- I am homesick for arms that don’t want to hold me - [Egan]

Le bain, meilleure idée du siècle. D'habitude, quand Stefan était fâché ou qu'il avait besoin de se changer les idées, une bonne douche chaude suffisait. Il fallait dire aussi que son appartement à lui était démuni de baignoire et qu'il n'avait qu'une douche. Les rares fois où il pouvait plonger dans une baignoire, il en profitait. Ça le détendait et ça lui permettait de trouver un peu le calme, chose pas facile lorsqu'on était un hyperactif surexcité toute la journée et nourrit à la colère et l'adrénaline. Si ça se trouvait, il allait bientôt mourir à force d'être sur le qui vive, tout le temps stressé et difficilement tranquille. Il n'y avait que lorsqu'il était en plein boulot qu'il parvenait à se montrer sage, parce que la concentration le lui demandait. Stefan était très sérieux lorsqu'il travaillait et il se montrait aussi très doué. Ses talents lui permettaient de garder son boulot d'ailleurs, parce que s'il ne faisait pas ses preuves, il aurait été éjecté depuis le début.

Stefan avait embrassé Egan avant qu'il n'entre dans la baignoire pour lui montrer ce qu'était un vrai baiser. Il était conscient de ce qu'il faisait, mais l'alcool avait tendance à accentuer le côté « n'importe quoi ». Tant qu'il n'était pas en colère, c'était l'important. Parce que s'il était ivre et en colère, sa force était multipliée et il devenait un vrai kamikaze. Il pouvait être capable de tout à ce moment là, dont à faire des choses qui l'enverrait directement à la case « prison ».

« Il fallait me le dire tout de suite que tu aimais rouler des pelles, ça aurait été plus simple. Tu as du en faire tomber des filles avec cette technique.»

Stefan échappa un grand rire à entendre Egan. Faire tomber des filles, lui ? Egan le connaissait-il vraiment bien ?

« Tu plaisante j'espère ? Je ne fais tomber AUCUNE fille et que Dieu m'en garde ! »
Jamais personne n'était tombé amoureux de lui. Il avait effectivement déjà eu des rapports sexuels avec des femmes, mais ça n'était jamais allé plus loin que ça. Il voulait seulement profiter du plaisir, c'était tout. D'ailleurs, il était peu probable que Stefan tombe amoureux de quelqu'un un jour. Il n'était pas passionné du tout, loin de là. Il n'avait pas la patience pour supporter une femme dans sa vie et si ça devait arriver, cette personne serait TRES spéciale. Sa psychologue lui avait dit que les miracles, ça existait, mais très franchement, il n'y croyait pas du tout.

Egan le rejoignit dans la baignoire. Il se décala afin de faire de la place car l'espace était soudainement confiné. C'est alors que son compagnon d'infortune se mit à lui poser une question vraiment très étrange.

« Stefan ? Tu aimes les hommes ou les femmes ? »

L'intéressé arqua un sourcil, surpris par la question.

« Ni l'un ni l'autre. »

Un froid s'installa suite à sa réponse directe. Il n'avait pas mis longtemps à le dire. Stefan n'aimait pas les gens, ça n'était pas bien compliqué. Pourtant, il aimerait faire un effort pour améliorer ça. Il commençait à se rendre compte que sa sociopathie lui ruinait pas mal la vie et que s'il ne voulait pas finir tout à fait seul, il allait falloir s'ouvrir un peu. Il n'y était pas encore parvenu et ça allait devoir se faire petit à petit, très lentement, mais il comptait y parvenir. Vraiment.

« Mais il m'est arrivé de coucher avec des femmes si vraiment ça t'intéresse de le savoir. » ajouta-t-il ensuite, ne comprenant pas tout à fait quel aspect Egan visait. « Et toi ? »

Bah, il savait qu'Egan aimait les femmes, du moins sur le plan sexuel. Et sans doute beaucoup plus que lui ne les aime. Il avait une fille après tout et même si ça pouvait être un accident, il connaissait bien son 'ami' et il avait cru entendre un jour qu'il avait été en couple avec la mère.

Visiblement, Egan était ouvert à la confidence. Stefan se sentait moins soul, et il était probable que ça soit aussi le cas pour son compagnon d'infortune. Là, tous les deux avachis comme des clodos dans la baignoire ! Stefan avait beau être conscient de ce qui se passait, il était trop épuisé dire en faire la remarque. Puis il s'amusait comme ça, c'était son genre de se retrouver dans des situations improbables dans ce style.

"Non, pour être honnête je ne sais pas grand chose de toi, par exemple ... pourquoi tu as voulu devenir médecin légiste? J'ai voulu devenir pompier pour que mon père soit fier de moi et aussi parce que j'aime aider les gens, mais toi pourquoi ça en particulier?"  demanda Egan.
Stefan haussa les épaules.
« J'sais pas. Je savais pas quoi faire, j'me suis dit que c'était cool comme métier. Trifouiller des cadavres, c'est pas tous les jours que ça se fait, non ? Et puis, comme c'est un boulot ingrat, faut bien qu'il y ait des gens pour le faire. »

Généralement, quand Stefan annonçait son métier, les réactions étaient souvent les mêmes : 'Je pourrais jamais faire ce que tu fais, berk !' Manipuler des corps morts, c'était une chose pour laquelle il fallait avoir le cœur lourd et s'accrocher. La vision n'était pas excellente, l'odeur était souvent nauséabonde et parfois, Stefan recevait des corps atrocement mutilé. Ouais, tout le monde n'était pas apte à faire ce métier. C'était en partie pour ça qu'il était extrêmement bien payé d'ailleurs Ça, et parce que ça n'était pas simple, que ça n'était pas n'importe quel gugus qui pouvait être médecin légiste. Il fallait avoir une expertise et Stefan avait brillamment obtenu tous les diplômes nécessaires pour se faire.

" Ça dépends, des fois si, mais des fois non. Je crois que j'ai ... besoin qu'on m'aime de quelqu'un qui avance à mes côtés. Je suis seul depuis trop longtemps ... treize ans pratiquement ... je voudrais que ça change ... " 

Cette fois, ce fut au tour de Stefan d'être étonné et de ne pas en croire à ses oreilles.

« Tu es célibataire depuis treize ans ? » répéta-t-il, sous l'effet de la surprise. « T'as jamais eu de copine depuis treize ans ? Pas même... des petites aventures ? »

Il était conscient qu'Egan était différent de lui. Que lui, il était plus à l'aise en la compagnie de la gente féminine, qu'il se débrouillait mieux et qu'il était plus docile. C'était même incroyable qu'il s'entende bien avec lui d'ailleurs. Il se demandait quel était son secret pour le supporter, puisque rares étaient les gens qui y parvenaient.

« Ouais... je vois. »

Lui, il était célibataire depuis toujours. Mais lui, c'était un cas à part. Il était sociopathe, pas Egan. C'était pour cette raison que lui, il n'avait jamais trouvé l'utilité et encore moins la nécessité d'être en couple. Il n'aimait pas les gens.

« Et... tu as quelqu'un en vue, ou pas du tout ? »

Bien qu'il se moquait éperdument de la réponse, ça ne l'avait pas empêcher de la poser. La curiosité semblait être de mise ce soir, et il n'avait pas envie d'être taciturne.  Ca n'était franchement pas le sujet le plus passionnant pour Stefan, mais ça en était un quand même. Du moment qu'on lui fichait la paix avec ça, ça passait.

Il était certain que lorsque Stefan parlait de son métier, ça pouvait engendrer de drôles de réactions. Il ne savait pas pourquoi, mais les gens avaient généralement l'habitude d'être dégoûté par les morts. Il était vrai qu'un cadavre en putréfaction, à moitié décomposé et tout ce qui s'en suivait n'était pas forcément la meilleure vue qu'il pouvait être. Mais lorsqu'ils avaient à faire avec des gens qui s'occupaient des morts, souvent, ils les considéraient de manière bizarre. Comme si la personne en question était infestée d'une maladie ou quoique ce soit de ce genre. Comme si toucher la mort était signe de malédiction et que toucher les êtres vivants après avoir touché un cadavre, même après s'être lavé les mains, allait donner la mort aussi. C'était un peu ridicule, mais bon, c'était comme ça. Ça n'arrivait pas tout le temps heureusement, mais il s'était amusé de constater que ça arrivait plus d'une fois.

« Et tu aimes vraiment ça? Tu ne te sens pas trop seul avec des morts?»  demanda Egan.
Stefan haussa les épaules, indifférent.
"Seul avec les morts? Non, pas trop. Ils me donnent quelque chose à faire et en prime, ils me foutent la paix, eux. Ça n'est pas toujours le cas des vivants. Ouais, j'aime ça. Je crois que c'est un métier fait pour moi en fait."

Les morts lui permettaient aussi de beaucoup apprendre sur tout. Eux, mais aussi les gens, la société. Il y avait tellement eu d'horreur qui étaient passé par son labo que si on n'avait pas la tête haute et le cœur serré, on pouvait être bien vite abattu. La foi en humanité était très compromise après ça. Il avait bel et bien des cadavres qui mourraient d'une façon "naturelle", mais ils étaient tellement peu à côté de ceux pour lesquels ça ne l'était pas...

« Si tu veux savoir si j'ai eu des relations sexuelles pendant ces treize ans, rassure-toi j'en ai eu. C'était des histoires d'une semaine ou deux, je suis peut-être trop rouillé pour une vraie histoire. »
Stefan éclata de rire.
"Tu déconne? Non, je n'aime peut être pas les femmes mais je sais qu'avec une corpulence comme la tienne ainsi que ta tronche, tu vas bien finir par trouver! Et puis, t'es pas un mauvais gars. T'es pas moi."
Autant se l'avouer. De toute façon, il ne cherchait pas l'amour alors il s'en fichait éperdument. Mourir seul au fond d'un trou, ça ne changerait pas trop de sa naissance en fin de compte. Il n'aura vécu que pour être une plaie. Mais bon, c'était sa vie.
Stefan se disait qu'il y avait bien quelqu'un que son "pote" pouvait avoir en vue. Après tout, il fallait chercher pour trouver, et c'était la même chose pour les gens.

« T'es bien curieux tout à coup. Non, je n'ai personne en vue. Il n'y a pas beaucoup de femmes qui acceptent le fait que j'ai déjà une fille et qui m'accepte moi avec mes tocs. C'est peut-être mieux comme ça, mais c'est bien on peut se remettre ensemble comme ça.»
Stefan haussa les sourcils. Mais avant qu'il ait pu répondre quoique ce soit, Egan l'éclaboussa d'eau et il répondit en faisant pareil en plus fort. Geste puérile, mais ça n'était pas comme s'il ne l'avait pas été depuis le début.

"Tu as trahi ma confiance, c'est mort entre nous!" rechigna-t-il alors. "Et puis comme tu dis t'as une fille, tu sais très bien que j'aime pas ça."
Oh, ça n'était pas personnel, contre ELLE en particulier mais Egan devait le savoir. Et puis, c'était pas comme s'il était sérieux en plus de ça.

"Je suis fatigué" finit-il par dire en soupirant, se calant sur les parois de la baignoire. L'eau refroidissait en plus de ça, il allait sans doute bientôt falloir sortir.

Devenir médecin légiste n'avait jamais posé de problème pour Stefan. En fait, c'était un métier qui allait plutôt bien. Son cœur était bien assez dur pour pouvoir trifouiller des cadavres sans que cela soit gênant. Découper des corps, ouvrir, manipuler des organes... ça dégouttait énormément de monde mais pas lui. Le seul inconvénient qu'il pourrait trouver dans son métier, c'était peut être l'odeur qui émanait des macchabée, mais il pouvait le supporter. Enfin, il n'avait pas tant le choix non plus, mais il ne s'en plaignait pas. Au fil des années, son nez s'était habitué aux odeurs de putréfactions, à force d'en côtoyer...

« Je comprends, c'est comme si on savait ce qui était fait pour nous à l'avance.» dit Egan. Stefan haussa les épaules.
"Ouais... on peut dire ça comme ça. Je sais pas depuis combien de temps j'l'ai su, mais c'est un choix, voilà tout."

Malheureusement, la conversation s'était ensuite brusquée sur un sujet moins passionnant pour Stefan : l'amour, les femmes, tout ça tout ça. Le truc qui n'était absolument pas pour lui et qu'il n'avait jamais vécu de sa vie. Là non plus il ne s'en plaignait pas, il savait qu'il n'était pas fait pour ça. Il allait mourir seul, brûlé et dont les cendres allaient peut être être répartie il ne savait où. Plus personne n'en entendrait parler. La poussière redevenait poussière, et cela ne s'était jamais aussi bien appliqué chez lui. Contrairement à Egan, il n'avait personne pour assurer sa descendance et c'était peut être mieux ainsi. Car s'il avait réussi à en avoir, ce serait de la mauvaise herbe, comme sa mère et lui l'était.

« Tu n'es pas un mauvais Stef. Tu es spécial c'est tout et dans le bon sens du terme, les autres ne savent pas ce qu'ils perdent en ne te connaissant pas. On est tous différent tu sais, tu ne l'es pas plus qu'un autre. » assura Egan. Stefan soupira. Pourquoi certaines personnes s'entêtaient à dire une chose pareille?
"Je suis mauvais Egan. Il y a des choses que tu ne sais pas me concernant et qui ne sont pas très jolies. Je suis un connard, que veux tu? Tu auras beau m'assurer le contraire, c'est le cas, c'est le cas."

Après tout, Egan le connaissait que partiellement. Stefan ne parlait pas de ses délires, ses fantasmes, ce à quoi il pensait, ni même de son passé à tout va. Parfois, quand la conversation portait sur ça, il amenait à révéler ce qu'il s'était passé avec sa mère quand il était encore gamin avec un naturel déconcertant.

« Tant-pis pour toi, tu ne sais pas ce que tu rate et Grace est adorable, si tu savais, elle comprend tout rapidement, je ne sais pas comment. Elle est intelligente et je pense qu'elle le sera plus que moi. »
Stefan haussa les épaules.
"Ce n'est que ton point de vue. Je connais pas ta fille et j'ai pas plus envie que ça de la connaître. Dans un sens, il vaut mieux sinon tu serais capable de me détester et comme tu es une rare personne capable, je ne sais comment, de me supporter... ce serait bête de tout gâcher."

Stefan se doutait bien qu'Egan était attaché à son enfant. Il ne l'avait jamais ressenti, mais il pouvait le comprendre. Il s'était souvent mis en spectateur pour pouvoir le voir de ses yeux. Un sentiment qu'il n'aimait pas en soi, mais tant que ça ne le touchait pas, il s'en fichait pas mal.

« On ferait mieux d'aller dormir. Tu es encore capable de descendre de la baignoire sans te casser la figure ou tu as besoin d'aide? »
- Je dors où? avec toi mon chou?
Il grimaça avant d'essayer de se lever. La vérité, c'était que Stefan était épuisé, physiquement et moralement. Il pourrait très bien arriver à sortir de cette baignoire, l'effet de l'alcool s'était dissipé, mais c'était son corps qui refusait de bouger.
"Je crois bien que je vais rester dormir ici" pensa-t-il à voix haute. "Je ne parviens pas à me lever..."