamines à courir au-dessus du vide et à s’envoyer des enclumes en pleine poire tout en riant aux éclats… Bref, il hausse les épaules et se laisse tomber dans le canapé en regardant Isolde préférer la douche. Bah tiens ! Il s’étire de tout son long, cale sa tête sur le dossier avant de suivre les explications de Leela, nombreuses, la laissant parler tout son soûl, bien plus passionné par elle et ses attitudes que par ce qui se passe réellement à l’écran. Il ponctue avec régularité :
_ Non mais ce canari a vraiment une tête à claques parfois […] Il a la tête de Greg quand il se croit plus intelligent que tout le monde […] Tu préfères qui ? […] Puis c’est quoi ce nom, Sylvestre ? […] Je pense que ce chat va finir par mourir de faim à force […] Non vraiment ? […] Encore ? […] Mais bien sûr que d’être le poursuivant c’est bien plus rigolo […]
Et ce pendant une petite demie-heure, entrecoupée de moments plus calmes où ils se contentent de regarder, presque sérieusement, le programme qui ne varie que peu, malgré les changements d’épisodes. Titi fait son intéressant et Grosminet finit toujours par louper ses coups alambiqués. Il s’aperçoit à peine du retour d’Isolde dans le salon, sortant du flottement qui l’emportait peu à peu vers le sommeil. Il lui laisse de la place, notant l’odeur de son gel douche au passage, puis sourit et commente :
_ Non. Il continuera à zozoter seul, sans repas, pauvre de lui.
Il répond à son geste en échappant une caresse tendre sur son bras, au moment où elle s’assied entre eux, alors que la télé montre Grosminet en mauvaise posture, comme bien souvent, aux prises avec l’infâme chien qui semble lui vouer une haine éternelle. Puis il fait ce qu’il a souvent le réflexe de faire en sa présence :
_ Là il y a quelqu’un qui a perdu ses bijoux, et en fait, Grosminet sait où ils sont cachés, et vu que Titi veut toujours faire le bien, même si entre nous soit dit, c’est clairement pour se la péter, le chat lui a dit de rentrer dans une sorte d’entrepôt où il l’a piégé. Il croit pouvoir le dévorer tranquille, mais ya le chien qui mène l’enquête aussi, et bientôt il y aura la vieille à la rescousse… Enfin… La gentille grand-mère un peu simplette.
S’ensuivent les bruits inhérents à ce genre de dessins animés, de nombreux objets chutent et tous les pièges tendus par Sylvestre dans cet entrepôt finissent par se refermer sur lui, comme toujours. Il sent son portable vibrer une nouvelle fois, se lève en s’excusant, et commente que Philipp est en bas. Il passe par la chambre pour enfiler rapidement ses chaussures et ne cherche même pas le secours d’un miroir pour confirmer qu’il est blême, même si cette demie-journée de tranquillité doit lui avoir rendu quelques couleurs humaines. Quelques volées de marches plus bas, Phil l’attend en effet, près de chez la concierge avec un sac et son étui à guitare :
_ Super. Le Viper tient debout ?
L’autre opine, même s’il ne cache pas son étonnement à voir James ici, l’air complètement ailleurs, fringué à la va vite et visiblement dans des vacances qui lui ont tiré sacrément sur les traits.
« Oui tout va bien ou presque. Hormis ce que je te disais… On a eu une bonne programmation et du monde, et ya eu un soucis avec une livraison mais Kaitlyn s’en est sortie en rappelant le livreur. Et… »
Cette inspection n’échappe guère à sa sagacité, et il se contente de le foutre dehors en lui coupant la parole :
_ C’est magique ce que tu me racontes… Bah que ça continue comme ça, à demain. Allez oui c’est ça, rentre bien.
Il n’aime pas l’inquiétude qui est passée discrètement dans ses yeux, il préfère s’en prémunir en tournant les talons, évitant l’extérieur comme la peste, faisant un signe de la main à la concierge comme s’ils se connaissaient. Bientôt devant la porte de l’appartement, dont il n’a pas oublié les clefs pour ne pas se retrouver coincé, il dépose son sac et l’étui sur le pallier, puis s’assied négligemment par terre, sur une marche, prenant le temps d’ouvrir le nouveau paquet de Morley et de glisser le filtre entre ses lèvres. La fumée pénètre ses poumons et il se sent rasséréné par la sensation familière, la seule sensation connue depuis ces dernières 24h qui l’éloignent de plus en plus des sentiers qu’il foule. Le problème de cette soudaine solitude, nicotine ou pas, c’est qu’il songe, et que bientôt les pensées l’envahissent aussi sûrement que la fumée noie son souffle qui s’étrangle dans cette cage d’escalier. Son coeur se remet à battre trop vite, sa main tremble sur le filtre et il reconnaît l’angoisse caractéristique dont la cause n’est que chimique, les pensées sont peintes assombries et déformées à cause du sursaut du manque qu’il refoule en se concentrant sur une liste bien rangées, de tâches à accomplir, précises, lui permettant d’éviter de vagabonder sur des terrains qu’il ne peut pas maîtriser dans cet état-là : Rentrer et retrouver Isolde et Leela, jouer de la guitare, prendre une douche, dormir, partir, aller voir Greg pour le rassurer, aller voir Moira pour la récupérer, appeler Joe pour le secouer, prévoir l’enregistrement de Megalomania, trouver des grandes orgues dans une église, parce qu’il faut enregistrer ses élans athées dans la maison de leur Dieu, ça oui. Il ne manque plus que cela à l'album, ça et des arrangements. La dernière idée lui plaît, lui plaît même beaucoup et parvient à contenir le mal-être. Il avait dit à Moira qu'ils utiliseraient celles du Royal Albert Hall mais il est plus séduisant d'augmenter la difficulté de cette toute dernière prise. Il termine sa cigarette, répète l’ensemble de la liste dans sa tête, puis parvient à se lever et à assurer ses jambes, même chargé de ses démons et de ses biens. Le sac, il l’emmène dans la chambre d’amis et en extrait un pull qu’il passe, quelque chose de plutôt sobre pour une fois, simplement gris avec des torsades. Mais il ne se sépare pas de l’étui de la guitare qu’il dépose près du canapé, comme pour avoir quelque chose qui lui rappelle les foutus objectifs qui tournent encore. Il reprend place précautionneusement, sa présence presque glacée à cause du froid qui s’est appesanti sur ses épaules dans les parties communes.
_ J’ai loupé quoi ?
Son inquiétude se traduit dans sa façon de chercher la main d’Isolde, qu’il enlace jusqu’à reprendre une température corporelle classique, il regarde l’écran mais sans véritablement le voir à présent.
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Anonymous
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() message posté Dim 8 Jan 2017 - 17:56 par Invité

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james & isolde




Les pensées sont lentes, alourdies par la fatigue qui devient un boulet de forçat que l’on traîne au pied, que l’on tire, que l’on subit. Le tableau qu’ils apprennent à peindre ensemble a des lueurs contrastées qu’elle ne connaît pas encore, et les formes sont imparfaites, presque triviales. Quelque chose dénote dans ce décor fragile. C’est eux. Cette place n’est pas la leur. Comment pourrait-elle l’être, sachant qu’ils ne ressemblent à personne ? Ils sont trop loin des stéréotypes pour parvenir à se modeler à eux. Alors à l’orée de la découverte, à l’idée que cette relation doive avoir un sens, la gêne s’empare d’Isolde, lui fait prendre la fuite. Elle ne veut pas que Leela les voit tous les deux, parce que ça aussi, ça ne correspond à rien de ce qu’elle connaît. Peter était mort avant qu’elle puisse avoir des souvenirs de lui, et elle ne l’avait jamais vue tactile avec un homme. Elle n’avait aperçu ça que chez les autres, au gré d’images qui n’appartenaient guère à son quotidien. Isolde avait conscience que c’était ridicule bien sûr, que c’était les adolescents qui se cachaient, ou bien les coupables. Elle se rangeait dans la seconde catégorie, rongée par cette culpabilité latente d’apprécier la présence de quelqu’un d’autre, d’y trouver du réconfort aussi. L’indécence de son humanité criante la laissait interdite, à épousseter son gilet l’air de rien, comme s’il était possible de nier une évidence qui tirait chacun de ses traits fatigués.  « Je sais pas ! Vous êtes bizarres tous les deux ! » répondit Leela avec un petit air suspicieux, ses traits s’éclaircissant une fraction de seconde plus tard dès lors que sa requête fut approuvée. Esprit prématurément vif, il n’en demeurait pas moins très fulgurant, passant d’une pensée à l’autre en un rien de temps. Car si Leela était d’une vivacité d’esprit rare, elle n’en restait pas moins une petite fille de quatre ans. Elle n’était même pas considérée comme une enfant encore, oscillant toujours avec le statut de bambin.  Cela s’en ressentait surtout dans l’énergie qu’elle déployait, encore incapable de se concentrer sur une seule chose à la fois très longtemps. Mais au moins n’était-elle pas farouche comme d’autres de son âge, à se terrer derrière les jambes de sa mère en chouinant dès lors qu’elle avait affaire à des personnes inconnues. Au contraire, la jovialité frôlait l’inconscience, et elle était ravie dès lors que l’on prenait la peine de communiquer avec elle, avide de boire les paroles d’autrui et de faire partie de quelque chose, même d’une conversation simple. « Mais Greg il est pas jaune lui ! » répondait-elle en riant, faisant des gestes avec ses mains qui prolongeaient chaque mot prononcé « […] mais parfois c’est un peu triste pour Rosminet quand même ! […] Il est méchant mais pas méchant en fait ! […] Ouiii, c’est mieux ! […] Oh mais lui il ressemble à un cochon bizarre ! […] Nooooon, il a pas le droooit ! […] » A présent elle commentait ce qui se passait à l’écran, se dandinant sur le canapé avec un enthousiasme non dissimulé, s’insurgeant et sursautant parfois, vivant les images, les buvant même sans jamais avoir aucun filtre.

En revenant, Isolde eut presque l’impression d’interrompre quelque chose avec sa seule présence. Elle ne put s’empêcher d’esquisser un sourire espiègle cependant, en s’installant sur le canapé prudemment. Ses mains tâtonnaient dans un réflexe devenu primaire, voulaient par instinct esquisser toujours les contours de ce qui l’entourait, même dans un espace qu’elle connaissait pourtant sur le bout des doigts. Une fois assise, la tête légèrement orientée sur le côté, ses prunelles se fixèrent sur un point invisible, vers une fenêtre en réalité assez éloignée du poste de télévision. Le buste droit, les jambes repliées en tailleur sur le divan, ses lèvres se fendirent en une expression espiègle, alors que James commençait à lui faire part (non sans ajouter son interprétation très personnelle) de ce qui se tramait à l’écran. Elle fit mine d’être happée par  ce qu’il lui racontait, modelant ses traits en une expression d’intérêt taquine en réalité. « Oh vraiment ? C’est passionnant … Continue … » Elle ne pouvait s’empêcher de sourire à présent, l’interrogeant en silence sur cet intérêt qu’il avait pour ces fameux dessins animés. « Ce pauvre chat, j’ai presque de la peine pour lui. Il mériterait presque d’en faire son quatre heure. » Elle écoutait à peine les bruits du téléviseur, davantage attentive aux intonations de la voix de James, bien plus intéressante que toute cette agitation caractéristiques des dessins animés où toute l’action doit se condenser en une quinzaine de minutes. Son sourire s’évanouit quand son téléphone vibra encore. Elle se décala légèrement sur le côté pour le laisser partir, se resserra contre Leela qui triturait à présent avec ses doigts, sans même s’en rendre compte, un petit coin de son pull. A rester ainsi, inerte, concentrée sur les bruitages artificiels de la télévision, Isolde ne pensait plus et somnolait presque. Quand il revint d’ailleurs, son contact la fit presque sursauter, et sa silhouette qui s’affaissait lentement sous le poids de la fatigue se redressa brusquement. « Y’a Bunny qui rend le chasseur pas content ! » répondit Leela à sa place, et elle ajouta dans un simple écho : « Voilà, Bunny est un chaud lapin, encore une fois. » Sa main fureta dans les replis du canapé jusqu’à rencontrer la sienne, glacée. Elle ne savait même pas combien de temps il était resté dehors, devinait qu’il avait fumé aux effluves qui parfumaient surtout ses vêtements. Ses doigts pressèrent les siens un instant avec délicatesse, suivirent l’ossature des phalanges, puis de la paume, s’en rappelèrent les secrets dissimulés au creux des interstices. Le rassurer encore, sans savoir ce qui l’anime, sans savoir pourquoi. Se rassurer elle-même peut-être, en s’arrimant à lui encore, sans même s’en rendre compte.

Sa tête s’affaisse presque à présent jusqu’à son épaule, à frôler toujours la torpeur du sommeil sans consentir à s’y abandonner tout à fait. Mais l’interphone vient tout briser, à retentir de façon abrupte. La sonorité se répercute dans la pièce, oppressante. Isolde sursaute un peu bêtement, se frotte le front. « J’y vais, ça doit être un coursier … Pour la librairie. » L’interphone est le même en effet, par souci pratique. Ses jambes se déplient avec raideur. Elle a l’impression d’avoir pris une claque de vingt ans en une fraction de secondes, mais elle ne s’en soucie guère, se déplaçant avec lenteur jusqu’à l’interphone qui vient de retentir une seconde fois. Elle décroche le combiné, entend en fond sonore les bruits de la rue qui lui paraissent plus oppressant encore. « Oui ? C’est pourquoi ? » Personne ne répond sur le coup, pourtant il lui semble percevoir quelque chose. Une respiration hésitante. « Il y a quelqu’un ? » répète-t-elle une fois, puis deux. Elle s’apprête à raccrocher lorsqu’enfin une intonation rocailleuse se fait entendre. « J’suis bien chez Madame Mackenzie Swanson ? » La voix est rendue synthétique par l’interphone, ne lui rappelle personne en particulier. De toute façon, elle n’attend personne. « Oui c’est moi. » - « J’ai … J’ai un colis … Pour … Pour vous. » D’habitude les livreurs ne sont pas si hésitants. Mais soit, peut-être débutait-il dans le métier, et n’avait-il pas encore l’assurance qu’ont les autres. « Ah parfait. Ça ne vous dérange pas de le porter jusqu’à l’étage ? La librairie est fermée aujourd’hui. Je vous ouvre, suivez le couloir, premier étage, deuxième porte sur votre gauche. » - « Bien. » Elle déclenche l’ouverture de la porte de l’immeuble, raccroche en haussant un sourcil, patiente enfin jusqu’à ce que l’homme appuie sur la sonnette de l’entrée. Isolde ouvre, demeure dans l’embrasure de la porte, masque sa silhouette avec la sienne. « Bonjour. Dois-je signer quelque chose ? » demande-t-elle par habitude, mais l’homme semble demeurer interdit, silencieux. Elle sent son regard qui la détaille, ne comprend pas pourquoi une telle attente en réalité. « … Alors c’était vrai. Ce qu’ils disaient … » les yeux d’Isolde s’arrondissent comme des soucoupes, ses sourcils se froncent, son corps a par instinct un imperceptible mouvement de recul alors que l’incompréhension l’envahie toute entière. « Je vous demande pardon ? » Ses doigts se resserrent sur la poignée de la porte, s’apprêtent à la refermer violemment si nécessaire. « Ils ont dit que tu voyais plus … Que c’était pour ça que t’avais pas pu venir quand -… » - « Qui êtes-vous ? » L’interrompt-elle, ses pensées s’affolant doucement à entrevoir ce qu’il lui raconte. Une à une, elle énumère les entités masculines de son passé. Celles qui savent se comptent sur une seule main. Et quand elle comprend enfin de qui il peut s’agir, elle sort de l’appartement, refermant consciencieusement la porte dans son dos. «  … John … C’est vous … N’est-ce pas ? Vous … Vous ne devriez pas être ici. » La main toujours posée sur la poignée de la porte, comme désireuse de protéger son univers, elle se raidit, cherche à trouver un rempart. Il n’y a rien cependant. Il n’y plus rien pour la prémunir de cette âme égarée qui appartient à tout ce qu’elle a abandonné.  « J’veux juste la voir, la gosse, au moins une fois. » Son emprise se resserre, son corps pare l’entrée, devant la porte, avec une tension étrange. Il n’est pas question qu’il entre. Jamais. Surtout pas aujourd’hui. « Il n’en est pas question. Ce n’est ni le moment, ni l’endroit. » Le ton est sec, frôle des intonations qui se meuvent dans une intransigeance violente. « C’est ma petite fille aussi, je t’en prie … Tu dois me laisser la voir … ça fait si longtemps que je … Je bois plus tu sais. Quand mon Peter est mort … ça m’a donné le courage … Laisse-moi la voir MacKenzie … T’as toujours été plus conciliante que lui … j’le sais … Et j’ai mis tant de temps à te retrouver … Juste quelques minutes … » Son corps s’était sensiblement approché, sa main cherchant à atteindre cette poignée qu’elle protégeait farouchement de toute intrusion. Isolde resserra d’ailleurs la prise davantage, haussant le ton, les jambes légèrement tremblantes de ce qu’elle n’appréhendait pas encore. « Non. Il n’en est pas question. Vous n’êtes pas le bienvenu ici. Ni hier, ni aujourd’hui, ni demain. Allez-vous-en. Vous n’auriez jamais dû venir. » Contre toute attente, elle parvient à garder son calme. Et l’homme en face, à sa grande surprise, ne réagit pas avec l’impulsivité violente qu’elle lui connaît. Elle s’attend à ce qu’il l’insulte, mais rien ne vient. En se concentrant sur son odeur, elle constate qui ne se dégage pas de lui les effluves de tabac et d’alcool trop consommés qu’elle lui connaissait autrefois. Peut-être qu’il dit vrai. Peut-être qu’il n’est plus le connard d’alcoolique prompt à brutaliser qu’il pouvait être. Mais peu lui importe. Ce n’est pas le moment. Elle n’est pas prête à l’affronter tout de suite, pas après la nuit passée. « Allez-vous-en John. Ce n’est pas le moment. » Sans attendre sa réaction, à une vitesse fulgurante, elle ré-ouvre la porte, se glisse dans l’interstice, la referme immédiatement en tournant la clef dans le verrou autant de fois qu’il est possible. Ses paumes tremblantes se posent sur la surface boisées, l’oreille se tend, cherche à distinguer des pas qui s’éloignent. Elle n’entend strictement rien au début, mais finalement, le parquet grince. Il s’en va. Revient. Repart enfin. Elle perçoit le bruissement des marches. Il reviendra sans doute, elle le sait. Comment a-t-il trouvé son adresse ? Pour l’instant, elle l’ignore. Les émotions sont ralenties par la fatigue, mais demeurent pourtant présentes. Sa gorge est sèche, elle déglutit. Est-ce un complot qui veut que tout arrive ces jours-ci ? C’est trop. Beaucoup trop. Isolde se recompose une image, un rôle aussi. Elle craint pourtant, craint tout ce que cette apparition signifie. Terminés les instants dérobés,  finie la vie cachée. Cette réalité oubliée, il lui faudra l’affronter à son tour. Et elle n’était pas prête, non, elle voulait se dissimuler encore, elle voulait continuer d’ignorer ce qu’il était pourtant indispensable d’accepter. « Ces livreurs alors … » prononce-t-elle à la dérobée, comme s’il était possible de ne pas remarquer la pâleur maladive de ses traits figés par l’effroi, et les tremblements légers de son souffle. Mais il ne dira rien, non, elle l’espère. Car il est des terrains qu’elle ne veut guère arpenter aujourd’hui, et encore moins avec lui.








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