"Fermeture" de London Calling
Après cinq années sur la toile, London Calling ferme ses portes. Toutes les infos par ici black russian night - tyler  2979874845 black russian night - tyler  1973890357
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black russian night - tyler

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() message posté Mer 3 Déc 2014 - 20:18 par Invité
BLACK RUSSIAN NIGHT
https://www.youtube.com/watch?v=TEB56tk7I88

Un Black Russian. Et c’est tout, j’ai dit, sans même lever les yeux. Je crevais de froid dans ce bar, si bien que mes doigts gelés s’enroulaient difficilement autour de mon stylo et que mon écriture, qui d’habitude n’était pas déjà fameuse, ne se résumait à présent qu’à des majuscules difformes suivies de vagues molles et vides de sens. Chaque fois qu’un client entrait, l’air glacé venait assommer tout l’ensemble de la pièce, jeunes gens comme vieux ivrognes, et étranglait le peu de chaleur que chacun avait réussi à conserver sur son siège. J’expirai par la bouche : buée. Le barman me posa un tumbler contenant trois glaçons devant le nez et y versa avarement vodka et liqueur de café, ce qui me fit me redresser et le toiser avec amertume. C’était peut-être ma vague impolitesse et l’insolence apparemment figée dans mes traits qui le faisaient agir comme ça. Après tout, c’est vrai que je ne le lui avais pas demandé particulièrement gentiment, ce Black Russian. Je le bus d’un trait et en redemandai un autre. Vous avez dit insolent ? Ah. Il rejoua sa petite scène mais cette fois-ci, je n’ai pas relevé. Cela a dû le vexer car il s’en est allé d’un pas lourd en marmonnant. Bon. En allant vers ce second Black Russian, je me repenchai sérieusement (ou presque) sur la copie devant mes yeux. Ce que Charles machin avait écrit de beau sur la fragmentation des personnages de roman français, et il me citait des trucs invraisemblables qui me firent froncer des sourcils, plisser des yeux, puis poser mon front au creux de ma main droite pour me reposer deux minutes. Je sentis l’alcool bouillonner dans mon estomac et embrumer mon esprit. C’est de ma faute, vous me direz, ce n’était pas un bon plan de boire et de travailler en même temps. Mais voyez-vous ce bar était plus près du King’s College que mon appart ne l’était et je savais pertinemment qu’à cet instant, je faisais mine de corriger la copie de ce fameux Charles machin pour me donner bonne conscience. Je ne voulais pas retourner chez moi, je n’aimais pas retourner chez moi directement après être sorti du King’s, parce que la lumière blafarde du soleil qui se couche avait le don de m’énerver : fallait-il allumer la lumière ou la laisser éteinte ? était-il 16h ou 18h ? pourquoi soudain suis-je si mélancolique, comme ces dimanches que l’on passe à ne rien faire jusqu’à le regretter et ressentir une profonde tristesse inexplicable lorsque la nuit tombe sur la ville ? ai-je vraiment faim ou suis-je seulement en train de mourir d’un ennui tel que la seule chose intéressante à faire serait d’ouvrir le frigo d’y constater l’absence presque navrante de nourriture parce que oui, on n’avait pas eu le temps de faire les courses, vu le nombre de questions que l’on se pose. Toutes ces raisons emmerdantes pour lesquelles j’avais décidé de ne pas rentrer chez moi et de travailler au bar, me menaient donc à mon second Black Russian que je sirotais tranquillement en pianotant sur la copie de Charles machin. Je venais de perdre dix minutes, rien que ça.

M’étirant et laissant les os de mon dos et de mes épaules se craquer un à un, je jetai un coup d’œil autour de moi, pour me changer les idées. Malgré le froid, ce bar était assez agréable. Les serveurs paressaient sympa et riaient avec les clients installés dans de gros fauteuils-club autour de tables basses recouvertes de verres (vides, pour la plupart). Le brouhaha et la musique finirent par me réchauffer un peu, si bien que j’ai enlevé mon écharpe et frotté mes mains l’une contre l’autre. « Désolée, on a un peu un problème de chauffage, mais on a réussi à le remettre en route y’a dix minutes ! ». Devant moi, une barmaid, les cheveux blonds tressés mollement à l’arrière et laissant échapper quelques mèches à droite et à gauche, de grands yeux noisettes ultra communs, quoique très rieurs, un visage rond, la cicatrice d’un bec-de-lièvre en-dessous d’un nez pointu et un peu relevé, un accent du nord. « Vous désirez quelque chose ? » Elle devait avoir dix ans de moins que moi. Je reposai mes mains sur la table et hochai la tête. Un autre Black Russian, j’ai dit, merci. Elle s’exécuta tandis que je sortis mon paquet de cigarettes et relus un morceau de la copie de Charles machin, mais je ne lisais pas les mots dans l’ordre et il n’y avait décidément pas assez de lumière. Je regardai l’heure : 23h12. Le crépuscule qui minaude était passé depuis longtemps. La barmaid me tendit un nouveau tumbler et j’esquissai un sourire faussement courtois tout en sortant de ma poche les quelques livres qui payaient mon ivresse de ce soir. Je fourrai le paquet de copies dans mon cartable et m’accoudai au bar, pensif.

Ayant fini mon verre et mon manteau étant déjà sur mes épaules, je glissai de mon siège et me dirigeai vers la sortie, trainant mon cartable du bout des doigts. Poussant la porte, je laissai une cigarette se faufiler jusqu’à mes lèvres et une fois dehors, je remis mon écharpe et mes gants de cuir. La rue était adjacente à une avenue animée, mais elle demeurait presque vide. J’avançai jusqu’au trottoir d’en face pour m’y asseoir – m’y laisser tomber, pardon. Vous savez ces moments où vous sentez que vous êtes au bout de votre vie … Ahh, un vrai plaisir. Affichant un sourire narquois, j’ai sorti un petit paquet d’allumettes et en craquai une, allumant ma clope, puis laissant le feu consumer le bois jusqu’à sentir la chaleur douloureuse au bout de mes doigts, même à travers mes gants. Et non, je n’ai pas regardé le ciel avec un scandaleux désir de me libérer de cet ennui, de ce prosaïsme terrestre, de toute cette vulgarité parce que franchement, un professeur d’université, ça ne s’assoit pas par terre dans la rue, ivre, en face d’un bar, voyons. Non, à l’inverse, j’ai regardé le sol entre mes pieds, j’ai regardé le caniveau et la saleté du pavé londonien en expulsant le tabac par le nez et grillant furieusement ma cigarette comme le ferait un personnage de roman.
Dieu que j’étais fragmenté.
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() message posté Lun 8 Déc 2014 - 1:46 par Invité
J’étais loin. Très loin. Trop loin du quartier dans lequel j’habitais et cela me faisait particulièrement chier pour la simple et bonne raison qu’il était déjà un peu plus de onze heures du soir passées et que, le temps du trajet jusque chez moi, minuit aura sans le moindre doute sonné ses douze coups. Et si cette remarque semblait quelque peu pathétique venant d’un jeune homme qui allait bientôt fêter ses vingt-sept ans et dont la vie nocturne avait encore de beaux jours devant elle, je rappellerais simplement que j’étais difficilement supportable – encore moins que d’habitude, ce qui signifiait beaucoup – lorsque je n’avais pas mes huit heures de sommeil et que je n’étais pas exempté du travail qui m’attendait demain, malgré le fait que ce soit la faute d’un rendez-vous professionnel si je rentrais aussi tard ce soir. Mon patron m’avait gentiment demandé d’aller dîner avec un client important afin de le convaincre de signer un contrat avec notre boîte – comprenez qu’il m’en avait donné l’ordre – et, si je m’étais demandé pourquoi il m’avait choisi pour effectuer ce genre d’affaires – bien que je savais être l’employé le plus performant de l’entreprise, je n’étais pas le plus sociable et mon supérieur le savait très bien –, il ne m’avait pas fallu longtemps pour le comprendre. Dès que je vis le restaurant chic et romantique dans lequel nous devions dîner, à vrai dire. Mon patron – parfaitement au courant de mes préférences sexuelles – s’était donc servi de moi pour séduire notre client qui était l’un de ces homosexuels stéréotypés dont j’avais tellement horreur. Et en bon employé obéissant que j’étais (cet adjectif ne m’allait finalement vraiment pas…), j’avais donc usé de mes charmes – que j’utilisais habituellement afin de mettre des beaux mecs dans mon lit – tout au long de ce dîner à l’ambiance beaucoup trop bourgeoise à mon goût dans le seul but d’acquérir une petite signature en bas d’un important contrat. L’homme aurait d’ailleurs bien voulu obtenir de moi beaucoup plus qu’un simple gribouillis sur un morceau de papier, mais je lui avais clairement fait comprendre que je n’étais pas du genre à mélanger ma vie sexuelle et ma vie professionnelle – un choix qu’il respecta finalement, malgré la déception (parfaitement compréhensible) que l’on pouvait voir sur son visage. Et puis, je n’avais rien d’un gérontophile…

Habillé de mon costard le plus chic que je sortais tellement peu de mon armoire qu’il m’était difficile de me souvenir de la dernière fois que je l’avais porté, je marchais tranquillement dans les rues de moins en moins fréquentées du quartier de Hampstead, tout en fouillant dans une des poches de ma veste à la recherche du paquet de cigarettes que je m’étais acheté avant d’aller dîner. Une fois celui-ci trouvé, j’en sortis une clope que je portai directement à mes lèvres et je plongeai de nouveau mes mains dans mes poches à la recherche cette fois d’un briquet. Je me rendis malheureusement compte que je n’en avais pas pris et j’étais en train de jurer dans mon absence de barbe lorsque je vis cet homme assis sur le trottoir de cette rue désertée par la foule, une cigarette allumée au bec. Je m’approchai donc de lui dans le but évident de lui demander du feu, une technique de drague depuis longtemps épuisée, mais je n’étais de toute façon pas là pour cela – bien que je ne disais jamais non à un beau garçon comme ce dernier semblait l’être. Et puis, si cela débouchait réellement sur quelque chose, mon trajet jusque dans les hauteurs de Londres n’aura pas été vain.

- Vous auriez du feu, s’il vous plait ? demandai-je alors, tout en m’asseyant à ses côtés sur le trottoir glacé. Vous êtes perdu ou bourré ? Ou les deux ? fis-je ensuite en tirant sur ma cigarette à présent allumée.
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() message posté Lun 8 Déc 2014 - 23:34 par Invité
Ma cigarette pendant au bout de mes lèvres, j’ai craqué une allumette dans le vide, recroquevillé sur moi-même. La tête posée sur les genoux, j’ai observé la flamme grandir, avaler le bois, j’ai même eu un élan de peur lorsqu’elle a rétréci, à mi-chemin entre son origine et le cuir de mon gant, si bien que je l’ai protégée de mes mains pour qu’elle renaisse. Vous n’imaginez pas le nombre de choses que l’on peut faire parce que l’on n’a pas envie de rentrer chez soi. Vous n’imaginez pas. Tirant sur ma cigarette mais ne la reprenant pas entre mes doigts pour recracher la fumée, j’entendis des pas se rapprocher de moi. Je devinai du coin de l’œil une silhouette masculine, chic, et définitivement décidée à m’adresser la parole.

« Vous auriez du feu s’il vous plait ? »

Ahah. Non, pas de feu. Une clope au bec et jouant comme un pauvre gamin avec des allumettes, mais non, pas de feu. J’ai levé des yeux écarquillés vers lui, un sourire amusé sur les lèvres. Bon, très bien, du feu pour toi, parce que t’es chic et que tu sais nouer tes cravates. Et je lui ai tendu mon paquet d’allumettes entre mon index et mon majeur. Il le saisit, j’entendis les éternels craquement et grésillement de la flamme – probablement le bruit que j’entendais le plus au monde, je n’étais pas vraiment un gars à briquet et mon appart était jonché de cadavres d’allumettes, surtout en période de correction de partiels. L’homme s’assit à mes côtés et s’adressa à moi : « Vous êtes perdu ou bourré ? Ou les deux ? » Je laissai échapper un ricanement navrant. Le gars aurait pu écrire ma définition dans le dictionnaire tellement cela reflétait mon état. Réfléchis réfléchis réfléchis, où es-tu ? Ma tête était vide, dans mon crâne se dessinait simplement les traits de la jeune barmaid me servant mon troisième verre. Trois verres, c’est peu, direz-vous. Retentez : trois verres, bus chacun d’un trait à cinq minutes d’intervalle, avec l’estomac vide. Et encore, je n’en étais qu’au stade tranquille du ralentissement des neurones et de la joyeuse ivresse. Tout allait me faire rire ce soir. Dieu du ciel.

« Ça se voit tant que ça ?! », ai-je dit, posant mes yeux brillants sur lui. L’accentuation des dernières syllabes marquant le ralentissement des neurones, le sourire ponctuant ma phrase la joyeuse ivresse. « Bourré, très certainement. Perdu … » Deux secondes. Réfléchis réfléchis réfléchis. J’étais sorti du King’s, je ne voulais pas rentrer chez moi (très Holden Caulfield toute cette histoire) alors je m’étais dirigé vers … le nord. « On est à Hampstead non ? Enfin ça reste super loin de chez moi. » Et voilà que je commençais à raconter ma vie à un inconnu.

Et quel inconnu d’ailleurs ? Chic, donc, cet inconnu. Il portait un costard cravate impec mais dans lequel il avait l’air d’étouffer, un peu – ou peut-être que je l’imaginais comme ça. Ses cheveux étaient bruns, ou peut-être châtains, un peu plus courts que les miens, mais également bouclés. Je ne distinguais pas la couleur de ses yeux dans la nuit, mais il fallait sûrement préciser quelque part, ou juste pour moi-même peut-être, que c’était un bel homme, cela le résumait assez bien. Lui aussi avait le droit à une définition dans ce merveilleux dictionnaire des allures, à cela près que je n’allais pas lui dire. C’était un inconnu, tout de même. Chic, beau, sympa peut-être, mais inconnu. « Vous êtes super chic, ça m’embête de rencontrer quelqu’un de chic dans un état pareil … » Belle manœuvre pour garder mes pensées dans ma tête, très franchement.  Et puis deux fois l’adverbe super en deux phrases, et la répétition du mot chic, c’était surtout ça qui me décrédibilisait totalement. Moi qui était si sérieux, si froid, si professionnel, moi qui chaque jour devait donner l’exemple à tout un amphi d’élèves ! J’esquissai un nouveau sourire, très moqueur cette fois, pour lui indiquer que oui, il était très chic, mais que franchement je m’en fichai bien d’avoir l’air à côté de la plaque. Encore une fois, vous n’imaginez pas le nombre de choses que l’on peut faire parce que l’on n’a pas envie de rentrer chez soi. Cela incluait craquer des allumettes assis sur le bord d’un trottoir et parler à les inconnus alors que l’on devrait s’en abstenir, rentrer chez soi et se coucher. Mais il n’était même pas minuit, n’allez pas me dire que je n’avais pas le temps de faire une belle rencontre.  

Je lui ai tendu la main sans le regarder – mes yeux étaient rivés sur ma cigarette presque entièrement consumée et consommée. « Thomas. » Mes doigts propulsèrent le mégot un peu plus loin dans la rue et celui-ci laissa échapper une pluie d’étincelles lors de l’impact avec le pavé. « Eh bien alors, qu’est-ce qui vous amène sur ce trottoir si tard ? » m’enquis-je, une pointe d’ironie dans la voix. Ma tête était à présent tournée vers lui et je le fixai du regard de la rencontre nocturne anodine. Oh si, vous voyez très bien de quel regard je veux parler. En plus de cela, mon ivresse me rendait irrésistiblement navrant. Ah, non. Stop les définitions d’allures.
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() message posté Mar 16 Déc 2014 - 0:34 par Invité
J’étais donc en train d’errer dans les rues quelque peu désertées du quartier de Hampstead après ce dîner professionnel un peu spécial en compagnie d’un client de ma boîte beaucoup trop joyeux à mon goût et qui n’avait pas hésité à me faire du rentre-dedans toute la soirée – ce qui m’avait franchement ennuyé… Je n’étais pas contre l’idée que l’on me drague, mais j’avais littéralement horreur que l’on me force la main… Et c’était limite ce que ce pervers avait fait tout le temps qu’avait duré le dîner. En tout cas, il allait vraiment falloir que j’aie une discussion sérieuse avec mon patron concernant les limites de mon contrat parce que j’avais beau avoir une vie sexuelle plutôt débridée – et ce n’était pas peu dire… –, je n’en étais pas non plus à jouer les putes…

Une cigarette à la bouche, mais malheureusement aucun briquet pour l’allumer, je décidai alors de demander du feu aux personnes pouvant croiser ma route – ce qui était presque mission impossible à cette heure avancée de la soirée et dans un endroit aussi désert que celui où je me trouvais… Mais le destin faisant parfois bien les choses – c’était rare, mais ce n’était pas impossible –, je repérai la silhouette d’un homme avec justement une cigarette allumée entre les lèvres, et bien que je n’avais aucune idée de la raison pour laquelle il se trouvait en ce moment assis au bord du trottoir (sûrement trop saoul pour se soucier du fait qu’il était dangereusement proche de la route), je m’approchai dans le but de lui demander quelque chose pour allumer ma propre cigarette. Il me tendit alors sa petite boîte d’allumettes et j’en craquai une afin de mettre le feu au bout de ce petit rouleau de tabac, enveloppé dans du papier fin. Je m’installai ensuite à ses côtés, tout en tirant ma cigarette dans un petit soupir de contentement.

- Ça se voit tant que ça ?! s’exclama-t-il après que je lui aie demandé s’il était perdu ou bourré (ou les deux) – après tout, aucune personne totalement maître de ses émotions n’aurait eu l’idée de s’assoir sur le rebord d’un trottoir d’une rue ouverte à la circulation… Bourré, très certainement. Perdu… Il se mit à réfléchir un instant, avant de finalement répondre : On est à Hampstead non ? Enfin ça reste super loin de chez moi.

- Et de chez moi, renchéris-je dans un souffle à la senteur de nicotine, ce qui était plus un commentaire que je me faisais à moi-même que réellement destiné au jeune homme.

- Vous êtes super chic, ça m’embête de rencontrer quelqu’un de chic dans un état pareil… me fit-il ensuite remarquer, avant d’étirer ses lèvres dans un sourire qui semblait quelque peu moqueur. Cela me donna d’ailleurs l’impression que son compliment n’était en fait qu’une remarque déguisée pour me faire réaliser le ridicule de ma tenue qui contrastait fortement avec le quartier alentour.

- Je vous rassure, il n’y a que la tenue qui soit chic… précisai-je avec une pointe d’humour dans la voix, et le petit sourire qui allait avec. Après tout, contrairement à ce que pourrait penser beaucoup de gens, je ne prenais pas forcément la mouche à chaque remarque négative que l’on pouvait me faire. C’était peut-être étonnant, mais j’avais aussi un sens de l’humour – pas toujours apprécié par mes pairs, cela dit, mais peu m’importait.

- Thomas, se présenta-t-il alors en me tendant une main dans le but évident que je la lui serre – bien qu’il semblait beaucoup plus occupé à jeter son mégot plutôt qu’à voir si j’étais réceptif ou non à cette main tendue.

- T.J., me présentai-je à mon tour, me servant de ce surnom que j’utilisais tout le temps lors de présentations diverses. Non pas que je n’aimais pas mon prénom, mais je préférais tout de même que les gens m’appellent par mon surnom – ce qui avait tendance à fonctionner de plus en plus rarement, ces derniers prenant la liberté de me nommer par mon véritable prénom… Bien évidemment, je n’oubliai pas de serrer cette main que Thomas me tendait car, cela ne se remarquait peut-être pas, mais j’étais quelqu’un de poli.

- Eh bien alors, qu’est-ce qui vous amène sur ce trottoir si tard ?

- Je pourrais vous poser la même question, mais je crois que j’ai déjà ma réponse, dis-je sur un ton amusé, tout en mimant une bouteille ou un verre dont on ingurgite le contenu – pour bien sûr insinuer qu’il était complètement saoul. Mon patron m’a envoyé séduire un client afin que celui-ci signe avec notre boîte, expliquai-je alors mon cas. Et non, la boîte en question n’est pas lié à la prostitution, précisai-je juste au cas où, car ce genre de propos pourrait facilement être mal interprétés… Même si ça ne me gêne pas particulièrement que l’on me considère comme un gigolo… Seulement... si j’étais payé à chaque fois que je m’envoyais en l’air avec un inconnu, je serais millionnaire à l’heure qu’il est ! Une autre cigarette ? lui proposai-je finalement, en lui tendant mon paquet à peine entamé.
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() message posté Mer 17 Déc 2014 - 16:41 par Invité
« Et de chez moi. »

Je posai sur lui un regard quelque peu navré. Je n’étais pas la seule âme en peine à traîner sur un trottoir du nord de Londres. Après tout, il s’était assis. Il aurait pu continuer son chemin, mais non, il n’avait pas hésité à s’asseoir. Il avait l’air d’être agacé par le fait d’être si loin de chez lui, mais à côté de ça, je sentis qu’il n’avait pas envie de faire le trajet de retour. Du moins pas tout de suite. Il était tout de même tombé sur le sacré numéro que j’étais. Il contrastait avec ce qui se trouvait autour de lui : il n’était pas à sa place, mais il s’en moquait. Après tout, étais-je à la mienne ? Dans mon altruisme profond, je me disais que personne n’avait sa place sur le bord d’un trottoir. Peuple, lève-toi et sillonne les pavés plutôt que de traîner dessus. Je te tends ma main froide et lourde, ne te brûle pas avec ma cigarette.

« Je vous rassure, il n’y a que la tenue qui soit chic … » J’ai ri. Eh bien, c’était donc ça. Il fallait le brûler ce costume, pour en finir avec ces apparences idiotes et dogmatiques. Je me suis regardé : je n’étais pas franchement beau à voir, moi, par contre. Mes gants s’usaient à force de m’amuser avec le feu. Je ne m’étais pas rasé depuis une semaine, ce qui accentuait considérablement mon âge – sans pour autant dire que cela me vieillissait. Le bout de ma cravate trainait sur le sol, si bien que je me redressai pour ne pas aggraver la situation, et peut-être aussi retrouver une certaine forme de contenance. Il était drôle, mon voisin. Il n’avait l’air de vouloir se prendre la tête alors il assumait sa véritable nature. Chacun avait ses solutions pour esquiver la gêne et l’humour auto-dérisoire en était une. Etait-ce vraiment auto-dérisoire, d’ailleurs ? Je doutai à cet instant de la volonté de ce jeune homme : désirait-il me prévenir qu’il n’était pas aussi immaculé que sa chemise, histoire que je ne sois pas surpris par la suite, ou bien le préciser pour signifier que les codes vestimentaires et la morale, il s’en foutait un peu ? Je suis au-dessus de ça, je m’assois sur le trottoir et je me moque de mon costume parce que, devinez quoi ? Je peux le faire.

Il se présenta à son tour, en me serrant la main que je lui avais tendu : « T.J. » Même son nom lui donnait cette allure marginale, bon Dieu, que foutait-il dans un costume pareil ?! Je ne pris même pas la peine de lui demander son véritable prénom, cela ne m’intéressait pas. C’était lui qui décidait de comment il se présentait – tout comme j’aurais pu lui dire que je m’appelais Tom, très familier, ou bien rajouter à la suite mon nom de famille de quatre syllabes, histoire de faire semblant d’être sérieux deux minutes. Et lui, c’était T.J. J’ai eu envie de lui dire malicieusement « jolies initiales » à défaut de pouvoir le complimenter sur son prénom, mais pour une raison qui restera inconnue, je m’en abstins. Je me contentai de lui sourire, un sourire charmant, mais pas charmeur, le sourire de quelqu’un manifestement content de ne plus être assis tout seul.

« Je pourrais vous poser la même question, mais je crois que j’ai déjà ma réponse. » me répondit-il alors en mimant l’ivrogne du coin du bar. Mon sourire se transforma en rire : eh oui, moi aussi j’étais capable d’autodérision et d’humour. Je mis mon poing sur mon cœur en prenant un air faussement vexé : « Vous me blessez profondément dans mon amour-propre, T.J. Je doute pouvoir tomber plus bas après une telle remarque. » Puis mon regard noisette récupéra sa lueur malicieuse – quoique celle-ci ne l’avait pas vraiment quitté. L’ivresse était devenue agréable, après avoir été lourde à supporter durant quelques longues minutes. « Mon patron m’a envoyé séduire un client afin que celui-ci signe avec notre boîte. Et non, la boîte en question n’est pas liée à la prostitution. » Je haussai les sourcils d’un air se voulant innocent – en apparence – mais surtout très amusé. Il n’hésitait pas, et c’était quelque chose que j’appréciais chez les gens. L’assurance était gage de qualité. « Même si ça ne me gêne pas particulièrement qu’on me considère comme un gigolo … Seulement … si j’étais payé à chaque fois que je m’envoyais en l’air avec un inconnu, je serais millionnaire à l’heure qu’il est ! Une autre cigarette ? » Oui, dieu du ciel, une autre cigarette ! Je glissai mes doigts dans le paquet et en retirait une que je vins allumer au coin de ma bouche. Le remerciant, je lui répondis : « Eh bien, vous prenez toute cette histoire avec beaucoup d’humour je trouve ! Vous avez été utilisé, tout de même ! Et pas de la manière la plus chic. » Le comique de répétition c’était mon truc quand j’étais ivre. Histoire de montrer que malgré tout, je suivais parfaitement le fil de la conversation. Eh quoi, il s’attendait à ce que je lui dise que moi aussi, je serais millionnaire, à force d’enchaîner les aventures avec n’importe qui ? L’espace d’un instant, j’eus d’ailleurs envie de le dire, mais mon sourire laissa apparaître mes dents blanches, ce qui lui montra, sans un mot que je comprenais tout à fait sa situation. En vérité, lui répondre quelque chose du genre aurait été le draguer, d’une certaine manière, et il avait l’air fatigué d’avoir joué le jeu toute la soirée avec ce fameux client, donc je ne m’aventurai pas dans ces eaux-là. J’avais trouvé LE gars dans tout Londres qui s’était assis à mes côtés pour me sortir de mon ennui et de mon ébriété, je n’allais pas l’agacer en plus. Je vous l’ai dit, je suis un altruiste au fond. Le bonheur et la bienséance des autres passent avant les miens.

« Bon, alors, si vous êtes pas dans la prostitution, vous faites quoi ? »

Surprends-moi, T.J.
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() message posté Mer 24 Déc 2014 - 17:25 par Invité
Le jeune homme – qui ne semblait plus si jeune, à vrai dire, mais peut-être était-ce tout simplement cette barbe de plus de trois jours qu’il laissait pousser qui le vieillissait (cela étant généralement le cas de tout homme qui décidait d’opter pour une pilosité faciale) – éclata littéralement de rire à l’allusion pas du tout subtile que je venais de faire sur son possible état d’ébriété. Et cela me fit franchement plaisir de remarquer que certaines personnes étaient encore capables de comprendre mon humour – même avec un coup dans le nez –, ce qui n’arrivait que très rarement, les gens ne faisant habituellement que s’offusquer dès que j’avais le malheur d’ouvrir la bouche. Thomas – puisque c’était son prénom – s’amusa même à entrer dans mon petit jeu en arborant une mine faussement vexée par le sous-entendu que j’avais osé émettre quant à sa probable ivresse.

- Vous me blessez profondément dans mon amour-propre, T.J, répondit-il alors, tout en prenant un air théâtralement offensé – ce type devrait d’ailleurs peut-être sérieusement penser à faire du théâtre (si ce n’était pas déjà fait). Je doute pouvoir tomber plus bas après une telle remarque.

J’éclatai à mon tour de rire, trouvant ce commentaire particulièrement drôle. Puis, je lui expliquai presque en détail les raisons de ma présence dans ce quartier éloigné de celui dans lequel j’habitais et, plus précisément, sur ce trottoir d’une rue pratiquement déserte à ses côtés. Le fait que mon patron m’avait légèrement pris pour une prostituée – bien que la vie de débauche que je menais pouvait laisser sous-entendre que j’en étais une, sauf que je ne faisais jamais payer les hommes avec qui je couchais, là était toute la différence –, mais que non, la boîte pour laquelle je travaillais n’étais lié ni de loin, ni de près à une maison close. J’avais cru important de préciser ce détail afin que Thomas ne se fasse pas de mauvaises idées – bien que, pour être tout à fait honnête, je me fichais royalement de ce que cet inconnu pouvait bien penser de moi, tout comme je ne me souciais absolument pas de l’opinion que les gens, faisant partie de mon entourage, pouvaient avoir sur moi.

- Eh bien, vous prenez toute cette histoire avec beaucoup d’humour je trouve ! s’étonna l’homme qui avait accepté l’une de mes cigarettes avec un enthousiasme non feint. Vous avez été utilisé, tout de même ! Et pas de la manière la plus chic.

- Boh, vous savez… Je manipule moi-même les autres, alors ça serait quelque peu hypocrite de ma part de me plaindre lorsque c’est moi qui le suit. Vous ne trouvez pas ? fis-je, tout en tournant la tête vers lui comme si j’attendais réellement à ce qu’il réponde à cette question que je venais de lui poser – ce qui n’était pas vraiment le cas puisque je n’avais pas besoin que l’on confirme mes propos.

- Bon, alors, si vous êtes pas dans la prostitution, vous faites quoi ? s’intéressa-t-il alors, sa curiosité piquée.

- Je suis développeur informatique. C’est moins passionnant que prostitué, je vous l’accorde, plaisantai-je ensuite après avoir laissé planer un léger silence à l’annonce de mon véritable métier. Et vous ? lui retournai-je la question, plus par politesse que par réel intérêt. Laissez-moi deviner : vous êtes inspecteur de l’hygiène et vous écumez les bars à la recherche de la moindre saleté. Mais au lieu d’inspecter les cuisines, vous vérifiez que l’alcool servi est de bonne qualité. D’où votre état ce soir, fis-je avec un petit rire, sachant parfaitement que j’étais sans le moindre doute totalement à côté de la plaque.
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() message posté Ven 26 Déc 2014 - 22:21 par Invité
« Boh, vous savez … Je manipule moi-même les autres, alors ça serait quelque peu hypocrite de ma part de me plaindre lorsque c’est moi qui le suis. Vous ne trouvez pas ? » Certes, il marquait un point. C’était agréable de discuter avec quelqu’un qui reconnaissait ses torts. L’important, c’était ça, au fond. Utiliser ses défauts comme des qualités, ou au moins en rire assez pour qu’ils dérangent moins. Un manipulateur, tiens-donc. Il se cachait bien derrière son costume, après tout. Eh quoique, il ne se cachait pas vraiment. Depuis tout à l’heure, il n’avait fait que me montrer ce qu’il y avait au-delà du fameux costume. Il m’avait prévenu, après tout, qu’il n’était pas quelqu’un de chic. Mais c’était mieux ainsi. Les gens chics, ça m’ennuyait. Les gens chics, ils étaient vides. Mais attention, on peut être bien habillé sans pour autant être chic. Je n’étais pas ironique pour rien avec T.J. Le gars n’était pas chic, il était bien plus que ça, il était drôle et étalait sa personnalité sur un trottoir à côté d’un type que l’ivresse rendait sociable. Pour être chic, il fallait être quelqu’un de sympa, quelqu’un de généreux, quelqu’un qu’on a hâte de présenter à ses parents avant le mariage. Visiblement, ni T.J ni moi n’étions ce genre de personne. Après tout, nous étions bien assis au-dessus d’un caniveau et nous parlions bien de prostitution et de manipulation. Impossible de tenir une conversation avec des gens chics sur de tels sujets. Nous étions si vulgaires. « Un débauché manipulateur. Je n’aurais pas pu tomber sur meilleure compagnie à cette heure. » ai-je soufflé d’une voix rieuse, retraçant des yeux le contour de la porte menant au bar où j’avais vendu ma sobriété pour une poignée de livres. Il était peut-être trop chic pour être un prostitué mais il avait bien l’allure du débauché qu’il prétendait être. Peut-être que c’était sa franchise et sa présence d’esprit qui me menaient à le croire sur parole, ou juste que simplement, je l’appréciais et qu’il était tout à fait crédible.  

« Je suis développeur informatique. C’est moins passionnant que prostitué, je vous l’accorde. » me répondit-il, blagueur. J’ai ouvert grand les yeux et je les ai tournés vers lui, une admiration  teintée d’ironie – mais également réelle, tout de même – dans le fond de mes pupilles. Pas passionnant ? Déconne pas. « Sérieux ? Non, attendez, quelqu’un qui se débrouille avec un ordi de nos jours, ça vaut de l’or. Vous êtes bien moins prévisible qu’un prostitué et si vous le vouliez, vous pourriez tout savoir sur n’importe qui. » Bon. Peut-être pas. Mais j’aimais bien l’idée que n’importe quel gars qui bosse dans l’informatique sait hacker l’ordi du premier venu et s’immiscer dans sa vie privée. Si ça se trouvait, T.J n’y connaissait rien en piratage automatique, mais je m’en moquais un peu. Je voulais redorer son blason. « Dingue. J’aurais jamais cru dire un jour qu’un informaticien est plus passionnant qu’un prostitué mais faut se rendre à l’évidence, c’est le cas. » ai-je ajouté, amusé. Et, en vérité, je le pensais vraiment. Prenez par exemple un héros de roman : s’il ou elle est prostitué(e), oui, on peut en faire un personnage très complexe et très intéressant, mais n’est-ce pas un peu revisité, comme sujet ? Et c’est très attirant comme figure, mais très ambivalent : le prostitué va être un personnage dont le centre de gravité est le sexe, mais ce sera une telle habitude qu’il va s’en détacher complètement et en faire une chose banale. Quoi ? Le sexe, quelque chose de banal ? Mais tout, tout dans notre société parle de sexe, c’est tout bonnement impossible. Et bim, voilà comment remettre en question tout un fondement du monde humain. A l’inverse, faites de votre personnage un informaticien. Encore mieux, pour lui donner une allure un peu mystérieuse et marginale, un pirate informatique. Quelqu’un qui se glisse dans l’intimité des gens et qui les contrôle sans même qu’ils s’en rendent compte. Wilde disait que, dans notre monde, tout était une histoire de sexe, excepté le sexe lui-même, car le sexe, c’était une histoire de pouvoir. Et cette citation parlait d’elle-même. L’informaticien mariait subtilement sexe et pouvoir, lui. Vous me poseriez la question, je lirais le livre qui parle de lui sans hésitation, et laisserait moisir celui sur le prostitué au fond de la bibliothèque.

« Et vous ? » s’enquit-il poliment. « Laissez-vous deviner : vous êtes inspecteur de l’hygiène et vous écumez les bars à la recherche de la moindre saleté. Mais au lieu d’inspecter les cuisines, vous vérifiez que l’alcool servi est de bonne qualité. D’où votre état ce soir. » Je l’accompagnai dans son rire. Quel plaisantin, alors, celui-là ! Un sourire aux lèvres, je dis : « Wow, vous m’avez démasqué. Vous être sacrément fort. » Je laissai ma cigarette pendue à mes doigts et réfléchis un quart de seconde avant d’enchaîner : « Non mais en vrai, c’est une bonne idée de métier que vous avez-là. Ça me ferait presque regretter mon choix de carrière et mes huit ans d’études. » Et puis, redevenant presque sérieux – non, je blague, impossible : « Je suis prof de litté française à la fac. J’en viens d’ailleurs, de la fac, je me suis perdu en chemin et j’ai atterri ici, je crois. Ouais, pas vraiment l’image professionnelle de l’enseignant, ce modèle ultime, mais que voulez-vous, j’assume autant que vous. » J’ai glissé ma cigarette entre mes lèvres avant de poursuivre : « Ah, oui, désolé, ya pas d’histoire de prostitué dans mon métier. Je suis le moins passionnant de tous, on dirait. La débauche, je dois l’inventer moi-même. ». Et j’ai fait un geste ample de la main en me désignant. Moi, mon trottoir, ma clope, ma barbe de trois jours, mon odeur de tabac froid et mon alcool dans le sang. Tout un personnage.
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() message posté Mer 31 Déc 2014 - 17:52 par Invité
- Un débauché manipulateur. Je n’aurais pas pu tomber sur meilleure compagnie à cette heure, s’enjoua-t-il presque avec un air rieur. Et si une rencontre quelque peu hasardeuse en pleine nuit dans un quartier de Londres qui ne m’était franchement pas familier aurait d’habitude pu m’ennuyer au plus haut point – après tout, j’étais loin d’être quelqu’un de très sociable (ce n’était pas peu dire…) –, j’appréciai sincèrement la compagnie de cet homme que je n’avais pourtant jamais croisé auparavant, aimant non seulement beaucoup son humour, mais adorant surtout le fait qu’il comprenait parfaitement le mien – contrairement à d’autres qui ne m’appréciaient tout simplement pas… Donc l’envie de rentrer à tout prix chez moi – à environ une demi-heure en métro d’ici – se fit finalement moins pressante et nous commençâmes alors à échanger des banalités telles que demander à chacun la profession qu’exerçait l’autre. Et si j’avais toujours pensé que le métier que je pratiquais était des plus ennuyeux, je commençai sérieusement à me demander si je ne m’étais pas trompé toutes ces années au vu de la réaction pour le moins enthousiasme de Thomas. Sérieux ? Non, attendez, quelqu’un qui se débrouille avec un ordi de nos jours, ça vaut de l’or. Vous êtes bien moins prévisible qu’un prostitué et si vous le vouliez, vous pourriez tout savoir sur n’importe qui. Dingue. J’aurais jamais cru dire un jour qu’un informaticien est plus passionnant qu’un prostitué mais faut se rendre à l’évidence, c’est le cas, résuma-t-il avec un amusement non feint. Et quand ce fut mon tour de lui poser la question, je m’amusai alors à imaginer ce que cet inconnu – que j’apprenais à connaître assis sur un trottoir du quartier de Hampstead en pleine nuit – faisait pour gagner sa vie. Et mon imagination était beaucoup trop fantasque pour être ne serait-ce qu’un tout petit peu proche de la vérité. Wow, vous m’avez démasqué. Vous être sacrément fort, entra-t-il de nouveau dans mon jeu, ce qui ne fit qu’augmenter l’estime que je pouvais déjà avoir pour lui. Non mais en vrai, c’est une bonne idée de métier que vous avez-là. Ça me ferait presque regretter mon choix de carrière et mes huit ans d’études.

- Huit ans ! m’exclamai-je alors, totalement effaré par la longueur de ses études. Je n’en ai fait que quatre et je trouve que c’est déjà bien assez. Je gardais pourtant un bon souvenir de ces années universitaires durant lesquelles j’avais même rencontré mon meilleur ami, mais à choisir entre passer ses soirées à réviser en période d’examen et à se serrer la ceinture pour pouvoir payer son loyer et glandouiller tous les soirs en rentrant du boulot et avoir un salaire plus que convenable nous permettant de louer un grand appartement dans Londres même, le choix était vite fait.

- Je suis prof de litté française à la fac, m’avoua-t-il enfin, ce qui me fit réagir à peu près exactement comme il avait pu le faire lorsque je lui avais révélé ma profession. J’en viens d’ailleurs, de la fac, je me suis perdu en chemin et j’ai atterri ici, je crois. Ouais, pas vraiment l’image professionnelle de l’enseignant, ce modèle ultime, mais que voulez-vous, j’assume autant que vous. Ah, oui, désolé, y’a pas d’histoire de prostitué dans mon métier, ajouta-t-il pour continuer sur le thème de la prostitution. Je suis le moins passionnant de tous, on dirait. La débauche, je dois l’inventer moi-même.

- Vous déconnez ! m’insurgeai-je alors contre ses paroles peu valorisantes. Vous avez la chance d’enseigner à la fac ! C’est-à-dire que vous pouvez coucher avec vos élèves sans même que l’on vous accuse d’atteinte sexuel sur mineurs – puisqu’ils doivent normalement être tous majeurs. Et puis, vous devez avoir de sacrées perles dans le lot. Moi, je n’ai droit qu’à des geeks tellement asociaux qu’ils font l’amour à leur ordinateur… Et je tirai une bouffée de nicotine en secouant légèrement la tête d’un air désespéré alors que je revoyais certains de mes collègues qui étaient le stéréotype parfait du geek imaginé par notre société. Et puis, au moins, chez vous, ils sont jeunes…
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() message posté Ven 2 Jan 2015 - 12:49 par Invité
« Huit ans ! » Je tournai la tête vers lui : eh oui, comme quoi, ça ne se voyait pas au premier coup d’œil, mais c’était bien le cas. Misère … « Je n’en ai fait que quatre et je trouve que c’est déjà bien assez. » Un sourire étira mes lèvres. C’était vrai que huit ans, ça faisait de l’effet, et son enthousiasme me redonna un peu de contenance. Mais il y avait une raison très simple à ce parcours si long et en apparence si élitiste que j’avais réalisé : j’avais toujours aimé faire des études. Lorsque j’allais prendre ma retraite – si je ne mourrais pas avant – je n’allais pas hésiter à retourner à la fac pour apprendre quelque chose de nouveau, comme une langue étrangère atypique ou l’art de la sculpture. Ou même le développement informatique, après tout, d’ici-là, j’aurais peut-être nourri un intérêt tout particulier pour la technologie – et cet intérêt, T.J pouvait en être le point de départ. Le voile qui planait sur ma personne se dissipait donc, peu à peu. Thomas, PhD, sillonne les trottoirs en hiver, se trouve toujours bien trop loin de chez lui, compagnon de débauche et interlocuteur réactif et avisé – même par temps de pluie. Bonjour. Ravi de vous rencontrer.

« Vous déconnez ! » Je sursautai sur le coup de la surprise. Allez, ce soir, on se lançait mutuellement des fleurs, parce qu’on en avait marre de ne recevoir que des factures et des extrémistes aux prochaines élections. « Vous avez la chance d’enseigner à la fac ! C’est-à-dire que vous pouvez coucher avec vos élèves sans même que l’on vous accuse d’atteinte sexuelle sur mineurs – puisqu’ils doivent normalement être tous majeurs. Et puis, vous devez avoir de sacrées perles dans le lot. Moi, je n’ai droit qu’à des geeks tellement asociaux qu’ils font l’amour à leur ordinateur … » Son désespoir me toucha – ah, l’alcool qui fait des amis était bien probablement le meilleur au monde. Il avait l’air vraiment perdu en me disant ça. Un débauché résigné – dieu du ciel, ça, c’était vraiment triste. Un chasseur dans une lande déserte. Une victime de la société stéréotypée, comme s’ils s’étaient tous passés le mot pour faire de sa vie une frustration sexuelle permanente. « Oooh … Bah venez à mes cours, tout le monde peut rentrer. La fac, c’est open-bar, et c’est mieux que les boîtes pour draguer, parce que tout est dans la subtilité intellectuelle, m’voyez ? Dès que vous en savez un peu plus que les autres sur un sujet, c’est un jeu d’enfant. » J’avais accentué sur les mots subtilité intellectuelle pour paraître un peu plus crédible – la crédibilité du PhD combattait celle de l’ivresse, et quel combat intérieur captivant, vous n’aviez pas idée. Je parlais en connaissance de cause : c’était facile, surtout en tant que prof, d’attirer l’attention. C’était mon métier, bordel, j’étais forcé d’être bon et d’avoir du charisme. Être prof, c’était être narcissique, un jour ou l’autre. Pas forcément volontairement, d’ailleurs, imaginez juste deux secondes que des centaines d’élèves vous consacrent un brin de leur attention chaque jour : ça finissait par vous monter à la tête. « Et puis, au moins, chez vous, ils sont jeunes … » J’éclatai d’un rire cristallin et compatissant. L’âge d’un partenaire était le cadet de mes soucis. Certains gagnaient même en charme lorsqu’ils vieillissaient, comme s’ils mûrissaient et laissaient s’évaporer l’acidité de leurs traits et de leur jeunesse. Mais je comprenais T.J et sa frustration. « Vous êtes bien défaitiste, mon ami. Adorable comme vous êtes, vous n’avez qu’à sortir de chez vous pour trouver le compagnon éphémère d’une nuit d’hiver. » Et je ne parle évidemment pas de moi, surtout qu’il préférait les plus jeunes, et que j’étais persuadé être l’aîné de notre duo cynique et improvisé. « Et puis, faut pas mélanger amour et travail, comme dit le ... – je fronçai les sourcils, sceptique – … dicton. » Mes yeux perdus dans le vague, je m’accordai une moue approbatrice : le dicton, ça sonnait bien. Même très bien.

Je me tournai vers  lui, finalement, repensant d’un coup au début de sa réplique, et prit un air innocent – l’innocence de la sobriété perdue. « Mais j’couche pas avec mes élèves, voyons. C’est politiquement incorrect. » Ah, les discussions sur les interdits du sexe, une vraie merveille. C’était dingue, à quel point j’appréciais les gens qui ne prenaient pas un air hypocritement choqué lorsqu’on leur parlait de sexe – parce que franchement, c’était quoi ces conneries de tabou alors que le sexe est au cœur de toutes les conversations depuis que l’Homme sait en parler. Attends T.J, deux minutes, moi je ne parle pas de mes super conquêtes aux inconnus des bars – même s’ils sont super chics et super débauchés comme toi – parce que je suis super mystérieux et super secreeeet. Mon regard s’était armé d’une lueur malicieuse : impossible de deviner si j’étais sérieux ou non. La putain d’ambiguïté à l’état pur. Ou peut-être que c’était l’alcool, allez savoir. « Et puis, c’est un peu cliché, vous trouvez pas ? » Comme si, depuis tout à l’heure, j’avais habilement évité les clichés qui collaient à la peau des ivrognes, des rebelles, des débauchés et des profs charismatiques.
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() message posté Jeu 8 Jan 2015 - 1:41 par Invité
- Oooh … Bah venez à mes cours, tout le monde peut rentrer, m’invita-t-il alors très généreusement à participer à l’un de ses cours de littérature française dont je venais d’apprendre qu’il était enseignant. La fac, c’est open-bar, et c’est mieux que les boîtes pour draguer, parce que tout est dans la subtilité intellectuelle, m’voyez ? Dès que vous en savez un peu plus que les autres sur un sujet, c’est un jeu d’enfant.

- Oui, enfin… Ce sont plutôt eux qui risquent de me ridiculiser parce que je suis au regret de vous dire que je n’y connais absolument rien en littérature française… l’informai-je le plus simplement du monde. Ce sujet d’étude n’était vraiment pas mon domaine de prédilection, et cela valait tout aussi bien pour la littérature en elle-même que pour le français… Alors, je n’étais pas non plus un inculte illettré qui préférait passer sa soirée à zapper sur différents programmes télévisés plutôt que d’ouvrir les pages d’un bon livre – même s’il était vrai que je ne lisais pas beaucoup –, mais la littérature étudiée à un niveau universitaire – impliquant donc une étude de textes approfondie avec bien souvent une analyse de ceux-ci à faire sous forme de dissertation – m’avait toujours profondément ennuyé… Ne pouvait-on pas simplement lire un livre – quel qu’il soit – et juste en apprécier (ou pas) l’histoire racontée par l’auteur plutôt que de décortiquer ses moindres phrases pour en trouver un potentiel sens caché ? Surtout que j’étais persuadé que la grande majorité des analyses faites par ces personnes qui se disaient « universitaires » (professeurs et élèves confondus) tombaient très certainement à côté de la plaque ou n’avaient même pas lieu d’être, l’auteur n’y ayant sûrement dissimulé aucun message caché.

- Vous êtes bien défaitiste, mon ami, me taquina alors gentiment le professeur de lettres françaises après avoir une nouvelle fois éclaté de rire à l’une de mes remarques – pourtant, on-ne-peut-plus sérieuse. Mais j’avais beau aimé la fraîcheur de la jeunesse, je n’en stigmatisais pas non plus les plus âgés. J’avais même déjà eu de nombreux partenaires sexuels trentenaires, quarantenaires, voire même quinquagénaires – mais je n’étais pas gérontophile non plus, il ne fallait pas abuser… Adorable comme vous êtes, vous n’avez qu’à sortir de chez vous pour trouver le compagnon éphémère d’une nuit d’hiver. Et puis, faut pas mélanger amour et travail, comme dit le … dicton, se mit-il à hésiter, quelque peu incertain du terme à utiliser – et je me fis rapidement la réflexion qu’il aurait peut-être dû étudier de manière approfondie notre langue au lieu d’aller s’emmerder à en apprendre une autre, nettement moins importante et beaucoup plus compliquée de surcroît…

- Proverbe ? lui proposai-je alors un synonyme dont je trouvais que la résonnance à l’oreille sonnait mieux. Mais il est vrai que je n’ai jamais de problèmes à ce niveau-là.

Puis, comme si les mots que j’avais prononcé il y avait de cela quelques minutes maintenant venaient à peine d’être analysé par son cerveau légèrement embrumé par l’alcool, il se mit soudain à réagir à mes propos.

- Mais j’couche pas avec mes élèves, voyons. C’est politiquement incorrect, s’insurgea-t-il, prenant un air tout ce qu’il y avait de plus innocent – mais j’avais du mal à savoir s’il était sincère ou non… Et puis, c’est un peu cliché, vous trouvez pas ?

- Pas vraiment non… donnai-je donc mon avis sur ce thème qui faisait souvent polémique dans notre société. C’est souvent un fantasme que tout élève ou professeur pervers peut avoir, mais rare sont ceux qui franchissent le pas. Alors, cela peut bien évidemment se comprendre lorsqu’on sait que les règles sont extrêmement strictes dans les écoles, mais à l’université… c’est différent. Et puis, je ne vois vraiment pas le mal à se faire plaisir ! Du moment que tout le monde est consentant… conclus-je sur ce topic quelque peu controversé. N’allez pas me dire que jamais aucun de vos élèves ne vous a un jour fait de l’effet, je ne vous croirai pas !
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