it's not right but it's ok- Nate

Evoquer le désert sentimental qui me caractérise n'est pas vraiment quelque chose qui me plaît beaucoup. Jusqu'à il y a quelques mois, je m'en foutais royalement, mais ça n'est plus le cas, et je regrette franchement, parce que c'est pas comme si c'était un changement positif. Mais je peux pas y faire grand chose, et personne y peut rien, de toute façon, alors j'aime autant ne pas en parler.

« J'imagine que j'ai eu de la chance. Tu sais c'est le premier petit ami que j'ai alors je n'ai pas l'intention de m'en séparer de si tôt. Je ne sais pas comment j'ai fait pour être toute seule aussi longtemps. J'espère en tout cas, que toi aussi tu trouvera celui ou celle qu'il te faut. Parce que tu le mérite autant que moi.
- Mouais, si tu le dis... »

Je suis franchement pas convaincu. Déjà parce qu'à mes yeux, elle est clairement largement plus une chic fille que moi je suis un chic type, et puis parce que je sais pas si c'est celui qu'il me faut, mais celui que je veux, en tout cas, n'est pas accessible alors c'est franchement pas gagné. J'accepte avec plaisir le bisou sur la joue, en revanche, mais c'est pas comme si c'était désagréable.

Le sujet de conversation dévie vers Halloween, et sa collègue vampirette. J'ignore bien évidemment que cette fille ne va pas me rester inconnue indéfiniment. Pour l'heure, c'est juste une jolie métisse au costume sympathique et... basta.

« Ah oui c'est ça, la femme vampire. Elle était vraiment jolie d'ailleurs. Elle est très gentille. C'est elle maintenant qui me remplace au fast food. »

Fut un temps où j'aurais sans doute répondu que j'irais y faire un saut, alors, rien que pour aller draguer la jolie serveuse mais l'envie n'est plus là depuis un moment. La dernière fois que j'ai eu envie, j'ai fini par dire son prénom alors...

Après son travail à elle, on a embrayé sur le mien, et je suis étonné de pas lui avoir dit auparavant que je bossais aussi pour le Times. Cela dit, son intérêt pour ma petite vie - somme toute pas forcément si intéressante pour les autres, après tout - me fait super plaisir.

« Je te vois très bien en journaliste, je te souhaite de réussir en tout cas et le groupe de musique alors ? C'est comme ça que vous l'avez monté ? Tous les deux ? Je n'ai jamais su vraiment comment ça s'était fait et vous chantez vraiment bien tous les deux.
- On fait un peu toujours tout ensemble, Spence et moi. Mais c'est qu'on se connaît depuis tellement longtemps. C'était son idée à lui, à la base, et je suis juste ravi qu'il me l'ait proposé. Je sais pas si je pourrais vivre sans musique maintenant. Et merci, ça fait toujours plaisir à entendre ! »

Un clin d'oeil pour ponctuer mes remerciements à ses compliments sur nos voix et on en revient à son nouveau job et à la façon dont elle a réussi à quitter l'ancien. Parce qu'honnêtement, moi, je sais pas si j'arriverai facilement à quitter le Barfly...

« Oh non c'était facile, ça faisait un moment que j'en avais assez et puis je suis bien mieux payé maintenant. J'aime beaucoup ce milieu-là, c'est un peu étrange, j'aime y travailler mais je crois que je préfère mon petit confort. Être toujours dans les affaires et les affaires ça ne doit pas être marrant tous les jours. »

Je peux pas m'empêcher de penser que si elle avait grandi dans ce milieu-là, elle l'apprécierait sans doute nettement moins. Et sa dernière remarque génère un petit reniflement limite méprisant de ma part.

« C'est loin d'être drôle tous les jours, ça, je peux te l'assurer... »

Mon père a même dû oublier ce que le verbe rire signifiait et je suis pas certain qu'il ait encore une notion de ce que c'est de sourire alors... M'enfin comme j'ai pas non plus envie de m'étendre sur ce sujet-ci...

« Et alors... qu'est-ce que vous avez prévu pour Noël, ton père et toi ? »

Je saute complètement du coq à l'âne, et non, je m'y prendrais pas autrement si je cherchais à noyer le poisson, mais enfin... J'ai clairement davantage envie de parler de ses projets pour Noël que de ma foutue famille, ou de mes histoires de coeur inexistantes, il faut bien avouer.

L'espoir... Mouais... c'est une vaste connerie. Je trouve ça magnifique chez les autres, et je peux l'avoir sur d'autres sujets, mais en ce qui concerne mes relations sentimentales... zéro. Qu'il s'agisse de couple ou de famille d'ailleurs, suffit de voir les contacts houleux que je peux avoir avec mes ascendants...

« Ne soit pas défaitiste, ça te tombera dessus sans que tu ne le vois venir. C'est souvent comme ça. »

De tomber amoureux ? Ca oui, en effet, mais pas de la bonne personne manifestement. A ce compte-là, j'aime autant que ça n'arrive pas. Et vu le fiasco en question, je m'abstiens de commenter à ce sujet, d'ailleurs...

Elle est mignonne, cela dit, à tenter de me remonter le moral comme ça. Mais sérieusement, Petite Sirène, t'inquiète pas pour moi. Je me suis toujours dit que c'était pas pour moi, j'en ai la confirmation, c'est tout. Je me focalise sur le reste, autant que possible. Les boulots, la musique, Noël qui approche... et mes amis, donc. C'est déjà pas mal, non ? Et d'ailleurs, en parlant de Noël...

« Je ne sais pas encore trop. Sans doute comme l'an passé, on sera ici tous les deux. Je vais peut-être demandé à Spencer s'il veut venir, voir ce qu'on fait et toi ?
- Je vais sans doute pas échapper au repas familial chez mes grands-parents, à entendre mon grand-père radoter sur les colonies et mon père casser du sucre sur mon dos... »

Et une grimace pour ponctuer cette phrase, parce que j'aime pas vraiment donner l'impression que je fais que me plaindre - même si là, c'est un peu le cas - avant que je reprenne la parole.

« L'avantage, c'est que ma grand-mère est une excellente cuisinière. Et qu'elle fait toujours en sorte que son emmerdeur de végétarien de petit-fils puisse quand même manger quelque chose, autre que la dinde traditionnelle à laquelle elle sait très bien que je toucherai pas... »

Un des nombreux sujets qui donne tout loisir à mon père de râler sur mon dos. Je le fais chier à pas être comme il voudrait que je sois. Je suis pas parfait, c'est pas nouveau, mais je crois qu'il comprendra jamais que personne ne l'est, pas même lui.

« Je regrette toujours un peu que mon père insiste éternellement pour nous faire livrer des bûches françaises, parce que Granny fait un pudding de Noël d'enfer... Elle a passé la recette à Maman, il me semble, mais elles ont jamais trop l'occasion de la mettre en pratique. »

Air songeur un instant, je me frotte le menton.

« Peut-être que si je leur fais suffisamment les yeux doux, je peux les amadouer pour qu'elles en préparent pour le Nouvel An. D'ailleurs, tu as des projets, toi, pour le réveillon ? »

J'en ai pas encore parlé à Spence, je sais pas si on fera comme tous les ans, cette réception-profiteuse des avantages de nos familles près de Trafalgar Square... Il faudra que je lui en reparle... Mais je me doute pas que mes plans risquent de changer à la dernière minute, sur un appel de Rika non plus...

C'est toujours ce qui est paradoxal chez moi. J'aime toute la période de l'avent, la préparation aux fêtes de Noël, l'ambiance festive et les décorations qui fleurissent partout... mais le réveillon en lui-même m'insupporte, et pour cause. Ma famille, c'est pas comme si j'appréciais tant que ça de passer du temps en sa compagnie.

« J'avais oublié que tu étais végétarien, en fait je crois que je l'ignorais, c'est marrant Spencer l'est aussi. Vous avez beaucoup de points en commun.
- Oui mais c'est pour des raisons différentes. A la base en tout cas. Par tradition, pour lui, par conviction pour moi. Je t'explique pas la guerre à la maison quand j'ai commencé à refuser de manger viande ou poisson à peine arrivé en cycle secondaire... »

Après, c'est clairement pas pour ça qu'on est aussi proches, et ça n'empêche pas qu'on a aussi nos différences, et nos différends, donc. Mais je crois que même sans ces points communs-là, ça ne changerait rien. Spence et moi, ça a collé dès le départ, et je crois que rien ne pourra changer ça. En tout cas, je ne le souhaite pas, parce que je ne suis pas vraiment sûr que je supporterais d'être un jour complètement séparé de lui. Ca doit être un peu étrange, dit comme ça, mais ça reste vrai. Je suis plus proche de lui que de n'importe qui avec qui je suis lié par le sang. Il est ma famille, en réalité, et imaginer être à nouveau en froid avec lui, c'est juste... impensable. Et insupportable. On a vu ce que ça donnait cet été, je crois que ni lui ni moi n'avons envie que ça recommence. Jamais.

Ce qui est triste, d'ailleurs, c'est que j'aurais sans doute aimé, un jour, passer Noël avec lui, mais... les traditions familiales ont raison de mes beaux projets, à chaque fois. Le réveillon chez mes grands-parents paternels, le lendemain chez mon grand-père maternel. C'est comme ça que ça marche, tous les ans. Un jour peut-être. Peut-être que j'inviterai, même, allez savoir. Mais je crois que c'est pas pour tout de suite. N'empêche que je me surprends à imaginer qui j'inviterais, si je pouvais organiser ça chez moi un jour. Drôle de rêve éveillé parce que ça n'arrivera vraiment pas de sitôt... Et les conseils culinaires d'Adri m'en tirent, et ça n'est sans doute pas plus mal.

« Oh si tu veux j'ai des recettes de bûches françaises, enfin c'est ma grand-mère du côté de ma mère qui me les a données. Je n'en ai pas encore tentées, il paraît que je me débrouille bien en cuisine pourtant. Mon père adore quand je lui fais des petits plats. Il faut dire aussi qu'il n'est pas très difficile, mais je ne suis pas douée et tellement maladroite que lorsque je cuisine je dois faire attention à tout. Je me suis déjà retrouvée aux urgences pour m'être coupée ou brûlée, c'est l'horreur. Tu vois un peu le genre...
- Je visualise, oui... On en testera une ensemble, si tu veux. Je me débrouille en cuisine... »

Clin d'oeil. Oui bon bah je vais pas trop en rajouter non plus, mais n'empêche que c'est la vérité, je me débrouille plutôt bien derrière des fourneaux. J'ai pas toujours trop le temps, mais quand ça me prend, je fais ça bien, vraiment. Et en attendant de mettre à exécution ce genre de plans sur la comète, on évoque nos réveillons à venir... Evidemment, le mien n'a rien d'enchanteur, mais je suis curieux de savoir comment ça se passe, pour elle. Et disons que j'espère un peu, en quelque sorte, qu'il y en aura un pour... disons faire une bonne moyenne, parce que ça sera pas moi qui vais rehausser le niveau...

« Hum et bien je ne sais pas, peut-être que je vais voir si Milan, mon meilleur ami, prépare quelque chose et j'inviterai Spencer, j'aimerais beaucoup qu'ils se rencontrent.
- Milan ? »

Je sais bien qu'on s'est pas énormément vus, et particulièrement ces derniers temps, mais je reste surpris de ne même pas avoir encore entendu le prénom de son best jusque-là.

« C'est une bonne occasion en tous cas. Peut-être que j'aurais l'occasion de le croiser, un de ces quatre... »

Nouveau clin d'oeil, ceci n'est absolument pas un reproche, juste une constatation. Et effectivement, j'aimerais bien le rencontrer, ne serait-ce que parce que je suis un petit animal sociable et que j'apprécie toujours de faire de nouvelles rencontres. Et puis si c'est son meilleur ami, il n'y a pas de raison pour qu'il ne soit pas sympathique, n'est-ce pas ?

En revanche, un coup d'oeil à ma montre m'indique qu'il va sans doute falloir que je ne tarde pas trop. Peut-être pas dans cinq minutes, mais d'ici assez peu de temps, il va falloir que je songe à partir, si je veux pouvoir arriver à l'heure au Barfly - à pied, donc, comme toujours. Je garde le silence à ce sujet pourtant, encore un moment. Je n'ai pas non plus envie qu'elle ait l'impression que j'aie hâte de partir, parce que ça n'est pas du tout le cas...

« Tu faisais déjà tes propres choix, c'est une forme de courage ça. J'aurais beaucoup aimé vous connaître tous les deux. Vous vous êtes rencontrés à quel âge exactement ?
- De courage... ou d'entêtement terrible et d'esprit de contradiction, surtout. Je crois que quand j'ai vu que ça leur plaisait pas, ça m'a encore plus motivé à continuer... Avec Spence, on s'est connus quand on avait huit ans. On s'est retrouvés l'un à côté de l'autre en classe et je l'ai harcelé de questions sur d'où il venait pour être si bronzé et si ça voulait dire quelque chose son nom bizarre et... Je sais plus. Plein de trucs, tout ce qui me passait par la tête. Ca l'a saoulé. Et il m'a envoyé bouler. Ca m'a pas trop plu et quand c'est lui qu'est venu vers moi, j'ai fait pareil. Et assez bizarrement, je crois que ça nous a plu l'un l'autre et que c'est un peu pour ça qu'on est devenus et restés amis ensuite... »

On a apprécié le répondant de l'autre, je crois. Je me souviens l'avoir envoyer bouler, à mon tour, je me souviens pas de sa réponse, mais je crois qu'on en est resté à un truc du genre chacun son tour, et je me revois presque lui adresser un grand sourire ensuite. A partir de là on a commencé à se parler réellement, de tout et de rien, comme le font la plupart des mômes. Et on s'est plus quittés, donc.

Je sais pas si c'est en partie parce qu'il était végétarien par tradition que ça m'a intrigué et que j'ai pris le parti de faire pareil, peut-être que ça a ajouté à cette visite de ferme industrielle qui m'a juste dégoûté. Pour certains de notre classe, c'était cool de voir des animaux. Pour moi, c'était juste aberrant de les voir dans si peu d'espace, avec si peu de lumière... J'ai pas compris que les pintades aillent pas picorer dans la cour. J'ai encore moins compris le travail à la chaîne pour différencier les sexes et les ailes coupées des poussins. J'ai plus jamais touché un morceau de volaille, ni de quelque autre animal après ça. Je venais d'entrer en cycle secondaire, mais ça faisait déjà quelques temps que j'avais compris que mon père serait jamais fier de moi.

L'absence de viande m'empêche pas de cuisiner, cela dit. Je fais simplement des choses différentes, mais ça m'empêche pas de tout de même concocter des trucs un peu élaborés parfois. Ca a particulièrement été le cas quand Kaspar était là d'ailleurs, et je ne doute pas qu'on ait pu en faire profiter les voisins, parfois.

« Il semblerait, vu les odeurs agréable de ta cuisine, ça me donne toujours faim. Pour ma part j'essaie d'innover de temps en temps mais ce n'est pas toujours un succès. Il y a des hauts et des bas. Mon père est mon goûteur officiel. Je crois qu'il pense qu'à force je vais finir par le faire tomber malade. J'aime beaucoup le sucré-salé et du coup je fais des associations parfois très étranges et j'aime aussi la cuisine française, ça doit venir du côté de ma mère ça et de mes souvenirs d'enfance. Mon père m'a raconté que ma grand-mère me faisait des purées de légumes de toute sorte et que j'adorais ça, je le préférais aux petits pots.
- Tu as des origines françaises ? »

Oui dans toute cette tirade, c'est surtout ça qui retient mon attention. Je pourrais avoir noté le compliment - et en réalité, j'en suis assez fier, mais la suite m'a coupé dans mon élan initial de vantardise à ce sujet - ou j'aurais gentiment pu me moquer de ses essais en cuisine qu'elle fait donc parfois subir à son père, ou encore relever ses goûts manifestement déjà affûtés très jeunes... Mais non, je reprends la parole pour ce point précis, et pour cause.

« C'est marrant ça... Mon père travaille à l'ambassade en France. Je pourrais connaître ce pays par coeur mais en réalité... Absolument pas. J'ai bien tenté d'apprendre quelques trucs de la langue française, mais... Je crois que je fais un léger blocage quand ça touche de près ou de loin à mon paternel... »

Petite grimace sans équivoque.

« Mais ! Je dois bien admettre que leurs goûts en cuisine sont particulièrement savoureux, et je parle même pas du vin... »

Et d'un geste de la main, je désigne la bouteille que j'ai amenée justement. Pas pour rien qu'il y a des grands crus qui se baladent chez mes parents et chez moi, hein... On en videra sans doute quelques bouteilles à Noël - et personnellement, il me faudra bien ça pour supporter toute une soirée face à mon paternel. Adri évoque ses propres projets, d'ailleurs, pour ce réveillon, encore un peu flous et je relève le nom de son meilleur ami, inconnu au bataillon. Du coup je suis curieux de rencontrer cette personne, et je me demande si on arrivera à s'entendre, ou si ça donnera plutôt quelque chose du genre de sa relation, à elle, avec Tyler...

« Avec plaisir. On s'est connus il n'y a pas si longtemps que ça, lors de ma première année de facs et ça a tout de suite collé aussi. Il travaille maintenant comme brancardier et il fait aussi du street art. Quant à ma meilleure amie Lexie on s'est connues comme toi et Spencer quand on était écolières. Il est fort possible que tu l'aies déjà croisée par contre. Une grande blonde très jolie toujours très bien habillée et posée et bien c'est elle.
- Comment j'ai pu ne pas la repérer ? On s'est jamais croisés, c'est pas possible... Bon bah voilà, ta prochaine mission, ça va être de me les présenter ! »

Non parce qu'avec une description pareille, si j'avais vu cette Lexie, je m'en souviendrais, obligé. Mais manifestement, c'est pas le cas, parce que ça ne me dit rien du tout. Quant à Milan, et bien... j'avoue que je suis curieux de voir qui sont les gens qui l'entourent, elle, d'ordinaire...

La France n'est pas le pays que je porte le plus dans mon coeur, pourtant ça n'a rien à voir avec les français en général, ou de quelconques généralités concernant ce pays qu'on entend partout. Mais le fait qu'il rappelle très particulièrement mon paternel n'est pas vraiment pour me plaire, même si le pays en lui-même, donc, et ses habitants, n'y peuvent pas grand chose. Ce qui reste dommage, parce qu'il y a pas mal de choses venant de là-bas sur lesquelles je suis loin de cracher. Le vin et le fromage, pour ne citer qu'eux par exemple...

Je suis surpris, en tout état de cause, que ça fasse partie des origines de ma voisine. Je suis pas sûr qu'il y ait un type de physique particulièrement français, mais le sien fait assurément plus exotique, en réalité. Comme quoi les apparences sont parfois - souvent, même - trompeuses...

« Oui en fait je suis Franco-Anglaise, j'ai la double nationalité. Je suis née en France et je vis ici depuis mes quatre ans. Ma mère est française alors forcément ça aide et quand mes parents se sont séparés, elle est retournée en France et j'ai choisi de vivre avec mon père parce que je ne voulais pas partir, ma vie à moi est ici, je ne me voyais pas tout recommencer là-bas.
- C'est assez naturel en même temps... »

Je vois bien qu'elle n'est pas parfaitement à l'aise avec tout ça, et je peux pas m'empêcher de penser que les histoires de famille sont rarement simples, finalement.

« C'est un chouette pays, j'y retourne de temps en temps pour les vacances, mais de moins en moins à vrai dire … Ma mère m'en veut d'avoir choisi mon père. C'est un peu tendu entre nous alors je comprends ce que tu peux ressentir pour ton père, même si je ne sais pas vraiment ce qu'il se passe, je sais combien ça peut être compliqué et pour ce qui est du vin, je ne suis pas si amatrice du coup il faudra que tu parles de ça avec mon père un autre jour ou il ne fera pas d'heures supplémentaires.
- Bien chef. »

J'évite de renchérir sur le sujet de ses parents, mais j'en pense pas moins. C'est quoi cette façon de faire de punir son enfant parce qu'il vit avec l'autre ? Ils se sont séparés, c'était leur choix, et elle, elle trinque déjà pas assez comme ça au milieu ? Ma façon de voir est sans doute assez biaisée par l'inimitié latente entre mon propre père et moi, et j'ai tendance à pas mal m'enflammer quand il s'agit de ressentiment parental, mais sérieusement, je comprends pas. Personne l'a forcée à repartir en France. Elle avait aucun droit de demander à sa fille de tout plaquer pour elle, ses études et ses projets, ses amis aussi. Elle l'a peut-être pas fait ouvertement, mais la guerre froide qu'elle instaure depuis le démontre tout de même. Et ça me révolte. Je passe ça sous silence, cela dit, histoire de ne pas remuer le couteau dans la plaie. Autant parler de sa meilleure amie que j'aie manifestement jamais croisée au vu de sa description, c'est tout de suite plus léger, et je crois que ça nous va aussi bien à l'un qu'à l'autre.

« Avec plaisir. Il faudra que l'on organise tout ça, en tout cas, merci encore d'être venu aujourd'hui. J'avais peur qu'on laisse les choses comme ça et qu'on finisse par ne plus s'adresser la parole.
- Aucun risque Petite Sirène. Et quand tu veux pour rencontrer ton amie. Lexie, n'est-ce pas ? Enfin en dehors de mes heures de boulot, évidemment. »

Ce qui ne laisse peut-être pas beaucoup de marge de manoeuvre étant donné mon emploi du temps chargé, d'accord, mais on va bien trouver, n'est-ce pas ? Et en parlant d'emploi du temps chargé, il va bien falloir que je retourne au Barfly, moi, ce soir, et si je pouvais aller me prendre une bonne douche bien chaude avant de traverser la ville, ça serait pas mal...

« Je vais devoir te laisser par contre, le bar m'appelle... Mais je compte sur toi, hein ? »

Un sourire et je me suis levé. Elle m'a raccompagné jusqu'à la porte, et je l'ai prise dans mes bras, avant de déposer une bise sur sa joue.

« Prends soin de toi Petite Sirène. On se revoit vite. »

Un de ces quatre, au détour de nos allées et venues dans l'allée, ou quand on aura accordé nos plannings pour que je rencontre ta pote, ou à un prochain concert. A bientôt, sûr et certain. Je laisserai plus le silence s'installer autant entre nous, je te le promets.