(kaspar) j'ai bien des choses à te dire

"Leonard Nimoy, 'Star Trek's' Spock, dead at 83."

La bouche grande ouverte, j’accusais la nouvelle. Je mis les mains sur la tête d'un geste de surprise mais aussi de désespoir. Leonard Nimoy, l'acteur qui incarnait l'un de mes personnages préférés de série toute confondue, Monsieur Spock, venait de nous quitter. A peine venais-je de rentrer de Norvège que j'avais tout juste appris sa disparition. Il ne me fallut pas longtemps pour lui laisser un petit hommage sur instagram et d'envoyer des messages à des gens afin de le leur annoncer. Dans la foulée, un message est apparu. Jonah, le copain d'Abygaëlle, m'en avait envoyé un qui avait attisé ma curiosité.

Le jeune homme m'apprenait qu'il avait rencontré quelqu'un de sexe féminin et qu'il avait besoin d'en parler avec moi, surtout par rapport à Aby. Je me préparais donc mentalement à ce que je pourrais bien lui dire tout en l'invitant à venir passer à la maison étant donné que ni Theodore, ni sa petite n'était pas à l'appart' et que par conséquent, je pouvais profiter de ce moment pour ramener un ami. Naturellement, ça n'était pas dans ma coutume de le faire. D'habitude, je ne conseillais à personne de venir, pas même ma petite amie. Mais étant donné que ma relation avec Theodore s'était nettement améliorée et qu'il n'était pas là, je pouvais bien me le permettre.

En attendant l'arrivée de Jonah, je pris une douche rapide. A la sortie, j'entendis tambouriner à la porte et je devinais que mon ami était arrivé. J'enfilai un peignoir avant de traverser le couloir pour arriver jusqu'à la porte d'entrée. Quand je l'ouvris, j'accueillis le garçon avec les doigts écartés en V, tel le salut vulcain.
"Longue vie et prospérité!" lui dis-je en guise de bonjour juste après qu'il me l'ait souhaité. "Aujourd’hui - comme hier -  mon ami, nous pleurons la disparition de notre Grand Père à tous. Que Dieu ait son âme."
Quelques secondes de silence avant que je ne m'anime réellement :
"Bonjour Jonah, comment vas tu? Entre je t'en prie! Il parait que tu as des choses à m'annoncer!"
« Ouais, j'ai bien des choses à te raconter... J'espère que tu as du temps devant toi! » me dit-il en quittant des affaires pour se mettre à l'aise. Un coup d’œil à la montre m'informait que ça devrait largement aller.
"Mon emploi du temps de non ministre permet de te voir assez longtemps pour bavarder."
Sourire. Jonah observa les alentours afin d'étudier l'environnement dans lequel il venait de pénétrer pour la première fois de sa vie qu'il complimenta finalement. Nouveau sourire. Bon, ça n'était pas RÉELLEMENT tout à fait chez moi, mais c'était tout comme.
"Oh fais attention, il se peut que la petite de mon coloc' ait fait tomber quelques peluches ou autre jouets qu'on a pas eu le temps de ramasser ou qu'on a pas vu. Tu voudras un thé? un café?"
Je l'invitais à s'installer sur le canapé du salon puis disparut jusqu'en cuisine pour aller faire chauffer de l'eau car qu'importe ses envies, j'avais envie d'un thé. En tant que britannique confirmé, c'était la moindres des choses après tout!
"Alors, dis moi tout! Comment elle s'appelle? Elle a quel âge? - pas que je m'inquiète qu'elle soit mineure ou quoi, mais par simple curiosité -, elle fait quoi dans la vie... ect...?" lui demandai-je en haussant la voix afin qu'il puisse m'entendre à travers la cloison. Et quand je revins, je disposais toute la vaisselle nécessaire puis nous servis.

"Enfin bref, de quoi voulais tu me parler en clair?"

Je n'allais tout de même pas oublier qu'il avait fait référence à Abyaëlle et que j'avais une petite idée de la raison pour laquelle il l'avait fait. Abygaëlle avait été sa copine et ma meilleure amie aussi. Malheureusement, elle nous avait quitté il y a quelques mois déjà et le souvenir de sa personne demeurait. De toute manière, c'était une personne inoubliable.

Cela faisait plaisir de voir que Jonah allait mieux. Évidement, le décès d'Abygaëlle persistait, mais nous avions retrouvés mine au fur et à mesure que le temps passait. Il nous était arrivé de se recueillir de temps en temps tous les deux sur la tombe de la jeune fille et de parler de tout et de rien là dessus. Il m'était même arrivé de prendre un pique nique et bien que cela soit interdit, j'avais fait en sorte de pas nous faire gauler. Après tout, il vaut mieux qu'il y ait fête et joie que tristesse au dessus d'une tombe. J'étais certain qu'Aby avait apprécié de là où elle était.

J'avais salué Jonah par le salut vulcain en hommage à la disparition de celui que les fans de Star Trek, et donc moi y compris, comme leur grand père. Leonard Nimoy restera un acteur qui m'aura beaucoup marqué tout comme plein d'autre gens avec moi.
Puis j'avais demandé à Jonah tout en retrouvant un comportement normal s'il allait bien.
Oui, oui, ça va bien, malgré mes questionnements... » me répondit-il alors. A cet instant, je m'arrêtai soudainement, puis me tournai vers lui an ouvrant les bras. Je lui donnai un câlin comme promis dans le message avant de me détacher de lui et de reprendre le cour normal des choses. Je lui averti de faire attention là où il marchait car cela se pourrait bien qu'il rencontre des jouets ou quelque chose de la sorte.
« Okay, je ferai attention! Un thé serait bien. Merci! » l'avais-je entendu me dire alors que j'étais déjà parti en chemin pour aller préparer l'eau et le thé en question. De toute façon, je lui en aurait servi quand même et s'il n'y avait pas touché, je l'aurais bu à sa place, quitte à avoir la pisserole juste après. De là, je lui posais des questions sur le fille dont il m'avait parlé et ce fut quand je revins qu'il se mit à me répondre.
« Non, elle n'est pas mineure! » me rassura-t-il d'un ton hilare.
- Ah, tant mieux, ça t'évitera des soucis avec la justice!
« Mais elle est un peu plus jeune que moi.... 21 ans. Elle s'appelle Elyon, ce qui fait d'ailleurs parti de son charme, parce qu'elle est bien différente des autres filles. Je sais pas... Elle a un je-ne-sais-quoi.... Ce qu'elle fait dans la vie? Bah, elle est violoniste au conservatoire... » avait poursuivi mon ami alors que je servais le thé fumant dans deux tasses.  Violoniste au conservatoire, un an de moins que MOI, Elyon... je retenais peu à peu ses informations dans la tête. Je patientais cela dit que mon ami ait terminé de m'en parler pour tenter de lui donner mon point de vue sur les choses.  
« Bref.... bien sur, les questions que je me pose ne sont pas par rapport à elle, parce qu'il y a clairement un intérêt.... Mais je me disais.... Est-ce que tu penses que c'est trop tôt? Aby est... bref, de toute façon, tu sais... »
Oui, elle était morte. Je vis bien là l'expression de gêne et de tristesse de Jonah à ce souvenir et je ne pouvais que compatir.
« Elyon est au courant pour Abygaëlle.. Lorsque je lui ai dit, elle n'a pas fuit... ce qui est déjà un point positif... »
Je haussai les sourcils, surpris.
"Pourquoi aurait-elle fui?" demandai-je d'une voix douce et assez étonnée. Puis :
« Je sais pas... Est-ce que je devrais me sentir coupable par rapport à elle? Ce n'est pas comme si nous avions rompu.... » termina alors Jonah dans tous les questionnements qu'il se posait et dont je m'y étais quand même attendu. Il fallait dire aussi qu'il m'avait montré un avant goût de la chose par message téléphonique.
Je restai silencieux le temps de réfléchir correctement à la question et de trouver les mots pour y répondre. Il me donnait l'impression d'être Adrian Monk par la manière de se sentir toujours en couple avec une personne qui était décédée. C'était très mignon d'ailleurs! Si j'avais été dans sa situation, si ça avait été Ivana qui avait disparue, la probabilité pour que je ressente la même chose était ÉNORME.

"Jonah, je sais bien que vous n'étiez pas marié Aby et toi, mais tu sais, dans un serment de mariage chrétien, le prêtre dit toujours : 'jusqu'à ce que la mort vous sépare'. Cela signifie, dans ce type de mariage, qu'un ou une veuf-ve a le droit de se marier de nouveau à l'église vu que la mort l'a séparé-e de son ou sa partenaire."
Une petite pause le temps que je retrouve la raison pour laquelle j'étais en train de lui dire ça.
"Tout ça pour dire que oui, vous n'aviez pas rompu, mais la mort n'est pas quelque chose à laquelle on... s'attend. Elle a malheureusement à elle seule la capacité de séparer les gens de leur proche pour toute la vie."
Elle m'avait séparé de mon propre père avant même que je pousse mon premier cri. La mort était très injuste.
"Bref, là où je veux en venir c'est que tu as le droit de retrouver à nouveau... le bonheur. Tu as fait ton deuil et cela ne veut pas dire pour autant que tu as oublié Aby. Tu as juste... accepté de la laisser partir. Et cela signifie donc que tu es prêt à aller de l'avant, de repartir de là où tu en étais. L'apparition de cette fille dans ta vie t'aide grandement à t'en apercevoir. Et si elle te plait, moi je dis, fonce! Il y a rien de mieux que de se sentir heureux! On a qu'une vie tu sais, et c'était ce qu'Aby avait tendance à me dire.. et... ne crois pas qu'elle t'en veuille si tu te met avec une autre fille... en fait, je suis sure qu'elle en serait ravie!"
Surtout elle. Ça n'était pas vraiment un exemple d'égoïsme, loin de là!
Je plongeai un sucre dans ma tasse et touillait le tout avec le bout de ma petite cuillère. Je soufflai un peu avant de prendre ma première gorgée afin que cela ne soit pas trop chaud.

A mon avis, Jonah était si chamboulé par ce qu'il était en train de vivre qu'il voyait les choses en compliqué. D'un point de vue logique, personne ne fuirait si on vous apprenait qu'on avait été en couple avec une personne aujourd'hui décédée. Mais d'un point de vue d'un type qui est encore perdu avec tout ça, on pouvait effectivement s'en faire la réflexion. De ma vie, je n'avais été en couple qu'une fois et je l'étais toujours d'ailleurs. Ou du moins, avec une seule personne. Ma moitié était elle aussi malade, mais d'une manière différente. Heureusement, elle était toujours en vie et n'avait pas de soucis de santé particulier, mais tout pouvait arriver et je risquais chaque jour de la perdre, comme chaque personne que je côtoyais tous les jours.
Mais au moins, de mon point de vue extérieur, je pouvais faire rendre compte à Jonah que ça n'était pas la peine de se poser ce genre de question, de ne pas à avoir cette crainte là.
« Je sais pas.... Parce que je ne lui avais pas dit au départ? Je ne sais pas à vrai dire. Je pense que ça fait tellement longtemps que je ne me suis pas réellement intéressé à une personne du point de vue romantique que j'en ai oublié comme ça fonctionnait.... »
- Je te comprends va! Mais ne t'en fais pas, même si tu ne lui a pas dit au départ ou quoi, à moins d'être salement idiote, il n'y a aucune raison pour que cette fille parte à cause de ça. Ce sont des choses qui arrivent dans la vie, malheureusement. Et si elle était idiote, j'imagine qu'elle ne t'aurais pas intéressé.
Enfin, après je ne connaissais peut être pas tous ses goûts, mais c'était une chose que je supposais fortement.

J'allais peut être trop loin dans mes explications, peut être que je m'emballais un peu trop. Néanmoins, c'était clair dans ma tête, et comme je n'avais pas pour habitude d'expliquer ce genre de chose, je le disais peut être maladroitement. Mais visiblement, Jonah semblait avoir compris où je voulais en venir, à voir ses yeux et son expression faciale. J'imaginais qu'il s'était posé aussi la question et qu'il s'en était fait la réflexion. Mais une fois de plus, il était dans une situation différente et je pouvais le comprendre.
« Je sais qu'on n'était pas marié et tout, mais j'ai peur qu'au final, Elyon  ou n'importe quelle autre fille dans le futur pense qu'il y a toujours un fantôme au dessus de mon épaule. Je sais que Aby va toujours faire parti de moi et de mon passé.... Mais j'ai peur que ça soit trop lourd pour les autres personnes... Tu sais, comme si j'avais toujours un poids au pied... » me dit-il et, je devais admettre que sa question méritait d'être posée. Je bus une gorgée du thé tout en méditant sur ce qu'il venait de suite.
- Mhh.. je dirais que c'est à toi de lui montrer que tu es ouvert à elle, que tu es prêt à... tourner la page avec elle. Si tu le lui prouve, elle n'y pensera même plus. Et à te voir, là, aujourd'hui, devant moi, tu te débrouille pas mal. Tu te poses encore des questions, mais c'est normal, une fois que tu auras des réponses, ça se fera normalement. Et le fait d'être amoureux? de cette Elyon, ça va t'y aider. L'amour est.. une force. Ça peut faire mal, mais ça panse aussi les douleurs, les peines...
Je ne pouvais m'empêcher de repenser à Ivana, du fait que lorsque je l'avais retrouvée, j'étais en train de me ressaisir. Même si une semaine après, elle m'avait quitté pour des raisons compréhensibles, nous avions fini par nous remettre ensemble. Et quand j'étais avec elle, c'était comme si toutes les mauvaises choses qui m'étaient arrivées n'avaient été que vilain cauchemar.
"Il faut savoir que, si tu parviens à te lâcher et si tu éprouves réellement du désir amoureux vis à vis d'elle, tu auras plus tendance à avancer que d'aller vers l'arrière. Tu vois, c'est ça la différence entre être en couple et d'enchainer plusieurs relations à la fois à mon avis. Quand tu es avec quelqu'un que t'aime, tu grandis. Tu vois l'avenir, tu vas vers l'avant. Ça n'est pas facile de trouver la personne, et parfois, ça n'est pas forcément la bonne. Mais si tu ressens une telle chose durant le temps que ça dure, un mois, un an, toute la vie, tu feras dos au passé et sera propulsé en avant. Aby fera toujours parti de toi et c'est une bonne chose, mais tu te sentiras.. quel est le mot.. ah oui, épanoui."
Kaspar Hansen, philosophe à ses heures perdues. Cela méritait tout de même une nouvelle gorgée de thé!

« Tu as de sages paroles... »

J'étais en train de boire une gorgée de thé quand j'entendis Jonah me dire ça. Je m'étais figé dans le temps, la phrase se répétant sans cesse dans ma tête. C'était la première fois que l'on me disait ça, et ça me faisait super plaisir! Je ne m'étais jamais prétendu au dessus de quiconque et je m'évertuais seulement à donner mon opinion et, au passage, quelques conseils.
Mais ça n'était pas tout :

« Pour parler ainsi, tu dois être sacrément mature! »

Je posais ma tasse, toujours figé, la bouche à moitié ouverte par l'étonnement après avoir tout de même ingurgité la portion de thé que j'avais bu. Je clignais des yeux en me rendant compte de ma position et secouai la tête. Whouah!

"Call me Gandalf!" fis-je en retrouvant mon non sérieux, faisant semblant de me vanter. Puis : "Grand mère m'a transmis son savoir tout au long de sa vie. Puis il y a aussi le fait que j'ai beaucoup appris en vivant dans la rue. Et en tombant amoureux aussi."
L'amour, ça faisait grandir. Ça faisait réfléchir aussi. Ça donnait des responsabilités, ça permettait de réfléchir à autre chose qu'à soi même. Ça nous donnait aussi l'impression que nous étions capable de tout. Ça nous donnait aussi des projets d'avenir. Non, je maintenais le fait d'être amoureux était la meilleure chose qui pouvait nous arriver dans notre vie. C'était un sentiment difficile à dénicher, mais une fois qu'on l'avait trouvé, nous vivions les plus beaux moments de notre vie. Je n'étais jamais aussi épanoui depuis que j'étais tombé amoureux de ma princesse rousse. Quand j'étais avec elle, c'était comme si le mal n'existait plus et que tout était beau et merveilleux. Quand il pleuvait, j'étais content. Quand je me faisais reprendre par un client mécontent, j'étais content. Quand je ratais le métro, j'étais content. Quand Jasmine criait au beau milieu de la nuit, j'étais content. Il suffisait seulement de recevoir un "je t'aime" par la personne que j'aimais le plus au monde pour que plus rien au monde ne m'ennuie. Il m'en fallait de peu, finalement, mais c'était vraiment sincère.

Jonah me fit sortir de mes pensées quand il évoqua le fait qu'il était heureux de s'être confié à moi en me remerciant de l'avoir écouté. En guise de réponse, je lui offris un sourire. Je n'estimais pas avoir fait grand chose, juste mon devoir d'amis, puisque je me considérais ainsi envers lui, et réciproquement. Si je n'étais pas tel, il ne serait jamais venu toquer à ma porte le lendemain de la mort de Leonard Nimoy pour venir me dire ce qu'il avait sur le cœur.
"Eh... c'est normal tu sais!"
« Ça représente beaucoup pour moi! » poursuivit-il, sérieux. « J'ai déjà hâte de la revoir.... Surtout qu'on s'est embrassé... »
Les pupilles de mes yeux se dilatèrent et trahirent ma curiosité et l'enthousiasme que j'avais à avoir appris la nouvelle. J'étais vraiment content pour lui, il était sur la bonne voie. La seule chose dont il avait eu besoin, c'était que quelqu'un lui dise "ok, tu peux.", chose que je venais donc de faire. J'espérais réellement que cette nouvelle relation lui fera battre de nouveaux les ailes. Abygaëlle devait être fière de lui, là où elle était désormais.

"Ah ouiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii?"
Je me penchais sur la table, les deux coudes dessus, le menton appuyés sur les paumes de mes mains. "Raconte moi tooout!"
Mes oreilles toutes ouïes à l'entendre me donnait l'impression d'être ce genre de personnes en manque de potins. Bon, ça n'était pas vicieux, et s'il avait pas envie d'en parler, c'était son droit et je ne lui en voudrait pas (enfin, juste un petit peu. Nan, c'était pas vrai!).
"Tu me la présentera, hein, dis? Non pas que je veille te la prendre, de toute façon, j'ai déjà quelqu'un dans ma vie."
J'étais déjà ravi à l'idée de connaitre cette charmante inconnue que je ne connaissais à présent que de nom.

« Amoureux? Je ne savais pas.... Elle s'appelle comment? »

La question fut perçue comme une interpellation. Mes yeux s'étaient soudainement mis à briller et rien que de l'évoquer m'emplissait de joie. Ivana, telle qu'elle s'appelait, me faisait toujours cet effet. Parler d'elle, c'était comme parler de chocolat ou de jeux vidéo, mais en bien plus fort, bien plus passionnément. Mais avant de parler d'elle, parce qu’une fois branché, je ne m'arrêtais plus, j'attendis que Jonah termine de son côté. Après tout, il était venu pour me demander conseil et j'étais toute ouïe et disposé à l'aider, à le guider. Après tout, il m'avait appris qu'il avait dépassé le stade du bisou et s'il était là en face de moi, c'était parce qu'il ne savait pas vraiment s'il fallait qu'il continue ou pas. En gros, il s'était culpabilisé de s'intéresser à une autre fille alors qu'Abygaëlle nous avait quitté il y avait à présent quelques mois. Je pouvais bien comprendre sa situation, bien que je n'y étais pas. Moi même avais du mal à me dire qu je pourrais tomber amoureux de quelqu'un d'autre qu'Ivana, en particulier s'il devait lui arriver quelque chose de fatal. Je ne préférais pas trop y penser. Ce serait stupide et je perdrais mon temps.

« Bah au départ, je n'avais pas rappeler Elyon après notre rencontre... » m'expliqua-t-il quand je demandais un développement sur ce qu'il m'avait révélé. « J'avais essayé, mais je n'avais pas pu envoyer mes messages. Je l'ai croisé une semaine plus tard à l'épicerie. Le destin quoi! Elle m'a pardonné de ne pas l'avoir contacté.... Les choses en entraînant une autre, bah, j'ai pris mon courage à deux mains et je l'ai embrassé vers la fin de la journée que nous avions passé tous les deux au café, puis ensuite au parc. »

Mes sourcils se haussèrent. Devais-je comprendre par là qu'il n'y avait pas seulement un bisou? Je laissai place au sourire. J'étais très content de ce qui lui arrivait. Cela signifiait qu'il faisait son deuil et c'était très bien!

- Whouaouh! Mais c'est qu'elle a l'air très sympathique cette jeune fille! Ça me donne encore plus envie de la rencontrer! Je suis sur que vous êtes mignons tous les deux!
L'idée de rencontrer la dénommée Elyon me séduisait. Puis si ça se trouvait, on pourra faire quelques sorties ensemble, entre couples, ou entre potes.
« Mais bien sur! Pas de problème! Lorsque notre relation sera définie, cela me fera plus que plaisir! »
J'étais aussi heureux que l'idée puisse séduire Jonah. Je me doutais bien qu'il avait besoin d'un peu de temps avant que les choses se fassent. Et puis :
« Oh et je veux savoir qui est la fille dans ta vie! Je t'ai tout dis! Maintenant, c'est à ton tour, sinon ce n'est pas vraiment juste, non? »
Je me mis en position de discussion, puisqu'à présent, c'était à mon tour de me livrer. Je ne savais pas encore par où commencer et c'était la première fois que j'en parlais réellement à quelqu'un en dehors de Nate. La plupart des gens qui me connaissaient étaient au courant que je sortais avec Ivana, mais je ne m'étais pas spécialement étendu sur le sujet. C'était si naturel que je n'avais pas trouvé la peine de le faire. Mais à présent que nous nous confions tous nos petits secrets, j'étais tout  à fait apte d'en discuter.

"Elle s'appelle Ivana, et c'est facile de la reconnaître parce que c'est la fille la plus mignonne de toute la planète! J'adore être avec elle, parce que, quand elle rit, c'est comme si elle faisait entrer le soleil en toi. Personne ne prononce mon prénom de la manière dont elle le fait, ou du moins, je le perçois très différemment que tout le reste du monde. Ce que j'aime en elle? TOUT!"

Il n'y avait que lorsque je l'avais fait pleurer que je m'étais détesté. C'était lors de mon retour d’Égypte et j'avais si nerveux et fatigué que je m'étais montré dur envers elle, alors qu'il n'y avait pas eu besoin. Aujourd'hui encore, repenser à ce moment me pinçait le cœur. Elle avait beau m'avoir pardonné, je m'en voulais toujours, comme je l'avais frappée. Mais j'essayais de ne pas faire trop attention. Il fallait que j'avance plutôt que de rester au même point et au jour d'aujourd'hui, nous étions très heureux tous les deux.

"On s'est rencontrés au lycée, poursuivis-je, en fait, on était déjà sorti ensemble quand j'étais à ma dernière année d'étude, sauf que bin, à cet époque là, je m'intéressait pas vraiment à l'amour, tout ça... j'étais encore tourné vers... autre chose."
Les jeux vidéo en faisait énormément parti, mais j'osais pas l'avouer directement.
"Enfin, on était jeune - et on l'est toujours... mais un petit peu moins qu'il y a quatre ans - et je pense que ni l'un ni l'autre étions amoureux l'un de l'autre. Et puis... il m'est arrivé la chose que tu sais.. ma grand mère est morte et peu après, j'ai du me débrouiller tout seul. A partir de ce moment là, j'étais si honteux que je n'ai pas osé le lui avouer. Du coup, du jour au lendemain j'ai... cessé de donner des nouvelles."
J'en étais pas très fier et ça se sentait par la manière dont je le disais. D'ailleurs, à le dire ainsi, je me rendais compte à quel point je pouvais être ignoble. Il n'y avait pas eu qu'Ivana dans ce cas là d'ailleurs, j'avais cessé de donner des nouvelles à ma meilleure amie d'enfance qui vivait en Amérique. Je n'ai d'ailleurs toujours pas osé la recontacter. En fait, je ne savais pas comment m'y prendre. Elle devait être furieuse après moi!
"Bref, toujours est-il que... récemment, vers la fin du mois d'août, on s'est retrouvé. C'était d'ailleurs dans la pâtisserie que tenait... Aby.."
C'était un très bon souvenir, parce que ça m'avait permit d'en être là aujourd'hui. Cependant, repenser à cet instant ne pouvait m'empêcher de me faire quelque chose. Ça s'était passé un peu avant la triste drame  et ce jour là, Aby était encore en vie. Ce jour là, elle m'avait nourri alors que je m'étais privé deux jours durant de toute nourriture.
"Enfin bref... ensuite, on a décidé de se revoir elle et moi. Je suis venu chez elle et... j'ai perdu ma virginité."
Je ne pouvais pas être plus clair que ça.