FB ▬ La rencontre ☾ Rikcy

Je me suis tourné vers Lucy, pas très certain de ce que je pouvais révéler de la future expo à la National Gallery, mais le sourire et le clin d'oeil de ma chère et tendre m'incite à poursuivre sur ma lancée.

« Et puis... Grâce à Lucy, je vais avoir l'occasion d'exposer quelques-unes de mes toiles à la National Gallery, pour une expo temporaire à partir d'avril... »

Je crois qu'il suffit de voir les étoiles dans mes yeux comme j'en parle, et quand je repose le regard sur ma petite-amie pour voir à quel point ça me tient à coeur, même si je suis pas super expansif sur l'instant. Je le serais peut-être plus facilement si j'étais moins stressé, mais pour l'heure, j'avoue que rencontrer les parents et les soeurs de mon attachée de presse préférée ne m'aide pas vraiment à rester serein et naturel. Pourtant, même si le père de la maison reste neutre, je n'ai pas le sentiment qu'il soit si réfractaire à ma présence dans la vie de sa fille, et sa mère a l'air plutôt ravie de faire ma connaissance, je ne devrais pas être si nerveux. D'autant moins que les jumelles ont l'air de ne plus vouloir me lâcher non plus. Mais c'est plus fort que moi, je peux pas m'en empêcher. Et quand son père finit par s'approcher de moi, me donner une petite tape sur l'épaule et se mettre à rire, je me sens un peu crétin, genre tu t'es encore angoissé pour rien, mec.

« Je vous taquine Rafael ! Vingt-six ans c’est parfait ! Vous savez, avec ma femme nous avons sept ans d’écart, alors je n’ai rien à dire ! »

Je souris, moins expansif que M. Curtis senior une fois encore, mais un peu rassuré pour le compte.

« Vous allez très bien ensemble mes chéris.
- Merci Mrs Curtis. »

Je reste un peu tendu, mais je crois que je n'arriverais pas à faire mieux avant longtemps. Cela étant, le rire de Mr Curtis a tendance à être communicatif, les jumelles n'ont pas vraiment abandonné l'idée de me faire subir leur interrogatoire et la prévenance de Mrs Curtis arrive un peu à calmer mes angoisses. On a terminé tranquillement cet apéritif pour le moins animé, ma main ayant trouvé celle de Lucy presque sans que je m'en rende réellement compte, et puis la maîtresse de maison nous a invités à passer à table, où mon appétit d'ogre n'est pas vraiment passé inaperçu, malgré mes efforts pour ne pas paraître trop... goinfre. L'une des jumelles en a profité pour me laisser la fin de son assiette, manifestement assez peu friande de dinde - ou peut-être tendait-elle vers le végétarisme comme Nate ? - et je me suis plus trop fait prier vu que tout le monde avait déjà bien compris que j'avais un bon coup de fourchette.

C'est au moment de repartir alors que Lucy disait au revoir à sa mère et ses soeurs - dont les messes basses restaient trop peu audibles pour moi, mais dont je doutais assez peu de la teneur pour le coup, notamment vu les coups d'oeil en ma direction qu'elles ne cessaient de lancer - que son père s'est approché de moi, me prenant par l'épaule pour nous emmener un peu à l'écart.

« Prenez bien soin de ma fille, Rafael. Vous avez l'air d'être un garçon bien, et je ne doute pas que vous ayez des sentiments pour elle, mais... Elle ne mérite pas de revivre ce par quoi elle est déjà passée.
- Vous prêchez un convaincu Mr Curtis. Je peux pas jurer de ce qui se passera à l'avenir, je suis... pas devin, mais je peux vous assurer d'une chose, c'est que je lui ferai jamais de mal volontairement. »

Et je suis parfaitement sincère en prononçant ces mots et je crois qu'il s'en rend tout à fait compte. Il a simplement hoché la tête, et m'a serré la main. On est revenus vers les femmes de la maison, que je puisse saluer les pipelettes et leur charmante maman, et puis Lucy et moi avons regagné sa voiture. J'ai lâché un soupir en m'installant dans le fauteuil passager et passé une main dans mes cheveux.

« Bon... Ca s'est pas trop mal passé, hein ? »

Je crois que j'ai besoin qu'elle me confirme ce dont j'ai l'impression, juste pour en être sûr. Pourtant, au fond, je crois que je connais déjà la réponse.

« Tes parents sont adorables, mais le contraire aurait été étonnant vu qu'ils ont une fille aussi charmante... »

Je suis venu chercher un baiser, moins chaste que les quelques-uns qu'on a pu s'autoriser devant sa famille.

« Et tes soeurs de vraies pipelettes ! Elles ont pris ça d'où, dis-moi ? »

Un peu plus détendu à présent, je l'ai laissée démarrer le moteur, et commencer à rouler en direction de son appartement, bien décidé à passer le reste de cette journée - et la nuit - auprès de ma petite amie. On a un peu commenté ce déjeuner - interminable comme tous ceux de ce genre - jusqu'à ce qu'on parvienne de nouveau dans Hammersmith. Mais une fois le seuil de son appartement franchi, je crois que c'est passé au second plan. Ce soir, il n'y a plus que nous deux, et rien d'autre ne compte vraiment davantage. Pas même les événements tragiques de ces derniers jours et la marche prévue le lendemain en mémoire de Charlie Hebdo. Demain, je serai sans doute Charlie, moi aussi. Ce soir, je suis juste Rafael, le petit-ami de Lucy. Et ça me va très bien comme ça.