regarde sous mes yeux, on dirait pas que je suis dur à cerner. (jamar)

I’m a Londoner, born and raised. C’est à Londres que je suis né, c’est à Londres que j’ai grandi. Plus précisément dans le Sud de Londres, à Brixton. Un des quartiers réputés les plus populaires de la capitale depuis les émeutes contre Thatcher dans les années 80. Mais je ne suis pas du genre à m’cacher, j’assume d’où je viens, j’en suis même fier. Je ne fais pas partie de tous ces soit disant artistes bobos branchés qui s’inventent un passé compliqué pour gagner en crédibilité. Ma vie n’a pas toujours été rose, loin de là, mais ce n’est pas pour autant que je suis prêt à en faire mon fond de commerce, à me vanter d’avoir vécu des choses compliquées. Non, si jamais un jour je dois percer, j’veux qu’ce soit pour mon talent, pour mon talent et pour rien d’autre. J’veux pas d’la pitié des gens, ça me dégoûte. Oui je viens d’un quartier populaire, oui j’ai des origines étrangères par ma mère, algérienne, oui mes parents avaient des revenus modestes, oui mon père, un militaire est mort en Irak en 2003, alors que j’avais à peine douze ans, mais non, je ne ferai pas de bouquin là-dessus pour faire pleurer dans les chaumières. Si jamais je devais parler de moi, de mon enfance, j’parlerai de cet amour que mes parents partageaient, de ces petits regards qui leurs permettaient de communiquer sans dire le moindre mort, de l’attention qu’ils portaient à leurs enfants, du bonheur qu’ils propageaient autour d’eux, malgré leur manque de moyens. C’est ce genre d’images que je veux garder de mon enfance, pas les autres, pas celles qui sont trop intimes, pas celles qui font mal, pas celles que je préfère garder pour moi. A la suite du décès de mon père, je suis devenu malgré moi l’homme de la maison. J’ai dû jouer prématurément cette figure paternelle auprès de mon petit frère et de ma petite sœur. Ils en avaient besoin, ils avaient besoin de quelqu’un pour veiller sur eux pendant que ma mère essayait tant bien que mal de joindre les deux bouts. La pension que nous versait l’état ne suffisait clairement pas à nourrir la famille et payer le loyer. Ma mère se tuait à la tâche au travail, faisant de nombreuses heures supplémentaires pour pouvoir nourrir correctement ses enfants, et moi je m’occupais de la maison. J’crois bien que c’est à ce moment là que ma passion pour l’écriture s’est dévoilée. Devant ma sœur, devant mon frère, devant ma mère, je devais rester droit, montrer que j’étais fort malgré mon jeune âge, alors fort je restais. Mais au fond de moi, c’était le chagrin, la peine qui l’emportait. Mon papa me manquait, et c’est comme ça que j’ai commencé à écrire. C’était une nécessité, cela me permettait de lâcher mes sentiments, c’était mon moyen d’expression le plus logique, le plus adapté, cela me permettait le temps de quelques instants de plus être cette personne renfermée qui ne dit jamais ce qu’il pense. L’écriture me permettait d’être moi-même, de ne plus me cacher. Les années ont passés et j’ai continué d’écrire, m’enfermant petit à petit sur moi-même, laissant de côté les études pour prendre un petit boulot afin d’aider financièrement ma mère. Des romances, je dirai qu’au sens propre du terme, je n’en ai pas connu. Je sais que je plais régulièrement aux filles, sans vraiment le chercher, mais ça ne m’intéresse pas. Je n’ai pas envie de m’engager, pas envie de perdre mon temps avec une personne sans intérêt. Ou peut-être que j’ai tout simplement peur, peur de ne pas être assez bien pour les filles qui me plaisent vraiment. De toute façon, les filles biens méritent mieux que moi, mieux qu’un mec renfermé qui broie du noir, un pauvre type qui s’autoproclame écrivain alors qu’il passe la journée à servir les gens. La vie, je n’en profite pas, j’essaie juste d’être là pour ma famille et mes proches, c’est tout. La majorité de mon temps libre, je la passe à écrire, à imaginer. Il y a bien quelques soirs où je sors avec mes quelques amis, mais globalement, je suis quelqu’un de banal, de banalement triste même. Dans mon p’tit studio, je fume, j’écris et je dors, voilà ma routine, voilà mon quotidien. J’ai emprunté ce chemin risqué qu’est la drogue, en commençant tout doucement par la weed pour me faire planer, jusqu’à ce que je teste l’héro pendant quelques semaines, jusqu’au point d’en faire une overdose. Cette dernière m’a d’ailleurs coûté deux mois dans un centre de désintoxication. Moi qui pensais avoir une vie chiante, ça m’a permis de relativiser. Mon quotidien, comparé à ce que j’ai vécu là-bas est des plus excitants. Depuis que je suis sorti du centre, la même routine a repris son cours, je travaille, j’écris, je fume, je baise, je dors. Ainsi les jours passent, ainsi je m’éteins un peu plus chaque soir.