(✰) message posté Ven 22 Aoû 2014 - 17:55 par Invité
the only way out of the labyrinth of suffering is to forgive. by john green ; sam oswald-bower + eugenia lancaster.
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Elle se tenait devant ce grand immeuble si caractéristique des jolies ruelles londoniennes. Elle était là depuis une bonne dizaine de minutes déjà, plantée comme un piquet, serrant son sac de nourriture thaïlandaise contre sa poitrine. Sa tignasse brune se soulevait au rythme du vent alors que ses yeux océans balayaient la façade. Elle savait que ces murs renfermaient des années de douleurs, des mois de doutes et bon nombre de larmes. Derrière ces murs se cachait Eugenia. La jeune femme n'avait jamais su comment qualifier celle qui avait peuplé tant de fois ses cauchemars. Qui était-elle ? Pour Sam, elle avait été l'autre femme, celle que Julian avait aimé bien plus qu'elle même ne le serait jamais. Elle l'avait crainte, elle l'avait haït, avant de la ranger dans un coin de son coeur meurtri. Eugenia avait été sa hantise, la faiblesse de son amour. Jusqu'à cette nuit où elle avait découvert son corps étendu aux côtés de celui de sa soeur dans cette voiture accidentée. Elle avait quitté sa voiture de fonction, avait appelé le central et s'était ruée sur les lieux. La fumée brouillait sa vue mais elle était parvenue à discerner les deux personnes qui peuplaient la voiture. Elle l'avait immédiatement reconnu, Eugenia n'était pas le genre de femme que l'on pouvait oublier. Elle avait croisé son regard, et Sam s'était dit que le destin était bien farceur. Il semblait vouloir s'acharner sur sa misérable vie, encore et toujours. Il laissait entre ses mains la vie du grand amour de son ex. Alors elle lui avait simplement prit la main, avait répété les quelques mots que toute bonne personne disait en ces circonstances. Ca va aller. Pourtant, plus rien n'allait. Eugenia avait perdu toute mobilité et était aujourd'hui coincée dans un fauteuil roulant. Cette nuit-là, aux urgences, Sam n'avait cessé de se demander si son sort aurait été autre si elle avait fait sa ronde quelques minutes plus tôt. Si elle n'avait pas répondu à l'appel de la machine à café avec son collègue. Si elle n'avait pas pesté dix fois contre le moteur de sa vieille voiture. Et si. Peut-être alors qu'Eugenia se tiendrait debout à cet instant. Peut-être la verrait-elle passer devant cette fenêtre voilée d'un rideau. La culpabilité que ressentait la brune envers celle qui avait bousillé les restes de son petit coeur amoché relevait de l'irréel, même pour Sam. Et pourtant elle ne pouvait pas chasser ce sentiment qui lui prenait le coeur dès qu'elle croisait le regard vert de sa rivale. Comme à son habitude, elle restait postée là, devant les appartements d'Eugenia, partagée entre l'envie de tourner les talons et celui de pousser la porte. Elle l'était d'autant plus aujourd'hui. Un élément perturbateur venait troubler son jugement. Julian. Il était revenu dans sa vie tel un ouragan, un raz-de-marée qui l'entrainait vers un avenir plus qu'incertain. Et il y avait Eugenia, il y avait ce repas qu'elle tenait dans ses bras et ce sentiment indescriptible qui tous les mois l'amenait à sonner à la porte de la brunette. Celui qui avait de nouveau raison d'elle. Après un soupire, elle finissait par entrer dans l'immeuble après un autre résident et montait les marches qui la séparaient d'Eugenia. Là, elle frappait trois coups, regrettant finalement sa venue ici.
he was gone, and i did not have time to tell him what i had just now realized: that i forgave him, and that she forgave us, and that we had to forgive to survive in the labyrinth. ✻✻✻ « Alors, championne ? » La voix peine d’enthousiasme de mon père fit naître un doux sourire sur mon visage, tandis que je posai finalement mes affaires chez moi. J’abandonnai mon sac de sport près du canapé étrangement vide, et j’allai vers le réfrigérateur, une main tenant mon téléphone, l’autre sur une roue pour me faire avancer. J’étais seule dans l’appartement, une chose devenue de plus en plus rare. J’aimais me dire que je me plaisais dans la solitude. Mais, à force, je ne savais même plus si je me mentais à moi-même ou si cela était simplement vrai. Je frissonnai. « Ça s’est plutôt bien passé. » déclarai-je d’une petite voix, avant d’attraper une canette de soda, bien trop fraiche contre mes doigts. Je sentis mon père sourire à l’autre bout du fil. Je sentis une pointe de fierté naître en moi, tandis que je me rendais jusqu’à la table de la cuisine. J’avais toujours cherché à le satisfaire. A lui montrer que sa petite fille était devenue une grande. Il avait été mon héro durant mon enfance, mon mentor durant mon adolescence, l’homme en qui j’avais confiance et sur qui je pouvais compter. Peut-être ne recherchais-je que sa reconnaissance, au fond. Peut-être n’était-ce que ce dont j’avais besoin, et il me la donnait sans rien demander en retour. « Qu’est-ce que ton entraineur t’a dit ? » J’avais l’impression qu’il prenait mes entrainements avec plus de sérieux que moi-même. Ma mère me parlait de mes soins et de l’hôpital. Mon père me parlait de tennis. Ils avaient trouvé leur propre équilibre et je lui étais reconnaissante de ne pas paraître aussi inquiet que ma génitrice à propos de mon handicap. Il trouvait un moyen d’être anxieux à propos de mes entrainements et mes matchs. « Que j’étais prête. Il n’a pas été si explicite mais je crois que j’ai mes chances pour samedi. » En prononçant ces mots, ma gorge se serra, et je décapsulai ma canette avant de la porter à mes lèvres pour tenter de dissiper mon anxiété. Je faisais de mon mieux pour ne pas m’angoisser à propos de mon premier match de tennis fauteuil officiel, mais le stress venait m’envahir à chaque fois que je m’en souvenais. Puis, après cela, je ressentais une montée d’adrénaline, accompagnée d’espoirs, et je me retrouvais à divaguer à propos de victoires. Je ne savais pas si cela était une bonne chose. Je ne savais pas si penser que je réussirais peut-être à entreprendre quelque chose dans ma vie était une bonne chose. Je le faisais malgré tout. « Je suis sûr que tu as toutes tes chances aussi, Gin. Tu es une Lancaster, après tout. Les Lancaster sont des gagnants. » Les Lancaster sont des gagnants. Cette phrase résonna quelques instants dans mon esprit avant que je ne finisse par secouer la tête. J’avais envie de le contredire. De lui dire qu’il avait tort. Mais je me retins. « Vas donc dire ça à ton fils. » lui répondis-je en riant, sous-entendant à quel point mon demi-frère était loin d’être ce qu’on pouvait qualifier de gagnant. Je l’entendis ricaner à son tour à l’autre bout du fil. Parfois, je me demandais à quoi aurait ressemblé ma vie si j’avais grandi chez mon père et non chez ma mère. Je me demandais si j’aurais été plus heureuse. Si la vie au lycée aurait été plus facile. Puis, fatalement je me demandais si mon cancer se serait produit. Je secouai la tête. Je n’aurais jamais eu l’occasion de connaître Julian si tout cela se s’était déroulé de cette manière ; alors, comme à chaque fois, j’arrêtais simplement d’y penser. Notre relation était peut-être étrange en ce moment, nous n’avancions peut-être que sur un fil, mais cela ne m’empêchait pas de penser que jamais je ne voudrais d’une vie sans lui. J’étais plus proche de mon père que de ma mère. Tout du moins, je le sentais comme tel. « Barthy est un gagnant, tu sais… A sa manière. » Je secouai la tête en levant les yeux au ciel, un sourire aux lèvres. « Certes. C’est un champion quand il s’agit de faire des pâtisseries. » Mes pensées papillonnèrent vers l’assiette pleine de cookies ou les muffins au chocolat qu’il avait préparé au cours de la journée. « Vrai. Bon, et maintenant, tu vas faire quoi de ta soirée ? » me demanda-t-il finalement. J’observai le plafond, la peinture qui commençait à doucement s’effriter, en réfléchissant à sa question. J’avais presque l’impression que cela était un piège. Qu’il se hâterait de tout raconter à ma mère lorsque je raccrocherais avec lui, et ce même s’ils étaient divorcés depuis seize bonnes années désormais. « Oh, je sais pas trop. J’ai pris ma douche à l’ITF après mon entrainement, du coup je me dis que je vais simplement diner et… Regarder une série. Ou bien un film. Ça fait longtemps que je n’ai pas vu Pirates des Caraïbes d’ailleurs. » répondis-je d’une voix paresseuse. Cela n’était qu’un euphémisme pour dire que je resterais dans mon canapé à regarder le film du coin de l’œil, simplement parce que je serais bien trop occupée à écouter la police sur les ondes. Mais peu importe. Mon père n’était pas obligé de le savoir. « Pas mal. D’ailleurs, tu te souviens de… » Mais je n’entendis pas la fin de la phrase de mon père. Au même instant, une personne frappa à ma porte, et je me redressai pour observer mon entrée comme si cela pourrait m’aider à déterminer de qui il s’agissait. Mon père me parlait toujours au combiné lorsque je débloquai les roues de mon fauteuil. « Papa, il faut que j’y aille. Je te rappelle. » Et sans attendre une réponse, je raccrochai avant de poser mon téléphone sur la table. J’avançai jusqu’à la porte d’entrée, m’arrêtant à côté de l’encadrement, de sorte à ne pas bloquer l’accès lorsque je l’ouvrirais. Je réfléchis quelques instants à qui cela pouvait être, et je finis par simplement ouvrir au lieu de me poser des questions supplémentaires. Je découvris Sam dans l’encadrement de la porte, et je lui fis un sourire timide. « Hey. » lui lançai-je avec entrain. Comme à chaque fois que je pouvais bien la voir, mon cœur s’affola quelques instants avant de finalement se rappeler qu’il n’avait plus de raison de le faire. Cela faisait peut-être un an que nous étions repartis de zéro – ou à peu près – mais cela n’empêchait pas mes souvenirs de ressurgir. Je la revoyais avec Julian. Je ressentais cette jalousie muette que j’avais dû garder au plus profond de mon être. Elle avait été une fille avec d’autres qui avaient un jour traversé son cœur. Une fille avec d’autres avec qui je n’avais pas pu rivaliser. J’observai le sac qu’elle serrait contre elle et mon visage s’illumina d’un sourire. « Thaïlandais ? Super, je meurs de faim. Entre ! » Je lui fis signe de venir à l’intérieur, et je refermai doucement la porte derrière elle. Au fond, cela ne me surprenait plus. J’avais même l’impression que cela était devenu une sorte de rituel, une chose que nous partagions à deux. Elle venait avec de quoi dîner à l’improviste, et nous mangions toutes les deux, comme si tout était normal, comme si nous nous n’étions pas connus avant qu’elle ne me retrouve lors de mon accident, comme si elle n’était pas l’ex de l’homme que j’avais aimé toute ma vie et comme si elle était simplement ma sauveuse. « Je te prends ça le temps que t’enlèves ton manteau. » dis-je en désignant le sac plein de nourriture à emporter. « Tu vas bien ? » Je posai le sachet sur mes genoux avant de me diriger vers la cuisine pour sortir des assiettes et des couverts. Parfois, j’avais encore l’impression que notre relation était étrange. Parfois, j’avais encore l’impression que nous n’étions pas réellement des amis, ni même des inconnues, juste des personnes entre deux qui avaient sans doute vécu trop de choses ensemble. Mais sa présence me faisait du bien. J’avais l’impression qu’elle m’aidait à me souvenir que j’étais humaine.
Décrire la relation qu'entretenait Eugenia Lancaster et Sam Oswald-Bower était peine perdue. Tant d'émotions différentes l'avaient traversé pour pouvoir s'en faire une idée. Il y avait eu la jalousie, la peine, la haine, l'oubli, la peur et pour finir l'attachement. Car Eugenia était une fille attachante. C'était sûrement son plus grand défaut. Samantha avait tant de fois essayer de la détester, car c'était la bonne chose à faire, c'était ce que toute personne normale aurait du faire. On ne pouvait pas apprécier celle qui avait participer à l'assassinat de son propre coeur. On ne pouvait pas aller diner avec 'l'autre femme'. On ne pouvait pas lui sourire en lui demandant si sa journée s'était bien passée, parce qu'on ne devrait pas avoir à s'en soucier. On devait passer devant elle, sans un mot ni regard, simplement passer son chemin et tenter d'oublier à nouveau. Et on ne frappait pas à sa porte. Pourtant, la brune se tenait devant cet appartement, devant le nom de celle qui avait hanter toutes ses pensées des mois durant. Sans même la connaitre, Sam avait été jalouse d'Eugenia. Cette fille dont Julian ne tarissait pas d'éloges. La grande Eugenia, la belle Eugenia, la parfaite Eugenia. Sa meilleure amie, son unique amour. Le coeur de Sam s'était tant de fois serré à la simple évocation de ce prénom maudit. Et il se serrait toujours. Elle frappa trois coups et ne mit pas longtemps avant de découvrir le visage angélique d'Eugenia. Elle était là, dans son fauteuil, un fin sourire aux lèvres. La jeune femme le lui rendit, incapable de faire un mouvement. Apprécier Eugenia était une douleur particulière. Comme si elle était punie pour l'avoir tant détester. Elle se tenait là, face à elle, et elle se sentait la plus idiote au monde. « Hey. » La douce voix d’Eugenia la sortait de sa torpeur et Sam retrouva l’usage de la parole. « Hey. » Un son à peine audible, un souffle lancé dans le vide. Elle avait le souffle court, comme en état de stress. Comme si Eugenia était encore le pion qui pouvait tout faire basculer. Elle seule détenait la clé, celle du coeur de Julian. Elle seule pouvait l’utiliser, et Sam ne pouvait que prier pour qu’elle ne le fasse pas. Elle serrait encore un peu plus le sac de nourriture thaï contre sa poitrine avant de se rendre compte qu’elle allait finir par le broyer. « Thaïlandais ? Super, je meurs de faim. Entre ! » Un signe de la main lui indiqua d’entrer et Eugenia s’écarta pour la laisser passer. Sam hésita un instant, partagée, avant de finalement pénétrer dans les quartiers de feu sa rivale. Son malaise devait être perceptible. Elle restait debout comme un piquet, le regard perdu entre les meubles et les photos qu’elle trouvait ici et là. Ce n’était pas la première fois qu’elle venait ici, mais Samantha passait toujours par cette phase où son corps devait se souvenir que tout ça était finit, qu’il n’y avait plus de raison de s’inquiéter. Elle ferma les yeux un instant, prenant une grande bouffée d’air avant de sentir son coeur recouvrer un rythme normal. Elle reportait son attention sur Eugenia, qui tendait une main vers le sac qu’elle tenait toujours fermement. « Je te prends ça le temps que t’enlèves ton manteau. » Samantha sourit doucement avant de relâcher le sac et de le tendre vers elle. « J’espère que la nourriture n’est pas fichue, j’ai eu comme qui dirait un petit accident. » Il valait mieux faire croire à une collision dans la rue plutôt qu’aux bras broyeurs de Sam. Elle riait doucement pour faire avaler son petit mensonge avant d’obtempérer et d’enlever le manteau qu’elle avait enfilé en quittant son appartement. Elle le posait sur le dos d’une chaise de la salle à manger avant de s’appuyer au dossier tout en regardant sa nouvelle amie sortir le couvert. Elle n’en revenait toujours pas de se tenir là. Qu’en penserait Julian ? A coup sûr, il exploserait de rire, pensant à une blague. Car l’amitié que partageaient les deux jeunes femmes avaient tout d’une utopie. Mais après tout, rien n’avait jamais eu de sens. « Tu vas bien ? » Sam relevait un sourcil vers Eugenia qui posait les assiettes sur la table. Elle se saisissait doucement des couverts pour participer à la tâche de mettre la table et réfléchit à sa question. Question banale, question que l’on se posait entre amis. Question qui n’avait pas de bonne réponse. Elle avait cru avoir trouver un équilibre depuis l’année passée. L’état de Lexie était stationnaire, elle était remontée de quelques places sur la liste des attentes de greffes. Elle avait gagné en respect dans son travail et figurait maintenant dans les meilleurs éléments de son commissariat. Elle avait une super colocataire, un salaire raisonnable et son coeur semblait se pansé au fil du temps. C’était sans compter sur Fitz. Il avait chambouler son monde, pour la seconde fois. Il connaissait sa peine et sa rancune et avait décidé de revenir dans sa vie. Et elle l’avait laissé y entrer de nouveau. Mais quelque chose lui disait qu’Eugenia n’était pas la personne à qui elle pouvait se confier sur Julian Fitzgerald, inutile de tenter le diable. Elle terminait de placer un couteau avant de trouver ses mots. « Quelques soucis au boulot, mais je compte bien régler ça rapidement. » Elle lui offrit un nouveau sourire. C’était étrange, Eugenia était la première personne avec qui elle évoquait ses problèmes au sein de la police. Personne n’était au courant de sa mise à pieds dans son entourage, Sam n’en parlait pas. Mais le dire à Eugenia ne la gênait pas. Comme d’habitude, rien n’avait de sens. « Et toi ? La dernière fois tu m’as parlé d’un tournoi de tennis pour lequel tu te prépares depuis des mois. » Elle prenait place sur une chaise avant de servir le jus de litchi qu’elle avait ramené de son restaurant thaïlandais favoris. Elle se mit à titiller son collier comme elle le faisait à chaque fois qu’elle se trouvait dans une situation délicate. Toute leur amitié était délicate. Elle pouvait flancher à chaque instant, et retomber dans les méandres de leur passé commun.
he was gone, and i did not have time to tell him what i had just now realized: that i forgave him, and that she forgave us, and that we had to forgive to survive in the labyrinth. ✻✻✻ Amertume, colère, douleur. Ces mots décrivaient avec une perfection saisissante les émotions qui avaient bien pu me traverser le corps lorsque j’avais pu faire face à Samantha, par le passé. Désormais, ils étaient aisément remplacés par confusion, admiration, peine épongée par le temps qui s’était lentement écoulé. Notre amitié n’était peut-être pas saine mais j’avais l’impression qu’elle m’apportait plus de bien que nécessaire ; je voyais en elle une sauveuse, un ange gardien, et la reconnaissance que je lui témoignais balayait l’ancienne colère sourde que j’avais pu nourrir à son égard. Ignorer le passé m’était impossible. Pourtant, dans les rares instants que l’on passait ensemble, j’avais l’impression que le temps finissait par s’arrêter pour nous accorder des moments de répit ; nous étions des personnes qui s’étaient trop connues, des personnes qui avaient vécu trop de choses ensemble, des personnes qui avaient besoin d’une pause dans toute cette confusion d’évènements. Pourtant, à chaque fois que je la voyais, je repensais inévitablement à Julian. Je l’avais vu avoir tant de conquêtes. Je l’avais vu avec tant de petites amies différentes. J’avais été une idiote à l’attendre, une idiote à l’aimer. J’avais détesté Samantha pour avoir son cœur. J’avais détesté Samantha pour avoir le droit de l’embrasser. J’avais détesté Samantha pour me l’avoir volé alors que j’avais passé des années à l’attendre, des années à attendre qu’il soit mien. J’avais cru qu’elle n’avait eu aucune légitimité sur lui alors qu’au fond, j’avais été celle qui ne l’avait jamais mérité. Je pris une profonde inspiration en attrapant le sac de nourriture à emporter qu’elle avait amené avec un sourire au bout des lèvres. Au final, il nous avait filées entre les doigts. Au final, nous étions rendus au même endroit. Nous l’avions trop aimé. Nous nous étions trop détesté. Sans lui, peut-être aurions-nous été amies depuis le premier jour ; sans lui, peut-être nous ne serions-nous jamais connues. Peut-être aurais-je été laissée pour morte dans ma voiture. Peut-être aurais-je été heureuse. On me disait souvent que tout arrivait pour une raison. Mais tout le monde semblait oublier que cela n’arrivait pas forcément pour la bonne raison. « J’espère que la nourriture n’est pas fichue, j’ai eu comme qui dirait un petit accident. » me lança-t-elle tandis que je me dirigeai vers la table pour préparer le diner. Je me mis à rire en jetant un coup d’œil à l’intérieur du paquet, avant de lui jeter un regard en haussant les épaules. « Je pense que c’est encore mangeable, ne t’inquiète pas. Après tout, ça reste du Thaïlandais. » Je me mis à rire toute seule en sortant assiettes et couverts ; bien vite, Samantha vint m’aider dans ma tâche. Elle avait toujours été comme cela. Douce. Attentive. Bien plus méritante que moi. Belle, qui plus est. Ma jalousie sourde n’avait pas été infondée ; je l’avais détesté de tout mon être simplement parce qu’elle avait représenté toute cette perfection que je ne connaissais pas. Julian avait fini par trouver une perle. Et j’avais cru qu’il la garderait. J’avais cru qu’il m’abandonnerait pour elle, puisque j’aurais pu vivre cent fois sans parvenir à me hisser à son niveau. Je secouai doucement la tête pour chasser ces pensées parasites de mon esprit et me focaliser sur mes gestes ; je levai la tête vers Sam lorsqu’elle finit par ouvrir la bouche. « Quelques soucis au boulot, mais je compte bien régler ça rapidement. » me dit-elle, et je fronçai les sourcils. Je n’eus pas le temps de réagir ; elle renchérissait déjà. « Et toi ? La dernière fois tu m’as parlé d’un tournoi de tennis pour lequel tu te prépares depuis des mois. » Elle s’assit avant de verser notre boisson dans des verres. Je demeurai silencieuse en sortant les nouilles thaï de leurs emballages, les répartissant de manière égale entre nos deux assiettes. J’observai ses traits comme pour deviner ce qu’elle avait sous-entendu par soucis au boulot, et je finis par pousser un petit soupir. « Je m’y prépare toujours. Ça va se passer samedi, mais je soupçonne mon entraineur de vouloir me faire mourir d’épuisement avant cette date. Ce qui réduirait fortement mes chances de gagner. » répondis-je avec un certain entrain. « Mais on s’en fiche, rembobine plutôt. Quelques soucis au boulot ? Qu’est-ce qu’il s’est passé ? » Mes sourcils étaient froncés, ma voix préoccupée ; je ne savais pas si je vivais mon rêve à travers Samantha mais j’accordais une attention toute particulière à son emploi, à ses missions, à tout ce qu’elle pouvait me raconter à propos de son travail et de ce qu’elle faisait. Parfois, je savais déjà certaines choses ; mes oreilles trainaient bien trop souvent du côté des ondes radios de la police pour que je puisse ignorer certains épisodes d’enquête. Cependant, j’avais du mal à imaginer ce qui avait bien pu se passer. J’observai mon assiette avant de reporter mon attention sur elle, cherchant à décrypter ses traits. Il y avait Samantha, l’ex de Julian. Puis il y avait Samantha, mon ami. La frontière entre ces deux personnes était si mince que je m’y perdais moi-même ; je me retrouvais déchirée entre plusieurs émotions qui refusaient de se taire. Tout était souvent bien trop compliqué. La vie n’avait pas été faite pour être simple, après tout.