"Fermeture" de London Calling
Après cinq années sur la toile, London Calling ferme ses portes. Toutes les infos par ici the ones worth suffering for. / alexandra 2979874845 the ones worth suffering for. / alexandra 1973890357
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the ones worth suffering for. / alexandra

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() message posté Lun 18 Mai 2015 - 14:59 par Invité

Alexandra & eugenia — the truth is everyone is going to hurt you. you just got to find the ones worth suffering for. ✻ ✻ ✻ Je fixai la porte d’entrée avec application, comme si celle-ci allait finir par me donner un indice sur la marche à suivre. Les minutes défilaient et, pourtant, j’étais bien incapable de prendre une décision ; c’était comme si mon propre corps s’était arrêté, comme si mes pensées refusaient de coopérer, comme si ma tête se perdait dans tout le reste. Je fixai la porte d’entrée, oui, pourtant j’étais dans l’impossibilité de la franchir sans ressentir une vague d’angoisse et sans avoir l’impression de commettre une erreur. Je fixai la porte d’entrée, oui, pourtant je ne parvenais pas à décréter si partir était une bonne ou une mauvaise idée.
Sans doute un peu des deux. Le monde n’était ni blanc, ni noir, après tout. J’avais bien fini par m’en rendre compte, avec le temps, avec les échecs.
Je finis par pousser un profond soupir, baissant le regard sur mes doigts. Je ne portai aucune bague et pourtant j’avais l’impression que notre promesse s’était ancrée à ma peau. Je ne portai aucun signe, je n’étais pas différente en apparence, et pourtant j’avais l’impression que tout mon être avait été retourné, que j’étais fondamentalement plus la même. Je ne voulais pas oublier l’émotion qui m’avait assailli quand il avait prononcé ces mots à voix haute ; je voulais les imprimer dans mon esprit, les graver dans mes pensées. Je ne voulais pas oublier le sourire qu’il m’avait lancé quand j’avais accepté ; je voulais qu’il fasse partie de moi autant que sa demande pouvait bien le faire. Autant que lui pouvait bien m’être essentiel, essentiel à ma vie, essentiel à ma personne.
Je pensais, je pensais sans cesse à cet instant sans pouvoir en parler, sans pouvoir le partager. J’y pensais tant que je ne parvenais pas à me focaliser sur le reste ; je me perdais dans ma tête, je me perdais dans mes sentiments, et je me sentais seule, incroyablement seule. Seule parce que je ne pouvais pas le partager. Seule parce que, comme à chaque fois, j’avais l’impression de ne pas pouvoir être comprise. Ma sœur était trop occupée avec ses propres problèmes pour se réjouir avec moi ; sa rancœur avec Julian n’était pas favorable, non plus, à ma situation. Mon demi-frère aurait pu faire l’affaire, mais il restait quelqu’un d’irresponsable, un quelqu’un avec qui je n’aurais pas la possibilité de réellement partager mon euphorie. J’avais songé à ma mère, aussi. Cette mère enfantine qui me manquait. Mais elle était à Cardiff et, pour annoncer une pareille chose, j’aurais préféré le faire en face à face. Puis, il y avait le reste. Le reste de ces personnes qui ne me connaissaient qu’à moitié, qui ne savaient pas réellement tout ce qui pouvait bien se passer dans ma tête. Oui, j’étais seule. Seule avec la nouvelle, seule avec mes émotions, seule avec mes sentiments. Seule parce que je ne pouvais partager tout ce qui se passait avec personne d’autre que Julian. Seule parce que, dans la ruine de mon existence, il n’y avait personne qui se rendait compte ce que cela signifiait réellement pour moi.
Personne parce qu’aucun ne correspondait à l’image que je m’étais faite de ce confident essentiel, au fond. Je savais que c’était principalement de ma faute. Je savais que c’était parce que je savais qui je voulais voir, et que je n’étais probablement pas autorisé à agir comme si rien n’était.
Alexandra.
Je relevai la tête et, finalement, je poussai un profond soupir avant d’ouvrir la porte d’entrée. J’hésitai un dixième de secondes avant de passer le seuil et pousser les roues de mon fauteuil jusqu’à l’ascenseur de mon étage. Une poignée de minutes plus tard, j’étais dehors.
Dehors, prenant finalement mon courage à deux mains pour continuer d’avancer dans les rues d’Hammersmith.
Il n’y avait que quelques rues qui séparaient mon immeuble de celui d’Alexandra. Malgré le temps qui s’était écoulé, je reconnaissais le chemin, je reconnaissais chaque intersection comme si je m’étais dirigée jusque chez elle la veille. Mais cela n’était pas le cas. Cela était bien loin de l’être, d’ailleurs. J’avais l’impression d’avoir vécu plusieurs vies depuis la dernière fois où j’avais bien pu me rendre chez elle, malgré le jour où l’on s’était retrouvé coincées dans un ascenseur ensemble ; à mesure que je m’en approchais, mon cœur s’affolait dans ma poitrine. J’avais peur. Peur de commettre une erreur. Peur de ne pas avoir le droit de demander son attention. Peur de ne pas avoir l’autorisation de partager tout ce que j’avais sur le cœur.
Nous avions été amies, autrefois. Amies au point où j’aurais pu lui confier ma vie entre les mains. Puis, les évènements avaient eu raison de nous. Nos deux caractères avaient eu raison de nous.
Une personne qui sortait de son immeuble me tint la porte d’entrée, et je m’avançai doucement dans le hall de son immeuble. J’appelai l’ascenseur, pénétrant à l’intérieur avant d’appuyer sur le bouton de son étage. Mon cœur battait si vite et si fort que je n’entendais plus que lui, dans ma boîte crânienne ; mes pensées s’entremêlaient les unes aux autres, incapables d’être cohérentes, incapable de suivre un enchaînement logique. Finalement, j’arrivai sur son palier et, avec lenteur, je me dirigeai jusqu’à sa porte d’entrée.
Et, pour la première fois, je réalisai qu’il se pouvait qu’elle ne soit même pas là.
Je levai la main pour frapper contre la porte, à défaut d’atteindre la sonnette ; je patientai anxieusement devant la porte, hésitant presque à faire demi-tour. Puis, finalement, la porte s’ouvrit sur elle. Je levai la tête dans sa direction, tentant de feindre tout le naturel du monde et un certain enjouement. « Hey, » lui lançai-je. Mes inspirations étaient bloquées au fond de mes poumons. Mais je tentais de me persuader que cela valait la peine. Que cela valait le coup. J’avais besoin de lui parler. Et, cette fois-ci, je refusais de me retenir par orgueil. Je refusais de me dire que cela pouvait me passer. Je refusais de croire que je pouvais faire sans elle. « Je ne te dérange pas ? » Je l’observai dans les yeux, alors qu’au fond de moi, je luttais pour ne pas lui dire de but en blanc. Pour ne pas lui lancer Julian m’a demandé de l’épouser sans même un bonjour, ni même un seule civilité.
Je l’aurais probablement fait, si nous ne nous étions pas déchirés. Tout comme je n’aurais probablement pas été là si je n’avais pas eu de l’espoir suite au moment que nous avions passé dans l’ascenseur. Mais je ne voulais même pas y penser.

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() message posté Jeu 21 Mai 2015 - 2:00 par Invité
Je relevai les yeux de l’écran d’ordinateur en inspirant légèrement. À l’extérieur, l’existence semblait suivre son cours. Je pouvais entendre l’agitation de la rue, je pouvais les entendre, tous, continuer à vivre. L’après-midi était déjà bien entamée, et l’appartement était toujours aussi lumineux, je le voyais au même plein soleil, s’arrêtant à la lisière de la fenêtre rectangulaire du salon. Je n’étais pas sortie, Kenzo n’était pas là ce matin au réveil, je l’imaginais enfermée dans son atelier, et n’avais trouvé aucune raison pour ne pas faire de même. Pour ne pas essayer également. J’avais parcouru mes anciens cours, comme je le faisais régulièrement. Je refusais d’en oublier une notion, un arrêt, un article. Je refusais de perdre le contrôle qu’il me restait, le seul qu’il me restait. J’avais mis cette partie de mon existence sur pause, j’y avais été obligée. Mais je n’abandonnais pas, je ne voulais rien perdre de ce que j’avais acquis, je ne voulais pas laisser plus que ce qui m’avait déjà été enlevé. J’ignorais quand cela recommencerait à me servir, j’ignorais quand mes ambitions me sembleraient à nouveau atteignables. Le futur semblait me faire défaut, encore et toujours. Je ne faisais que flotter dans une fébrilité lassante d’un perpétuel présent. C’était tout ce que je pouvais me permettre. C’était tout ce à quoi je m’accrochais. Et j’oubliais ainsi tout le reste. Je n’avais pas parlé de ma fausse couche à grand monde. Je pouvais imaginer les traits de Sam se crisper à cette annonce, elle ignorait tout de cette grossesse. Je pouvais visualiser l’inquiétude prenant possession de ses yeux clairs, je pouvais imaginer son esprit se torturer en une seconde à l’idée de ce que cela pouvait provoquer sur mon corps déjà malade. Elle serait anéantie. Et je l’avais déjà bien assez blessée, bien assez usée. Et il y avait James. Je me retenais. Je ne voyais pas ce que cette annonce aurait pu nous apporter, aurait pu lui apporter. Je ne voulais pas de cet enfant, je ne voulais pas de notre enfant. Il se faisait à cette idée. Je pouvais prendre sur moi, je pouvais le laisser croire que cette grossesse avait été interrompue, comme cela avait toujours été prévu. Je pouvais le laisser croire que j’avais pu avorter, à temps, et qu’il n’y avait rien d’autre à dire. Que je nous avais brisés. La fausse couche ne changeait rien. La fausse couche ne ferait que rajouter à notre déchirure. Simplement pour soulager mon cœur, de ne plus rien lui cacher. Je n’en avais aucun droit. Je n’avais plus le droit de le blesser, plus le droit de rajouter des cicatrices à notre histoire. Je me faisais à l’idée. Je n’avais pas cherché à me confier, je n’avais pas cherché à en prendre conscience, à l’accepter, à avancer. Je ne voulais pas mesurer l’impact que cela pouvait bien avoir sur mon corps, sur mon esprit, encore moins. J’attendais que cet événement ne devienne qu’un silence de plus, une ombre éternelle sous ma peau. Je relâchai mes cheveux de son chignon improvisé, en m’étirant légèrement, les yeux mi-clos, savourant, pour la première fois de la journée, les rayons du soleil. Je frottai mes yeux distraitement, faisant glisser mes écouteurs le long de mon cou, la musique continuant de résonner en sourdine dans la pièce. Mes jambes craquèrent légèrement en me relevant et je levais les yeux au ciel, face à leur faiblesse. Je me laissais aller à la cuisine, sans vraiment y réfléchir, avant d’ouvrir les portes des placards au hasard. Après quelques secondes, je m’emparai de la boîte de pâtisseries trônant au milieu du réfrigérateur, avec un entrain feint. Il fallait que je mange, et il pouvait y avoir bien pire que ces gourmandises ramenées par Kenzo. Je refermai la porte en entendant des coups brefs et hésitants à la porte. « J’arrive. » répondis-je inutilement en calant la boite sur mon avant bras et en me dirigeant vers l’entrée. J’ouvris la porte avec assurance avant de suspendre mon geste en l’apercevant sur le palier. Eugenia. « Hey, » me lança-t-elle en préambule. Je repris une inspiration contenue tandis que le son clair de sa voix vint tinter à mes oreilles, finissant de me rappeler à la réalité du moment. Elle était devant ma porte. Elle était devant ma porte, comme cela avait été le cas des dizaines, des centaines de fois auparavant. Dans un passé pas si lointain, et qui m’était paru pourtant si vague durant un temps. Elle était devant ma porte, comme j'avais été devant la sienne, tout autant de fois. Et je trouvais cela presque naturel, je trouvais cela presque normal, comme si cela n’aurait jamais du cesser d’être le cas. « Je ne te dérange pas ? » me demanda-t-elle alors que je ne disais rien et je secouai enfin la tête. « Pas du tout. Tu … Tu me sauves d’une orgie de gâteaux à moi toute seule, à vrai dire. » répondis-je, et un sourire sincère vint se dessiner sur mes lèvres alors que je me décidai à soutenir son regard. Je ne contrôlais pas ce sourire, il était apparu naturellement, et je n’avais pas cherché à le réprimer, je n’en avais même pas eu l’envie. Je voulais être naturelle, mais mon cœur s’était mis à battre un peu plus rapidement. Je voulais être naturelle et ce sourire l’était. J’ouvris la porte un peu plus, laissant apparaître la boîte de gâteaux en question, avant de me décaler pour lui laisser la place. « Tu veux entrer ? … Tout va bien ? » Je ne pouvais m’empêcher d’être inquiète de cette visite inattendue, juste assez pour me laisser aller à poser la question. La dernière fois que nous nous étions vues, nous étions dans cet ascenseur. La dernière fois que nous nous étions vues, j’étais repartie, persuadée que mes espoirs n’étaient pas mal placés, que nous pouvions nous retrouver. Tellement d’évènements s’étaient produits depuis. J’avais voulu l’appeler, souvent, trop souvent. Encore plus lors de mes conversations avec Julian. J’avais voulu faire un retour dans sa vie, comme elle dans la mienne. Notre fierté ne pouvait plus tenir. Elle n’avait plus à le faire. Elle devait être moins forte que notre amitié, j’y croyais, je voulais y croire.
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() message posté Lun 25 Mai 2015 - 0:17 par Invité

Alexandra & eugenia — the truth is everyone is going to hurt you. you just got to find the ones worth suffering for. ✻ ✻ ✻ C’était difficile, parfois. Difficile de prendre sur soi. Difficile de finalement prendre la décision de faire un pas en avant plutôt que dix en arrière. Difficile de ravaler sa fierté pour essayer de nous rendre plus heureux, pour essayer de réparer les malheurs du passé. J’avais mis du temps, avec Julian. Du temps à recoudre toutes nos blessures. Et, quelque part, j’avais peur que cela se passe aussi mal avec elle. Avec Alexandra. Cela n’avait pas été la première fois que j’avais songé à réellement reprendre contact avec elle, non. Il y avait eu Noël, où j’avais désiré l’appeler pour lui adresser mes vœux. Puis, il y avait eu ce jour où Julian était venu à l’appartement, venu me dire que nous pouvions essayer, tous les deux. Ensuite, il y avait eu cette série de braquage qui avait frappé Londres tout entière, et il y avait eu ces fois où j’avais simplement désiré prendre de ses nouvelles. Cela n’était pas la première fois, non. J’avais passé des semaines, des semaines et des mois, à hésiter. A laisser le doute m’envahir, comme s’il pouvait encore me ronger. A permettre mon esprit de se perdre entre les différentes possibilités. Cela n’était pas la première fois, non, pourtant je m’étais finalement décidée à passer le seuil de ma porte pour venir jusqu’à elle. Cela n’était pas la première fois, non, pourtant j’avais réussi à aller au-delà de ce blocage qui me retenait en arrière. Je ne savais pas encore réellement si cela était une bonne idée. J’étais hésitante dans mes gestes ; ma respiration, elle, était irrégulière à mesure que je remettais en cause ma présence dans l’encadrement de sa porte. Mais j’étais là.
J’étais là et j’essayais de me dire que c’était le principal. J’étais là et j’aurais aimé que le reste ne compte plus autant.
Je cessais de respirer pendant quelques secondes quand je croisais son regard, avant de finalement focaliser mon attention sur les mouvements de mes poumons. Je m’intimai au calme sans que cela ne change réellement quelque chose. Je ne parvenais pas à arrêter mes pensées. Je ne parvenais pas à arrêter de me demander si j’avais le droit d’être là. Si j’avais le droit d’être en demande d’attention. Si j’avais le droit de me confier. Si j’avais le droit de croire qu’elle voulait bien m’écouter. Nous nous étions fait une promesse voilée, après tout ; cependant, j’étais de nature beaucoup trop méfiante pour admettre du premier coup que cela puisse être vraiment sincère. Pour ne pas remettre en question tous les mots que nous avions pu échanger, coincées dans la cage d’ascenseur d’un grand magasin. « Pas du tout. Tu… Tu me sauves d’une orgie de gâteaux à moi toute seule, à vrai dire, » me répondit-elle en esquissant un grand sourire. Je posai les yeux sur la boîte de pâtisserie qu’elle tenait sous le bras et je souris à mon tour, amusée.
J’avais toujours été une grande gourmande, une goinfre, presque. Je me demandai si elle me disait cela parce qu’elle s’en rappelait ou par hasard. Je fronçai les sourcils avant de l’observer s’écarter légèrement pour me laisser entrer. « Tu veux entrer ? … Tout va bien ? » J’hochai la tête, sans doute trop rapidement, sans doute avec trop de précipitation. Ma présence l’étonnait, quelque part. Elle l’étonnait autant qu’elle pouvait bien m’étonner moi, mais pas pour les mêmes raisons. Elle ne s’était pas attendue à me voir. Je ne m’étais pas attendu à trouver suffisamment de courage pour me rendre jusqu’ici.
Je me sentais presque idiote d’être trop anxieuse. Presque idiote de ne jamais réellement savoir comment me comporter en société, comment me comporter avec les autres. Comment me comporter avec les inconnus.
Et le pire était sans doute qu’Alexandra n’était même pas une étrangère. Du moins, c’était ce que j’aimais me répéter, même après ces deux années de passage à vide que nous avions connues. J’aimais pouvoir croire que je pouvais encore savoir comment elle était. J’aimais pouvoir me dire que, si elle avait peut-être changé ces derniers mois, je pouvais encore la reconnaître. « Oui, oui, tout va très bien, » lui répondis-je finalement en pénétrant à l’intérieur de chez elle. « Je suis venue te sauver d’une crise d’hyperglycémie. J’ai senti l’appel du sucre de chez moi. » J’esquissai un sourire amusé avant d’observer l’entrée, silencieuse. Je respirais déjà plus librement. Elle ne m’avait pas mise à la porte, non. Elle ne m’avait pas fait comprendre que je n’étais pas la bienvenue, au contraire. Elle s’était écartée pour que j’entre. Elle m’avait laissé passer, elle m’avait laissé pénétrer son appartement. J’avais l’impression que c’était un geste presque tout aussi grand que le mien. Peut-être ses mots voulaient-ils réellement dire quelque chose pour elle. Peut-être les avait-elle pensé en les prononçant. Peut-être les avait-elle pensé autant que moi. « Tu vas bien, toi ? » J’étais presque impatiente, au fond. Les mains sur les cuisses, je jouais avec mes doigts en attendant sa réponse, les yeux levés vers elle ; ce qu’elle allait me dire m’importait, oui, m’importait réellement vu les longues semaines que j’avais passé à me demander comment elle pouvait bien aller. Cependant, il y avait ma nouvelle qui brûlait au fond de moi. Il y avait cette nouvelle que je rêvais d’énoncer à voix haute depuis des jours et que je n’avais pas encore pu annoncer à qui que ce soit.
Cependant, il y avait ce besoin, ce besoin qu’elle soit là, ce besoin que nous nous comportions comme des amies. Ce besoin de réellement mettre le passé derrière nous comme nous avions pu nous le promettre, ce besoin d’enterrer la hache de guerre et de la retrouver, la retrouver elle. En l’observant, je ne voyais plus celle qui m’avait les mots les plus blessants. Je n’étais même pas sûre de l’avoir vu ainsi un jour. Mais, aujourd’hui, j’avais la certitude de voir mon ancienne amie. Mon amie, peut-être. Si j’avais le droit. Si j’y étais autorisée.
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() message posté Jeu 28 Mai 2015 - 0:05 par Invité
Cela aurait du être plus étrange. Cela aurait du être plus surprenant, plus tendu. Mais le temps était passé, et avec lui, cette impression de ne plus savoir comment faire, de ne jamais savoir comment être en sa présence, depuis quelques mois. Le temps était passé, et j’étais devenue convaincue qu’il n’effaçait rien au hasard. Que les choses importantes demeuraient toujours, quoiqu’il arrive, que celles qui disparaissaient étaient celles que nous jugions capitales mais qui étaient finalement inutiles. Et Eugenia n’avait jamais disparu. Nous avions essayé de nous rayer mutuellement de nos vies, de nos esprits. Et je ne savais pas pour elle, mais je n’y étais jamais parvenue. A la place, il y avait eu les disputes et les reproches. Nos silences, eux-mêmes, restaient emplis de souvenirs et de sous-entendus. Le temps était passé, et nous en avions perdu suffisamment, trop, ou juste assez. Juste assez pour que nous puissions tout laisser en arrière, juste assez pour que je puisse être convaincue. Convaincue que ces éléments qui nous avaient échappé, ces évènements qui nous avaient éloignées, qui nous avaient faites trembler de nos socles, vaciller dangereusement, pour finalement nous jeter à terre, ces évènements étaient également capables de finalement nous faire renaître. « Oui, oui, tout va très bien, » Je refermais la porte derrière elle, et hochai la tête une fois, tentant d’apaiser mon trouble de la voir s’avancer dans le salon. Cela me paraissait si loin, si vieux, et si récent, en même temps. Cela me paraissait étrange et naturel, unique alors que cette scène s’était déroulée des centaines de fois. « Je suis venue te sauver d’une crise d’hyperglycémie. J’ai senti l’appel du sucre de chez moi. » Elle s’était avancée derrière moi et je me retournais vers elle. Je souris une nouvelle fois, amusée de sa plaisanterie. « Pourquoi ça ne m’étonne pas ? » Il existait une époque où cela aurait pu être vrai. Il y avait eu un temps où j’aurais pu simplement l’appeler, pour une dégustation de sucreries improvisées, elle n’était jamais en reste. Il y avait eu un temps où j’aurais pu l’appeler pour une raison aussi futile et où elle serait venue, sans se poser de questions également, et inversement. Nous pouvions sans doute nous concentrer sur ces détails, aujourd’hui. Nous pouvions garder nos mêmes souvenirs, ceux qui nous avaient faites souffrir, ceux qui nous avaient éloignées, mais convenir ensemble d’une nouvelle manière de les raconter. Nous pouvions choisir de nous rappeler de ces moments d’amitié, plutôt que ceux de la souffrance, notre complicité, plutôt que la petitesse de nos disputes. « Tu vas bien, toi ? » Je hochai la tête une nouvelle fois, en me laissant m’asseoir sur le canapé, juste derrière nous. Je n’étais jamais certaine de la réponse à apporter à cette question. Je n’étais jamais certaine de ce que j’étais supposée dire. Personne n’avait envie de s’attarder sur ses problèmes. Personne n’avait envie de se plaindre ou d’être plaint. Je n’en avais certainement pas envie, aujourd’hui, pas alors que le regard d’Eugenia était posé sur moi, sincèrement, pour la première fois depuis quelques mois auparavant. Je déposai la boîte sur la table basse face à nous, avant de m’emparer d’un gâteau et de le porter à ma bouche. « Maintenant oui. Je mourrais de faim. » me contentais-je de répondre doucement en lui désignant le paquet pour qu’elle se serve à son tour. Ce n’était pas entièrement vrai. Ce n’était pas entièrement faux, non plus. J’étais dans un entre-deux permanent. La sensation de faim se faisait de plus en plus rare depuis des mois, voire inexistante. Je devais me forcer à m’alimenter, me forcer à ne pas écouter mon corps, à ne plus avoir confiance, à le forcer, lui. Alors cette réponse était convenable. Cette réponse me permettait de ne pas m’attarder plus que de mesure sur le reste, sur tout le reste. Après tout, je connaissais Eugenia. Je la connaissais toujours autant sur ces points-là. Je voyais dans son regard qu’elle avait quelque chose à m’annoncer, qu’elle n’était pas venue pour rien. Je voyais dans son regard qu’elle mourrait, elle aussi, de vouloir me confier quelque chose. Et je la connaissais toujours aussi bien, pour être consciente qu’elle ne s’y risquerait pas tant que je ne lui demanderais pas. Qu’elle s’intéresserait toujours aux autres, en premier, pour ne pas déranger, pour ne pas tirer la couverture. J’avais senti mon cœur s’accélérer dès l’ouverture de la porte d’entrée, je l’avais senti se presser dès que mon regard s’était posé sur Eugenia. J’avais eu peur, un instant, de la raison de sa visite. J’avais eu peur qu’elle ne soit là pour de mauvaises raisons, pour faire marche arrière. Plus encore, j’avais eu peur qu’elle ne soit prise dans des problèmes, des problèmes tellement importants qu’elle n’avait d’autre choix que celui de venir à moi. Mais elle avait dissipé ces craintes aussi vite. Et elles avaient laissé place à autre chose. Elles avaient laissé place à d’autres doutes. Je ne voulais pas m’avancer. J’avais l’impression d’en savoir plus sur les évènements actuels de la vie d’Eugenia qu’elle n’en savait sur les miens. J’avais l’impression d’en savoir trop, grâce à Julian. J’avais envie de la féliciter pour leurs retrouvailles. J’avais envie de lui dire à quel point j’étais heureuse pour eux deux, à quel point ils méritaient d’avoir trouvé le bonheur, à quel point ils méritaient d’être enfin apaisés et heureux, ensemble, réunis. Mais je n’étais peut-être pas censée savoir. Je n’étais, sans aucun doute, pas censée savoir ce qu’il lui préparait. Et je ne voulais pas me hâter, non plus, me tromper. Je n’étais pas certaine qu’elle soit là pour cela, pas certaine qu’elle ait envie de me confier quoique ce soit concernant sa vie amoureuse. Je n’étais pas certaine qu’elle me confie toujours cette place dans son esprit et dans son cœur. « Et toi ? » demandai-je en posant mon regard sur elle, à mon tour. « Je suis contente que tu sois venue. » continuai-je doucement, presque surprise moi-même de me laisser aller à cette confidence. « Et ce n’est pas que tu aies besoin d’une raison quelconque mais … » Je désignai d’un signe de tête ses mains posées sur ses genoux, incapables de rester en place depuis son arrivée. J’étais nerveuse, et j’ignorais si elle l’était aussi, pour les mêmes raisons, ou pour quelque chose qu’elle souhaitait me révéler. J’aurais voulu être patiente, lui laisser le temps de décider si elle allait se confier, finalement. Mais j’étais impatiente, je l’avais toujours été. Je souhaitais, plus que tout, qu’elle puisse le faire, qu’elle sache qu’elle le pouvait, si c’était réellement ce qu’elle désirait, ce pourquoi elle était venue.
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() message posté Sam 6 Juin 2015 - 23:25 par Invité

Alexandra & eugenia — the truth is everyone is going to hurt you. you just got to find the ones worth suffering for. ✻ ✻ ✻ Je ne savais pas comment elle allait, comment elle se sentait, ce qu’il s’était passé dans son existence durant ces derniers jours, ces derniers mois. Ses traits étaient tirés mais j’avais conscience, au fond de moi, que lorsque l’on était dans sa situation on ne pouvait pas se sentir réellement bien. Ni même se sentir réellement mieux. Tout était dans la nuance ; il y avait des journées pires que d’autres, des heures plus longues que d’autres. Le monde était différent et avec lui tournait un univers que l’on ne comprenait plus. Alors, non. Je ne savais pas comment elle allait. Je ne savais pas comment elle se sentait. Je ne savais pas ce qu’il lui arrivait. Cependant, d’après ce que je pouvais voir, d’après ce que je pouvais constater, je pouvais deviner qu’elle n’avait pas encore rendu les armes. Qu’elle continuait de se battre, se battre soit pour elle, soit pour les autres, mais qu’elle n’était pas encore prête à déclarer forfait face à son propre quotidien. Ca me rassurait, oui. Ca me rassurait sans même avoir une réponse de sa part.
Mes suppositions me paraissaient justes. Jusque-là, elles l’avaient toujours été ; parce que, même s’il s’était passé des mois et des années, il me restait mes souvenirs. Nos souvenirs. Ces instants que nous avions partagé, ces instants qui nous appartenaient à toutes les deux. Je l’avais connu par coeur et même si je m’étais appliquée à croire que cela ne m’importait pas, elle était importante à mes yeux. Je ne pouvais pas me battre contre ce que nous avions un jour vécu. Nous ne pouvions pas nous battre contre ce que nous avions été.
Cela faisait partie de nous. Cela faisait partie de nous autant que sa maladie pouvait faire partie d’elle et que mon handicap pouvait faire partie de moi.
Je me demandai si elle se rendait compte que mes yeux la sondaient pour en apprendre plus sur ses silences, si elle se rendait compte de l’impatience réfrénée que je pouvais ressentir en cet instant. Je tentai, en vain, de me contenir, me retrouvant à tordre mes mains sur mes genoux et à compter mes respirations pour contraindre mon coeur à ne pas continuer de s’affoler. Cela me paraissait presque anormal d’être dans cet état, comme si cela n’était pas naturel, comme si cela n’était pas justifié. Mais, après tout, il s’était passé tant de choses que j’étais incapable de savoir si j’avais le droit de réclamer son attention. Mais, après tout, il s’était passé tant de choses que j’étais incapable de savoir si cela m’était autorisé d’être là, même. « Pourquoi ça ne m’étonne pas ? » répondit-elle à mes propres mots, et je me mis à sourire. Elle se souvenait, donc. Elle se souvenait de ces après-midis que nous avions passé à grignoter, ou même de ces matinées passées dans un café à mi-chemin entre nos deux rues. Elle se souvenait de nous. Elle se souvenait de notre amitié. J’avais l’impression de me sentir moins seule avec mes souvenirs. De me sentir moins seule avec ma nostalgie.
De me sentir moins seule avec mon fardeau. Et cela me faisait un bien fou.
Alexandra s’assit dans le canapé et je me rapprochai doucement d’elle pour me positionner en face de la table basse. Je l’observai se servir dans la boîte, puis croquer la pâtisserie avec gourmandise. « Maintenant oui. Je mourrais de faim, » me répondit-elle et j’esquissai un sourire quand elle m’indiqua que c’était à mon tour. Je pris un gâteau entre mes doigts, le portant à ma bouche. Elle disait aller bien, aller mieux, simplement grâce à ces sucreries. Cependant, je la connaissais suffisamment qu’elle ne faisait que se cacher derrière des excuses, derrière cet état passager et éphémère. Cela était si facile de se concentrer sur des futilités, après tout. Si facile de leur accorder une trop grande importance pour oublier volontairement le reste. « Et toi ? Je suis contente que tu sois venue, » reprit-elle et je souris. Elle semblait sincère. Elle semblait réellement heureuse que je sois là. Comme si j’avais le droit. Comme si j’avais vraiment le droit. « Et ce n’est pas que tu aies besoin d’une raison quelconque mais… » Je fronçai les sourcils quand elle désignait d’un geste mes mains crispées, mon corps tendu. Elle avait senti mon anxiété et quelque part cela ne m’étonnait qu’à moitié ; je me répétais sans cesse que j’étais hantée par notre amitié, par nos souvenirs, mais j’oubliais souvent que je n’étais pas la seule dans cette situation. Qu’elle aussi me connaissait. Qu’elle aussi se souvenait, malgré l’obstination que j’avais à croire le contraire. « Je suis désolée, je ne veux pas que tu croie que je viens uniquement parce que j’ai besoin de toi mais… » commençai-je avant de prendre une profonde inspiration. Mais, si, c’était vrai. J’étais venue parce que j’avais besoin d’elle. J’étais venue parce que j’étais suffisamment égoïste pour me permettre de venir réclamer son attention. Je ne voulais pas paraître opportuniste mais j’avais besoin de son amitié, besoin de son écoute. Besoin d’elle. « … Julian m’a demandé de l’épouser. » Je laissai la nouvelle tomber ainsi, incapable de la retenir plus longtemps. Je me redressai, incapable de manger le reste du gâteau que je tenais entre les doigts, sentant mes joues s’empourprer. « Je ne sais même pas s’il t’a dit qu’on s’était mis ensemble en avril, mais… » repris-je, les mots se bousculant dans ma bouche. « … Mais il m’a demandé de l’épouser. Moi. Il y a quelques jours, quand on est parti en week-end dans le sud… » Au simple souvenir de ce qu’il avait bien pu se passer, je me mis à sourire, les yeux légèrement embués par l’émotions. Je me raclai la gorge, légèrement embarrassée par mes réactions d’adolescente, avant de poursuivre. « Tu es la seule à qui je peux le raconter. » Je levai les yeux vers elle, presque suppliante, comme si j’implorai son pardon, son pardon m’épargnant la culpabilité d’être une pareille opportuniste.
Comme si j’implorai qu’elle se souvienne. Qu’elle se souvienne qu’elle avait toujours été celle vers qui je m’étais tournée et que j’avais été celle en qui elle avait toujours pu compter.
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() message posté Dim 14 Juin 2015 - 21:28 par Invité
Mille fois, j’avais voulu tout mettre de côté et faire le premier pas, oser ce qu’elle était en train de faire actuellement. Mille fois, j’avais voulu lui parler, simplement pour savoir ce qu’elle ressentait, si elle allait bien, si elle allait mieux. Mille fois, j’avais fait marche arrière, j’avais fait les questions et les réponses, emmurée dans ma crainte de ne pas réussir à trouver les mots. Mille fois, je n’avais pas pu venir à elle, lui parler simplement. Le silence était devenu notre punition, avait pris la place sur nos disputes. Ce n’était pas mieux. Ces dernières avaient failli nous détruire, totalement, complètement, au début. Le silence avait fini de nous endurcir dans nos reproches mutuels et nos erreurs inavouées. Elle avait finalement été la plus courageuse, et cela ne m’étonnait pas. Elle avait finalement combattu sa fierté et je n’arrivais pas à la remercier. Je voulais croire que je n’y étais peut-être pas obligée, qu’ici, commençait peut-être autre chose. « Je suis désolée, je ne veux pas que tu croie que je viens uniquement parce que j’ai besoin de toi mais… » Je fronçai légèrement les sourcils en me redressant face à ses excuses. Je n’arrivais pas à suivre le cours de ses pensées, je n’arrivais pas à savoir ce qu’elle souhaitait me révéler et cela m’inquiétait. Sa nervosité m’inquiétait. Mais elle n’avait pas à s’excuser, elle n’avait pas à s’excuser pour être venue jusqu’ici aujourd’hui alors que je n’en trouvais pas le courage depuis des semaines. Je restais persuadée que nous pouvions être plus fortes, qu’il n’y avait aucun succès à mener sa vie dans des souvenirs tourmentés qui se confondraient inévitablement en regrets. Je voulais en être persuadée, pour nous, puis pour moi. Je méprisais cette dépendance que je m’étais découverte depuis ma rupture avec James. Eugenia et moi avions accompli le plus dur. Nous restait le plus délicat. Et nous en étions capables, nous nous l'étions presque promis à la sortie de l'ascenseur. Elle n’avait pas à s’excuser. Elle avait été présente pour moi, plus de fois que je n’aurais pu lui rappeler, m’avait permis de puiser mes forces dans les siennes lorsque j’en avais eu besoin. Elle m’avait soutenue, rassurée, durant mes moments orageux et désordonnés. Aujourd’hui, de nouveau, je voulais me laisser aller à penser que cela ne nécessitait aucune excuse, jamais. « … Julian m’a demandé de l’épouser. » Je serrais légèrement une serviette entre mes doigts mais suspendis mes gestes en entendant la nouvelle tomber. Mon cœur s’était emballé un instant et je me concentrai pour le calmer à nouveau, en levant un regard étonné sur Eugenia. Je n’avais pas à faire semblant. J’étais au courant, certes. Julian s’était laissé aller à cette confession. Mais j’étais étonnée qu’Eugenia me le révèle, surprise qu’elle soit effectivement venue pour cela, surprise d’occuper toujours cette place dans son esprit. Je n’avais pas à faire semblant d’être étonnée, cela jouait à ma faveur. Un sourire vint se dessiner sur mes lèvres sans que je ne cherche à l’en empêcher. « Eugenia … » laissai-je échapper en me penchant en avant. Je voulais l’interroger, je voulais savoir ce qu’elle en pensait mais je me tus, consciente qu’elle n’avait pas fini, qu’elle cherchait ses mots. « Je ne sais même pas s’il t’a dit qu’on s’était mis ensemble en avril, mais… » Je me laissai aller à hocher la tête légèrement à cette interrogation. J’ignorais jusqu’à maintenant si elle aurait apprécié de me savoir au courant, mais elle me tendait une perche sur le moment et je la saisissais. J’aurais sûrement du l’appeler, pour cela aussi. Mais je réprimai cet instinct. Il y avait tellement de j’aurais du qui me brûlaient les lèvres que je ne pouvais en laisser échapper un. « … Mais il m’a demandé de l’épouser. Moi. Il y a quelques jours, quand on est parti en week-end dans le sud… » continua-t-elle, un peu précipitamment et je relevai mon regard sur elle, un léger sourire aux lèvres. Ses paupières étaient baissées mais je pouvais entrapercevoir ses yeux qui semblaient briller, comme si les larmes n’étaient pas si loin. Elles l’étaient sûrement, mais cela faisait si longtemps que je n’avais plus eu l’occasion de surprendre Eugenia envahie par l’émotion, envahie par cette émotion. Ses yeux brillaient, et ce n’était ni de la colère, ni de la déception. Ses yeux brillaient et elles me laissaient en être témoin. J’avais cette sensation poignante de retrouver mon amie, devant moi, celle que je connaissais par-delà les mots, par-delà les silences, celle qui me permettait à nouveau de la voir, aujourd’hui. « Tu es la seule à qui je peux le raconter. » souffla-t-elle finalement et je souris légèrement pour chasser ses inquiétudes. Je voulais lui demander pour sa mère. Je voulais lui demander pour sa sœur, mais je n’en fis rien. Si elle n’en disait pas plus, je possédais peut-être déjà les réponses. Peut-être que tout n’avait pas totalement changé durant notre éloignement. Peut-être que nous possédions toujours le plus important. « Je ne sais pas quoi … C’est une bonne chose, n’est-ce pas ? » m’interrompis-je en suspendant mon sourire, décidée à me rappeler que je n’étais pas supposée trop en savoir, décidée à jouer le jeu une fraction de seconde. Je secouai la tête doucement. « Bien sûr que ça l’est. » repris-je en osant plaisanter, comme s’il s’agissait là d’une évidence. Et cela l’était presque. « Je ne sais pas si je dois être étonnée, vous êtes … Je suis heureuse, très heureuse pour vous. » J’aurais voulu pouvoir en dire plus. Je ne voulais pas faire de pas de côté, laisser transparaître ce que je savais déjà grâce à Julian. J’aurais voulu rire avec elle devant son impatience et son euphorie, évidentes, mais nous réapprenions seulement à nous retrouver. Je sentais mes yeux presque sourire, cependant, et je me repenchai de nouveau, pour m’approcher d’elle. « Je peux demander ? Qu’est-ce que tu lui as dit ? » Je sentais mon cœur s’emballer devant la scène que nous jouions, la scène que nous retrouvions, ces confessions que nous nous étions déjà faites à de nombreuses reprises. Mais nous avions évolué, nous avions changé, les enjeux également. Elle m’annonçait ses futures fiançailles, cela n’avait rien de commun. Nous étions là, de nouveau, pour cette nouvelle et j’avais du mal à le réaliser. Je pouvais partager cela avec elle, en dépit de tout ce que nous avions traversé et je prenais cela comme un cadeau. Je m’apercevais qu’il était possible d’être nostalgique du présent. Ce présent qu’Eugenia avait réussi à recréer simplement en décidant que j’en valais la peine.
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() message posté Sam 20 Juin 2015 - 23:17 par Invité

Alexandra & eugenia — the truth is everyone is going to hurt you. you just got to find the ones worth suffering for. ✻ ✻ ✻ « Eugenia … » Mais je ne l’avais pas laissé poursuivre, je ne l’avais pas laissé prendre la parole, dans un grand élan d’égoïsme, sans doute. J’avais continué de parler, persuadée que, si elle m’interrompait, j’aurais bien été incapable de reprendre. Bien incapable de finir. Ses yeux me fixaient et, même si je savais qu’Alexandra ne me jugerait jamais sur ce genre de sujet, je sentais la gêne teindre mes joues de rose. C’était la première fois que j’énonçais les faits à voix haute et je ne savais plus où me mettre. La première fois que je partageais ce que j’avais sur le coeur et je ne savais même plus quoi ajouter. Mes mains tremblaient et, avec hésitation, je finis par reposer ma pâtisserie sur la table basse le temps que je me calme. Le temps que je parvienne à faire la part des choses.
J’étais si excitée et craintive à la fois. Mes pensées défilaient si vite dans mon esprit que je peinais à toutes les attraper, à toutes les comprendre, à toutes les ranger. Je n’avais pas peur de ce qu’elle allait dire mais de ce qu’elle pouvait penser. Mes craintes reflétaient mes propres opinions les plus retranchées, après tout. Tu es trop jeune, trop puérile, trop irréfléchie pour te marier. Il est trop instable, il est trop immature pour se marier. Vous êtes trop brisés pour y songer. Vous avez perdu trop de temps pour que ça soit encore une possibilité. Je secouai la tête pour chasser mes pensées parasites, relevant les yeux vers Alexandra. J’examinai son expression, alors qu’elle semblait presque perdue par mes paroles et, au bout d’un moment, elle m’offrit un sourire.
Un sourire. Comme si tout allait bien. Comme s’il n’y avait aucun mal. Comme si elle ne nous jugeait pas, pas même au creux de son esprit, pas même au plus profonds de ses pensées. Un poids disparut de mes épaules et, à cet instant précis, je m’en voulus presque d’avoir douté d’elle. D’avoir remis en question son jugement.
Alexandra parut hésiter à son tour, sélectionnant ses mots avec précision dans son esprit, laissant peu à peu le silence s’installer. Je l’observai avec attention, incapable de déglutir tant je pouvais bien être pendue à ses lèvres. Tant je voulais savoir ce qu’elle souhaitait me dire. C’était étrange, ce sentiment. Ce sentiment de revenir en arrière quand il était quand même trop tard. Ce sentiment que, finalement, nous retrouvions cette amitié que nous avions longtemps connu.
Cette amitié qui m’avait manquée. « Je ne sais pas quoi… C’est une bonne chose, n’est-ce pas ? » me demanda-t-elle, hésitante, avant de secouer vivement la tête. « Bien sûr que ça l’est. » Je me mis doucement à rire, portant mes doigts à mes joues comme pour tâter le feu qui les consumait. Elle avait loupé tant de choses. J’avais gardé sous silence tant d’épisodes. Je ne savais même pas où est-ce que ses connaissances s’arrêtaient ; je lui avais raconté chaque détail de notre relation platonique avant mon accident de voiture mais, après cela, je n’avais plus rien ajouté à ce propos. Je savais qu’elle était encore proche de Julian mais je n’avais absolument aucune idée de s’il s’était confié à elle à propos de nous deux.
Peut-être que oui. Peut-être que non. Durant des jours, des semaines, des mois et des années, j’avais eu l’impression de ne pas être suffisamment importante pour qu’il songe à parler de moi à son entourage. Depuis peu, je m’étais rendue compte que cela n’était pas forcément le cas. Qu’il pouvait parler de moi parce qu’il m’aimait presque autant que je ne pouvais l’aimer. « Je ne sais pas si je dois être étonnée, vous êtes… Je suis heureuse, très heureuse pour vous, » finit-elle par reprendre. Elle avait l’air surprise mais heureuse, ses yeux souriant avec le reste de son visage. Je ne fis que rougir d’autant plus, incapable d’empêcher mes joues de réagir. « Je peux demander ? Qu’est-ce que tu lui as dit ? » Je passai une mèche de cheveux derrière mon oreille avant d’attraper de nouveau la pâtisserie que j’avais entamé un peu plus tôt. Elle voulait en savoir plus. Elle avait souri. Elle paraissait ravie. Tout cela comme si ça avait de l’importance à ses yeux. Comme si elle était concernée par ce qui nous arrivait.
Cela ne faisait que m’étonner mais, au fond, je me rendais peu à peu à l’évidence. Malgré tous mes doutes, malgré toutes mes craintes, Alexandra acceptait réellement de se comporter en amie. Alexandra acceptait réellement de l’être, tout simplement. « Je crois que j’ai dit oui, » dis-je en haussant les épaules, un sourire étirant mes lèvres. « Tu sais, il y a cette artiste handicapée qui a créé un fauteuil pour pouvoir faire de la plongée sous marine quand on est paraplégique, » poursuivis-je. J’avais l’impression que je lui devais des explications détaillées, comme avant. Comme s’il ne s’était rien passé. Comme si cela m’était encore autorisé et, désormais, j’avais vraiment l’impression que c’était le cas. « Il a réussi à la contacter pour que je puisse passer une demi-heure sous l’eau. Donc, vendredi, il m’a emmené à la plage pour me faire la surprise. J’ai pu faire de la plongée sous marine pour la première fois depuis… Depuis l’accident. » Un sourire flotta sur mes lèvres. J’avais toujours eu une relation particulière avec la mer, les côtes, les plages. Cela avait été comme s’il s’agissait de mon univers. De mon univers à moi. « Avant que j’aille dans l’eau, il m’a demandé, » repris-je. « Mais je n’ai pas eu le temps de répondre. C’est seulement quand je suis remontée que j’ai dit que j’acceptais. »  Je portai un morceau de pâtisserie à mes lèvres avant de mâcher avec application, me remémorant chaque instant de ce week-end. Quelque part, j’avais tant l’impression qu’il s’agissait d’un rêve que je n’étais même plus sûre que cela était réel. Que cela s’était réellement produit. « Il n’avait pas de bague ni rien. C’est pour ça que, parfois, je me demande si je n’ai pas tout inventé. » J’eus un petit rire pour moi-même, comme si cela était drôle, comme si cela était amusant. Mais, au fond de moi, je m’interrogeais réellement. Je m’interrogeais réellement en refusant de croire qu’il puisse exister une autre forme de réalité.
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() message posté Lun 29 Juin 2015 - 1:58 par Invité
Les souvenirs de nos confidences passées se déversaient dans la pièce comme s’ils n’avaient attendu que cela pour se rappeler à ma mémoire. Comme si l’arrivée d’Eugenia dans l’appartement avait libéré ce que je m’étais employée à oublier durant des mois, pour ne pas avoir à le regretter, pour ne pas avoir à en souffrir. Tout ceci revenait à présent, aussi simplement que nous voulions bien le laisser paraître, plus naturellement que je ne l’aurais cru finalement, et avec soulagement. « Je crois que j’ai dit oui. » me répondit-elle simplement en souriant à son tour. Je me redressai en hochant doucement la tête comme s’il s’agissait d’une évidence, comme si je l’ignorais jusqu’à ce qu’elle me le dise. Mais je le savais. J’étais au courant et j’ignorais ce que j’étais supposée faire, ce que j’étais supposée dire. Julian m’avait annoncé la nouvelle et je ne m’étais pas posée d’autres questions. Je ne m’étais pas imaginée un seul instant qu’Eugenia puisse prendre les devants et venir me le raconter également. Je ne m’y étais pas préparée. Je savais jouer la comédie, je savais faire semblant. Mais cette situation était inhabituelle et je sentais mon cœur s’agiter légèrement alors que je reportais mon regard sur elle, en face de moi. Alors que je réalisais ce qu’elle était en train de faire, ce qu’elle était en train de recréer, comme nous nous l’étions dit dans l’ascenseur. Je m’étais aperçue de l’inquiétude qui s’était logée dans son regard à la suite de ses dernières paroles. Je me demandais si elle se souvenait, si elle se souvenait de toutes nos confidences, si elle se souvenait de ce dont j’avais toujours plaisanté, pour moi. J’avais voulu changer les choses avec James. J’avais voulu changer, pour lui, pour cet amour qu’il m’avait donné sans compter ce que je n’arrivais pas à lui donner en retour, pour cet amour que j’avais maltraité sans le vouloir. Je ne savais dire que non. Je disais non à l’engagement, non à l’enfant, non au mariage. Je ne savais dire que non. Eugenia le savait. Eugenia l’avait su, auparavant, à cette époque où nous pouvions encore en plaisanter. Elle l’avait compris, au début, sans même que je n’ai eu besoin de l’exprimer. Elle avait toujours compris les mots qui se perdaient dans mes silences. Mais j’avais souri aussitôt à sa nouvelle car elle n’avait pas à s’inquiéter. Car ce que je n’arrivais pas à imaginer pour moi, ne m’était jamais paru aussi évident que pour elle et Julian. Car ce que je n’arrivais pas à imaginer pour moi était tout ce que je désirais pour eux deux. Ils étaient jeunes, mais avaient déjà perdu bien assez de temps pour s’aimer librement. « Tu sais, il y a cette artiste handicapée qui a créé un fauteuil pour pouvoir faire de la plongée sous marine quand on est paraplégique. » poursuivit-elle normalement mais je retins ma respiration un court instant, désarçonnée sans le vouloir. Nous n’avions jamais parlé de sa condition. Nous ne l’avions jamais évoqué autrement que dans nos disputes, autrement que pour justifier notre éloignement, autrement que pour me dire que cela ne me regardait pas, que cela la concernait, elle, uniquement, que je n’avais pas à essayer de la comprendre. Je me souvenais être restée près d’elle toute une nuit, après son accident, après l’appel de sa mère. Je n’avais pas osé la réveiller, je n’avais pas osé lui parler de peur qu’elle ne m’entende, de peur qu’elle ne m’entende et que mes mots ne suffisent pas. J’avais posé ma main près d’elle, pour prendre de sa chaleur, pour lui donner la mienne, persuadée de pouvoir lui en donner assez pour qu’elle revienne, pour qu’elle se réveille. Et elle l’avait fait. Elle s’était réveillée et nous nous étions déchirées, comme cela. Nous n’en avions jamais parlé autrement. Nous n’en avions jamais parlé ainsi, simplement, au détour d’une phrase, et elle ne semblait même pas s’en rendre compte. Je tentais de rester impassible, cependant. Je voulais me concentrer sur la suite, simplement. « Il a réussi à la contacter pour que je puisse passer une demi-heure sous l’eau. Donc, vendredi, il m’a emmené à la plage pour me faire la surprise. J’ai pu faire de la plongée sous marine pour la première fois depuis… Depuis l’accident. » Je la regardais sourire au simple souvenir de ce moment. De ce moment dont je ne connaissais pas les détails, Julian ne me les avait pas racontés. Et j’étais presque rassurée, presque soulagée de pouvoir l’écouter partager cela avec moi, sincèrement, comme avant, comme si rien n’avait changé. Elle souriait à ce qu’elle n’avait plus cru pouvoir connaître. Elle avait dans les yeux les lumières de son ancienne vie qui n’avait plus à l’être. « Avant que j’aille dans l’eau, il m’a demandé, mais je n’ai pas eu le temps de répondre. C’est seulement quand je suis remontée que j’ai dit que j’acceptais. Il n’avait pas de bague ni rien. C’est pour ça que, parfois, je me demande si je n’ai pas tout inventé. » Je souris, amusée, en l’entendant rire à la fin de sa phrase. Elle avait toujours été ainsi, refusant de voir ce qui était pourtant évident, ce que je m’étais efforcée d’oublier lorsque Julian et Sam avaient été ensemble. Elle semblait refuser de réaliser ce que Julian pouvait ressentir, pouvait imaginer pour eux deux. Une fois de plus, cela n’avait pas changé. Je me souvenais. « Il t’a permise de nager. » laissai-je échapper doucement. Bague ou non, elle n’avait pas pu l’inventer. Elle n’avait pas pu, elle devait s’en souvenir, s’y raccrocher. Je ne pouvais m’imaginer un seul instant l’intensité de ce qu’elle avait pu vivre, de ce qu’il avait réussi à lui offrir. « Tu as nagé et c’est peut-être devenu une évidence pour vous deux. C’est beaucoup trop romantique. » repris-je d’un ton amusé et renfrogné, en secouant légèrement la tête, comme si cela l’était en effet, beaucoup trop pour que je puisse me l’imaginer, beaucoup trop pour moi qui avais toujours refusé d’y croire. « Je suis sûre que la bague viendra. Il voudra respecter les traditions. Vous avez suffisamment patienté. Ou peut-être juste assez pour vous retrouver comme maintenant, je ne sais pas. » Je reposai ma serviette sur la table basse. C’était étrange. J’avais l’impression d’en savoir plus sur les futures intentions de Julian à son égard. Les images des bagues que nous avions évoqué flottaient vaguement dans mon esprit et je les en chassai pour ne rien laisser paraître. Mais je ne savais pas réellement. J’avais laissé Eugenia alors qu’il n’y avait rien entre eux. J’ignorais ce qu’il s’était passé ensuite, j’ignorais les détails tels qu’elle acceptait de me les révéler aujourd’hui. Je voulais simplement croire que cela n’avait plus à être le cas. Que je pouvais retrouver la plus infime des légitimités en essayant de l’écouter et d’être à ses côtés.
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() message posté Dim 5 Juil 2015 - 21:13 par Invité

Alexandra & eugenia — the truth is everyone is going to hurt you. you just got to find the ones worth suffering for. ✻ ✻ ✻ C’était étrange, presque, cette sensation de revenir en arrière, cette sensation qu’il ne s’était rien passé depuis la dernière fois que nous avions bien pu passer du temps ensemble en tant qu’amies. J’étais chargée de retenue mais elle n’était pas bien différente de celle que j’avais toujours eue, même en sa compagnie ; j’avais toujours eu peur de la déranger, même lorsque nous avions été proches, comme si j’avais toujours eu un doute sur ma légitimité à réclamer son attention. Je n’étais pas quelqu’un de fier, quelqu’un plein d’assurance. Je n’étais pas quelqu’un d’arrogant, quelqu’un de stable. L’amitié avait été si rare dans mon existence que je n’avais jamais réellement eu le temps de prendre mes marques, de savoir où étaient les limites. Peu de personnes étaient entrées dans mon cercle et je les avais toujours observées d’un oeil émerveillé, légèrement en retrait, camouflant la moindre de mes émotions parce que je n’avais jamais eu suffisamment de courage pour assumer toutes les nuances de mes élans d’affection. Cela m’avait rongé, rongé de l’intérieur. Cela m’avait paralysé, paralysé dans mes intentions, paralysé avant même que je ne perde l’usage de mes jambes.
Je n’avais jamais réellement osé, sauf peut-être après des mois, sauf peut-être avec des années. Mais le temps ne m’avait pas changé. Mais les épreuves n’avaient pas fait de moi une personne différente. Il y avait toujours ces pensées dépréciatives qui m’empêchaient de comprendre les subtilités d’une amitié sincère.
J’étais toujours en retrait, toujours cachée derrière une certaine distance. Pourtant, cela ne signifiait pas que je n’éprouvais rien. Justement, peut-être même ressentais-je beaucoup trop.
Alexandra m’offrit un sourire amusé, comme si mes paroles ne l’étonnaient même pas. Avec le temps, je me plaisais à croire qu’elle m’avait cerné d’une manière telle qu’elle n’aurait jamais pu oublier mes façons d’être même après des mois sans se parler ; après nous, nous avions passé des heures ensemble, des heures à nous parler, des heures à observer l’autre évoluer dans son existence. Je refusais de croire que tout cela avait été vain. Que tout cela pouvait disparaître de nos mémoire d’un simple revers de la main. Que nous pouvions tout oublier comme si cela n’avait jamais réellement compter. « Il t’a permise de nager, » finit-elle par dire avec douceur, son ton demeurant néanmoins catégorique. Elle semblait bien plus persuadée que moi. Elle semblait accepter l’idée que tout cela soit réel, sans même avoir assisté à l’évènement, sans même savoir ce qu’il s’était passé dans nos vies ces dernières semaines, ces derniers mois. Cependant, je ne dis rien. Je me tus, l’observant sans doute avec trop d’attention, buvant ses paroles pour me raccrocher à quelque chose. « Tu as nagé et c’est peut-être devenu une évidence pour vous deux. C’est beaucoup trop romantique. » Je me mis à rire face à son expression, mes joues se teintant un peu plus de rose. Je baissai le regard sur mes mains.
Elle avait raison, au fond. C’était romantique, c’était quelque chose que seul Julian semblait être capable de faire. Il ne connaissait pas la demi-mesure. Il ne connaissait pas le simple. Il n’y avait qu’une seule personne, sur cette planète, capable de remuer ciel et terre pour m’offrir une courte balade en plongée sous-marine, et il s’agissait de Julian. « Je suis sûre que la bague viendra. Il voudra respecter les traditions. Vous avez suffisamment patienté. Ou peut-être juste assez pour vous retrouver comme maintenant, je ne sais pas, » reprit Alexandra et je fronçai légèrement les sourcils avant de relever la tête vers elle. Non, elle ne savait pas. Elle n’avait même pas été au courant pour nous deux avant même que je ne vienne frapper à sa porte. Pourtant, elle n’avait pas paru surprise, quand je lui avait dit.Pourtant, elle avait même semblé croire que c’était dans le cours naturel des choses, que cela avait déjà été tout tracé bien avant que nous ne fassions quoi que ce soit. Doucement, je me raclai la gorge, avant d’hausser les épaules. « Ca fait seulement quelques semaines que nous sommes en couple, » finis-je par admettre. C’était encore récent, je le savais, j’en avais conscience. Cela était en partie pourquoi je ne l’avais pas encore dit autour de moi, pourquoi j’avais préféré tout garder pour moi et conserver mes souvenirs au creux de mon esprit. J’avais eu peur des jugements. Peur de ce que l’on pourrait me dire. Peur, peur, peur, peur parce que je ne souhaitais pas que l’on me dise qu’il s’agissait d’une erreur. « Pourtant, tu n’as pas eu l’air très surprise, » repris-je avec un sourire. « Mais je pense que c’est à cause de moi. Il faut dire qu’à la fin tu devais vraiment en avoir marre de m’entendre parler de lui. » Les sentiments que j’avais nourri à l’encontre de Julian avaient toujours été secrets, tus, gardés au fond de mon coeur. Alexandra avait été celle avec qui j’avais accepté de me confier, celle qui avait trouvé la place d’oreille pour que je puisse me défouler. Les seuls instants délicats avaient été quand Julian et Sam s’étaient mis en couple. Quand ils s’étaient tous les deux trouver et que je n’avais plus eu le droit de réclamer Alexandra à mes côtés. J’avais refusé de la faire choisir. Refuser de la faire choisir entre sa soeur et moi. « J’ai l’impression d’avoir attendu depuis des années, oui, mais au fond notre histoire a commencé que très récemment, » poursuivis-je. « C’est peut-être une bêtise. Il y a encore beaucoup de sujets qu’on a pas évoqué et je pense que Julian ne se rend pas encore compte de pas mal de choses. » Je préférais ne pas entrer dans les détails directement, comme si certains étaient encore trop sensibles pour Alexandra et moi, pour notre amitié.
Mais cela n’empêchait pas mes mots, mes craintes. J’avais accepté de lui promettre de rester avec lui jusqu’à la fin de nos jours mais je n’étais pas sûre qu’il soit conscient de ce qu’impliquait ses propres engagements. Mais je n’étais pas sûre qu’il sache que je risquais de le faire fuir, au delà du reste.
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() message posté Sam 18 Juil 2015 - 2:01 par Invité
Je ne pouvais que me rendre compte que j’avais eu raison. Je le savais déjà, bien entendu, mais Eugenia était là aujourd’hui pour me le raconter en personne, pour me le confirmer. Bien entendu que nous avions chacune avancé de notre côté. Bien entendu qu’il y avait eu toutes ces choses dans sa vie que j’ignorais désormais et qu’elle ignorait dans la mienne. Il fut un temps où cela n’avait fait qu’accroitre les ressentiments de mon côté, consciente de ce que nous étions en train de gâcher mais refusant de le réparer, enfermée dans ma fierté. Il y avait cette histoire commune qui s'était rompue et, cette amitié que l’on faisait semblant d’oublier, et j’étais consciente que malgré cette césure, cette fracture, nos lignes respectives se poursuivaient, l’une sans l’autre. Aujourd’hui, je l’observais face à moi, et je me rendais compte que nous pouvions être capables de les rejoindre après tout. Que je n’étais pas si fière et renfermée que je le pensais, que j’étais finalement capable de passer outre les blessures du passé si je le désirais réellement. « Ca fait seulement quelques semaines que nous sommes en couple. » m’avoua-t-elle finalement et je compris les inquiétudes qui avaient sembler voiler son regard juste après son annonce. Le temps et les conventions n’étaient pas apparus dans mon esprit pour une raison de juger leur engagement. J’étais heureuse pour eux, trop pour les résumer à cela, après toutes ces années où ils s’étaient égarés. « Pourtant, tu n’as pas eu l’air très surprise, » me reprit-elle avec un sourire amusé et j’emmêlai mes cheveux d’un geste de main nerveux que j’espérais seulement distrait. Je ne rétorquai pas immédiatement pour ne pas éveiller de soupçons et la laissai poursuivre. « Mais je pense que c’est à cause de moi. Il faut dire qu’à la fin tu devais vraiment en avoir marre de m’entendre parler de lui. » Une lueur amusée éclaira mon regard alors je haussai simplement les épaules, désireuse de ne pas la contredire pour l’embêter. Je pouvais le faire car je n’imaginais pas un seul instant qu’Eugenia puisse le penser. Je l’avais écoutée autant qu’elle avait pu le faire pour moi. « Je savais que vous étiez ensemble. Julian me l’avait dit, alors la surprise est moins flagrante, c’est sans doute pour ça. » me justifiai-je d’un air naturel. Je lui adressais cependant un regard d’excuses à la fin de ma phrase. Je n’étais pas certaine des raisons. Je m’excusais de connaître cette partie importante de sa vie sans qu’elle ne soit au courant. Je m’excusais car je n’étais pas certaine jusqu’à maintenant de faire partie des personnes qu’elle désirait savoir au courant. Je m’excusais de l’avoir su et de ne pas avoir pris la peine de l’appeler. Sans qu’elle ne le sache également, j’étais embêtée de devoir rester sur mes gardes dans un moment tel que celui là pour ne pas trahir les confidences de Julian. Je pouvais l’imaginer s’étrangler en imaginant cette scène, en m’imaginant faire un pas de côté et gâcher ses plans. Je tentais de gérer cette pression supplémentaire à celle suffisante de revoir Eugenia dans mon salon, comme si rien ne s’était jamais passé. « J’ai l’impression d’avoir attendu depuis des années, oui, mais au fond notre histoire a commencé que très récemment. » me reprit-elle en haussant doucement les épaules. J’aurais voulu la reprendre, j’aurais pu le faire sans hésiter il fut un temps. Mais je retenais encore ces instincts au fond de mon être pour ne plus commettre d’erreurs. Je les retenais aussi car je pouvais penser qu’il y avait pire chose que de connaître ses inquiétudes, qu’il y avait celle de ne pas pouvoir les exprimer, de ne pas pouvoir les faire entendre à voix haute, de ne pas pouvoir les faire reconnaître. Mais leur histoire ne pouvait se limiter à leur officialisation. Leur histoire ne venait pas de commencer. Il n’y avait pas ces émotions dans la voix et ces hésitations dans le regard pour une histoire balbutiante. Il y avait cette complexité qui me donnait envie de la rassurer, qui me donnait envie de la contredire. Il y avait cette nervosité des débutants mélangée à l’assurance des couples les plus établis. Je pouvais les entendre parler l’un de l’autre, et en avoir le cœur serré. « C’est peut-être une bêtise. Il y a encore beaucoup de sujets qu’on a pas évoqué et je pense que Julian ne se rend pas encore compte de pas mal de choses. » Je me penchai légèrement en avant en entendant le début de sa phrase et repris après une seconde. « Alors tu sauras les lui dire. Il n’y a que toi qui puisses le faire. » Je pouvais me reconnaître dans ses craintes qui ne connaissaient pourtant pas les mêmes causes. Je pouvais me reconnaître dans cet idéal que l’on pouvait s’imaginer durant des années et que l’on ne savait plus comment appréhender le jour il acceptait finalement de se dessiner. Avoir peur de le vivre après l’avoir si longtemps guetté, avoir peur de ne pas être à la hauteur ou de l’avoir enfin entre ses mains et d’en devenir responsable. Ce n’était pas aussi simple que la manière dont je l’affirmais. Mais je faisais toujours ainsi. J’affirmais les choses pour les rendre possibles. « Je pense que cette demande est une manière pour lui de te faire comprendre qu’il est prêt à partager toutes ces choses avec toi, même celles qu’il pourrait encore ne pas connaître. » Je ne voulais pas parler au nom de Julian, je n’en avais de toute façon pas la prétention, Eugenia pouvait s’en rendre compte, et c’était uniquement pour cela que je me permettais ces mots sans crainte d’être démasquée. Je ne faisais que lui exprimer mes impressions. Il fallait avoir du courage pour s’aimer, celui que je n’avais pas toujours eu, mais qu’elle pouvait avoir. « Je ne connais pas tes craintes, Eugenia. » finis-je par reconnaître en plongeant mon regard dans le sien et un léger sourire désolé passa sur mon visage en même temps. Je ne pouvais que les imaginer, les imaginer conformes à celles qui la hantaient déjà des mois auparavant, conformes à celles qu’elles m’avaient confié. Mais j’ignorais si je pouvais encore être juste. J’ignorais si je pouvais lui apporter le réconfort qu’elle semblait rechercher et dont je voulais être digne, malgré toutes ces fautes que j’avais pu commettre à son égard. « Mais tu devrais avoir confiance en toi, confiance en vous. » rajoutai-je ensuite avec l’assurance que j’aurais voulu qu’elle ressente. Elle devait avoir confiance en elle, autant que j’avais pu lui faire confiance durant toutes ces années. Elle devait avoir confiance en elle car elle en avait toutes les raisons. J’avais essayé de la convaincre de cette réalité tout au long de notre amitié. Je pouvais m’imaginer, par bribes, que ce n’était pas encore réellement le cas. J’ignorais si je possédais encore ce droit, ce droit de vouloir le lui rappeler, ce droit d’oser le lui dire aujourd’hui alors que nous tentions seulement de nous retrouver. Mais ces mots me paraissaient importants et je ne les avais pas retenus. Je ne pouvais pas les retenir alors que je n’espérais qu’une chose, qu’elle décide qu’elle pouvait peut-être en faire de même.
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