kids are the future of tomorrow. (Robbie)

Les paroles de son père lui ont fait l’effet d’une claque. Une grande surprise, accompagnée par la suite d’une sorte de désillusion. Ivana comprend mieux pourquoi sa mère n’a pas été capable de sourire une seule fois, ou dire quoi que ce soit de toute la soirée. À table, il n’y a eu que le bruit de sa respiration. À sa place, elle aurait probablement tout envoyé valser et piquer une bonne colère. Rien que pour cela, elle l’a toujours admirée. Pour sa patience et sa capacité à garder son calme. Un nom, un prénom et un âge. Elle ne sait pas comment interpréter ce peu d’information de la part de son père, un flic qui a certainement les ressources nécessaires pour chercher. D’ailleurs, pourquoi ne cherche-t-il pas ? Ce n’est pas parce que cette histoire remonte à trente ans maintenant que c’est trop tard. Enfin si peut être. Mais ce n’est pas pour autant qu’il ne doit rien faire. Et puis comment l’a-t-il appris ? Depuis quand leur cache-t-il l’existence de cet enfant ? Était-ce un « accident » dont il a toujours ignoré l’existence ? Ou était-il de ceux qui laissent des mamans célibataires de côté ? C’est un sentiment étrange : avoir grandi persuadée d’être une enfant unique, apprendre qu’il y a un frère quelque part sans même savoir s’il fera parti de son cercle familial un jour. Et puis d’un autre côté, la rouquine croise les doigts pour que cet aveu ne fasse pas exploser le mariage de ses parents. À cette époque où le divorce est commun et tendance, ils étaient tous les deux une sorte de contre exemple de ce que l’on voit tous les jours. La fin du repas s’est passé sans un mot de plus. À peine quelques regards échangés. Un silence lourd de sens.

Ce n’est ni le manque d’expérience de la jeune femme, ni son manque de moyen, ni même les derniers événements qui auront eu raison d’elle. Penser qu’Ivana se contenterait de si peu, c’est définitivement mal la connaître. Qui plus est, avec son statut de « future maman » elle ne peut pas répéter la même erreur que son père. Il faut croire qu’elle s’est entourée des bonnes personnes. Sans même être vraiment entrée dans la vie active et malgré la population londonienne, la jeune femme a réussi à trouver les pièces manquantes dans ce puzzle familiale. Deuxième surprise autour de ce nouveau personnage : l’adresse correspond à celui de Madame-Remy-Miss-Australia. Le monde est définitivement trop petit. Pas moyen de lui expliquer cette histoire au téléphone, Ivana opte pour passer chez elle à la fin des cours. Sans prévenir. Sans se préparer. D’ailleurs, elle dit quoi si elle tombe sur lui ? Et puis, elle ne saurait même pas le reconnaître. On ne lui a transmis que l’essentiel. Pas de photo de lui. Ni jeune. Ni récente. C’est un homme, qu’elle n’a jamais eu l’occasion de croiser auparavant, qui finit par ouvrir la porte. « Bonsoir. Excusez moi je cherche Robbie ? Ou Remy sinon au pire. » De toute façon, il faut que cette histoire soit confiée à quelqu’un un jour ou l’autre. Maintenant, la rouquine ne peut plus penser qu’à elle et accumuler ce genre de stress.

Le déménagement s'est passé sans problème, si ce n'est la personnalité de sa nouvelle colocataire qu'il n'avait pas forcément anticipé. Après avoir vécu dans la maison Gallagher où on s'inquiète quand la maison est silencieuse, ce n'est certainement pas une petite australienne qui lui fait peur. Puis l'appart est largement mieux que celui qu'il occupait dans un coin craignos de Bloosmbury. Ses deux dernières gardes lui ont paru interminables, il avait un mal fou à se concentrer quand les seules personnes qu'il avait en tête été Hazel et Jacob. Heureusement que quelques interventions plus ou moins périlleuses venaient le distraire pendant quelques temps. Il comptait donc bien profité de ses jours de repos pour se changer les idées et cela commençait par regarderles derniers films que son délinquant de petit frère avait téléchargé pour lui. Profitant de l'absence de sa colocataire, il en profite pour fumer dans le salon, ce qu'elle lui avait bien entendu formellement interdit de faire, mais c'était plus fort que lui de vivre dangereusement. Par sécurité, il avait gardé les fenêtres ouvertes au cas où elle décide subitement de revenir dans l'appartement. Il opte pour un film d'action à l'américaine, devant lequel il n'a pas besoin de réfléchir, c'est la dernière chose qu'il veut en ce moment. On sonne la porte et Robbie est un peu surpris. Peu de gens connaissent sa nouvelle adresse, à part Egan et sa famille et personne ne l'avait prévu de son passage, alors peu de chance que ce soit pour lui. Il est tenté de laisser passer, mais finit par se lever en réalisant qu'il peut s'agir d'un colis important pour sa coloc ou autre chose encore et qu'il n'a pas envie de la mettre en rogne tout de suite. Par précaution, il regarde par le trou de la porte et constate qu'il ne s'agit pas d'un livreur, ni de quelqu'un qu'il connaît, mais elle semble assez innocente pour qu'il ouvre la porte. « Bonsoir. Excusez moi je cherche Robbie ? Ou Remy sinon au pire. ». Il plisse les yeux pour essayer de comprendre, comment connaît-elle son prénom ? Alors qu'il n'a aucune idée de qui elle est. Sûrement encore un des plans de Remy, elle a le don de prévoir des trucs sans le prévenir. « Bonsoir, Remy est actuellement occupée à être géniale ailleurs ! ». Il répète la phrase type que sa coloc lui a forcé à apprendre par cœur et qu'on lui a obligé à dire dès que quelqu'un demande Remy en son absence. Ce qui ne manque pas de lui faire hausser les yeux en l'air d'un air blasé. « Et Robbie c'est moi, je suppose que t'es là pour la colocation ? ». C'était la seule explication plausible à la présence de la jeune rouquine sur le pallier. Pourtant, il trouvait un peu surprenant que Remy ait programmé une visite, quand elle n'était même pas là. Elle aimait poser tout pleins de questions plus ou moins embarrassantes pour trouver le troisième colocataire parfait, tandis que Robbie préférait généralement ne rien dire et observer la scène. « Je t'en prie rentre, par contre c'est ma coloc qui gère ces trucs-là d'habitude. ». Taper la discussion avec des inconnus ce n'est pas vraiment son point fort.

« Bonsoir, Remy est actuellement occupée à être géniale ailleurs ! » Son visage se décompose. D’ordinaire, c’est Remy qui lui ouvre la porte, elle n’a jamais eu l’occasion d’entendre quelque chose de tel. Après quoi Ivana se ressaisit et hausse un sourcil, assez sceptique par ce qu’elle juste d’entendre… Sérieusement, sur le coup elle se demande si elle n’a pas rêvé. Est-ce qu’elle vient d’arriver dans une sorte de bulle toute rose et digne du monde des bisounours où tout est « génial » ? « Occupée à être géniale ? Dis moi qu’elle te file quelque chose en échange pour dire ça ? » Genre un billet à chaque fois qu’il le dit pour se commander une pizza. En tout cas, elle l’espère un peu pour lui, parce qu’elle n’aurait pas aimé être à sa place. « Et Robbie c’est moi, je suppose que t’es là pour la colocation ? » Ivana perd de nouveau sa langue et cligne des yeux. C’est donc lui Robbie ? C’est… soudain. De toute façon, il est difficile de s’y préparer. « Je t’en prie rentre, par contre c’est ma coloc qui gèrent ces trucs-là d’habitude. » La jeune femme secoue la tête pour revenir à la réalité et rentrer dans la maison. « La colocation… ? Non, non. Du tout. » Être amie avec Remy est une chose. Être sa colocataire en est une autre. Si la rousse l’adore et la considère comme son modèle quand il s’agit de conseils vestimentaires, elle l’imagine presque épuisante à longueur de journée avec ses idées plus folles les unes que les autres. « Mais c’est pas plus mal que je tombe sur toi en son absence. Oh, je m'appelle Ivana tant qu'on y est. » Si Ivana aurait été prête à confier sa découverte à Remy en tête à tête, ce n’est pas dit qu’elle soit capable de le faire devant les deux. Elle aurait pu se permettre de lâcher cela avec un ton léger, en rire un peu, faire part de son petit mécontentement par rapport à son père. Elle aurait pu faire tout cela en étant persuadée que la blonde trouve un quelconque moyen pour lui redonner le sourire. « Je sais pas trop comment te dire ça par contre. » Première option, elle ne peut pas le laisser dans le brouillard comme ça sinon elle va carrément le faire flipper. Ça peut tellement sonner comme le coup d’un soir qui va lui apprendre qu’il l’a mise en cloque. Sauf que si elle lui annonce de but en blanc qu’elle le cherche depuis quelques semaines maintenant, il va également flipper et la prendre pour une sorte de stalker ou de psychopathe, qui sait. Comme si elle allait discuter avec Remy, la rouquine fait un peu comme chez elle : retirer son manteau et s’installer sur le canapé. Elle tapote même sur le tissus pour qu’il fasse de même. « Je crois qu’on est frère et sœur. » En réalité, Ivana est presque sûre que c’est le cas. Son père n’aurait rien dit de tel s’il n’en était pas certain lui-même. Disons que c’est sa façon à elle de prendre des pincettes pour aborder le sujet. « Je pouvais pas rester dans mon coin avec l’idée que j’ai un frère quelque part. Ça doit être un truc de fille unique peut être. » Elle hausse les épaules. « J’attends pas… » Qu’il hurle de joie, qu’il la prenne dans ses bras, qu’il souhaite rattraper le temps perdu ou qu’il fasse quoi que ce soit d’autre dans ce registre. « Trente ans, si je me trompe pas, c’est trop long pour découvrir un bout de famille je suppose. »

Robbie fronce un peu les sourcils quand elle réfute être là pour la colocation, il est un peu confus. Surtout qu'il l'a fait pénétrer dans l'appartement sans poser plus de questions. Quoi qu'avec son physique de crevette, il n'a pas grand-chose de la jeune femme. « Mais c'est pas plus mal que je tombe sur toi en son absence. Oh, je m'appelle Ivana tant qu'on y est. ». Là il commence sérieusement à s'inquiéter, un ami de Remy l'avait prévenu qu'elle avait la mauvaise habitude de lui prévoir des rencards sans prévenir. Si c'était le cas, leur colocation n'allait pas durer bien longtemps. Il n'avait pas besoin d'aide dans cet aspect de sa vie et sûrement pas avec une fille qui a l'air d'avoir fini le lycée la veille. « Je sais pas trop comment te dire ça par contre. ». La phrase la plus flippante qui existe dans la langue anglaise, Robbie ne sait vraiment pas à quoi s'attendre. Elle lui fait signe de venir s'asseoir à côté d'elle, déjà qu'elle prend ses aises chez lui, maintenant elle lui donne des ordres. Pour qui elle se prenait ? « Ça va aller. » Puis il se méfie des plans de Remy et reste debout, les bras croisés attendant ce qu'elle a de si difficile à dire. « Je crois qu'on est frère et sœur. ». Rousse, toute fragile, trop polie pour son bien. Pas vraiment le profil d'une Callaghan et Robbie ne peut pas s'empêcher de rigoler devant l'absurdité de ce qu'elle raconte. Si c'est une blague, elle n'est pas franchement bien trouvée. Encore avec une grande sœur, l'histoire aurait pu être plausible. Puis il avait des sœurs de la tranche d'âge d'Ivana, c'était physiquement impossible que sa mère en ait mis une autre au monde. « Je pouvais pas rester dans mon coin avec l'idée que j'ai un frère quelque part. Ça doit être un truc de fille unique peut être. ». Robbie s'arrête de rire en voyant qu'elle a l'air vraiment convaincu de son histoire, elle semble même sacrément sérieuse. C'est peut-être son côté fragile qui attendrit Robbie à venir s'asseoir à côté d'elle pour lui expliquer le plus gentiment possible que ce n'est simplement pas possible. « J'attends pas... ». Il a dû mal à la suivre dans tout ce qu'elle raconte surtout qu'elle a dû mal à suivre le fil de ses idées. « Trente ans, si je me trompe pas, c'est trop long pour découvrir un bout de famille je suppose. ». Il hoche la tête, ne sachant que trop bien ce qu'elle voulait dire, vu la situation qu'il vivait actuellement avec son fils. Pourtant, il n'arrive pas vraiment à saisir en quoi ils pourraient être frères et sœurs. « Je crois que t'as le mauvais gars, j'ai bien trente ans, mais j'ai toujours vécu avec ma mère et je pense que j'aurai remarqué si elle avait été enceinte et que l'enfant avait soudainement disparu. ». L'idée que la jeune femme peut parler d'un lien avec leur père ne lui vient même pas en tête. Son père n'existe pas, il ne l'a pas reconnu, n'a jamais voulu de lui. Alors, il n'y a aucune raison de penser à lui maintenant ou de s'imaginer des liens familiaux avec ce côté de la famille. Tout ce que Robbie avait obtenu de sa mère c'était un prénom, pour calmer ses interrogations incessantes, mais c'est tout. Robbie aurait pu le chercher s'il avait voulu, mais il avait eu d'autres choses à gérer. Puis s'il ne voulait pas de lui dans sa vie, Robbie non plus. Il pose une main compatissante sur l'épaule de la jeune fille, il imagine bien que cela doit être difficile de venir comme ça, de se mettre à nue de la sorte devant un inconnu. « Désolé, vraiment, pourquoi t'as cru que c'était moi en fait ? Remy a dit quelque chose ? ». Comment pouvait-on se tromper sur ce genre de questions ?

C’est confus, aussi bien dans ses propos que dans sa tête. En même temps, faire face à un membre de la famille dont on a toujours ignoré l’existence n’est pas un exercice anodin pour qui que ce soit. En plus de cela, il n’y a pas la moindre ressemblance physique entre eux. Elle ne peut pas en dire autant du caractère, puisqu’elle ne le connait pas. « Je crois que t’as le mauvais gars, j’ai bien trente ans, mais j’ai toujours vécu avec ma mère et je pense que j’aurai remarqué si elle avait été enceinte et que l’enfant avait soudainement disparu. » Ses propos font presque l’effet d’une douche froide. Sérieusement, Ivana s’est demandée un instant s’il n’avait pas un souci de naïveté du genre à croire que les garçons naissent dans les choux, les filles dans les roses ou bien encore que ce sont des cigognes qui déposent des bébés chez les familles. Est-ce que Robbie est au courant qu’il faut deux personnes pour concevoir un enfant ? La rouquine est loin de se douter qu’il puisse avoir fait définitivement une croix sur ce « père » inexistant, alors il ne lui en faut pas plus pour se sentir mal à l’aise, pas la bienvenue. « [color=chocolate]Désolé, vraiment, pourquoi t’as cru que c’était moi en fait ? Remy a dit quelque chose ? » Sur le point de s’excuser pour l’intrusion et repartir toute honteuse, la jeune femme hausse un sourcil à sa question qu’elle ne peut définitivement pas laisser la dernière sans réponse. « Parce que Remy est au courant de quelque chose ? En tout cas, elle ne m’a rien dit. Elle est au courant de rien à ce sujet, même pas de ma visite. » Qu’est-ce qu’il croit lui ? Que Remy organiserait une sorte de canular sur le sujet ? Elle veut bien croire que la blonde est du genre à blaguer régulièrement, mais elle doute que cette dernière aille aussi loin. « Au passage, je te confirme le fait que tu n’aies rien pu apercevoir, ni même te préparer à me voir débarquer de la sorte aujourd’hui. Tu pouvais pas savoir et tu aurais pu l’ignorer encore un moment si je n’étais pas aussi curieuse… » Ivana marque une pause. « Parce que le lien ne vient pas de ta mère. » Bien que la jeune femme adore ses deux parents, pour tout un tas de raisons valables, elle a toujours eu cette profonde admiration et attachement pour sa mère, notamment dans ce cas en particulier. Apprendre qu’elle n’aurait pas été sa fille biologique l’aurait mise dans tous ses états. Avant de continuer, la rouquine ne peut pas s’empêcher de se recroqueviller sur le canapé, la tête posée sur ses genoux et ses bras autour pour les maintenir en place. « Ne va pas croire que je suis là pour te demander quoi que ce soit, comme un rein ou que sais je… Je souhaitais juste savoir. » Savoir si l’histoire de son père est vraie, savoir qui il était, mettre une tête sur son prénom. C’était une démarche entièrement personnelle. Un besoin nécessaire, limite une pulsion. Et puis à tous les coups, Ivana ne va pas pouvoir se contenter d’aussi peu. Tout au fond d’elle, elle aimerait être acceptée. D’une façon ou d’une autre. Ne pas être rejetée, priée de retourner d’où elle vient et l’éviter le plus possible.

Il a l'impression qu'elle a mal pris sa remarque sur Remy, mais il a du mal à comprendre la situation. « Au passage, je te confirme le fait que tu n'aies rien pu apercevoir, ni même te préparer à me voir débarquer de la sorte aujourd'hui. Tu pouvais pas savoir et tu aurais pu l'ignorer encore un moment si je n'étais pas aussi curieuse... ». C'est à moitié rassurant, mais il ne voit encore que moyennement où elle veut en venir. Au moins, il avait la confirmation qu'il n'avait pas loupé un épisode ou une information capitale. « Parce que le lien ne vient pas de ta mère. ». Son cœur semble s'arrêtait de battre quand sa tête comprend enfin, ce qu'elle s'exaspère à lui faire comprendre. Elle parle de son géniteur, qui doit probablement être son père à elle, à moins qu'il ait l'habitude d'abandonner des enfants en série. Robbie est confus, comment est-ce qu'elle l'a retrouvé ? Depuis quand sait-elle qu'il existe ? « Wahoooooo... ». Robbie secoue la tête, parce qu'il n'arrive pas à tenir en place plus que parce qu'il réfute ce lien entre eux. Pendant un instant, il a envie de lui demander de partir, parce qu'il a fait le deuil de son père depuis longtemps et qu'il a peur de rouvrir des veilles blessures. De découvrir qu'il avait été un père aimant, présent avec quelqu'un d'autre le toucherait plus que Robbie ne veut bien l'admettre. « Ne va pas croire que je suis là pour te demander quoi que ce soit, comme un rein ou que sais je... Je souhaitais juste savoir. ». Malgré sa stupeur, il se force à sourire à ce qu'il pense être une tentative d'humour de la part d'Ivana. La voir recroqueviller, elle semble encore plus petite et Robbie ne peut se résoudre à la blesser de quelques manières. Sa voix est plus douce, beaucoup plus calme que ce qu'il ressent à l'intérieur. « Tu veux savoir quoi ? Je l'ai jamais vu si ça peut te rassurer, il menait pas une double vie avec nous. De ce que j'ai compris il s'est barré avant même que ma mère accouche. ». En vérité, Robbie ne blâmait aucun homme pour ne pas être resté avec sa mère, elle était instable, dépressive. Ce n'était pas un hasard si elle avait eu sept enfants, tous avec des hommes différents. Même s'il jouait le gros dur, qui se fou de ne pas avoir de père, il aurait aimé le connaître, avoir une relation avec lui, comme c'était le cas pour certains de ses frères et sœurs. Il ne savait vraiment rien de celui à qui il devait la vie, même pas le type de relation qu'il avait pu avoir avec sa mère, s'il était le fruit d'une vraie relation ou simplement d'un coup d'un soir. Robbie avait du mal à mettre toutes les idées au claire dans son esprit, de se dire qu'il n'avait pas quatre, mais cinq sœurs en réalité. La notion de demi-sœur, demi-frère n'ayant jamais fait partie de son vocabulaire. « Désolé, je suis un peu sous le choc, c'est pas le genre de truc qu'arrive tous les jours. Tu l'as appris comment ? ». Question stupide, forcément par son père et bizarrement pour le moment il n'avait pas envie d'en entendre parler, il voulait laisser ce père sans visage dans un coin de sa tête et continuer à ne pas y penser. « Non ça je m'en fou en fait. J'ai l'impression que tu sais pleins de trucs sur moi et je sais juste ton prénom ! T'as quel âge ? Tu fais quoi de ta vie ? Ton signe astrologique, tout ça tout ça. ». Robbie se laisse tomber dans le fond de son canapé et croise les doigts derrière sa tête. Il n'aime pas parler de lui, alors il se gagne un peu de temps en posant des questions sur la jeune femme, c'est l'occasion de découvrir davantage sur sa "sœur". « Instruis-moi ! ». Il lui adresse un sourire encourageant, alors qu'en réalité il lutte pour ne pas s'enfiler cigarette sur cigarette et passer pour un gros névrosé dès la première rencontre.

Ivana n’avait pas anticipé la réaction de Robbie, déjà qu’elle n’était pas certaine de sa capacité à lui annoncer le pourquoi du comment de sa visite, mais elle est tout de même étonnée de le voir aussi étonné qu’elle par la nouvelle sans pour autant chercher à la mettre à la porte pour le moment. « Tu veux savoir quoi ? Je l’ai jamais vu si ça peut te rassurer, il menait pas une double vie avec nous. De ce que j’ai compris il s’est barré avant même que ma mère accouche. » Jusqu’à l’incertitude de ces derniers jours, la jeune femme a toujours eu une bonne opinion sur son père. Elle n’est donc pas spécialement étonnée par ce qu’il vient de lui dire. Néanmoins, elle ne peut pas s’empêcher d’être rassurée au simple fait de l’entendre à haute voix. « Désolé, je suis un peu sous le choc, c’est pas le genre de truc qu’arrive tous les jours. Tu l’as appris comment ? » Elle se gratte la tête, quelque peu gênée. Elle ne craint pas de lui dire qu’il a amené la conversation lors du dernier repas familiale. Elle est plus confuse par l’absence d’information complémentaire du genre : depuis quand le sait-il, comment lui même l’a appris ? Instinctivement, elle se craque la nuque, mais elle est coupée dans son élan alors qu’elle s’apprête à lui donner la réponse. « Non ça je m’en fou en fait. J’ai l’impression que tu sais pleins de trucs sur moi et je sais juste ton prénom ! T’as quel âge ? Tu fais quoi de ta vie ? Ton signe astrologique, tout ça tout ça. » Prise par surprise pour la deuxième fois depuis leur rencontre, la rouquine n’arrive pas à sortir autre chose qu’un de ces longs « heu » qui en disent long sur son état psychologique. Elle se gratte le bras, puis commence à se détendre en prenant une position de nouveau plus « naturelle » et décontractée. « Tu sais, je connais que le stricte minimum sur toi : prénom, âge et ton métier. Ah et puis notre lien de parenté quoi. Mais sinon… » La jeune femme grimace un peu. Elle rechigne à l’idée de dévoiler quelques informations sur elle, pourtant elle a réussi à confier l’un de ses plus gros « secrets du moment » à un parfait étranger qu’elle ne connait ni d’Ève, ni d’Adam. « Je m’appelle Ivana donc… J’ai vingt et uns ans depuis quelques semaines maintenant. Je jongle entre des études de droit, un stage payé une misère et une équipe de roller derby. » Enfin là, elle a du mettre cette dernière activité entre parenthèse, mais le moment d’aborder le sujet n’est pas le plus opportun. Et puis… Cela ne l’intéresse probablement pas. « Mais ne va pas penser non plus que je suis du genre hyperactive hein. Enfin peut être que si. Qui sait ? » Haussement d’épaule. « C’est bizarre, non ? De se découvrir un bout de famille au bout de tant d’années… » Comme Robbie le disait plus tôt, cela est loin d’arriver tous les jours. Imaginez un peu la tête qu’elle fera en apprenant qu’il appartient à une fratrie de sept enfants, maintenant huit et qu’elle est sa cinquième sœur.

Peut-être que c'était le fait d'avoir retrouvé Jacob, de vouloir être un homme plus responsable pour être un bon père, qui le poussait à faire un effort avec Ivana. Prendre le temps de comprendre la situation, de la connaître un peu mieux avant de décider qu'il ne veut rien avoir à faire avec elle. Ne pas agir sur un coup de tête, c'était nouveau pour lui. « Tu sais, je connais que le stricte minimum sur toi : prénom, âge et ton métier. Ah et puis notre lien de parenté quoi. Mais sinon... ». Il lui adresse un sourire un peu plus relaxe, parce que si elle lui avait dit avoir engagé un détective privé et connaître les moindres détails de sa vie, il aurait un peu flippé. Quoi qu'il en soit, c'était toujours plus que ce qu'il savait sur elle. Il était tiraillé entre l'envie d'en découvrir davantage et la peur de constater qu'elle avait eu une vie parfaite dans tous ces aspects. « Je m'appelle Ivana donc... J'ai vingt et uns ans depuis quelques semaines maintenant. Je jongle entre des études de droit, un stage payé une misère et une équipe de roller derby. ». Robbie hoche la tête, plutôt impressionnée qu'elle réussisse à jongler entre tout ça. Il ne peut s'empêcher de constater qu'elle fait des études supérieures et pas n'importe lesquels non plus. De tout ça, c'est l'information du roller-derby qui l'interpelle le plus, il avait déjà entendu Remy en parlait et était plutôt enthousiaste à l'idée d'assister à un match. Des femmes qui se foncent dessus sur des patins à roulettes semblent un spectacle plus qu'alléchant. « Mais ne va pas penser non plus que je suis du genre hyperactive hein. Enfin peut être que si. Qui sait ? ». Robbie rigole franchement, parce qu'on le traitait souvent d'hyperactif aussi quand il était plus jeune et encore aujourd'hui il a du mal à tenir en place. « C'est bizarre, non ? De se découvrir un bout de famille au bout de tant d'années... ». Robbie hausse les épaules, parce qu'il ne considère pas la situation comme si bizarre que ça. Il avait rencontré certains de ses oncles et tantes que tardivement, alors il s'était habitué depuis longtemps à ce que la notion de famille soit évolutive. En grandissant, il avait vu sa famille s'agrandir au fur et à mesure. Ce qui l'avait surpris, c'était que leur lien soit via leur père, il ne s'était pas attendu à en entendre parler après trente ans de silence radio. « Une famille est faite pour s'agrandir alors bon... ». Il hausse les épaules, pas trop certain de ce qu'Ivana attendait de lui, de quelle relation elle s'était imaginée qu'ils puissent avoir. « Remy m'a parlé du roller-derby je connaissais pas du tout avant, tu souffres pas trop ? Parce que t'es pas très épaisse, pour amortir les coups ça doit pas être idéal non ? ». C'était décidé, il allait soûler Remy pour qu'elle l'emmène à un de ses entraînements ou matchs, voir de quoi il en retourne vraiment, puis ce serait l'occasion de peut-être croiser Ivana, sans la pression de devoir à tout prix se voir. Il observe la silhouette d'Ivana un instant, avant de rajouter quelque chose. « Si ça avait été une de mes sœurs, je crois que je l'aurai pas laissé faire un sport pareil, j'aurai eu trop peur qu'elle rentre esquinter à chaque fois ! ». Son côté protecteur qui ressort encore plus que d'habitude quand il s'agit de ses petites sœurs. Soudain il se rend compte de son choix de mots et la mauvaise interprétation qu'Ivana pourrait se faire. « Désolé si c'est sorti comme ça, je voulais pas insinuer quoi que ce soit... ouais en fait si, c'est un peu bizarre. ».

Si Robbie ne se semble jamais s’être préparé à recevoir une telle visite, à entendre un jour parler de son père (même si c’est de cette sorte), ce dernier ne devait pas s’attendre, en lâchant la bombe l’autre soir, à ce que sa fille réagisse et tente de retrouver son propre frère, ce fils trop longtemps ignoré. « Une famille est faite pour s’agrandir alors bon… » Elle hoche la tête et ne peut qu’approuver les paroles de Robbie. Bien qu’elle soit encore entre deux eaux et que les choses soient encore à confirmer pour l’un comme pour l’autre, la jeune femme est sur le point d’accueillir deux nouveaux membres dans sa famille dans le même mois. « Remy m’a parlé du roller-derby je connaissais pas du tout avant, tu souffres pas trop ? Parce que t’es pas très épaisse, pour amortir les coups ça doit pas être idéal non ? » Elle rit spontanément. Avec Remy, la rouquine n’a pas la moindre idée de l’image que Robbie peut avoir de ce sport maintenant. Une sorte de boxe sur roulettes ? Le jeu du chat et de la souris, sans la moindre règle et d’une grande violence ? « Pas très épaisse peut-être, mais rapide et futée. Après on compte toutes les unes sur les autres et c’est pas quelques bleus qui vont m’arrêter. » Elle n’en dit pas plus. Essayer de lui faire croire qu’elle est une arme redoutable ne passera pas. En attendant, Ivana touche du bois. Jusqu’à aujourd’hui les « dégats » causés lors des matchs ne sont jamais allés plus loin. Après, elles ne jouent que de temps en temps, plus pour le plaisir que la véritable compétition. Il parait qu’aux États-Unis, elles n’y vont pas de mains mortes et se prennent au jeu, à fond. « Mais je vais devoir prendre une pause. » Si ce ne sont pas les bleus, Ivana prend sa nouvelle condition physique très aux sérieux. Mais cela ne l’empêchera pas de soutenir ses co-équipières lors des entraînements à venir, voire d’éventuels matchs si elles trouvent quelqu’un pour replacer la jeune femme. « Si ça avait été une de mes sœurs, je crois que je l’aurai pas laissé faire un sport pareil, j’aurai eu trop peur qu’elle rentre esquinter à chaque fois ! » Elle hausse un sourcil. Qu’est-ce que Robbie entend par là au juste ? Que les choses reprendront un cours normal une fois qu’elle aura franchi la porte pour sortir, bref qu’elle ne sera définitivement pas un membre « à part entière » de sa famille. Jamais. « Désolé si c’est sorti comme ça, je voulais pas insinuer quoi que ce soit… ouais en fait si, c’est un peu bizarre. » Ivana le regarde avec des yeux tous ronds. Comme des billes. Elle est littéralement larguée par les derniers propos de Robbie. « Insinuer quoi, exactement ? » Après quoi, elle croise bras et jambes et poursuit. « Assez parlé de moi. À ton tour. » Évidemment, la jeune femme tient à ce qu’il n’élude pas l’étape des explications avant d’en apprendre davantage à son sujet.

Même s'il est intrigué par sa formulation mystérieuse concernant une pause de la pratique de son sport, Robbie laisse filer sans poser davantage de questions. Il déteste qu'on lui tire les vers du nez et ne compte pas le faire à la jeune femme, surtout quelques minutes après l'avoir rencontré. Il enchaîne en évoquant un peu maladroitement ses sœurs. Malheureusement, Ivana ne semble pas avoir la même facilité à laisser les choses glisser. « Insinuer quoi, exactement ? Assez parlé de moi. À ton tour. ». Il est tenté de ne pas s'étendre sur ce qu'il avait dit précédemment, mais elle semble bien fixer sur l'idée d'obtenir des explications. « Mes sœurs, je voulais pas insinuer que tu l'étais moins qu'elles ou je ne sais pas quoi, tout est encore un peu confus dans mon esprit. ». Tout avait été si rapide, de voir Ivana déboulait à sa porte, lui annonçait leur lien de but en blanc sans qu'il puisse se préparer. Il lui faudrait certainement un peu plus de temps pour complètement se faire à l'idée qu'il a une autre sœur. « Je sais pas trop par où commencer, j'ai quatre sœurs et deux frères, je suis le troisième, techniquement ça fait cinq avec toi maintenant. ». Sa famille était plus importante que tout à ses yeux et c'était naturellement qu'elle venait en premier dans son esprit. Par contre, il n'aborde pas le sujet de sa mère, s'ouvrir sur le sujet est toujours délicat, il n'a aucune envie qu'elle s'apitoie sur son sort avec sa maman dépressive ou leur problème d'argents interminables. « J'ai toujours vécu à Londres, j'ai jamais quitté l'Angleterre pour tout te dire, mais j'aimerai bien voyager dans le futur. ». Pour un premier contact, il n'a pas besoin de s'étendre sur les raisons multiples qui l'ont gardé à Londres pendant trente années. Le fait qu'il s'occupe de ses frères et sœurs jusqu'à ses vingt-sept ans ou encore qu'il était criblé de dettes et qu'il galérait encore tous les mois pour combler tous ses découverts. Le banquier l'appelait un peu trop souvent à son goût. « Sinon je fais du Taekwondo, même si je peux pas toujours me rendre à mes entraînements à cause de mes gardes ! Ça me défoule de taper sur des gens. ». Il avait commencé à l'adolescence sur le conseil d'un de ses profs de sport, un moyen de canaliser son trop plein d'énergie et de frustration. Machinalement il se saisit de son paquet de cigarettes, prêt à s'en allumer une, mais il s'arrête et lance un regard interrogateur vers Ivana. Il avait découvert ça avec la colocation, ne pas pouvoir fumer où il veut et quand il veut. Alors que dans la maison Callaghan, les enfants pouvaient faire ce qui leur chantaient à longueur de temps, même fumer dès le plus jeune âge et n'importe où dans la baraque. Quand il avait vécu seul, il avait disposé des cendriers dans toutes les pièces dans son appartement jusque dans ses toilettes. « Ça te dérange si je fume ? ». La nicotine est sa réaction naturelle dans les situations stressantes, mais il pourrait très bien faire sans, si jamais Ivana faisait partie de ces gens anti-cigarette.