- nikolaï - stuck in the sound

La justice, hein ? Non, vraiment, Stefan se demandait dans quel monde il vivait. Les gens se faisaient passer pour de bons hommes, mais les trois quarts étaient aveuglés par l'argent, corrompus jusqu'au cou. Tout se réglait par l'argent, même les affaires au tribunal. Si bien qu'une personne qui n'avait rien demandé devait verser une indemnisation contre des mauvaises personnes à cause de leurs fantaisies à la noix. Ça n'était pas pour rien qu'il n'aimait pas les gens, la société, tout ça. Il savait qu'il était désagréable jusqu'à même être 'méchant', mais quand il s'apercevait d'autres cas venant de gens sensé être de parfaits petits anges, il se posait beaucoup de question. Etait-il vraiment si mauvais que ça ? Ou alors ne faisait-il qu'étaler son mépris JUSTIFIE pour les autres ? Parfois, il se demandait si tout quitter pour aller se planquer sur une île déserte tel Robinson Crusoë ne serait pas mieux. Mais ça n'était pas « une vie » non plus. Stefan avait tout de même besoin d'être entouré.

" Ce n'est peut-être rien pour vous, mais pas pour nous. C'est dans votre casier judiciaire, comme toutes les autres arrestations. Ce n'était pas de votre faute, je suis bien d'accord avec vous, mais c'est là et on ne peut malheureusement pas les effacer." 

Stefan fit la grimace. A quoi bon discuter ? « Les lois étaient faites ainsi, vous n'avez plus qu'à fermer votre gueule et subir ce qui vous arrive ». Il ne valait mieux pas qu'il pense à tout cela trop longtemps, sinon il allait se mettre de nouveau très en colère.

« Ouais, ouais... si vous l'dites. »

Après tout, il n'avait tué ou blessé personne, contrairement à sa mère. Mais parce qu'il avait fait de « petites bêtises », il risquait vraiment de tout perdre. Là aussi, il fallait qu'il n'y pense pas trop, parce que là aussi, ça allait le mettre en rogne. Il aurait beau être scandalisé, maudire les energumènes qui avaient fondés ces putain de lois, cela ne changerait rien à la situation. Il n'avait le pouvoir de rien du tout et le droit à rien, sauf de se défendre. Et encore... s'il y parvenait. Les gens pouvaient être bien cruels des fois, et comme il le savait, quand quelqu'un était corrompu, l'affaire était réglée rapidement. Il espérait seulement que son avocat ne soit pas l'un de ses gens à se faire acheter. Il était certain qu'il allait être en relation avec celui de la partie opposée, comme ça se faisait à chaque fois. Il était déjà passé plusieurs fois par le tribunal pour le savoir.
Et au moins, le comportement de l'avocat avait changé envers lui. Il se montrait plus... compréhensif ? Stefan avait présenté ses excuses et ça s'était arrangé. Comme quoi, il en fallait peu.

" Je suis désolé Mr Keddle, je ne voulais pas vous offenser. Je me dois d'être honnête avec vous. Vous savez on ne sait jamais à quoi s'attendre quand on est commis d'office."

Stefan ne savait pas quoi répondre à ça. Il avait envie de partir d'ici en donnant un coup de pied dans le meuble. Plus les minutes passaient, plus il se braquait.

« J'imagine, oui. Je crois que je comprend. »

Il prennait beaucoup sur lui pour dire ces deux petites phrases. 'Je comprend'. C'était tellement rare qu'on l'entende dire une chose pareille ! Limite si son avocat ne devrait pas se sentir honoré pour cela. Mais Stefan ne pensait pas à ça, il s'en fichait même éperdument.
L'avocat finit par terminer en disant qu'il promettait de faire de son mieux. Stefan se pencha vers lui afin de s'assurer que personne ne l'entendrait à part lui. Il n'avait rien à cacher, mais c'était comme ci ce moment était... privilégié.

« J'ai décidé de vous faire confiance. Je compte sur vous. Je ferais des efforts au niveau de mon comportement, mais ne me décevez pas. »

Cela sonnait comme une promesse et une demande de promesse, un contrat en quelques sortes.

L'attitude de son avocat le surprend quelque peu. Lui qui semblait si remonté contre lui, le voilà qui se culpabilisait de son comportement. Stefan ne put éviter un regard ahuri le temps de quelques secondes, avant de se reprendre. Au moins, il était parvenu à ne plus être en colère, ou alors de la diminuer grandement. Certes, il ne faisait que la contenir et ça allait ressortir à un moment donné, mais pour le moment, ses nerfs se sont détendu et il ne désirait plus frapper dans les murs et autres pauvres meubles qui n'avaient rien demandé à personne.

" Vous ne le serez pas."  promet-il quand Stefan lui demanda de ne pas le décevoir. Bien. Stefan se permettait le luxe de pouvoir lui faire confiance. Il n'avait pas trop le choix en même temps. Si ça n'était pas lui, ça sera un autre et comme il se méfiait de tout le monde, ça n'allait pas plus l'avancer autrement.
« Bien. Si vous avez des questions, je répondrais. Mais rien qu'à vous. »
Pas de police, ni rien du tout. Il n'aimait devoir des explications à quiconque en général, et encore moins aux FLICS. En plus de ne pas les porter dans son cœur, il ne les supportait pas et réciproquement. Stefan les trouvait tellement ridicule, à suivre la loi comme de gros moutons. Les avocats, c'était pareil d'ailleurs, mais bon, il fallait bien s'y faire. En fait, Stefan avait de réels problèmes avec la loi. Pas à cause des délits qu'il avait déjà commis, ça n'avait rien à voir. Il n'aimait pas les lois parce qu'elles n'étaient pas justes. Il suffisait de voir comment il a été trainé de famille d'accueil en famille d'accueil. La loi interdit à la famille de s'attacher à l'enfant qu'elle héberge. Si ce n'était pas être MONSTRUEUX ! Stefan aurait pu être heureux, il aurait pu être 'normal' si la loi était mieux faite. Mais dans un monde comme celui là, tout ne se passait pas forcément bien évidement !

" Il va falloir que vous repensiez à tout ça, même si je sais combien ça peut être douloureux pour vous. Les juges risquent de vous posez beaucoup de questions. Est-ce que vous vous sentez capable de les affronter?" 

Douloureux ? Stefan échappa un rire.

« Allons, ne vous en faites pas pour moi, rien n'est douloureux pour moi. »

Au fil des années, son cœur s'était lentement transformé en pierre. Il avait beau repenser à ce qui lui était arrivé, il ne ressentais aucune « souffrance ». Il n'aimait pas se victimiser en tant normal, mais il savait ce que ce qui lui était arrivé n'était pas NORMAL.

« Mais c'est gentil de vous inquiéter pour moi. Si je me sens capable de les affronter ? Ouais, j'pense. C'est pas comme si c'était la première fois ! La question serait plutôt de savoir si je suis capable d'affronter ma mère. Là par contre, j'peux pas le garantir. »

Il ne fallait pas se mentir. Il avait une envie considérable de la tuer, littéralement. Ses mains tremblaient rien qu'à penser à elle. Elle était cause de ses ennuis depuis toujours et elle persistait. Si on lui donnait le droit de tuer, il n'aurait aucune hésitation à le faire, aucune. A bas les discours du « c'est votre mère quand même » comme on le lui avait souvent dit. Non, ça n'était pas une mère. C'était un monstre. Une véritable mère n'essaie pas de tuer son enfant.
Peut être qu'au final, il souffrait en fait. Mais il n'arrivait pas à ressentir la douleur. Il avait transformé cela en colère, ce qui n'était franchement pas rassurant.

« Peut être faudra-t-il que je prenne des calmants avant l’audience. Alors là, j'pourrais être tranquille. Sinon, j'vois pas comment. »

Il disait ça, mais il ne savait pas si sa mère serait physiquement présente. Si ça n'était pas le cas, alors tant mieux. Quant à son langage... il allait falloir qu'il travaille là dessus. Il allait falloir qu'il prenne BEAUCOUP sur lui, même.

Stefan avait peur de l'audience. Il n'avait pas peur des gens non, ni même de sa mère. Quoique, peut être un peu au fond. Mais ce dont il avait le plus peur, c'était de perdre le contrôle de lui-même. Depuis toujours, il bouillonnait de rage et il avait peur de ne plus savoir se maîtriser. Il en avait tellement marre de ce qui lui tombait dessus, tellement marre de cette fichue vie, de cette fichue société, de tout! Sa venue au monde était une erreur, tout comme le reste de sa vie. Pourquoi ne disparaissait-il pas tout simplement? Il ne savait même pas "profiter de la vie". Il restait la plupart du temps dans son coin, à s'isoler comme une ermite le temps que les jours passent. Mais la mort n'était pas forcément la solution. Il fallait qu'il change. Ça n'était pas facile après trente-deux ans d'existence, mais ça n'était pas non plus impossible. Les gens changeaient et il fallait que ça cesse.

Au moins là il était sauf. L'Angleterre était revigorante pour lui. Loin de ce fichu pays qu'était les USA, il se sentait un peu plus libre. Toujours enchaîné au fond, mais avec plus de possibilités d'épanouissement. Il n'y pensait pas tout le temps, mais quand c'était le cas, il passait un très bon moment. Il fallait qu'il apprenne à aimer sa vie et à s'ouvrir aux autres. Il voyait spécialement une psychologue pour cela, et il avait fait un peu plus de progrès depuis. Pas encore très satisfaisant, mais il était conscient qu'une roue s'était mise à tourner en lui. Il changeait doucement. Il fallait, ça ne coûtait rien d'essayer.

Là, en face de son avocat, il avait réussi à retrouver le calme après l'énorme colère qui l'avait aveuglé. Les dégâts auraient pu être pire, mais s'il était parvenu à se contrôler là, il voulait croire que là bas, ça serait aussi possible.

« Vous n'aurez pas besoin de calmant, je serais là. Ne vous inquiétez pas. Et je vous promets que justice sera faite. Si jamais on gagne cette affaire, que voulez-vous en retour? Vous pourrez sans aucun doute recevoir des dommages et intérêts, vous avez une petite idée de ce que vous aimeriez?Bien que j'imagine que vous ne vouliez rien venant d'elle.»

Stefan leva la tête vers lui. Ce qu'il voulait en retour? Aussi bête que ça pouvait l'être, il n'y avait même pas songé. Des sous? Oh, il pourrait bien pomper la vieille mais ça ne lui ferait rien obtenir au fond. Son plaisir ne serait que de courte durée et après, sa rage allait l'envahir de nouveau. La vengeance lui rongeait l'esprit depuis tout le temps, et même s'il parvenait à la tuer, il ne serait amené à rien. Il serait de ceux qui élimine des vies et qui éliminent la sienne juste après puisque la tâche était accomplie. Ce qu'il voulait en retour?

"Une vie. Je veux qu'elle me foute la paix une bonne fois pour toute, voilà ce que je veux."

Il ne savait pas si c'était possible,  car c'était quelque chose de très abstrait. Les trucs matériels, c'était simple d'en avoir, mais la vie... pas aussi facile que ça paraissait! Il regarda son avocat droit dans les yeux. Pourquoi ne pas tenter après tout.

"Vous croyez que c'est possible de demander une chose pareille?"

Il s'en moquait de savoir si c'était idiot ou non. Stefan se fichait de tout de toute façon. Certes, ça dépendait surtout de lui. Mais il se demandait s'il pouvait pas obtenir un truc comme "ne pas l'entretenir dans de nouveaux procès jusqu'à X temps". Il n'avait pas besoin d'une demande à ne pas l'approcher à moins de tant de mètres, il s'était suffisamment éloigné pour ça.