“I promise you nothing is as chaotic as it seems. Nothing is worth diminishing your health. Nothing is worth poisoning yourself into stress, anxiety, and fear. ” ✻ Je me levai lentement du lit. Je tendis mon bras engourdi vers le plafond, puis, enflant la voix, je me mis à réciter toutes les raisons qui me poussaient à défier les injustices du monde. J'abordais tous les sujets possibles, m'accrochant à toutes les lueurs d'espoir, grondant et insistant pour faire valoir mon droit de protester plus fort. Mais ce n'était jamais assez. Je rêvais toujours de lui. Je me perdais entre les esquisses d'un songe lointain avant de retrouver mon reflet sur le miroir de la salle de bain. Je fixais le visage pâle d'une petite fille qui voulait à tout prix devenir princesse, mais j'avais l'impression de prendre un coup de vieux. Je fronçai les sourcils en me penchant vers le lavabo, détaillant les fines ridules qui s'incrustaient au coin de mes yeux fatigués. Parfois la nature se bornait à refuser les désirs du cœur. Elle voulait que nous soyons uniquement des instruments animés par l'envie, sans pour autant nous permettre de découvrir les feux de la passion ou les musiques de l'amour. Cependant, il ne fallait pas s'imaginer que ma situation était pitoyable. J'avais autrefois goûté à ces plaisirs. Je m'étais consumé à tel point que mon imagination travaillait sans cesse à retrouver les limites de ce sentiment étrange de dépendance. Il s'appelait Graham Sachs et il représentait à la fois le meilleur et le pire. Son nom gardait cette même connotation tragique même lorsque je ne l'énonçais que par la pensée. Alors, je redoublais les attentions pour me protéger de mes inquiétudes. Je continuais à veiller sur moi-même, tout en dirigeant mes prières vers lui. Je me redressai en crispant la mâchoire. Notre séparation augmentait mon insouciance tout en assurant sa liberté. C'était ce qu'il avait toujours désiré ; être un étalon sauvage que la jeune princesse ne pouvait pas dompter. Ma gorge se serra brusquement. Je me rappelais encore de ses dernières paroles. Elsa. Reviens ici ! Ne pense pas que je vais me priver pour tes beaux yeux. Je pars sans toi. Je n'étais pas étonnée qu'il soutienne sa position. C'était sa façon la plus romantique de me retenir, de me demander de rester à ses côtés. Mais j'étais trop blessée pour me retourner une dernière fois. Je ne voulais plus rencontrer les lueurs affligées qui traversaient son regard profond et me laisser amadouer par son charme déroutant. J'étais trop impulsive, trop dramatique, peut-être même trop amoureuse. J'haussai les épaules avec désinvolture. Le temps se glissait vicieusement sous ma peau en marquant les empreintes de la détresse sur mon corps. Et il n'y avait rien que je redoutais plus que l'apathie sénile. Je déglutis en plongeant mes doigts sous l'eau glacée du robinet. Je voulais le voir. J'avais besoin de lui dire toutes les choses qui pesaient sur ma poitrine. Il devait me présenter ses condoléances et me prendre dans ses bras parce que la mémoire de mon père était tout ce qui nous rattachait au passé. Nous étions emprisonnés par un penchant si faible que n'importe quel béguin pouvait l'affaiblir. Je souris tristement en me glissant dans la cabine de douche. Nous n'étions plus rien.
∆ ∆ ∆
Je me faufilais parmi les passants comme une ombre fugace. Je me mordis la lèvre inférieure en raffermissant ma prise sur la lanière de mon sac en bandoulière. Je n'avais même pas pris la peine d'accorder les couleurs de ma tenue ou de me poudrer le nez. Je m'étais tout simplement précipité dans la rue afin d'obéir à un élan de courage qui se faisait de plus en plus ridicule. Ici, face à la vitrine de sa pâtisserie, je me sentais dans l'embarras. Mes pensées se chevauchaient dans mon esprit avec une confusion épouvantable. Je n'entendais que les murmures de ma conscience et les reproches de mon cœur. Graham m'avait laissé. Il était parti sans moi et j'avais souhaité qu'il disparaisse de toutes mes forces. Mes yeux écarquillés restèrent figée sur l'enseigne lumineuse qui pendait au dessus de la porte. Je peinais à garder mon calme. Toutes mes manœuvres étaient insuffisantes. Oh mon Dieu ! Qu'est-ce qui m'a pris ? A tous les coups c'est les sous entendus salaces de Remy qui me montent au cerveau ! Je retins ma respiration en m'approchant de l'entrée. Il y avait quelques clients à l'intérieur. Je pouvais apercevoir la silhouette filiforme de la caissière qui s'affairait à la tâche. Je déglutis, inquiète et agitée par l'appréhension. Les parfums alléchants des viennoiseries et les saveurs diverses des gâteaux enveloppaient mes narines sans que je ne puisse réellement m'en délecter. On devrait se marier ! Je plissai les yeux en grinçant des dents. Je rigolais. Tu y as cru ? J'errais dans les souvenirs de notre dernière rencontre, laissant les marques de sa cruauté naturelle entacher mon âme. Je ne voulais même pas d'un engagement sérieux. Je n'y avais jamais pensé avant. Mais ce jour-là, il m'avait montré que nous suivions deux voies différentes. Pour lui, je n'étais qu'une ignorante campagnarde qui rêvait trop grand. Il m'avait regardé avec mépris alors que j'étais prête à l'accepter, à baisser ma garde pour lui. Je soupirai en m'éloignant. C'était une mauvaise idée de le revoir ! Il y avait trop de démêlés, trop de blessures et d'histoires entre nous. Je marchais à reculons, tournant en boucle dans une ronde infinie de nostalgie. Il aurait pu me contacter depuis le temps, tout comme j'aurais pu assumer mes inquiétudes à son sujet au lieu de me cacher derrière ma fausse courtoisie et de déranger ses pères à chaque fois que j'en avais l'occasion. Je relevai mélancoliquement la tête. Le vent caressait mes tempes brûlantes avant de s'évanouir entre les mèches rebelles de ma frange. J'esquissai un pas vers la chaussée avant de m'arrêter lorsque le feu rouge s'alluma. Mes doigts vibraient aléatoirement, anticipant l'arrivée imminente du désastre. Les voitures en pleine circulation finirent par se dégager et j'aperçus Graham à l'autre bout de la rue. Il se tenait fièrement, un registre noir sous le bras et un gobelet de café fumant dans la main. Mon corps se raidit alors que je me glissais sur le passage piéton. Je le rejoignais presque mécaniquement. Je menais à peu près la même danse transite qu'il m'avait vu mener auparavant. Je me répandais dans le monde. J’exhalais les parfums de la solitude. Je cherchais à le toucher, à le retrouver. Mon esprit perdait sensiblement tout ce qu'il lui restait de logique. Et j'étais tout simplement soulagée qu'il soit sain et sauf. Qu'il soit en vie malgré ma malédiction. Je fis la moue en restant à quelques mètres du trottoir. Cela faisait trop longtemps. 2011 – 2012 – 2013 – 2014 – 2015. Quatre années et je m'étais même pas poudré le nez ! Saloperie ! Je frémis en me positionnant silencieusement à ses côtés. Son charme me déroutait toujours, mais je portais en moi une pulsion vindicative qui m'interdisait de le saluer avec amabilité. Je restai immobile, puis lorsque j'ouvris la bouche un son bizarre s'échappa d'entre mes lèvres. J'hoquetai à plusieurs reprises avant de secouer la tête. « Je *ahem* te croise *ahem* deux secondes *ahem* et je meurs *ahem* déjà *ahem* … Tu *ahem* nuisible *ahem* ... » Râlai-je en croisant les bras sur ma poitrine.
Elsa & graham — scars have the strange power to remind us that our past is real. ✻ ✻ ✻ « Putain de merde ! » Graham avait juré, quand il s’était rendu compte qu’il avait oublié le registre des commandes spéciales chez lui, après avoir retourné toute la pâtisserie. Il avait poussé un profond soupir avant de passer une main sur son front, les doigts tremblants sous le manque de nicotine. Il avait brièvement fermé les paupières avant de se rendre à l’évidence. Il fallait qu’il aille le récupérer. Il fallait qu’il sorte. Il ne pouvait pas s’atteler à la tâche en se fondant sur les à peu près de ses souvenirs, surtout pas quand il s’agissait de commandes aussi particulières. Ce n’était pas des macarons, ni même des miniatures de pâtisserie. Non. Rien avec quoi il pourrait tenter de s’en sortir sans son registre. Il s’agissait de pièces montées de mariage. De gâteaux d’anniversaire. D’assortiments pour célébrer un évènement religieux. Il avait besoin des spécificités. Des recommandations. Du nombre de personnes. Des détails futiles et inimaginables qu’on avait bien pu lui donner. « Tu vas aller le chercher ? » Il avait relevé la tête vers son employée avant d’hausser les épaules. Il avait passé ses mains sous le jet d’eau, faisant savonner ses doigts. « Je n’ai pas le choix. Je suis presque sûr qu’on a une grosse commande à préparer pour mercredi matin. » Il s’était essuyé les mains avec application, comme on avait pu lui apprendre en école de cuisine. Puis, finalement, il avait fourré son portefeuille dans la poche de son jean et était passé de l’autre côté du comptoir. « J’en ai pour une petite demi-heure. Tu peux tenir la boutique seule ? Si on me demande, tu peux dire que je n’en ai pas pour longtemps. » Il avait presque été tremblant. Il n’avait attendu aucune réponse de la part d’Ester, tournant les talons pour passer la porte de son établissement. Aussitôt dehors, il avait coincé une cigarette entre ses lèvres et avait pressé le pas pour remonter Oxford Street. Il fallait très précisément onze minutes au à la Victoria Line du métro de Londres pour relier la station d’Oxford Circus à celle de Brixton. Graham avait filé parmi les passants, tracé sa route entre les touristes, jetant le mégot de sa cigarette au moment même où il descendait les marches pour pénétrer dans les souterrains de la ville. Il n’avait pas fait attention aux personnes qu’il avait bien pu bousculer et s’était bien fiché de leurs grondements indignés. Il avait eu des impatiences durant toute la durée du trajet ; il ne fut réellement rassuré qu’à l’instant où il avait mis les mains sur son registre des commandes, trônant sur la table de son salon, et était reparti dans le sens inverse. Il avait été un peu plus calme, comme s’il pouvait réellement l’être ; sur le chemin du retour, il passa par un Starbucks pour commander un café. Commander un café et prendre le temps de fumer une autre cigarette. Il observa la barista préparer sa commande, sachant parfaitement que son regard devait la troubler dans son travail. C’était plus fort que lui, au fond. Il avait remarqué ses fossettes quand elle avait souri au client avant lui, observé ses courbes que son chemisier près du corp laissait deviner sous son tablier. Quand, finalement, elle lui tendit son gobelet, ses doigts effleurèrent les siens et il lui adressa un sourire en coin. « Merci, Shelley, » lui dit-il en lisant le badge portant son prénom. Puis il tourna les talons. C’était tout. Au fond, peut-être lui en fallait-il si peu pour le satisfaire. Peut-être avait-il simplement besoin de voir les joues des femmes rougir sous son regard, sous ses mots. Il n’en savait rien. Il n’en savait rien mais il continuait quand même. Il ne savait pas ce qu’il faisait. Il le faisait simplement. Sans se poser de question. Sans s’attarder sur les détails. Son registre dans un bras, son gobelet dans l’autre, il parvint quand même à sortir une nouvelle cigarette de son paquet pour l’allumer entre ses lèvres. Comme à chaque fois, ce fût sa première inspiration qui le soulagea ; les suivantes lui parurent bien fades mais il la termina, l’écrasant sous sa semelle en continuant d’avancer dans Oxford Street. Il porta à sa bouche son gobelet en se préparant à traverser ; puis, il leva le regard vers une silhouette qui lui était étrangement familière. Il l’observa se diriger vers lui sans rien dire, détaillant les traits d’Elsa dans un silence presque assourdissant. Elle se posta face à lui avant d’ouvrir la bouche, un son étranglé s’échappant d’entre ses lèvres. « Je, ahem, te croise, ahem, deux secondes, ahem, et je meurs, ahem, déjà, ahem… Tu, ahem, nuisible, ahem... » Il fronça les sourcils, son coeur papillonnant presque dans sa poitrine. Quatre ans. Quatre années qu’il ne s’était pas vu et tout ce qu’elle trouvait à lui dire était qu’il était nuisible. Au fond, elle n’avait pas forcément tort. Au fond, même, il savait qu’elle avait probablement raison. Mais, d’une certaine manière, il aimait croire qu’il avait réussi à lui faire échapper à la mort en la faisant fuir. « Bonjour à toi aussi, Elsa, » dit-il d’une voix presque lasse. Il existait mille et une raisons expliquant pourquoi il ne se donnait pas la peine de s’embarquer dans des histoires trop sérieuses. Mille et une raisons expliquant pourquoi il préférait s’envoyer en l’air, s’envoyer en l’air et ne jamais répondre aux messages qu’on lui envoyait. Elsa lui donnait presque raison. A sa manière. « Tu ne vas pas mourir étouffée, quand même, hein, » reprit-il. « Tu as besoin de boire ? » Il l’observa, insistant. Il pouvait presque voir sur son visage qu’elle était toujours en colère, en colère après lui. Il ne se jugeait pas coupable de leur rupture. Au fond de lui, il demeurait persuadé que cela avait été pour leur bien à tous les deux. Ils n’avaient pas désiré les mêmes choses. Ils étaient condamnés à foncer droit dans le mur. Graham les avait juste arrêté avant qu’il ne soit trop tard. Avant qu’Elsa ne risque sa vie. Avant qu’il n’y ait la catastrophe. Avant qu’elle ne meure, qu’elle ne meure comme cette inconnue qui était restée avec lui soixante et une heures.
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(✰) message posté Mer 26 Aoû 2015 - 4:01 par Invité
“I promise you nothing is as chaotic as it seems. Nothing is worth diminishing your health. Nothing is worth poisoning yourself into stress, anxiety, and fear. ” ✻ "Je vois tes seins à travers ton chemisier". "J'imagine tes cuisses sous ta robe". "Tu as encore oublié ta petite culotte dans ma chambre." Personne ne m'avait jamais parlé comme ça. Avec cette musicalité charmeuse dans la voix. Cette lumière étrange au fond du regard et cet air profondément déroutant. Graham était complètement décalé de la réalité. Il était captivant, spontané, condescendant. Ce n'était pas un homme naïf ou romantique, mais il avait éveillé en moi une passion dont les étincelles continuaient encore à se consumer dans ma poitrine. Je m'étais égaré durant des années loin de ma maison, mais la nostalgie n'était qu'une pensée. Je n'avais plus jamais ressenti le mal du pays depuis notre rencontre. Il me donnait envie de courir à perte d'haleine vers l'inconnu. De vivre sans famille, sans attaches et sans idéaux. Et aujourd'hui encore, je ne pouvais pas le regarder avec détachement. Je ne pouvais pas le considérer autrement. Je fermai les yeux en m'arrêtant à l'autre bout de la chaussée. Je n'avais aucune idée de ce qui s'était passé. Pourquoi ma vivacité d'esprit et ma liberté m'avaient filé entre les doigts. Pourquoi j'avais tout abandonné. Pourquoi j'avais tellement peur. Je ne n'avais aucune idée des raisons obscures qui m'avaient éloigné de mes souvenirs heureux. Si tu sais. Elsa, tu as Parkinson. Tu es malade, et avant de l'être, tu étais idiote. Je serrai les dents en traversant la rue. Je ne pouvais pas le blâmer éternellement pour notre rupture. Il avait le droit de devenir l'homme qu'il était exactement. Il avait le droit de ne pas m'aimer en retour. Je suppose que mes valeurs étaient insignifiantes. Je suppose qu'il était temps pour moi, de trouver un peu de réconfort entre les soupirs brisés de mon cœur. J'esquissai un faible sourire en me dirigeant vers lui. Je retrouvais un peu mes anciennes habitudes. Je marchais vers lui comme je l'avais toujours fait. Graham pouvait probablement lire dans mes gestes ce même entrain, cette même énergie qui lui avait brûlé les ailes. Parce que j'étais une malédiction. Je relevai lentement le visage en arborant une expression émouvante, à la fois triste et accueillante. Tu m'as manqué malgré la douleur. J'ai pensé à toi, tu sais. Puis le vent se leva et m'intima le silence. Je fronçai machinalement les sourcils. Je pinçai les lèvres et je m'adressai à lui avec agressivité. J'avais le hoquet. Je paniquais parce que ma prison était en lui. Le poison coulait dans ses veines avant de se verser dans ma bouche. « Bonjour à toi aussi, Elsa, » Déclara-t-il avec lassitude. Voilà. Je l'ennuyais déjà. Il me considérait comme ce stéréotype de relation, ce genre de fille indélicate et rageuse. Une ex dépitée qui voulait venger ses déceptions amoureuses en se murant dans la colère. Mais je n'y pouvais rien. Notre idylle s'était perdue dans l'obscurité, recouverte par les voiles opaques de la désillusion. Parce que j'avais préféré la vanité et que je ne l'avais pas retenu. Je tremblai en croisant maladroitement les bras sur ma poitrine. « Tu ne vas pas mourir étouffée, quand même, hein, » Déclara-t-il avec lenteur. Je secouai frénétiquement la tête pour lui répondre. Non. Je ne te donnerais cette satisfaction. Pas maintenant. Je mourrais dans quelques minutes, lorsqu'on aura respecté les conventions usuelles et qu'on se sera perdu de vue à nouveau. Là-bas, au coin de la rue, à l'abri des regards. C'est là bas que je mourrais étouffée. « Tu as besoin de boire ? » Je restai confuse. Mon hoquet agitait mes pensées, il brouillait ma vision. Je déglutis en retenant ma respiration. Je comptais intérieurement jusqu'à dix avant de relâcher la pression. Je revenais comme un fantôme diaphane, un voile tellement transparent qu'il est était possible de le transpercer en l'effleurant à peine. « Je pense que ça ir*ahem * ... » Je fis la moue. Je me mordis la lèvre inférieure, puis je tendis ma main droite vers sa boisson. Il fallait que je bois, autant qu'il me prête son café. Je m'approchai timidement de sa silhouette. Je sentais l'odeur du tabac froid, nuancée par les effluves épicés de la cannelle et du chocolat. L'odeur de ce corps que j'avais touché un million de fois et qui me révulsait à présent. J'inspirai lentement en agrippant son gobelet. Sans plus attendre, je pris une longue gorgée. Le liquide brûlant glissait sur mon œsophage irrité mais je ne montrai aucun signe de faiblesse. Je me raclai doucement la gorge, les joues cramoisies, le front en sueur. « Merci. » Murmurai-je rapidement. Puis je me redressai avec nonchalance. Je balayai ma frange d'un geste de la main, et je lui souris naïvement. « On dirait qu'on est incapables d'entretenir une conversation normale. » Remarquai-je, faisant référence à notre parcours commun. Nous n'étions pas toujours d'accord. En réalité, nous n'avions jamais été d'accord. Sur rien du tout. Nous étions deux beaux fragments, ruisselants constamment l'un après l'autre. Deux petits morceaux d'un vaste univers qui tombaient dans l'intimité de la nuit. Car en dépit de nos différences et de nos disputes, nous avions quelque chose en commun. Un lien étrange, sans objet et sans nom. Un lien rien qu'à nous. Je papillonnai des yeux. « Je suis passée devant ta pâtisserie … » Je remuai le bout du nez avant d'hausser les épaules. « Je vois que tu n'as toujours pas pris en compte ma proposition de faire porter des costumes de disney au personnel. » Je levai les yeux au ciel en retenant un spasme dans ma gorge. « A quoi sert le bocal à suggestions si on ne considère pas l'avis du consommateur ? » Sifflai-je, d'un air faussement boudeur. C'était ma façon de lui avouer que j'étais passée une fois, lorsqu'il n'était pas là. Et que malgré la brutalité de notre séparation, je m'étais enquis de ses nouvelles. Je n'avais pas oublié que nous étions été amants avant de devenir amis.
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(✰) message posté Dim 6 Sep 2015 - 22:34 par Invité
Elsa & graham — scars have the strange power to remind us that our past is real. ✻ ✻ ✻ Ses traits étaient encore animés par cet air d’ange qui n’avait jamais pu réellement déserter son visage. Cet air d’ange qui la caractérisait à la fois très bien comme très mal, cet air d’ange qui attirait et qui prenait au piège. Elle était elle-même un ange, quelque part. Une demoiselle tombée du ciel trop vite, trop tôt. Une créature candide et innocente, détachée de la réalité, vivant dans un monde de rêves et de fantaisies. Une personne trop pure pour lui, trop pure pour ses intentions, trop pure pour ses principes de mauvais garçon. Elle avait été un ange, mais aussi un fléau, un fléau à sa manière, douce et calme, un fléau qui l’avait pris par surprise et qui l’avait encerclé avant même qu’il ne songe à fuir. Il se souvenait encore de ses crises, de ses paroles, de ses mots. Il se souvenait encore de leurs disputes, de ces disputes si nombreuses qu’il en avait perdu le compte. A l’époque, il avait aimé cela. A l’époque, il avait aimé se prendre la tête avec elle et emprisonner ses lèvres avec les siennes pour la faire taire. A l’époque, cela ne l’avait pas dérangé de rentrer chez lui pour se disputer à propos de détails. De futilités. A l’époque, oui. Jusqu’à ce qu’il y ait la dispute de trop. Jusqu’à ce qu’il finisse par partir au Japon sans se retourner. Jusqu’à ce qu’il finisse par se rendre compte qu’il n’était pas éternel, que ses heures lui étaient comptées. Jusqu’à ce qu’il se rende compte que cela n’était pas normal d’être un survivant mais une chance et qu’il se devait de profiter, profiter sans laisser la vie se mettre en travers de son chemin, sans laisser les anges l’emprisonner dans sa propre existence. Il avait aimé Elsa, à sa manière. Il l’avait aimé, oui, mais il avait l’impression, désormais, que cela n’était pas suffisant pour se permettre de perdre son temps en étant avec quelqu’un d’autre de cette manière. Il l’avait aimé, oui. Sans réellement le vouloir. Mais là était le problème. Aimer ne valait pas la peine. Aimer n’était qu’une perte de temps. Un sablier qui s’écoulait trop vite dans un espace-temps déjà trop réduit. « Je pense que ça ir… Ahem… » poursuivit-elle avant de se mordre la lèvre inférieure. Il vit son regard se poser sur son gobelet et il ne fallut que quelques secondes à Elsa pour tendre son bras et l’attraper. Elle le porta à ses lèvres avant de boire de longues gorgées. Graham se retint de pousser un soupir. Il ne savait pas si elle agissait de la sorte par pur esprit de contradiction ou si cela était parce qu’elle lui en voulait encore après tout ce temps, autant qu’il pouvait bien encore conserver des séquelles de la catastrophe naturelle. Ils étaient des merveilleux désastres, quelques part. Des âmes perdus, des personnes bornées. Tout cela remontait à quatre ans. Pourtant, ils étaient là. Coincés dans le passé. Incapable de vivre dans le présent ou de se tourner vers le futur. « Merci, » répondit-elle finalement en lui redonnant son gobelet. Il l’observa avec assistance, comme s’il pouvait lui faire comprendre, d’un simple regard, qu’elle ne lui avait pas laissé le choix, de toutes manières. Elle avait agi à sa guise, prenant le soin de refuser sa proposition avant de finalement mettre en oeuvre ce qui lui avait suggéré. C’était toujours ainsi. Après quatre ans, il ne savait même pas pourquoi cela l’importait encore. « On dirait qu'on est incapables d'entretenir une conversation normale. » Le regard toujours sur elle, il porta son café à ses lèvres pour boire à son tour une gorgée. Ses gestes étaient lents, comme pour lui donner le temps de réfléchir. Mais, à vrai dire, s’il agissait de cette manière, cela était surtout pour s’empêcher de dire des mots qu’il ne penserait qu’à moitié sur une impulsion. « On était plus doués pour autre chose, » fit-il remarquer. Il demeura impassible même si ses lèvres menaçaient de s’étirer en un demi-sourire. Mais, quelque part, il ne savait même pas s’il avait envie d’en rire. Il ne savait même pas ce qu’il en pensait. Alors, il l’avait simplement dit à voix haute. Il avait simplement dit ce qui lui était passé par la tête comme il avait bien pu en avoir l’habitude durant toute son existence. Elsa eut l’air d’aller mieux, papillonnant des yeux alors qu’ils se tenaient encore l’un en face de l’autre dans les rues de Londres. Il patienta, hésitant quelques instants à tourner les talons pour regagner sa pâtisserie, mais au moment même où il se décida à réagir elle reprit la parole. « Je suis passée devant ta pâtisserie… Je vois que tu n'as toujours pas pris en compte ma proposition de faire porter des costumes de Disney au personnel, » dit-elle en levant les yeux au ciel. « A quoi sert le bocal à suggestions si on ne considère pas l'avis du consommateur ? » Il arqua un sourcil, guère sûr d’avoir bien entendu. Mais, après avoir détaillé son visage, il se rendit compte qu’elle était aussi sérieuse qu’elle ne pouvait l’être sur le sujet et que son esprit n’avait pas inventé de toutes pièces ses paroles ; il se passa la main sur le visage avant de détourner le regard, fixant la devanture de sa boutique. « Je suis à peu près sûr que tu viens d'inventer cette histoire de boîte à suggestions ou alors je vais être contraint de virer mon employée qui se permet de mettre en place ce système dans mon dos, » déclara-t-il posément. « Tu me connais. Je me fiche de ce que les autres pensent. S’ils ne sont pas contents, qu’ils aillent voir ailleurs, je ne veux pas lécher les bottes de ma clientèle. » Je sortis mon paquet de cigarette pour en glisser une entre mes lèvres. Je levai mon briquet pour l’allumer, laissant la fumée s’échapper de ma gorge sans prendre le soin de l’expirer correctement. « Qu’est-ce que tu faisais devant ma boutique, Elsa ? » finit-il par lui demander. Il n’était peut-être pas une lumière. Il était peut-être qu’un pâtissier. Cependant, il savait. Il savait qu’elle ne pouvait pas être là par hasard. Pas elle. Pas Elsa.
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(✰) message posté Lun 5 Oct 2015 - 23:30 par Invité
“I promise you nothing is as chaotic as it seems. Nothing is worth diminishing your health. Nothing is worth poisoning yourself into stress, anxiety, and fear. ” ✻ Son regard était aussi acéré qu'une lame tranchante. Il était imperturbable. Il ne cillait même pas. J'avais presque l'impression qu'il parvenait à se glisser sous mes vêtements. Il s'appliquait dans son observation, faisant de moi une petite créature vulnérable et fragile. Pouvait-il remarquer les saillies de mes os tremblants ? Savait-il encore apprécier le corps d'une femme malheureuse et malade ? Probablement pas. Graham avait des standards auxquels je ne correspondais plus. Je baissai la tête afin de m'éloigner de ses yeux perçants, afin d'échapper à la lumière incandescente et perverse que je ne pouvais plus reconnaître au fond de ses pupilles. Le destin l'avait brisé lui aussi. Je pouvais m'en rendre compte maintenant, mais je le savais déjà. J'appelais ses pères chaque année, à l'approche des vacances de Noël parce qu'il était plus facile de déguiser ma sollicitude derrière un peu de courtoisie. Je voyais bien que ma sincérité m'avait perdue. Je m'étais attiré la fureur de mes ennemis sans réussir à obtenir l'attention du prince charmant. Notre histoire était vouée à l'échec depuis le début, pas vrai ? Nos similitudes nous avaient trop rapprochées. Je suppose qu'il m'avait suffit d'une étreinte prolongée pour changer mes attentes. J'en voulais plus. J'en demandais trop, sans être réellement prête. J'avais conditionné Graham à me quitter, mais il était parti sans se retourner. Je fis la moue en déglutissant. L'amertume de son café irritait ma gorge engourdie mais mon hoquet semblait avoir disparu. Je n'osais pas soutenir son expression désinvolte, de peur de retrouver dans ses traits allongés les souvenirs douloureux de notre séparation. Mon imagination se perdait dans mes pensées contradictoires. J'avais parfois pensé, que dégoûté de son voyage au Japon, il reviendrait vers moi. J'avais flatté mon ego en m'accrochant à des espérances vaines. Puis, la catastrophe naturelle m'avait tout à coup réveillée de ma torpeur. Non seulement, Graham ne me reviendrait pas, mais il y avait des risques qu'il ne revienne jamais. Je pris une profonde inspiration en crispant mes mains autour de mon sac. Il m'avait séduite par des pirouettes et des sous entendus salaces. Il m'avait séduite en étant exactement cet homme là, à quelques détails près. « On était plus doués pour autre chose, » Je relevai le visage vers lui, presque amusée par sa remarque. Il n'avait pas tord. Nous n'étions pas ce genre de couple de toute façon. On parlait rarement. On baisait beaucoup. Les choses étaient plus simples comme ça. J'esquissai un faible rictus. « Tu parles de pâtisserie là? Parce que ce sera ton unique talent que je ne contesterais jamais. Pour le reste … » Je fis la moue en haussant les épaules d'un air innocent. Je ne savais pas si j'étais en droit de le taquiner, mais je refusais de le considérer comme un étranger. Je gardais probablement une certaine rancœur contre lui. Cependant, je n'avais jamais réussi à le détester. Son départ avait éteint l'effet de notre passion, sans en éteindre la cause. Et je restais en suspens entre le passé et le présent. J'étais incapable de le traiter comme un ex- petit ami ou de le considérer comme un véritable ami. Il était différent. Les saveurs de tabac qui exhalait à travers ses gestes et ses sourires m’inspirait le regret de tout ce que j'avais perdu. Mes études, mes ambitions, mes mains, lui … Je me redressai en me forçant à sourire. Il était temps d'oublier. Je remarquais son hésitation, il voulait déjà partir et rejoindre sa routine ennuyeuse. Le silence s'élevait entre nous comme une barrière qu'il m'était impossible de franchir. Alors, sans y penser, j'ouvris la bouche afin de le retenir pendant quelques secondes de plus. C'était stupide. Je le juchais du regard, je détaillais sa stature et sa démarche avec application. Il semblait en pleine forme. J'étais la seule éclopée dans la rue. « Je suis à peu près sûr que tu viens d'inventer cette histoire de boîte à suggestions ou alors je vais être contraint de virer mon employée qui se permet de mettre en place ce système dans mon dos, tu me connais. Je me fiche de ce que les autres pensent. S’ils ne sont pas contents, qu’ils aillent voir ailleurs, je ne veux pas lécher les bottes de ma clientèle. » Il sorti son paquet de cigarettes d'un geste frénétique. Il fumait toujours avec autant de passion. Les volutes de fumées ondulaient gracieusement autour de sa mâchoire avant de s'engouffrer dans mes narines. Cette odeur m'avait presque manqué. Elle était différente du tabac de Thomas. Elle était chargée de nostalgie et de désillusions. Je sentis une crampe dans mon estomac. Je m'éloignai lentement. « Oui, je te connais. » Murmurai-je d'une voix fluette. « Tu ne vires pas les gens pour des foutaises ... » Je fis quelques pas dans l'allée. Je me sentais confuse. Je devais partir mais je préférais qu'il me tourne le dos en premier. Je n'avais jamais été douée pour quitter les gens. J'étais la fille qui s'accrochait toujours, même dans l'absence et la douleur. « Qu’est-ce que tu faisais devant ma boutique, Elsa ? » J'arquai un sourcil, presque surprise. Il prononçait mon prénom avec flegme alors que je n'osais toujours pas articuler le sien à haute voix. J'étais trop légère d'esprit. J'avais rêvé de lui puis j'étais venue comme une idiote. Je ne savais pas démêler mes raisonnements parce qu'il n'y avait aucune logique. Je ris nerveusement en balayant ma frange. Le vent sifflait suavement contre mes oreilles, sans que je ne parvienne à trouver le courage de lui mentir. Je n'avais pas la force de garder la tête haute. « Je vis à Londres maintenant. Je redoutais le moment où on finirait par se croiser par hasard, alors j'ai décidé d'affronter ma peur. Et aussi, j'avais envie d'un pain au chocolat. » Déclarai-je naïvement puis je souris au coin, l’œil brillant et bienveillant. Mes cheveux flottaient autour de mon visage sans que je n'essaie de me recoiffer. Tout à coup, mon apparence n'avait plus aucune importance. J'étais là. Le feu coulait dans mes veines. Il s'infiltrait dans ma poitrine et recouvrait mon cœur par une couche de suie et de poussière. « Tu demandes à tous tes clients pourquoi ils viennent à ta pâtisserie ? Tu devrais revoir ta démarche mangement. » Je pinçai les lèvres en grimaçant. Je ne savais pas pourquoi sa proximité me rendait aussi fébrile. Il est parti au Japon sans moi. Je l'ai maudis de toutes mes forces et il a failli en mourir.
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(✰) message posté Mar 6 Oct 2015 - 13:35 par Invité
Elsa & graham — scars have the strange power to remind us that our past is real. ✻ ✻ ✻ Il avait agi sans réfléchir. La plupart du temps, c’était ainsi qu’il fonctionnait ; il laissait les impulsions de son corps le contrôler jusqu’à ce qu’il finisse pas réfléchir aux conséquences et se rendre compte qu’il était déjà trop tard. Il avait été mis à pied de plusieurs fois pour cela. Il avait même été expulsé à deux reprises. Il s’était retrouvé au milieu de bagarres pour défendre l’honneur de ses pères sans qu’il ne se rende compte de la succession des évènements ; en soirée, aussi, il finissait toujours par s’envoyer en l’air avec de parfaites inconnues en suivant simplement son instinct. Il vivait ainsi. Il réagissait de cette manière. Ses pensées défilaient trop vite dans son crâne pour qu’il ne les saisisse réellement ; il lâchait prise et il fonçait. Il fonçait tête baissée. C’était exactement ce qu’il s’était passé avec Elsa. Il avait foncé tête baissée dans leur relation. Il avait foncé tête baissée à chaque dispute. Il avait foncé tête baissée jusqu’à la dernière. Et, finalement, il avait presque failli y perdre la vie. Il savait qu’il était le seul à blâmer, avec le destin, peut-être. Cela n’avait pas été Elsa à le convaincre de partir au Japon mais bel et bien lui-même ; s’il avait pris le temps de réfléchir, n’aurait-ce été qu’un quart de secondes, il ne serait jamais parti de cette manière à l’autre bout du monde sans elle. Mais il l’avait fait. Il était parti. Il avait fait ses affaires pour prendre l’avion. Il avait visité seul. Il avait visité plusieurs parures de draps au cours de son séjour, jusqu’à finir dans les toilettes d’un restaurant avec une jeune femme. Jusqu’à ce qu’il finisse piégé par les eaux avec elle. Jusqu’à ce qu’il finisse par la voir lâcher prise et sombrer dans l’inconscience. Et, désormais, il vivait cela avec la conscience. Il ne parvenait pas à l’oublier, elle, cette jeune femme qui lui avait étrangement rappelé Elsa dans ses expressions. Il cligna plusieurs fois des paupières en observant sa chevelure dorée, les pensées confuses, l’esprit embrumé par ces souvenirs qui refusaient de s’en aller. Il avait essayé, pourtant. Essayé de s’en débarrasser. Essayé de continuer comme avant. Mais, la vérité, c’était que rien ne serait plus pareil ; il était à jamais marqué par cet évènement, il était à jamais marqué par cette eau qui n’avait fait que monter. Il serait à jamais en train de se noyer. Il serait à jamais coincé par l’océan. « Tu parles de pâtisserie là ? Parce que ce sera ton unique talent que je ne contesterais jamais. Pour le reste… » fit remarquer Elsa en haussant les épaules. Il arqua une nouvelle fois le sourcil et ne se donna même pas la peine de contrer ses paroles ; il savait, au fond, qu’elle avait apprécié ses remarques, autrefois. Si elle désirait désormais jouer la difficile, cela était son choix. Il n’allait pas changer pour elle. Il n’allait pas changer pour qui que ce soit. « Oui, je te connais. Tu ne vires pas les gens pour des foutaises... » reprit-elle avant de faire quelques pas. Il pouvait aisément se rendre compte qu’elle lui en voulait encore. Il pouvait aisément se rendre compte qu’elle n’avait pas encore accepter leur rupture même si cela remontait à plusieurs années, désormais. Il ne savait pas si cela était parce qu’elle avait toujours été plus candide, plus rêveuse. Il ne savait pas si cela était parce qu’il n’avait pas du tout correspondu à l’image du prince charmant. Mais, au fond, il se rendait bien compte que s’il était passé aussi rapidement à autre chose, c’était parce qu’il était différent. Parce qu’il avait cru mourir. Parce qu’il s’était rendu compte que le monde n’était pas éternel, pas même cette jeune femme qui lui avait rappelé Elsa. « Je vis à Londres maintenant. Je redoutais le moment où on finirait par se croiser par hasard, alors j'ai décidé d'affronter ma peur. Et aussi, j'avais envie d'un pain au chocolat, » lui expliqua-t-elle finalement et il hocha la tête, même si cela n’avait absolument aucun sens dans son esprit. Il ne comprenait pas pourquoi les femmes semblaient attacher tant d’importance à leurs anciennes relations, comme si elles avaient encore un impact sur leur présent. « Tu demandes à tous tes clients pourquoi ils viennent à ta pâtisserie ? Tu devrais revoir ta démarche mangement. » Il esquissa un sourire, amusé par sa remarque. « Pas toutes, je n’ai pas encore couché avec la plupart. » La plupart du temps, les mots lui échappaient. Ils filaient entre ses lèvres avant même qu’il n’y réfléchisse. Il n’avait aucun filtre, aucune morale, sans doute. Il porta sa cigarette à ses lèvres pour en tirer une grande bouffée, soufflant la fumée derrière lui pour ne pas incommoder Elsa. Il poussa un long soupir avant de faire tomber les cendres sur le sol. « Je suis une de tes peurs, carrément, » reprit-il finalement. « Je ne pensais pas t’avoir traumatisé autant que ça. » En réalité, il s’en rendait peut-être compte. Il savait qu’il ne s’était pas comporté comme le meilleur des hommes. Il savait qu’il y avait plusieurs points à revoir dans son comportement. Mais il avait encore du mal à pleinement se rendre compte de l’impact de ses gestes, de ses paroles. « Je suis au courant, au fait, » finit-il par ajouter. « Mes parents m’ont dit que tu les appelais de temps en temps. » Ses pères étaient heureux, d’ailleurs, si heureux qu’ils lui en avaient parlé. Elsa avait été la seule fille qu’il leur avait ramené. Elle avait également la seule fille qu’il avait réellement perdu.
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(✰) message posté Mer 7 Oct 2015 - 2:58 par Invité
“I promise you nothing is as chaotic as it seems. Nothing is worth diminishing your health. Nothing is worth poisoning yourself into stress, anxiety, and fear. ” ✻ Ma vision s'embaumait dans l'ambiance agitée de la rue. Je restai immobile, attendant que les silhouettes qui dansaient autour de nous m'engloutissent entièrement ou que le typhon vienne et m'entraîne ailleurs. Je n'étais plus qu'une ombre éphémère, une dernière nuance de gris qui se noyait dans la lumière écrasante. Je tentai de lui sourire avec insouciance mais mon cœur murmurait encore son prénom comme une malédiction. Graham était le seul. Je ne m'étais pas engagé dans une relation après lui. J'avais appris à me contenter de si peu. J'étais devenu exactement comme il le désirait ; désillusionnée, aguicheuse et facile. Mon âme l'avait suivi jusqu'au tréfonds de l'Asie ; elle l'avait enlacé avant de s'abandonner entre les vagues déferlantes de l'océan. Un séisme. Une explosion. Un volcan. Je l'avais aimé de façon tempétueuse, avec une force tranquille et destructrice à la fois. Les mugissements du vent tombaient sur mes épaules fragiles comme une pluie drue et acide, mais le scintillement azur de ses yeux me gardait en éveil. Je ne pouvais plus repartir. Il était trop tard pour l'oublier, trop tard pour avancer sans lui. Je tendis ma main vers son visage avant d'avoir un regain de lucidité. Je n'avais plus aucun droit. Aujourd'hui, je n'étais plus rien. La maladie de Parkinson m'emportait à la dérive. Je me mordis la lèvre inférieure en esquissant un mouvement de recul. Mon expression s'était détendue, dévoilant une assurance et un charme mensongers. Il connaissait les versants puériles de ma personnalité. Il pouvait prédire mes réactions et pressentir mes excès de colère. Mais il ne faisait pas le moindre effort. Il restait campé sur ses idéaux étranges et libertins. Pour lui la vie n'était qu'un jeu, et pour moi, le jeu était essentiellement poétique. J'enroulai une mèche de cheveux autour de mon index en lui adressant un regard neutre, dénudé de sentiments et de fausses rancœurs. Je pris une profonde inspiration en marchant sur l'allée. Je me contenais dans une image calme et tranquille pour ne pas brusquer nos retrouvailles. Je souffrais de son absence parfois. Je vrillais les yeux dans l'obscurité de ma chambre et je sentais mon cœur vagir dans le vide. Je ne pouvais plus me concentrer sur le son de sa voix. Je ne pouvais plus me raccrocher à son torse musclé parce que je n'étais plus amoureuse. Je souris alors qu'il s'éloignait. J'avais l'impression de tout perdre une nouvelle fois. Je fronçai les sourcils en accélérant le pas. Je voulais toujours le rattraper par dépit. Graham se tourna vers moi. Son visage s'éclaira d'un sourire. Son attention était brève et interrompue, mais elle avait suffi à faire tomber une barrière. Je le reconnaissais derrières les vapeurs grises de la cigarette. Je le retrouvais derrière son masque pâle et imperturbable. « Pas toutes, je n’ai pas encore couché avec la plupart. » Je relevai le menton en papillonnant des yeux puis je ris avec légèreté. Il était difficile à cerner et pourtant, j'étais immanquablement poussée vers son antre sombre et terrifiant. Je croisai les bras sur la poitrine en me penchant vers lui. « Je peux te servir de référence si tu veux. Tu sais, ce truc que tu fais avec la bouche, oh mon dieu, je savais même pas qu'il y avait autant de zones érogènes ! » J'esquissai une moue séductrice avant de m'écarter. Il fit de même, tournant lentement la tête pour souffler des spirales de fumées vers le ciel. « Je suis une de tes peurs, carrément. Je ne pensais pas t’avoir traumatisé autant que ça. » Il m'adressa un regard sulfureux. Sa voix était calme et posée comme s'il énonçait un fait avéré, comme s'il n'y avait rien d'insultant ou d'incommodant dans ses propos. Pourtant, j'avais le sentiment qu'il me rabaissait. Parce que j'étais née au milieu des fleurs d'été dans une ville froide et brumeuse. Parce que s'il s'y mettait lui aussi, il réduirait à néant mon goût de l'aventure et de l'insouciance. Il se trompait. Je n'avais pas peur de lui. J'avais peur pour lui. C'était différent. Son départ m'avait laissé dans l'incompréhension. Je m'étais relevé les matins qui avaient suivi notre rupture à l'état d'ébauche, piégée entre deux états d'âmes inachevés. Je l'avais tellement désiré et maintenant qu'il était complètement hors de ma portée, je ne pouvais m'empêcher de le vouloir encore plus. Je fronçai les sourcils, prête à l'asséner sauvagement ; Moi ? Avoir peur ? Tss, mes fesses ! J'ai peur de ce qui pourrait t'arriver si j'enfonce mes ongles dans ta gorge ouais. Je les lime en forme de crochet tous les jours depuis six ans et je te guette au coin de la rue. Tu vois la-bas, derrière le kiosque. C'est ma cachette secrète. Espèce d'idiot taré mou du bulbe ! Ta tête on dirait une pieuvre géante. Tu es une pieuuuuuuvreeeeee ! Mais le vent s'éleva d'un coup, m'intimant le silence. Ce n'était qu'une phase. Ce n'était pas important. « Ouais tu devrais me payer des cours de yoga pour que je relaxe. » Marmonnai-je en agitant le bout de mon nez. Voilà, je suis classe si je veux. Goujat ! « Je suis au courant, au fait, mes parents m’ont dit que tu les appelais de temps en temps. » Je me redressai, surprise par sa révélation. Je le regardais pendant un court instant et mon sang se glaça. D'une main tremblante, je rejetai ma frange en arrière. Mes boucles étaient sèches sous ma prise, comme si toute mon essence vitale venait de s'évaporer. Les commères ! Ils m'avaient promis ! Je ne savais pas comment réagir, si je devais plaider ma cause ou m'excuser tout simplement. Après tout, j'avais franchi une limite interdite. Je n'avais pas respecté une seule consigne ; disparaître. « Tu penses que c'est inapproprié ? » Lui demandai-je crédulement. « Si c'est le cas, je peux envoyer une carte postale à la place. Je ne sais pas. Je ne voulais pas les oublier. Et puis ... » Je m'interrompis, hésitante. Et puis, j'avais impérativement besoin d'avoir de tes nouvelles. Tu étais pris dans un tsunami, merde ! Je déglutis avant de sourire. « Les parents m'adorent et je les aime beaucoup. » Je crispai la bouche avant de secouer la tête au rythme d'une chanson muette que nous avions écrit ensemble. Graham était le rescapé miraculé et j'existais uniquement entre les pages colorées d'un livre pour enfants. J'étais cette féerie puérile qu'il avait consenti à imaginer sous ses draps autrefois.
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(✰) message posté Lun 12 Oct 2015 - 19:14 par Invité
Elsa & graham — scars have the strange power to remind us that our past is real. ✻ ✻ ✻ Graham ne regrettait pas la personne qu’il était. Il ne regrettait pas d’être incapable de trouver la femme de sa vie. Il ne regrettait pas de courir après les jupes des jeunes femmes qui croisaient sa route. Il ne regrettait pas d’être pâtissier même si cela était très loin d’être un métier aussi reconnu qu’ingénieur ou chirurgien. Il ne regrettait pas d’être né dans une famille homoparentale. Il ne regrettait même pas être parti au Japon au mauvais moment, au mauvais endroit. Il ne regrettait pas la fin de sa relation avec Elsa, comme s’il avait toujours su que cela allait fatalement arriver à un moment ou un autre. Il avait conscience qu’il n’avait jamais été et qu’il ne serait jamais le type d’homme dont elle avait besoin ; il n’avait rien avoir avec un prince charmant, il n’avait rien d’un gentleman. Il n’était même pas sûr d’être quelqu’un de bien pour qui que ce soit ; à vrai dire, il s’en souciait guère, comme s’il s’était résigné depuis quelques années, maintenant, à finir seul. Il n’était pas sûr d’avoir besoin de quelqu’un à ses côtés. Il n’était pas sûr de vouloir sacrifier son indépendance pour un concept aussi abstrait qu’était l’amour ; il ne refusait pas l’idée en elle-même mais, pour le moment, il n’était pas dans l’optique de construire une famille, de se poser comme ses proches pouvaient le faire autour de lui. Il avait peut-être trente-deux ans. Il voyait peut-être sa jeunesse filer entre ses doigts. Il était peut-être l’un des derniers à ne pas avoir de petite-copine ou de femme à la maison, l’un des derniers à ne pas avoir de gamins entre les jambes ou de bébé en cours de route. Pourtant, il n’éprouvait aucun désir de se précipiter. Aucune envie de finalement faire comme les autres tant qu’il en était encore temps. Il aimait trop sa liberté. Il aimait trop cette vie qu’il était en train de se bâtir autour de son travail, loin des souvenirs de la catastrophe, loin des séquelles qu’il continuait encore de subir. Ses paroles étaient sans doute provocantes mais il était incapable de ressentir le moindre remord ou d’avoir la moindre morale. Son regard intense était posé sur elle comme s’il cherchait sciemment à la déstabiliser : la vérité, c’était qu’il ne faisait même pas attention à ce genre de détails qui le dépassait. La vérité, c’était qu’il ne se rendait même pas compte de ce qu’il faisait. « Je peux te servir de référence si tu veux. Tu sais, ce truc que tu fais avec la bouche, oh mon dieu, je savais même pas qu'il y avait autant de zones érogènes ! » s’exclama-t-elle et j’esquissai un sourire au coin, jouant avec le filtre de ma cigarette du bout du pouce. « Je pensais que mon seul talent était la pâtisserie, » nota-t-il avant de tirer sur sa cigarette. Il retint la fumée dans ses poumons durant un temps avant de finalement l’expirer sur le côté, une nouvelle fois de sorte à ce qu’Elsa ne se la prenne pas dans le visage. Il se rappelait qu’il avait réussi à la séduire de cette manière. Il se rappelait que cela avait été avec sa façon de dire de but en blanc tout ce qui pouvait bien lui passer par la tête qu’il avait attiré Elsa. De son côté, elle avait réussi à l’avoir avec ses manières de princesse, avec ses façons d’être d’enfant. Il ne pouvait pas dire qu’il avait été celui à piéger l’autre. Il ne pouvait pas dire qu’il avait eu le contrôle de la situation du début à la fin. Non. Et, de toutes manières, cela ne lui viendrait pas à l’idée de le faire. Il reconnaissait qu’ils étaient tous les deux tomber dans les jeux de l’autre. « Ouais tu devrais me payer des cours de yoga pour que je relaxe, » dit-elle et il leva les yeux au ciel. Cela était un côté de sa personnalité qui l’avait amusé, au départ. Peut-être même l’avait-il séduit. Il n’en savait plus rien. Il n’avait jamais réellement pensé à toutes ces choses qui se passaient dans son corps. Il ne faisait pas partie de ce genre de personnes qui cherchaient à tout prix à mettre des mots sur leurs émotions. « Tu penses que c'est inapproprié ? Si c'est le cas, je peux envoyer une carte postale à la place. Je ne sais pas. Je ne voulais pas les oublier. Et puis... » répondit-elle quand il lui admit qu’il était au courant qu’elle continuait d’avoir un contact avec ses pères. « Les parents m'adorent et je les aime beaucoup. » Il ne put s’empêcher d’hocher la tête d’un air conspirateur, finissant sa cigarette et l’écrasant sur le sol après l’avoir fait tomber. Il était au courant, oui. Au courant qu’Elsa avait incroyablement plu à ses pères lorsqu’il avait eu la mauvaise idée de l’amener chez lui, en Australie. Il savait qu’ils auraient sans doute aimé que leur histoire ne se poursuive. Il savait, également, qu’ils étaient inquiets pour lui. Qu’ils voyaient le temps filer, eux aussi, et qu’ils ne partageaient pas le même détachement que Graham pouvait avoir sur la question. « Non, je m’en fous, tu fais ce que tu veux, » lâcha-t-il en haussant les épaules. « En plus, ils t’aiment bien. J’voulais juste te le dire pour que tu arrêtes de faire semblant. » Ses yeux se perdirent sur la circulation alors qu’il buvait une gorgée de son café. « Sinon, comment tu vas ? » La question était sortie avec naturel de sa bouche, comme si cela était la chose la plus normale du monde ; au fond, il se demandait ce qu’Elsa était devenue depuis la dernière fois qu’il avait bien pu la croiser. Au fond, cela lui importait un peu, malgré ses grands airs de mauvais garçon, malgré ses façons de faire.
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(✰) message posté Sam 7 Nov 2015 - 15:35 par Invité
“I promise you nothing is as chaotic as it seems. Nothing is worth diminishing your health. Nothing is worth poisoning yourself into stress, anxiety, and fear. ” ✻ Le coeur ressemble au firmament ; comme lui il fait partie du ciel, et comme lui aussi il change nuit et jour. Je souris en baissant les yeux. J'étais la seule responsable de ma tristesse. J'étais la seule à vouloir éternellement tremper mon âme en feu dans les courants tumultueux d'un homme inaccessible. Je ne regrettais pas notre relation. C'était la malédiction que je lui avais infligé qui me pesait le plus. Je me souvenais de son départ au Japon et de mes cris enragés. J'avais prié pour qu'il disparaisse. J'avais sincèrement espéré qu'il ne revienne plus jamais. Quelle horrible personne était capable d'aimer jusqu'à en perdre la raison ? Quelle horrible personne était capable de se tenir devant lui en arborant un sourire crispé et une attitude innocente ? Je déglutis en fermant les poings. C'était si étrange de le retrouver de cette façon. J'avais fixé son visage durant des années, sans oser poser mes lèvres à la surface de nos photographies. Je m'étais persuadée que je ne méritais pas de ressentir le soulagement et l'allégresse de nos retrouvailles. Parce qu'il fallait du temps pour pardonner. Tellement de temps que le temps lui-même ne suffisait plus à combler le vide harassant au fond de ma poitrine. Je me redressai en m’émoustillant dans le col de ma veste. Mes yeux pétillaient lorsque je lui souriais. Je ne faisais pas semblant de l'apprécier. J'étais tout simplement mitigée et perdue dans mes réactions. « Je pensais que mon seul talent était la pâtisserie, » Souffla-t-il en détournant le visage. Il expirait les fumées de sa cigarette du côté opposé, probablement par courtoisie, mais je voulais y voir un geste attentionné à mon égard. Je voulais trouver un prétexte pour rester. Je haussai les épaules avec insouciance. « Ça va. J'ai menti... » Après tout, il était familiarisé avec mon tempérament puérile. Je levai les yeux au ciel en faisant la moue. « Faut pas croire tout ce que je raconte, Milligramme. » Certes, mes sentiments étaient confus, oscillant entre rancune, appréhension et tentation. Mais cela ne m'ébranlait en rien ma répartie et mon sens de la conversation toujours un peu décalé. Je me figeai un instant, réalisant que mon intrusion dans son intimité après notre rupture était une limite que j'avais sciemment franchi. Il se montrait désinvolte - comme à son habitude, mais je craignais tout de même sa réaction. Graham se redressa. Il écrasa sa cigarette d'un geste las, faisant disparaître les voiles grisâtres qui nous séparaient. Je le voyais plus nettement. Ses pommettes saillantes. Sa barbe parfaitement taillée. Ses yeux pétillants. Son expression hautaine et son attitude dégagée. Je ne pouvais pas l'expliquer mais il me semblait si lointain et inatteignable. « Non, je m’en fous, tu fais ce que tu veux. En plus, ils t’aiment bien. J’voulais juste te le dire pour que tu arrêtes de faire semblant. » Je déglutis. Il devrait réellement apprendre à filtrer ses mots. C'était mesquin et inapproprié. Je croisai les bras en penchant la tête, lui laissant tout le loisir de m'asséner de ses remarques directes et blessantes. Après tout, j'étais incapable de rétorquer. J'avais déjà baissé ma garde une fois. Je lui souris tristement. J'aurais préféré qu'il s'indigne de mon comportement, qu'il me somme d'arrêter mes enfantillages, qu'il s’intéresse à moi. Mais il me rejetait de la pire manière qui soi ; en étant exactement lui-même. Le jeune pâtissier se tourna vers la circulation alors que je l'observais avec une fixité étrange. Les étoiles qui étaient des soleils étaient moins nombreuses que les planètes. Il n'y avait pas assez de lumière pour tout le monde. Probablement, pas assez pour lui et pour moi. Je ris nerveusement lorsqu'il s'enquit de mon état. J'aurais tant voulu lui dire la vérité, mais par où commencer ? Je vais très mal. Je souffre d'un parkinson précoce. Le père qui m'a abandonné est mort. J'habite avec le grand méchant loup et je n'ai plus aucun talent. Mon écriture est devenue dégelasse, le comble pour une étudiante en calligraphie ! Et toi ? Je haussai les épaules en souriant. « Je vais aussi bien qu'il m'ait permis de l'être. » Murmurai-je d'une voix fluette. Je me mordis la lèvre inférieure. « Tu as l'air de bien aller en tous cas. Je … » Je m'approchai de lui afin de tirer sur le manche de sa chemise. Je n'avais trouvé que ça pour le toucher, pour m'assurer qu'il était bien réel. « Je suis contente que tu sois là. » Soufflai-je avec sincérité. Je m'écartai de sa prise en prenant une profonde inspiration. Nous nous étions assez éternisé dans cette rue. Et dire que je croyais que ma passion pour l'art était difficile – faire mes à dieux à Graham était pire. Je fermai les yeux un instant, laissant l'obscurité voiler mes paupières tremblantes. Je ne voulais pas cesser d'être une optimiste, mais un soir d'automne, lorsque l'air restait immobile dans le ciel et que la brume pesait sur les splendeurs de la terre et la verdure des feuillages, tout me conditionnait à revêtir les couleurs pourpres de l'oubli. « Je vais devoir te laisser par contre. » Déclara-je précipitamment avant de tourner les talons et de me noyer dans la foule de passants, entourée de visages inconnus. De visages qui ne m'importaient pas.
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(✰) message posté Mer 11 Nov 2015 - 20:47 par Invité
Elsa & graham — scars have the strange power to remind us that our past is real. ✻ ✻ ✻ Elsa était encore une enfant. Graham l’avait toujours su ; cependant, il n’avait jamais cherché à s’adapter à ses manières de princesse, restant fidèle à lui-même tout au long de leur relation. Elle avait sans doute rêvé du prince charmant mais il n’avait jamais mis du sien pour d’agir comme une personne qu’il n’était pas, d’agir comme une personne qu’il ne serait jamais. C’était sans doute pour cela que cela n’aurait jamais marché. Elle avait attendu bien trop de choses venant de lui, perdue dans ses rêveries idéalistes, perdues dans ses visions qui ne lui correspondaient pas. Il n’avait pas été le genre d’homme pour elle et, pourtant, ils avaient quand même fait un petit morceau de chemin ensemble avant de repartir dans deux directions opposées. Cela n’aurait jamais marché, non. Ils avaient essayé, pourtant. Sans doute pas aussi fort qu’il ne l’aurait pu, mais Graham avait fait plus d’efforts que pour ses autres relations. Même si le mot relation pouvait être très largement discuté. Il avait l’impression qu’elle cherchait impérativement à lui tenir tête, à le séduire, peut-être. En retour, il tenta simplement de la piéger dans son propre jeu et l’inciter à cesser ses enfantillages. Il aimait croire qu’il n’avait plus le temps de suivre les aléas de ses caprices, de se conformer aux diverses sautes d’humeur de son esprit. Ils n’étaient plus ensemble, après tout. Il ne savait pas très bien ce qu’il représentait dans son esprit à elle mais il savait que, dans le sien, ils n’étaient pas amis, ni proches, simplement des inconnus qui ont un jour trop compté dans la vie de l’autre. Des inconnus qui ont fait la bêtise, un jour, de s’embarquer dans une histoire qui les dépassait beaucoup trop. Dans une histoire qui ne leur apporterait aucun bien, juste des disputes, juste des conflits. Mais, quelque part, il était reconnaissant qu’ils aient eu l’esprit de se déchirer la veille de leur voyage au Japon. Reconnaissant qu’elle ne soit pas venue avec lui, qu’elle n’ait pas été sur les lieux lors du tsunami. Il était peut-être un sale con mais jamais, au grand jamais, il n’aurait voulu qu’elle souffre de cette manière par rancune. « Ça va. J'ai menti… Faut pas croire tout ce que je raconte, Milligramme, » dit-elle en levant les yeux et ce fut lui qui poussa un soupir en secouant la tête. Elle jouait, oui. Elle le rejetait comme pour l’attirer vers elle. Elle le rejetait pour lui prouver qu’elle pouvait être forte et grande gueule, pour lui prouver qu’elle pouvait être ce genre de filles elle aussi. Elle faisait semblant, comme si. Il ne releva pas ses mots, préférant passer à autre chose, peu désirant de s’attarder sur ses enfantillages. Il ne lui en voulait pas d’être fidèle à elle-même ; après tout, chaque facette de sa personnalité l’avait séduit. Cependant, en cet instant, il était fatigué qu’elle se comporte de la sorte en sa compagnie, comme s’ils étaient encore quelque chose. Comme s’ils n’étaient pas deux adultes responsables. « Je vais aussi bien qu'il m'est permis de l'être. Tu as l'air de bien aller en tous cas. Je… » Elle fit un pas vers lui pour tirer sur la manche de sa chemise, comme si elle cherchait désespérément un contact sans parvenir à savoir lequel était approprié pour lui, pour son coeur à elle. Il esquissa un sourire, conscient que ses mots voilaient une toute autre vérité mais il avait appris à se taire lorsque les autres ne désiraient pas se perdre dans les détails de leur malheur. Après tout, il avait été le premier à répondre ça va suite à la catastrophe, simplement parce qu’il ne voulait pas parler de son traumatisme, simplement parce qu’il voulait l’oublier. Alors, il respectait le silence d’Elsa, sachant parfaitement qu’il n’était absolument pas en position de lui demander des détails. « Je suis contente que tu sois là, » ajouta-t-elle. Ses mots étaient pesant, pesant d’une vérité que seuls ceux au courant pouvaient comprendre. « Je suis content d’être là aussi, » répondit-il. Il savait qu’il avait de la chance. Il savait que des milliers d’autres personnes ne pouvaient pas en dire autant. Il s’en était échappé d’une extrême justesse et les personnes autour de lui n’avaient pas pu attendre les secours comme il avait bien pu le faire. « Je suis content que tu sois là aussi. » Il ne pourrait sans doute jamais correctement le formuler à voix haute mais il était reconnaissant, oui. Reconnaissant de l’avoir fait fuir quand il fallait pour lui éviter ce qu’il avait vécu, lui. « Je vais devoir te laisser par contre. » Elle tourna les talons aussi vite. Elle s’en alla avec précipitation comme si elle ne pouvait plus supporter ma présence. « J’en conclus que le pain au chocolat était aussi un mensonge, » marmonna-t-il pour lui-même. A côté de lui, le feu piéton passa au vert et il traversa la route avec les autres passants ; il regagna sa pâtisserie, repassa derrière le présentoir, disparut dans les cuisines. Ses sourcils étaient froncés et sa mine sombre quand il se lava les mains avec application, prenant de profondes inspirations pour chasser la panique. En soi, malgré les années, malgré le temps qui était passé, Elsa demeurait un mystère. Une équation qu’il ne parviendrait sans doute jamais à résoudre.