(✰) message posté Jeu 9 Oct 2014 - 18:39 par Invité
Le hasard fait bien les choses Edelweiss & Fergus
On dit que la plus belle rencontre a lieu par hasard. Je ne sais pas si ma rencontre avec cette jeune femme était due au hasard, il n’empêche que je dois reconnaître qu’elle avait su attirer mon attention, de bien des manières. Ce que peu de gens savent faire, en toute modestie.
J’étais vêtu d’un complet gris à carreaux blancs. Ou blanc à carreaux gris, comme vous préférez. Une chemise blanche en dessous, une cravate rouge enroulée autour de mon cou, et une canne qui me donnait l’air d’un vieil aristocrate d’un temps révolu. Les cheveux en bataille, puisqu’après tout, je n’étais jamais parvenu à les discipliner complètement, et une paire de lunettes que j’avais oublié de retirer après la lecture du dernier Mary Higgins Clark complétait mon déguisement. Il faisait tard, ou pas. La Lune était majestueuse dans sa parure enneigée et le ciel était propice à de longues balades le long des quais. C’est là qu’il se tenait. Un fourbe individu pas plus haut que trois pommes. Quatre, peut-être. Maigre comme un clou. Si fin qu’il en était presque invisible. Pour un œil peu habitué à ce genre de détails, j’entends. Lorsqu’il s’était assis auprès d’elle, je demeurai immobile, observant sans réagir à quelques mètres de là. J’avais moi-même pris place sur un banc, les jambes croisées et l’air détendu de celui qui avait fait une bonne action. Sa victime n’avait pas encore réagi. Peut-être ne l’avait-elle pas vu. Je dois lui reconnaître sa discrétion parmi ses nombreux défauts. Lorsque finalement il se retira, sa forfaiture sous son aisselle, j’entendis un grand « BADABOUM » et un hoquet de surprise le suivre dans sa course. « Milles pardon, monsieur, vous ne vous êtes pas fait mal au moins ? » m’exclamai-je sans pour autant l’aider à se relever, rajustant aussitôt ma canne près de ma jambe. « Tu l’as fait exprès, je t’ai vu !! » hurla t-il en pointant son doigt chétif dans ma direction. « Plait-il ? » Je fis mine d’être surpris, presque outré par son accusation. Ma canne était tombée et sans le vouloir avait crocheté sa cheville, il n’y a pas de quoi en tirer d’autres conclusions voyons ! « C’est ça ouais, fais le malin l’étranger ! T’as de la chance qu’il y ait du monde ! » grogna à nouveau le sinistre personnage avant de disparaître dans la brume. « C’est toi, qui a de la chance. » murmurai-je à faible voix en me levant de mon banc pour me diriger vers la jeune femme qu’il venait de cambrioler. « Ce sac vous appartient, il me semble. » énonçai-je en le lui tendant, étonné qu’elle n’ait pas eu aucune réaction jusque-là.
electric bird.
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(✰) message posté Jeu 9 Oct 2014 - 22:42 par Invité
Le hasard fait bien les choses
fergus & edlweiss
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Pensive, prospère. L'esprit alerte qui taraudait ses sens semblait s'être évanouit, laissant place à un apaisement proche d'une torpeur lascive. Quelle heure était-il au fait ? Elle ne se souvenait plus exactement du moment où elle avait quitté le conservatoire, ni depuis combien de temps elle était assise sur ce banc. Le fait d'être en permanence concentrée sur tout ce qui pouvait l'entourer la fatiguait parfois. C'est pourquoi elle se permettait quelques minutes d'écoute pensive sur l'un des bancs de ce petit parc par lequel elle passait parfois, lorsqu'elle avait le courage et l'envie de rentrer chez elle à pieds. La musique, univers dans lequel elle était bercée des heures durant pendant le jour, faisait encore virevolter son esprit de femme parfois enfantine. Et en effet, Edelweiss n'avait pas une silhouette de femme plantureuse. Elle était très fluette, repérable seulement parce qu'elle avait de très longs cheveux bouclés flamboyant qui contrastaient avec les couleurs chatoyantes qu'elle avait l'habitude de porter. Ce soir là, elle avait une veste mi-longue, bordeaux, cintrée à la taille, et une longue écharpe feutrée qui virevoltait avec ses boucles dans son sillage. Elle s'était assise sur ce banc pour réfléchir un peu, et finalement, d'une manière très discrète, elle s'était peut-être égarée un peu, allant jusqu'à s'assoupir. Ses paupières c'étaient fermées, au début juste pour humer cet automne qui enveloppait peu à peu la ville de son humidité latente, si bien qu'elle n'avait même pas senti la lanière de son sac à main glisser de son épaule, et se dernier tomber à côté d'elle, sur le banc.
Après quelques minutes passées dans cette inconscience, ce fut un bruit de chute et le haussement de ton d'un homme un peu plus loin qui la fit sursauter, la ramenant rapidement à la réalité. Tiens donc, il faisait bien plus froid que dans son souvenir. Sans doutes était-elle restée immobile trop longtemps. Sa main glissa furtivement sur le côté : son sac ? Où était-il ? La panique la prit. Il y avait tout dedans ! Ses papiers, ses clefs, de l'argent … Et sa canne dépliante, qu'elle rangeait toujours dedans lorsqu'elle s'asseyait, et dont elle avait impérativement besoin pour se repérer. Son visage commença à se décomposer, mais elle n'eut pas le temps de s'inquiéter plus que cela que déjà une voix se faisait retentir devant elle. Toujours assise, elle semblait fixer un point invisible devant elle. Un point qui devait se situer probablement au milieu de la veste de son interlocuteur. En d'autre circonstances, ne pas le regarder aurait pu paraître impoli. Sauf qu'Edelweiss, en effet, ne le voyait pas. Elle sentait juste sa présence. « Oh oui merci, vous êtes bien aimable. » lui dit-elle en esquissant un léger sourire, fin, délicat, d'une douceur absolue tandis que ses mains albâtres s'aventuraient prudemment vers le sac qu'il lui tendait. Rien qu'à la matière de ce dernier, elle su que c'était le bon. Enfin elle se leva pour faire face à son interlocuteur, distinguant au passage son parfum. Un parfum assez fort, avec des touches ambrées. Probablement un alliage de son odeur naturelle et d'une touche plus artificielle. Une odeur typée, caractérielle et distinguée à la fois. Elle ne la trouva pas sur le coup désagréable, cela devait être un homme soigné. Son instinct le lui disait. « Je suis étourdie, je ne l'avais même pas senti à côté de moi s'échapper. » ajouta t-elle, son esprit faisant soudain sens avec les bruits de mécontentement qu'elle avait perçu plus tôt. « Vous m'avez évité bien des ennuis … Monsieur. » Et puis, un sourire vint éclairer son visage. « Si je devais vous imaginer, je vous peindrais comme Arsène Lupin. A la fois voleur et gentilhomme, mais avec une certaine élégance et un charisme énigmatique quoiqu'il advienne. » Mais là, l'homme en question ne lui avait rien volé. Pas pour l'instant du moins. Ou alors s'en rendrait-elle compte plus tard. Mais quoiqu'il en soit, pour l'heure, il lui avait rendu un fier service. « Monsieur ? Vous êtes bien silencieux tout à coup … Je ne vous ai pas offensé ? » demanda t-elle furtivement en cherchant comme une ombre inconnue du regard. Etait-il vraiment bienveillant ? Pourquoi était-il si sympathique avec un parfait inconnu ? C'était Edelweiss … Pourvue d'une sensibilité bienveillante parfois un peu naïve, qui ne se méfiait pas beaucoup du genre humain. Du moins, pas ce jour là.
electric bird.
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(✰) message posté Ven 10 Oct 2014 - 23:54 par Invité
Le hasard fait bien les choses Edelweiss & Fergus
Fronçant les sourcils, imperceptiblement, je m’étonne qu’elle ne relève pas les yeux dans ma direction. C’est d’ordinaire plus poli voire simplement un réflexe, de lever le regard vers un inconnu qui vous fait face, ne serait-ce que pour savoir à qui on a affaire. A moins que ce ne soit elle qui ne souhaita pas que je puisse distinguer ses traits derrière cette abondance de boucles rousses. S’agirait-il d’une femme maltraitée par son mari qui dissimulerait son visage tuméfiée derrière ce voile ? De plus en plus circonspect, je l’observe de plus près, détaillant chaque contour, chaque ridule, avec la curiosité malsaine qu’ont les médecins légistes pour leurs cadavres. Elle est d’une rare beauté. Une beauté incarnant à la fois douceur et fragilité. On aurait dit une statue de cire, le visage d’Aphrodite en personne. Lorsque ses mains récupèrent son sac, je crois entrevoir un léger tremblement. Aurait-elle eu peur ? A moins que ce ne soit ma présence qui la rende mal à l’aise ? Certaines personnes, les femmes à plus forte raison, ont des difficultés à se trouver dans la même pièce, proches, du sexe opposé. Ne me demandez pas pourquoi. Sans doute leur vie n’a-t-elle pas été facile en leur compagnie. Quoiqu’il en soit, je garde mon sérieux face à cette inconnue que je ne crois pas avoir déjà croisé. Certes, l’on ne peut connaître tout le monde, surtout dans une ville aussi immense et ethnique que Londres, mais les quais et ses bancs avaient généralement leurs habitués. Moi, par exemple. Cette inconnue ne me semblait pas en faire partie. Or, dans mon métier, il est coutume de s’intéresser à chaque grain de sable, quel qu’il soit. Venait-elle de déménager ? D’où venait-elle ? Que faisait-elle à Londres ? Des questions que je n’avais, pour l’instant, aucun droit ni d’intérêt à lui poser. « Il ne se serait pas échappé s’il n’avait pas reçu de l’aide, mademoiselle … ? » soulignai-je avec un brin d’humour en lui réclamant subtilement son prénom. Tiens donc, m’imaginer, me peindre. Le vocabulaire des artistes. Première information utile. Mais pourquoi avait-elle besoin de m’imaginer alors que je me trouvais là, devant elle ? A moins qu’il ne s’agissait que d’une métaphore destinée à peindre mon ‘âme’, pour ceux qui croient en ces choses-là. « Je ne suis pas un voleur. » commençai-je en prouvant par la même que mon manque d’imagination n’avait d’égale que son sens aigüe de l’art. « Non. Non, je ne suis pas offensé. Pourquoi le serais-je ? Je suis tel que vous le disiez à l’instant : élégant et charismatique. » ironisai-je en lui souriant. « Quant à vous, et je ne prétends pas vous connaître, mais vous semblez faire preuve d’autant de sensibilité dans vos propos que de douceur dans votre timbre de voix. Puis-je savoir si vous vous conduisez toujours avec autant de bienveillance à l’égard des étrangers qui vous abordent ? » la taquinai-je en gardant la pose face à elle.
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(✰) message posté Sam 11 Oct 2014 - 11:50 par Invité
Le hasard fait bien les choses
fergus & edlweiss
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Ses remarques, la façon dont il lui répondait finirent par la faire sourire intérieurement : pour un homme si observateur, capable de distinguer un jeune malandrin voleur et le remettre à sa place, il n'avait même pas remarqué que son prétendu malaise face à lui n'avait rien à voir avec de la timidité. Il interprétait d'une manière obsolète la façon dont elle se comportait, bien malgré elle évidemment, au fil de leur échange. Elle aurait volontiers soutenu son regard, détaillé ses traits. Mais sa façon à elle de le faire était très différente de la sienne, beaucoup plus matérielle. Pour autant une vague de fierté l'envahie pendant quelques secondes, presque heureuse d'avoir réussi à déjouer sa cécité face à un parfait inconnu, même si cela ne serait que pendant quelques secondes. Edelweiss avait cette particularité d'être aveugle depuis des années, mais que ses yeux ne portent quasiment pas de traces de cette cécité. Le choc traumatique qu'elle avait subit avait été cérébrale, ses conséquences difficiles à comprendre pour les médecins qui s'étaient alors chargé d'elle. Mais elle n'avait aucun strabisme, ni œil voilé. Ou du moins, il fallait regarder ses pupilles longuement et avec profondeur pour comprendre qu'elles n'évoluaient pas en fonction de la lumière, qu'elles étaient plongées dans une inertie éternelle.
« Je l'aurais volontiers remis à sa place comme vous l'avez fait, mais, vous comprendrez sans doutes qu'il m'est un peu difficile de courir après les malandrins dans les rues sinueuses de Londres. » lui répondit-elle avec un calme olympien, jouant malignement sur le fait qu'il n'aurait sûrement pas compris tout de suite où elle voulait en venir. D'un geste, elle éclaira son visage qui camouflait un peu ses traits. Le vent se levait, une brise qui tiraillait ses joues blanches, les rendant rosées peu à peu. « Peut-être n'êtes vous pas un voleur au sens propre, mais plutôt au figuré. » dit-elle presque pensive, presque malicieuse tout en gardant comme une distance avec cet inconnu de grand chemin. C'est à ce moment là qu'elle décida de se lever, réajustant sa veste, glissant la lanière de son sac sur son épaule. Elle farfouilla dans ce dernier un instant, en sortit une canne qu'elle déplia pour éviter de se cogner contre le banc. Son regard rencontra celui de l'inconnu sans qu'elle s'en rendit compte. Elle souriait, amusée de son répondant à la fois piquant et maladroit. « Et modeste avec cela ? Et non, vous ne pouvez prétendre me connaître, tous ces aspects ne relèvent que d'une observation superficielle. Peu d'étrangers m'abordent. Et lorsqu'ils le font, si leurs intentions sont neutres ou louables, pourquoi devrais-je faire preuve de malveillance à leur encontre ? » Comment avouer aussi, qu'elle était incapable de malveillance ? Elle avait de la personnalité, savait se défendre lorsque c'était nécessaire, mais éprouvait à l'égard du monde des sentiments parfois étranges. Comme si elle eut été à la fois proche, mais très loin de ceux qu'elle côtoyait. « D'où êtes vous en Irlande ? » lui demanda t-elle alors, pouvant paraître audacieuses de telles suppositions. « L'homme tout à l'heure, c'est-à-vous qu'il disait « étranger » non ? Et vous avez un accent … Un accent qui ressemble à celui qu'arborent les irlandais. Un pays paraît-il splendide. » Et voilà qu'elle commençait à lui parler. Il faut dire qu'elle côtoyait peu de monde ces temps ci, converser un peu d'adulte à adulte lui manquait. « Mais je vous retiens avec mes paroles alors même que vous avez sans doutes d'autres obligations ailleurs ... »
electric bird.
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(✰) message posté Dim 12 Oct 2014 - 21:53 par Invité
Le hasard fait bien les choses Edelweiss & Fergus
« Oui, je suppose que oui. »[/color] soufflai-je en fronçant les sourcils, un tantinet soupçonneux. Voire déçu. J’appréciais autant les femmes douces et fragiles comme celle qui semblait se tenir devant moi, que celles qui avaient du caractère. Néanmoins, je me serais imaginé une réaction différente, quelle que soit la personnalité de la demoiselle en question. A moins d’être en talons aiguilles, or je constate que ce n’est pas le cas pour cette jeune femme, ou de s’être déjà faite cambriolée ce qui aurait créé chez elle une bouffée d’angoisse à l’idée de faire face à un nouvel agresseur, aucune personne ne serait restée assise sans bouger pendant qu’on lui volait son sac à mains. Certes, j’avais cru comprendre qu’elle ne l’avait pas vu venir, mais après le cri que ce cher homme des cavernes avait poussé en tombant tout à l’heure, elle aurait au moins dû se lever d’un bond, crier qu’on lui avait volé ses effets personnels, ou nous observer de loin. Juste nous observer avant de nous rejoindre. Au lieu de ça, mademoiselle était restée immobile. Sa réaction m’étonnait autant qu’elle me désappointait. Serait-elle de ces femmes qui possèdent un portefeuille si garni que de perdre un sac à main et ses effets n’avait aucune importance au fond ? Ou qui apprécient qu’un prince charmant vole à leurs secours au moindre problème ? Je m’apprêtais à lui faire une réflexion en ce sens, lorsqu’elle dégagea quelques mèches de son visage jusqu’alors dissimulé à ma vue. Son regard. Il était…différent. On aurait dit qu’il fixait un point à l’horizon, sans pouvoir jamais le distinguer vraiment. Mais c’est lorsqu’elle déplia sa canne que je compris le fin mot de l’histoire, et qu’un sourire s’empara de mes lèvres. J’avais été idiot. Et c’était la seconde fois qu’elle me traitait de voleur sans que je comprenne pourquoi. Cette fois-ci, je ne fis aucun commentaire. Peut-être allait-elle s’expliquer après tout. « Vous me traitez bien de voleur sans me connaître. Pourquoi devrais-je avoir la galanterie de tracer votre portait autrement que grâce à ma seule intuition ? » répliquai-je du tac au tac, d’une voix où se mêlaient pourtant humour et malice. « Votre mère ne vous a-t-elle jamais appris à vous méfier des inconnus ? C’est la leçon que m’a enseigné la vie, personnellement. Sans être malveillant, il vaut mieux se méfier au départ, que de prendre le risque d’être déçu voire trahi, à l’arrivée. » Du moins, c’était ainsi que moi, je le concevais. Ce qui expliquait d’ailleurs que j’avais peu d’amis. En revanche, ceux que j’avais étaient les plus fiables qui se puissent exister.
Malgré sa cécité, la demoiselle était à l’écoute, et d’une certaine façon très observatrice. C’est ainsi qu’elle avait deviné que je n’étais pas Anglais, mais Irlandais. J’en déduisis donc que pour reconnaître mon accent, elle avait dû voyager. Pas uniquement en Irlande, auquel cas elle aurait parfaitement reconnu l’accent. Elle était donc une habituée des airs. « Ce ne sont pas vos paroles qui me retiennent à vos côtés, mademoiselle. Pas uniquement. » murmurai-je pour moi-même sans relever quant à mes éventuelles obligations. « Je suis effectivement Irlandais. J’ai vécu à Dublin la majeure partie de mon enfance quoique je sois né à Portrush. » admis-je en commençant à marcher à ses côtés.
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(✰) message posté Dim 12 Oct 2014 - 22:52 par Invité
Le hasard fait bien les choses
fergus & edlweiss
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Elle le trouva sur le coup un peu imprudent. Il faisait preuve d'une aisance de langage, et d'une verve naturelle proche de l'éloquence. A croire qu'il aimait déstabiliser ses interlocuteurs. S'il eut été séduisant, que son charme physique ce fut allié à ses piques, peut-être aurait-il réussi à la déstabiliser un peu. Et pourtant, il n'en était rien. Edelweiss avait cette arme bien pratique qu'est le voile noir, lui dissimulant les gestes et les tentatives les plus étranges, la rendant rarement ébranlable, ou impressionnable. « Je ne vous ai jamais incité à tracer mon portrait. Quant à ce qualificatif de « voleur » … Il n'est qu'image. Je ne peux qu'envisager votre portrait d'une manière abstraite et imparfaite. Vous avez une voix grave, presque suave. Votre parfum est typé, subtile … Il n'est pas bon marché. La façon dont vous marchez … Presque silencieuse, je dirais donc que vous savez vous tenir, vous devez dégager une certaine élégance et assurance naturelle. Alors je vous imaginais voleur des beaux yeux et des jeunes cœurs. C'est une pensée fictive, qui compense cette absence d'image physique. » répondit-elle avec simplicité. Il invoquait sa mère, comme si elle eut été une enfant en bas âge que l'on réprimande. Sur le coup cela la fit sourire. « Et la votre ne vous a jamais enseigné que sans aucunes prises de risques, on ne vit qu'à moitié et dans la peur de l'inconnu ? Je n'ai pas peur de vous, ni d'un autre. L'inconnu m'effraie autant qu'il me fascine. Quant à la trahison, l'orgueil, la déception, que sont-elles si ce n'est des souffrances humaines comme les autres ? » Une marque d'audace. Peut-être la prendrait-il pour une inconsciente. Mais c'était bien là la femme qui parlait, faite de chair, de sang, et d'expériences douloureuses. Tout comme lui probablement. « Ah oui ? Et qu'est-ce qui pourrait vous retenir, dans ce cas ? » osa t-elle lui demander. Elle comptait également peu d'amis. La plupart des gens se comportaient avec bienveillance à son égard car elle avait une personnalité à part. Mais elle sentait bien, parfois, une forme de gêne dans le timbre de ces interlocuteurs. Entre pitié et incertitude, ces malaises la rendaient elle-même parfois incertaine. « Pourquoi délaisser L'Irlande de votre enfance pour Londres ? » Et puis, une pensée la traversa. Son regard sembla s'élever le ciel pensivement, un sourire éclaira son visage. « Vous dites qu'il faut se méfier, mais pourtant … Vous répondez à mes questions simplement, alors qu'elles sont peut-être un peu personnelles. Ai-je donc l'air si peu malveillante que vous ne daignez même pas vous méfier un peu ? » Une marque d'ironie, qui attendait peu ou pas de réponse. Se permettait-elle un brin de taquinerie alors même qu'il ne s'était pas gêné pour lui envoyer une pique auparavant ? Peut-être bien.