tell me would you kill to prove you're right. (des)

J’ai sauté à travers la rivière et qu’est-ce que j’ai vu ? Les anges nageaient à mes côtés. Le ciel était noir, il empestait le kérosène. Les étoiles étaient proches. J’ai vu toutes ces choses, toute ma vie. Quelques amours étaient là. Mon passé et mon futur. Cette barque pour le paradis. Je ne craignais pas la mort. Seulement l’abandon et la lumière. J’ai lâché mon arme et j’ai embrassé cette femme. Je voulais devenir roi, être le premier derrière la ligne.
« Des ? » L’ambition rend moche, l’ambition détruit. J’ouvre les yeux avec peine, le spectacle n’est pas plus beau. Il ne le sera plus. Je suis un enfant mort-né, sans famille. De la chair et du sang qu’on n’appelle plus. La secousse est violente, l’avion pourrait bien s’écraser. « Des merde ! Tu pourrais répondre ! » J’épouse la terre de mes mains. Les visages sont fermés. Les visages sont inquiets. Le médecin n’est pas la solution. Il ne peut rien faire contre la poussière. Contre le désert. Mon regard s’arrête sur son stéthoscope. Le petit homme parle en mathématiques. Il agite les bras. Il se perd en explications avant de conclure : « Il est foutu. » La lumière était trop vive, je le savais. Je voulais seulement atteindre le soleil, m’extasier une dernière fois avant la fin. « Des ? Tu te souviens de la bombe ? L’explosion. Le vent à soulever mon coeur je m’en souviens, il était lourd et fatigué. J’ai hoché négativement la tête et j’ai reculé. J’ai reculé pour voir ces ombres me tourmenter. Encore et encore sans jamais faiblir. Mon château venait de tomber, il était sans défense. « Tu vas quitter cet endroit Desmond. Tu retournes en Angleterre auprès de ta femme mon pote. »

L’abandon. Je quitte l’Irak aujourd’hui comme je quitte l’armée. Cette institution. Ma seule famille. Je vais revenir à une vie morne et monotone. Je vais revenir à Londres et ses embouteillages. Je vais rejoindre ma femme et ses parents. Et elle me dira encore sur un ton réconfortant : « On peut toujours adopter Des. » On peut toujours devenir parents Des. C’est plus ou moins de ta faute mais on passera au-dessus de tout ça ensemble Des. L’année prochaine on en rigolera. Elle ne voit pas à quel point je souffre mais je ne peux pas lui en vouloir. Je suppose que je voulais une grande famille aussi avant ces foutues analyses.
Je cherche la sonnette du bout des doigts, je peux déjà l’entendre se précipiter en bas des escaliers. Elle doit probablement attendre de la visite, mais pas la mienne. Je ne peux pas voir l’expression de son visage mais je l’imagine aisément sa surprise. Je ne devais pas rentrer avant deux mois. Mes mains tremblent, j’ai du mal à cacher mon anxiété. Je lui tends mon bouquet de fleurs pour échapper à ses questions. Je regarde volontairement droit devant moi, j’essaie d’être impassible à ses yeux. « Des, ils ont appelé. » J’ai l’impression d’étouffer. Je ne sais plus quoi dire, je ne sais plus quoi faire. Je rase le couloir de l’entrée. Je sais pertinemment qu’elle va vouloir m’embrasser et j’ose dire : par pitié. Elle va essayer de me faire parler comme elle le fait habituellement. Je vais bien, je suis seulement aveugle, blessé et sujet à la dépression. « Je vais partir. Quitter cette maison. Je ne veux pas que tu me vois dans cet état. » Je sens ses mains autour de mon cou, elle m’embrasse mais je peux l’entendre sangloter. « Reste. Reste, c’est pas important Des. » Je laisse ses baisers m’envahir, je sais pertinemment qu’ils seront ses derniers. « Est-ce que tu peux m’aider à faire ma valise ? Je t'en prie. »

Un poste à Scotland Yard. À croire qu’ils manquent d’handicapés dans leurs bureaux étriqués. Quelle bande de connards. Si je ne décolère pas, je suis pourtant dans l’impasse. Ma pension ne pèse pas lourd et j’ai besoin d’un emploi - voir d’un appartement. Je ne compte pas rentrer chez moi, j’ai peur de l’affronter, de lui céder. Je ne veux pas être un poids pour elle. Je ne lui souhaite pas de finir ses vieux jours avec un ancien soldat aveugle et stérile. Ceci n’est pas une fin enviable. Si je m’éloigne c’est parce que je l’aime. Je vais me prendre un avocat et demander le divorce. Je compte aller jusqu’au bout. Si elle ne veut pas me rayer de sa vie, je le ferai. « Du gaz monsieur. C’était du gaz. » Le recruteur prend le temps de me faire languir, il parcourt mon dossier de A à Z. Je le sais et il le sait. Je ne suis pas un enquêteur, je suis un soldat. Je dois uniquement cet entretien à mes relations. Je me demande si j'ai le poste. Je me demande si cet entretien n'est pas en réalité un examen psychologique. Ses questions me rebutent, ma vie est comme décortiquée. Or, je déteste avoir à parler de moi à la première personne du singulier.