"Fermeture" de London Calling
Après cinq années sur la toile, London Calling ferme ses portes. Toutes les infos par ici So many books, so little time. (Thomas) 2979874845 So many books, so little time. (Thomas) 1973890357
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So many books, so little time. (Thomas)

 :: It's over :: Corbeille :: Anciens RP
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() message posté Jeu 1 Jan 2015 - 19:47 par Invité
Ce matin là j’aurai préférée miles fois me casser les deux jambes que de sortir de mon lit, quoique la plaque de glace qui se trouvait juste devant l’entrée de mon immeuble aurait pu me casser les deux jambes lorsque j’ai glissé dessus, mais agile tel un chat qui sauterait du septième étage, j’ai pu éviter cette chute matinale qui m’aurait été bien fatale pour le reste de cette journée froide dans un Londres recouvert d’un gros manteau blanc, tellement blanc que la lumière des lampadaires reflétait dessus, ce qui donnait à la ville un aspect très angélique, voir divin. Il était tôt, très tôt même, 7 heures du matin et j’avais donc pointé le bout de mon nez dehors, je pouvais sentir le froid taper contre ma peau, m’assécher les yeux et me faire un coiffé-décoiffé gratuit. Ce que je préférais le plus à Londres, c’était les heures creuses, heures ou personne ne s’y trouvait, bien que cette ville était grande et doté d’une population aussi vivante que celle de New-York, le matin il n’y avait pas âme qui vive, si ce n’est peut-être des sans-abri essayant tant bien que mal de se réchauffer avec des fonds de bouteilles d’alcool laissées la veille par de jeunes fêtards. Trente minutes, c’était le temps qu’il me fallait patienter devant mon arrêt de bus qui allait me rendre à l’université, assise sur le banc glacé qui avait anesthésié mes fesses, la tête dans mon écharpe et mes livres contre moi pour ne pas avoir à tapoter sur mon téléphone mobile et me geler les doigts, je regardait les gens passer. Seule avec soi-même à cet arrête, il y avait deux options possible, fumer 1 paquet de cigarette ou d’autre produits plus ou moins illégaux avant l’arrivé du bus ou regarder les gens qui m’entouraient, non pas que l’envie de fumer me déplaisait, mais il faisait bien trop froid pour sortir mes mains de mes gants en laine et puis mes yeux se posèrent sur cette homme, habillé d’un costar noir, avec un mallette qui pouvait contenir aussi bien des millions que de simples papiers administratifs, sur son visage je pouvais lire la fatigue, à son doigt une bague, j’en avait déduis qu’il était marié et que s’il avait pu se jeter ce vendredi matin sous les rails du train il l’aurait fait, mais à son plus grand malheur la seule ligne disponible à ces heures était un bus miteux qui sentait la pisse. A côté de moi, il y avait aussi cette jeune fille qui avait songé bon de mettre un jupe, une jupe tellement courte que même certaines de mes culottes couvraient plus ma féminité que sa jupe, elle ne devait pas avoir froid ou alors peut-être qu’elle faisait tout pour ne pas le montrer et être bonne, car oui, je crois que c’est ça qu’elle cherchait, être bonne. Je me demandais bien où elle pouvait aller si tôt, habillée de la sorte, puis lorsque je l’entendis au téléphone indiquer à son ami qu’elle allait rentrer et qu’elle avait passée une bonne soirée, je comprenais très vite qu’elle finissait sa soirée, tandis que d’autre, comme ce pauvre homme, la commençait tout juste, comme moi d’ailleurs. J’aimais scruter les gens, pour mieux les cerner, évidemment je n’avais pas la certitude que tout ce que je pensais était juste, mais l’être humain était pour moi un sujet d’étude et j’aimais songer un instant que les idées et les jugements que j’avais fondés était peut-être les bons.

8h30 arrivée à l’université, vous ne pouvez pas vous douter à quel point je haïssait cet endroit, mais il fallait bien que je fasse quelque chose de ma vie, je crois que malgré moi, j’étais entrée dans ce moule que la société actuelle nous inflige, alors que j’étais loin d’être la petite-amie parfaite, la meilleure copine aimante ou même l’amie en or. J’étais rien de tout cela, je n’avais pas de copain pour commencer, ce n’était pas mon but ultime dans la vie, j’aimais ma solitude, pour ce qui est des amis je pouvais les compter sur les doigts d’une main, mais le genre de main qui a perdu 5 doigts à la guerre vous voyez ? J’inspirais profondément et j’entrais dans cette amphithéâtre, pour passer mon dernière examen de la saison, une vingtaine d’examen par année et c’était très exactement le nombre de fois  où je m’étais rendue à l’uni, juste pour passer mes examen et décrocher un diplôme afin de faire plaisir à mon paternel, que je ne vois jamais qui plus est, mais il le fallait. J’allais m’installer au fond de la salle, en haut, sachant pertinemment que je réussirais l’examen, sans lever la tête un seul instant, j’avais peur des autres, je souffrais très certainement de phobie sociale cependant cela ne m’empêchait pas d’afficher un faux sourire lorsque je croisais le regard de mes camarades, qui me connaissaient à peine.

La journée c’était terminée comme elle avait commencée, froide et emplie de solitude, de plus je venais de louper le dernier bus pour rentrer chez moi, et je devais facilement faire 30 kilomètres à pieds pour pouvoir rejoindre mon appartement à Kensigton, je n’avais pas milles et unes options, je pris donc la sage décision de me rendre dans une épiceries près de l’uni afin d’acheter 1 bouteille de vin et 2 gobelets en plastiques, arrivée à la caisse le vendeur me regardait avec un sourire en coin, s’il avait pu me vendre des capotes en vente complémentaire il l’aurait fait, je ne préférais pas imaginer ce qu’il pensait de moi ou comment il imaginait ma soirée. D’ailleurs en parlant de soirée, je marchais tranquillement vers le charmant quartier de Shoreditch, bouteille dans la main et gobelets dans l’autre, je sonnais à la porte de Thomas alias Knick, je savais pertinemment que je le trouverais à la maison, il n’avait pas cours les vendredis. N’attendant pas qu’il daigne venir m’ouvrir je rentrais dedans pour la énième fois, comme s’il s’agissait de mon propre appartement, déposant mes affaires à l’entrée j’arrivais au salon, je pouvais le voir assis sur son espèce de metala posé à même le sol, ce mec n’a vraiement aucun goût, ni même envie pour la décoration. « J’ai loupé mon bus et vu le froid et le noir qu’il fait dehors, je n’ai pas pensée très bon l’idée de rentrer seule chez moi ou d’y rentrer tout court. » Je lui souriais, m’approchant de lui avec la bouteille de vin et les gobelets, parce que oui, chez lui il n’y avait même pas de couverts. Je pouvais sentir son odeur de tabac froid avant même d’avoir franchi le seuil du salon, il était donc posé sur ce matelas, livre en main, pas étonnant. En guise de bonjour, je lui secouait ses boucles brunes, il avait vraiment de beaux cheveux, de très beaux yeux d’ailleurs, mais cachés par ses boucles qui rendraient jalouse une poupée de porcelaine ou même Nellie Oleson de la petite maison dans la prairie. « Tu lis quoi Knick ? T’as l’air plus enivré par ce livre que par cette clope que je te propose. » M’allumant une cigarette, je lui en tendis une, voyant que son paquet était posé sur la télé, qui était elle-même posée au sol, il aurait eu le flemme d’aller le chercher.
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() message posté Jeu 1 Jan 2015 - 23:41 par Invité
Je me frottai les yeux avec lassitude, puis les levai vers le miroir, l’air presque éteint. Même pas hagard, juste profondément terne et désenchanté. Ce n’était pas quelque chose de surprenant. Je connaissais cette humeur, je l’avais régulièrement, même si elle me déplaisait. Elle était différente d’une simple lassitude ou de mon habituel détachement. C’était plus comme une sensation envahissante de savoir que ma vie était celle d’un homme qui s’ennuyait profondément, fatigué par une chose à la minute même où elle cessait de capter son attention. Je devais vouer un culte à ce qui était éphémère, probablement, et y penser me donnait cet air morose que j’affichai alors, en face de mon propre reflet. Je regardai par terre : mon paquet de cigarettes était au sol. Je me baissai pour le ramasser, non sans en saisir une au passage avec mes lèvres sèches. Ma chemise n’était pas repassée et je l’avais ouverte complètement : pas cours aujourd’hui, je me laissais aller avec aisance. Mes doigts cherchèrent des allumettes, mais impossible d’en trouver. Je quittai alors la salle de bain pour me diriger vers le séjour, les yeux attentifs à la moindre boîte – sans succès. Je me grattai nerveusement le crâne, agacé. Mes pieds traînèrent jusqu’à la cuisine et je tombai sur mon grille-pain, que je mis en marche, baissant ma tête pour me placer à sa hauteur afin que l’extrémité de ma cigarette touche la résistance. Une fois allumée, je me redressai. Mes os craquèrent et je fronçai les sourcils. Déjà si vieux, déjà si fragile. Je m’adossai au plan de travail et tournai la tête vers la fenêtre pour observer l’extérieur. La nuit tombait sur la ville et sur mon esprit. Mes yeux noircissaient, sûrement. J’avais toujours aimé cette idée, que mes iris s’assombrissaient en même temps que le ciel. Il fallait être attentif pour le voir, mais ma mère me l’avait dit, et elle m’avait vu grandir. Je ne pouvais pas avoir de meilleur juge qu’elle. J’ai fini par ouvrir la fenêtre, frotter le mégot sur le rebord, puis le jeter du haut de l’immeuble, le regardant tomber – non pas interminablement et avec mélancolie, n’oubliez pas que j’étais un adepte de l’éphémère et que je n’étais pas mélancolique, j’étais blasé. L’atmosphère avait quelque chose de très visuel, probablement parce que rien ne bougeait ; parfois, je m’amusais à imaginer un photographe immortaliser le cadre dans lequel j’étais, puis j’inventais le nom du cliché. A cet instant, c’était sûrement quelque chose du genre Homme à la fenêtre, pour les plus sobres, ou bien Ennui et crépuscule, pour les pseudo-poètes. Trop prévisibles, les artistes, de nos jours.

Je glissai dans mon salon, toujours prisonnier de ma torpeur existentielle, et posai le paquet de cigarettes que j’avais gardé à la main sur la télé, non sans en reprendre une. Toujours pas d’allumettes ? Je la coinçai entre mes lèvres puis m’avançai vers mon matelas, attrapai la couverture et la secouai d’un geste sec. Une fine boîte d’allumettes vola dans les airs et retomba à mes côtés dans un bruit sourd. Je m’accroupis et en sortis une pour allumer ma cigarette, puis, à nouveau, je me retrouvai à tourner en rond dans mon appartement, comme un vieux lion dans sa cage. Vous savez, les jours où je ne bossais pas, je finissais par les redouter. Pour ça. Pour cette carcasse que je traînais dans chaque recoin de chaque pièce, sans parvenir une seule seconde à ressentir la moindre fatigue, histoire de tuer le temps en dormant un peu. Je me laissai tomber sur mon matelas, et fermai les yeux. Une, deux, trois secondes. Puis les ouvris et fixai mon plafond, imperturbable. Je grillai nerveusement ma cigarette, et recrachai la fumée avec nonchalance, embrumant la pièce de volutes grises. Je crois que je ne voulais pas admettre que j’étais insomniaque. Et j’étais trop fier pour traîner la fameuse carcasse chez le médecin. Je toussai. Peut-être que j’allais choper une angine – ou le cancer, qui sait. Je ne tombais pas malade. Ce n’était pas mon truc. J’ignorais si c’était mon cynisme qui battait l’ironie de la vie, ou bien si c’était le cynisme de celle-ci qui battait mon ironie. Après tout, j’étais typiquement le mec qui aurait vingt ans d’espérance de vie de moins que les autres parce que je ne prenais pas soin de moi maintenant. Les gens voulaient mourir « de leur belle mort ». Mais sérieusement, c’était quoi cette beauté objectivée à la con ? Ah, je me reconnaissais bien là, à critiquer tout et n’importe quoi du haut de ma trentaine d’années. Et avec la chance que j’avais, il se pouvait bien que je meurs vieux et Alzheimer, moi aussi. C’était trop anti-héros de mourir autrement. Quoi, moi, un anti-héros ? J’étais déjà assez cliché comme ça, dieu merci.

Je me remis debout et parcourus lentement mes piles de livres des yeux. J’allais bien finir par en trouver un assez captivant pour me permettre de tuer le temps. Je tombai sur un exemplaire russe du Maître et Marguerite de Boulgakov, un livre qu’un ami m’avait donné, à Saint-Pétersbourg, alors que j’étais encore lycéen, en me disant d’apprendre le russe pour le lire. Malheureusement, je n’avais jamais trouvé la motivation pour le faire, donc j’avais finalement décidé d’acheter la traduction anglaise, et m’y était résigné. Je laissai l’exemplaire russe retomber parmi les autres livres et partis à la recherche de sa traduction. Je savais où elle était. Malgré tout ce que l’on pouvait penser lorsque l’on voyait mon appartement, je m’y retrouvais parfaitement, et je ne prenais pas en compte les jugements. Mes doigts glissèrent sur les reliures, chatouillèrent les titres et dansèrent sur le carton souple des couvertures, jusqu’à tomber sur l’objet de ma quête. The Master and Margarita, lus-je silencieusement avec un sourire, avant de le retirer de la pile dans laquelle il dormait depuis des mois. Je m’empressai de l’ouvrir à n’importe quelle page – il y en avait plus de six-cent, il occuperait bien ma soirée – et tombai sur une scène avec Woland, ce qui eut don de me faire frissonner de plaisir. Je me retrouvais en tous les personnages de ce roman, mais Woland restait de loin celui qui me ressemblait le plus. Woland, c’était Satan déguisé en professeur, venu semble-t-il parler de magie noire à Moscou, mais au lieu de cela, il révélait l’avarice et l’attitude bourgeoise des personnages et du lecteur lui-même. Woland, c’était l’homme mystérieux que Berlioz rencontrait dans un parc et qui lui apprenait comment celui-ci allait mourir. Woland, c’était le chef de la troupe diabolique venue tout droit des enfers. Woland, c’était celui qui faisait de Marguerite une sorcière pour le servir le temps de son Bal, le Grand Bal de Satan. Je m’assis sur mon matelas, à présent plongé dans ma lecture, le dos posé contre le mur. Je vous l’ai dit, je ne croyais qu’en l’éphémère – et quoi de plus éphémère qu’un livre, lorsque l’on savait dès la première page que celui-ci aurait une fin ?

Je lus quelques pages, me délectant de chaque mot, jusqu’à entendre des bruits du côté de ma porte d’entrée – que j’avais bien évidemment oublié de fermer à clef, signe de mon profond laisser-aller. On sonna, on tourna la poignée et on l’ouvrit, sans que j’esquisse le moindre geste. Devant mes yeux, Angèle, qui déposa ses affaires et s’approcha de moi, une bouteille de vin et deux gobelets dans les mains. « J’ai loupé mon bus et vu le froid et le noir qu’il fait dehors, je n’ai pas pensé très bon l’idée de rentrer seule chez moi ou d’y rentrer tout court. » Je reposai mes yeux sur mon livre avec désinvolture, sans lui répondre. Manifestement, mon esprit s’était concentré sur Woland et ses frasques, et il peinait à être perturbé par l’arrivée d’Angie. Je sentis ses doigts se perdre dans mes cheveux, et à nouveau, de discrets frissons me secouèrent. Très similaires à ceux que m’avait procuré mes retrouvailles avec Woland, mais également bien différents. « Tu lis quoi Knick ? T’as l’air plus enivré par ce livre que par cette clope que je te propose. » Je relevai les yeux vers elle. En effet, elle m’en tendait une. Je décollai mon crâne du mur et vins la cueillir avec mes lèvres. Sans la quitter du regard, je saisis ma boîte d’allumettes. Je posai mon livre ouvert sur mon torse, en craquai une et allumai le bout de la cigarette si gentiment offerte. Je lui soufflai la fumée au visage, lentement et malicieusement. Un sourire félin étira mes lèvres en l’observant. Elle était un peu la Marguerite de mon Woland, la petite sorcière qui apprenait à se servir de sa magie, qui invitait les personnages tristement célèbres de notre monde et de notre histoire au Bal de Satan, qui laissait les criminels embrasser sa peau nue, et à qui Woland accordait un unique vœu, qu’il exaucerait, bien évidemment – il était le Diable, il le pouvait. J’avais tendance à voir le monde à travers le prisme de l’art et de la littérature, et il fallait avouer que là, les similitudes étaient remarquables. Je lui fis de la place sur mon matelas afin qu’elle puisse s’y installer, et secouai la tête pour faire retomber mes cheveux sur mes yeux noirs. « Je lis une histoire d’amour. » L’une des histoires d’amour les plus incroyables du vingtième siècle, ai-je pensé, mais peut-être était-ce trop véhément comme description. « Ça se passe à Moscou, et ça parle de Satan qui vient avec ses potes pourrir la vie des Hommes parce qu’ils sont avares et égoïstes. En gros. Et puis ya un chat qui parle, un asile psychiatrique, une sorcière, de la trahison, de la lâcheté, mais aussi de la rédemption et de la morale. Et de la religion aussi. Pleins de choses. C’est très drôle aussi. » Je fermai le livre et le laissai tomber sur ses cuisses. « Fous-le sur la pile, là, s’te plait. » marmonnai-je en lui faisant un geste vague de la main vers mon bordel. « T’as acheté du vin. Je suis honoré, tu me fais trop de cadeaux, là. » m’enquis-je d’un ton sarcastique, menant ma cigarette jusqu’à mes lèvres et laissant la fumée s’échapper par mes narines. Je penchai la tête, l’observant, un air narquois luisant sur le noir de mes iris. Alors Marguerite, c’est quoi ton vœu le plus cher ? Histoire que je sorte de ma torpeur en l’exauçant.
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() message posté Ven 2 Jan 2015 - 13:17 par Invité
La fumée que j’inhalais et que j’expirais cachait mon visage l’espace d’un instant, puis je replongeais à nouveau mes yeux bleus dans les ténèbres, les ténèbres qui pour moi représentaient les yeux de Knick, je vous assure qu’ils étaient d’un noir, un noir indéfinissable, sa pupille, son iris, il n’y avait pas de distinction possible, comme lui d’ailleurs, lorsque je me plongeais quelques secondes dans son âme, je pouvais sentir une lassitude, une nonchalance exaspérante, il était lasse, il était lent, il était tout ce qu’un être humain n’aimerait pas être, mais il était tellement intéressant en même temps, modeste et discret, cet homme était le paradoxe en personne. Non sans une once de mélancolie, je me repassais la journée, attendant sagement que le bellâtre allongé dans son matelas de fortune près de moi, chemise ouverte et torse nue, daigne me donner un semblant de réponse. En tant que femme, je ne pouvais donc pas résister à l’envie d’apprécier chaque centimètre de sa peau nue, comme un homme bien sous tout rapport ne pourrait pas s’empêcher de plonger ses yeux dans le décolleté de sa secrétaire, je me demandais d’ailleurs si cette homme que j’avais vu ce matin avait une secrétaire, peut-être même qu’il trompait son épouse, cédant donc au plaisir de l’infidélité, au plaisir corporel, cette satisfaction qu’il trouvait chez une autre femme que celle qui avait épousé. Je sortais de mes pensées, me disant qu’il fallait que j’arrête de me faire des films sur des personnes que je ne connaissais même pas, cela pourtant me procurais une certaine satisfaction, mon esprit était habité comme l’âme d’un poète, qui trouvait en tout quelque chose de poétique, de beau de subjectif. Moi je trouvais en certaines personnes, leur histoire que j’inventais sans fondement, mais c’était bon de s’imaginer de choses, comme par exemple imaginer qu’un jour Knick m’invite au bal, utopie, je vous l’accorde. Il approchait son visage près de mon paquet, ne tardant pas à allumer son bâton de nicotine, il enchaîna. « Je lis une histoire d’amour. » Je ne pus m’empêcher de ricaner, ''Knick, lire une histoire d’amour ?'' pensais-je, cela semblait pourtant tellement peu probable, je pourrais vous affirmer –dû moins en être presque totalement certaine- qu’il n’avait jamais connu l’amour, il ne voulait pas accorder de l’importance à une femme ou à une homme, pour lui l’amour c’est quelque chose d’éphémère, il y a de toute façon une fin, la mort dans le meilleur des cas car on l’avait juré devant le prêtre et nos convives avant d’enfiler l’édit bague au doigt de son homme ou de sa femme, ou dans le pire des cas une deuil, le deuil de l’amour, d’ailleurs à ce sujet j’en connais des caisses, vraiment, même si mon histoire avec le très tendre Jules restait incompréhensible comme l’est une molécule interstellaire. « Ça se passe à Moscou, et ça parle de Satan qui vient avec ses potes pourrir la vie des Hommes parce qu’ils sont avares et égoïstes. En gros. Et puis ya un chat qui parle, un asile psychiatrique, une sorcière, de la trahison, de la lâcheté, mais aussi de la rédemption et de la morale. Et de la religion aussi. Pleins de choses. C’est très drôle aussi. » Je comprenais donc mieux son attirance pour ce livre, ce n’était pas une histoire d’amour qui pourrait faire rêver de jeunes adolescentes et pourtant ça avait l’air très intéressant et puis ça parlait de Moscou, ville dans laquelle il s’était rendu plus jeune, il ne pouvait que l’apprécier. Sur mes cuisses, ce livre tombait, il était tout poussiéreux, Thomas me demandait avec une gentillesse qui n’a pas d’égal, de poser son bien sur la pile numéro 5 de l’appartement, oui, parce que la seule décoration qui se trouvait ici, c’était des piles et des piles de livres, il n’y avait même pas une bibliothèque correcte pour stocker tout ce trésor littéraire. J’avais d’ailleurs commencé à apprendre par cœur, la pile numéro 1, oui, je les avait numéroté. Je venais tellement souvent ici et parfois je posais mon dévolu sur ces livres, lui en piquant quelques uns, avec son accord évidemment, car même en cas de vol il saurait très bien quel livre lui manquerait, je n’avais pas l’intention d’atteindre le même but que lui, c’est à dire connaître tous les livres qui meublent la pièce, mais j’étais bien partie pour. « C’est Noël et comme je sais que tu aimes ce genre de fête, je me devais de venir avec un présent. » Je faisais preuve de cynisme tout en lui souriant. Tout ce qui était commercial, comme ce genre de fête, n’intéressait que très peu notre cher ami. Me levant de son matelas, je me dirigeais vers la cuisine, avec la bouteille de vin en main, cherchant un tire-bouchon. « Ne me dis pas que c’est une part de gâteau ? » J’avais ouvert son frigo, car mon estomac me l’avait fait faire, rien de bien étonnant, des bouteilles de vodka, un peu de salade et cette part de gâteau qui me faisait saliver, sans comprendre pourquoi un peu de crème c’était retrouvée sur le bout de mon nez, sans que je ne puisse le voir, car mes yeux choisissaient d’ignorer ce qui se trouvait en plein milieu de mon visage. « J’imagine que ce n’est pas tes talents de cuisinier qui on fait cette merveille. » C’était vraiment très bon et j’espérais qu’il ne m’en tiendrais point rigueur, car s’il l’avait gardé pour plus tard, et bien je venais d’en faire mon encas. Revenant vers lui, toujours avec The Master and Margarita dans les mains, la bouteille ouverte dans l’autre, je lui servais un peu de vin et à moi-même. Par simple curiosité j’ouvris le livre à une page quelconque, lisant quelques lignes, écrites dans un vieil anglais qui était plaisant. « Oh et bien on dirait que Satan invite sa belle Marguerite au bal. » En parlant de bal, il fallait que je lui dise quelque chose, me délectant de ma première gorgée de vin, qui était d’une exquise douceur, je le regardait, toujours allongé sur son matelas et moi avec de la crème sur le nez, j’imagine que je devais paraître bien trop ridicule. « J’ai entendus certaines de tes étudiantes spéculer à ton sujet lors de la pause déjeuner. Elles se demandaient avec qui tu pourrais bien y aller, l’une d’entre elle disait je cite ''Il est tellement beau avec sa voix rauque et son faux accent français qu’il ne devrait pas trop peiner à trouver une cavalière''. » Cigarette dans la bouche, je lui tendis son verre de vin, avec un regard empli de malice.
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() message posté Ven 2 Jan 2015 - 16:54 par Invité
Angie attrapa le livre et jeta un regard à l’endroit que je lui avais indiqué avec une nonchalance non dissimulée. « C’est Noël et comme je sais que tu aimes ce genre de fête, je me devais de venir avec un présent. » Je répondis à son sourire en recrachant ma fumée et en plissant les yeux. « Tu me connais trop bien, à ce que je vois. » m’enquis-je de ma voix morose et hivernale. Elle se leva et mes yeux la suivirent, attentifs à ses moindres faits et gestes. C’était très Angie, de faire ça, de débarquer chez moi avec ses idées délirantes et ses lubies du jour. Le meilleur cadeau possible, n’est-ce pas. La bouteille et la clope paraissaient bien pâles, à côté de sa silhouette de duchesse et son esprit électrique. Ne me regardez pas comme ça, Angie c’était cette fille qui, pendant quelques heures, vous faisait emprunter les chemins mystérieux de son petit monde, qui que vous soyez, parce qu’elle en avait le pouvoir et que vous ne désiriez que ça. Le mieux dans l’histoire, c’était qu’elle le savait pertinemment, et que ça l’amusait. La princesse ouvrit mon frigo et s’exclama d’une voix espiègle et sauvage : « Ne me dis pas que c’est une part de gâteau ? » Je levai les yeux au ciel : la dernière part du dessert de Gemma. J’avais oublié qu’il traînait dans mon frigo depuis Noël. Je ne pris même pas la peine de lui ordonner quoi que ce soit : c’était perdu d’avance, elle allait le bouffer, le gâteau, si elle le voulait. « J’imagine que ce n’est pas tes talents de cuisinier qui ont fait cette merveille. » Elle revint dans le salon, le nez plein de crème, et je souris, amusé. « Tu es bien moqueuse, je trouve. Je cuisine super bien. » C’était un semi-mensonge. Il était vrai que je me débrouillais bien (ce n’était pas sorcier, après tout, c'était une question de dosage), mais je cuisinais bien trop rarement, donc beaucoup pensaient que ce manque d’entraînement avait un impact sur la qualité. Mais la cuisine, c’était comme le vélo, ça ne s’oubliait pas.

Elle n’avait pas reposé le livre et l’ouvrit à son tour pour en lire quelques lignes. « Oh et bien on dirait que Satan invite sa belle Marguerite au bal. » Je ricanai, hésitant à la reprendre. Avait-elle vraiment envie de me lancer dans une discussion littéraire ? « Mais pas du tout, il la transforme en magicienne et elle vole toute nue à travers la salle de bal pour accueillir et servir les invités. Bof, comme rencard. Et puis de toute façon, elle n’est pas amoureuse de Satan, ce serait idiot de sa part. Elle le fait pour libérer son amant de l’asile. » Marguerite, amoureuse de Woland. Quelle idée saugrenue. Leur jeu était bien plus subtil que l’amour. Mais ce livre, de manière générale, était subtil. Il regorgeait de surprises et de secrets. « Je te l’ai dit que c’était une histoire d’amour, c’est ainsi. » Je regardai le gobelet de vin qu’elle se servait – quelle étrange façon de boire du vin, je vous l’accorde, mais c’était très Angie, ça aussi, de se foutre du détail bourgeois. Peut-être que c’était ça qui m’attirait indubitablement vers elle. Ce n’était pas une fille simple, mais elle n’était pas non plus torturée – pas plus que moi. Très spontanée, très vive d’esprit. C’était une jeunesse particulièrement différente que celle que j’avais eu, parce que je ressentais comme un décalage réaliste et cinglant. Comme si tout ce qu’on avait légué aux adolescents des temps modernes, c’était notre lassitude et notre scepticisme face à la médiocrité du monde contre laquelle j’avais arrêté de me battre il y a déjà une bonne dizaine d’années. Et donc, déjà, ils se moquaient de l’évolution, ils se moquaient du futur et de l’espoir. C’était des idées trop idiotes, tentaient-ils tous de se persuader, des idées de gens qui se voilent la face. Evidemment, l’évolution, ça ne marchait pas comme ça. C’était comme un vaccin : si quelqu’un ne le prenait pas, la maladie continuait à se propager. Alors voilà, tout était une question de travailler en communauté et en équipe. Mais ça aussi, putain, ça aussi on s’en foutait, la communauté ne faisait que cracher à la gueule des jeunes. Cherchez l’erreur.

« J’ai entendu certaines de tes étudiantes spéculer à ton sujet lors de la pause déjeuner. Elles se demandaient avec qui tu pourrais bien y aller, l’une d’entre elles disait je cite ‘Il est tellement beau avec sa voix rauque et son faux accent français qu’il ne devrait pas trop peiner à trouver une cavalière’. » Je haussai les sourcils, écarquillai les yeux et, d’une voix faussement vexée, je m’exclamai : « Mon faux accent français !?? Les salopes. » Oh, quelle grossièreté, et quelle méchanceté, surtout. Après tout, elles me faisaient aussi de beaux compliments. Mais je connaissais Angie, elle était assez malicieuse pour dire ça dans l’espoir de m’embêter et me faire réagir – bravo, princesse, t’as réussi. Après tout, je rentrais facilement dans son petit jeu verbal, et elle n’attendait que ça. Nous y prenions plaisir tous les deux. Je bondis soudainement pour me remettre debout, la dominant à présent de toute ma hauteur. Je baissai mes yeux noirs vers elle et vins délicatement cueillir avec mon pouce la crème qui ornait le bout de son nez d’angelot. Puis je léchai mon doigt, un mince sourire narquois sur les lèvres. Une fois la crème avalée, je remis ma cigarette au coin de ma bouche et ma main glissa jusqu’au gobelet qu’elle me tendait. « Angèèèèèle. » soufflai-je, rieur, de mon fameux accent français, en faisant particulièrement attention aux consonnes nasales et à l’accent du mot sur la dernière syllabe, qui constituait la majeure différence entre l'anglais et le français. Essayez, je vous assure, prononcez « Angèle » en accentuant la première puis la deuxième syllabe, et vous percerez le secret de l’accent français. Ils étaient probablement très nonchalants, eux aussi, c’est pourquoi le poids de leur voix retombait à la fin, comme une lassitude à jamais relancée par les mots nouveaux. Je regardai le gobelet, perplexe : « Très français, le gobelet en plastique, je te félicite. » Je bus quelques gorgées puis le déposai sur une pile de livres. Mes iris parcoururent la silhouette de la jeune fille, affichant un air narquois. Je pianotai doucement sur son épaule gauche, comme pour l’embêter à mon tour : « Pourquoi tu me dis ça ? T’as envie que j’t’invite ? » Je laissai sonner mon charmant rire joueur et félin. Mes doigts glissèrent et frôlèrent son bras avant de retomber le long de mon corps. Je la contournai alors pour me placer sur le tapis au milieu du salon. Je me retournai et lui lançai un regard moqueur. Je déguisai ma voix en un ton suffisant et prétentieux : « Tu sais danser au moins ? Je suis sûr que non. Je ne peux pas aller au bal avec une fille qui n’a pas le rythme dans la peau, désolé. » Puis, à nouveau, un sourire, sulfureux et diverti, comme pour lui lancer un défi futile afin que je puisse m’amuser un peu. Voilà comment j’étais : je me laissais aller au plaisir fourbe de sa présence, et dès qu’elle s’en irait, elle se perdrait dans les méandres de ma mémoire, comme une flamme en hiver qui peine à rester vivante.
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() message posté Ven 2 Jan 2015 - 20:04 par Invité
Je pouvais affirmer avec certitude que le vin duquel nous nous délétions était très certainement le même vin qui finissait dans les sacs en papier de pauvres sans abris dans les ruelles froides d’un Londres qui n’en demandait pas autant. Cinq livres, c’est ce que ça m’avait couté cette bouteille, je vois encore le regard du vendeur lorsque je lui tends mon billet vert avec le jeune visage de notre reine, qui à l’heure d’aujourd’hui n’est plus que l’ombre d’elle-même, vêtue de ses robes colorées et de ses chapeaux loufoques, le peuple ne demandait qu’une chose, William au trône, car Charles était devenu bien trop vieux et il avait bien plus affaire avec sa chère et tendre Camilla que de son propre peuple. Y repensant une derrière fois, j’en eu les frissons l’espace d’un instant, une chose était certaine, je ne retournerais plus jamais acheter de vin seule dans cet endroit sous peine de finir comme esclave des idées tordues de ce psycopathe, car oui, lui je l’avais catalogué comme le plus grand psycopathe de ce monde. « J’espère dans ce cas qu’un jour j’aurai le droit à un repas fait avec soins, afin que je puisse juger ton talent. » Je sentais que mes joues devinrent chaudes, le vin avait cette effet vasodilatateur, pour mon plus grand plaisir, je ne rougissais pas, mais mon corps se transformait en flamme, de plus il faisait une chaleur ettoufante dans cette appartement pourtant bien vide et lugubre, situé au derrnière étage de l’immeuble. Je retirais mon écharpe, laissant apparaître ma nuque, autour de laquelle un beau collier en or l’ornait, un cadeau d’un vielle ami … « Mais pas du tout, il la transforme en magicienne et elle vole toute nue à travers la salle de bal pour accueillir et servir les invités. Bof, comme rencard. Et puis de toute façon, elle n’est pas amoureuse de Satan, ce serait idiot de sa part. Elle le fait pour libérer son amant de l’asile. » Une fois je me rappelle avoir eu le malheur de discuter d’un texte de Baudelaire avec Thomas, nous n’étions pas d’accord du message que voulais nous faire passer Charles à travers son oeuvre ''Elévation'' et évidemment il était hors de question d’aller sur le net pour chercher la réponse. Deux longues heures étaient passées cette nuit là, deux longues heures de joute verbale, pour distinguer le vrai du faux, toute en restant diplomate l’un et l’autre, ecoutant les idées émises sans en détruire une seule, nous nous étions mis d’accord qu’il pouvait avoir tord comme je pouvais avoir raison et inverssement, cette nuit là nous avions fini par dormir dans ce matelas, rien que dormir je vous l’assure, après un débat sur le poème de Baudelaire, nos corps et nos esprits étaient trop fatigués pour faire quoi que ce soit. « Mais elle est amoureuse, elle est donc déjà perdue, c’est son âme qu’elle aurait dû sauver et non pas son amant. » Etait-ce l’alcool qui me montait au cerveau ? Ou le fait de n’avoir prit encore aucune drogue aujourd’hui pour me lancer dans un mini discourt philosophoque sur l’amour de Marguerite pour son amant fou ? Que sais-je, je continuais  à boire, scrutant de part et d’autre ce que faisait mon cher Thomas, il avait l’air vexé par ce que je venais de lui dire, pourtant je n’inventais rien. « Ces salopes là avaient pourtant raison. » Elles avaient complétement tord, il n’avait pas un faux accent français, je vous assure qu’il parlait le français mieux même qu’un parisien bourgeois, mais j’aimais l’embêter, vous connaissez le proverbe, qui aime bien, chatie bien. Il se levait, de sa grandeur face à moi, je paraissais bien faible assise sur ce matelas, tandis qu’il me dominait de sa présence, approchant son doigt près de mon visage, je me demandais ce qu’il mijotait, pourtant je me laissais faire, lui accordant une confiance aveugle, il ne pouvait pas faire de mal à une mouche. « Angèèèèèle. » J’osais espérer que la crème qu’il avait terminé sur le bout de mon nez avait encore bon gout, je me frottais donc le nez très rapidement, relevant la tête et souriant de toute mes dents, il me cherchait, comme je le cherchais, prononçant mon prénom de la manière la plus française qui soit – pour ne pas dire romantique, car qui que nous soyons, le français semble une langue si attrayante et sensuelle, qu’elle ne peut être que romantique -  Moi assise, il s’approchait de moi, dieu qu’il pouvait être mystérieux, mais que me réservai-il ? « Très français, le gobelet en plastique, je te félicite. » Ni une ni deux je répliquais, d’un ton narquoit. Lui et moi nous étions les champions de la lutte verbale et on ne pouvait s’empêcher de se faire plaisir l’un et l’autre avec ce petit jeu malicieux qui s’est instauré entre nous depuis qu’on se connaît. « Je t’en prie, tout le mérite te reviens, je m’inspire du plus français des anglais que je connaisse. » Je levais mon verre, comme pour célébrer quelque chose. « Vive la France. » Finissant d’un traite ce qu’il restait dans mon verre, je le posais au sol avec délicatesse et j’étais fière de ce que je venais de dire dans un français aproximatif, roulant le r comme une russe. « Pourquoi tu me dis ça ? T’as envie que j’t’invite ? » Ses doigts qui pianotaient sur mon épaule, passant près de mon cou et se laissant glisser sur ma clavicule, me donnèrent des frissons, je peux vous assurer que les poils blonds de mon bras s’étaient raidies très rapidement et pour ce qui est du ton mélodieux sur lequel il me demandait ça, j’en souriais. Il savait pertinement la réponse, il me connaissait assez pour savoir ce que je voulais de lui sans avoir à lui demander quoi que ce soit et ça c’était beaux, il me comprenait. « Tu sais danser au moins ? Je suis sûr que non. Je ne peux pas aller au bal avec une fille qui n’a pas le rythme dans la peau, désolé. » Il était debout face à moi, ses yeux dans les miens, il posait cette question annodine qui pourtant ne l’était pas, il cherchait quelque chose, il voulait tirer quelque chose de ma personne et il avait bien raison. « Douterais-tu de mes talents ? » Je me levais, m’approchant de lui. « N’oublie pas que je reste un mystère pour toi et ton grand esprit, même si tu me connais pourtant si bien. » Sortant mon smartphone de ma poche, enclenchant iTunes, je mis le volume à fond, la très douche et belle chanson de Johnny Mathis - Misty (clique ici pour l'écouter) retentissait rudement bien dans cette pièce vide. Je m’approchais de lui, collant mon corps contre le sien, j’enroulais mes doigts dans les siens, posant ma main sur le pourtour de son cou, je laissais glisser la sienne sur ma hanche. Yeux dans les yeux, je lui souriais, approchant mes lèvres de son oreille, caressant timidement son cou, je lui soufflais ces paroles là. « Alors Monsieur Knickerbadger, vous avez peur d’enlacer plus ardemment votre cavalière ? Je vous assure qu’elle ne vous en tiendra point rigueur. » Remettant mon visage face au sien, de ma main droite, je dégageais de son visage ses boucles brunes et puis ''I’m too misty'' se fit entendre de la bouche de Johnny Mathis.
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() message posté Ven 2 Jan 2015 - 23:39 par Invité
« Mais elle est amoureuse, elle est donc déjà perdue, c’est son âme qu’elle aurait dû sauver et non pas son amant. » Oh, Angie, tu ne comprends pas le principe d’aimer, on dirait. C’est vrai que ce n’est pas franchement ton truc. Ce n’est pas le mien non plus, on s’est bien trouvés, toi et moi. « Ces salopes là avaient pourtant raison. » Je penchai la tête en arrière pour la coller contre le mur et toiser la jeune fille, amusé. Tu mens, Angie, tu as ton air défiant et rieur, et il te trahit. Je secouai la tête, comme en signe d’une résignation soudaine : elle voudrait toujours avoir le dernier mot, c’était peine perdue. Je lui laissais l’illusion de la victoire avant de me lever et de la regarder de haut. On fait moins la maligne, maintenant, hein ?

« Je t’en prie, tout le mérite te revient, je m’inspire du plus français des anglais que je connaisse. » Elle leva son verre : « Vive la France. » C’était bien patriotique, tout ça. Un bonnet phrygien en plus et on lui confiait les rennes de la République, à celle-là. Elle avait l’air de l’allégorie de la jeunesse apolitique et blasée qui ne voulait pas grandir. Puis je me suis retrouvé au milieu de mon salon, à improviser un défi qu’elle allait relever, j’en étais certain. C’était bien trop facile de lui faire faire ce que je voulais qu’elle fasse. Et de son côté, elle allait vraiment finir par me persuader de l’inviter au bal. « Douterais-tu de mes talents ? » me dit-elle. Ah, la voilà qui arrivait. « Totalement. » renchéris-je, taquin. « N’oublie pas que je reste un mystère pour toi et ton grand esprit, même si tu me connais pourtant si bien. » Je la laissai approcher, les mains dans le dos, droit comme un I, prêt à tout. Je ris lorsqu’elle sortit son portable. « Tu tentes de me prouver quelque chose ? T’es prévisible, comme fille. » Ce n’était pas le cas. Je savais pertinemment qu’elle était capable de me surprendre, avec son corps de fée traînée dans la poussière de l’existence et son sourire sorti des enfers. Mais, à mon tour, je me laissais aller au jeu subtil et mystérieux de l’ironie et du charme. Johnny Mathis commença alors à chanter dans la pièce, et je haussai les sourcils, attentif à ce qu’elle me préparait. Elle se déhancha de sa démarche de chat jusqu’à moi et se colla à mon torse, posa l’une de ses mains sur mon cou, de l’autre elle attrapa l’une des miennes et enroula sinueusement ses doigts entre mes phalanges froides, et je laissai ma main libre glisser jusqu’à sa hanche. Nous formions un joli couple, mine de rien. Cela eut le don d’accentuer mon sourire, et mes lèvres laissèrent même apparaître la blancheur de mes dents lorsque la voix d’Angie vint chatouiller mon oreille : « Alors Monsieur Knickerbadger, vous avez peur d’enlacer plus ardemment votre cavalière ? Je vous assure qu’elle ne vous en tiendra point rigueur. » Sa main vint à nouveau danser dans mes cheveux : elle cherchait mon regard, et celui-ci était bien dissimulé. Finalement, elle le retrouva, noir comme le jais et la terre brûlée. Il ne fallait pas qu’elle s’approche trop, elle finirait par fondre, elle aussi. Je vins doucement poser mon menton  sur son épaule, respirai son odeur enivrante avec une satisfaction non dissimulée et fermai les yeux. Nous sommes restés comme ça, à tanguer lentement au rythme de la musique. I’m too misty and too much in love. C’était agréable. Nous étions comme en apesanteur, nos pieds parcourant le tapis avec la douceur d’un oiseau volant près des nuages. Oh, tant de poésie, on y croirait presque.

Je me décollai soudainement d’elle, sans la lâcher pour autant et plongeai à mon tour mon regard dans le sien. Ma main posée sur sa hanche remonta jusqu’à son épaule, puis elle descendit le long de son bras pour venir saisir sa main, s’enroulant telle une coquille autour de ses doigts. Elle avait de bien petites mains, vraiment, j’avais l’impression que mes paumes les dévoraient, affamées. Mon emprise n’était pas très solide, elle aurait pu me faire lâcher si elle l’avait voulu. Mais non. A nouveau, nous étions immobiles, à nous observer, à examiner chaque trait du visage de l’autre comme s’il s’était agi d’une relique ou d’un poème. « T’as vraiment envie d’aller au bal avec moi, on dirait. » murmurai-je d’une voix grave et suave. « Tu crois que je vais te transformer en sorcière ? » Le Woland en moi ne pouvait pas s’empêcher de faire la remarque. Mes doigts finirent par remonter sur ses avant-bras, jusqu’aux creux de ses coudes, en faisant attention de ne pas la brûler avec ma cigarette, et je sentis comme des sillons sur sa peau. Je savais ce que c’était. Je connaissais Angie. Un étrange sourire s’afficha sur mes lèvres et je baissai les yeux vers l’endroit où mes doigts caressaient sa peau pour observer les traces de piqûres, cratères charnels et luisant d’un éclat sombre et sauvage. Angie, c’était aussi cette fille toxique, qui cachait sous sa beauté une âme secouée et excitée. Lorsque je relevai les yeux vers elle, mes cheveux les couvraient à nouveau. « Finalement tu danses pas si mal, princesse. » Et je l’ai lâchée, fumant le reste de ma cigarette puis laissant tomber le mégot dans un verre qui traînait, proche de moi. Je me suis dirigé vers la télévision et j’ai saisi mon propre paquet pour m’en rallumer une. Lui tournant le dos, je fis volte-face afin de récupérer mes allumettes, qui étaient restées près de mon lit. A nouveau, je passai devant Angie et m’assis sur mon lit en craquant une allumette. Je levai les yeux vers elle ; la musique était finie depuis quelques secondes déjà. Je bus à nouveau son vin bon marché, finissant le gobelet, et m’en servis comme cendrier – après tout, je ne comptais pas en reprendre, j’étais bien trop français pour ça, n’est-ce pas ? « Bon ok, on ira au bal ensemble. Je suis vraiment le type le plus gentil au monde, je te refuse rien. » Je lui accordai un regard pétillant et sûr de moi avant de me rallonger sur le matelas, sans la quitter des yeux.
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() message posté Dim 11 Jan 2015 - 17:14 par Invité
C’est fou comme la hasard faisait bien les choses car main dans la main ces paroles retentissaient dans la pièce, j’étais un peu brumeuse c’est vrais et perdue, qui aurait pu y croire ? Danser avec le grand Knick et même me render au bal avec lui, de la pure follie, pourtant sans meme savoir le pourquoi du comment j’en mourrais d’envie. « Tu tentes de me prouver quelque chose ? T’es prévisible, comme fille. » Je n’eus qu’un sourire en guise de réponse, car il mentait aussi bien que moi, vraiment c’était trop simple de savoir quand il mentait parce que sa voix changait de ton, comme n’importe quel mauvais menteur, sauf pour les mythomanes qui croient réellement à leur mensonge et qui vivent leur maladie sans aucun problème. Je sentais sa respiration, son halaine de tabac se poser sur moi et ses doigts froids qui enlacaient les miens, sa main était vraiment grande, j’étais persuadée que s’il faisait un movement brusque il pouvait me casser les phalanges. C’est ça, j’étais plus petite que lui, plus fine et plus friable, lui dans son grand manteaux noir il avait toujours l’air de sortir d’un autre temps, une autre époque, c’était un peu le Severus Rogue des temps modernes, avec une coupe un peu plus actuelle quand-même. Yeux dans les yeux, cela en devenait presque intimident, nos visages étaient attirés l’un vers l’autre sans pour autant franchir le champ magnétique qui nous séparait. Fermant les yeux l’espace d’un instant pour ne pas voir mon visage se transformer en coquelicot, oui, c’est ridicule je vous l’accorde, Thomas n’était ni plus ni moins qu’un ami, un confident et un bon sujet d’étude, pourtant il avait quelque chose dans ses yeux noirs, noirs charbon, qui pouvaient faire rougir n’importe quelle femme d’aujourd’hui. « T’as vraiment envie d’aller au bal avec moi, on dirait. » Ni une ni deux, je répliquais. « On dirait. » Il avait prit ce ton et cette voix dont il était le seul à connaitre le secret et je vous assure que c’est assez impressionant et mystérieux, comme lui, de sa voix rauque et grave, il me demandais si je pouvais croire, l’espace d’un instant qu’il serait capable de me transformer en sorcière, c’était évident. « J’ai envie d’y croire, mais dis-moi, qu’est-ce que j’y gagne ? N’oublie pas que la sorcière qui sommeil en moi, attend de son Woland qu’il tienne parole. » Pendant quelques secondes j’avais pensé pouvoir avoir le pouvoir d’exauser un de mes voeux les plus chers, là tout de suite une idée stupide me vint en tête, je secouais mes épaules, comme pour chasser cette mauvaise idée, j’avais pensé pouvoir redevenir la fille d’il y a 10 ans, celle qui ne connaissait ni les garcons, ni l’amour ni la peur et encore moins la drogue. Le temps que mon petit cerveau se remette de cette pensée négative, je sentais la main de Thomas parcrours mon bras droit, il s’était arrêté dans le creux de mon bras, là où tout avait commencé il y avait quelques années de ça, je n’appréciais guerre le fait qu’il remarque ça, ce n’était pas un secret, mais je ne m’en ventais pas. Il ne dit rien et puis de toute façon il n’y avait rien à dire, d’ailleurs c’est ce que j’aimais chez lui, jamais il n’avait essayé de me dissuader d’arrêter quoi que ce soit, parcequ’il me connait assez pour savoir que ça m’énerve, ça me mets dans un état de colère indescriptible. « Finalement tu danses pas si mal, princesse. » Je le sais, pas besoin de me le préciser pensais-je dans toute ma modestie, Johnny Mathis avait terminé sa belle chanson, je remettais mon portable dans la poche, voyant Thomas retourner sur son matelas et me faisant remarquer à quell point il pouvait être galant et sympathique avec moi, j’en aurais presque eu la larme à l’oeil. En parlant d’oeil, il n’avait toujours pas décroché son regard de mon corps, dans le style discretion, il y aurait des cours à revoir pour ça part. « Tu ne m’a jamais rien refusé, je te l’accorde. » Je m’étais avancée vers lui, retirant la cigarette de sa bouche et l’écrasan sur le cendrier un peu plus loin, dos à lui je passais ma main à travers tout ces livres faisant des va-et-vient de long en large sur ces tas de livres plus grands que moi parfois. J’avais une idée bien precise en tête, de ma poche je sortais un petit paquet surprise, des joints pré-roulés, les 5 à 6 joints qui s’y trouvaient représentaient ma consommations journalière, sans parler des extra, ces autres pillules magiques. Assie à present à ses côtés sans meme qu’il ne puisse comprendre ce qui se passait je soufflais un nuage d’herbe sur lui, lui tendant ledit joint. « Mais que penserons les autres ? » Me passant la main dans les cheuveux. « Ce serait malheureux de transgresser le règlement. » Je ne savais pas si c’était permis d’aller au bla avec une élève, il allait certaienemnt répondre à cette question mieux que moi. Pour ce qui est des éventuel qu’en dira-t-on des autres, je savais très bien qu’il n’en avait strictement rien à secouer, mais j’aimais le voir entamer quelques chose de philosophique, il avait toujours réponse à tout, avec une français osé et beau à écouter.
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() message posté Dim 11 Jan 2015 - 23:25 par Invité
« On dirait. » me répondit-elle immédiatement. « J’ai envie d’y croire, mais dis-moi, qu’est-ce que j’y gagne ? N’oublie pas que la sorcière qui sommeille en moi, attend de son Woland qu’il tienne parole. » Mon regard insistant se mêla d’un amusement littéraire et se moucheta de quelques petits éclats malicieux. Parce qu’elle avait du répondant, cette jeune fille. Une vraie petite langue acide et piquante, comme celle d'un serpent. Mais lequel d’entre nous deux réussirait à maîtriser l’ardeur de l’autre, c’était là toute la question. C’était si étrange et à la foi si plaisant de la tenir ainsi, ses mains fines pouvant glisser comme de la fumée entre mes doigts mais risquant aussi de se briser comme du cristal sous la pression de mes larges paumes. Que d’ambiguïté, et surtout que d’ambivalence. Je n’avais pas besoin de la transformer en sorcière, elle en était déjà une. Son regard clair glaçait l’esprit et brûlait la peau. La douceur de ses mains éraflait le cœur de ses amants. La blancheur de ses joues était celle des matins d’hiver, lugubres et pâles, mais empreints de poésie. Elle était une muse noircie par l’excès, un rêve que l’on n’osait pas comprendre, un ange qui, une fois tombé du ciel, n’avait aux lèvres que les lettres du mot « blasphème ». A ce niveau, on ne parlait plus de charme, on parlait de magie. Et elle était une magicienne bien douée, mais elle n’aurait pas mon esprit. Quelle partie de mon âme voudrait-elle tordre ? Celle-ci était déjà aussi difforme qu’une chimère. « Tu ne me fais pas confiance, Angie ? » J’avais haussé les sourcils, attentif sa réponse. Après tout, j’étais un type étrange moi aussi, avec ma porte grande ouverte et mon regard affamé. Quoi, affamé ? Vous me posez vraiment cette question ? J’avais entre les bras une jeune femme joueuse et acide, et vous me posez vraiment cette question ? La naïveté était bannie de cette histoire, comme elle l’était de toutes les histoires, d’ailleurs. En bon lecteur, on se devait d’être perspicace et de repérer les jeux de l’auteur. Imaginez-vous devoir écrire un livre : au bout de quelques chapitres, vous finissez toujours par vouloir vous amuser un peu. Et puisque les mots sont votre seule arme, c’est avec ceux-ci que vous chatouillez vos lecteurs de quelques remarques subtiles. Alors, je répète : vous me posez vraiment cette question ? La réponse me paraissait pourtant évidente. En cet instant, Angie et moi, nous n’étions qu’une femme et un homme, en train de danser. Il n’y avait pas de contexte, pas de lieu, pas de préjugé. Angie avait tout laissé traîner dehors, dans le froid londonien et la société qui la méprisait tant.

« Tu ne m’as jamais rien refusé, je te l’accorde. » Il y avait un début à tout. Mais qu’aurais-je pu refuser à son visage de porcelaine ? Comme pour confirmer ses mots par des gestes, elle se saisit de ma cigarette et l’éteignit. Je soufflai le reste de la fumée, agacé. Et ce n’était que de l’agacement, elle avait de la chance. C’était vrai que j’étais bien trop gentil avec elle, elle se permettait n’importe quoi, et qui plus est, elle était chez moi. Ses mains glissèrent sur mes livres et elle tanga quelques secondes dans mon salon, comme si elle cherchait quelque chose. Mes sourcils se froncèrent. Elle n’avait pas éteint ma cigarette juste pour éteindre ma cigarette, si ? Puis elle se retourna et se posa à mes côtés, me soufflant au visage une fumée à l’odeur singulière. L’herbe, étrangement, ça me rappelait mon enfance. Non pas mon adolescence révoltée, mais mon enfance à la campagne, parce qu’une odeur appelle un goût, et que j’avais toujours trouvé que le goût d’un joint se rapprochait étrangement de celui des herbes et des aromates qui poussaient dans le jardin de ma maison natale. Et elle me surprit, cette odeur, parce qu’aucun parfum ne pouvait vraiment s’imposer chez moi, à part le mien : le tabac, le métro, le café, l’alcool, l’homme, la fraîcheur d’un sixième étage, la ville, le déodorant, le tabac, la chaleur, le froid aussi, la sueur d’une intense réflexion, la nuit, la poussière et enfin … le tabac, pour une troisième fois. Ça, c’était moi, c’était mon parfum, et Dieu savait que je n’aimais pas les définitions hasardeuses, mais je n’y coupais pas cette fois-là. Mais ce joint et cette odeur, c’était quelque chose qui me surprenait à chaque fois, comme pouvaient surprendre les effluves d’une enfance oubliée et d’une majorité rêveuse, comme pouvait surprendre le parfum d’une femme nous rappelant d’une nuit lointaine, comme pouvait surprendre le regard d’Angie, ses doigts de magicienne et sa silhouette de fée éméchée – quelle image incongrue, mais si représentative. « Mais que penserons les autres ? » Ses fameux doigts glissèrent dans ses cheveux de manière désinvolte. Vraiment, Angie, c’est de ça dont tu te préoccupes ? « Ce serait malheureux de transgresser le règlement. » Mon regard ne la quittait pas, elle et ses mouvements gracieux et envoûtants. Disait-elle en me tendant un joint, pitié. Elle le savait, c’était ce qui constituait le personnage après tout. Elle me faisait – ou nous avions fait, qui sait – tout un cinéma pour que je l’invite à un bal – danser toute la soirée, Dieu de ciel, quelle révolte contre le système. Et à présent, le plus naturellement du monde, elle arrivait avec son herbe et son petit sourire d’ange, et je n’avais à nouveau aucun moyen de refuser quoique ce soit. La différence, en réalité, c’était que personne ne pouvait nous voir jouer ici, mais qu’au bal, les règles seraient différentes. « Mais on aime tous faire ça, transgresser le règlement. C’est fou à quel point le mal fait du bien parfois. » Je saisis enfin le joint qu’elle me tendait. « Tes cadeaux deviennent de plus en plus néfastes, princesse. » me moquai-je alors.  L’herbe, ça aliénait complètement mon esprit parfois. J’étais loin de tomber comme une masse, à l’image de tant d’autres. Les idées fusaient en un incroyable flux dans ma tête, impossible de les arrêter. C’était généralement l’effet qui se produisait chez beaucoup de gens, mais d'habitude, on n’avait plus la force de prononcer quoique ce soit. Moi, à l’inverse, ça me faisait parler. Les mots jaillissaient de ma bouche avec une ardeur incontrôlable, cela m’excitait et me rendait nerveux. Voire agressif. Voire violent. Enfin, il fallait quand même m’enfourner une sacrée dose d’herbe pour que j’assène un coup de poing à quelqu’un, et il fallait aussi une bonne raison. Et Angie ne trouvait jamais de moyen pour m’énerver. Un vrai trésor, cette fille. Non, au contraire. Mes doigts portèrent le joint jusqu’à mes lèvres. Au contraire, j’allais la percevoir d’une manière différente, mieux l’écouter, mieux la regarder, mieux la sentir, et cela ne la rendrait que d’autant plus envoûtante. Avouez, vous aviez envie que je dise attirante, hein ? Hhm, de quoi parlait-on déjà ? Transgresser les règles ? Vous n’avez vraiment aucune subtilité. C’était une magicienne, un personnage ambivalent et secret, pas une sirène nue, échouée et perdue sur une plage.

Je retirai sur le joint avant de le replacer d’un geste élégant entre ses lèvres à elle. Puis je me redressai, enjambai son corps fin, me remis debout et me dirigeai vers la cuisine, me grattant la nuque avec nonchalance. « Ce truc va me donner faim. » grommelai-je d’un ton faussement agacé qu’elle connaissait bien. J’ouvris mon réfrigérateur : rien. Non, vraiment, rien, il était d’une blancheur misérable, la lumière du néon se reflétant sur les bouteilles de vodka et me donnant un léger mal de tête. Je le refermai alors, et mes yeux tombèrent sur l’assiette où avaient siégé les restes du gâteau. Mon index glissa dessus pour en récupérer quelques miettes et je les portai à ma bouche avec calme. « Insupportable, les gens qui rangent pas la vaisselle. » marmonnai-je pour moi-même, sans me préoccuper de savoir si Angie m’avait entendu ou non. Ma main se releva alors vers le premier placard, que j’ouvris, et j’en retirai un paquet de céréales à moitié entamé. Vérifiant la date de péremption, je tendis le bras pour attraper un bol et versai des céréales dedans, saisissant une cuillère au passage. Je retournai dans le salon en mangeant et mon regard croisa celui de mon invitée – quoique, l’était-elle vraiment ? C’était le genre de fille à être partout chez elle. Puis je m’approchai, d’une démarche un peu traînante, mais après tout, moi aussi j’étais chez moi. Je posai le bol au pied du matelas et repris ma place, m’allongeant et fermant les yeux quelques secondes. Puis je les ouvris et jetai un coup d’œil amusé à ma voisine. « Tu te remets de tes émotions post-invitation au bal ? Crois-moi, y’a bien d’autres façons de transgresser les règles. Et c’est marrant de secouer les esprits des vieux professeurs. En plus, ça te vaudra des regards jaloux à la fac, tu pourras danser avec le mystérieux personnage que je suis et tu entendras mon faux accent français toute la soirée. Un délice. » Mes lèvres s’étirèrent en un sourire félin tandis que mes yeux la parcouraient à nouveau, dévorant presque chaque parcelle de sa peau pâle. « Ça te fait peur, la transgression ? Je ne te croirai pas si tu me dis que oui. Mais tu serais bien orgueilleuse de me répondre non. » C’était ça ton vœux, Angie ? Que je t’invite au bal, comme le merveilleux prince charmant avec lequel je ne partageais aucune valeur ? Trop facile, trop ennuyeux. En vérité, j’ignorai si, sous mes yeux, elle était royale ou captive. Si mes pupilles la transformaient en princesse ou l’intimidaient étrangement au point de la faire rougir à nouveau. C’était un doute que j’aimais ressentir, parce qu’il était l’essence même de tout ce qu’était « jouer avec le feu ». Que les événements s’enchaînent sans que l’on pense ni aux causes, ni aux conséquences. Que l’on se regarde sans savoir ce que pense l’autre mais en brûlant rien qu’en essayant de le deviner. Sauf qu’Angie n’avait pas assez de magie pour me brûler. J’avais dix ans de plus qu’elle, j’étais déjà en cendres depuis longtemps.
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() message posté Lun 12 Jan 2015 - 22:34 par Invité
Evidemment que j’avais une grande confiance en Thomas, c’est vrai, cela faisait à présent quelques années que nous nous connaissions et si vous me demandez ce qu’il représentait pour moi, je veux dire, quelle titre il avait à mes yeux, il m’était quasiment impossible de pouvoir vous répondre avec certitude. J’ai bien dit quasiment impossible car tant est si bien que je ne pouvais pas donner de nom à notre relation, je pouvais donner une image claire nette et précise de cette personne, une image sous forme de métaphore, écoutez bien : Thomas c’était la lune qui brillait de toute sa splendeur, toute son âme en pleine nuit, la journée on ne la voyait pas ou du moins que très peu ou alors on la voyait que quand on y pensait, n’y faisant que très peu attention et puis la nuit elle montrait tout ses atouts, elle savait jouer de sa personne de son charme même, tout en restant égale à elle-même, ne changeant pas, restant chaque soir la même, un peu plus fine un peu plus grosse, un peu plus ronde peut-être, je vous l’accorde et dans le pire des cas elle changeait de couleur, mais elle revenait à ce qu’elle avait toujours été, à son origine, à cette image ronde, jaune et luisante que tout le monde connaissait bien. Je crois qu’il était comme cette lune là, bien modeste dans son petit monde qu’il avait construit avec jouissance, parfois il lui arrivait de faire des écarts, comme à présent, profitant de mon présent bien singulier. Et vous voyez, ça ne lui collait pas à la peau de fumer, mais on lui pardonnait, car il revenait toujours à ce qu’il était et je crois que c’est ce que j’aimais le plus en lui, Thomas restait Thomas, il n’était pas comme les 8 milliards de personnes qui souffraient de bipolarité sans même le savoir. « Mais on aime tous faire ça, transgresser le règlement. C’est fou à quel point le mal fait du bien parfois. » Disait-il en expirant l’herbe la plus dévastatrice que je pouvais avoir en ma possession. Si j’avais déjà vu Knick planer avec les séraphins ? Non, pas à ma connaissance. Je remarquais que plus nous nous fréquentions plus je me permettais des écarts de conduite, mais je savais que je ne le mènerait jamais au grand jamais dans la pénombre face caché de l’enfer toxique qui habitait mes songes depuis bien des années et puis il était bien trop doué pour sombrer, mais il était tout aussi intelligent pour savoir en profiter et mouvementer quelque peu sa vie qui était loin d’être trépidante. Quoi de la vantardise ? Loin de moi cette idée, mais ce que je veux dire par là, c’est que j’étais -certainement- la seule à pouvoir le faire sortir de sa routine. « Pour soigner un mal il faut le combattre avec ses propres ressources, c'est à dire le mal. » la grande philosophe en moi venait de sortir un phrase qui avait bien du sens dans cette pièce embaumée de cette odeur délicate qui chatouillait sans équivoque les narines des chers voisins de Knick, même si au 6ème étage sans ascenseur, je doutais fort qu’il puisse y avoir du voisinage. Néfastes mes cadeaux ? « Pourtant c’est un présent tout ce qu’il y a de plus néerlandais, crois-moi. » Oui, je n’étais pas peu fière d’être une Amsterdamaise, droguée qui plus est, quelle belle image de la jeunesse je reflétais.

Je pouvais sentir mon humeur devenir de plus en plus enjouée, taquine, féline et j’en passe, un peu comme une fille de joie qui reçois la récompense de son dur labeur et qui n’aspire qu’à une chose s’empresser de répéter la chose une nouvelle fois. Je lui souriais, montrant toute mes dents, blanches, alignées, merci la génétique. Quant à lui, l’herbe ça lui donnait faim, je le regardais se déplacer, vivant un peu les actes qui se passaient dans cette pièce au ralenti, je n’avais pas entendu ce qu’il avait grommelé dans sa barbe, tout ce que je voyais c’était des céréales colorés s’éclater au fond d’un bol et noyées dans du lait, j’avais presque de la peine pour ces céréales. Continuant de fumer le joint qu’il avait remis avec délicatesse de ses grandes mains entre mes douces lèvres, je ne souriais plus, j’avais même une sale tronche, ne cherchez pas, la drogue mes amis, la drogue. Sans que je ne m’y attende il s’allongeait à nouveau près de moi, je pouvais même vous dire qu’il était collé à moi. « Et toi, tu seras accompagné de la mystérieuse étudiante en pharmaco qu’on ne voit jamais, si ce n’est au laboratoire de chimie, fabriquant je ne sais quoi … Quelle belle image de nous. » Me penchant sur lui comme on se penche sur un berceau, gardant une distance tout ce qu’il y avait de plus amical –pour le moment- « Dis-moi quelque chose en français, dis-moi ce que tu peux me dire de plus beau, de plus poétique de plus ''Rimbaud'. » Je délirais un peu, l’herbe me faisait sortir de ma zone de confort, de ce que je me permettais de dire ou faire.  Il avait eu ce sourire à la fin de sa phrase, un sourire amusé, malin qui cachait certainement quelque chose. « Ça te fait peur, la transgression ? Je ne te croirai pas si tu me dis que oui. Mais tu serais bien orgueilleuse de me répondre non. » Si seulement il savait que ce qu’il venait de dire s’était transformé dans ma tête en un défit, comme si je devais lui répondre sans utiliser la négation et sans utiliser la positive, sans même peut-être ouvrir la bouche qui sait. « Parfois les paroles ne servent pas à grand chose pour prouver d’autres belle choses. » Quoi ? Je venais de dire à un professeur de littérature que les mots n’étaient pas assez forts pour répondre à sa question. J’avais cette mauvaise imrpression que le fumage de joint faisait partie intégrante de notre jeu, comme si je l’avait fait fumer pour pouvoir faire ce que j’avais l’intention de faire à présent, car ce qui suivait allait dépasser l’entendement, c’était même surréaliste, mais ce qui était beau c’est que ça n’allait rien casser entre nous, je dirais-même que ça allait solidifier le fondement même de notre ‘’amitié’’, mais j’étais bien trop défoncée pour le savoir, j’agissais sans réfléchir. La distance amical qui nous séparait plus tôt, s’était perdue sur le chemin de la dévergondation, le champ magnétique avait cédé et je m’étais approchée de ses lèvres, les effleurant un instant, avant d’y déposer un baisé. Je me répète, je jouais avec le feu quitte à me brûler les ailes et puis si on me le demanderait je dirais que c’était à cause de la drogue. « J'espère t'avoir correctement éclairé sur mon avis de la transgression des règles, Thomas. » C’était quand la dernière fois que je l’avais appelé Thomas déjà ? Ah oui … Jamais !
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() message posté Mar 13 Jan 2015 - 20:55 par Invité
« Pour soigner un mal, il faut le combattre avec ses propres ressources, c’est-à-dire le mal. » Je lui lançai un regard d’une douceur sulfureuse. La douceur des cendres d’une cigarette. La douceur de l’eau sur une brûlure. La douceur du pelage d’un chat qui a sorti ses griffes. « Pourtant c’est un présent tout ce qu’il y a de plus néerlandais, crois-moi. » Oh, mais je la croyais, et je savais qu’elle était sincère, qu’elle s’aventurait sur une terre inconnue de manière hasardeuse en priant pour que je sois derrière elle, à la guider. Et toute cette confiance, ça me faisait sourire, parce que ça la rendait délicieusement téméraire, mais également terriblement vulnérable. Plus sérieusement, vous viendriez vraiment passer la nuit chez un type comme moi alors que l’on vit dans des mondes diamétralement opposés ? Vous réussiriez à me demander de vous inviter au bal ? Vous arriveriez à soutenir une conversation face à mon profond sarcasme, mon égoïsme, ma voix prétentieuse et grave, l’absence totale d’empathie dans mes yeux et mes mots, mes gestes élégants et agaçants ? Vous oseriez me filer de l’herbe et en fumer avec moi ? Eh bien non, vous n’en seriez pas capable. Mais Angie, si. C’était comme ça qu’elle passait le temps, en risquant les quelques effluves de naïveté qui lui restaient pour sombrer totalement. Elle se moquait de savoir quelle serait ma réaction, tant qu’elle en profitait de son côté. En ce sens, nous étions assez similaires, et c’était cette ressemblance qui m’attirait. Nos faits et gestes n’avaient plus d’importance, plus d’impact. Notre honneur s’était déjà enfui et nos âmes avaient déjà fondu dans l’océan noir et visqueux d’une déchéance longtemps recherchée. Angèle, où sont tes plumes ? Tout avait brûlé au profit du mal qu’elle chérissait tant. En cas d’incendie, pas d’issue de secours.

« Et toi, tu seras accompagné de la mystérieuse étudiante en pharmaco qu’on ne voit jamais, si ce n’est au laboratoire de chimie, fabriquant je ne sais quoi … Quelle belle image de nous. » Mon sourire s’accentua. En effet, quelle belle image. La beauté dans l’étrangeté, c’était ça qu’elle voulait me faire remarquer. Chacun de notre côté, nous méprisions toutes ces merveilles, mais ensemble, nous avions décidé d’y laisser glisser un peu de souffre, un peu de venin. Comme quoi, je vous l’avais dit, que nous étions les mêmes parfois, elle et moi. Elle se pencha au-dessus de moi et ses longs cheveux vinrent encadrer mon visage, tandis qu’elle laissa ses yeux bleus rencontrer les miens. La drogue l’aliénait. Le bleu se mêla d’un léger rouge significatif et elle avait l’air hagard et prêt à tout. « Dis-moi quelque chose en français, dis-moi ce que tu peux me dire de plus beau, de plus poétique, de plus ‘Rimbaud’. » Je soutins son regard quelques secondes, mais ne pus m’empêcher de laisser échapper un rire doux et cristallin. « Tu ne trouves pas ça un peu cliché ? » Mais elle semblait y tenir. Elle avait plus fumé que moi. Sa silhouette était cette d’un fantôme venu me hanter. Sa peau pâle la faisait vraiment ressembler à une créature imaginaire, comme un elfe au visage droit et illusoire ou bien ma fameuse sorcière, et ses cheveux étaient autant de cordes d’or menant à la courbe de ses pommettes. Je laissai mon esprit glisser sur celles-ci avant de me plonger dans une véritable réflexion. Elle me demandait de lui parler français, de lui susurrer à l’oreille ce que je pouvais lui dire de plus beau. Oh, Angie. C’est bien vaste. C’était quoi, cette manie qu’avaient les gens de me demander ce qui m’avait le plus bouleversé dans la littérature, ce que je trouvais le plus admirable, ce qui me faisait continuer à aimer mon métier, quelle était l’œuvre par excellence. Mais ce que les gens ne comprenaient pas, c’était que, pour moi, la littérature était un tout. Elle se renouvelait et me surprenait tous les jours, à la différence des Hommes eux-mêmes. Quel paradoxe, d’ailleurs, que de se rendre compte que des êtres décevants pouvaient créer quelque chose d’absolument extraordinaire. De plus poétique, alors. De plus ‘Rimbaud’. Mon regard parcourut son front et la courbe de ses yeux avec douceur. Mais j’étais sceptique. Rimbaud, quoi. Si il y en avait un qui avait transgressé les règles, c’était bien lui, lui et son visage jeune, son intelligence et sa vivacité d’esprit, la sensualité de ses mots, la vie qu’il avait vécu, sa folie, et sa Bohême, évidemment. Je m’en allais, les poings dans mes poches crevées … Le reste du poème résonna dans ma tête d’un son astral. Mais pourtant, je ne voulais pas le réciter. Il ne correspondait pas à ce que je recherchai – car oui, j’avais finalement décidé de jouer au petit jeu d’Angie, même s’il était à la fois dangereux et prévisible. J’ouvris alors chaque recoin de mon esprit et jetai même un rapide coup d’œil à mes livres, les noms d’auteurs dansant devant mes iris acérés. Non, ce n’était pas Rimbaud. Quelque chose de plus relâché, de sombre et de dément. Je fronçai légèrement les sourcils en pensant aux Paradis Artificiels, mais à nouveau, je ne ressentis pas l’étrange envie de lui en souffler quelques phrases. Mes yeux s’arrêtèrent alors sur la fine et blanche tranche d’un autre recueil. Alcools. Tiens-donc, de la poésie expérimentale sous le signe du déchirement. C’était ça, sûrement, le sentiment d’avoir trouvé. Ce fourmillement au bas du ventre et la langue agitée, cherchant à faire jaillir les mots. Et je les laissai faire, presque impuissant.
           
    « Notre histoire est noble et tragique
    Comme le masque d’un tyran
    Nul drame hasardeux ou magique
    Aucun détail indifférent
    Ne rend notre amour pathétique

    Et Thomas de Quincey buvant
    L’opium poison doux et chaste
    A sa pauvre Anne allait rêvant
    Passons passons puisque tout passe
    Je me retournerai souvent

    Les souvenirs sont cors de chasse
    Dont meurt le bruit parmi les vents »


Ma voix s’éteignit en un decrescendo suave, comme mourant avec les souvenirs et le bruit des cors de chasse. Pourquoi ce poème ? Pourquoi Apollinaire et non Rimbaud ou Baudelaire, alors que j’avais songé aux deux et qu’ils étaient tous trois aussi passionnants les uns que les autres, mais pourtant complètement différents ? Était-ce une coïncidence, cette mention du nom Thomas et m’était-je déjà identifié à Thomas de Quincey en songeant à Cors de Chasse ? Cet anglais si brillant mais détruit par la drogue et éperdument amoureux d’Ann, une prostituée qui le sauva d’une mort certaine et qui disparut ensuite, hantant à jamais sa mémoire. C’était étrange, mais réciter ce poème m’avait laissé serein et calme. Presque reposé. Et peut-être qu’Angie l’avait vu, que mes muscles s’étaient détendus et qu’à la place de la malice et des flammes siégeaient à présent une véritable douceur et un réel apaisement sur mon visage. Comme quoi, il y avait bien des choses qui domptaient la noirceur de mon humour et de mes yeux.

« Parfois les paroles ne servent pas à grand-chose pour prouver d’autres belles choses. » Son regard était insistant mais je n’eus aucun mal à le soutenir, et cela m’acidifia de nouveau. Comme si, durant l’espace d’une seconde j’avais baissé les armes, mais que d’un coup, mes griffes ressortaient au bout de mes pattes agiles. Je l’observai avec une attention toute particulière et un silence qui confirmait ses mots. Ses cheveux caressèrent mes joues alors que son visage d’elfe s’approcha du mien pour venir m’embrasser, d’abord presque timidement puis gagnant en assurance, et je me laissai faire, fermant les yeux. Mes mains restèrent immobiles, le long de mon corps ma respiration ne s’accéléra pas et mon crâne reposa sur l’oreiller. Son baiser presque volé semblait être dans la continuité de ma sérénité passagère et tout me parut plus doux. Le matelas qui gisait sous nos corps, le goût du vieux tabac dans ma bouche, mon désenchantement, tout. Elle se détacha lentement de mes lèvres pour murmurer quelques mots. « J’espère t’avoir correctement éclairé sur mon avis de la transgression des règles, Thomas. » Le fait d’entendre mon prénom me fit ouvrir les yeux et je la toisai, sans un mot, mon sourire ayant quitté mes lèvres comme venait de le faire Angie. J’étais d’un sérieux déconcertant, presque trop grave, presque trop dramatique, presque trop sévère et imposant. Elle m’avait peut-être pris au dépourvu, finalement. Je n’avais fait que la dévorer des yeux depuis qu’elle était apparue dans mon champ de vision, et maintenant qu’elle se laissait aller avec une désinvolture et une témérité propre à la drogue, je n’éprouvais que de la sérénité et de la sévérité ?

Sérieusement ? Genre … vous y croyez vraiment ?

C’est alors qu’entra en scène l’euphorie. Une euphorie excitée et soudaine que je ne cherchai même pas à contrôler. J’aurais été idiot de vouloir essayer, d’ailleurs. Un à un, mes muscles se contractèrent et ma main vint caresser sa joue avec délicatesse. Aussi sauvage soit-elle, elle restait en porcelaine, et j’accordais une importance toute particulière à son aspect faussement fragile. Ma main descendit sur son cou, puis ne fut que deux doigts qui glissèrent sur son épaule, puis le long de son bras, et enfin entre ses phalanges à elle, comme précédemment lorsque nous avions dansé. Mes gestes étaient d’ailleurs empreints d’une sensualité similaire. Mes yeux avaient suivi la courbe de mes doigts et revinrent alors se poser sur le visage d’Angie. Et cette fois-ci, le noir était charbonneux et brûlant, comme une braise. Je me redressai alors lentement, sans la perdre de vue – comment aurais-je pu ? – et à mon tour, j’approchai mon visage du sien. Nos fronts se rencontrèrent, puis nos nez et je saisis ses joues entre mes larges paumes pour l’embrasser à mon tour, avec une sorte d’avidité, de frénésie, sans pourtant être agressif. Mes cinq sens étaient enfin en éveil et mon emprise se fit plus ferme et descendit vers ses hanches. Je la fis alors basculer au-dessus de moi – ou peut-être vint-elle d’elle-même – sans quitter ses lèvres, et fis redescendre ma tête contre l’oreiller, doucement, pour ne pas la brusquer. Puis j’attrapai ses épaules et la forçai à se redresser. Je restai quelques secondes les bras tendus et les paumes plaquées contre ses clavicules, et je la contemplai ainsi, à mi-chemin entre l’émerveillement et l’ironie. C’était une scène parfaitement divine pour le cynique que j’étais. Elle prouvait sa décadence, sa raison évaporée et son besoin de laisser ses sens la guider. Ou peut-être était-ce la drogue qui parlait ? Mon sourire était revenu, à nouveau sulfureux. Comme si j’en avais quelque chose à foutre. Et puis, Angie sans la drogue, ce n’était plus vraiment Angie. Je détachai mes paumes de sa peau et vins les placer derrière ma tête avec une sorte de satisfaction pédante et insupportable. « Un peu imprudent, tout ça, princesse. T’es sûre de vouloir t’aventurer dans ces eaux-là ? » lui soufflai-je, rieur. Ce n’était pas moi qui allait l’en empêcher. Je l’attendais au tournant, elle et sa magie. Mine de rien, elle avait réussi à m’envoûter et elle me menait à la baguette depuis le début de la soirée, mais ce n’était pas vraiment un problème, au contraire. J’étais bien trop blasé pour contrôler quoique ce soit ce soir, alors j’étais même ravi qu’Angie prenne les initiatives. C’était à elle de savoir où étaient ses limites. Cette pensée m’arracha un rictus moqueur. Oh, ouais, là, on était carrément tombés au royaume des limites, des prises d’initiative et de la responsabilité. Putain, ouais. Ouais.
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