Friendship never ends ☼ Rikler

Il était exactement 17h28 lorsque je sortis de mon boulot. Une heure qui n’était pas le moins du monde anormale pour le travail que je faisais étant donné que je finissais généralement mes journées vers 18 heures, mais j’avais justement demandé à partir plus tôt aujourd’hui afin de rattraper un peu toutes les heures supplémentaires que j’avais pu faire la semaine passée et ce weekend compris. Manque de bol, le serveur de la boîte a planté juste au moment où je m’apprêtais à partir à cause d’un idiot de stagiaire – pourtant, tout à fait baisable – que l’on ne reverra très certainement pas demain. On a donc tous été sommés de rester jusqu’à ce que le bug du serveur soit réparé, ce qui a malheureusement pris une bonne heure et demie à tout remettre en place pour une seule seconde de connerie. Si mon boss ne s’était pas déjà occupé de ce stagiaire de mes deux, je m’en serais occupé personnellement…

Je sortis donc de mon boulot déjà quelque peu énervé par ce qu’il venait de s’y produire et je pris la direction de St James’s Park dans lequel mon meilleur ami m’avait donné rendez-vous à l’heure où je venais justement de quitter l’immeuble de ma boîte. Heureusement, celui-ci se trouvait à quelques rues seulement du parc et, en marchant à un rythme plus ou moins soutenu, je réussis à rejoindre Rafael en dix minutes à peine.

- Hey, salut Ty' !... me salua-t-il alors en relevant la tête vers moi. Ça a été au boulot ? Une petite grimace déforma légèrement mon visage tandis qu’il abordait déjà le sujet sensible.

- Disons qu’au lieu de partir à 16 heures comme je l’avais idéalement prévu, je viens à peine de sortir du boulot, expliquai-je simplement, avant de m’asseoir sur l’herbe sèche et chaude grâce au soleil encore haut dans le ciel à cette heure de la journée et de me servir une des bières que Raf’ avait pensé à apporter – heureusement qu’il était là… Et il avait toujours été là pour moi depuis maintenant presque huit ans, ce qui était la seule et la plus longue relation que j’avais jamais eue jusqu’à présent – peut-être que le secret d’une relation longue et durable avec moi était le fait que ce soit platonique… Un connard de stagiaire a fait planter tout le système informatique de la boîte et on a bien entendu dû rester pour réparer ses conneries… continuai-je, avant de boire une longue gorgée de bière – ça faisait du bien ! Au moins, une chose est sûre : c’est qu’on ne le reverra plus traîner dans le coin. Ça aurait pu être horrible à dire pour certains, mais pas pour moi. Le gars avait fait une connerie (énorme, de surcroît), il devait donc assumer la conséquence de ses actes, ce qui voulait donc dire un renvoi imminent et des références qui ne lui permettraient certainement pas de retrouver du boulot dans ce domaine pendant encore longtemps. Et toi ? Quoi de neuf ?

J’avais beau être encore passablement tendu à cause de ce qu’il venait de se passer au boulot et j’avais beau vouloir passer mes nerfs sur la petite gueule d’amour du stagiaire fautif de m’avoir fait perdre mon temps – et on savait tous à quel point mon temps était précieux –, utilisant sa tête et son corps comme d’un punching-ball, le fait de pouvoir parler de mes malheurs à Rafael qui m’écoutait avec la plus grande des attentions tel le meilleur ami qu’il était me faisait le plus grand bien et je réussis progressivement à me détendre, l’alcool de la bière aidant aussi tout de même un peu. Et c’était justement pour cette raison que Raf’ était mon meilleur ami : parce que j’étais capable de lui confier tout et n’importe quoi sans jamais qu’il ne me juge – ce qui me permettait d’ailleurs de vider l’énorme sac que je me trimballais depuis des années, ou du moins, l’alléger un minimum…

- Outch... Ca, c'est sûr... Vous avez pu rattraper le coup, donc ? demanda-t-il après que je lui ai expliqué les problèmes que j’avais eus au boulot.

- Une heure et demie plus tard, oui, râlai-je une nouvelle fois, avant de noyer mon énervement avec une longue gorgée de bière. Je lui demandai ensuite comment lui allait dans le but non seulement de changer rapidement de sujet de conversation, mais parce que j’étais aussi poli.

- Ben à part que je suis dans la même situation que ton stagiaire, sauf que ma connerie c'est de pas ressembler à M. tout le monde bah... Pas grand chose. La routine habituelle quoi. Mat' et son boulot, Lucia, la peinture... m’énuméra-t-il avec un petit haussement d’épaule, comme si de toute façon tout cela n’avait rien de bien intéressant. Si j'avais su que je me ferais virer le lendemain, j'aurais pas fait d'effort - et d'heures sup' - là-bas l'autre soir, encore une fois, je suis désolé, Ty'... s’excusa-t-il de m’avoir honteusement abandonné il y avait de cela presque un mois maintenant lorsque nous étions supposés tous nous rejoindre au Barfly et que je m’étais retrouvé au final tout seul dans ce bar que je ne connaissais même pas. Comment ça s'est passé finalement ? Les autres non plus sont pas venus ?

- Eh bien, non… Vous m’avez tous lâchement abandonné, me plains-je sur un ton quelque peu faussé – il fallait bien que je joue les victimes afin qu’il regrette cet abandon injustifié, bien que je savais parfaitement qu’il me connaissait assez pour savoir que je jouais la comédie…

- T'as fait quoi finalement ? T'es resté au Barfly ou t'as bougé un peu ?

- Tu me connais. Je ne ressors jamais d’un bar seul, dis-je avec un petit sourire amusé. Et puis, le bar offrait même une option karaoké, ça aurait été dommage de louper ça.

Avoir un meilleur ami qui vous connaissait comme les doigts de sa propre main apportait sans le moindre doute de nombreux avantages. Tout d’abord, il pouvait lire en vous comme dans un livre ouvert : vous aviez donc beau essayé de cacher vos véritables sentiments, il n’était généralement pas dupe et savait parfaitement ce que vous pensiez et/ou ressentiez réellement. Ensuite, il était toujours présent lorsque vous en aviez besoin et ne vous jugeait nullement pour vos propos qui pouvaient en choquer plus d’un – même s’il se réservait tout de même le droit de ne pas être du même avis que vous. Pour finir, il n’hésitait pas à vous suivre dans vos délires les plus débiles sans même vous poser de questions, sachant parfaitement où vous vouliez en venir avant même que vous n’ouvriez la bouche. Voilà ce que c’était que d’avoir un meilleur ami, et si beaucoup de gens était encore et toujours à la recherche de cette personne qui devait être si spéciale à leurs yeux, j’avais la chance d’avoir déjà trouvé le mien depuis bien longtemps. Rafael et moi étions comme J.D. et Turk dans la série populaire américaine Scrubs ou encore Shawn Spencer et Burton Guster dans la série un peu moins populaire, mais toujours américaine Psych – à l’exception près que ces duos étaient tous les deux composés d’une personne blanche et d’une personne noire, et que nous étions tous les deux blancs… Rafael possédait bien un côté un peu latino, mais cela comptait-il vraiment ?... Bref ! Dans tous les cas, on se comprenait sans même avoir besoin de se parler et c’était pour moi la plus belle preuve d’amitié.

- Maaaaaaaaaiiiiiiiiiiiis eeeeeuuuuuuuh... entra-t-il donc dans mon jeu. C'est pas vrai, je t'ai pas abandonné, c'était parfaitement involontaire d'abord ! Je n’insistai pas plus sur ce point et lui expliquai à la place de quelle façon je m’étais occupé – sans véritable grande surprise. Ooooooh... Et alors, il était comment ?

- Super hot, répondis-je de manière la plus concise qui soit – en même temps, je n’allais pas lui faire une description détaillée de son corps nu se contractant de plaisir sous le mien. Nous avions beau tout partager, nous gardions tout de même certaines choses secrètes, et les histoires de coucherie en faisaient partie. Du moins, pour tous les détails concernant le dessous de la ceinture, sinon pour le reste, on ne se gênait pas vraiment. Et un super bon coup au lit aussi. Mais j’ai l’impression qu’il commence à devenir un peu collant… La semaine dernière, il est quand même venu frapper à la porte de chez moi à trois heures du matin juste pour qu’on baise ! C’est dommage parce que je m’amuse bien avec lui… Ouais, vraiment dommage… Mais j’aimais pas les petits chiens et il commençait un peu trop à me prendre pour son os...

- Ah ouais, là, va falloir que tu m'expliques... fit-il après que je lui ai raconté que le bar offrait une option karaoké.

- Eh bien, le gars dont je te parle m’a lancé un défi – ou plutôt, je lui ai demandé s’il pouvait faire mieux que le groupe sur scène qu’il était en train de critiquer et il a pris ça pour un défi, lui expliquai-je comme il me l’avait gentiment demandé. J’ai donc été obligé de lui démontrer mes talents de chanteur-musicien afin de lui prouver que j’étais meilleur que lui. Je dois dire qu’il s’est pas mal débrouiller, mais… j’ai gagné ! annonçai-je fièrement – bien que les résultats recueillis montraient plus une égalité qu’autre chose. Mais bon, Raf’ n’était pas obligé de le savoir.

- Qu'est-ce que tu veux, t'es manifestement beaucoup trop doué pour ton propre bien... commenta Rafael sur le fait que la conquête que je m’étais faite le soir où lui et les deux autres gars de notre petit groupe d’amis m’avaient lâchement abandonné dans ce bar que je n’avais jamais fréquenté devienne quelque peu collante. Et Nate n’était malheureusement pas la seule, ni la pire de mes conquêtes à s’être montrée collante au cours de ses années de baise sans le moindre sentiment, bien au contraire – bien que ce n’était encore que le début et que la fois où il était venu frapper à la porte de mon appartement en plein milieu de la nuit n’était très certainement pas la dernière fois que j’allais le croiser (l’étui à cigarette que j’avais trouvé sous l’un des meubles de ma chambre lorsque j’avais fait le ménage dimanche et que j’avais posé sur la petite commode à l’entrée en attendant de pouvoir le lui rendre – puisque pour le moment, je n’en avais pas le temps – m’obligeant à le revoir au moins encore une fois…). En tout cas, les mecs collants, je connaissais. Entre ceux qui avaient dès le départ pour défi de me faire tomber dans leurs bras et ceux qui tombaient sous mon charme au cours de la nuit – je savais que mes performances sexuelles rendaient accro, mais à ce point-là… –, j’étais paré. Bah évidemment ! s’exclama Rafael lorsque je lui assurai que j’avais gagné le défi. Et je savais qu’il savait que j’enjolivais la vérité en me clamant vainqueur, mais ça ne faisait de mal à personne alors pourquoi s’en priver ! Et donc, t'as rencontré ce type, ça s'est transformé en karaoké improvisé... Et le type a entre guillemets "payé sa défaite" en te suivant chez toi ? me demanda-t-il ensuite, curieux d’en savoir toujours plus. Décidément, mes histoires de cul avaient au moins un auditeur.

- C’est plutôt moi qui l’ais suivi jusque chez lui, précisai-je alors, indifférent au fait d’abreuver sa soif de curiosité. Si mon meilleur ami souhaitait tout savoir, je n’avais aucun problème à lui raconter, bien que je doutais tout de même qu’il désire les détails de ce qu’il s’était passé dans le lit de cette conquête – tout comme je n’aurais jamais l’idée de chercher à en savoir plus sur les conquêtes féminines de Raf’. S’il avait couché avec des mecs, je ne dis pas que cela ne m’aurait pas intéressé, mais le sexe hétérosexuel me filait la nausée… Et je le regrette d’ailleurs un peu parce que ça m’aurait évité d’être réveillé par sa « charmante » voisine à 7 heures du matin… Tout ça pour une bouteille de lait…

Non, je n’avais toujours pas digéré cette histoire après presque quatre semaines passés, mais cela était tout à fait normal : on ne réveillait pas un Tyler qui dormait…

Je continuai donc de lui raconter le déroulement de cette soirée à laquelle il aurait normalement dû participer si son boulot ne l’avait pas forcé à faire des heures supplémentaires. Je me demandai d’ailleurs un instant comment cela se serait déroulé si toute la bande avait finalement pu se réunir comme prévu ce jour-là. Aurions-nous été servis par un Nate mécontent du groupe qui se produisait sur scène ou par l’un des deux autres barmans en service ce soir-là ? Aurais-je eu l’occasion de montrer mes talents de chanteur-musicien dans une prestation bluffante saluée par un public en folie ? Serais-je rentré avec Nate après son service ou bien avec l’un des deux autres mecs – ou les deux – avec qui j’avais dansé en attendant les coups de deux heures du matin ? Et sans me donner la peine de répondre à ces questions – non seulement parce que j’ignorai les réponses, mais aussi et surtout parce qu’on ne pouvait pas changer le passé –, je mis ces pensées de côté afin de me reconcentrer sur le récit de mes histoires de cul.

Je lui avais déjà raconté sans vraiment entrer dans les détails – non pas parce que je ne le souhaitais pas, mais parce que mes conquêtes n’avaient pas assez d’importance à mes yeux pour que je trouve intéressant de raconter les détails d’un simple premier contact même à mon meilleur ami… – ma rencontre avec Nate et je lui expliquai à présent pourquoi je regrettais l’avoir suivi jusque chez lui plutôt que d’aller chez moi.

- Bah... Elle pouvait pas savoir que t'étais là, sa voisine, si ? me questionna-t-il de manière rhétorique et je fronçai les sourcils, ne m’attendant pas du tout à ce que Rafael prenne la défense d’une fille qu’il ne connaissait même pas… Puis elle est pas forcément au courant de vos horaires non plus. Elle en avait sans doute vraiment besoin, non ? Je sais pas, je vois bien Math' aller toquer chez les voisins pour un truc comme ça, et clairement sans penser à mal... Je suis sûr qu'elle est pas restée longtemps en plus, t'aurais pu te recoucher...

- Je rêve ou t’es en train de la défendre ? m’étonnai-je sincèrement de cette situation à laquelle je n’étais franchement pas habitué. Parce qu’il décide de tempérer les choses lorsque je me montrais trop méchant sans réelles raisons apparentes, je voulais bien. Mais là, il se mettait du côté de la fille sans l’avoir jamais rencontré auparavant et en ne sachant presque rien de ce qu’il s’était véritablement passé ce matin-là. Et ce n’était pas la comparaison qu’il faisait avec sa sœur qui allait me faire changer d’avis quant à la bizarrerie de la situation…

- Et donc il te colle ce gars ? changea-t-il alors de sujet – ce qui était mieux, en effet. Tu l'as revu comment après ? Et d'ailleurs "super hot", c'est pas suffisant, ajouta-t-il, avide de détails. Il est comment, en détail, vas-y raconte !

- Eh ben… réfléchis-je un instant. On s’est revu par hasard lors de la Garden Party mi-juillet – et forcément, ça a fini dans mon lit, cette fois. Et ensuite… Parce que j’ai fait l’erreur de l’inviter chez moi, il a cru qu’il pouvait débarquer quand il le voulait et, la semaine dernière, il ne s’est pas gêné pour venir me réveiller à trois heures du matin un milieu de semaine juste pour baiser. Certes, c’est un bon coup, mais je trouve qu’il commence à prendre un peu trop ses aises avec moi… En plus, je dois normalement le revoir ce weekend pour lui rendre son fichu étui à cigarettes… Je suis sûr qu’il a fait exprès de le laisser tomber sous un meuble pour qu’on se revoit ! confiai-je mes soupçons à Rafael, avant de passer à la description de ma conquête comme il le désirait tant. Sinon, je sais pas ce que tu veux savoir… Il est grand – un peu plus grand que moi –, les cheveux châtains coupés courts, les yeux… Bleus ? Verts ? Je t’avouerai que je sais même pas. Tout dépend de la lumière, je dirais… Il est tout maigre, même s’il cache quand même des muscles sous ses vêtements et… C’est tout. Ca suffit pour Monsieur l’Artiste ? demandai-je sur le ton de la plaisanterie.