“Know your own happiness. You want nothing but patience- or give it a more fascinating name, call it hope.” ✻ Je la désirais tellement. J'aurais espéré pouvoir sentir sa peau glisser sous mes doigts et son souffle s'évanouir sur ma bouche. Eugenia était si proche de moi et pourtant j'avais l'impression que son corps me repoussait. Ses yeux me suppliaient de l'embrasser mais ses jambes malades, rejetaient toutes mes tentatives d'approche. Peut-être avais-je surestimé mes capacités et sa tolérance envers elle-même. Je réalisais peu à peu qu'elle avait encore plus de mal à accepter que moi. J'avais passé des mois à la chercher, à la trouver puis à l'abandonner et en cet instant, elle me donnait l'impression d'effectuer le même enchaînement. Seulement avec plus de cruauté et d'acharnement. Je fermai les yeux en humant discrètement les parfums sensuels qui flottaient autour de sa silhouette fragile. Je me collais à son dos avec désespoir. Je ne veux pas partir, même si les choses sont comme ça. Mon cœur agonisant chantait encore les notes graves et tragiques de son absence. Je me revoyais deux années auparavant, vagabondant dans les rues de Liverpool, traînant sur mes épaules le poids des mondes. L'air dansait autour de mon visage mais je ne pouvais plus respirer. Mon corps lui avait survécu par instinct, mais mon âme avait cessé d'exister. Elle s'était tout à coup évanoui dans les vides de l'enfer, et ce n'était que maintenant que je renaissais de mes cendres. Ce n'était que maintenant que je voulais effleurer les valeurs du bonheur simple et dérisoire. Mon livre connaissait une certaine notoriété parce que je retraçais les événements d'une belle histoire d'amour, d'un voyage spirituel au milieu des mythes et des épopées du sentiment. Mais réalité, je l'avais vécu comme une grande tristesse. Que se passera-t-il si tu refuses que je te touche et que je continue de me languir de tes caresses imaginaires ? Suis-je entrain de jouer avec tes cordes sensibles ? Ginny, je me pose trop de questions. J'entends les voix classiques de la solitude hurler dans ma tête mais ce ne sont jamais les nôtres. Je ne peux plus me sentir seul lorsque tu es là. Je crispai ma prise sur ses épaules. Son ossature fine était à quelques centimètres de la mienne. Elle bougeait lentement sous ma prise, me promettant un avenir meilleur auquel je refusais de m'accrocher de peur d'être déçu. Depuis que j'avais découvert son handicap, je n'avais jamais songé à la pousser, ne serait-ce qu'une seule fois vers les expérimentations miraculeuses de certaines médecins outre-mer. Certes, j'avais effectué des recherches afin de mieux cerner ses contraintes quotidiennes mais je ne voulais pas lui insuffler d'espoir mensonger. Je ne voulais pas qu'elle retombe dans les engrenages douloureux de l'espoir et de ses désillusions. Je m'étais résigné à l'accepter telle qu'elle était, même si cela signifiait qu'elle était brisée et immobile sur mon lit. Je frémis en agitant les bras. Mes pensées se brouillaient dans mon esprit sans que je ne puisse en saisir la logique. Mon torse tremblait légèrement, assailli par les ombres d'une émotion étrange. Ma passion pour Eugenia n'était pas ordinaire. Je n'étais pas un homme ordinaire depuis mon retour à Londres. Ma respiration saccadée filtrait à travers ma bouche. Elle échappait à mon contrôle, laissant uniquement un arrière goût amer dans ma bouche. «Je ne me force pas, » Elle se retourna lentement vers moi. Je m'éloignai au bord du lit, perdu dans la précision de ses gestes. Je baissai les yeux vers sa poitrine dévêtue et je souris à moitié. «J’essaye simplement d’être comme les autres. D’avoir de la confiance. D’être désirable, » Je plissai les yeux en l'écoutant avec application, en me forçant à ne pas lui couper la parole. Je ne voulais pas qu'elle se lance dans un récit dépréciatif de ses qualités, simplement parce qu'elle était paraplégique. «Mais, la vérité, Julian, c’est que j’ai beau tenter, je n’y arrive pas. Même si tu me dis le contraire… Je me sens ridicule. Et ça me tue, tu vois. Ca me tue parce que je veux vraiment te faire plaisir et te satisfaire, parce que j’en ai envie moi aussi, mais j’ai toutes ces pensées dans le crâne… » Je me mordis la lèvre inférieure. J'essayais réellement de comprendre sa position mais il m'était impossible de pleinement réaliser l'étendue de ses blessures. Elle continuait à se cacher derrière une barrière de pudeur et de retenue, comme si je n'étais qu'un étranger. Et je l'étais probablement. J'avais rencontré Eugenia trop tôt. Elle s'était laissé charmé par mon illusion de grandeur sans savoir que pour parvenir à mes fins, il m'avait fallu abandonner toutes mes valeurs et mes moralités. Elle devait probablement avoir l'impression de ne plus me connaître. Je n'étais plus son meilleur ami. J'étais à présent son presque fiancé. «Je suis tellement désolée, » Elle glissa vers moi. Sa bouche se déposa furtivement contre la mienne. Elle passa sa jambe entre mes mollets et je pus sentir la froideur de ses extimités titiller ma peau. Je la laissai me toucher sans émettre la moindre objection, sans tenter de me protéger de son pouvoir maléfique. Ma gorge se serra mais je ne prononçai pas le moindre mot. J'étais en transe, le regard fixé vers un lointain point lumineux. Je me penchai légèrement vers elle et mon menton se faufila entre ses cheveux parfumés. Mes doigts flottaient au dessus de sa nuque, incapables de raffermir leurs prise sur l'arrière de sa tête. J'avais si peur de franchir une limite mais surtout, je ne me sentais plus prêt à devenir homme. « Je ne te blesserais plus … Tout ce temps, je n'ai fait que m'oublier dans des relations futiles. Et tu me dis que tu veux êtres aussi fade et banale que les autres ? Tu es différente Ginny. Tu l'as toujours été et c'est pour ça que je te choisirais toujours. » Je pinçai les lèvres en la serrant contre mon torse. « Tu l'as lu ? » M'enquis-je tout à coup. « Tu es ma Berenice, je t'ai laissé partir une fois et je suis presque devenu drogué parce que tu n'étais pas là pour me gronder. » M'amusai-je en jouant avec le lobe de son oreille. « Pour des raisons majeures de survie, tu es ma prisonnière à vie. Tu es l'instrument du destin, celui qui peut tout m'offrir et me réduire à néant. Je pense que je peux t'attendre encore. » Je me dégageai légèrement. « Je t'attend toujours sans m'en rendre compte. » J'esquissai un faible sourire avant de couvrir ses épaules avec le drap.
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(✰) message posté Sam 11 Juil 2015 - 18:50 par Invité
Julian & eugenia — i seem to have loved you in numberless forms, numberless times, in life after life, in age after age, forever. my spellbound heart has made and remade the necklace of songs, that you take as a gift, wear round your neck in your many forms, in life after life, in age after age, forever. whenever i hear old chronicles of love, it's age old pain, it's ancient tale of being apart or together. as i stare on and on into the past, in the end you emerge, clad in the light of a pole-star, piercing the darkness of time. you become an image of what is remembered forever. ✻ ✻ ✻ J’espérais un jour aller mieux. J’espérais un jour avoir bien plus confiance en moi. J’espérais un jour pouvoir rire, rire de cet état d’angoisses permanentes que je connaissais actuellement, rire de ces craintes qui me rongeaient peu à peu, au fur et à mesure que le temps pouvait bien passer. J’espérais, oui. J’espérais sans que rien ne se passe. J’espérais comme une enfant, comme une idiote, comme une innocente puérile. J’espérais mais, pour le moment, mes espoirs ne me menaient nulle part ; ils flottaient dans mon esprit, créant de toutes pièces les songes d’un avenir meilleur qui paraissaient bien futiles, au bout du compte. J’espérais. J’espérais dans le vide, dans le néant. J’espérais mais rien ne se passait. Rien, absolument rien. Jamais. Je pouvais lire la désapprobation de Julian mais je me disais qu’il ne pouvait pas comprendre, qu’il ne pouvait pas savoir. La vie n’avait pas toujours été clémente avec lui mais il avait cette confiance innée qui rendait certaines étapes plus aisées ; il semblait accepter de vivre avec l’individu qu’il incarnait, il semblait accepter celui qu’il était sans jamais remettre en question l’évolution de son caractère. Je n’avais pas cette chance. Je vivais chaque jour avec le fléau qu’était la crainte de soi-même. Je jugeais chacun de mes gestes sans avoir besoin des autres pour le faire. Je jugeais chacun de mes mouvements, chacune de mes paroles, le matin ou le soir, la nuit ou le jour. Je trouvais toujours quelque chose à redire à propos de mon comportement, je trouvais toujours un commentaire dépréciatif vis-à-vis de ce que je pouvais faire. Vis-à-vis de mon apparence. Vis-à-vis de mon être. C’était plus fort que moi. J’avais beau lutter. Je ne parvenais pas à ressentir un semblant d’amour propre. Mon esprit s’appliquait à envisager les pires choses, à ressentir les pires sentiments, à se piéger dans la honte, l’inconfort, l’angoisse. A un tel point que s’en devenait naturel. A un tel point que je savais qu’il était vain de lutter. Vain d’espérer. Vain d’y croire. La peau de Julian était chaude contre la mienne, alors que je finissais enfin par me taire. Je savais qu’il ne pouvait pas comprendre ce malêtre constant qui m’habitait. Il ne le connaissait pas, après tout. Il ne vivait pas avec. Il n’avait pas à s’y conformer, il n’avait pas à le supporter, il n’avait pas à l’accepter. « Je ne te blesserais plus… Tout ce temps, je n'ai fait que m'oublier dans des relations futiles. Et tu me dis que tu veux être aussi fade et banale que les autres ? Tu es différente Ginny. Tu l'as toujours été et c'est pour ça que je te choisirais toujours. » Il me serra contre lui, contre cette peau qui me paraissait si familière, contre cet épiderme qui me donnait l’impression d’être à ma place, d’être chez moi. Je l’observai avec attention, répétant sans cesse ses paroles dans mon crâne pour les retenir, pour les imprimer, pour les encrer à ma peau. « Je ne veux pas être fade et banale. Je veux être celle qu’il te faut, » finis-je par doucement lui répondre. Je voulais être là pour lui, être toujours là pour lui, peu importe la situation, peu importe sa demande, peu importe le temps et les évènements. Je voulais être là encore plus que je ne l’étais déjà. C’était étrange, quelque part. Etrange de vivre avec l’impression de ne jamais être à la hauteur. « Tu l'as lu ? Tu es ma Berenice, je t'ai laissé partir une fois et je suis presque devenu drogué parce que tu n'étais pas là pour me gronder, » reprit-il et j’esquissai un sourire en l’entendant. Cette vérité me révoltait mais, au fond de moi, je me plaisais à me dire qu’elle était sans doute vraie. Je me plaisais à me répéter qu’il tenait sans doute autant à moi que je ne pouvais tenir à lui; Je me plaisais à comprendre que, même si je ne les comprenais pas, il avait ses raisons pour m’aimer à ce point, pour m’aimer aussi fort. « Pour des raisons majeures de survie, tu es ma prisonnière à vie. Tu es l'instrument du destin, celui qui peut tout m'offrir et me réduire à néant. Je pense que je peux t'attendre encore, » reprit-il avant de doucement s’écarter de moi. « Je t'attends toujours sans m'en rendre compte. » Je sentis mes joues se colorer à cause de la gêne passagère qui se déversait dans mes veines. Je me sentais presque coupable qu’il énonce une pareille vérité à voix haute. Je remontais la couverture sur mes épaules avant de glisser mes doigts sur son torse. « Et je t’attends aussi. J’imagine que nous sommes quittes. » J’esquissai un sourire avant de prendre une profonde inspiration et loger ma tête contre lui. Je fermai doucement les yeux, mon coeur se calmant enfin, mes émotions s’apaisant au fond de mon être. Je me sentais encore honteuse mais mes angoisses étaient doucement balayé par la certitude que le pire était sans doute passé. « J’imagine qu’on trouvera une solution. On trouve toujours, » marmonnai-je avant de finalement me taire et entendre la quiétude de la pièce inonder mes tympans. Je calai le rythme de ma respiration sur celle de Julian, comme à chaque fois, comme s’il suffisait d’aussi peu pour que nous fassions qu’un. Comme s’il suffisait d’aussi peu pour que tout aille mieux, pour que nous trouvions un terrain d’entente. Peut-être était-ce le cas, peut-être que le lendemain serait différent. Je n’en savais rien. Tout ce qui semblait compter, en cet instant, était que, désormais, il était au courant. Il était au courant de tout ce que j’avais sur le coeur. Je ne savais pas si ça changeait quelque chose. Je ne savais pas si ça nous aiderait, tous les deux. Mais peu importait. Il était au courant. Il était au courant et il n’avait pas encore fui au loin.