just let the pain remind your heart can heal (mad)

La vie, tu t’es noyée dedans. Sans penser au fait qu’un jour, tu finirais par manquer d’air. Gamine, les étoiles tapissaient l’étendue céruléenne de ton regard immense. Les constellations dessinaient sur tes lèvres roses, des délices au goût sucré et à l’aura féerique. Parmi les orages de la réalité et la lourdeur des adultes trop sérieux, tu étais une petite étincelle diaprée. Un sourire volé et halluciné. Tout droit sorti d’un kaléidoscope. La nostalgie t’étreint violemment lorsque tu repenses à cette époque, lorsque l’image de la petite fille que tu étais revient se blottir dans ta mémoire désabusée,  ulcérée par des complications que tu as bien du mal à déchiffrer. Avec tes valises débordantes de rêves, tu t’es jetée dans la gueule du loup trop tôt. Funambule maladroite sur le fil d’une existence pas aussi tendre que ce que t’ont raconté les livres. Ces idéaux t’ont dupé. Peut-être que tu t’es montrée un peu trop arrogante, un peu trop naïve et de ton fil, avec tes allures d’équilibriste inconsciente, tu es tombée. Les paupières fermées. L’esprit envahi par une obscurité qui n’a jamais été tienne. Tu t’es mise à suffoquer et tes os se sont mis à saillir sous ta peau.

Aujourd’hui, tes pensées font marche arrière. Tu t’enveloppes dans les effluves d’une enfance aux saveurs lointaines, bercée par la chaleur d’un soleil brûlant et l’odeur des forêts encore vierges. Ce sont toujours les couleurs de l’Inde qui te rappellent l’essence première de ton être. La plénitude de ses temples qui t’indique le chemin à suivre lorsque tu t’égares. Souvent, tu te dis que tu aurais aimé être plus forte que ça. Lorsque ton iridescence s’est diluée dans l’amas d’ombres haineuses, ton cœur s’est serré. Il s’est brisé. Peut-être pour la première fois. Et ce n’est pas l’amour. Non, ce n’est que son absence qui t’a heurté. Les incompréhensions ont enserré ta trachée et tu t’es fanée. Sans que tu n’aies pu anticipé les choses. Des erreurs successives. Des promesses balayées, des déceptions agressives. Tu as perdu ton souffle et toi qui ne pleurais jamais, tu n’as fait que ça durant des mois. Ne sachant pas comment arrêter ce flux salé te ramenant à l’océan, aux vagues qui t’ont porté un temps. Elles t’ont bousculé. Comme pour te réveiller, comme pour t’aider. Mais tu es restée stoïque, consumée par le coma de ta luminescence. Fissurée par cette vie qui te souriait incessamment et qui a fini par te poignarder avec ses mensonges.  

Longtemps, tu as haï ces sensations nébuleuses. Ces vertiges au goût de mort auxquels tu t’es habituée. À présent, tu comprends que ces douleurs étaient nécessaires, qu’elles t’ont fait grandir et qu’elles t’ont fait comprendre que les choses essentielles ne respirent pas dans ces eaux troubles. Sur ton chemin, il te reste beaucoup de choses à apprendre. Beaucoup d’obstacles à franchir. Pour ce bébé que tu as mis au monde, tu dois réapprendre à vivre. Pour toi aussi. Pour celui que tu aimes et qui t’aimes malgré tes failles, qui reste malgré vos blessures. Redevenir assez forte pour tenir la main de ton petit garçon et l’accompagner jusqu’à ce qu’il décide, à son tour, de s’envoler. Comme toi, tu l’as fait. Comme tout le monde l’a fait avant toi et comme tout le monde le fera après toi. Respirer sans l’aide des machines. Vivre et aimer, apprendre et léguer parce que c’est ton rôle. C’est la raison de ta présence, de sa présence. Dans les sourires de ton fils, tu reprends ton souffle. Dans ses étreintes délicates et fragiles, tu récupères ta force. Cette force invincible qui te poussait autrefois à dévorer le monde qui ne cesse de grandir autour de toi à chaque pas de plus, sous le bruyant écho de ton cœur qui bat doucement au creux de ta poitrine.

Tu as envie d’y croire à nouveau, à cette histoire qui est la vôtre. Celle que tu partages avec Luke depuis un peu plus d’un an aujourd’hui. Les guerres ont tâché votre complicité. Toi aussi, tu es fautive. Certainement autant que lui. Pourtant malgré les maux, malgré le sang perdu et les larmes crachées, tu ne parviens pas à aimer un autre. Cela ne te traverse même pas l’esprit. Tu restes sienne comme si c’était gravé dans la pierre du temps, tu restes sienne malgré les tempêtes et le mauvais temps. Tu l’as souvent regardé avec amour, avec haine. Avec tristesse, avec bonheur. Et dans toutes ces émotions, tu ne parviens qu’à retenir l’essentiel : Vous vous appartenez l’un à l’autre. Peu importe les troubles qui vous rongent, peu importe la distance et le silence que vous êtes capables de vous infliger. C’est ton cœur contre le sien qui dépasse le reste. Vos sentiments qui vous guident, vous éloignent et vous rapprochent. Tu ne sais pas si vous y arriverez, tu sais simplement que tu as envie d’essayer. D’oublier les peines pour retrouver ce qui vous rendez si spéciaux avant la chute. Tu veux renaître, avec lui. Avec ton fils. Avec ta famille.